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Bonjour, mesdames et messieurs. Nous tenons la 113
e séance du Comité permanent des comptes publics en ce lundi 22 octobre 2018.
Cet après-midi, nous nous penchons sur le Rapport 3, L'administration de la justice dans les Forces armées canadiennes, des rapports du printemps 2018 du vérificateur général du Canada.
Je vous rappelle que notre séance d'aujourd'hui est télévisée; je vous demanderais donc de bien vouloir régler votre téléphone cellulaire ou tout autre appareil de communication en mode silencieux ou vibratoire, ou à tout autre réglage causant le moins d'interruptions possible.
Nous avons l'honneur de recevoir aujourd'hui M. Jerome Berthelette, vérificateur général adjoint, M. Andrew Hayes, avocat général principal, et Mme Chantal Thibaudeau, directrice, du Bureau du vérificateur général; ainsi que Mme Jody Thomas, sous-ministre, et Geneviève Bernatchez, juge-avocate générale pour les Forces armées canadiennes, du ministère de la Défense nationale.
Nous allons vous laisser la parole, monsieur Berthelette, pour que vous fassiez un exposé au nom du Bureau du vérificateur général.
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Je vous remercie, monsieur le président, de m'offrir l'occasion de traiter de notre rapport du printemps 2018 sur l'administration de la justice dans les Forces armées canadiennes.
Je suis accompagné aujourd'hui de M. Andrew Hayes, qui est le principal responsable de l'audit et qui est maintenant notre avocat général principal. Chantal Thibaudeau, directrice de l'audit, m'accompagne également.
Le système de justice militaire canadien fonctionne en parallèle avec le système civil de justice. Le but du système de justice militaire est le maintien de la discipline, de l'efficience et du moral au sein des Forces armées canadiennes. Comme le système civil, le système militaire doit être juste et respecter la primauté du droit.
[Français]
Dans le système de justice militaire, les accusations peuvent être jugées par procès sommaire ou en cour martiale. Les circonstances de chaque cause, y compris la nature des accusations et le grade de l'accusé, détermineront le type de procès. Dans certains cas, l'accusé peut choisir le type de procès.
Un procès sommaire vise à rendre justice de façon rapide et équitable en cas d'infraction mineure. Un commandant ou un autre officier autorisé préside ce type de procès. Une cour martiale est un tribunal officiel présidé par un juge militaire. Une cour martiale suit en grande partie les mêmes règles que celles des procédures criminelles appliquées dans les tribunaux civils.
L'audit visait à déterminer si les Forces armées canadiennes avaient administré le système de justice militaire avec efficience, notamment si elles traitaient les causes de justice militaire en temps opportun.
Nous avons conclu que les Forces armées canadiennes n'avaient pas administré le système de justice militaire avec efficience.
[Traduction]
Nous avons constaté qu'il y avait des retards tout au long des étapes du processus de justice militaire, et que les Forces armées canadiennes n'avaient pas établi les normes de temps pour certaines étapes, ce qui a favorisé les retards. Ainsi, nous avons constaté qu'il avait fallu beaucoup de temps pour déposer les accusations. Concernant les cours martiales, il a fallu beaucoup de temps pour renvoyer les causes aux procureurs, décider de porter la cause devant la cour et fixer la date de l'audience.
La Cour suprême du Canada a établi le principe voulant que la plupart des procès doivent se tenir dans un délai de 18 mois après le dépôt des accusations. Pour les 20 causes jugées devant une cour martiale que nous avons examinées, nous avons constaté que la durée moyenne de traitement avait été de 17,7 mois après le dépôt des accusations. Pour neuf de ces causes, la durée de traitement a dépassé 18 mois.
Pendant l'exercice 2016-2017, une cour martiale a abandonné des accusations en raison de retards, et les retards figuraient parmi les motifs invoqués par des procureurs militaires pour avoir abandonné neuf autres causes. La population canadienne s'attend à ce que les forces armées soient disciplinées et que les comportements inacceptables soient jugés rapidement. La Cour suprême du Canada a aussi souligné l'importance d'administrer la justice promptement.
Nous avons également remarqué que les changements fréquents d'affectation des avocats militaires dans divers secteurs de services juridiques ont empêché les procureurs et les avocats de la défense d'acquérir l'expertise et l'expérience nécessaires pour bien s'acquitter de leurs fonctions.
De plus, nous avons constaté que le Cabinet du juge-avocat général n'avait pas surveillé efficacement le système de justice militaire. Les examens périodiques requis du système n'avaient pas été faits, et les systèmes et les méthodes de gestion de cas étaient inadéquats. Certaines unités militaires tenaient leurs propres systèmes de suivi des cas, lesquels ne saisissaient pas toute l'information nécessaire. D'autres unités n'avaient aucun mécanisme ou processus pour assurer le suivi et la surveillance de leurs cas de justice militaire.
[Français]
Nous avons constaté que les procureurs avaient rarement documenté les motifs de leurs décisions de porter une cause en cour martiale. Une telle décision nécessite un niveau élevé de discrétion professionnelle, et de mauvaises décisions peuvent miner la confiance accordée au système de justice militaire.
Sans information sur les motifs pour lesquels les procureurs décident de porter une cause en cour martiale, le directeur des poursuites militaires ne peut surveiller et démontrer comment les procureurs ont appliqué les principes juridiques et ont exercé leur discrétion professionnelle dans chaque cause.
Nous avons aussi constaté que le Service canadien des poursuites militaires n'avait par établi de processus clairs et bien définis pour appliquer sa politique en matière de poursuite. La délégation des pouvoirs des fonctions en matière de poursuite n'était pas toujours documentée, et la procédure d'attribution des causes et des pouvoirs décisionnels n'étaient pas claire.
La Défense nationale a accepté nos recommandations. Le ministère a établi un plan d'action qui contient les étapes et un échéancier de mesures visant à donner suite à nos recommandations. Nous avons noté que, selon le plan d'action, certaines mesures et étapes établies par la Défense nationale devraient déjà avoir été achevées.
Monsieur le président, je termine ainsi ma déclaration d'ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du Comité.
Je vous remercie.
Bonjour, monsieur le président et distingués membres du Comité. Je suis heureuse de témoigner devant vous aujourd'hui aux côtés de la commodore Geneviève Bernatchez, juge-avocate générale. Elle n'aime pas que je le souligne, mais la commodore Bernatchez est la première femme à occuper les fonctions de juge-avocate générale au Canada, poste auquel elle a été nommée en juin 2018.
Avant de commencer, je tiens à remercier M. Ferguson, M. Berthelette et leur équipe pour le travail acharné et leurs conseils sur l'administration de la justice dans les Forces armées canadiennes.
[Français]
Je suis également reconnaissante de l'intérêt du Comité et de sa contribution à l'amélioration de la justice militaire.
Le système de justice militaire est un élément important de l'application des normes élevées auxquelles se conforment les Forces armées canadiennes.
[Traduction]
Un système de justice militaire efficace contribue au maintien de la discipline, de l'efficacité et du moral au sein des Forces armées canadiennes. Cela signifie que ces dernières sont plus à même de défendre le Canada et la population canadienne, au pays ou à l'étranger, en temps de paix ou de conflit.
Le rapport du vérificateur général a cerné les aspects de l'administration militaire que nous devons perfectionner, et nous nous engageons à les améliorer. Nous reconnaissons que certaines des observations du vérificateur général cadrent avec des recommandations antérieures figurant dans d'autres rapports qui n'ont pas été pleinement mises en oeuvre. Nous prenons dès aujourd'hui les mesures qui s'imposent.
[Français]
La commodore Bernatchez met actuellement en oeuvre un plan d'action afin de s'assurer que chacune des recommandations du vérificateur général est appliquée et que des changements significatifs en découlent.
[Traduction]
Cela permettra aux Forces armées canadiennes de renforcer leur système de justice militaire et de veiller à ce que le juge-avocat général exerce une surveillance adéquate de ce système. Aujourd'hui, je me concentrerai sur les améliorations apportées à ces aspects et les façons dont nous continuons de les perfectionner. Je serai brève afin de laisser plus de temps pour les discussions.
[Français]
Le vérificateur général s'est dit préoccupé par le fait que certains de nos procureurs et avocats de la défense aient changé de poste trop rapidement.
La commodore Bernatchez a agi rapidement pour régler ce problème en prolongeant les affectations actuelles jusqu'à la durée recommandée de cinq ans.
Dorénavant, ce sera la durée minimale pour ces postes.
[Traduction]
Nous convenons également que le Cabinet du juge-avocat général n'a pas toujours eu l'information nécessaire pour assurer une surveillance adéquate du système de justice militaire. Nous remercions le vérificateur général d'avoir porté attention à ce point important. Depuis 2017, nous travaillons à un système électronique de gestion et de suivi des cas, à savoir le Système d'administration de la justice et de gestion de l'information, ou SAJGI. Ce système suivra les dossiers relatifs à la justice militaire, dès le tout premier rapport signalant une infraction alléguée, pendant l'enquête et la mise en accusation, jusqu'à ce qu'une décision soit rendue à la suite d'un procès et que l'examen connexe soit réalisé au cours des procès sommaires et des procès devant la cour martiale.
Le SAJGI sera utilisé par les principaux intervenants du système de justice militaire, des enquêteurs aux personnes qui déposent des accusations en passant par les officiers présidents, les autorités de révision et de renvoi, et les conseillers juridiques, sans oublier les procureurs et les avocats de la défense. Ils mettront à jour le SAJGI à chaque étape du processus, de sorte que le suivi des dossiers pourra être effectué en temps réel. Le SAJGI est presque achevé. Nous entamerons ensuite les essais pilotes connexes au début de 2019. Nous sommes sûrs que le système renforcera la capacité du juge-avocat général de surveiller le système de justice militaire et son administration.
[Français]
Nous sommes aussi sur le point de finir d'examiner les exigences en matière de temps pour chaque étape du système de justice militaire. Nous le ferons au début de l'année prochaine.
De plus, nous établirons de nouvelles normes claires, conformément à la recommandation du vérificateur général. Ces normes respecteront les règles d'équité et les exigences juridiques.
[Traduction]
Par ailleurs, elles seront intégrées au SAJGI afin que les principaux intervenants du système de justice militaire soient poussés à faire continuellement avancer les dossiers. Si une personne n'est pas en mesure de satisfaire aux normes de temps, le système lui demandera de préciser les raisons du retard. La personne nous indiquera alors ce qui a causé le retard, et nous pourrons trouver une façon de remédier au problème.
Ces normes favoriseront aussi la divulgation des renseignements en temps opportun aux personnes accusées d'une infraction. Ces mêmes normes de temps seront intégrées au système de gestion du rendement que nous élaborons. Nous saurons donc lorsque nos normes ne sont pas respectées. Nous connaîtrons en outre les raisons pour lesquelles elles ne l'ont pas été. Ces renseignements nous permettront d'assurer l'amélioration continue du système de justice militaire.
[Français]
En effet, notre travail ne prendra pas fin dès que nous aurons traité les recommandations de M. Ferguson.
Nous continuerons de bâtir sur l'excellent travail accompli par son équipe et par lui-même au moyen d'examens officiels périodiques du système de justice militaire.
[Traduction]
Nous donnerons suite aux renseignements découlant de ces examens. Les changements que nous apportons à notre façon de gérer nos effectifs, nos communications et nos dossiers de cas renforceront le système de justice militaire. De plus, nous assurerons une surveillance appropriée et pourrons répondre aux besoins des Forces armées canadiennes.
C'est avec grand plaisir que nous discuterons de la question en détail avec vous cet après-midi et que nous répondrons à vos questions. Merci.
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Tout d'abord, je veux indiquer que les commentaires qui ont été faits par l'équipe de vérification et dans le rapport du vérificateur général pointent en direction d'une lacune sur le plan de la documentation de ces prises de décision.
Je veux assurer au Comité que l'équipe du procureur des poursuites pénales militaires prenait ses décisions et les justifiait de façon régulière. Comme je vous le disais, c'est une de leurs obligations.
Le problème qui a été porté à l'attention du directeur des poursuites militaires, et qui est tout à fait fondé, est que ce n'était pas fait de façon documentée, stricte et systématique dans chacun des cas.
Le directeur des poursuites militaires a immédiatement réagi à ce commentaire, à cette observation. Il a émis des directives, l'été dernier, pour s'assurer que, chaque fois qu'une prise de décision est faite par l'un des procureurs au dossier, elle est enregistrée par le procureur affecté au dossier.
Je veux aussi porter à l'attention du Comité le fait que le directeur des poursuites militaires a également fait une révision complète de toute la suite des politiques qui s'adressent à ses procureurs pour s'assurer qu'il y avait une réponse immédiate aux commentaires et aux observations qui avaient été faites par le vérificateur général.
J'ai ici, en anglais, la révision entière des politiques. J'essaie de la traduire en parlant.
[Traduction]
Si vous le voulez bien, madame la sous-ministre, je vous référerais au paragraphe 3.73, à la page 17 du rapport du vérificateur général, lequel porte sur la supervision de l'administration elle-même, où on souligne l'insuffisance des examens effectués par le Cabinet du juge-avocat général.
Nous avons une nouvelle juge-avocate générale en la personne de la commodore Bernatchez, que je félicite. Quelle incidence concrète l'absence ou l'insuffisance des examens ont-elles eue sur l'administration de la justice pour le personnel qui doit composer avec le système? S'agit-il d'un problème de ressources humaines? La juge-avocate générale manquait-elle de personnel? Quel est le problème?
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Je vais certainement demander à la juge-avocate générale d'intervenir. Je crois que la question était que nous pouvons toujours utiliser plus de gens. Il ne fait absolument aucun doute, et je pense que la commodore Bernatchez elle-même le dirait, qu'elle aimerait avoir plus de gens, mais l'essentiel du problème était le non-respect de la politique, l'absence d'examen de ces politiques et l'absence de suivi périodique garantissant la documentation convenable des causes.
En conséquence, dans un cas au moins, nous n'avons pas engagé de poursuite en raison des retards, puis il y a eu des problèmes avec neuf autres causes. Cela ne semble pas beaucoup, mais compte tenu du nombre de poursuites au cours d'une année à l'intérieur des Forces armées canadiennes, les effets sont bien réels. Si quelqu'un subit un déni de justice en raison d'un problème procédural, c'est problématique pour les Forces armées canadiennes tant sur le plan du maintien de la discipline militaire générale que sur le plan de la réputation.
Plutôt que simplement chercher à avoir plus de gens, la juge-avocate générale a réalisé un examen complet des politiques et mis en œuvre un nouveau système de suivi — essentiellement, le système de suivi des cas. Elle rend des comptes au chef d'état-major de la Défense, à moi ou au ministre, en fonction de la situation. Maintenant, nous pouvons intervenir, des questions peuvent être posées, les échéanciers peuvent être évalués et nous pouvons nous assurer que le système est convenablement administré.
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Merci, monsieur le président.
Merci à l'équipe du Bureau du vérificateur général.
Habituellement, je commence par poser des questions aux gens du Bureau du vérificateur général, mais je vais plutôt m'adresser directement à la sous-ministre.
Ce que je trouve frustrant de la réponse au rapport, c'est qu'il a beaucoup de verbes au futur, et j'espère qu'on a la volonté de vraiment faire ces choses, car cela n'a pas été le cas dans le passé. Comme vous l'avez dit, ce sont des éléments que les vérifications antérieures ont constamment soulignés.
Ce qui me rend perplexe, c'est que... Je vais commencer par ceci. Quel est l'échéancier cible pour une cause particulière? Je comprends que les causes peuvent varier beaucoup en complexité, du plus simple ou plus complexe, mais j'aimerais un exemple d'échéancier cible. Avez-vous des cibles pour diverses infractions?
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La juge-avocate générale vous répondra de façon plus détaillée, mais la réponse à cela, c'est oui, tout à fait.
Je vais répondre à votre question à propos des verbes au futur — de ce que nous disons que nous ferons. La plupart sinon tous les éléments du plan d'action sont en cours. Nous utilisons le futur, car ils n'ont pas encore été réalisés. Nous sommes ravis de présenter des rapports au Comité, et c'est ce que nous faisons, quand des éléments du plan d'action de la direction sont complétés. Bon nombre de ces choses se sont amorcées avant la fin de la vérification, car la commodore Bernatchez avait constaté qu'il fallait apporter des changements. Nous avons accepté toutes les recommandations parce que nous sommes d'accord.
En ce qui concerne les choses que nous avions acceptées, mais qui n'avaient pas été faites antérieurement, nous avons au ministère un nouveau mode de surveillance. Nous recourons à l'analyse des données pour faire le suivi comme nous ne l'avons jamais fait dans le passé. Le ministère reconnaît que nous n'avons pas toujours fait le suivi de vérifications antérieures et réalisé les choses que nous avions dit que nous ferions.
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Je comprends cela, et je respecte tout à fait cela. Il y a bien des choses dont je ne peux parler, parce qu'elles viennent de gouvernements antérieurs, et ainsi de suite, et même de gouvernements de mon propre parti.
Au bout du compte, vous n'êtes pas là pour vous représenter vous-même. Vous représentez le ministère. Quand je regarde cela, c'est... Nous suivons des choses si simples dans notre quotidien, mais nous ne pouvons pas faire le suivi de quelque chose d'aussi important que quand la Cour suprême détermine un échéancier et déclare que c'est l'échéancier à respecter pour que la justice puisse suivre son cours comme il se doit. On ne peut pas faire le suivi, au ministère, du temps qu'il faut pour faire cela globalement — il aura fallu que le Bureau du vérificateur général le fasse —, et on ne peut pas faire le suivi de chaque étape du processus afin de cerner nos lacunes, préciser ce que nous devons améliorer et souligner les cibles que nous avons déjà atteintes. Nous sommes en 2018 et nous disons que nous allons mettre en place de nouveaux systèmes; nous avons un formidable système que nous allons mettre en place.
Je ne crois pas que c'est un nouveau système qu'il faut, pour ce dont vous parlez. Je pense que c'est en fait la discipline qu'il faut imposer aux membres du personnel, à leurs supérieurs et à leurs subordonnés. Il faut les tenir responsables. Que nous parlions de resserrer la discipline dans le système de justice des Forces armées canadiennes dépasse l'entendement.
Il devrait s'agir de l'étalon de référence.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous d'être là, en particulier à la sous-ministre et à la commodore.
Pendant quelques mois, j'ai été le porte-parole de mon parti en matière de défense. L'une des choses que j'ai retenues de cela, c'est que je comprends mieux toute l'importance que revêt l'esprit de corps dans les Forces armées. C'est tellement crucial.
Je dois admettre que la lecture de cela m'a davantage attristé que mis en colère. J'ai été attristé de constater que nous, vous et le ministère avons laissé tomber nos forces à un tel point dans un domaine qui est si essentiel aux valeurs canadiennes, soit un système de justice équitable. En général, quand vous entrez dans les forces, vous confiez votre vie au ministère, et il y a l'obligation... Il est démoralisant de penser qu'une partie importante de notre ministère de la Défense ait pu si mal fonctionner, avec autant d'incompétence.
D'après moi, il y a deux éléments à cela. L'un est que la sous-ministre est responsable de la mise en oeuvre générale des politiques. C'est un échec. C'est à vous que cela incombe, madame la sous-ministre, et c'est la raison pour laquelle vous êtes ici. Cela fait partie du processus de reddition de comptes. C'est indépendant. Vous et votre ministre êtes responsables de cela.
Maintenant, si j'approfondie cela et que je me montre un peu plus juste, je dirais que je comprends que vous, le ministre et le chef d'état-major comptiez sur le juge-avocat général pour vous donner des conseils juridiques et gérer le système juridique au sein du ministère, ce qui fait que j'attribue une grande part des responsabilités plus pointues au juge-avocat général. Je me mets à la place du ministre; c'est sur lui que vous comptez pour obtenir des conseils d'expert, et c'est sur lui que vous comptez pour veiller au respect des droits fondamentaux au Canada.
Pour moi, commodore, c'est vous qui êtes sur la sellette. Je ne veux pas faire abstraction de la responsabilité de la sous-ministre, mais je veux parler de la vérification.
L'objectif de la vérification était de déterminer si les Forces armées canadiennes administraient le système de justice militaire efficacement. Sous le titre « Conclusion », on peut lire; « Nous avons conclu que les Forces armées canadiennes n'avaient pas administré le système de justice militaire de manière efficiente. » Madame la sous-ministre, de façon générale, c'est à vous que cela incombe.
Cependant, quand je vais à la page 14, sous le titre « Surveillance de l'administration du système de justice militaire », et que je lis rapidement le point 3.62, « Contexte », j'apprends — et c'est dans le rapport du VG — que: « Le Juge-avocat général est chargé de s'assurer que le système de justice militaire fonctionne de manière efficace et efficiente, dans le respect de la primauté du droit. »
Après « Surveillance de l'administration du système de justice militaire », il y a un sous-titre qui dit: « Le Cabinet du Juge-avocat général n'a pas exercé une surveillance efficace du système de justice militaire ». Le premier point, « Message général », dit: « Dans l'ensemble, nous avons constaté que le Cabinet du Juge-avocat général n'avait pas exercé une surveillance efficace du système de justice miliaire. »
Ce processus est une question de responsabilité.
Commodore, veuillez expliquer l'échec complet de votre cabinet et du ministère pour ce qui est de veiller à ce que notre système militaire possède un système de justice convenable. Veuillez nous expliquer comment nous nous sommes retrouvés dans cette situation.
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Je crois que pour mettre les choses en contexte, nous devons nuancer ce que le Bureau du vérificateur général a dit. Ce qu'il a dit, c'est qu'il n'y a pas eu de « surveillance efficace ». Il n'a jamais dit qu'il n'y avait pas de surveillance. Nous sommes totalement d'accord, comme la sous-ministre l'a dit. Il y a eu beaucoup de difficultés avec la surveillance, au cours des dernières années, et c'est ce que nous essayons de corriger.
C'est un système de justice militaire qui couvre l'ensemble du territoire canadien et qui est même administré à l'étranger. Comme le vérificateur général l'a mentionné dans ses observations du début, c'est un système qui est administré par les tribunaux et les tribunaux militaires, soit les cours martiales, mais aussi par des unités à l'échelle du Canada.
Ce que le vérificateur général a conclu est tout à fait juste, et c'est qu'en ce moment, les unités prennent note de la façon dont les choses se font sur des bouts de papier ou des tableaux Excel. Ces données sont ensuite transmises à mon cabinet pour que nous puissions garder l'oeil sur des choses comme le nombre de procès sommaires, les accusations, les résultats... Il y a donc une mesure du rendement. Il y a de la surveillance et du contrôle, mais ce n'est pas suffisant en 2018, et nous le reconnaissons.
Avec le système d'administration de la justice et de gestion de l'information que nous mettrons en place et que nous élaborons en ce moment — nous en sommes à l'étape 2 du développement, et nous testons chaque étape au fil du processus —, nous pourrons, moi et tout autre intervenant ayant un rôle à jouer dans la prise de décisions du système de justice militaire, voir en temps réel les progrès d'une cause et savoir si les échéanciers définis et inclus dans le système automatisé ont été respectés. Sinon, pourquoi n'est-ce pas le cas? Ils seront tenus d'entrer dans le système les raisons de cela.
Alors...
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Je vous remercie, monsieur le président.
Mesdames Thomas et Bernatchez, dans la foulée des questions de mon collègue M. Christopherson, pouvez-vous m'expliquer qu'est-ce qui a empêché la mise en oeuvre d'un système de gestion de cas, de gestion de l'information?
Étant donné que la plupart des ministères et des bureaux d'avocats ont, depuis plusieurs années, mis en oeuvre des systèmes pour les aider à gérer, à bien administrer leurs dossiers, qu'est-ce qui fait en sorte qu'encore aujourd'hui, ce système n'ait pas été mis en oeuvre? Qu'est-ce qui explique la lenteur du ministère à mettre en oeuvre un système comme celui-là?
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Je vous remercie de votre question. Je vais amorcer une réponse, et la commodore pourra intervenir.
Ce n'était pas une priorité au sein du ministère. D'autres systèmes étaient prioritaires — les systèmes opérationnels pour les forces en situation de combat, les systèmes pour la force aérienne, l'armée, la marine, à l'appui de leurs opérations. Ce système est maintenant devenu prioritaire, dans le sillage du rapport du vérificateur général — cela ne fait absolument aucun doute — et en conséquence du leadership de la commodore Bernatchez.
Nous mettons un système en place, entre autres, parce que, oui, cela a trop tardé et qu'il faut que le suivi se fasse électroniquement, au moyen d'un processus de gestion des affaires, mais aussi parce que nous ne voulons plus que les priorités, la mesure, la gestion du Cabinet du juge-avocat général soient individuelles et en fonction des personnalités des gens. Notre juge-avocate générale actuelle veut de façon très générale veiller à une bonne surveillance de ses opérations. Ce ne sera pas nécessairement le cas du prochain juge-avocat général, et ce n'est pas acceptable. Je comprends tout à fait cela, et il m'incombe de veiller à la bonne administration du ministère, mais nous voulons soustraire le processus aux différentes personnalités des gens et veiller à ce que nous fassions une bonne gestion des données.
Ce n'était pas prioritaire avant, mais ce l'est maintenant.
Je vais mettre les choses en perspective et donner des explications à l'intention du Comité.
Dans le système de justice militaire, il y a tous les acteurs indépendants qu'on retrouve dans un système de justice. Je parle d'enquêteurs, de procureurs, d'avocats de la défense, de juges et de tribunaux supérieurs qui font la révision judiciaire des causes. C'est une juridiction criminelle complète qui doit être contenue dans un organisme qui se soutient lui-même.
Je vais revenir à la question que vous avez posée initialement. Vous m'avez demandé pourquoi nous n'avions pas mis en place un système de gestion de cas de l'envergure du SAJGI avant maintenant...
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Je vous remercie, et je suis désolée pour les problèmes de procédure. J'en prends bonne note.
Présentement, nous ne sommes pas en mesure de les chiffrer exactement, parce que cela va varier. Ce que nous savons, par contre, c'est le nombre de dossiers qui seront généralement traités par ce système. Il s'agit d'environ 2 000 dossiers par an, du dépôt de la plainte jusqu'au traitement complet du dossier.
Il faut aussi savoir que ce système de gestion de dossiers nécessitera une autorisation d'accès spécifique pour chaque intervenant, afin que l'information soit protégée. Tout le monde n'aura pas accès à toute l'information, sinon, le système ne serait pas étanche et solide.
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Pour répondre à l'observation selon laquelle il faut s'assurer que les gens font ce qu'ils sont censés faire, il s'agit essentiellement d'exercer une surveillance adéquate sur ce que les gens font.
En ce qui concerne les enquêtes disciplinaires des unités qui sont actuellement menées, il est très difficile de prédire, tout comme dans le système civil, le temps qu'il faudra pour mener une enquête. Pour ce qui est de la durée moyenne de cinq semaines, je ne pense pas que nous pouvons utiliser le temps qu'il a fallu pour enquêter comme étant la seule norme.
Ce qui est certain cependant, c'est qu'en passant en revue les délais — ce que nous faisons actuellement avec tous les intervenants de la justice militaire dont le Grand prévôt des Forces canadiennes, y compris des représentants de la chaîne de commandement —, en établissant des normes de temps et en veillant à ce qu'ils fassent partie de notre système de gestion électronique et de notre système de surveillance, nous pourrons découvrir où se trouvent les goulots d'étranglement. Si quelqu'un ne respecte pas les délais, il devrait expliquer pourquoi, et en tant que surintendant, je devrai être en mesure d'avoir accès immédiatement à ces résultats pour cibler les vulnérabilités, les défis et les raisons qui expliquent ces délais. Est-ce un problème de formation, par exemple, en ce qui concerne les enquêtes disciplinaires des unités? Nos enquêteurs des unités ont-ils besoin de plus de formation pour pouvoir faire leur travail plus efficacement? Est-ce un problème de ressources octroyées aux unités qui sont déployées dans le cadre d'opérations et qui n'ont pas la flexibilité d'allouer suffisamment de ressources pour la tenue d'enquêtes?
C'est le genre d'éléments qui seront gérés par le système de gestion de l'information de l'administration de la justice.
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Si vous me permettez de répondre, vous soulevez certainement le point que nous n'avons pas évoqué.
De toute évidence, pour nous, le système contribuera à nous fournir des renseignements, mais si le comportement humain sous-jacent ne change pas, que nous n'accordons pas la priorité aux enquêtes, que nous ne formons pas les commandants différemment et que nous ne nous assurons pas qu'ils accordent l'attention qui s'impose à ce type de travail et à leurs responsabilités dans le système disciplinaire, alors rien ne changera outre le fait que le JAG aura de meilleurs renseignements sur ce qui ne va pas.
Par conséquent, il faut adopter une approche systémique et investir dans les commandants et tous les intervenants qui jouent un rôle dans ce système pour nous assurer qu'ils comprennent leurs responsabilités. Cette vérification est certainement un premier pas en ce sens. Le JAG a un rôle à jouer, le chef d'état-major de la défense a un rôle à jouer, le ministère a un rôle à jouer et les commandants ont un rôle à jouer. Nous devons absolument changer les comportements humains dans le cadre de ce processus.
:
La rapidité de traitement est un élément central du système de justice militaire.
[Français]
C'est le nerf de la guerre.
[Traduction]
C'est un système qui doit répondre aux exigences des Forces armées canadiennes rapidement et qui doit être transférable. Pour que ce système fasse ce qu'il doit faire, il doit absolument respecter les délais.
En 2016, la Cour suprême du Canada, dans l'affaire Jordan, a fixé des délais. Pour nos cours martiales, il a été déterminé que la norme de 18 mois s'applique au système de justice militaire. Tout comme le système de justice civile...
:
C'est il y a de cela deux ans, alors quelle est la limite?
Tout ce que j'essaie de comprendre est ceci. Le premier jour, nous savons que la durée ne peut pas, ou ne devrait pas, dépasser 18 mois, à l'exception de quelques circonstances très difficiles qui se présentent dans 1 cas sur 100. Pour les autres 99 cas, quelles cibles établissez-vous? Quelles sont les cibles établies dans le système de justice militaire qu'il faut respecter?
Je trouve cela très difficile, monsieur le président. J'ai posé la question de trois ou quatre façons différentes et c'est peut-être que je ne la pose pas correctement. Je comprends cela, ou je n'utilise peut-être pas les bons termes, mais...
:
Je vous remercie d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. C'est très plaisant et c'est extrêmement important. Je tiens à vous remercier tous.
[Le député s'exprime en cri.]
[Traduction]
J'aimerais seulement poser quelques petites questions.
J'ai un point de vue un peu différent de celui de la majorité de mes collègues, je pense. J'ai été dans les forces armées pendant environ 22 ans. Je m'occupais de la discipline dans de nombreuses unités, dans la marine, en tant que maître régulateur, ou dans la 5e brigade, comme sergent d'armes. J'étais celui qui menait les enquêtes et aidait à porter des accusations contre les membres du personnel qui avaient commis des infractions au Code de discipline militaire.
J'aimerais seulement confirmer avec la commodore Bernatchez si c'est dans un délai de trois ans après qu'une infraction a été commise que vous devez porter une accusation. Si quelqu'un commet une infraction, disposez-vous de trois ans à partir de cette date? Si une personne commet l'infraction aujourd'hui, par exemple, le délai est-il de trois ans? Est-ce vrai ou le délai est-il illimité?
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C'est ce que je reproche au rapport du vérificateur général. En fait, je crois que vous n'avez examiné aucun élément concrètement lié au système de formation dans les Forces armées canadiennes. Par exemple, dans l'école Osside pour le personnel non officier, les sous-officiers supérieurs et les sous-officiers qui mènent des audiences disciplinaires et portent des accusations et qui doivent donc lire le Code de discipline militaire pour formuler les accusations, manifestement en collaboration avec les procureurs. Je ne crois pas que vous ayez examiné cela.
L'une de choses qui me dérangent, c'est qu'il y a un tableau — c'est-à-dire la pièce 3.2 — intitulé « Principaux rôles et responsabilités au sein de la justice militaire », et dans ce tableau, il y a une catégorie pour les commandants d'unités militaires, mais pas de catégorie pour le personnel non officier. Encore une fois, vous revenez à l'ancien système militaire où on tient compte des officiers, mais où tous les autres sont négligés.
À mon avis, vous pourriez manifestement déléguer certains de ces pouvoirs, mais ils sont souvent délégués à des gens comme moi qui doivent effectuer ce travail.
Lorsque j'étais dans les Forces armées canadiennes, j'ai conclu qu'il y avait un manque de formation. On nous donnait de très brefs aperçus de certains de ces enjeux et de ce qui devait être fait. En raison de ce manque de formation... Par exemple, étant donné que le cours de leadership avancé ou le cours de leadership intermédiaire est tellement court — deux ou trois semaines —, nous n'avons pas suffisamment de temps pour bien comprendre le système de justice militaire. Nous étudions les accusations dont nous sommes saisis et parfois, il est très difficile pour le personnel non officier et les sous-officiers de traiter rapidement les accusations.
Puisque les Forces canadiennes sont manifestement censées favoriser le travail d'équipe et la collaboration entre les militaires, j'aimerais que le Bureau du vérificateur général réexamine son rapport et ses travaux, car je crois qu'il manque un élément important dans son rapport. Je peux lire et vérifier ce que vous avez examiné, et même si le rapport est très bien et intéressant, je crois que vous n'avez pas cerné l'élément essentiel et les responsables.
Je dois dire que j'ai aussi été...
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Manifestement, comme l'honorable membre l'a mentionné, la formation est importante. Évidemment, la réussite du système de justice militaire repose sur les gens qui doivent le mettre en oeuvre.
Notre audit s'est concentré sur les personnes responsables, et des pouvoirs sont donc évidemment délégués, mais au bout du compte, les commandants des unités militaires sont responsables. Manifestement, comme la commodore l'a mentionné, la formation sera un élément important de l'amélioration du système de justice militaire.
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Merci, madame Thomas et madame Bernatchez.
Je suis le fils d'un officier. Je sais comment fonctionne la formation militaire. J'ai grandi dans un foyer où mon père avait toutes sortes de normes et nous devions les respecter. Je suis aussi avocat, et je sais donc que les retards dans la justice signifient que justice ne sera pas rendue. La présentation de l'information en temps opportun et les mesures de rendement sont des exigences ministérielles fondamentales, que vous vous en acquittiez à l'aide d'un fichier Excel ou d'un ordinateur sophistiqué. Si l'attitude ou la volonté n'est pas là, personne ne mettra en oeuvre ces exigences. Il semble qu'il y a un gros problème d'attitude ou de volonté, car je ne crois pas que la technologie à elle seule soit une raison valable pour les retards. Je suis un peu inquiet à l'idée que si nous mettons en oeuvre une technologie l'an prochain, nous aurons des problèmes et nous blâmerons la technologie pour ces problèmes. Je crois que nous devrions dépasser cela.
L'armée est habituellement l'une des meilleures organisations dans laquelle les systèmes, les listes de vérification, les échéances, la reddition de comptes et les suivis sont intégrés dans l'esprit des officiers, des soldats ou des juges-avocats généraux. En fait, je souhaiterais que le juge-avocat général représente une norme que d'autres ministères de la justice d'un bout à l'autre du pays reconnaissent et affirment adéquatement respecter. Mais en fait, c'est le contraire. En effet, selon l'Association du Barreau canadien, le système précédent était inadéquat. Ce devrait être le contraire, c'est-à-dire que les ministères de la Justice devraient suivre l'exemple du juge-avocat général, en s'inspirant de la qualité, de la rapidité et de l'efficacité de son travail, justement à cause de la culture liée au fonctionnement de l'environnement militaire.
Quel est l'échéancier du nouveau système et pouvons-nous veiller à ce qu'il n'y ait aucune lacune, par exemple, en cas de changement de sous-ministre ou de commandant, afin que nous n'ayons pas encore à faire face à ces retards? Il semble y avoir une épidémie, c'est-à-dire que chaque fois que le personnel de la haute direction change, le nouveau personnel ne sait pas ce qu'a fait le personnel précédent. C'est pourtant simple. Par exemple, lorsqu'un enseignant livre son curriculum, son système est dans un cartable et s'il est malade ou s'absente, l'enseignant suppléant peut reprendre au même point et poursuivre l'instruction.
Comment pouvons-nous veiller à ce que ce nouveau système soit bien géré, afin que nous n'ayons pas ces changements?
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J'aimerais réaffirmer au Comité que les comportements sexuels inappropriés ne sont pas acceptés au sein des Forces armées canadiennes et que notre chef d'état-major de la Défense s'est pleinement engagé à veiller à ce qu'on s'occupe de ces cas. Le système de justice militaire est l'un des importants outils mis à la disposition de la chaîne de commandement pour veiller à éliminer ces comportements dans notre milieu.
Vous avez absolument raison lorsque vous dites qu'un système informatique ne peut pas, à lui seul, tout résoudre. Lorsque nous parlons de rapidité, lorsque nous parlons de l'efficacité du système, il faut que tous ces éléments soient cohérents. Les solutions que nous envisageons et sur lesquelles nous travaillons actuellement concernent les normes temporelles et l'expérience en matière de litige, comme l'a souligné le vérificateur général, afin de veiller à ce que nos procureurs et nos avocats de la défense aient l'expertise nécessaire à l'avenir. Cela nécessite également de la formation pour tous les intervenants du système de justice militaire.
Pour revenir à une question ou à un commentaire précédent, le comité disciplinaire consultatif des Forces armées canadiennes, formé de sous-officiers supérieurs, est l'organisme consultatif principal des Forces armées canadiennes à cet égard. On a également souligné qu'il fallait une meilleure communication entre les intervenants, afin de veiller à ce que le système fonctionne bien et profite de la perspective, de l'expertise et des points de vue de tous les principaux intervenants.
Je ne voudrais surtout pas oublier de mentionner le projet de loi , qui fait actuellement l'objet d'une discussion au Parlement. On s'attend à ce que ce projet de loi réduise de façon importante les retards au sein du système de justice militaire, car il simplifiera les audiences sommaires et les ramènera au statut de simples infractions disciplinaires dont les commandants divisionnaires, les officiers délégués, peuvent s'occuper.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence.
J'ai lu le rapport 3 du Bureau du vérificateur général. C'est une condamnation de notre système de justice militaire. Je dois dire que compte tenu de toutes les recommandations et les conclusions, c'est décevant. Il y a ensuite les retards et la décision de la Cour suprême dans l'arrêt Jordan. Pour l'essentiel, justice différée est justice refusée.
Pourquoi en est-il ainsi? Est-ce lié à un problème de ressources humaines? Est-ce que c'est parce qu'il n'y a pas suffisamment de juges, d'avocats ou d'enquêteurs? Même les enquêtes durent plus de 30 jours.
Madame Thomas, qu'est-ce qui explique cette situation? Pourquoi notre système de justice militaire n'a-t-il pas les ressources nécessaires?
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J'ai discuté avec la commodore Bernatchez au sujet de ses ressources, et elle croit avoir les ressources nécessaires.
Je crois qu'un certain nombre d'éléments entrent en jeu. Il n'y a pas de réponse unique. Je ne peux pas vous donner une réponse simple pour expliquer les retards. Parfois, la victime ne veut pas témoigner, ou les gens concernés sont en déploiement. On parle d'un organisme opérationnel dont les membres se déplacent constamment. S'il y a des retards dans les unités, c'est parce que des membres sont déployés dans des opérations. Parfois, c'est lié à des formations. Parfois, cela a à voir avec la disponibilité des juges ou des procureurs. Il existe un certain nombre de facteurs.
Je crois, et je suis peut-être la seule, que les données aideront la commodore Bernatchez à gérer les choses différemment, parce qu'elle... Elle croit avoir suffisamment de ressources; peut-être que ce n'est pas le cas et que nous constaterons qu'il y a un goulet d'étranglement quelque part au pays, dans un volet du processus ou dans notre façon de procéder dans certaines parties du processus.
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Or, nul doute qu'en raison de ces retards, vous enfreignez vos propres règles et codes de services, comme le code de conduite. Vous essayez de maintenir le bon ordre, la discipline et le moral, mais comment y arrivez-vous si tout le monde traîne en cour?
Je sais que vous êtes bien au fait de la décision qu'a rendue la Cour d'appel de la cour martiale dans l'affaire Beaudry. Est-ce qu'une partie de cette décision de retirer du système de justice militaire toutes les causes qui seraient considérées comme relevant d'une cour martiale pour les intégrer dans la procédure civile constitue la solution? Des gens recommandent, et certains le font depuis des années, de les retirer du système de justice militaire, mais je crois que cela sape vraiment le code de conduite. Cela mine la philosophie militaire et la chaîne de commandement.
Je suis ravi que les FAC interjettent appel de la décision devant la Cour suprême et aient demandé une suspension des procédures, mais en même temps, lorsque nous voyons des rapports comme celui-là — et vous avez des détracteurs à l'extérieur du Bureau du vérificateur général —, ne jetez vous pas de l'huile sur le feu?
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Il est admis que pour être un bon avocat plaidant, une personne doit avoir de l'expérience et de l'expertise. Les rapports Bronson de 2008 et 2009 l'ont souligné.
Nous l'avons reconnu, et j'ai ordonné à mon chef d'état-major que la vaste majorité des avocats plaidants qui font partie du système de justice militaire restent en place pendant une période minimale de cinq ans. Bien entendu, cela sera fait conformément aux souhaits du directeur des poursuites militaires et du directeur du Service d'avocats de la défense également, car il y a des gens qui ne sont pas faits pour être des avocats plaidants, de sorte qu'il faut qu'on ait la possibilité de dire qu'une personne ne convient pas et qu'elle doive être remplacée.
Cela permettra de développer les compétences, mais vous avez tout à fait raison. Nous devons examiner l'ensemble de cet organisme qu'est le Cabinet du Juge-avocat général et déterminer où nous devons établir un l'équilibre pour qu'il y ait également l'approche généraliste, car le Cabinet du Juge-avocat général est responsable de fournir des conseils juridiques en ce qui concerne tous les domaines du droit militaire et il nous faut en développer les connaissances.
Ce que j'ai demandé aux Forces armées canadiennes, et nous avons commencé cet automne, c'est de faire une analyse de profession des avocats militaires pour déterminer quels sont les besoins en formation, combien de temps l'affectation des avocats militaires devrait durer, et de quel type d'expérience ils ont besoin, qu'il s'agisse d'avocats plaidants ou de généralistes du Cabinet du Juge-avocat général.
C'est un long processus. Il faut habituellement cinq ans pour qu'il devienne efficace. Lorsque l'analyse de profession sera terminée, nous serons en mesure de déterminer comment nous pouvons ajuster nos pratiques de gestion du personnel pour pouvoir obtenir les meilleurs résultats pour nos clients.
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Elle porte sur l'idée des procès sommaires. Évidemment, avant le dépôt du projet de loi au Parlement, une personne se retrouvait avec un dossier. Elle était criminellement responsable. Il s'agissait d'une affaire criminelle. Les choses ont maintenant changé.
Y aura-t-il un programme d'information? L'un des problèmes liés au système de justice militaire, c'est que les gens avaient très peur d'y avoir recours. Si une personne était en retard, elle était accusée et à un moment donné il fallait qu'elle obtienne un pardon. Bon nombre de gens hésitaient, car il y a 20 ans, on pouvait être accusé et avoir un casier judiciaire pour la vie au moment de quitter les forces, seulement pour 15 minutes de retard.
La situation est en train de changer. Y aura-t-il un programme d'information sur le terrain pour que les gens sachent que cet outil a changé, qu'ils peuvent y recourir, qu'ils peuvent en fait imposer la discipline? La discipline est importante pour une raison. Si des gens font des erreurs, d'autres peuvent mourir. Si un militaire n'utilise pas bien ses armes, s'il tire avec son arme d'une manière inappropriée, s'il fait des choses qui ne conviennent pas, ses camarades pourraient mourir pendant les opérations, et évidemment, nous ne voulons pas que cela se produise.
Que faites-vous pour veiller à ce que la structure disciplinaire soit souple sur le terrain, concernant l'information?
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Vous avez raison de dire que certaines des infractions qui sont jugées sommairement actuellement pourraient mener à quelque chose qui ressemble à un casier judiciaire. Les changements qui seraient apportés par le projet de loi garantiraient que tout ce qui fait l'objet d'audiences sommaires n'ait pas de conséquences sur le plan pénal ou criminel.
Il s'agira d'un changement radical. Si nous passons du procès sommaire à l'audience sommaire, tous les acteurs du système de justice militaire auront besoin de recevoir une formation approfondie. C'est une chose que le Cabinet du Juge-avocat général et les Forces armées canadiennes ont faite en 1998 lorsqu'un changement radical a été apporté au système de justice militaire, et nous y sommes très habitués. Ce sera important. Il faudra que ce soit de façon délibérée.
Comme vous l'avez dit précédemment, il devra s'agir non seulement des officiers des Forces armées canadiennes, mais de tous ceux qui assurent le maintien de la discipline — les sous-officiers supérieurs, les militaires du rang, toutes les personnes qui ont un rôle à jouer, la personne qui reçoit une plainte, celle qui mène l'enquête, celle qui porte les accusations, celle qui tient l'audience sommaire.
J'aimerais poser une question à nos invités. Nous menons une étude et préparons un rapport. Nous déposons un rapport au Parlement concernant l'étude que nous avons entreprise au sujet de l'examen du vérificateur général. Mes analystes ici présents m'ont donné une question en prévision du rapport que nous rédigerons. Cela concerne la réponse fournie du ministère qui figure au paragraphe 3.86, qui a trait à l'indépendance des directeurs des deux services.
Permettez-moi seulement de lire, aux fins du compte rendu, la recommandation du vérificateur général et votre réponse. Voici ce qu'on dit au paragraphe 3.86:
Le Juge-avocat général devrait évaluer si ses pratiques et processus portent atteinte à l’indépendance du directeur des poursuites militaires et du directeur du Service d’avocats de la défense, et s’il y aurait lieu d’apporter des correctifs ou de prendre des mesures d’atténuation.
Dans votre réponse, vous acceptez sa recommandation et vous dites ce qui suit:
D’ici janvier 2019, le Cabinet du Juge-avocat général effectuera un examen exhaustif de ses liens avec le directeur des poursuites militaires et le directeur du Service d’avocats de la défense afin de s’assurer que leurs rôles indépendants respectifs au sein du système de justice militaire sont respectés. Cela englobera un examen de toutes leurs directives politiques en vigueur.
Qu'en est-il de cet examen? Il sera effectué d'ici janvier, soit dans un avenir assez rapproché. Dans quelle mesure les deux directeurs sont-ils indépendants? Que pouvez-vous nous dire sur l'état actuel des choses à ce sujet?
En réalité, l'indépendance et la perception d'indépendance sont essentielles à un système de justice militaire légitime. Nous prenons la question très au sérieux.
Le rôle indépendant du directeur des poursuites militaires et du directeur du Service d'avocats de la défense est prévu dans la Loi sur la défense nationale. La relation hiérarchique ou la supervision générale exercée par le juge-avocat général à cet égard est établie par l'entremise du Parlement.
Dans la pratique, au quotidien, je garde toujours à l'esprit l'indépendance de ces deux joueurs. Dans le cadre de mon orientation politique stratégique pour les trois prochaines années, j'ai prévu l'obligation pour tout le personnel du bureau du juge-avocat général de m'aider dans le cadre de la surintendance du système de justice militaire, dans le respect absolu de l'indépendance de ces joueurs.
À l'heure actuelle, nous avons aussi réalisé un examen complet de toutes les politiques du juge-avocat général relatives au directeur des poursuites militaires et au directeur du Service d'avocats de la défense. Nous avons tenu des consultations avec ces deux directeurs et n'avons trouvé aucun problème associé à l'indépendance en ce qui a trait à ces politiques. Nous allons continuer de consulter les deux directeurs pour élaborer de meilleures pratiques afin d'assurer non seulement l'indépendance factuelle, mais aussi la perception d'indépendance, qui est très importante.
L'une des pratiques que j'ai mises en place cette année pour la période de référence est la suivante: pour la toute première fois, j'ai dit au directeur des services d'avocats de la défense et au directeur des poursuites militaires qu'ils étaient responsables de l'évaluation de leur personnel. Je ne jouerai aucun rôle à cet égard. Les directeurs évalueront les membres de leur personnel et les renverront directement au centre en vue de la sélection aux fins d'une promotion.
Je suis aussi d'accord avec la suggestion du directeur des poursuites militaires voulant qu'il communique directement avec le ministre de la Défense nationale au sujet des questions associées aux poursuites. Alors qu'avant, on aurait pu penser que le juge-avocat général avait un rôle à jouer à cet égard, je vous assure que ce n'est plus le cas.
Lorsque le directeur des poursuites militaires et moi tenons des discussions, elles visent uniquement l'administration de son bureau et le renouvellement de l'effectif, lorsque cela relève de ses fonctions. La Loi sur la défense nationale me permet d'émettre des directives générales ou précises dans certains cas. Ce n'est jamais arrivé. À titre informatif, mes prédécesseurs, qui se sont toujours acquittés de leurs tâches au meilleur de leurs capacités et de façon tout à fait professionnelle, n'ont jamais émis de telles lignes directrices non plus. Si tel était le cas, elles devraient être rendues publiques. Je pourrais publier des directives générales à l'intention du directeur des services d'avocats de la défense. Cela n'a jamais été fait. Il faudrait qu'elles soient publiées.
Enfin, ces deux joueurs indépendants n'ont jamais rapporté d'enjeux en matière d'indépendance au juge-avocat général par l'entremise du rapport annuel exigé par la Loi sur la défense nationale. Ils n'ont jamais soulevé de préoccupations à cet égard, que ce soit au sujet de la pratique ou de la perception. Comme il s'agit d'une question essentielle qui est au coeur de la légitimité du système, nous songeons constamment à des façons d'interagir qui permettront d'accroître l'indépendance, non seulement sur le plan factuel, mais aussi sur le plan de la perception.
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Nous vous remercions de votre présence.
En règle générale, je résume une journée comme celle d'aujourd'hui en disant qu'il est possible qu'après la réunion, vous passiez en revue certaines des questions qui ont été posées et certaines des réponses que vous avez données. Si vous avez d'autres renseignements à fournir au Comité, nous vous encourageons à nous les transmettre pour approfondir la question. Alors que nous poursuivons notre étude, nous laissons toujours la porte ouverte afin que vous puissiez transmettre ces renseignements à notre greffière.
Nous vous remercions d'être venus. La démocratie est une chose extraordinaire et, comme l'ont fait valoir M. Nuttall, M. Christopherson et d'autres, le Canada est un brillant exemple en la matière. Ce sujet en fait partie. Il s'agit du volet sur la transparence et la reddition de comptes, sur la façon dont on utilise les ressources gouvernementales afin que les Canadiens fassent confiance au système.
Nous prenons le plan d'action que vous nous avez transmis très au sérieux. Nous nous en servons pour préparer les recommandations sur lesquelles nous nous entendons. Nous effectuons un suivi. Nos chercheurs approfondissent la question et déterminent si on a donné suite à nos recommandations ou non. Dans la négative, nous vous invitons à témoigner de nouveau, mais vous ne voudrez probablement pas revenir si tel est le cas.
Nous vous remercions de nous avertir si l'une ou l'autre de ces échéances changent. Nous aimons savoir si vous êtes en avance ou en retard également. Merci beaucoup.
Je remercie aussi les membres du Comité pour leurs questions intéressantes. La séance est levée.