Bonjour.
[Français]
Merci aux témoins du Bureau du vérificateur général du Canada de venir témoigner devant nous encore une fois.
Aujourd'hui, nous allons étudier le rapport no 3 des rapports de l'automne 2016 du vérificateur général du Canada, intitulé « La préparation des détenus autochtones à la mise en liberté — Service correctionnel Canada ».
[Traduction]
Je suis heureuse d'accueillir M. Michael Ferguson, le vérificateur général du Canada, et Mme Carol McCalla, la directrice principale responsable de la vérification. Nous accueillons également le commissaire du Service correctionnel du Canada, M. Don Head, qui est accompagné de la sous-commissaire principale, Mme Anne Kelly. Bienvenue à tous.
Vous avez tous préparé un exposé. Monsieur Ferguson, la parole est à vous.
Madame la présidente, je vous remercie de nous donner l’occasion de présenter les résultats de notre rapport sur la façon dont Service correctionnel Canada prépare les détenus autochtones à leur mise en liberté dans la collectivité.
Près de 3 800 hommes et femmes autochtones étaient sous responsabilité fédérale au moment de notre audit. Service correctionnel Canada est chargé d’offrir des programmes et des services de réadaptation pour répondre aux besoins particuliers des délinquants autochtones. De plus, dans ses décisions en matière de gestion de cas, le personnel doit tenir compte des antécédents sociaux des délinquants autochtones.
Les Autochtones représentent 3 % de la population adulte canadienne, mais ils constituent une part toujours plus grande de la population carcérale sous responsabilité fédérale. En mars 2016, les délinquants autochtones représentaient 26 % de tous les délinquants sous responsabilité fédérale.
Service correctionnel Canada ne peut pas contrôler le nombre des délinquants autochtones qui reçoivent des peines de ressort fédéral. Cependant, il peut leur donner accès à des programmes de réadaptation et des services adaptés à leur culture en temps opportun, ce qui peut influencer le nombre de délinquants incarcérés et la durée de leur détention.
Nous avons constaté qu’alors même que la population des délinquants autochtones augmentait, Service correctionnel Canada ne pouvait pas leur offrir les programmes de réadaptation dont ils avaient besoin au moment où ils en avaient besoin. La plupart des détenus autochtones sous responsabilité fédérale purgeaient de courtes peines, ce qui signifie qu’ils étaient admissibles à une libération après avoir purgé un an de leur peine. Cependant, dans plus des trois quarts des cas que nous avons examinés, les délinquants n’avaient pas pu terminer leur programme de réadaptation à temps parce qu’ils n’avaient pas eu accès en temps opportun aux programmes dont ils avaient besoin.
[Français]
La surveillance des délinquants en liberté conditionnelle est un moyen très efficace d'assurer la réinsertion sociale des délinquants dans la collectivité. Cependant, nous avons constaté que deux tiers des délinquants autochtones libérés n'avaient jamais été en liberté conditionnelle. La moitié d'entre eux étaient passés directement d'établissements à sécurité moyenne ou maximale à la collectivité, ce qui signifie qu'ils avaient eu moins de temps pour profiter d'une libération graduelle et structurée jusqu'à la fin de leur peine. Dans l'ensemble, Service correctionnel Canada avait préparé les délinquants autochtones moins souvent que les délinquants non autochtones à des audiences de libération conditionnelle, et lorsqu'il le faisait, c'était plus tard dans leur peine.
Service correctionnel Canada avait utilisé l'échelle de classement par niveau de sécurité pour déterminer le niveau de sécurité requis pour un délinquant et ses besoins en matière de programmes de réadaptation. Plus des trois quarts des délinquants autochtones avaient été envoyés, au moment de leur admission, à des établissements à sécurité moyenne ou maximale, soit à des niveaux de sécurité beaucoup plus élevés que pour les délinquants non autochtones. Après avoir été placés en détention dans un établissement à sécurité supérieure, peu de délinquants autochtones avaient fait l'objet d'une évaluation pour un transfèrement éventuel vers un établissement à sécurité inférieure avant leur libération, même après avoir terminé leur programme de réadaptation.
[Traduction]
Nous avons constaté que les outils d’évaluation de Service correctionnel Canada ne répondaient pas aux besoins particuliers des délinquants autochtones, et ne tenaient pas compte de leurs antécédents sociaux comme cela est requis. Par ailleurs, ces outils pourraient avoir entraîné un aiguillage plus fréquent que nécessaire vers des programmes de réadaptation. Même si Service correctionnel Canada avait élaboré des outils plus performants, il ne les avait pas encore utilises.
Service correctionnel Canada avait offert aux délinquants autochtones plusieurs programmes et services adaptés à leur culture. Cependant, l’accès à ces services variait d’un établissement à l’autre.
Par exemple, les pavillons de ressourcement avaient été conçus pour répondre aux besoins particuliers des délinquants autochtones, mais il n’y en avait pas dans toutes les régions. Il n’y en avait pas en Ontario, où sont incarcérés environ 500 délinquants autochtones. Nous avons constaté que les délinquants qui participaient au programme des pavillons de ressourcement présentaient un taux de récidive très faible après leur libération, mais Service correctionnel Canada n’avait pas examiné comment il pourrait en étendre l’accès à plus de délinquants autochtones.
[Français]
Service correctionnel Canada conclut aussi des contrats avec des aînés pour qu'ils travaillent auprès des délinquants et leur offrent des programmes de réadaptation adaptés à leur culture. Cependant, nous avons constaté que le personnel n'en tenait pas compte dans ses recommandations adressées à la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Sans cette information, la Commission n'était pas en mesure de considérer avec justesse le potentiel de réinsertion d'un délinquant.
Nous sommes heureux que Service correctionnel Canada ait accepté nos recommandations et se soit engagé à prendre des mesures pour améliorer les résultats de la mise en liberté des délinquants autochtones.
Madame la présidente, je termine ainsi ma déclaration d'ouverture. C'est avec plaisir que nous répondrons aux questions des membres du Comité.
Merci.
:
Merci, madame la présidente, et merci aux membres du Comité. Je vous remercie de m’avoir invité à comparaître devant vous aujourd’hui pour parler de l’audit du vérificateur général du Canada sur le rendement au sujet de la préparation des détenus autochtones à la mise en liberté et des recommandations connexes.
L’audit visait à déterminer si le Service correctionnel du Canada réalise des interventions correctionnelles en temps opportun auprès des détenus autochtones et à évaluer son rendement en ce qui a trait à sa contribution à la réhabilitation et aux efforts de réinsertion sociale de ces détenus. On trouve dans le rapport huit recommandations visant à améliorer les possibilités liées à la mise en liberté sous condition des délinquants autochtones, notamment: veiller à ce que les délinquants autochtones aient accès en temps opportun à des interventions et à des programmes correctionnels adaptés à leur culture; documenter les progrès et la réduction des risques associés à la participation à des interventions adaptées à la culture ainsi que les effets de cette participation sur la côte de sécurité du délinquant; veiller à tenir compte des antécédents sociaux des Autochtones dans les documents et les décisions liés à la gestion des cas.
Le SCC accepte sans réserve les constatations et les recommandations du vérificateur général et s’affaire actuellement à instaurer des mesures en conséquence. Le SCC est déterminé à soutenir les délinquants autochtones au moyen d’une approche révisée, dans le cadre de laquelle nos efforts seront axés sur le soutien de leur réhabilitation et de leur réinsertion sociale réussie et en toute sécurité, afin qu’ils affichent des taux comparables à ceux des délinquants non autochtones.
Bien que le SCC ne puisse contrôler le nombre d’Autochtones du Canada qui se voient imposer des peines d’emprisonnement de ressort fédéral, son travail et ses interventions peuvent avoir des effets, dans une certaine mesure, sur la durée de l’incarcération de ces délinquants, le niveau de sécurité de l’établissement dans lequel ils sont incarcérés et le moment de la présentation de leur dossier à la Commission des libérations conditionnelles du Canada en vue de la prise de décisions concernant la mise en liberté sous condition.
Notre objectif consiste à réduire l’écart entre les taux de réinsertion sociale réussie des délinquants autochtones et des délinquants non autochtones. Le Service est déterminé à accroître sa capacité de fournir des programmes et des interventions efficaces aux délinquants autochtones et travaille en collaboration avec ses partenaires du système de justice pénale et les intervenants dans la collectivité pour appuyer la réhabilitation et la réinsertion sociale en toute sécurité de ces délinquants.
Pour y parvenir, je travaillerai avec mon équipe de la haute direction à la réalisation des progrès et à l’atteinte des résultats durables auxquels s’attendent les Canadiens.
J’aimerais vous présenter quelques données démographiques au sujet de la population de délinquants autochtones du SCC.
Le Service continue d’observer une hausse de sa population de délinquants autochtones. Au milieu de l’exercice 2016-2017, les délinquants autochtones constituaient 23,1 % de la population totale de délinquants, représentant 26,5 % des délinquants incarcérés et 17,4 % des délinquants profitant d’une certaine forme de mise en liberté sous condition dans la collectivité. En outre, plus d’un tiers des femmes incarcérées sont autochtones, soit 36,7 % au 15 janvier 2017.
La population de délinquants autochtones diffère à plusieurs égards de la population de délinquants non autochtones. Par exemple, au chapitre des statistiques globales, les délinquants autochtones tendent à être plus jeunes; à être plus susceptibles d’avoir reçu des peines antérieures en tant que délinquants juvéniles ou délinquants adultes; à être incarcérés plus souvent pour une infraction avec violence et à être plus enclins à s’affilier à un gang et à présenter des risques et des besoins plus élevés.
Il importe de souligner que l’approche du SCC à l’égard des services correctionnels pour Autochtones continuera à tenir compte de la culture autochtone et à inclure les collectivités autochtones afin d’atteindre les résultats correctionnels les plus productifs et ainsi contribuer aux meilleurs résultats possible en matière de sécurité publique pour les Canadiens.
La prestation de programmes efficaces aux délinquants autochtones est l’une des principales priorités du SCC et, malgré les importants progrès réalisés en ce qui a trait à la détermination des besoins particuliers des délinquants autochtones et à la satisfaction de ces besoins, le SCC reconnaît qu’il reste encore du travail à faire.
L’approche du SCC à l’égard des services correctionnels pour Autochtones repose sur le modèle de Continuum de soins pour les Autochtones établi en 2003 en étroite collaboration avec des aînés et des membres des collectivités autochtones. Cette approche débute dès l’admission, est suivie de sentiers de guérison en établissement et, enfin, appuie la réinsertion des délinquants autochtones dans la collectivité. Le modèle permet de respecter la diversité des Premières Nations, des Métis et des Inuits.
Dans le cadre du Continuum de soins pour les Autochtones, le SCC offre des services de liaison autochtone; des programmes correctionnels autochtones; des initiatives de Sentiers autochtones; des ressources liées aux Inuits aînés, à la liaison et aux programmes; des programmes et des services pour les délinquantes autochtones; des services de planification de la mise en liberté et de réinsertion sociale, et des pavillons de ressourcement pour hommes et pour femmes.
Ces interventions font partie intégrante du Plan stratégique relatif aux services correctionnels pour Autochtones et de la Stratégie Anijaarniq pour les Inuits du SCC. De plus, avec le consentement des détenus, la planification de la mise en liberté se fait en consultation et en collaboration avec les collectivités autochtones, comme l'indique l'article 84 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
En tenant compte des contributions du Conseil consultatif national sur les questions autochtones, le SCC continuera d'élaborer et de fournir un certain nombre de programmes et de services propres aux Autochtones afin d'améliorer les résultats correctionnels des délinquants autochtones et de réagir à la représentation disproportionnée des Autochtones dans les établissements fédéraux. En outre, le SCC déploie des efforts ciblés pour recruter et maintenir en poste des employés autochtones qui aident à la prestation des interventions destinées aux Autochtones, afin de fournir des perspectives qui tiennent compte de leur culture. Par conséquent, le SCC est le plus important employeur d'Autochtones au sein de la fonction publique.
En mettant en oeuvre les recommandations du vérificateur général, le SCC adoptera une approche novatrice à l’égard des services correctionnels pour Autochtones dans le respect de l’esprit et de l’intention des principes de l’arrêt Gladue. Le SCC cherchera des moyens d’améliorer et de renforcer différents domaines clés de ses politiques et activités en examinant la façon dont sont gérés les dossiers des délinquants. Nous examinerons nos procédures d’évaluation afin de nous assurer que les facteurs liés aux antécédents sociaux des Autochtones sont pris en compte dans la détermination de la cote de sécurité des délinquants autochtones et que les agents de libération conditionnelle préparent de façon proactive les délinquants, particulièrement les délinquants à faible risque, en vue de la présentation de leur cas à la Commission des libérations conditionnelles du Canada pour la prise d’une décision avant leur première date d’admissibilité.
Continuer d'augmenter la disponibilité de programmes adaptés à la culture et conçus pour répondre aux besoins des délinquants autochtones, ainsi que l'accessibilité à ces programmes est une priorité fondamentale. Travailler à la mise en oeuvre complète du Modèle de programme correctionnel intégré pour Autochtones afin de veiller à ce que les délinquants autochtones aient accès, au moment opportun, aux programmes correctionnels qui leur conviennent pour favoriser la réussite de leur mise en liberté est aussi une priorité. Une autre de nos principales priorités est l’optimisation des rôles des aînés et des conseillers spirituels et le recours aux initiatives des Sentiers autochtones et aux pavillons de ressourcement pour offrir aux délinquants autochtones en voie de réhabilitation et de réinsertion sociale des milieux structurés et adaptés à leur culture.
Nous visons en outre à améliorer notre collaboration avec les collectivités et les partenaires autochtones pour aider à accroître leur participation à la gestion des peines des délinquants autochtones ainsi que favoriser la réussite de leur réinsertion sociale, dans le cadre du processus de planification de la mise en liberté décrit à l’article 84 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
Je dois insister sur le fait que mon organisation ne peut faire tout cela seule. Le SCC continuera de collaborer étroitement avec ses partenaires du système de justice pénale, les organisations autochtones et les intervenants dans la collectivité pour répondre aux besoins des Autochtones. Ensemble, nous pouvons nous efforcer de combler l'écart entre les résultats correctionnels des délinquants non autochtones et ceux des délinquants autochtones.
En terminant, madame la présidente, je désire vous rappeler que j'ai écrit à M. Ferguson en réponse au rapport du BVG et à ses constatations, lui soulignant que ce rapport marque un jalon dans l'histoire des services correctionnels au Canada. J'ai la conviction sincère qu'il s'agit d'un catalyseur pour renforcer nos rapports de nation à nation avec les peuples autochtones, ainsi que les rapports entre les Inuits et l'État, et qu'il y a là une occasion d'instaurer une stratégie coordonnée et cohésive d'amélioration des résultats de réinsertion sociale des délinquants autochtones.
Cela dit, madame la présidente, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous rencontrer aujourd'hui, et je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
:
Nous avons des unités des Sentiers autochtones dans les établissements de divers niveaux de sécurité. L'accès aux initiatives des Sentiers autochtones n'est pas réservé aux délinquants dits « à sécurité minimale ». Nous avons aussi des aînés dans des établissements de tous les niveaux de sécurité — sécurité maximale, moyenne et minimale.
Les pavillons de ressourcement sont réservés aux personnes qui ont une cote de sécurité minimale. Ces établissements ne sont pas entourés de clôtures; c'est un concept ouvert. Nous visons à l'avenir à accélérer le processus d'évaluation initiale et la participation à ces programmes. Notre objectif est d'y parvenir dans les deux premiers mois suivant l'entrée d'un délinquant dans le système, comparativement à ce qui se faisait antérieurement, alors qu'il fallait jusqu'à 150 ou 160 jours pour que les délinquants participent aux programmes.
Concrètement, notre objectif est de le faire dans la première semaine suivant leur arrivée. Dans le cadre de l'évaluation, on leur demandera de choisir une voie d'intervention. Les délinquants sont placés dans des unités d'admission, où ils entreprennent des programmes préparatoires. Certains commencent même à participer aux programmes complets pendant qu'ils sont en unité d'admission, avant leur transfert dans un autre établissement.
L'autre changement important que nous souhaitons mettre en oeuvre concerne notre approche à l'égard des délinquants qui ont terminé le programme. Nous passerons donc, dès qu'ils auront terminé le programme, à ce qu'on appelle le transfèrement présomptif vers un établissement à sécurité inférieure. Dans de tels cas, les agents de libération conditionnelle devront essentiellement faire l'inverse de ce qu'ils font actuellement. On considérera désormais que la réussite du programme prépare adéquatement les délinquants au transfert dans un établissement à sécurité moins élevée.
:
Merci, madame la présidente, et merci à nos invités d'être ici aujourd'hui. Nous leur en sommes reconnaissants.
Pour tout dire, je peux comprendre à quel point votre travail est difficile, monsieur Head. Ma première nomination à un cabinet, il y a très longtemps, était aux Services correctionnels, et je comprends donc les défis à relever. Cela dit, le rapport demeure très inquiétant.
J'aimerais commencer par quelques citations, ce qui ne me prendra qu'un instant. Le passage est tiré d'une décision rendue hier par la Cour supérieure de justice de l'Ontario, dans l'affaire Brown c. Canada (Procureur général). C'est au sujet du recours collectif lié à la rafle des années soixante. Je suis certain que vous avez peut-être déjà vu le dossier.
Dans sa décision, le juge dit entre autres ce qui suit:
À mon avis, à la première étape de l'analyse, une obligation de diligence prima facie est établie. On ne peut nier qu'il existe entre le Canada et les peuples autochtones une relation historique et constitutionnelle de longue date, qui est devenue une relation fiduciaire unique et importante.
Il ajoute ceci:
Et il ne fait aucun doute que le souci des peuples autochtones de protéger et de préserver leur identité était et demeure de la plus haute importance. Comme l'a indiqué la Cour divisionnaire, « [il] est difficile de s'imaginer qu'un autre dossier puisse être plus important pour les peuples autochtones que le lien de chaque personne avec son patrimoine autochtone. »
Or, comme si ce genre de cadre juridique ne suffisait pas, selon la loi à laquelle vous êtes assujettis, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, qui régit votre travail, Service correctionnel Canada est tenu de
réaliser des interventions correctionnelles adaptées aux besoins particuliers des délinquants autochtones, pour les aider à réussir leur réinsertion sociale.
Ma première question porte sur le paragraphe 3.55 du rapport du vérificateur général, à la page 13, qui dit:
Nous avons constaté que l’accès aux interventions correctionnelles variait considérablement d’un établissement à l’autre et d’une région à l’autre. Nous avons également constaté que Service correctionnel Canada n’avait pas vérifié s’il avait offert un accès suffisant aux interventions correctionnelles adaptées à la culture de façon à répondre aux besoins des délinquants autochtones.
Compte tenu du cadre juridique, de votre obligation juridique, comment pouvons-nous être saisis d'un rapport du vérificateur général qui dit que votre organisme n'a même pas vérifié s'il offrait un accès suffisant aux interventions correctionnelles adaptées à la culture?
J'aimerais savoir ce que vous en pensez, s'il vous plaît.
:
Je veux m'en tenir à ma question.
Je comprends ce que vous dites. Vous parlez de la situation de manière générale, mais je m'intéresse aux détails concernant ce que vous avez fait et ce que vous n'avez pas fait. Une fois de plus, dans le même rapport, voici ce qu'on peut lire au paragraphe 3.62:
Dans un tiers des dossiers que nous avons examinés, nous avons constaté que les évaluations effectuées par les Aînés n’avaient pas été documentées.
C'est simple, mais sans la documentation, on pourrait avancer que cela n'a pas été fait une fois sur deux.
Voici un autre passage du même paragraphe:
Nous avons également constaté que les agents de liaison autochtones n’avaient pas reçu de formation ni de directives sur la façon d’évaluer l’incidence des interventions et des évaluations effectuées par les Aînés sur les progrès réalisés par les délinquants en vue de réussir leur réinsertion sociale.
Je vous prie d'arrêter de me dire à quel point c'est sensationnel pour plutôt me dire comment vous allez donner suite aux conclusions du rapport, car il m'apprend que vous ne faites pas un si bon travail pour ce qui est des aînés, ou que vous pouvez du moins faire beaucoup mieux.
Je dois dire qu'à la lecture de ce rapport, il m'est venu un mot à l'esprit, et personne n'a prononcé ce mot aujourd'hui, alors je dois le dire. Ce mot est « crise ». D'après moi, c'est une énorme crise.
Selon les chiffres qui nous ont été montrés, les hommes et les femmes autochtones représentent 3 % de la population adulte de notre pays, mais 26 % des délinquants qui sont détenus dans des établissements fédéraux. Le pire, c'est qu'on ne leur donne pas un accès rapide à des programmes de réadaptation. L'accès est inégal et, en plus, ce n'est pas uniforme à l'échelle des régions.
J'ai entendu parler des types de programmes que vous offrez. D'après moi, ce n'est pas que nous ne sachions pas quoi faire; c'est qu'il faut que nous le fassions. Je vous ai entendu dire, monsieur Head, que le travail que vous faites peut avoir un effet sur la durée de la détention d'une personne. Il peut avoir un effet sur le niveau de sécurité de l'établissement. Et il peut avoir un effet sur le temps qu'il faut pour traiter un cas.
Vous avez dit très clairement, comme votre collègue, Mme Kelly, vient aussi de le faire, que le Service correctionnel ne peut contrôler le nombre de Canadiens autochtones qui se font infliger une peine de ressort fédéral menant à leur incarcération. Je trouve très dérangeant d'entendre ce genre de déclaration. Je comprends, d'un point de vue technique, que cela puisse être vrai, mais le simple fait que les délinquants autochtones ont tendance à être jeunes et à être des récidivistes... Votre travail ne vise pas que la réinsertion dans la collectivité; il doit aussi s'agir de réadaptation. Les choses qu'ils devraient vivre grâce aux programmes et aux services que vous devriez fournir et qui seraient adaptés à la culture peuvent avoir des effets importants et, oui, cela peut permettre un contrôle des nombres de Canadiens autochtones qui se font infliger des peines de ressort fédéral. C'est mon opinion.
Vous avez déclaré cela plusieurs fois. J'aimerais vous entendre à ce sujet.
:
Merci, madame la présidente.
Je ne peux pas parler de ce qu'ils ont fait. Nous n'avons pas fait d'audit à la suite de cela.
Certaines de ces choses nous ont beaucoup préoccupés, mais nous avons aussi été encouragés par certains aspects, au cours de l'audit. Entre autres, le ministère a fait de l'excellent travail en consultant les Premières Nations au sujet de certains enjeux et du type de programmes qu'il devrait mettre en place. Il y a aussi la réponse du commissaire, à la fin de l'audit, qui a clairement démontré qu'il reconnaît la nécessité d'améliorer les choses.
Je ne minimise pas les problèmes que nous avons constatés et l'importance de ce qui doit être fait. Je ne peux pas dire précisément s'ils l'ont fait, et ce, dans quelle mesure, mais je suis content que le Comité envisage de les faire revenir. Je suis encouragé par la sincérité que manifeste, d'après moi, l'organisation concernant la résolution des problèmes.
:
Nous reprenons la séance.
Bonjour.
[Traduction]
Bienvenue encore à notre vérificateur général, M. Michael Ferguson, et bienvenue à M. Jerome Berthelette, le responsable de cette étude.
Nous accueillons également, du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, M. Joe Wild, sous-ministre adjoint principal, et M. Stephen Gagnon, directeur général, Direction générale des revendications particulières.
Nous allons nous pencher sur le rapport 6, Les revendications particulières des Premières Nations, des rapports de l'automne 2016 du vérificateur général du Canada.
:
Merci, madame la présidente.
Je cherche à déterminer si nous avons un gros problème ou pas. Avec votre indulgence, j'ai une question pour le vérificateur général.
À la page 12 de votre rapport, au paragraphe 6.44, à peu près aux deux tiers du paragraphe, vous dites au sujet de certains renseignements et travaux que vous exécutez, que « Le Ministère n'a pas répondu aux demandes visant à fournir des éléments probants indiquant la poursuite d'une collaboration », et ainsi de suite.
Ce qui me préoccupe, madame la présidente, c'est la partie où l'on dit que le ministère « n'a pas répondu aux demandes ». Nous prenons très au sérieux les cas d'entités qui ne répondent pas aux demandes du vérificateur général, quand il est en train de réaliser un audit.
Était-ce un gros problème, monsieur? Est-ce que c'est un cas où « ils n'ont pas répondu, alors c'est leur problème parce qu'ils n'auront pas la chance de défendre leur dossier »? Est-ce plutôt un cas où vous avez demandé de l'information, et ils vous ont carrément ignoré?
:
Madame la présidente, je vous remercie de nous donner l'occasion de vous présenter les résultats de notre audit sur les revendications particulières des Premières Nations. Je suis accompagné de Jerome Berthelette, qui est vérificateur général adjoint et qui était responsable de l'audit.
Le gouvernement fédéral reconnaît depuis longtemps qu'il n'a pas toujours respecté ses obligations à l'égard des Premières Nations en vertu de traités historiques ni bien géré les fonds ou autres biens des Premières Nations. En 2007, le gouvernement s'est engagé dans un nouveau processus, appelé La justice, enfin, dans le but de régler plus rapidement ainsi que de manière plus équitable et plus transparente les griefs de longue date en utilisant de préférence la négociation. Le règlement des revendications particulières rendrait justice aux Premières Nations et procurerait une certitude au gouvernement, à l'industrie et à toute la population canadienne.
L'audit visait à déterminer si Affaires autochtones et du Nord Canada, le ministère principalement chargé de la mise en oeuvre du nouveau processus, avait géré adéquatement le règlement des revendications particulières des Premières Nations. L'audit visait à déterminer ce qui suit: si les Premières Nations avaient un accès adéquat au processus des revendications particulières; si les revendications étaient réglées et documentées conformément à des objectifs choisis de La justice, enfin; si les résultats des revendications particulières étaient présentés au public dans des rapports complets.
Nous avons eu des entretiens avec des représentants du ministère canadien de la Justice, du Tribunal des revendications particulières, de plusieurs Premières Nations et des organisations qui les représentent pour connaître leur point de vue sur le fonctionnement du nouveau processus. Toutefois, nous n'avons pas audité le rendement de ces organisations.
[Traduction]
Dans l'ensemble, nous avons constaté qu'Affaires autochtones et du Nord Canada n'avait pas adéquatement géré le règlement des revendications particulières des Premières Nations comme le prévoyait le nouveau processus. Par exemple, il était prévu que, chaque année, le nombre de revendications réglées soit supérieur au nombre de revendications reçues. Nous avons constaté que le ministère n'avait atteint cet objectif que pour deux des huit années depuis l'entrée en vigueur de La Justice, enfin.
Le ministère avait également annoncé que tous les efforts raisonnables seraient déployés pour en arriver à des règlements négociés, et que la vaste majorité des revendications admises pour la négociation seraient vraisemblablement résolues par une entente de règlement. Or nous avons constaté que, parmi les revendications admises pour la négociation, le nombre de revendications ayant fait l'objet d'un litige ou d'une fermeture de dossier par le ministère avait été plus élevé que le nombre de revendications réglées par la négociation.
Nous avons également constaté que les réformes apportées par le ministère au processus des revendications particulières n'avaient pas été élaborées en consultation avec les Premières Nations, et que ces réformes avaient introduit des obstacles qui avaient nui à l'accès des Premières Nations au processus et entravé le règlement des revendications. Parmi ces obstacles, on comptait certaines pratiques qui n'encourageaient pas la négociation, comme des offres « à prendre ou à laisser » pour des revendications que le ministère évaluait comme inférieures à 3 millions de dollars, des réductions importantes et unilatérales du financement offert aux requérants des Premières Nations pour la préparation des revendications et la négociation, et le recours très limité aux services de médiation et à la communication de l'information entre le ministère et les Premières Nations.
Par ailleurs, le ministère n'a pas utilisé l'information disponible ni les commentaires reçus pour améliorer la mise en oeuvre du processus des revendications particulières. Cette information comprend des préoccupations soulevées par les Premières Nations et les organisations qui les représentent concernant la mise en oeuvre du nouveau processus par le ministère. Elle comportait également des renseignements et des commentaires découlant des décisions du Tribunal des revendications particulières, dont la plupart étaient favorables aux Premières Nations.
[Français]
Pour ce qui est de la publication de rapports, nous avons constaté que les rapports publics du ministère étaient incomplets et qu'ils ne présentaient pas l'information nécessaire pour comprendre les résultats réels du processus des revendications particulières. Par exemple, le ministère avait annoncé publiquement que les réformes de 2007 avaient été un succès. Toutefois, nous avons constaté que la plupart des revendications invoquées pour appuyer cette affirmation avaient été réglées ou étaient proches de l'être avant la mise en oeuvre du processus La justice, enfin.
[Traduction]
Selon les Comptes publics du Canada 2015-2016, le gouvernement a reconnu un passif totalisant au moins 4,5 milliards de dollars pour un peu plus de 500 revendications particulières où le ministère a évalué une obligation légale de la Couronne non exécutée.
Nous sommes heureux que le ministère ait accepté nos 10 recommandations et préparé un plan de mise en oeuvre à cet égard.
Madame la présidente, je termine ainsi ma déclaration liminaire. C'est avec plaisir que nous répondrons aux questions des membres du Comité.
Merci.
:
Merci, madame la présidente. Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui.
Je suis le sous-ministre adjoint principal du Secteur des traités et du gouvernement autochtone. Je suis responsable du processus de règlement des revendications particulières. Je suis accompagné de Stephen Gagnon, le directeur général de la Direction générale des revendications particulières.
[Français]
Permettez-moi de vous rappeler brièvement en quoi consistent les revendications particulières et pourquoi elles sont importantes pour les Premières Nations ainsi que pour les Canadiens en général.
[Traduction]
Les revendications particulières sont des griefs déposés par les Premières Nations contre le gouvernement fédéral, qui découlent de la manière dont le Canada a administré les terres et d'autres biens des Premières Nations. Les revendications particulières portent également sur la façon dont certaines dispositions prévues dans les traités conclus avant 1975 ont été mises en oeuvre.
Le Canada est déterminé à régler ces préjudices historiques au moyen d'ententes négociées plutôt que devant les tribunaux, dans la mesure du possible. C'est l'un des nombreux moyens auxquels le Canada a recours pour instaurer la confiance et favoriser la réconciliation entre la Couronne et les Premières Nations. Le processus des revendications particulières est un processus extrajudiciaire de règlement des différends auxquels les Premières Nations peuvent participer si elles le désirent.
La participation continue à un processus volontaire et transparent qui vise à régler les revendications particulières profite à tous les Canadiens. Cela permet d'en arriver à des règlements convenus entre les parties, d'apporter des précisions quant à la propriété des terres et c'est plus rapide et moins onéreux qu'une action en justice. Nous continuerons de travailler avec les Premières Nations pour trouver des moyens justes et pratiques d'améliorer le processus des revendications particulières en ce qui concerne les délais, les coûts qui s'y rattachent et l'accès juste et raisonnable au processus. Notre objectif est de négocier des règlements équitables.
Les constatations et les recommandations issues de l'audit réitèrent la nécessité de trouver des moyens d'améliorer le processus. Le vérificateur général a déposé ses constatations sur les revendications particulières des Premières Nations le 29 novembre 2016. Le rapport a conclu que les réformes du processus amorcées en 2007 ont introduit volontairement des obstacles à l'accès des Premières Nations au processus, obstacles qui ont entravé le règlement des revendications.
[Français]
Les 10 recommandations faites par le vérificateur général portent sur une meilleure communication avec les Premières Nations afin de définir conjointement des moyens d'améliorer le processus des revendications particulières.
Le ministère des Affaires autochtones et du Nord appuie les recommandations du vérificateur général.
En fait, ce n'est pas le seul rapport récent qui fasse état d'aspects du processus qui pourraient être améliorés.
[Traduction]
La majorité des constatations du vérificateur général ont déjà été soulevées lors de l'examen de la Loi sur le tribunal des revendications particulières réalisé par le ministère des Affaires autochtones et du Nord Canada et sont consignées dans le rapport que la ministre a déposé au Parlement en novembre dernier.
Effectivement, en juin 2016, même avant la conclusion de l'audit, le ministère des Affaires autochtones et du Nord Canada avait commencé à travailler avec l'Assemblée des Premières Nations, les organisations des Premières Nations et d'autres intervenants afin de déterminer des mesures justes et pratiques de rendre le processus des revendications particulières plus souple et efficace. AANC a renoué le dialogue avec l'Assemblée des Premières Nations, qui a reçu au cours du présent exercice 400 000 $ afin de favoriser les discussions sur les quatre grands enjeux prioritaires relevés.
Un groupe de travail technique mixte, coprésidé par AANC et l'Assemblée des Premières Nations, supervise actuellement les travaux concertés réalisés en vue de s'attaquer aux enjeux prioritaires suivants: le financement pour soutenir la recherche et la préparation des revendications; le processus de règlement des revendications dont la valeur est supérieure à 150 millions de dollars; le recours accru à la médiation dans les processus de négociation; et la production de rapports publics clairs. Chacun de ces enjeux figure dans le rapport du vérificateur général, et les recommandations issues des efforts concertés du groupe de travail orienteront la reddition de comptes d'AANC dans le cadre du Plan d'action détaillé en vue de mettre en oeuvre ces recommandations.
[Français]
Le ministère des Affaires autochtones et du Nord a reçu le mandat d'établir une relation renouvelée entre la Couronne et les Premières Nations du Canada qui soit fondée sur la reconnaissance des droits, le respect, la collaboration et le partenariat.
La suite donnée aux recommandations du vérificateur général fournira un exemple concret de la façon dont le Canada mettra en oeuvre cette relation renouvelée.
Le ministère des Affaires autochtones et du Nord est déterminé à améliorer le processus des revendications particulières en travaillant de concert avec les Premières Nations et les organisations des Premières Nations. Cela constitue une partie intégrante de son mandat.
[Traduction]
C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
Merci.
:
Je vous remercie de la question.
Je vais vous donner quelques exemples. Je n'essaie pas ici d'interpréter ce que le vérificateur général a voulu dire, mais d'après les discussions que j'ai eues avec les groupes des Premières Nations, on a réduit le financement consacré à la recherche en 2012, si je ne me trompe pas. Par conséquent, on a fait valoir que les Premières Nations ne peuvent pas soumettre leurs revendications, et encore moins parvenir à un règlement, si elles n'ont pas pu faire de recherches au préalable.
Par ailleurs, nous avons essayé de trouver un moyen d'accélérer le règlement des revendications de faible valeur. Évidemment, on ne voudrait pas consacrer trop de temps et d'argent à une revendication d'une valeur inférieure à 3 millions de dollars, comme le vérificateur général l'a indiqué. Notre pratique consistait à envoyer une lettre d'offre à la Première Nation concernée. Il y avait très peu de communication entre la Première Nation et le ministère, et la Première Nation disposait de très peu de temps pour nous répondre puis, au bout du compte, elle rejetait l'offre proposée.
:
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui.
J'aimerais profiter du fait que la séance est télévisée pour réexaminer quelque chose très brièvement, monsieur le président.
Soit dit en passant, si le vérificateur général croit qu'il est important de répondre à la question que j'ai posée plus tôt, je l'invite à le faire. C'est ma seule chance de parler; je vais donc dire tout ce que j'ai à dire et j'espère qu'il restera du temps pour des réactions.
J'aimerais parler du dernier rapport Le Point que la vérificatrice générale Sheila Fraser a déposé avant son départ.
La section est intitulée « Les conditions de vie dans les réserves des Premières nations », mais elle aborde l'attitude et l'approche.
La vérificatrice générale a écrit:
Entre 2001 et le printemps de 2010, j'ai publié 16 chapitres qui abordaient directement des questions touchant les Premières nations et les Inuits, et 15 autres qui traitaient de questions qui ont de l'importance pour les Autochtones. Dans le chapitre 4 du présent rapport Le Point, je constate, avec une profonde déception, qu'en dépit des mesures prises au fil des ans par le gouvernement fédéral en réponse à nos recommandations, un nombre disproportionné de membres des Premières nations n'ont toujours pas accès au même titre que le reste de la population canadienne aux plus élémentaires des services. [...]
A priori, on peut penser que le gouvernement n'a qu’à travailler plus fort pour faire en sorte que les programmes existants donnent de meilleurs résultats. Cependant, au bout de dix ans à titre de vérificatrice générale, j'ai la conviction que pour améliorer véritablement le bien-être des Premières nations vivant dans les réserves, un changement fondamental doit s'opérer. [...]
Dans un pays aussi riche que le Canada, un tel contraste est inacceptable.
M. Ferguson a présenté son rapport, un rapport provisoire, au milieu de son mandat de 10 ans. Voici ce que M. Ferguson a écrit l'automne dernier:
Un autre thème qui refait trop souvent surface est celui de la disparité de traitement qui touche les peuples autochtones du Canada. À la fin de son mandat, Sheila Fraser, ma prédécesseure, a employé le mot « inacceptable » pour résumer son impression après dix ans d'audits et de recommandations sur les enjeux touchant les Premières Nations. Nous avons continué à auditer ces enjeux après mon entrée en fonction. Chaque année, nous présentons au moins un rapport sur des enjeux qui importent aux Premières Nations, y compris la gestion des urgences et les services de police dans les réserves, l'accès aux services de santé et, plus récemment, les services correctionnels pour les détenus autochtones. Considérant les résultats de ces audits et de ceux qui les ont précédés, je dois dire que la situation actuelle est plus qu'inacceptable.
On parle maintenant [...] d'une décennie d'audits qui montrent des programmes qui n'ont pas efficacement servi les peuples autochtones du Canada. [...] Tant qu'une perspective axée sur la résolution des problèmes n'est pas adoptée pour aborder ces enjeux et élaborer des solutions qui s'articulent autour des gens plutôt que des litiges, des querelles d'argent et des entraves administratives, le pays continuera de dilapider le potentiel et les vies d'une forte proportion de sa population autochtone.
Maintenant, je vais parler du rapport qui nous occupe aujourd'hui. Je vais seulement lire quelques points saillants, car la question que je vais poser à M. Wild portera sur les changements qui ont été apportés.
Ma préoccupation concerne précisément l'attitude. L'attitude qui sous-tend certaines décisions qui ont été prises est terriblement troublante. J'étais très fâché à la fin de ma lecture du rapport. Je n'aurai probablement pas le temps de tout dire — je parle trop encore une fois.
Je vais présenter des fragments de différents points abordés dans le rapport, des résumés du vérificateur général. On lit à la page 13:
En 2011, sans l'apport des Premières Nations, le Ministère a élaboré un processus distinct pour accélérer la négociation des revendications de faible valeur. À notre avis, les caractéristiques suivantes de ce nouveau processus ont créé des obstacles à la négociation qui étaient incompatibles avec les objectifs du Plan d'action La Justice, enfin:
Cela a été fait sans l'apport des Premières Nations.
On ajoute:
Nous avons noté que le financement annuel alloué aux Premières Nations pour la recherche relative aux revendications avait diminué de 40 %, passant de 7,8 millions de dollars au cours de l'exercice 2013-2014 à 4,7 millions de dollars au cours de l'exercice 2014-2015. Selon les représentants du Ministère, cette baisse du financement s'inscrivait dans le cadre du Plan d'action pour la réduction du déficit.
[...] Nous avons constaté que l'absence de méthode s'était traduite par des restrictions budgétaires arbitraires et réparties de façon inégale.
En voici un autre:
À titre d'exemple, nous avons constaté que le Ministère avait décidé de façon arbitraire que le montant maximal d'un prêt pouvant être versé à une Première Nation était de 142 500 $ par année ou de 427 500 $ sur trois ans. Nous avons constaté qu'une étude ministérielle suggérait d'allouer un financement annuel de 240 000 $ à une Première Nation pour l'aider à négocier une revendication particulière.
C'est insultant.
Voici un autre problème:
Après 2008, Affaires autochtones et du Nord Canada a cessé de communiquer le rapport aux Premières Nations avant de le remettre au ministère de la Justice Canada. Par conséquent, après l'entrée en vigueur du Plan d’action, les Premières Nations n'étaient plus mises au courant de l'analyse et de l'interprétation par Affaires autochtones et du Nord Canada des revendications présentées. Nous sommes d'avis que cette connaissance des faits est nécessaire pour comprendre les raisons concrètes sous-tendant un avis juridique et favoriser [...]
C'est la même attitude.
Je suis à la page 18. Sous la rubrique « La présentation de rapports incomplets », on lit:
Nous avons constaté que certains résultats avaient été omis dans les rapports publics ou n'avaient pas été présentés clairement. Les rapports publiés par le Ministère sur les résultats étaient incomplets et ils cachaient les résultats réels. Nous sommes d'avis que les parlementaires et les Canadiens auraient, par conséquent, de la difficulté à comprendre les résultats réels du Plan d'action La Justice, enfin.
Les exemples sont innombrables. Je n'ai presque plus de temps.
En voici un autre: « À notre avis, les parlementaires et les Canadiens ont reçu une information incomplète sur le délai requis pour traiter une revendication particulière. »
Aidez-moi à comprendre. Chaque fois, on nous dit: « Nous allons apporter des changements maintenant », et il n'y a jamais de changements.
Monsieur Wild, dites-moi pourquoi les autres membres du Comité et moi devrions croire que les choses se passeront différemment cette fois-ci.
:
Merci, madame la vice-présidente.
Merci aux témoins de leur présence.
En lisant les premières pages du rapport et la description du programme La Justice, enfin au paragraphe 6.7, j'avais un peu d'espoir. Nous étions sur la bonne voie. Nous savons qu'il y a des revendications en souffrance partout au pays. Dans chacune de nos circonscriptions, des revendications se préparent depuis des dizaines d'années, voire depuis le début de la Confédération.
Nous avions un plan qui nous permettrait de résorber l'accumulation de revendications et d'accélérer le traitement des revendications, de régler les revendications particulières, ainsi que d'indemniser les Premières Nations pour les préjugés subis dans le passé relativement aux obligations légales du Canada qui n'avaient pas été exécutées. En outre, comme le paragraphe 6.8 le précise, en échange de l'indemnisation, les Premières Nations allaient accepter de ne jamais réactiver une revendication réglée. Ce plan promettait de nous remettre sur la bonne voie.
Que s'est-il passé? Qu'est-il arrivé à ce plan? Ce que le rapport du vérificateur général montre, c'est que des obstacles ont été dressés et que des offres à prendre ou à laisser ont été faites pour des revendications sans que les Premières Nations soient vraiment consultées. On a réduit considérablement et unilatéralement le financement réservé à la préparation des revendications et à la négociation pour les requérants des Premières Nations, et on s'est très peu servi de la médiation et de la négociation, les outils mêmes qui, à mon avis, auraient dû faire partie du programme La Justice, enfin. Nous n'avons pas opté pour la médiation; en fait, nous avons eu recours au système de justice, ce qui était déjà problématique et coûteux.
Pourquoi n'avons-nous pas recouru à la médiation dès le départ?
J'ai toujours cru qu'il fallait quantifier quelque chose pour pouvoir l'évaluer. Voici ce qu'on peut lire au paragraphe 6.56 du rapport du vérificateur général:
Nous avons constaté qu'Affaires autochtones et du Nord Canada avait mis en place un processus pour tenir compte des répercussions des décisions du Tribunal des revendications particulières, mais le Ministère n'a pas été en mesure de nous fournir des éléments probants indiquant qu'il avait un processus officiel pour cerner les améliorations et faire les modifications requises. En outre, nous n'avons relevé aucun élément probant démontrant que le Ministère avait amélioré son processus des revendications particulières en se fondant sur la rétroaction officielle reçue des parties internes et externes relativement au processus ou sur l'information qu'il avait concernant les préoccupations des Premières Nations à l'égard de ce processus.
Dans le plan d'action, on indique clairement quelle est la recommandation formulée, mais on précise dans la colonne de la date d'achèvement prévue que le processus est « en cours ».
Le problème c'est que le processus est en cours depuis 1948, et que nous ne recueillons toujours pas l'information dont nous avons besoin. Si nous n'y sommes pas parvenus en près de 70 ans, quelles sont les chances que nous y arrivions d'ici les 12 ou 15 prochains mois? On indique que cela fait partie des « jalons importants » pour l'automne 2017.
Je me réjouis que l'on formule toutes ces recommandations. M. Christopherson sait à quel point les dates sont importantes à mes yeux. J'aime bien avoir des échéances fermes comme le 31 octobre ou le 1er décembre, car cela nous permet d'évaluer l'atteinte des principaux objectifs mesurables.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez et quel échéancier nous devrions établir pour commencer à recueillir vraiment l'information dont nous avons besoin pour aller de l'avant.