Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Je vous souhaite la bienvenue à la 144e réunion du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique.
Conformément à l'article 108(3)h) du Règlement et de la motion adoptée par le Comité le jeudi 21 novembre 2024, le Comité entreprend son étude de la liquidation de TikTok Technology Canada Inc.
[Traduction]
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins pour la première heure aujourd'hui.
Du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, nous accueillons le commissaire à la protection de la vie privée, Philippe Dufresne.
Bon retour, monsieur Dufresne. J'espère que vous êtes rentré chez vous et que vous ayez pu revenir. Nous vous avons reçu ici jeudi.
Également du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, nous accueillons Marc Chénier, sous-commissaire et avocat général principal.
Avant de commencer les déclarations liminaires, nous avons un budget pour l'étude. J'aimerais qu'il soit adopté maintenant. C'est 1 750 $ pour cette étude.
Les membres du Comité ont-ils des objections à ce budget?
Il y a trois casques d'écoute au coût de 250 $ chacun. Deux repas de travail coûtent 500 $ chacun, pour un total de 1 000 $. C'est 1 750 $.
Est‑ce correct avec vous? Y a‑t‑il des objections?
Je ne vois pas M. Green, et j'aimerais le voir. Il ne m'a pas signalé s'il s'opposait à ce budget ou non.
Je reviendrai à M. Green. Je ne le ferai pas adopter maintenant. Je sais que j'ai le consentement des autres membres. Lorsqu'il sera là, nous réglerons la question.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour.
Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître dans le cadre de votre étude sur la décision du gouvernement d'ordonner la liquidation de l'entreprise canadienne exploitée par TikTok Technology Canada Inc.
Je suis heureux de pouvoir contribuer à cette importante discussion sur la sécurité nationale et la protection de la vie privée concernant l'influence étrangère sur les plateformes numériques, y compris les médias sociaux, et la propriété étrangère ou le contrôle étranger dans ce contexte.
[Traduction]
Au sujet de la décision du gouvernement d'ordonner la liquidation de l'entreprise canadienne exploitée par TikTok Technology Canada Inc., cette décision a été prise en vertu de la Loi sur Investissement Canada, qui prévoit l'examen des investissements étrangers susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale du Canada.
Selon les Lignes directrices sur l'examen relatif à la sécurité nationale des investissements, un examen peut porter sur différents facteurs, notamment la mesure dans laquelle un investissement étranger peut faciliter l'accès à des données personnelles sensibles, par exemple des renseignements de santé ou de génétique qui permettent d'identifier une personne, des données biométriques, des renseignements financiers, des communications privées, des données de géolocalisation ou des données personnelles concernant des représentants gouvernementaux.
Cette évaluation est faite par le gouvernement. Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada n'y a pas pris part ni n'a été consulté à cet égard. En fait, nous avons pris connaissance de cette évaluation au moment de l'annonce du 6 novembre 2024.
(1630)
[Français]
Comme vous le savez, en février 2023, j'ai lancé une enquête sur la plateforme des médias sociaux TikTok conjointement avec mes homologues du Québec, de la Colombie‑Britannique et de l'Alberta.
Nous déterminerons si les pratiques de TikTok sont conformes aux lois canadiennes sur la protection des renseignements personnels et, plus précisément, si TikTok a obtenu un consentement éclairé pour la collecte, l'utilisation et la communication de renseignements personnels.
Compte tenu de l'importance de protéger la vie privée des enfants, l'enquête conjointe porte en particulier sur les pratiques de TikTok en matière de protection de la vie privée visant les jeunes utilisateurs.
[Traduction]
J'espère que les conclusions de notre enquête sur TikTok seront utiles non seulement pour cette entreprise, mais aussi pour d'autres organisations qui recueillent et traitent des renseignements personnels sensibles concernant des enfants. La décision du gouvernement d'ordonner la liquidation de TikTok Technology Canada Inc. n'a pas d'incidence sur mon pouvoir d'enquête. Nous approchons du terme de cette enquête. Mon objectif est de l'avoir terminée dans les prochains mois. Puisque l'enquête est en cours, je suis limité quant aux autres renseignements que je peux vous transmettre.
Défendre le droit à la vie privée des enfants, faire valoir la protection de la vie privée à l'heure où se succèdent les changements technologiques et agir en ce sens, et optimiser les efforts que nous déployons, voilà les trois priorités stratégiques que j'ai établies pour le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada. À cette fin, en octobre dernier, j'ai publié une déclaration avec mes homologues du G7 sur l'intelligence artificielle et les enfants. L'importance de veiller à ce que les technologies comme l'intelligence artificielle soient développées dans l'intérêt supérieur de l'enfant est soulignée dans cette déclaration.
[Français]
Pour atteindre cet équilibre important entre l'innovation et le droit fondamental à la vie privée, les territoires doivent collaborer et concerter leurs efforts, afin que les citoyens puissent participer activement au monde numérique en sachant que leur droit fondamental à la vie privée est protégé.
Pour y arriver, nous établissons des paramètres qui aideront les organisations à innover tout en favorisant une culture où les principes de protection de la vie privée, dès la conception et par défaut, sont intégrés au cœur de leurs activités.
En terminant, je tiens à remercier et à féliciter le Comité pour son plus récent rapport, publié jeudi dernier, ayant pour titre « Encadrement des plateformes de médias sociaux : assurer la protection de la vie privée et la sécurité en ligne ».
[Traduction]
Je soutiens pleinement vos recommandations qui sont avantageuses à la fois pour la vie privée, pour la population canadienne et pour l'intérêt public et l'innovation. J'ai hâte de faire part de ces observations importantes à mes homologues au Canada et à l'étranger et d'en discuter avec eux.
Je vous remercie encore une fois. Je serais maintenant heureux de répondre à vos questions.
Avant que nous commencions avec M. Barrett, M. Green est en ligne.
Monsieur Green, nous avons examiné un budget pour l'étude de 1 750 $. Cela ne veut pas dire que nous allons tout dépenser. Tout ce que nous ne dépenserons pas sera reversé à la Chambre. C'est pour des repas de travail et des casques d'écoute. Nous n'aurons peut-être pas besoin de la somme complète.
Cela vous convient‑il?
J'ai le consentement du Comité, madame la greffière, alors le budget pour l'étude est approuvé.
Monsieur Barrett, vous disposez de six minutes. On vous écoute.
Nous enquêtons sur la transparence des pratiques de consentement de TikTok. L'enquête est en cours, si bien que je ne peux pas en dire plus sur le fond de l'enquête. Quand nous l'avons annoncée, nous avons fait savoir qu'elle porterait plus précisément sur la protection de la vie privée des enfants et des jeunes utilisateurs.
Nous travaillons fort, avec nos collègues du Québec, de la Colombie-Britannique et de l'Alberta, pour terminer cette enquête le plus tôt possible. Comme je l'ai dit, j'espère que nous pourrons le faire dans les prochains mois.
Je pense qu'il y a un problème pour les Canadiens qui essaient de prendre une décision éclairée, pour les parents qui essaient d'éduquer leurs enfants et pour les enfants qui essaient de prendre des décisions éclairées pour eux-mêmes.
Notre gouvernement a déclaré que nous pouvons continuer d'utiliser cette application. Cependant, les bureaux de l'entreprise qui exploite cette plateforme doivent être fermés. Il y a des risques précis, mais le gouvernement ne peut pas nous dire lesquels. C'est une absence totale de transparence.
Vous êtes un mandataire indépendant du Parlement, si bien que vous assumez une fonction qui est importante en contribuant à informer les Canadiens et en faisant office de contrepoids à certaines actions du gouvernement.
Le gouvernement aurait‑il pu être plus transparent avec les Canadiens sur une question qui concerne la protection de leur vie privée?
Le gouvernement aurait‑il dû aligner ses décisions et ses annonces sur la publication de votre rapport?
La décision du gouvernement, qui a été annoncée le 6 novembre par le ministre de l'Innovation, indique qu'elle a été prise en vertu de la Loi sur Investissement Canada. Elle est prise pour des raisons de sécurité nationale.
Notre enquête est différente. Elle porte sur la protection de la vie privée des Canadiens, et des enfants en particulier. Nous avançons dans ce dossier, mais la sécurité nationale est un élément distinct. Je ne peux pas m'exprimer sur cette décision et sur les raisons sous-jacentes. Je n'y ai pas participé. On ne m'a pas consulté.
Ce que je peux dire, c'est que mes collègues des provinces et des territoires et moi-même avons publié une déclaration sur la protection de la vie privée des enfants. Nous faisons valoir un certain nombre d'arguments où nous exposons nos attentes pour les organisations, donnons des conseils, soulignons certaines choses pour les parents et les enfants, veillons à ce que les mécanismes de protection de la vie privée soient les plus importants et dénonçons les organismes dont les pratiques ne sont pas assez claires. Nous allons continuer à utiliser les outils dont nous disposons, à savoir la promotion et le pouvoir d'enquête. Nous sommes impatients d'y parvenir.
Le gouvernement a ordonné la fermeture des bureaux de TikTok au Canada.
Sur qui allez-vous enquêter à l'avenir, si un problème est soulevé en ce qui concerne TikTok, si ces gens n'ont aucune présence au Canada et s'ils mettent fin... comme l'a ordonné le gouvernement, pour des raisons très opaques?
Nous n'avons aucune mesure pour déterminer si ces raisons sont valables ou non, mais il a ordonné la fermeture de ces bureaux.
Sur qui enquêteriez-vous et à qui demanderiez-vous des documents?
Vous adresseriez-vous à des entités étrangères? Ces entités étrangères auraient-elles une obligation quelconque de participer ou de coopérer à vos enquêtes?
Le droit canadien s'appliquera à une question si elle a une incidence sur les utilisateurs canadiens. Pour que la loi canadienne sur la protection de la vie privée s'applique, il n'est pas nécessaire qu'une société soit dotée de bureaux au Canada, ou même qu'elle génère des revenus ici. Les tribunaux ont reconnu que s'il existe un lien réel et substantiel avec le Canada, et si les utilisateurs canadiens peuvent être affectés par cette affaire, nous sommes compétents en la matière.
Pour ce qui est de la manière dont nous enquêtons sur ces questions, si notre bureau n'a personne au Canada, nous nous adressons au bureau d'un autre pays.
Nous ne disposons d'aucun pouvoir d'exécution dans d'autres pays. Nous ne pouvons pas obliger telle ou telle organisation à collaborer avec nous et à nous fournir des renseignements si elle est établie à l'étranger.
Cette situation me paraît donc quelque peu problématique. Vous voyez peut-être où je veux en venir. Comme le Canada ne dispose pas de bureaux au sein des pays avec qui il collabore par rapport à ce genre d'enjeux, nous sommes dans une impasse.
... En cas de refus de nous transmettre de la documentation, c'est plus facile et plus simple si l'organisation avec qui nous traitons dispose de bureaux au Canada.
Le gouvernement fédéral envoie un message assez contradictoire; TikTok serait si dangereux que l'on doit fermer les bureaux de la société au Canada, alors que nos propres enfants peuvent continuer à utiliser l'application TikTok. Il me semble évident que nous devons trancher: soit l'application TikTok est sécuritaire pour la population canadienne, soit elle ne l'est pas. En vérité, nous n'en savons rien.
Je me concentre sur l'enquête que nous menons. Nous continuons de discuter avec des représentants de la société qui gère TikTok. Nous posons des questions. Comme je l'ai dit, nous publierons notre rapport dès que possible. Il contiendra nos conclusions quant au respect de la législation canadienne en matière de protection de la vie privée.
Je tiens également à remercier les témoins qui comparaissent aujourd'hui.
Merci, monsieur le commissaire. Je vais commencer par vous.
Comprenez-vous que la décision du gouvernement dans le cadre de l'examen de la Loi sur Investissement Canada concerne entièrement les activités commerciales de TikTok, et non l'application elle-même?
Le gouvernement a annoncé qu'il ne souhaite pas forcer la fermeture de l'application TikTok, mais il demande par contre la liquidation de l'ensemble des activités canadiennes.
Je n'ai vu aucune directive du gouvernement fédéral interdisant l'application de TikTok au Canada, ou empêchant son utilisation. Par contre, le gouvernement demande à la société de cesser ses activités au Canada.
Non, nous ne sommes pas impliqués dans cette décision. Il s'agit d'une décision prise, je crois, par le ministère de l'Industrie en consultation avec des experts en sécurité nationale au sein du gouvernement. En dernière analyse, la décision relève de l'exécutif.
Nous n'avons pas été consultés dans le cadre de cette décision particulière. Nous pourrions être consultés sur une évaluation générale de l'impact sur la vie privée du programme lui-même, mais cette décision ne me concerne pas. Ce n'est pas une décision pour laquelle j'aurais été en mesure de fournir des renseignements sur la protection de la vie privée.
Monsieur Dufresne, vous et moi appartenons à une génération qui a connu la vie sans l'internet, puis nous avons vu arriver les technologies numériques. Je pense que tout le monde autour de cette table fait partie de ces générations. Eh bien, sauf M. Caputo, j'imagine. Oh, oh !
Des voix: Oh, oh!
Mme Iqra Khalid: Plusieurs experts craignent que le fait que la société TikTok quitte ses activités sur le territoire canadien ne nuise fortement à votre surveillance de l'application et de toute violation des données. Cependant, je crois savoir que votre bureau peut exercer sa compétence sur des sociétés étrangères sans qu'elles aient une présence physique au Canada. L'emplacement physique des serveurs n'est pas déterminant pour la capacité de votre bureau à effectuer correctement son travail.
Est‑ce exact? Pourriez-vous nous expliquer la situation?
C'est exact dans le sens où, pour que je sois compétent en la matière, il faut qu'il y ait ce que les tribunaux qualifient de lien réel et substantiel avec le Canada. Cela peut se faire en examinant des éléments tels que la localisation du public cible du site Web. S'il y a des utilisateurs canadiens, ce facteur est rempli. Nous évaluons également la source du contenu du site Web, la localisation de l'opérateur, ainsi que la localisation du serveur hôte.
Il s'agit d'une évaluation contextuelle, mais nous examinons généralement la question de la compétence lorsque les Canadiens sont concernés, et si les Canadiens utilisent l'application, alors nous sommes compétents.
Là où il peut y avoir plus de difficultés, c'est s'il y a du temps pour faire appliquer la décision, s'il y a du temps pour contraindre les choses, et si les choses se passent dans un autre pays, alors nous devons faire appel aux tribunaux de cet autre pays.
Mon bureau est toujours compétent pour enquêter sur le site Web, sur son impact sur la population canadienne, et pour vérifier s'il respecte les pratiques en matière de protection de la vie privée. Nous sommes habilités à rendre une ordonnance et à demander une décision judiciaire aux tribunaux canadiens.
La question de l'exécution pourrait se poser si tous les actifs se trouvaient dans un autre pays. Il s'agit alors d'une question de droit international privé où l'on cherche à faire exécuter par un tribunal d'un autre pays une décision des tribunaux canadiens.
Dans ce cas, nous poursuivons notre enquête. Nous allons publier notre rapport de conclusions dans les mois à venir avec mes collègues du Québec, de la Colombie-Britannique et de l'Alberta, je n'en dirai donc pas plus. Nous n'avons pas encore finalisé le résultat. Je n'ai pas le pouvoir de prendre des ordonnances, mais dans mon cas, il pourrait s'agir de recommandations. Je pourrais agir devant les tribunaux canadiens. Mes homologues provinciaux ont le pouvoir de prendre des ordonnances, c'est donc une question qui sera soulevée ultérieurement.
S'agit‑il d'une affaire dans laquelle la GRC interviendrait une fois l'enquête terminée, ou s'agirait‑il d'une affaire civile qui, selon vous, devrait perdurer?
Notre enquête n'impliquerait pas la GRC. Nous menons notre enquête et nous publions notre rapport. Ensuite, s'il s'avère que la loi a été violée, s'il y a des recommandations ou des ordonnances provinciales, ou si nous portons l'affaire devant les tribunaux, il s'agit alors d'une procédure civile.
Auriez-vous des recommandations à faire au Comité sur la manière dont nous devrions nous comporter, non seulement avec TikTok, mais aussi avec d'autres plateformes de médias sociaux? Y a‑t‑il quelque chose que nous pourrions faire, selon vous, pour mieux légiférer en matière de soutien à la protection de nos communautés et de notre pays?
Mesdames et messieurs, nous avons malheureusement dépassé notre temps de parole. Je vais devoir vous demander, monsieur Dufresne, de revenir sur cette réponse lors de la prochaine série de questions réservée aux députés libéraux. Nous avons dépassé notre temps de 28 secondes.
[Français]
Monsieur Villemure, vous avez la parole pour six minutes.
Je vous remercie d'être présents, monsieur le commissaire et monsieur Chénier.
Je pense que nous sommes devant un cas d'injonction paradoxale, c'est-à-dire qu'on nous demande de faire une chose et son contraire. Je n'entrerai pas dans les détails que vous avez déjà présentés à mes collègues, mais j'aimerais savoir ce que vous pensez de la décision du gouvernement canadien, qui expulse TikTok, mais qui permet son utilisation. Cela me semble paradoxal.
Je peux difficilement commenter cette décision, parce que je n'ai pas l'information sur laquelle le gouvernement s'est basé pour la prendre.
La déclaration du ministre indique que cette décision a été prise en vertu de la Loi sur Investissement Canada pour des motifs de sécurité nationale, et elle explique ce que cela fait et ce que cela ne fait pas. Je ne peux pas en juger. Tout ce que je peux dire, c'est que, de notre côté, en parallèle à cela, nous menons déjà une enquête sur TikTok qui vise à déterminer si la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques est respectée, en particulier en ce qui touche les jeunes utilisateurs, et c'est ce que nous allons faire.
Je ne vous demande pas de révéler quoi que ce soit de votre enquête en cours, mais il me semble que cette décision, qui est fondée sur la Loi sur Investissement Canada, ne vous aide pas. Il me semble que cela vous complique un peu la tâche.
À ce stade-ci, comme je l'ai indiqué, nous continuons notre enquête. Cela n'a pas d'effet sur notre enquête. Nous serons en mesure de la compléter dans les prochains mois et de rendre notre décision.
Plus tôt, avec vos collègues, on a discuté de ce qui se passerait si l'entreprise refusait de collaborer ou de se conformer à la loi alors qu'elle n'aurait plus de filiale au Canada. Ils se demandaient si cela pouvait soulever des questions différentes. C'est possible. Cependant, pour le moment, nous utilisons les outils que la loi nous donne.
Il est certain que ce pouvoir pourrait être utile. Comme vous l'avez recommandé dans votre rapport récemment, ce pouvoir est un élément qui manque à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques du Canada. C'est ce qui se ressort clairement quand cette loi est comparée, même à l'intérieur du Canada, aux lois de certaines des provinces et à celles de nos vis-à-vis à l'étranger, d'Europe et d'ailleurs.
Cette année, le Canada préside le G7, et je préside la Table ronde des autorités de protection des données et de la vie privée du G7. Cependant, je n'ai pas le pouvoir d'émettre des ordonnances. C'est donc une lacune à combler, car, tant qu'elle ne l'est pas, il faut intenter des poursuites judiciaires auxquelles il faut consacrer temps et argent. Pourtant, elle est simple à corriger.
Comme vous l'avez recommandé par ailleurs, il faut aussi envisager la possibilité d'imposer des amendes. On entend parler de recours collectifs mettant en cause des montants importants, et c'est ce qui attire l'attention des dirigeants et encourage la conformité.
Oui. Je pourrais émettre des ordonnances, mais je ne pourrais pas imposer d'amendes. Ces dernières feraient l'objet de recommandations qui seraient transmises à un nouveau tribunal, qui déciderait alors de les imposer ou non.
Cela me semble paradoxal de proposer une nouvelle loi qui concerne la vie privée, alors que des précédents existent et font déjà l'affaire dans des territoires et provinces canadiennes ou en Europe, par exemple.
Selon un récent rapport du Service canadien du renseignement de sécurité, le Parti communiste chinois peut accéder aux données personnelles des utilisateurs de TikTok.
Comment pourrait-on mieux protéger les citoyens en ce sens?
Dans le cadre de l'étude sur le projet de loi C‑11, lequel a précédé le projet de loi C‑27, nous avons fait des recommandations, que nous avons d'ailleurs réitérées dans le rapport sur le projet de loi C‑27 fourni au Comité.
L'une d'elles visait à inclure dans la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques des règles plus précises sur les transferts de renseignements personnels à l'extérieur du pays.
En ce moment, la Loi est assez générale sur la question. Elle énonce qu'on doit, par contrat ou autrement, assurer une protection équivalente à celle assurée par le Canada.
Toutefois, d'autres pays d'Europe on a un régime de protection plus rigoureux où on parle d'adéquation. Ces pays évaluent le système juridique de l'autre pays et déterminent si la vie privée est suffisamment protégée. Il peut aussi y avoir des dispositions types, entre autres choses.
Cela dit, le régime pourrait être plus strict, ce qui amènerait une plus grande protection.
J'aimerais aborder le cas de l'entreprise 23andMe.
Récemment, une entreprise israélienne s'est portée acquéreur d'une entreprise québécoise de généalogie qui s'appelle MesAïeux.com.
À quel point les gens qui utilisent le site de cette entreprise et acceptent les conditions d'utilisation consentent-ils à un partage de données de ce type?
Nous avons rendu certaines décisions concernant l'utilisation des services d'un fournisseur dans un pays tiers. La Loi sur la protection des renseignements personnels n'interdit pas de le faire. Au Canada, on peut transférer des données à l'extérieur du pays. Le régime dit essentiellement qu'on doit accorder une protection équivalente à celle de l'autre pays.
Quand nous nous penchons sur de tels cas, nous vérifions si le consentement est accordé pour les mêmes fins que pour celles pour lesquelles c'est utilisé dans l'autre pays. Nous vérifions aussi si les conditions d'utilisation sont transparentes, c'est-à-dire si on explique bien aux utilisateurs qui accordent leur consentement les raisons pour lesquelles leurs renseignements pourraient être utilisés. Dans certains cas, nous avons trouvé que c'était acceptable.
Oui. S'il existe une préoccupation quant à un manque de transparence et que les renseignements personnels sont utilisés pour des raisons autres que ce qu'on croyait, nous pouvons alors être appelés à intervenir à la suite d'une plainte. Nous pourrions aussi lancer notre propre enquête, mais, généralement, nous intervenons à la suite d'une plainte.
Je vois que plusieurs questions très intéressantes vous ont déjà été posées par mes collègues.
Vous avez mentionné dans vos remarques liminaires que la décision du gouvernement a été prise conformément à la loi sur l'investissement au Canada, qui permet d'examiner les investissements étrangers susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale du Canada. Vous avez ajouté que les lignes directrices relatives à l'examen des investissements sous l'angle de la sécurité nationale comprennent un certain nombre de facteurs, notamment « […] la mesure dans laquelle un investissement étranger peut faciliter l’accès à des données personnelles sensibles, par exemple des renseignements de santé ou de génétique qui permettent d’identifier une personne, des données biométriques, des renseignements financiers, des communications privées, des données de géolocalisation ou des données personnelles concernant des représentants gouvernementaux. ». Vous avez également précisé que votre enquête se concentre principalement sur les « jeunes utilisateurs ».
Si le gouvernement fait une déclaration aussi alarmante, sur la base de ces lignes directrices, pour interdire à une entreprise d'entrer dans notre pays, pourquoi n'avez-vous pas également entrepris d'examiner certaines des questions liées à l'examen des investissements étrangers susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale du Canada?
Nous nous concentrons sur l'application de la législation canadienne en matière de protection de la vie privée et, dans ce cas, nous nous concentrons en particulier sur la protection des enfants. C'est l'une de nos priorités. C'est une priorité que partagent mes collègues de la province. Nous avons fait des déclarations à ce sujet et nous allons donc continuer d'agir en ce sens.
L'aspect de la sécurité nationale est une question différente, et il peut y avoir un certain chevauchement à certains égards, mais c'est le gouvernement qui s'en charge. Nous l'avons également constaté lorsque le gouvernement a pris la décision d'interdire l'application TikTok sur les appareils utilisés par les fonctionnaires, par exemple. Cette décision a été prise et annoncée quelques jours après mon enquête.
Nous continuons de suivre différentes pistes. Comme je l'ai dit, si certains aspects de notre enquête concernent l'accès à l'étranger ou autre, nous pourrions...
Permettez-moi de poser la question autrement. Supposons que le gouvernement n'ait pas pris cette décision. Ce dossier ne mériterait‑il pas au moins d'être exploré? Il s'agit d'accusations très graves, et les lignes directrices semblent référer à ce que je décrirais moi-même comme une forme d'espionnage industriel. Je fais référence, par exemple, à la collecte de renseignements sensibles, non seulement auprès de jeunes utilisateurs, mais aussi de dirigeants d'entreprises, de chercheurs, de fonctionnaires du gouvernement chargés des questions réglementaires, ainsi que de responsables politiques.
Êtes-vous d'accord avec le fait que les lignes directrices pour l'examen relatif à la sécurité nationale semblent référer à des pratiques d'espionnage industriel?
Je préfère ne pas interpréter les lignes directrices utilisées et interprétées par le gouvernement. Ce que je peux dire, c'est que notre enquête porte sur le consentement, sur les objectifs appropriés et sur les pratiques de TikTok en matière de protection de la vie privée non seulement en ce qui concerne les jeunes utilisateurs, mais aussi tous les utilisateurs. Nous sommes en train d'enquêter sur ce sujet. Nous comptons présenter notre...
Nous avons travaillé avec les représentants de TikTok, et nous avons réussi à obtenir plusieurs renseignements utiles. Encore une fois, je ne veux pas en dire plus, car l'enquête...
Nous avons fait une déclaration concernant le mandat de notre enquête. En gros, nous évaluons les pratiques de la société TikTok en matière de protection de la vie privée. Je peux vous faire parvenir le texte de notre déclaration.
Je ne serais pas en mesure de répondre par l'affirmative à cette question. Non, je pense que nous progressons dans notre enquête à ce stade‑ci, et nous la terminerons dès que possible.
Avez-vous l'impression d'avoir le pouvoir, dans le cadre du mandat de votre bureau, d'accéder adéquatement à l'information nécessaire pour produire un rapport complet?
Je demande le pouvoir de rendre des ordonnances. Si je constate une infraction à la loi, il s'agirait d'ordonner à une organisation de se conformer à mes conclusions. Je ne demande pas de pouvoirs d'enquête; nous avons déjà ces pouvoirs dans la loi.
La loi nous confère suffisamment de pouvoirs pour mener nos enquêtes, mais une fois l'enquête terminée, si je constate que la loi n'a pas été respectée, je n'ai pas le pouvoir d'ordonner à l'organisation, par exemple, de cesser de faire quelque chose pour changer sa pratique en matière de protection de la vie privée. Voilà le défi.
Monsieur le commissaire, vous avez indiqué que votre bureau a été informé de la décision du gouvernement d'ordonner la fermeture de la filiale canadienne de TikTok, TikTok Technology Canada, en même temps que le public. Est‑ce exact?
La situation est plutôt intéressante dans la mesure où le gouvernement a procédé à la fermeture de la filiale de TikTok. Le gouvernement a ainsi caché à la population canadienne la justification de cette décision en invoquant des risques pour la sécurité nationale. Selon le gouvernement, ces risques sont si graves qu'ils ne doivent pas être communiqués à votre bureau, et encore moins au public en général.
Dans le cadre de cette enquête, votre bureau a‑t‑il tenté d'obtenir d'autres renseignements concernant la justification douteuse du gouvernement?
Pour revenir à ce que je disais, le gouvernement annonce son intention de fermer la filiale en raison de préoccupations en matière de sécurité nationale, mais il prétend que ces craintes sont si graves qu'il ne peut pas en informer la population. On dirait que le gouvernement ne tient pas vraiment à communiquer quoi que ce soit à votre commissariat, mais en même temps, c'est « si grave » que les Canadiens peuvent continuer à utiliser TikTok. Je dirais que cela ne tient pas debout. Cela n'a aucun sens.
En ce qui concerne les préoccupations soulevées par le gouvernement, je suis d'avis qu'il y a des inquiétudes légitimes au sujet du fait que TikTok, qui appartient à ByteDance, une entreprise chinoise, pourrait théoriquement être tenue de transmettre des données et d'autres renseignements personnels des Canadiens au régime de Pékin.
À cet égard, je tiens à souligner que l'article 77 de la loi chinoise sur la cybersécurité garantit que les données sont recueillies et stockées en Chine et que, lorsque le ministère de la Sécurité publique de Pékin l'ordonne, les données doivent être remises, un point c'est tout. Par conséquent, cette préoccupation théorique est bien réelle.
Avez-vous des preuves que cela se produit réellement? Les représentants de TikTok ont comparu devant le Comité et ont été absolument catégoriques sur le fait que de tels renseignements n'ont pas été communiqués au régime de Pékin.
Encore une fois, c'est un domaine dans lequel je ne peux pas m'aventurer parce que notre enquête est en cours. Si ce constat est établi, nous l'indiquerons dans notre rapport final.
La fermeture de la filiale de TikTok ne change rien au fait que les Canadiens sont vulnérables au risque que de tels renseignements soient transmis au régime de Pékin, n'est‑ce pas?
Oui, mais comme vous l'avez souligné, le droit canadien ne s'appliquera que s'il y a un lien raisonnable et substantiel. Toutefois, comme vous l'avez également dit, vos pouvoirs d'exécution de la loi et la capacité des tribunaux canadiens de faire respecter les jugements et les décisions s'avèrent pratiquement sans effet en Chine, sous le contrôle du régime communiste de Pékin.
... en faisant ce préambule, c'est simplement que cette décision n'a rien changé du point de vue de la protection de la vie privée des Canadiens, si ce n'est qu'elle a considérablement embrouillé les choses.
Le gouvernement manque totalement de transparence, et c'est tout à fait inacceptable.
Je peux aider mon collègue à clarifier la situation. La décision de mettre fin aux activités de l'entreprise concerne ses activités commerciales. C'est clair. C'est la raison pour laquelle elle vient du ministère de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique, et non du bureau de M. Dufresne. D'ailleurs, je le remercie d'avoir clarifié cela plus tôt.
Toutefois, plusieurs choses peuvent se produire en même temps, dans le monde des médias sociaux. Franchement, pour les gens qui ont encore des doutes, j'ai un conseil: TikTok est une application chinoise, alors, si vous avez des doutes, ne la téléchargez pas. C'est assez simple.
J'aimerais parler d'une application qui est beaucoup plus commune et populaire chez nous, soit Facebook, ou Meta. J'ai moi-même des comptes. Mes enfants me disent que ceux-ci ne sont pas très intéressants, et c'est tant mieux. Pour moi, c'est une façon de publier des photos personnelles et de communiquer avec le public.
Monsieur Dufresne, un jugement très intéressant vient d'être rendu concernant Meta, et je crois que votre bureau a été impliqué dans celui-ci.
Pouvez-vous nous parler du règlement qui a été annoncé et nous dire si vous en êtes satisfait? Est-ce que cela montre que votre bureau a des pouvoirs?
Si vous parlez du règlement découlant du recours collectif qui a été intenté devant les tribunaux, sachez que nous n'avons pas été impliqués dans cette affaire.
Cependant, de notre côté, nous avons fait une enquête liée au scandale Cambridge Analytica, qui touchait Facebook. Nous avons dû présenter l'affaire devant la Cour fédérale, car nous n'avons pas le pouvoir de délivrer une ordonnance, et nous avons obtenu gain de cause devant la Cour fédérale d'appel cet automne. C'était une victoire importante. La Cour fédérale a reconnu que, dans l'affaire Cambridge Analytica, il y avait eu un manquement quant à la façon dont Facebook obtenait le consentement et protégeait l'information des utilisateurs. Facebook tente maintenant d'aller à la Cour suprême pour faire infirmer cette décision.
C'est quand même rassurant, car, il n'y a pas si longtemps, il y a cinq ou dix ans, on semblait impuissant devant les géants du Web, comme Facebook, et maintenant, on sait qu'il y a deux cas où votre bureau ou des utilisateurs ont pu prendre des mesures contre cette entreprise, et je suis certaine qu'il y en aura d'autres.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la façon dont cela s'est déroulé? Pour ce qui est de TikTok, je comprends que cela reste à venir.
Ce que je dirais sur les cas concernant Facebook, c'est que cela démontre que le régime peut s'appliquer et qu'on peut obtenir des décisions, mais que cela prend quand même du temps. L'affaire Cambridge Analytica, par exemple, remonte à 2018. Si j'avais le pouvoir de délivrer des ordonnances, cela prendrait moins de temps. C'est pourquoi nous avons recommandé cela et que votre comité a recommandé la même chose. C'est le défi que je vois encore, parce que la technologie et les sites Web évoluent très rapidement. Nous devons pouvoir prendre des décisions et les exécuter plus rapidement, idéalement.
Je suis d'accord, parce qu'on sait que les géants de Web ont déjà eu recours à des tactiques telles que l'intimidation, le chantage et la menace. C'est décevant. Cela me fait penser à d'autres époques où on dépendait des chemins de fer ou d'autres formes de communication. Il est important que le gouvernement réagisse pour protéger les gens.
Pensez-vous que la législation actuelle est adéquate? Je sais que vous avez très peu de temps.
Je pense qu'il faut moderniser à la fois la loi dans le secteur public et la loi dans le secteur privé.
Il y a un projet de loi à l'étude au Parlement pour le secteur privé, mais il n'y en a pas pour le secteur public. C'est important que le Parlement agisse à cet égard.
Monsieur Dufresne, vous dites qu'il serait essentiel d'avoir une loi qui se préoccuperait du secteur public.
Le fait d'émettre des ordonnances et d'avoir la possibilité d'imposer des sanctions vous semble-t-il essentiel à votre travail? Vous avez mentionné cela par le passé.
Nous l'avons d'ailleurs recommandé dans le cas du projet de loi C‑27, et le comité parlementaire a accepté cette recommandation. Ce serait cependant important que ce soit fait dans les deux lois.
Par exemple, si on bannissait l'application TikTok, la vie privée des citoyens serait-elle mieux protégée ou, au fond, cela ne changerait pas grand-chose?
De notre côté, nous vérifions si l'utilisation d'une application est conforme à la loi. Si elle ne l'est pas, nous voudrions qu'elle soit modifiée, corrigée. Dans des cas extrêmes, la solution est peut-être de bannir complètement une utilisation. Dans d'autres cas, il suffirait peut-être de changer la pratique, d'augmenter la protection, de clarifier le consentement. C'est ce que nous regardons.
En décembre dernier, ByteDance a admis qu'elle avait espionné des journalistes américains dans le but d'identifier leurs sources. En réponse à cela, l'entreprise TikTok a dit qu'elle avait travaillé à mettre en place de meilleures structures.
Chaque plateforme a ses pratiques. Nous vérifions ce qui s'y passe, nous recevons des plaintes.
J'ai annoncé, aujourd'hui, que mon bureau avait eu des préoccupations concernant LinkedIn et l'entraînement de ses modèles d'intelligence artificielle. Nous avons communiqué avec l'entreprise, qui a bien réagi. Elle a mis en place un moratoire le temps que dureront nos échanges avec eux. C'est aussi un exemple.
La solution ne passe pas toujours par une enquête complète. Parfois, cela peut se faire par la voie de la sensibilisation et de l'échange. Nous essayons d'utiliser tous les outils que nous avons.
C'est une excellente transition de la part de mon collègue du Bloc québécois.
En ce qui a trait aux autres entreprises comparables, depuis que vous êtes là, monsieur Dufresne, avez-vous enquêté sur d'autres plateformes comme X, Instagram, Twitter et tout le reste?
Avez-vous eu l'occasion d'examiner les préoccupations en matière de protection de la vie privée que soulèvent également ces entreprises?
Nous avons reçu une plainte concernant Meta, Facebook et cette plateforme. Nous avons annoncé notre décision concernant Aylo et MindGeek. Voilà les principales enquêtes que nous avons terminées et rendues publiques.
À votre avis, y a‑t‑il des points communs dans les thèmes et la prédominance des atteintes à la vie privée dans ce qui constitue autrement une forme de capitalisme de surveillance?
L'un des mécanismes que nous avons instaurés cet été, et nous l'avons fait en collaboration avec des partenaires au Canada et à l'étranger, c'est ce que nous appelons un « ratissage pour la protection de la vie privée ». Cette année, nous nous sommes livrés à cet exercice non seulement avec les autorités chargées de la protection de la vie privée, mais aussi avec celles chargées de la concurrence. Nous avons examiné ce que nous appelons les « pratiques de conception trompeuse », c'est‑à‑dire lorsqu'une organisation se sert d'outils pour manipuler les utilisateurs afin qu'ils fassent des choix qui ne sont pas dans leur intérêt.
Malheureusement, d'après ce que nous avons constaté, 97 % des organisations et des sites que nous avons examinés — et nous en avons examiné beaucoup — employaient au moins une de ces mauvaises pratiques, notamment l'utilisation de termes vagues...
Pour revenir aux autres entreprises comparables — je veux m'y attarder un instant —, il y a évidemment beaucoup de plateformes, qui ont toutes des modèles d'affaires très semblables quant à la façon de diffuser des publicités, d'établir des profils et de percevoir l'utilisateur final. Pourtant, TikTok a été pointée du doigt et bannie du pays sans, à mon avis, une véritable divulgation publique.
Croyez-vous qu'il est important que les gens comprennent bien les répercussions de l'utilisation de ces plateformes sur leur vie privée? De plus, étant donné que TikTok a été interdite, pensez-vous que le gouvernement a le devoir de rendre des comptes à la population pour lui en expliquer la raison?
Je pense que la transparence est importante. Plus la population pourra comprendre les décisions du gouvernement et de mon commissariat, mieux ce sera. Il y a peut-être des limites sur le plan de la confidentialité, mais c'est certainement important.
Si nous avons lancé cette enquête sur TikTok en particulier, c'est parce que cette plateforme compte un grand nombre de jeunes utilisateurs. C'est une de nos priorités stratégiques. Nous nous attelons à la tâche, et nous espérons que nos conclusions seront utiles pour d'autres qui pourraient avoir des pratiques similaires.
Je tiens à remercier nos témoins d'être de retour parmi nous. Je suis relativement nouveau à ce comité. J'ai une impression de déjà‑vu.
Monsieur le commissaire, j'aimerais reprendre là où M. Green s'est arrêté. Vous avez dit que les jeunes utilisateurs sont ciblés, ce que j'ai trouvé intéressant. Il me semble que les médias sociaux ciblent généralement les jeunes utilisateurs, point à la ligne. Je pense que nous pouvons nous entendre là‑dessus, n'est‑ce pas?
Ils ciblent tous les utilisateurs. Je ne pense pas avoir dit qu'ils ciblaient les jeunes utilisateurs. Il y a toutefois un grand nombre de jeunes utilisateurs.
C'est exact. C'est ce que j'ai dit. Vous avez affirmé que leur nombre est plus élevé.
Il y a plusieurs problèmes liés à la protection de la vie privée. Certains sont concomitants à l'utilisation. D'autres demeurent présents, peu importe si quelqu'un utilise ou non ces renseignements — des données de base et ce genre de choses.
Évidemment, les jeunes utilisateurs gagneront en âge. Les préoccupations ne seraient-elles pas les mêmes sur les plateformes de médias sociaux, malgré le fait que TikTok cible les jeunes utilisateurs?
Nous avons fait de la protection de la vie privée des enfants l'une de nos priorités. C'est une opinion partagée à l'échelle internationale. Nous avons pris cette décision récemment, de pair avec nos homologues du G7. Nous avons publié une déclaration sur le développement de l'intelligence artificielle en ayant à cœur l'intérêt supérieur de l'enfant. Il y aura différentes considérations. Nous avons demandé des mesures plus rigoureuses pour la protection de la vie privée des jeunes utilisateurs — par exemple, en renforçant le droit de supprimer des renseignements susceptibles d'avoir été publiés pendant leur enfance. C'est ce à quoi je fais allusion lorsque je dis que les enfants ont le droit d'être des enfants. Si vous les traitez comme des adultes, parce que vous laissez le contenu en ligne pour toujours, c'est un défi.
Nous nous penchons là‑dessus. Nous voulons nous assurer que l'intérêt supérieur des enfants est toujours pris en compte et que ces mesures de protection de la vie privée sont, par défaut, plus solides.
D'accord. Il me semble que cela ferait partie de la transparence que j'espère voir. Je ne pensais pas que c'était une question contestée. Décidément, c'est peut-être le cas. Je vais donc passer à la question de la transparence.
Mon collègue, M. Cooper, a parlé des échecs du gouvernement. D'après ce que je comprends, il y a deux problèmes parallèles. D'une part, le gouvernement liquide l'entité commerciale TikTok au Canada et, d'autre part, vous avez un problème connexe lié à votre enquête. Si j'ai bien compris ce que vous avez dit à M. Cooper, vous n'êtes pas au courant des raisons invoquées par le gouvernement du Canada, je suppose, pour liquider TikTok. Est‑ce exact?
Oui. Nous poursuivons notre enquête. Je le répète, quels que soient les renseignements dont nous pourrions avoir besoin ou que nous pourrions obtenir entretemps, nous ferons ce qui s'impose, et nous mettrons la dernière main à l'enquête. Ensuite, ces conclusions et la justification complète seront rendues publiques à ce moment‑là.
À la fin de votre enquête, que vous menez indépendamment des motifs du gouvernement, ne serait‑il pas logique de vous adresser au gouvernement et de chercher à comprendre le comment et le pourquoi afin d'éclairer davantage vos décisions et de déterminer si une enquête plus approfondie s'avère nécessaire? C'est presque comme si vous travailliez en vase clos en ayant peut-être 70 % de l'information.
Je comprends. Là encore, je pense que cela ferait partie des décisions que nous prenons dans le contexte de cette enquête. Si nous devions décider de communiquer avec X pour obtenir cette information et éclairer nos conclusions, c'est ce que nous ferions, puis nous rendrions cela public à la fin de l'enquête, une fois qu'elle est terminée.
Je ne vais pas confirmer les mesures d'enquête que nous avons déjà prises ou que nous prendrons à l'avenir. L'enquête est en cours. Nous voulons la terminer le plus tôt possible et présenter ces conclusions aux Canadiens.
J'essaie simplement de connaître les tenants et aboutissants de l'enquête, surtout en ce qui concerne la sécurité nationale. Il me semble que ce serait une étape nécessaire. Je n'essaie pas de contester vos propos ou de laisser entendre que votre enquête ne sera pas exhaustive. Ce que je dis, c'est qu'il me semble que l'élément de la sécurité nationale et celui de la protection de la vie privée pourraient au moins aller de pair.
Je comprends. Je dis simplement que j'ai eu une marge de manœuvre très limitée quant aux commentaires que je peux faire sur la tenue de l'enquête qui est en cours.
Merci, monsieur le commissaire, de votre présence.
Je commençais à penser que j'avais saisi certaines de ces notions, mais me revoilà un peu perdu. Les derniers propos de M. Caputo ont semé la confusion dans mon esprit.
Pouvez-vous préciser que l'examen de la Loi sur Investissement Canada n'a rien à voir avec votre enquête?
Je crois que M. Barrett en a peut-être parlé un peu. De façon réaliste, en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, ou LPRPDE, que pouvez-vous faire si des entreprises canadiennes et étrangères ne fournissent pas les renseignements demandés dont vous avez besoin?
Vous avez parlé de compétence, puis vous avez parlé d'application de la loi.
De façon réaliste, que pouvez-vous faire pour une entreprise canadienne qui a une filiale canadienne et une entreprise étrangère qui n'en a pas?
Je pense que la grande différence, c'est la question de savoir si nous devons les contraindre à fournir les renseignements demandés. S'il y a un manque de collaboration, nous avons besoin d'une ordonnance du tribunal pour ordonner la divulgation de renseignements. L'obtention de l'ordonnance sera plus facile si l'entité se trouve au Canada. C'est là que cela se produirait.
Aux termes de la loi, j'ai le pouvoir d'ordonner à une entreprise de me fournir des documents ou de donner accès à certains de ses renseignements. Nous pouvons exercer ce pouvoir si l'entreprise se trouve au Canada. Par contre, si elle n'est pas située au Canada, cela peut soulever d'autres questions.
Vous pourriez recourir à la coopération internationale et à des protocoles d'entente. Vous pourriez le faire par l'entremise des tribunaux. Nous avons déjà vu des affaires judiciaires couronnées de succès, n'est‑ce pas?
D'un point de vue réaliste, alors, si TikTok fermait boutique au Canada et continuait de faire quelque chose qui a une incidence négative sur la vie privée des Canadiens, vous pourriez appliquer la LPRPDE, mais vous auriez à le faire au moyen d'un protocole d'entente ou par l'entremise des tribunaux.
C'est cela. Si la LPRPDE s'applique à un incident parce qu'il y a un lien réel et substantiel avec le Canada, nous pouvons obtenir une ordonnance des tribunaux. Il s'agit ensuite de faire reconnaître cette ordonnance dans l'autre pays.
Comme vous le dites, cela pourrait se faire par l'entremise d'un protocole d'entente ou d'une reconnaissance internationale.
Mme Shanahan a parlé un peu de l'affaire Facebook contre le Canada. Vous avez dit qu'il s'agissait d'une décision très importante qui témoigne du fait que les géants mondiaux de la technologie « dont le modèle d’affaires repose sur les données des utilisateurs, doivent respecter la loi canadienne sur la protection des renseignements personnels et protéger le droit fondamental à la vie privée des individus ».
En quoi cette affaire confirme‑t‑elle votre surveillance et votre compétence à l'égard des entités étrangères?
En quoi affirme‑t‑elle votre compétence par rapport aux géants de la technologie qui ont les poches bien garnies, qui sont prêts à dépenser des tonnes d'argent et qui ont toujours agi de façon cavalière au Canada et dans le monde?
Les tribunaux canadiens ont reconnu qu'en raison de la nature des données et des relations internationales, il n'est pas nécessaire qu'une entreprise soit domiciliée au Canada pour que les tribunaux canadiens aient compétence. C'est le critère du lien réel et substantiel. Les tribunaux l'ont reconnu. Si les utilisateurs canadiens sont touchés, les institutions canadiennes auront compétence en la matière.
C'est pourquoi, dans un cas comme Facebook et dans d'autres situations, nous sommes en mesure d'affirmer notre compétence, indépendamment du fait qu'une organisation se trouve au Canada ou non, à condition que les utilisateurs canadiens soient touchés.
Pouvez-vous nous parler un peu du cas de Facebook, qui a refusé d'admettre qu'elle avait fait quoi que ce soit de mal, mais qui a versé 9 millions de dollars à certaines entités éducatives au Québec? Je crois que c'était un recours collectif.
Il s'agit d'un règlement de recours collectif. C'est différent, et nous n'avons pas pris part à cette affaire. Je pense que ce que cela met en évidence, c'est que, dans la Loi sur la protection des renseignements personnels, mon bureau doit avoir la possibilité d'émettre des ordonnances et des amendes, parce que nous voyons l'effet que ces montants peuvent avoir. Dans l'idéal, ces amendes ne seront pas imposées, car les organisations feront ce qu'il faut. Il reste que ces amendes encouragent la prise de décision.
Dans le cas de Facebook, le droit canadien nous oblige à demander une ordonnance au tribunal et à faire pression en ce sens. Jusqu'ici, nous n'avons pas obtenu de compensation financière dans cette affaire, mais je continuerai à faire des pressions à cet égard.
Ce n'est peut-être pas une question qui concerne cela précisément, mais je me demande comment, s'ils refusent d'admettre tout acte répréhensible et qu'ils se contentent de piger dans leurs imposants comptes en banque pour jeter un peu d'argent sur un problème afin de le faire disparaître — et il finit effectivement par disparaître —, cela nous amène à un point où nous pourrions à l'avenir les amener à agir de façon, disons, « moins cavalière ». Comment en arriver à ce point où nous... Je crois que tant qu'il n'y aura pas de procès où quelqu'un avouera « d'accord, nous avons fait fausse route, nous sommes dans l'erreur... »
Il y a un certain nombre d'outils possibles. Nous pouvons le faire avec la loi. Si le Parlement modifie la loi et que vous fournissez certaines exigences précises, cela aura un impact sur l'organisation. Le dialogue et la collaboration au niveau international ont également une incidence. Nous travaillons en étroite collaboration avec nos collègues du G7, avec des collègues internationaux, et nous faisons des déclarations internationales sur l'intelligence artificielle et les bonnes pratiques qui devraient s'appliquer. L'une des raisons pour lesquelles je plaide en faveur du pouvoir de rendre des ordonnances et d'imposer des amendes, c'est que cela permet d'avoir une ordonnance du tribunal qui dit « voici ce que vous devez faire ». Il y a les amendes qui focalisent l'attention, mais ensuite, il peut y avoir un travail de promotion pour édifier cette culture de la protection des renseignements personnels.
C'est tout. Merci, monsieur Fisher. J'ai effectivement un peu tardé à démarrer le chronomètre, alors vous avez eu droit à un peu plus de six minutes pour cette série.
Voilà qui met un terme à la prestation de ces témoins.
[Français]
Je vous remercie, encore une fois, messieurs Dufresne et Chénier, de votre présence ici, aujourd'hui.
[Traduction]
Monsieur Dufresne, je tiens également à vous remercier de votre professionnalisme. Ce fut une discussion passionnante.
J'informe les membres du Comité que jeudi, nous accueillerons les représentants du Service canadien du renseignement de sécurité dans le cadre de cette étude. Ils seront là dans la deuxième heure. H&R Block sera présent pendant la première heure pour l'étude relative à l'Agence du revenu du Canada.