Bonjour, chers collègues. En ce mardi 12 juin 2018, nous entamons la 104e réunion du Comité permanent des comptes public. Notre tâche aujourd’hui consiste à examiner le message du vérificateur général du Canada qui accompagnait son rapport du printemps 2018.
Je vous rappelle que notre réunion est télédiffusée et je vous invite à mettre votre téléphone sur le mode silencieux ou vibration, pour qu’il y ait moins de distractions.
Nous avons le plaisir d’accueillir cet après-midi M. Michael Wernick, greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet. Comme c’est peut-être la première fois que le vérificateur général accompagne son rapport d’un tel message, je vais, une fois n’est pas coutume, ouvrir cette séance en commençant par vous donner quelques explications sur les raisons pour lesquelles le Comité vous a demandé de venir nous rencontrer aujourd’hui, monsieur Wernick.
Notre principal souci n’est pas le dysfonctionnement du système de paie Phénix ni les piètres résultats des programmes pour les Autochtones, même si ce sont des dossiers extrêmement importants que le vérificateur général traite de façon approfondie dans son dernier rapport et que nous aurons l’occasion d’examiner au cours de nos réunions à venir. L’objectif de la rencontre d’aujourd’hui et du message du vérificateur général est de « mieux comprendre les problèmes généralisés de culture du gouvernement, et [de] les corriger ».
C’est une culture qui a engendré, au dire du vérificateur général, « une fonction publique docile qui craint les erreurs et les risques. Sa capacité à exprimer les vérités difficiles s’est amoindrie, et la volonté des cadres supérieurs de les entendre s’est aussi érodée. » C’est une culture qui, selon le vérificateur général, a provoqué et continuera de provoquer des échecs incompréhensibles. Notre comité espère sincèrement que la réunion d’aujourd’hui marque le début d’un processus de changement, pour que nous n’ayons plus jamais d’« échecs incompréhensibles », des échecs qui ont eu des effets catastrophiques sur un grand nombre de personnes, des échecs qui auraient pu être évités et qui peuvent l’être à l’avenir.
Nous vous souhaitons la bienvenue, monsieur Wernick, et je vous donne la parole sans plus tarder.
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Merci, monsieur le président.
Comme je n’ai pas préparé de déclaration, je vais me contenter, si vous le voulez bien, de faire quelques observations avant que nous passions aux questions.
Je dois vous dire d’emblée, pour que ce soit consigné au compte rendu, que lorsque j’ai reçu votre invitation, je l’ai acceptée dans l’heure qui a suivi. Je suis donc ravi d’être ici. Deuxièmement, je suis à votre disposition tant que vous aurez des questions à me poser. La dernière fois que j’ai comparu devant votre comité, j’étais sous-ministre de l’ancien ministère des Affaires autochtones, et je me souviens que j’ai témoigné pendant cinq heures réparties sur deux jours. Je crois que M. Christopherson était là. Je m’adresse à des collaborateurs derrière moi: j’ai comparu pendant cinq heures, et il n’y avait pas un seul journaliste, par conséquent je suis ravi d’avoir la possibilité de discuter avec vous en séance publique.
C’est la Semaine nationale de la fonction publique, et c’est donc une excellente occasion d’avoir une discussion avec vous et, par votre intermédiaire, avec les Canadiens au sujet de leur fonction publique.
Le premier message que j’aimerais faire passer, parce qu’il est très important, c’est que les Canadiens doivent avoir l’assurance qu’ils vivent dans une démocratie saine qui applique la règle de droit, et qu’ils sont servis par des institutions de gouvernance très solides — des tribunaux indépendants, des élections libres, un Parlement dynamique, des agents du Parlement, et une presse libre — et par une fonction publique non partisane et axée sur des valeurs, qui réussit particulièrement bien à seconder des gouvernements élus démocratiquement, à mettre en oeuvre leurs programmes et à offrir toute une gamme de services aux Canadiens.
J’estime que l’une de mes responsabilités consiste à entretenir un dialogue avec les Canadiens au sujet de leur fonction publique et à faire connaître les expériences des autres fonctionnaires qui ne peuvent pas se faire entendre. J’ai eu l’honneur de présenter trois rapports annuels au , au sujet de la situation de la fonction publique du Canada, ces trois rapports ont été déposés au Parlement, mais je n’ai jamais été invité par un comité parlementaire pour en discuter. Ces trois rapports ont été affichés sur le Web, et ils servent de base à des échanges avec les fonctionnaires et les autres Canadiens.
On ne me voit pas, mais je suis pourtant bien présent. J’ai un site Web. Je suis présent sur les médias sociaux, où vous pouvez me suivre. Vous pouvez aussi consulter la quarantaine de discours que j’ai prononcés devant toutes sortes d’auditoires. Je me suis efforcé d’exprimer avec clarté et franchise ce que je pense de la fonction publique, où nous en sommes et comment nous pouvons nous améliorer.
Je n’ai que quelques observations à faire, après quoi nous pourrons passer aux questions et à la discussion.
Ma première observation est que les Canadiens doivent être convaincus de l’excellence de leur fonction publique. Ce n’est pas seulement une opinion personnelle, et je vais vous en donner des preuves. La Banque mondiale, qui n’est pas une institution radicale, a classé 200 pays en fonction de l’efficacité de leur gouvernement, et le Canada se situe dans le 95e percentile, avec seulement quelques petits pays devant nous. Un groupe de réflexion et une école de commerce du Royaume-Uni ont établi un barème de 12 facteurs pour mesurer l’efficacité d’une fonction publique: le Canada s’est classé au premier rang l’an dernier. Le Global Government Forum a évalué tous les pays du G20 et tous les pays de l’Union européenne en fonction du nombre de femmes occupant des fonctions de direction et des postes dans la fonction publique. Le Canada s’est classé au premier rang. La World Wide Web Foundation, qui s’intéresse à Internet et aux nouvelles technologies, a classé 115 pays en fonction de la capacité de leurs gouvernements à dialoguer avec leurs citoyens sur les questions de données ouvertes: le Canada s’est classé deuxième, après le Royaume-Uni. Le magazine Forbes a fait la liste des meilleurs employeurs canadiens en 2018, et parmi eux, on trouve sept ministères fédéraux, dont deux grands ministères.
L’une des raisons de la vigueur de la fonction publique canadienne est l’existence d’un grand nombre de boucles de rétroaction sur ce que nous avons fait et sur ce que nous aurions pu et dû faire mieux, et votre comité en est assurément un maillon important. Je maintiens que notre culture nous permet de tirer des enseignements de nos erreurs, et que nous nous efforçons constamment de nous adapter aux changements et de nous améliorer.
L’autre raison de cette vigueur est que la haute direction de la fonction publique est extrêmement compétente et qu’elle s’appuie sur des valeurs fortes. Je maintiens que la haute direction de la fonction publique d’aujourd’hui est aussi compétente, sinon plus, que celles qui ont servi notre pays dans le passé, et je dirai même qu’elle l’est plus, parce que les choses sont de plus en plus complexes et de plus en plus difficiles.
Le deuxième message que je voudrais transmettre à un comité comme le vôtre, qui a autant de responsabilité et d’influence, c’est de vous inviter à la prudence lorsque vous formulerez des recommandations sur ce qu’il faut faire. Si vous posez un mauvais diagnostic et que vous prescrivez des remèdes et des interventions drastiques, vous risquez de provoquer des effets secondaires et des complications redoutables, susceptibles de tuer le malade. Il a fallu des générations de travail et d’efforts pour construire une fonction publique de réputation mondiale, que bon nombre de pays nous envient et veulent prendre en exemple. Il faut beaucoup de travail pour l’améliorer, mais elle peut aussi se détériorer très rapidement, en l’espace de quelques années, et il faudra alors peut-être une génération pour la remettre sur les rails. Je vous invite donc à bien peser les témoignages que vous avez entendus et ceux que vous allez entendre, et à consulter les Canadiens sur la façon dont on peut améliorer encore notre fonction publique pour pouvoir relever les défis de demain.
Je suis disposé à rester aussi longtemps que vous voudrez. Je m’y connais pas mal en matière de redevabilité des sous-ministres, la façon dont ils sont choisis, leur mandat et leur roulement. Je serai heureux de répondre aux questions qui porteront plus précisément sur ce qui nous motive et sur ce qui nous frustre dans nos activités quotidiennes, et j’ai des suggestions à vous faire sur les réformes structurelles qu’on pourrait envisager.
Ce que je pense du chapitre du vérificateur général... J’ai énormément de respect pour Michael. Nous nous sommes souvent rencontrés pour discuter de son rôle et du mien, et vous savez sans doute que nous nous sommes entendus pour qu’il ait encore plus facilement accès que jamais auparavant aux confidences du Cabinet, afin de mieux servir les parlementaires et les Canadiens. Lorsqu’il s’en tient à des vérifications méthodiques assorties de recommandations fermes sur ce qui peut et doit être fait, il rend un grand service à notre pays, mais le chapitre zéro est l’expression d’une opinion personnelle, ce qui ne me plaît guère, mais je suis prêt à en discuter. Le vérificateur général y fait des généralisations hâtives, qui ne sont pas étayées et qui ne vous aident pas vraiment à décider de ce qu’il faut faire.
Je ne pense pas non plus que le système de paie soit un échec incompréhensible. Au contraire, il est tout à fait compréhensible, on aurait pu l’éviter, on peut le corriger et en tirer toutes sortes d’enseignements pour améliorer la fonction publique.
[Français]
J'attends avec impatience votre réaction et vos questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Monsieur Wernick, je vous remercie de votre présence ici et de la promptitude avec laquelle vous avez accepté notre invitation. Je vous en suis vraiment reconnaissante.
[Traduction]
Puisque, comme vous l’avez dit, c’est la Semaine nationale de la fonction publique, j’aimerais féliciter la fonction publique du Canada de son excellent travail, au service des Canadiens. Il ne faut jamais oublier que le travail qu’elle fait est très important et que nous avons de la chance d’avoir une fonction publique aussi professionnelle et aussi dévouée.
Cela dit, vous avez donné le coup d’envoi à la discussion en disant que vous n’étiez pas d’accord avec les généralisations hâtives du vérificateur général dans son chapitre zéro, autrement dit dans son message. Notre comité — et c’était une réaction assez unanime — a été bouleversé de constater que son analyse de ce qui s’est passé, aussi bien avec le système de paie Phénix qu’avec les services aux communautés Premières Nations, métisses et inuites, est assez représentative des dysfonctionnements qui se sont produits, malgré tous les contrepoids qui existent dans notre système. Ces contrepoids existent, alors comment cela a-t-il pu arriver?
Puisque vous dites avoir des idées là-dessus, comment pensez-vous qu’on aurait pu éviter ce genre de choses? Qu’est-ce qu’on n’a pas fait qui aurait pu être fait pour éviter ce fiasco?
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Je vous remercie de votre question.
[Traduction]
Il y a plusieurs choses à prendre en considération, mais je vais essayer d’être bref.
Je ne comprends pas très bien la comparaison avec la politique autochtone, d’autant plus que j’ai travaillé dans ce secteur. La situation des peuples autochtones du Canada est le résultat de plusieurs générations de politiques publiques, de lois et d’autres facteurs. Il existe toutes sortes de théories pour expliquer comment on en est arrivé là, et des opinions tout à fait différentes sur ce qu’il faudrait faire. C’est un véritable fiasco politique, et il va être difficile de s’en sortir.
Certains d’entre vous se souviennent sans doute que le prédécesseur du vérificateur général du Canada, Mme Fraser, avait publié un message personnel, autrement dit un chapitre zéro, au printemps 2009, qui contenait des observations très intéressantes sur la politique autochtone. Je vous le recommande. Il proposait quatre recommandations très précises pour améliorer les programmes destinés aux Premières Nations. J’avais trouvé que la vérificatrice générale apportait ainsi une solide contribution au débat public, et c’est d’ailleurs un document dont je me suis beaucoup inspiré pour conseiller les ministres du ministère des Affaires autochtones. Je pourrais vous en dire davantage là-dessus, mais ça risque d’être long, car c’est un sujet très vaste.
Vous pouvez continuer à essayer de comprendre ce qui s’est passé avec le système de paie, mais à mon avis, tout cela est compréhensible, et les explications se trouvent toutes dans les deux rapports du vérificateur général du Canada, dans le rapport Goss Gilroy et dans le rapport Gartner.
Je ne veux pas lui faire dire ce qui n’a pas dit, mais je pense, comme il semble le laisser entendre, qu’il n’y a pas qu’un seul coupable ou qu’une seule explication. Il y a des gens qui voudraient pouvoir blâmer deux ou trois personnes ou pointer du doigt une seule explication, mais personnellement, je pense que c’était un cocktail explosif, qu’il y a eu une convergence de toutes sortes de facteurs, que le vérificateur général du Canada, explique clairement dans les deux chapitres.
Vous pouvez fort bien poursuivre ce genre d’enquête. Un grand nombre de fonctionnaires ont comparu devant votre comité, devant le Comité des opérations gouvernementales et devant le Comité sénatorial des finances. Il est parfaitement légitime que vous cherchiez à savoir le pourquoi et le comment de ce qui s’est passé. Mais cela ne nous aide pas beaucoup à régler le plus urgent, c’est-à-dire stabiliser le système pour que les gens soient payés à temps et correctement. Cela ne nous aide pas beaucoup non plus à déterminer ce qu’il faut faire, à part les recommandations que le vérificateur général et le rapport Goss Gilroy proposent sur ce sujet précis et qui sont à mon avis d’excellentes leçons en gestion de projets.
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Merci, monsieur le président.
Tout d’abord, je tiens à vous remercier de comparaître devant notre comité. Je suis content de vous revoir.
Je voudrais réitérer ce que vous avez dit au sujet de l’excellence de notre fonction publique. J’ai servi les trois paliers de gouvernement et je dis toujours, depuis près de 30 ans, que nous avons beaucoup de chance. J’ai commencé par le niveau municipal, et ensuite j’ai travaillé au niveau provincial puis au niveau fédéral. Nous avons beaucoup de chance d’avoir des citoyens qui se consacrent corps et âme au bien de notre pays. Je le dis sincèrement, nous avons beaucoup de chance. Je le dis partout où je vais, au Canada comme à l’étranger, et je le pense sincèrement. Quand il y a des problèmes, bien souvent, ce ne sont pas ces gens-là qui sont les coupables, mais plutôt les systèmes et les procédures que nous et la haute fonction publique leur imposons. Je pense qu’il est important de commencer par reconnaître que nous avons de la chance d’avoir des gens aussi compétents qui choisissent de travailler dans notre fonction publique, aux trois paliers de gouvernement.
Deuxièmement, je sais que je pinaille, mais je ne peux pas m’en empêcher. Vous dites que vous avez récemment offert de nouvelles informations au vérificateur général, laissant entendre que vous les lui aviez offertes spontanément. Étant donné que la loi fédérale dispose, sans aucune ambiguïté, que le vérificateur général a le droit d’exiger tous les renseignements qu’il ou elle veut, cela me fait penser aux grandes entreprises qui font miroiter à leurs nouveaux employés tous les avantages auxquels ils vont avoir droit, sans mentionner bien sûr que c’est grâce au syndicat qui s’est battu et qui a même fait la grève pour obtenir ces droits. Ces entreprises s’en attribuent toujours le crédit en disant « voilà tous les magnifiques avantages que nous vous donnons ». Je tiens simplement à mentionner que s’il y a quelqu’un qui donne quelque chose, c’est bien le vérificateur général, surtout lorsqu’il s’agit des subtilités du processus décisionnel au niveau du Cabinet, mais au bout du compte, la loi dispose que le vérificateur général a le droit d’avoir accès à toutes les informations dont il a besoin.
Entrons maintenant dans le vif du sujet. J’espérais vraiment que ça ne se produirait pas. Mais ce que vous avez dit aujourd’hui, monsieur, c’est comme si mon pire cauchemar se réalisait, depuis que j’ai lu le message du vérificateur général. Quand j’ai lu ça, les bras m’en sont tombés, et je pense qu’un grand nombre de mes collègues ont réagi de la même façon. C’est incroyable! Et c’est tout à fait le contraire de ce que vous dites, monsieur Wernick. Vous dites que c’est un phénomène isolé, mais le vérificateur général, qui est le meilleur ami des contribuables sur la Colline parlementaire, dit dans son message — et ce n’est pas seulement un chapitre, mais bien un message officiel — que nous avons affaire à un énorme problème au niveau de la culture de l’organisation.
Par conséquent, après avoir écouté ce que vous avez dit aujourd’hui, avec tout le respect que je vous dois, je me dis de deux choses l’une: soit nous avons un greffier du Conseil privé qui fait l’autruche et qui est en déni complet des problèmes de culture que nous avons, soit nous avons un vérificateur général qui est complètement à côté de la plaque. Et il n’y a guère de position intermédiaire entre les deux.
Ce que vous avez dit aujourd’hui, monsieur Wernick, est pratiquement le contraire de ce que dit le vérificateur général au sujet du problème, de ses manifestations et de ses solutions.
Qu’est-ce qu’on fait maintenant? Je croyais que le greffier du Conseil privé allait venir nous dire: « Nous sommes d’accord. Nous comprenons que vous accordez beaucoup d’importance à ce problème, et nous voulons faire partie de la solution, tous ensemble. » J’avais même essayé de voir de quelle façon nous pourrions nous y prendre, car c’est quelque chose de tout à fait nouveau. Même s’il y a un côté excitant, c’est quand même très grave. Nous n’avons jamais fait cela auparavant, pas depuis que je suis là, alors je me suis demandé comment nous allions nous y prendre.
Et puis, au lieu de tout ça, c’est la douche froide, en-dessous de zéro — à ce propos, ne parlez pas d’un chapitre zéro du rapport du vérificateur général, je vous en prie. Nous sommes dans une situation catastrophique, nous dit le vérificateur général, dont le seul mandat — et n’oubliez pas que c’est un agent du Parlement — est de s’assurer que l’argent des contribuables est dépensé à bon escient et que ces derniers ont les services qu’ils méritent et auxquels ils ont droit. Et d’un autre côté, nous avons le greffier du Conseil privé qui vient nous dire, en substance, que « non, non, non, ce n’est pas un gros problème, ce n’est pas si grave que ça. Je ne suis pas d’accord avec le vérificateur général. Ce n’est qu’un problème isolé. Nous allons le régler. »
Monsieur le président, je pense que nous en sommes loin. Et tout ce que je peux vous dire, c’est que dans un très proche avenir, notre comité va devoir prendre une décision. Est-ce que nous pensons que le vérificateur général est à côté de la plaque, ou est-ce que nous pensons que nous faisons face à un énorme problème qui est encore plus difficile à régler parce que les hauts fonctionnaires ne reconnaissent même pas qu’il y a un problème?
C’est vrai que, comme dans toute chose, il y a sans doute un juste milieu. Les gens savent ce que je pense du vérificateur général et ce que je vais dire quand nous discutons, en privé ou en public, mais j’essaie d’être juste, et je suis ouvert. Certes, je suis en colère, mais je suis ouvert quant à la façon de procéder.
Il me semble, monsieur le président, que nous allons tôt ou tard devoir décider, entre ces deux positions extrêmes, laquelle est la nôtre, car elles sont inconciliables. Est-ce que nous appuyons le vérificateur général ou est-ce que nous appuyons le greffier du Conseil privé? Tant que nous n’aurons pas pris notre décision, nous ne pourrons pas décider de ce que nous allons faire, car si l’on fait confiance à l’un, on choisit une voie, et si l’on fait confiance à l’autre, on choisit l’autre voie. Sinon, le Comité risque de tirer à hue et à dia et d’être complètement inefficace, et de se voir reprocher de ne pas avoir fait son travail et de laisser notre culture partir en déliquescence.
Voilà ce que je pense, monsieur le président. J’en resterai là pour écouter ce que mes chers collègues en pensent.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Wernick, je vous remercie d'être avec nous cet après-midi. Nous sommes heureux de votre présence ici. C'est important que nous vous entendions. Comme ma collègue Mme Mendès l'a mentionné, nous sommes heureux que vous ayez accepté rapidement notre invitation.
D'abord, j'aimerais réagir à ce qu'a dit notre collègue M. Christopherson. Mes collègues savent que j'ai passé près de 17 ans dans différents ministères de la fonction publique fédérale. Je peux donc moi-même témoigner que de nombreux fonctionnaires travaillent excessivement fort, sont engagés et déterminés et offrent des services importants à la population de partout au Canada. Il y a une foule d'exemples de succès dans la fonction publique.
Je pense, entre autres, au Centre des pensions de la fonction publique, à Shediac, qui a procédé avec succès à une importante modernisation au cours des dernières années.
Je pense aussi au plus grand centre d'imagerie documentaire, le Centre de développement et de recherche en imagerie numérique, situé à Matane. Ce dernier a justement été développé par des fonctionnaires engagés qui sont là pour servir les Canadiens et les autres ministères.
Je pense aussi aux 40 000 réfugiés syriens que nous avons accueillis récemment grâce à un ministère et à des fonctionnaires qui ont été en mesure de « se revirer sur un 10 cennes », comme on dit en français québécois, et de remplir le mandat important qu'on leur avait confié.
Cela étant dit, je suis aussi tombé à la renverse lorsque j'ai pris connaissance du rapport du vérificateur général et du message qu'il nous a lancé. Cet important message nous a ébranlés et a ébranlé la fonction publique et ses cadres. Je dirais même qu'il les a choqués. Le vérificateur général n'est pas le seul à mentionner qu'il y a des problèmes. Évidemment, tout n'est pas blanc ou noir. Il existe quelque chose entre les deux. Il est évident qu'il y a des problèmes dans la fonction publique. Vous l'avez dit, avec plus de 260 000 fonctionnaires, c'est certain que tout n'est pas parfait.
Je voudrais simplement souligner ceci. Récemment, je lisais un texte de Donald Savoie, que vous connaissez sans doute très bien. Il était aussi assez cru. J'aimerais entendre vos commentaires sur ses propos. Je vais les lire en anglais, parce que le texte est en anglais:
[Traduction]
[...] La fonction publique est aujourd’hui tellement asphyxiée par les règlements, les mécanismes de surveillance et un [centre] de contrôle omniprésent qu’elle a « perdu ses repères » et sa capacité de gérer […] « elle a appris l’art de déléguer vers le haut, jusqu’au Bureau du premier ministre et au Bureau du Conseil privé », plutôt que de déléguer vers le bas, aux fonctionnaires de première ligne, comme c’était le cas dans les années 1970 et 1980, pour que les choses se fassent.
[Français]
J'aimerais donc entendre vos commentaires sur les façons que nous avons d'aborder certains problèmes de la fonction publique et sur les pistes de solutions potentielles. Comme je le disais, tout n'est pas blanc ou noir. Il y a quelque chose entre les deux.
Vous avez rédigé un rapport annuel, qui était, somme toute, très positif. Toutefois, je sais que vous êtes en mesure d'observer des problèmes qui méritent d'être améliorés et j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.
:
Je vous remercie de votre question.
Je ne dis pas que la fonction publique est parfaite et qu'elle ne commet pas d'erreurs, voire des erreurs graves, de temps en temps. Elle a été créé par des êtres humains et elle est gérée par des êtres humains. En outre, ses services sont dispensés par des êtres humains. Il y a donc des erreurs. Cela dit, nous avons une culture d'apprentissage et de rétroaction très importante. Je vous invite à consulter le graphique que j'ai remis au greffier.
[Traduction]
La haute fonction publique est soumise à un grand nombre de mécanismes de surveillance, de reddition de comptes et de rétroaction, qui ont tous une connotation négative: ce qui n’a pas été bien fait, et ce qui aurait pu être mieux fait. Pour les fonctionnaires, il n’y a pratiquement pas de rétroaction positive, à part le salaire, les primes de rendement et les promotions. À mon avis, il faudrait revoir en profondeur toute la structure des incitatifs, car c’est ça qui motive les êtres humains. La culture est imprégnée d’incitatifs et de mesures dissuasives. Il est possible de créer un système qui récompense l’innovation et la créativité, ou au contraire, qui les étouffe. C’est un vaste sujet, et je serais ravi d’en parler plus longuement avec vous.
Mon rapport annuel est d’autant plus important que c’est l’une des rares occasions de parler des succès et des réalisations. Jamais un comité parlementaire ne m’a invité à venir parler des trois rapports annuels que j’ai présentés au sujet de la situation de la fonction publique. On ne m’a jamais interrogé au sujet du Salon de l’innovation, qui permet de mettre en exergue des exemples où les gens ont été laissés libres de faire preuve de créativité. On ne m’a jamais interrogé sur le programme des « prix et défis », qui permet d’élaborer des solutions en collaboration avec des partenaires extérieurs. Je pourrais continuer encore pendant longtemps, mais c’est un fait qu’en qualité de parlementaires, vous vous intéressez davantage, à juste titre, aux rapports de la demi-douzaine d’institutions qui ont pour rôle d’examiner de près certains dossiers bien précis et à dire ce qui aurait pu ou aurait dû être mieux fait.
Je ne m’en plains pas. Je pense que c’est ce qui explique que nous soyons aussi compétents.
Je vais maintenant répondre à la question de M. Christopherson. Soit dit en passant, c’est le vérificateur général lui-même qui intitule son message personnel « chapitre zéro ». Quand on fait des généralisations hâtives sur la culture de 300 organisations différentes et de tous leurs bureaux répartis dans 10 provinces, 3 territoires et 100 pays, j’estime qu’il n’y a aucune de ces généralisations qui tienne, et j’en veux pour preuve les trois rapports annuels que j’ai présentés et qui sont remplis d’exemples de superbes réalisations de fonctionnaires. J’en veux pour preuve également les six indicateurs de succès. Si vous voulez poser la question à quelqu’un qui connaît bien les organisations, je vous conseille d’inviter à comparaître devant votre comité le directeur général associé de McKinsey, qui a analysé toutes les grandes entreprises parmi les plus performantes du monde entier. C’est un Canadien, il s’appelle Dominic Barton. Il a travaillé pour Stephen Harper en tant que membre du comité consultatif sur la fonction publique, et il a travaillé pour le premier ministre Trudeau en tant que président du Conseil consultatif en matière de croissance économique. Demandez-lui ce qu’il pense de la fonction publique du Canada.
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Wernick. Je suis ravie de vous voir. Si je regarde tous ceux qui sont assis autour de cette table, je constate que je suis sans doute la seule à avoir eu l’occasion de travailler avec vous, au Cabinet, et c’est peut-être pour cela que je vais me placer dans une perspective différente.
Je suis contente que vous ayez parlé de vos discours, car j’ai justement pris connaissance de celui que vous avez prononcé devant les sous-ministres adjoints le 11 avril dernier. Vous y parlez de l’avenir, et ça se comprend. Nous savons ce qui s’est passé, mais maintenant, il faut savoir ce que nous allons faire à propos du système de paie.
Vous dites qu’il va falloir faire le point sur les technologies perturbatrices, repenser la technologie, la gestion de projets et les marchés publics, et appliquer tout cela à un système de paie qui fonctionne. Ce sera l’un des projets phares des prochaines années.
À mon avis, cela signifie que nous devons absolument comprendre ce qui s’est passé avec le système de paie, surtout à la toute fin du processus décisionnel, quand le système a été mis en oeuvre.
Le vérificateur général a dit qu’il avait rédigé son message en partie pour explorer les causes de ces échecs. Il y en a une dont on ne parle pas dans le rapport et dont j’aimerais discuter avec vous, puisque nous avons tous les deux l’expérience des réunions du Cabinet.
Monsieur Wernick, d’après mes informations, vous êtes devenu greffier du Conseil privé le 20 janvier.
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Vous étiez donc déjà greffier lorsque le système de paie Phénix a été mis en oeuvre, le 24 février 2016, n’est-ce pas?
Monsieur Wernick, vous avez dû participer à des réunions du Cabinet. Vous avez dû vous rendre à des petits-déjeuners de sous-ministres. Vous avez dû assister à des comités qui étaient chargés d’exercer une surveillance. Vous étiez bel et bien là, et vous étiez le maillon entre vos sous-ministres, d’un côté, et le Cabinet et le premier ministre, de l’autre. Comme l’indique votre site Web, vous êtes non seulement le chef de la fonction publique fédérale, mais aussi le secrétaire du Cabinet et le sous-ministre du premier ministre.
Étant donné tout ce que dit le vérificateur général à propos des faits tels qu’ils se sont déroulés, j’aimerais savoir si, à un moment donné, vous avez informé le Cabinet ou le premier ministre des difficultés que risquait de poser la décision de mettre en oeuvre le système Phénix?
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C'est un grand sujet. Je peux vous présenter de brefs commentaires et je serais heureux de revenir sur ce sujet si vous le souhaitez. Les grands projets de TI sont associés à de gros risques dans le secteur privé, dans les universités et ailleurs. Ce sont des choses difficiles. « Les choses difficiles sont difficiles », comme ils disent.
Le gouvernement actuel a essayé d'appliquer immédiatement les leçons du rapport Goss Gilroy et de faire progresser les choses. La loi d'exécution du budget, qui va être adoptée d'ici quelques jours, attribue des pouvoirs supplémentaires au dirigeant principal de l'information du Conseil du Trésor; celui-ci pourra donner désormais des directives aux ministères, imposer des normes et son rôle sera actif au lieu d'être simplement consultatif. Cela me paraît un changement très positif.
Nous avons créé, avec des fonds provenant du dernier budget, le Service numérique canadien. Le ministre est un ardent partisan du passage aux services numériques et je pourrais vous dire beaucoup de choses sur les progrès que nous avons réalisés dans ce domaine.
Je pourrais dire au sujet du cas Phénix que je souscris tout à fait au premier rapport du vérificateur général: la remise à plat du système n'est pas une option. Il faut aller de l'avant. Si nous ne nous attaquons pas à la complexité sous-jacente du système de classification avec ses milliers de listes de paie et que nous revenions tout simplement aux mêmes vendeurs, nous obtiendrons le même résultat.
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Je suis heureux que vous ayez mentionné cet aspect parce que cela m'amène à ma question suivante.
Le directeur parlementaire du budget a rendu public l'année dernière un rapport sur les coûts des navires de combat de surface qui est d'environ 60 milliards de dollars. Il possédait, aux termes de la loi parlementaire, un droit d'accès aux demandes de proposition et aux coûts établis, mais les bureaucrates lui ont refusé l'accès à cette information, au point où il a dû se rendre aux États-Unis pour avoir accès aux coûts américains et faire ensuite des extrapolations. Nous avons soulevé cette question à de très nombreuses reprises.
Encore une fois, nous nous trouvons peut-être dans une situation, celle du cas Phénix, où un bureaucrate écarte les règles, empêche le directeur du budget d'effectuer correctement une étude sur ce qui pourrait devenir un projet de 80 milliards de dollars. Est-ce là quelque chose qui vous inquiète? Auparavant, dans le cas Phénix, il y a eu des bureaucrates qui ont empêché l'information d'arriver aux ministres; maintenant, ils font la même chose avec le directeur du budget.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens également à mentionner que c'est la Semaine nationale de la fonction publique. En fait, je partage le sentiment qui a été exprimé autour de la table aujourd'hui et je sais que notre fonction publique fait un travail extraordinaire. Il est bien évident que nous sommes ici pour trouver les façons de l'améliorer.
J'ai entendu M. Wernick critiquer le chapitre zéro du vérificateur général du Canada, plus précisément en refusant de souscrire aux « grandes généralisations », comme il dit.
J'ai lu le chapitre zéro et essayé de me concentrer sur la façon dont le vérificateur général du Canada, a expliqué les échecs incompréhensibles. Il a déclaré qu'il avait réussi à savoir ce qui s'était produit, à savoir comment cela s'était produit, mais que sa vérification ne pouvait pas expliquer pourquoi cela s'était produit.
Il a parlé de culture. Plus précisément il écrit « On entend souvent parler de culture organisationnelle, mais il s'agit d'une notion qui est difficile à cerner ou à évaluer, il faut donc plutôt la décrire ». Il poursuit: « Je veux qu'on comprenne bien que le gouvernement actuel n'a pas créé cette culture — il en a hérité —, mais il a aujourd'hui la possibilité de la réorienter de façon positive ».
Monsieur Wernick, vous avez parlé du fait qu'il faudrait réformer en profondeur la structure de la fonction publique. Pourriez-vous préciser et expliquer ce que vous entendez par-là?
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Merci, monsieur le président.
Je suis heureux de voir que vous avez eu la possibilité de répondre. Il ne s'agit pas de condamner qui que ce soit; l'idée est d'avoir la possibilité d'échanger des idées.
Puisque nous sommes en train de nous chamailler sur des détails, j'aimerais dire, pour parler de cette décision judiciaire, que jamais un vérificateur général n'a demandé de documents confidentiels du Cabinet. Son bureau ne s'intéresse aucunement à ce que la fonction publique recommande au Cabinet. Cela n'est pas dans ses attributions. Ce n'est pas ce qu'elle fait. Cela ne l'intéresse pas. Le problème vient du fait que l'information à laquelle le vérificateur général doit avoir accès, comme la question de savoir si le personnel a pris les mesures appropriées pour veiller à ce que le ministre soit informé et présente un avis éclairé au Cabinet, a souvent été qualifiée de confidentielle par les différents gouvernements qui ne voulaient pas publier l'information, de sorte qu'on en arrive à ces luttes de pouvoir. Pour ce qui est des renseignements bruts que souhaite obtenir le vérificateur général, il a le droit de les obtenir, mais il ne veut pas aborder les aspects politiques et il essaie autant que possible de ne pas s'en mêler.
Deuxièmement, au sujet du chapitre zéro, il semble que j'ai commis une erreur. Je l'avoue et je vous demande de m'en excuser. Cela prouve également que Michael n'est pas un politicien.
J'aimerais maintenant aborder quelques commentaires pour confirmer ce que j'ai dit précédemment et appuyer ma conclusion au sujet de ce que nous sommes en train de faire ou de ne pas faire. Ce passage est tiré du rapport:
Comme je l’ai dit plus haut, au bout du compte, la culture du gouvernement doit changer. Je n’ai pas le mode d’emploi pour corriger une culture défaillante. Je sais cependant qu’il faut, dans un premier temps, la décrire. C’est ce que j’ai tenté de faire ici, même si le tableau est peut-être incomplet. Dans un deuxième temps, il faut admettre que la culture pose un problème véritable et qu’il faut le corriger de toute urgence. Il appartient au gouvernement et à la fonction publique de trouver comment le corriger. Il y a une toutefois une lueur d’espoir au tableau. Si la culture est certainement problématique, le dernier sondage mené auprès des fonctionnaires indique que le fonctionnaire moyen souhaite un changement et veut travailler dans un milieu de travail qui se préoccupe de produire des résultats pour les citoyens.
Ensuite, la raison pour laquelle je suis déçu de la direction qu'a prise notre discussion aujourd'hui est que nous avons la possibilité d'étudier ce document, sans l'utiliser comme une arme ou pour marquer des points en politique. Le vérificateur général a déclaré que cela durait depuis des dizaines d'années, que ce n'était pas à cause du gouvernement Harper et qu'il ne servait à rien de le critiquer et de l'accabler davantage, que ce n'était pas non plus à cause du gouvernement actuel au point où nous devons tout faire pour évincer le actuel et le remplacer aux prochaines élections. Le vérificateur général affirme que cela dure depuis des dizaines d'années et que, si nous voulons trouver des coupables, il faut reconnaître que nous sommes tous coupables. Je suis membre d'un parti qui n'a jamais été au pouvoir, mais je peux vous dire que je ne cherche pas à savoir qui est coupable. C'est ce que nous faisons à la Chambre des communes pendant la période des questions et dans beaucoup d'autres endroits, mais pas ici, chers collègues.
J'aimerais citer un autre passage du rapport du vérificateur général, puisque, encore une fois, le greffier n'est pas du même avis que le vérificateur général.
Le vérificateur général déclare: « Je ne cherche pas à distribuer de blâme politique. Selon moi, les deux gouvernements ont chacun eu la possibilité d’intervenir à différents moments pour prévenir l’échec incompréhensible qu’est devenu Phénix. »
Permettez-moi simplement de vous dire que cela est pour nous une chance incomparable. Personne ne dit qu'il s'agit de partisanerie politique. Il s'agit de culture. Quelle chance nous avons. Il n'est pas nécessaire de réagir de façon défensive, chers collègues.
Il poursuit, « Un examen ordinaire des leçons apprises n’empêchera pas d’autres échecs incompréhensibles de se produire. Phénix marque un moment déterminant — en fait une sonnette d’alarme — qui va bien au-delà des leçons apprises. Cet échec doit nous inciter à mieux comprendre les problèmes généralisés de culture du gouvernement, et à les corriger. »
Il continue: « Dans les paragraphes qui suivent, je donne ma description de la culture du gouvernement fédéral — une culture qui s’est précisée au fil de décennies. Je veux qu’on comprenne bien que le gouvernement actuel n’a pas créé cette culture. Il en a hérité. Cependant, il a aujourd’hui la possibilité de la réorienter de façon positive. »
La dernière chose que j'aimerais dire, monsieur le président — je vous demande d'être indulgent, 30 secondes — est qu'il faut que les médias traditionnels et les médias sociaux s'emparent de cette question et lancent un débat à ce sujet. Je sais que Phénix a constamment fait les manchettes. C'est facile, c'est de la politique et c'est excitant, et je comprends tout cela, mais il s'agit de savoir ce qui est à l'origine de Phénix, ce qui en est la cause. Si nous ne concentrons pas notre réflexion là-dessus, cela ne s'arrêtera jamais et finalement, cette question sera mise de côté. Voilà où nous en sommes. Nous allons en faire une question qui nous tient à coeur ou... Je crois que nous avons besoin de sentir des pressions de l'extérieur, de quelqu'un dans les médias, de ceux qui ont accès à l'information, qui vont s'intéresser à ce sujet et dire « Hé, attention, c'est une grave question. Je vous invite à utiliser cette possibilité unique pour la régler, sans blâmer les hommes politiques. »
C'est à nous de faire preuve de leadership sur cette question.
Monsieur le président, je vous remercie pour votre indulgence.
Sur ce point, je vais invoquer la prérogative que possède le président et dire qu'à cause de cette réunion, nos bureaux ont tout à coup reçu des lettres provenant de membres de la fonction publique. Celle-ci m'a été envoyée avant la comparution de M. Wernick devant le Comité aujourd'hui: « J'aimerais vous transmettre quelques idées sur la culture de la fonction publique qui ont pu entraîner le désastre que constitue Phénix. »
Il mentionne qu'il a travaillé dans tel ministère, depuis pas mal d'années. Je ne vous dirai pas le nombre d'années ni l'endroit où il travaille.
Il poursuit: « J'ai eu le plaisir de conseiller le sous-ministre pendant un an. Pendant la période où j'ai exercé cette fonction, j'ai été profondément déçu de voir comment étaient fixées les priorités — en bref, la seule question était de savoir si la priorité était conforme aux engagements contenus dans la lettre de mandat du ministre. »
Il poursuit et mentionne d'autres aspects: « Ayant connu de près toutes ces choses, je n'ai pas du tout été surpris par ce que j'ai lu dans le rapport du vérificateur général. Si les députés veulent vraiment réparer la culture qui règne au sein de la fonction publique, ils pourraient commencer par demander des comptes aux responsables de la catastrophe Phénix. Dans la situation actuelle, personne n'est tenu responsable des erreurs commises. On affecte simplement les gens à d'autres postes. »
Cela fait partie de la culture. Je pense que le vérificateur général a également mentionné qu'il y avait des sous-ministres qui occupaient un poste pendant un an ou deux avant d'être affectés à un autre ministère. Je crois que c'est un aspect du problème, tel qu'il le perçoit.
Le vérificateur général dit: « Dans cette culture, pour un fonctionnaire, il est souvent préférable de ne rien faire plutôt que d’agir puis d’échouer. »
La peur du risque: cela fait-il partie de la culture? Il y a des fonctionnaires qui nous écrivent pour nous dire qu'il faut modifier cette culture.
Lisa... Madame Raitt; excusez-moi.
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Vous pouvez m'appeler Lisa, monsieur le président. Je ne m'en formaliserai pas.
Pour revenir sur ce que M. Christopherson et le président disaient, s'il s'agissait d'un incident isolé où seul le vérificateur général souligne le problème de la culture, je pourrais accepter le fait qu'il n'y a pas de preuve, mais nous avons une autre personne, le commissaire à l'intégrité du secteur public, M. Joe Friday, qui a témoigné il y a un peu plus d'une année devant le Comité des opérations gouvernementales. Il a déclaré « qu’il ne peut y avoir un système de dénonciation efficace sans un changement de culture: la dénonciation de possibles actes répréhensibles doit faire partie de la culture du secteur public et être encouragée et traitée dans un environnement exempt de toute crainte de représailles ».
Autrement dit, il a attiré l'attention l'an dernier, monsieur Wernick, sur le fait que les fonctionnaires canadiens ne signaleront jamais de façon systématique des actes répréhensibles commis dans l'administration fédérale tant qu'on ne sera pas venu à bout d'une culture de l'angoisse profondément enracinée relativement aux dénonciations. C'est le point de départ. Je ne sais pas si le vérificateur général ne s'avance pas trop lorsqu'il évoque le sujet à propos du processus décisionnel qui entoure le système Phénix.
Cela dit, je sais que vous avez inscrit la santé mentale dans les lettres de mandat de vos sous-ministres, ce que je trouve louable. Je trouve très bien qu'on doive veiller sur ses employés dans son propre ministère. Je me demande si vous aurez la latitude de traiter un problème qui est évident pour des gens qui surveillent le secteur public, mais peut-être pas accepté comme tel aux niveaux supérieurs auxquels vous travaillez.
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Oui. Je vous renvoie à mon rapport et à toutes mes interventions sur le sujet. Nous devons absolument faire bouger les choses en ce qui concerne la culture. Je recommanderais au Comité d'examiner la structure des mesures d'encouragement et de dissuasion dans laquelle les fonctionnaires évoluent.
Je reviens à mes observations préliminaires. Si le diagnostic est erroné, on prescrira des remèdes qui risquent de causer de lourds dégâts.
Vous avez mentionné, monsieur le président, un roulement rapide des sous-ministres. Les faits montrent le contraire. J'ai des données qui le prouvent. Le vérificateur général a laissé une impression qui est, en fait, erronée et qu'on peut corriger avec ces données. On mesure la durée du mandat des sous-ministres au nombre d'années où ils ont occupé le poste du début à la fin. Si on prend les 33 sous-ministres sur lesquels j'ai une influence, et leurs trois derniers mandats — c'est-à-dire pas le tableau de ceux en poste actuellement et dont le mandat court encore —, on obtient 99 mandats de sous-ministre. Trente-trois sont allés au bout de leur mandat, et trois... Quarante-neuf ont été en poste plus de trois ans, ce qui est le point de référence proposé par le Comité dans de précédents rapports. Vingt-sept ont occupé leurs fonctions pendant plus de quatre ans et 16, pendant plus de cinq ans. La médiane et la moyenne sont toutes deux supérieures à trois ans. Par conséquent, nous n'avons pas, selon moi, un problème généralisé de roulement des sous-ministres.
Ils ont, en moyenne, une expérience cumulée d'une vingtaine d'années à un poste de direction sous une forme ou une autre. Je m'efforce d'attirer d'autres compétences et talents. J'ai engagé deux secrétaires de cabinets provinciaux. Nous comptons le chef d'état-major de la Défense parmi les sous-ministres, ainsi que des personnes qui dirigeaient des entreprises dans le secteur privé et qui étaient à la tête de groupes de réflexion. Nous essayons constamment d'améliorer l'encadrement de la fonction publique.
Les agents du Parlement ont leur rôle et leur opinion, mais ce sont des observateurs extérieurs. Ce que les Canadiens doivent comprendre, c'est que tout cela a été conçu pour faire en sorte que le Canada soit bien gouverné. Bref, il n'y a pas place dans la fonction publique canadienne pour le népotisme, la corruption et la partialité. Des erreurs se produisent et il y a des exceptions à la règle, mais elles sont repérées et corrigées.
Il est important de nos jours que les Canadiens aient confiance dans leurs institutions publiques, que j'entends améliorer au fur et à mesure.
Nous avons maintenant une enquête annuelle. Les lettres et les courriels de nos concitoyens constituent une boucle de rétroaction importante, et je le comprends, mais ils viennent des gens qui ont des motifs de vous écrire. Nous avons donc décidé de passer à une enquête annuelle détaillée. Les résultats, qui ne sont pas tous flatteurs, figurent dans mon rapport annuel, qu'on peut consulter sur Internet.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur le président, j'ai vécu et travaillé dans plusieurs pays et force est de reconnaître que nous avons une des meilleures fonctions publiques du monde. Je sais qu'il n'y a pas de corruption. Les fonctionnaires canadiens sont très qualifiés et, comme M. Wernick le mentionnait, il arrive des erreurs quand on a 270 000 employés et 6 400 cadres supérieurs. Il arrive des erreurs, mais si des mesures correctives doivent être prises, elles le sont.
Monsieur Wernick, j'ai une question sur le processus décisionnel. Quelles décisions prend-on et à quel niveau? Dans le cas de Phénix, on a demandé à IBM de créer le système et de le mettre en place. En 2012, IBM a annoncé que Phénix coûterait 274 millions de dollars à construire et mettre en oeuvre, mais le Conseil du Trésor n'avait approuvé que 155 millions en 2009. Si on me le demande, les problèmes de Phénix remontent à un seul grand facteur, qui est le suivant: IBM avait besoin de 274 millions de dollars, mais on ne disposait que d'un budget de 155 millions. Cela n'a pas empêché de donner le feu vert sans changer le budget.
J'aimerais savoir à quel niveau la décision a été prise. Est-ce à la direction de Phénix ou au niveau du sous-ministre adjoint ou encore du sous-ministre? À quel niveau a-t-on décidé de poursuivre avec ce faible budget?
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Oui. Pour que les choses soient bien claires, en ce qui concerne la gouvernance — et je ne veux pas m'y arrêter trop longtemps —, je n'ai aucun pouvoir exécutif qui me permette de dire à un sous-ministre ou à un fonctionnaire, en dehors du Bureau du Conseil privé, quoi faire.
Je recommande effectivement au des promotions, une mobilité et une rémunération au rendement, et je peux le faire moi-même dans le cadre d'un cycle annuel d'ententes sur ce que sont les objectifs des intéressés. Nous examinons le rendement et, à partir de là, je recommande une rémunération au rendement. Je prends l'entière responsabilité des recommandations au premier ministre en ce qui a trait au déploiement des sous-ministres, à leur maintien en poste ou à leur déplacement. Ces engagements ont un poids, et je les utilise dans des domaines particuliers, comme la santé mentale, notamment.
Je ne sais pas comment au juste on mesure la culture organisationnelle. Je ne sais pas de quoi ils rendraient compte. S'agissant du système de paie, je crois qu'il était important que les Canadiens sachent que les ministères prennent la paie au sérieux en ce qui concerne les éléments sur lesquels ils exercent un certain contrôle, c'est-à-dire la formation, les avances de salaire d'urgence et les aides. Ce sont des choses au sujet desquelles ils pouvaient progresser dans leur propre ministère. J'ai demandé à tous de me dire par écrit ce qu'ils faisaient. Je les ai prévenus que toutes leurs réponses seraient mises sur Internet pour que les Canadiens, y compris les parlementaires, puissent les lire. C'est une méthode que nous pouvons utiliser.
Quant à la meilleure façon d'instaurer une culture, je crois que je m'en remettrai aux experts en la matière. Il faut réaliser des enquêtes. Il faut aller en profondeur. Je suis d'avis qu'on ne devrait pas se laisser aller à des déclarations générales dans lesquelles on dit qu'il existe une certaine culture dans 300 organisations et toutes leurs sous-unités réparties dans l'ensemble du pays. Il existe des cultures organisationnelles très saines et très solides et il en existe aussi qui ne le sont pas. Il faudra savoir les distinguer les unes des autres et mettre en place les bonnes mesures incitatives et les bonnes boucles de rétroaction pour corriger celles qui doivent l'être et faire adopter celles qui sont solides.
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C'est un vaste sujet auquel vous voudrez sans doute consacrer du temps.
Les postes de haute direction entrent essentiellement dans deux catégories. Il y a les dirigeants des sociétés d'État et des organismes spécialisés, les agents du Parlement et ainsi de suite. Ils ont généralement un mandat de durée déterminée, un contrat de travail, des clauses concernant les indemnités de départ et tout ce qui va avec.
Les sous-ministres, au sens de ministres qui dirigent des ministères et qui sont proches des ministres, n'ont aucune sécurité d'emploi. Ils n'ont pas de contrat de travail en tant que tel et n'ont pas droit à des indemnités de départ. Leur emploi est totalement précaire.
En dessous du niveau des sous-ministres, si on est visé par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, on bénéficie d'une réelle sécurité d'emploi. On ne peut être licencié que pour motif valable. Il est très difficile de renvoyer des fonctionnaires pour comportement répréhensible ou mauvais rendement.
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Je crois que le moment est venu — peut-être après les prochaines élections, mais pas pendant la dernière année d'une législature — d'opérer un changement structurel dans la fonction publique. Je pense que nous avons beaucoup progressé sous les gouvernements successifs en matière d'ouverture et de transparence, pour ce qui est d'ouvrir le gouvernement aux Canadiens. Il s'agit de décisions prises au fil des ans avec beaucoup de pressions de la part de ce comité et d'autres.
Je parlerais dans ce cas de glasnost, de transparence. Toutes les subventions et les contributions sont sur Internet. Tous les contrats aussi, de même que tous les frais de déplacement et d'hébergement. Tout rendement et mesure utilisés par chaque ministère se trouvent sur Internet. Nous avons progressé dans le renforcement du rôle du directeur parlementaire du budget et du dirigeant principal de l'information. Nous avons renforcé le rôle du statisticien en chef. Le gouvernement travaille sans relâche sur la transparence du gouvernement, mais le ministre Clement a aussi travaillé sur la question dans le gouvernement précédent, et c'est pourquoi nous occupons le deuxième rang mondial au classement de la transparence des gouvernements. Nous avons quelque chose qui s'appelle l'InfoBase du GC, que nous améliorons continuellement et qui met à votre disposition et à la disposition d'autres Canadiens toutes sortes de données. Nous avons un peu progressé en ce qui concerne les documents confidentiels du Cabinet, l'accès et ces sortes de choses.
Je crois que nous avons énormément progressé pour ce qui est de rendre le gouvernement plus transparent, mais que les structures fondamentales du gouvernement datent des années 1980 et qu'il nous faut donc examiner des strates, que nous devons examiner les groupes et les catégories professionnels et voir comment le travail est organisé. Ce ne sera pas facile. C'est dans une large mesure une affaire de négociation collective, et ce ne sera pas facile à changer, mais je suis convaincu que cela en vaut la peine. Je ne pense pas que je verrai la fin de ce processus, mais je vous encourage vivement à vous pencher sérieusement dessus.
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Je pense qu'il y a les enthousiastes et ceux qui font de la résistance, comme dans la vie en général. Je remercie le d'avoir créé le Service numérique canadien. Je cite dans mon rapport de nombreux exemples de passages réussis à des plateformes numériques. Vous n'en avez probablement pas entendu parler parce qu'ils se sont faits dans les temps, en respectant le budget et que le résultat est pleinement fonctionnel.
Les bornes libre-service de l'Agence des services frontaliers dans les aéroports, l'autorisation de voyage électronique qui permet aux ressortissants étrangers de bénéficier d'une alternative au visa, l'installation du superordinateur d'Environnement Canada, le remplacement de l'ordinateur central sur lequel s'appuyait le régime d'assurance-emploi, remplacement effectué sans perdre une journée de travail, sont autant de réussites technologiques et vous n'en avez probablement pas entendu parler. Je ne m'en plains pas, mais les boucles de rétroaction attirent vos regards sur ce qui n'a pas bien fonctionné.
Il y a des tas de possibilités d'offrir les services gouvernementaux sur les téléphones intelligents et de la façon souhaitée par les Canadiens. Nos services extérieurs sont très bons. Je dirais que nous avons une des meilleures fonctions publiques du monde, et nous servons les Canadiens comme ils souhaitent l'être. En fait, 80 % des interactions des Canadiens avec leur administration se font maintenant par Internet, environ 20 % par téléphone et le reste peut-être en personne dans les services. Nos services gouvernementaux numériques sont bons. Nos services internes, comme la paie et les finances, entre autres, ne sont pas bons. Nous devons, en ce qui concerne les services entre fonctionnaires, procéder aux mêmes réductions et adopter la même approche, et je suis très heureux que le veuille le faire en particulier dans le système de paie.
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Une fois de plus, je n'étais pas là les jours précédents. Je vous semble peut-être exigeant, mais je ne le suis pas autant que d'habitude.
J'accepterais que nous traitions du chapitre sur Phénix, parce que nous ne devrions tout simplement pas rater l'occasion. Vos arguments sont bons, monsieur le président. Cela touche beaucoup de personnes. Elles ne voudraient pas que nous le reportions, donc je ne crois pas que nous perdions beaucoup...
Je préférerais que nous fassions le changement et, peut-être que nous invitions les sous-ministres, si nous pouvions avoir leur concours et faire ce changement. Cela nous permettra de mieux avancer, autrement dit, immédiatement après le greffier — et nous vous remercions d'être des nôtres aujourd'hui, monsieur —, nous poserons des questions au vérificateur général. Ce serait l'idéal.
Compte tenu de l'importance du sujet, monsieur le président, surtout comme vous l'avez présenté, si nous ne pouvons pas les avoir ici pour le 19, nous pourrions peut-être garder la date du 14, mais assurons-nous que nous pouvons accueillir...
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Je n'ai toujours rien entendu qui permette de supposer que nous ne pouvons pas faire ce que Mme Mendès a proposé.
Si, le 14, la sous-ministre veut gagner quelques étoiles et nous aider en acceptant la date du 19, elle peut le faire, mais sinon, j'ai proposé que nous gardions la date de cette réunion, mais que nous mettions de côté l'idée d'avoir, le 19, les sous-ministres précédents et invitions le vérificateur général.
Ainsi, en supposant que nous n'ajournons pas avant le 22 — ce qui est peu probable, compte tenu du climat actuel à la Chambre —, nous pourrions quand même aller de l'avant, avoir la réunion sur Phénix jeudi et, le jeudi suivant, le 19, espérer que le vérificateur général sera disponible. S'il ne l'est pas, ce serait problématique et signifierait probablement que nous ne pourrons pas l'avoir avant la relâche. Ce serait dommage, et peut-être que nous pourrions convenir d'une date, d'un moment spécial sur ce sujet pour le glisser dans notre horaire.
Cependant, je doute que remplacer la sous-ministre responsable de Phénix le 14 pour recevoir le vérificateur général soit la chose à faire. Si la sous-ministre peut volontairement déplacer sa venue pour permettre au vérificateur général de témoigner le 14, tout serait parfait; sinon, allons-y avec Phénix, espérons que le vérificateur général soit disponible le 19 et tenons-nous-en à cela parce que nous manquons de temps.
Si nous ne pouvons pas le faire le 19, y a-t-il moyen de trouver une heure et 15 minutes d'ici cette date pour tenir cette séance avec le vérificateur général, pour que notre personnel puisse travailler au rapport pendant l'été? C'est encore fluide, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président. Je promets de ne pas étirer cela trop longtemps. Je veux simplement m'assurer qu'une ou deux choses figurent au compte rendu.
Tout d'abord, je tiens à remercier le Comité de ses aimables paroles au sujet de la fonction publique, ainsi que de son intérêt. Je crois qu'il y a une volonté authentique à cette table d'améliorer la gouvernance du Canada, et vous avez un rôle important à cet égard. Je le reconnais, et je suis heureux de la possibilité d'avoir des échanges avec vous. Je reviendrai aussi souvent que vous le voulez, n'importe quand, pour parler des façons dont on pourrait améliorer encore plus une fonction publique déjà excellente.
Je vous conseille de prêter attention aux facteurs d'incitation et de désincitation qui ont de l'importance pour les gens. Je crois que c'est là la clé.
Je veux aussi être très clair, parce que les choses sont citées et diffusées dans des vidéos et autrement. Il y a eu, la semaine dernière, un témoignage de fonctionnaire dans une publicité négative, ce qui me trouble; je tiens donc à être très clair dans le compte rendu: je ne dis pas que la culture de la fonction publique est parfaite. J'ai dit à de très nombreuses reprises qu'elle peut être améliorée, que nous craignons le risque, que nous sommes axés sur les processus et que nous sommes axés sur les règles. Il nous faut être plus agiles. Nous devons faire preuve de plus de créativité. Nous devons faire preuve de plus d'assurance.
Ce à quoi je m'oppose, par contre, c'est l'insinuation d'une culture brisée généralisée qui sous-entend une fonction publique brisée généralisée, et je conteste cela.
L'image de la fonction publique qui se dégage de ce genre d'échanges et de commentaires, et projetée par les experts, les médias et les autres moyens, envoie à la fonction publique des messages contradictoires. On nous dit que nous sommes intransigeants et que nous ne coopérons pas, mais on nous dit aussi que nous sommes dociles devant nos ministres. Il y a la caricature Sir Humphrey du marionnettiste qui manipule les ministres et fait marcher tout le monde, puis on nous dit que nous sommes trop dociles, des marionnettes pour le côté politique et le Cabinet du Premier ministre. On nous dit que nous dépensons avec insouciance les deniers publics et bâtissons des empires sans égard aux coûts, puis on nous dit que nous faisons preuve d'un excès de zèle en nous en tenant au budget et sommes trop timides dans nos demandes de ressources. C'est le genre de messages contradictoires que la fonction publique reçoit. On finit avec une sorte de fonction publique de Schrödinger: qu'arrive-t-il quand on ouvre la boîte?
Mon conseil est ce que j'ai dit au départ, c'est-à-dire accorder une grande attention au diagnostic avant de commencer à prescrire des remèdes. Je crois que vous pourrez être très facilement influencés à faire des diagnostics erronés. Il y a beaucoup de charlatans de gouvernance autour de nous. Il est important d'écouter soigneusement les personnes qui ont une certaine expérience de la gouvernance, de l'administration d'organisations, de la culture et du comportement dans les organisations, et d'extrapoler ce savoir dans le contexte de la fonction publique. Je m'engage à coopérer pleinement avec vous dans ce que vous entreprenez.
Mon dernier point concerne le rôle de votre comité. Vous avez un rôle extrêmement important dans la boucle de rétroaction pour une meilleure fonction publique. Je vous encourage à créer à ce comité une culture dans laquelle il est possible d'être en désaccord avec le vérificateur général, de contester l'analyse, de contester les conclusions et les opinions. Nous avons été programmés au cours des 10 dernières années ou plus à n'avoir qu'une réponse acceptable à un chapitre du vérificateur général, c'est-à-dire « Nous sommes d'accord », puis à tester les marges de « Nous sommes d'accord, mais », et à tenter de faire intégrer une autre question. Il devrait être possible de mettre au défi les analyses et les constatations du vérificateur général. Le débat en serait plus sain et plus riche et produirait une meilleure compréhension des solutions, et ainsi de suite.
J'espère que je ne me suis pas trop mis dans de mauvais draps en étant en désaccord avec les constatations du vérificateur général. Je ne crois pas que c'était un échec incompréhensible. À mon avis, il était compréhensible et je ne crois pas que nous avons une culture brisée.
Merci.
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Merci, monsieur Wernick.
J'ajouterais une autre petite chose, rapidement. Dans votre déclaration de clôture, il y a un malentendu. Vous semblez penser que plusieurs des choses que vous avez mentionnées sont ce que nous voyons ici, et il n'en est rien.
Il y a un comité des opérations gouvernementales, comme vous le savez, qui est responsable de la majeure partie de tout cela. Ce dont nous sommes responsables, essentiellement, c'est d'examiner les rapports du vérificateur général, puis de collaborer avec les sous-ministres pour les plans d'action. Aussi, en ce qui nous concerne, que nous soyons toujours d'accord ou non avec le vérificateur général, je n'ai pas encore vu de sous-ministre qui n'a pas été d'accord avec le vérificateur général; je crois donc que cela va dans les deux sens.
Enfin, nous vous remercions de votre comparution aujourd'hui. La séance est levée.