:
Je vous remercie, monsieur le président, de nous donner l'occasion de venir discuter de notre rapport du printemps 2016 sur les prestations pharmaceutiques des vétérans. Je suis accompagné aujourd'hui de Casey Thomas, directrice principale responsable de l'audit.
Notre audit concernait trois secteurs. Nous avons d'abord examiné le processus utilisé par Anciens Combattants Canada pour ajouter ou retirer des médicaments de sa liste des médicaments couverts ou en limiter l'accès. Nous avons ensuite examiné les stratégies de rentabilité adoptées par le ministère pour gérer les coûts. Enfin, nous avons vérifié comment le ministère surveillait l'utilisation de médicaments par les vétérans.
[Français]
Nous avons constaté que les décisions relatives aux médicaments couverts étaient mal documentées et ne reposaient pas clairement sur des éléments probants comme les besoins des vétérans et les recherches cliniques. Nous avons aussi constaté qu'aucune échéance n'avait été fixée pour mettre en oeuvre les décisions prises. Dans un cas, la décision de limiter l'accès à un narcotique n'avait pas encore été mise en oeuvre deux ans après avoir été prise.
Nous avons recommandé à Anciens Combattants Canada d'instaurer un cadre décisionnel précisant les types d'éléments probants qui doivent être pris en compte et la manière de le faire. Le ministère devrait utiliser ce cadre pour déterminer les médicaments qu'il paiera et la limite du montant couvert. Nous avons aussi recommandé que le cadre comprenne l'exigence que le ministère mette à jour la liste des médicaments couverts en temps opportun.
[Traduction]
Nous avons constaté qu'Anciens Combattants Canada avait appliqué certaines stratégies de rentabilité pour gérer les coûts, comme remplacer les médicaments de marque par des génériques et négocier des réductions des frais d'exécution d'ordonnance avec les pharmacies. Le ministère n'a cependant pas évalué si ces stratégies avaient eu les résultats escomptés. Le ministère n'a pas non plus mis en oeuvre des stratégies pour les nouveaux médicaments onéreux qui entrent sur le marché.
Nous avons recommandé à Anciens Combattants Canada de revoir régulièrement ses stratégies de rentabilité pour gérer les coûts afin d'évaluer si elles sont à jour et si elles permettent de réduire le coût des médicaments et des services pharmaceutiques. Nous avons aussi recommandé au ministère de cerner d'autres stratégies possibles qu'il pourrait mettre en oeuvre lui-même ou en collaboration avec d'autres ministères fédéraux.
[Français]
Nous avons constaté que le ministère surveillait l'utilisation de certains médicaments à risque élevé, mais qu'il ne surveillait pas adéquatement les tendances en matière d'utilisation des médicaments qui étaient importants pour la santé des vétérans et pour la gestion du programme.
Nous avons recommandé à Anciens Combattants Canada d'établir une approche bien définie pour surveiller l'utilisation des médicaments qui soit adaptée aux besoins des vétérans et qui contribue à la bonne gestion du programme de prestations pharmaceutiques.
[Traduction]
Pour ce qui est de la marijuana à des fins médicales, nous avons constaté que la décision d'assurer la couverture de ce produit avait été prise par un cadre supérieur du ministère, et non par le Comité d'examen du formulaire des médicaments. Nous n'avons pas pu déterminer pourquoi cette décision n'avait pas été prise dans le cadre du processus d'examen habituel du comité.
Nous avons aussi constaté qu'Anciens Combattants Canada avait déterminé qu'il était nécessaire de gérer les coûts de la marijuana à des fins médicales qui augmentaient et avait donc limité la quantité couverte à dix grammes par jour. Or, cette quantité est deux fois plus élevée que la quantité jugée appropriée à la suite de consultations menées par le ministère auprès de professionnels de la santé externes et plus de trois fois plus élevée que la quantité la plus couramment utilisée par des personnes à des fins médicales, selon Santé Canada.
[Français]
Par ailleurs, ce n'est pas toujours le médecin de premier recours du vétéran qui l'autorise à utiliser la marijuana à des fins médicales. Toutefois, même si le ministère s'inquiète de cette situation, il n'a pas systématiquement surveillé les tendances en matière d'autorisation afin de déterminer si certaines d'entre elles étaient des sources d'inquiétude. De plus, le ministère n'a pas surveillé si les vétérans qui consommaient de la marijuana prenaient aussi des médicaments prescrits pour traiter des affections comme la dépression.
Nous avons noté qu'Anciens Combattants Canada avait accepté nos recommandations et qu'il s'était engagé à prendre des mesures proactives.
[Traduction]
Monsieur le président, je termine ainsi ma déclaration d'ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du Comité. Merci.
:
Monsieur le président, membres du comité, monsieur le vérificateur général, mesdames et messieurs, je suis heureux d'être ici aujourd'hui au nom d'Anciens Combattants Canada. Je suis accompagné de Michel Doiron, sous-ministre adjoint, Prestation des services, et de la Capitaine à la retraite Cyd Courchesne, médecin en chef.
Je souhaite remercier le vérificateur général et son personnel de leur contribution continue à l'efficacité, à l'efficience et à la responsabilité du ministère dans ses démarches pour favoriser le bien-être de nos vétérans et de leur famille.
À titre de ministre des Anciens Combattants, l'honorable Kent Hehr a indiqué, immédiatement après le dépôt du rapport, que nous acceptons toutes les recommandations qui y sont formulées et que nous prenons de mesures immédiates pour nous assurer que le Programme des avantages pour soins de santé est efficace, qu'il est valorisé et qu'il répond aux besoins des vétérans.
Pour vous donner une idée de la taille du programme, au cours de l'exercice 2014-2015, le Programme de prestations pharmaceutiques d'Anciens Combattants Canada a contribué aux coûts des médicaments pour environ 51 000 vétérans de l'ordre de 80 millions de dollars. Bien que le rapport ait établi que la plupart des recommandations du vérificateur général formulées en 2014 concernant les Programmes ont été mises en oeuvre, il a souligné des domaines à améliorer et formulé des recommandations connexes.
[Français]
La couverture médiatique se concentre sur le coût de la marijuana pour le gouvernement du Canada et sur les doses maximales, ce qui risque de détourner l'attention du fait que le rapport touche à l'ensemble des prestations pharmaceutiques.
[Traduction]
Nous avons également constaté qu'il existe de fausses idées concernant le rôle du ministère dans le versement de prestations pharmaceutiques. Dans les faits, Santé Canada est responsable de la réglementation des médicaments pour tous les Canadiens, y compris nos vétérans. Anciens Combattants Canada ne prescrit pas de médicaments; il paie plutôt les traitements médicaux autorisés par le médecin ou le professionnel de la santé du vétéran.
Je vais revenir sur les quatre points principaux du rapport du vérificateur général.
Premièrement, nous ne disposons pas d'un processus adéquat pour prendre des décisions fondées sur des données probantes concernant la liste des médicaments du programme. Deuxièmement, nous devons revoir nos stratégies visant à améliorer l'efficience et la rentabilité du programme; nous devons contrôler le coût croissant de la marijuana à des fins médicales; enfin, nous n'avons procédé à aucune analyse de l'utilisation des médicaments qui ne sont pas inscrits sur notre liste des médicaments, mais qui sont accessibles aux vétérans admissibles au cas par cas.
[Français]
La mise en oeuvre des recommandations du vérificateur général nous aidera à mieux atteindre notre objectif visant à soutenir la santé et le bien-être des vétérans de façon efficace.
Je vais maintenant aborder brièvement les activités d'Anciens Combattants Canada qui sont en cours ou prévues par rapport à chacun des domaines prioritaires.
[Traduction]
D'abord et avant tout, nous devons nous assurer que nos décisions concernant la liste des médicaments s'appuient sur des examens systématiques fondés sur des données probantes. Pour déterminer les médicaments qui doivent être inclus, nous faisons appel à l'expertise de l'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé. Une fois que Santé Canada approuve un médicament pour usage au Canada, cet organisme indépendant s'appuie sur les conseils d'un organisme consultatif pour examiner les données sur l'efficacité et la rentabilité des médicaments et les données sur les patients et pour formuler des recommandations à l'intention des régimes provinciaux d'assurance-médicaments financés par des fonds publics concernant leur inscription sur la liste.
Un pharmacien national d'Anciens Combattants Canada a été embauché en 2015 et travaille avec des homologues du plan de santé publique pour cerner les pratiques exemplaires en matière de gestion relative au formulaire. Une équipe spécialisée en gestion de prestations pharmaceutiques examine le programme et élabore un cadre décisionnel renforcé qui permettra de déterminer les types d'éléments probants à prendre en compte, le moment auquel il faut en tenir compte et la façon dont ils seront évalués pour la prise de décisions relatives aux listes de médicaments.
Nous améliorons en outre l'accès en temps opportun des hommes et des femmes en voie d'être libérés des Forces au Programme de soutien pharmaceutique. Par exemple, en avril 2015, nous avons mis en oeuvre des changements afin que les matelots, les soldats et les aviateurs — hommes et femmes — sur le point de prendre leur retraite puissent continuer à recevoir les mêmes prestations pharmaceutiques auprès d'ACC que celles qu'ils recevaient quand ils étaient dans les Forces, en se fondant sur les antécédents de prise de médicaments et les critères d'admissibilité d'ACC.
[Français]
Anciens Combattants Canada examinera et évaluera la rentabilité de sa liste de médicaments et travaillera avec ses partenaires fédéraux et l'Alliance pancanadienne pharmaceutique afin d'en améliorer la rentabilité d'ici mai 2017.
[Traduction]
Le ministère tirera parti de ses partenariats avec Santé Canada et d'autres administrations et régimes d'assurance-médicaments fédéraux et consultera le secteur privé afin de cerner les occasions de mettre en oeuvre des stratégies rentables pour notre programme.
Par ailleurs, Anciens Combattants Canada examinera et évaluera régulièrement sa liste de médicaments et les données sur les demandes. Cette analyse permettra de déterminer les changements à apporter au programme afin d'aider à réduire le fardeau administratif pour les vétérans et les coûts d'exécution du programme.
Relativement à la marijuana à des fins médicales, il serait utile d'examiner le contexte dans lequel on fournit aux vétérans l'accès à la marijuana à des fins médicales.
En 2001, Santé Canada a commencé à donner aux Canadiens un accès contrôlé à la marijuana à des fins médicales. Santé Canada contrôlait le règlement des demandes, la distribution du produit et les coûts, de même que les limites de consommation. Des règlements connexes précisaient les problèmes de santé pour lesquels la marijuana pouvait être approuvée ainsi que les spécialistes qui pouvaient la prescrire à des fins médicales.
Dans le régime de soins de santé canadiens, comme je l'ai mentionné, il incombe au médecin de premier recours du vétéran de déterminer les traitements pour soins de santé adéquats pour répondre aux besoins de son patient.
En 2007, à la lumière de l'approbation d'un cadre supérieur, le ministère a approuvé, à titre exceptionnel, le paiement à un client de la marijuana à des fins médicales pour des motifs de compassion. À partir de 2008, Anciens Combattants Canada a permis que les coûts liés à la marijuana à des fins médicales soient couverts pour les vétérans admissibles dont la demande avait été approuvée par Santé Canada. Au cours de l'exercice 2008-2009, cinq clients ont été remboursés, pour des dépenses s'élevant à environ 19 000 $. En 2013, les demandes de 112 clients ont été approuvées, les dépenses s'élevant à 400 000 $.
En 2014, Santé Canada a approuvé des modifications réglementaires qui réduisaient son rôle en matière de réglementation et de délivrance de licences à des producteurs privés. Les restrictions ont été levées en ce qui a trait à la quantité de marijuana pouvant être autorisée par les médecins, et le prix a été établi par les producteurs privés autorisés par Santé Canada.
Compte tenu de ces changements, Anciens Combattants Canada — la Dre Courchesne — a instauré une pratique pour l'approbation des demandes de vétérans admissibles pour une quantité de marijuana allant jusqu'à 10 grammes par jour, sous réserve de l'autorisation de leur médecin ou professionnel de la santé, et s'ils sont inscrits auprès d'un producteur autorisé par Santé Canada. La directrice générale, Professionnels de la santé d'Anciens Combattants Canada — toujours la Dre Courchesne — examine toutes les demandes dont la quantité dépasse 10 grammes par jour. Bien que six demandes de ce type aient été approuvées précédemment, lesquelles sont maintenant assujetties à une clause de droits acquis, aucune quantité dépassant 10 grammes par jour n'a été approuvée en vertu de nos lignes directrices internes actuelles.
Depuis 2014, le nombre de vétérans qui consomment de la marijuana à des fins médicales et les dépenses connexes ont considérablement augmenté.
Plus tôt cette année, le ministère des Anciens Combattants, l'honorable Kent Hehr, a demandé la réalisation d'un examen ministériel pour évaluer la façon dont nous fournissons de la marijuana à des fins médicales à titre d'avantage offert aux vétérans.
[Français]
Cet examen ministériel, qui prévoit entre autres diverses consultations, a été lancé afin d'évaluer l'approche actuelle concernant l'accès pour les vétérans à la marijuana à des fins médicales à titre de médicament. Nous serons en mesure de faire le point sur cet examen au cours des prochains mois.
Des représentants du ministère consultent des spécialistes médicaux, des fournisseurs et des vétérans à qui l'on a prescrit de la marijuana pour en apprendre davantage sur la question. Ces consultations vont servir à élaborer une approche de surveillance efficace permettant d'assurer le bien-être des vétérans.
[Traduction]
En ce qui concerne la surveillance de l'utilisation des médicaments, je tiens à rassurer les vétérans et leur famille qu'il existe des alertes dans notre système de prestations pharmaceutiques, de même que dans les systèmes des pharmacies et les systèmes provinciaux de soins de santé. Nous reconnaissons néanmoins que nous avons besoin d'une approche plus claire en matière de surveillance de l'utilisation des médicaments et de détection des tendances.
Nous veillerons à ce que nos pratiques de surveillance fassent systématiquement l'objet d'un examen pour assurer une efficacité optimale, tout en tirant parti des pratiques exemplaires des autres ministères ou administrations. Les processus renforcés comprendront la présentation périodique de rapports étayés à notre Comité d'examen du formulaire des médicaments.
[Français]
Tout changement à la surveillance de l'utilisation des médicaments par Anciens Combattants Canada respectera le fait que les soins de santé d'un vétéran relèvent principalement de médecins ou de professionnels de la santé agréés et du système de soins de santé.
[Traduction]
Monsieur le président, mesdames et messieurs, je tiens à vous assurer que nous avons pris des mesures afin de combler nos lacunes et que nous aurons donné suite à chacune des recommandations formulées dans le rapport du vérificateur général d'ici le printemps 2017.
Encore une fois, je remercie le vérificateur général et son personnel de leur travail et de leur soutien pour le bien-être de nos vétérans. Merci de votre attention.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, je vous remercie d'être ici aujourd'hui et de vous prêter à cet exercice qui est très important pour nous.
Nous avons, en tant que parlementaires, la responsabilité d'essayer d'améliorer l'efficacité des multiples pratiques des différents ministères, et c'est ce que nous tentons de faire ce matin. Je ne vous parlerai pas des recommandations du vérificateur général ou des réponses que vous y avez fournies, car ces dernières constituent des intentions.
Pour commencer, j'ai une question plutôt philosophique à vous poser. Nous connaissons l'ampleur du problème qui touche nos valeureux et courageux militaires, des hommes et des femmes, qui servent notre nation et qui sont atteints de troubles post-traumatiques à leur retour d'activités militaires. Avez-vous, au ministère des Anciens Combattants, la certitude que les solutions que vous apportez quotidiennement sont les meilleures?
Je vais poser ma question différemment. Ne serait-il pas pertinent de réviser tout le système de traitement médical des anciens combattants, de mettre de côté celui qui est en place et d'en établir un nouveau? Il y a une croissance exponentielle des besoins. Les personnes malades consomment de la marijuana, les coûts liés au remboursement de la marijuana explosent et les médicaments ne sont pas contrôlés. De plus, les décisions sont prises par des fonctionnaires sans être validées par le Comité. Cela m'inquiète.
Pouvez-vous, ce matin, dresser le portrait réel de la situation actuelle? N'y aurait-il pas lieu de la réévaluer de manière générale?
:
Je vous remercie tous d'être venus. Monsieur le sous-ministre, général — vous avez tellement de titres —, c'est un plaisir de vous revoir.
Je pense pouvoir dire que les Canadiens sont très mécontents de la façon dont le Canada a traité ses vétérans. Le nouveau gouvernement a promis, entre autres, que les choses allaient changer, et j'espère que ce que nous allons entendre aujourd'hui ira dans ce sens. Aujourd'hui, il n'est plus acceptable de se contenter de belles paroles et de platitudes à propos des anciens combattants, pour ensuite les ignorer une fois qu'ils sont rentrés. C'est particulièrement vrai quand ils ne vont pas bien et qu'ils ont besoin d'aide. J'espère que nous commençons à voir la lumière au bout du tunnel; c'est ce qui ressort des réponses à nos questions aujourd'hui. Pour être franc, la situation dans le passé était odieuse, et cela doit changer.
Monsieur le président, avant de poser ma question principale, j'aimerais dire quelque chose à propos du plan d'action, composante principale dans nos travaux. Jai déjà laissé entendre que nous devrions peut-être envisager la chose sous l'agle de l'amélioration des méthodes du Comité. Je sais que vous voulez que nous restions à la fine pointe, que nous repoussions les limites. Nous accomplissons notre travail au meilleur de nos capacités. Nous avons déjà parlé de pousser un peu plus loin notre analyse des plans d'action, par exemple demander une rétroaction du vérificateur général sur les calendriers, entre autres choses.
Je dirais aussi à nos analystes que nous aurions peut-être besoin d'un gabarit pour ce genre d'études. L'examen des plans d'action serait beaucoup plus facile et efficace si ceux-ci suivaient tous le même gabarit. Ainsi, on éviterait de perdre du temps à déchiffrer la façon dont ils ont été préparés. Je sais que ce sont des aspects mineurs, des détails qui n'intéressent vraiment pas le public, mais c'est important pour nous, et j'ai espoir que nous pourrons un jour améliorer nos efforts à cet égard.
Je crois que le vérificateur général sait — comme vous, monsieur le sous-ministre, vu le poste que vous avez occupiez avant — que notre comité accorde une très grande importance aux recommandations énoncées dans les audits précédents, surtout quand le ministère dit « nous sommes d'accord avec les conclusions » et que, plus tard, le vérificateur général fait le suivi et découvre qu'aucune recommandation n'a été appliquée. Je dois vous dire, monsieur le sous-ministre, qu'il est déjà arrivé, même après des audits répétés, que le ministère se contente d'opiner aux recommandations et de nous flatter dans le sens du poil sans jamais prendre de mesures concrètes. Cela nous choque profondément. En tous cas, je sors de mes gonds quand je vois cela.
Cela ressemble, en partie, à ce qui arrive aujourd'hui. Prenez la page 17 du document français. Le paragraphe 4.59, à propos des messages d'avertissement aux pharmaciens, est rédigé ainsi:
Pour donner suite aux observations de notre audit de 2004, Anciens Combattants Canada a renforcé ses messages d’avertissement concernant l’utilisation abusive possible de narcotiques et de benzodiazépines — qui sont des sédatifs — de sorte qu’ils soient diffusés peu importe l’endroit où l’ordonnance est exécutée. Le Ministère a également donné suite, en partie, à notre recommandation de surveiller les cas où les pharmaciens avaient exécuté une ordonnance même après avoir reçu un message d’avertissement. Un suivi était effectué pour les cas d’abus ou d’utilisation excessive possible de narcotiques et de benzodiazépines ou lorsqu’un vétéran tentait de faire exécuter la même ordonnance à la même pharmacie plus d’une fois en sept jours. Cependant, toutes les autres ordonnances exécutées par un pharmacien en dépit de la diffusion d’un message d’avertissement, notamment les avertissements quant aux interactions possibles entre des médicaments, ne faisaient pas l’objet d’une surveillance.
Je pourrais demander au vérificateur général d'expliquer, mais je crois que c'est relativement explicite. Pouvez-vous nous dire pourquoi un problème cerné en 2004 et qui devait être réglé ne l'a été que partiellement? Le ministère n'a pas honoré les engagements qu'il avait pris et n'a pas donné suite à certaines recommandations de l'audit. Il est maintenant l'heure de rendre des comptes, alors je vous prie, expliquez-vous.
:
D'entrée de jeu, je veux dire que nous ne sommes pas un système de soins de santé, et je ne dis pas cela comme excuse. Nous ne prescrivons pas de médicaments, ni dispensons de soins directs. Nous assurons la gestion d'une liste de médicaments couverts. Nous veillons à ce que la population ait accès aux médicaments dont elle a besoin à un prix optimal pour le gouvernement.
Il existe des alertes dans notre système. Je ne veux pas vous donner l'impression qu'il n'y a aucune alerte et que tout est remboursé. En 2004, nous ne demandions régulièrement à Croix Bleue Medavie, qui administre le programme en notre nom, de nous rendre des comptes. L'organisation nous envoie bien des rapports sur les gens qui ont excédé leur limite, et nous procédons à un examen minutieux avant de faire part de la situation aux fournisseurs de soins de ces personnes. Nous envoyons des lettres aux fournisseurs de soins pour leur dire « Savez-vous que nous avons reçu deux demandes pour une ordonnance? »
Mais la situation a changé au Canada pour les pharmacies. Aujourd'hui, les pharmacies et les pharmaciens dans toutes les provinces sont reliés. Avant, on pouvait présenter la même ordonnance à trois pharmacies différentes sans que personne ne le sache. Eh bien aujourd'hui, on peut le savoir. Les alertes relatives à l'interaction des médicaments et aux ordonnances remplies plusieurs fois sont activées au point de vente, alors nous n'avons pas besoin d'effectuer une surveillance, puisqu'elle est faite ailleurs. Si un pharmacien se rend compte que quelqu'un a rempli une ordonnance ailleurs, disons à un autre Shoppers Drug Mart, pour des benzodiazépines, il mettra un frein à tout ça en communiquant avec l'autre pharmacien et avec le médecin prescripteur.
Il en va de même pour l'interaction de médicaments. Nous ne sommes pas un fournisseur de soins de santé, alors nous n'effectuons pas de surveillance à ce chapitre. Ce sont les pharmaciens qui vont dire: « Il n'est pas recommandé de prendre ces deux médicaments ensemble. Vu le médicament que vous prenez pour votre hypertension, on n'aurait pas dû vous prescrire ce médicament ». Ensuite, on communique immédiatement avec le médecin prescripteur.
Le système prévoit plus d'une vérification, alors nous n'avons pas besoin d'effectuer une surveillance à l'heure actuelle.
:
J'aimerais revenir sur les commentaires de mon collègue concernant la quantité de 10 grammes par jour. J'ai un bon ami qui est paraplégique, et il consomme de la marijuana à des fins médicales exactement pour cette raison. Au Nouveau-Brunswick, jusqu'à tout récemment, la quantité moyenne pour les troubles musculosquelettiques était de 1,5 à 2 grammes par jour. L'an dernier, ce chiffre est passé à 3 grammes par jour, une dose moyenne plutôt élevée par rapport à la norme. Sur le site Web de Santé Canada, dans la section des recommandations, on peut lire ce qui suit:
En ce qui a trait à l'utilisation du cannabis fumé et vaporisé, les doses journalières médianes déclarées étaient de 1,5 et de 2,0 grammes, respectivement.
Dans le cas des produits comestibles, la dose journalière médiane déclarée était de 1,5 gramme.
De même, la dose médiane déclarée pour les infusions était de 1,5 gramme par jour.
C'est votre ministère, et Anciens Combattants Canada a essentiellement décidé que les besoins d'un vétéran sont plus de quatre fois supérieurs à ceux du Canadien moyen.
Je n'ai pas encore terminé, mais lorsque j'aurai fini, je vous écouterai avec plaisir.
Je sais également que le coût de la marijuana à des fins médicales se situe entre 6 $ et 10 $, pour une moyenne de 8 $. Je comprends que certaines souches se paient 20 $, mais c'est le coût le plus élevé, et il s'agit d'un produit très concentré.
Je ne peux concevoir qu'un vétéran puisse consommer 10 grammes par jour, soit environ quatre fois ce qu'utilise le consommateur moyen, parmi ceux qui en consomment le plus. Par ailleurs, si l'on calcule la consommation quotidienne moyenne... Dans le cadre de l'étude sur la marijuana à des fins médicales, menée à l'échelle du pays, la consommation moyenne a été établie à environ 90 grammes par mois au total. Un vétéran qui prendrait 10 grammes par jour consommerait plus de 300 grammes par mois. Au coût moyen de 10 $ le gramme, cela totalise 30 000 $ par année.
Je doute que ce soit le vétéran qui consomme tout cela. Peut-être que personne ne veut parler de cela, mais je lance la question, parce qu'elle s'impose à l'esprit.
J'ai une deuxième question. Quel est le montant prévu dans le budget pour la marijuana à des fins médicales pour 2016-2017 et 2017-2018?
Je crois que ces chiffres devraient être accessibles, puisque le Rapport sur les plans et les priorités d'Anciens Combattants Canada pour 2016-2017 contient de l'information budgétaire. Ces chiffres doivent donc bien exister quelque part.
Docteure, est-ce que cela se prononce « benzodiazépine », c'est cela? L'ai-je bien dit?
Nous y arrivons, général, nous y arrivons.
Blague à part, j'aimerais complimenter Mme Mendès pour ses commentaires. J'éprouve le même sentiment; nous commençons à nous aventurer dans une voie plus moralisatrice que médicale au chapitre de l'évaluation.
Bon sang, si c'est ce dont les soldats ont besoin lorsqu'ils reviennent d'avoir défendu notre pays et qu'ils sont dans ces sortes de zones de guerre... Personne n'a été trop moralisateur lorsque nous les avons envoyés là-bas; personne ne l'a été avec leurs familles lorsqu'il y avait une possibilité qu'ils ne reviennent pas vivants.
Bon sang, si cela les aide, alors il faut l'offrir. Personne ne parle ainsi des coûts liés aux médicaments contre le cancer. Ce dont nous devons parler, c'est de la gestion des coûts, et non du fait qu'il soit moralement approprié ou non de donner tel ou tel médicament aux Canadiens et Canadiennes qui ont porté cet uniforme, qui sont allés en zone de guerre, qui sont revenus mal en point et croyaient que le pays tiendrait son engagement envers eux.
Je suis tellement content que vous ayez abordé cet aspect. Je l'apprécie, et j'appuie ce que vous dites à 100 %.
Cela étant dit, nous avons une obligation relativement à notre politique à l'égard des médicaments. J'aimerais revenir au rapport du vérificateur général, à la page 10, au paragraphe 4.42:
Nous avons cependant constaté qu'au cours des deux années qui ont suivi, les représentants du Ministère n'ont pas eu recours à des ententes d'inscription de produits avec des compagnies pharmaceutiques. Nous avons aussi constaté que parce qu'il n'y avait pas recours à de telles ententes, Anciens Combattants Canada avait été limité en ce qui a trait à l'ajout de certains médicaments sur sa liste parce qu'ils coûtaient trop cher.
Si je regarde le plan d'action à la page 2, je vois ce qui suit sous la rubrique « Stratégies de rentabilité »:
Continuer de travailler avec d'autres partenaires fédéraux dans le domaine pharmaceutique et l'Alliance pharmaceutique pancanadienne pour examiner des possibilités de conclure des ententes sur les listes de produits (ELP).
Quel est le problème?
Je me serais attendu à ce que la réponse à la recommandation soit « oui, nous l'avons fait », « c'est sur le point d'être fait », ou « nous sommes en train de négocier les derniers détails ».
Pourquoi est-il si difficile d'en arriver à cette entente?
:
Je suis désolé, je ne veux pas vous interrompre, mais nous avons très peu de temps.
À cet égard, nous avons constaté que 53 % des quelque 1 400 vétérans autorisés à utiliser la marijuana à des fins médicales ont obtenu cette autorisation de quatre médecins. Vous avez dit que beaucoup de médecins refusent de la prescrire. Il y a probablement une raison pour laquelle ils refusent, et je ne crois pas que cela tienne à des considérations d'ordre moral, comme l'ont laissé entendre certains plus tôt. C'est probablement parce qu'ils se demandent si la marijuana est le meilleur traitement pour la personne assise devant eux dans le bureau.
Je suis allé à la clinique pour traumatismes liés au stress opérationnel ici même à Ottawa, et on m'a précisément dit que pour un trouble de stress post-traumatique, le patient doit faire face au traumatisme qui est à l'origine du mal. C'est très difficile et pénible parce que ceux qui reviennent d'un théâtre d'opérations militaires ont des souvenirs extrêmement pénibles, et ils doivent les revivre afin de soulager les symptômes de stress qu'ils endurent.
Je crains que les anciens combattants utilisent la marijuana pour s'anesthésier plutôt que pour vraiment traiter la cause sous-jacente du stress post-traumatique, ce qui pourrait expliquer pourquoi si peu de docteurs sont prêts à en prescrire l'utilisation.
L'autre point qui m'inquiète est que les quantités en question sont d'un maximum de 10 grammes par jour. Selon le gouvernement du Canada, un gramme donne deux joints. Donc, 10 grammes donnent 20 joints par jour. Cela équivaut à fumer un paquet de cigarettes dont chaque cigarette est composée à 100 % de marijuana. J'ai du mal à croire que c'est justifiable sur le plan médical, vu que Santé Canada... M. Harvey a déclaré aujourd'hui que, par rapport aux observations de Santé Canada sur la consommation de marijuana, les quantités ici sont quatre, cinq, six fois plus élevées que celles indiquées sur le site Web de Santé Canada. Partagez-vous mes inquiétudes en ce qui concerne la prescription possiblement excessive de ce remède à nos anciens combattants?
:
Merci beaucoup, madame Mendès.
Je remercie nos invités d'avoir comparu devant notre comité aujourd'hui. Je crois que vous avez suscité beaucoup de questions intéressantes. Avant tout, je crois que nous voulons de la responsabilisation et de la transparence et nous voulons savoir qu'un ministère — disons, celui des Anciens Combattants — ne va pas à l'encontre des meilleures recommandations de Santé Canada. Lorsque nous avons un rapport du vérificateur général, il est de notre devoir de l'étudier.
Laissez-moi simplement dire que si, en raison du nombre de questions que nous avons posées aujourd'hui, vous sortez d'ici et pensez tout à coup à quelque chose qui a été oublié ou peut-être que vous n'avez pas eu suffisamment de temps pour répondre à une question ou pour fournir un peu plus de renseignements, veuillez soumettre cette réponse à notre greffière, qui veillera à ce que chacun d'entre nous en reçoive une copie.
Nous allons suspendre la séance. Je demanderais aux membres du Comité de rester un moment. Nous avons un petit point à régler au sujet des affaires du Comité. Ce n'était pas à l'ordre du jour, mais je crois que nous sommes d'accord pour en discuter brièvement.
Nous allons suspendre la séance et reprendre dans deux minutes environ, puisque notre temps est presque écoulé.
Nous remercions les témoins d'avoir comparu aujourd'hui. Merci.
[La séance se poursuit à huis clos.]