:
Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 52e réunion du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique de la Chambre des communes.
[Traduction]
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le jeudi 23 juin 2022. Par conséquent, les membres peuvent participer en personne ou à distance au moyen de l'application Zoom. Si vous éprouvez des problèmes techniques, veuillez m'en avertir. Dans ce cas, il se pourrait que nous ayons besoin de suspendre la séance quelques minutes, car nous devons nous assurer de la pleine participation de tous les membres du Comité.
Conformément à l'alinéa 108(3)h) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 16 mai 2022, le Comité reprend son étude sur le système d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels.
[Français]
Madame la greffière, pouvez-vous assurer à M. Villemure et à tous les autres membres du Comité que tout est beau pour les témoins, sur le plan technique?
[Traduction]
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins.
Nous accueillons M. Dean Beeby, qui est journaliste, et M. Andrea Conte, qui est rédacteur, chercheur et cinéaste. Ils comparaissent devant nous à titre personnel. Nous recevons également M. Brent Jolly de l'Association canadienne des journalistes.
Malheureusement, M. Tromp n'est pas encore arrivé. Il ne s'est pas connecté. Nous tentons d'établir la connexion avec lui.
Avant de commencer, j'aimerais vous aviser que la réunion est censée se terminer à 18 h 30. Nous devrons discuter de travaux du Comité afin de traiter une motion qui a été proposée. Je vais essayer de prévoir le début de cette discussion pour 18 h 25. Nous disposerons donc d'une heure et 55 minutes. Je crois que les partis ont discuté entre eux et qu'il est fort probable — je l'espère — que nous réglerons la question très rapidement.
Je voulais d'emblée indiquer très clairement à nos témoins que les membres discuteront des travaux du Comité lorsqu'il restera cinq minutes à la réunion. Je planifierai le temps en conséquence.
Monsieur Beeby, vous avez la parole pendant cinq minutes.
Merci.
:
Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous en tant que témoin.
Cette étude, selon mon dénombrement, représente au moins le 16e vaste examen de la Loi sur l'accès à l'information depuis son adoption en 1982. Dans ce pays, on se plaît à étudier en détail les lois sur la transparence afin de veiller à ne pas véritablement les corriger.
Je suis un journaliste indépendant qui se sert de la Loi depuis fort longtemps. J'adopte une perspective de journaliste, mais mes frustrations reflètent celles d'autres utilisateurs, y compris les peuples autochtones, les activistes civiques et même les députés d'arrière-ban.
Dernièrement, les journalistes ont renoncé aux demandes d'accès à l'information en masse. La désertion a commencé avant la pandémie, et cette grande perturbation a chassé les derniers curieux.
Les médias ont déposé moins de 5 % de toutes les demandes en 2021, soit la moitié de la proportion d'il y a cinq ans, et le tiers d'il y a dix ans. Pourquoi les journalistes jettent-ils l'éponge? Parce que, comme les études le démontrent les unes après les autres, les délais d'attente sont terribles et empirent.
Les députés qui ont adopté la Loi en 1982 s'attendaient à ce que la plupart des demandes soient traitées en un mois, à quelques exceptions près. Depuis, les journalistes vivent la situation inverse: les demandes donnant lieu à une réponse en 30 jours ou moins sont l'exception à la règle, et la plupart des demandes nécessitent beaucoup plus de temps.
En outre, les bureaucrates sont maintenant conscients qu'ils se heurtent à des conséquences beaucoup plus sérieuses s'ils remettent de l'information aux demandeurs que s'ils la taisent. La Loi leur fournit même une panoplie d'excuses pour cacher l'information.
Les documents désuets qui atterrissent finalement sur le pupitre d'un journaliste ont été minutieusement expurgés de tout contenu révélateur. Imaginez-vous informer votre rédacteur en chef que vous ne saurez pas pour les six prochains mois — voire pour la prochaine année ou plus — si votre reportage s'appuyant sur une demande d'accès à l'information pourra être rédigé. Imaginez avoir cette discussion alors que le reste de la salle de nouvelles se démène pour obtenir une primeur avant midi.
Le monde de l'information est prisonnière d'une spirale de la mort depuis 15 ans. Les journalistes se font jeter par-dessus bord pour alléger les navires qui sombrent. Les communautés d'une assez grande taille ne comptent plus de journalistes locaux pour repérer la fraude dans les conseils municipaux. Pendant ce temps, les gouvernements débordent de spécialistes en communication, de gourous des médias sociaux et de conseillers en image. La lutte est inégale, et les journalistes ne sont pas les seuls à essuyer des défaites: la démocratie est elle aussi battue par K.‑O.
Examinons certains conseils de réforme que ce comité a déjà reçus. On vous a affirmé que la Loi devrait prévoir un fardeau inversé: l'information devrait être divulguée à moins que le gouvernement démontre le contraire. Or, la Loi comprend déjà un fardeau inversé à l'alinéa 2(2)a). Une nouvelle formulation disant la même chose autrement ne sauvera pas la mise.
On vous a dit que la commissaire à l'information devrait se transformer en tsarine de la transparence aux responsabilités élargies, alors qu'elle ne peut même pas s'acquitter de son mandat actuel. Il lui faut trop de temps pour régler les plaintes, parfois jusqu'à 10 ans. Ne lui imposons pas de responsabilités supplémentaires jusqu'à ce qu'elle puisse satisfaire à celles qui l'occupent déjà.
Certains vous ont aussi affirmé que la publication proactive d'un plus grand nombre de documents assainira un système d'accès à l'information dysfonctionnel: si le gouvernement divulgue plus de documents, les citoyens n'auront pas à les dénicher au moyen de demandes d'accès à l'information. C'est un faux espoir. Les gouvernements pourraient allègrement communiquer des documents en aval qui sont inoffensifs et ne représentent pas de risques. Or, les documents en amont liés à des décisions ne seront jamais communiqués de façon proactive, à moins bien sûr d'avoir été abondamment caviardés. C'est la raison d'être des lois sur la liberté d'accès à l'information: les citoyens ne doivent pas se contenter de documents épurés dans l'intérêt du gouvernement.
Pour réformer la Loi, je recommande d'éviter les longues listes de vérification: il faut plutôt se concentrer sur quelques changements-clés.
Tout d'abord, faites tomber le mur de briques qui protège les documents du Cabinet. Plafonnez la période de protection à 10 ans. Cessez de cacher les documents qui n'ont rien à voir avec les délibérations du Cabinet et qui représentent du contenu factuel ou des notes d'information. Donnez accès aux documents du Cabinet à la commissaire à l'information pour qu'elle puisse étudier toute décision de maintenir leur confidentialité.
Deuxièmement, établissez des limites plus sévères sur la capacité d'un ministère de remettre le traitement des demandes à plus tard. Par exemple, si une organisation rate son échéancier, retirez-lui le pouvoir de réclamer des exemptions.
Troisièmement, définissez beaucoup plus précisément le terme « avis » tel qu'employé dans la Loi pour que les ministères ne puissent s'en servir comme solution fourre-tout pour refuser de communiquer des renseignements.
Quatrièmement, imposez une limite, par exemple de six mois, à la durée des enquêtes de la commissaire à l'information. Si elle n'a pas terminé au terme de ce délai, permettez aux plaignants de s'adresser aux tribunaux.
Le simple fait de réaliser ces quelques changements ouvrirait la voie vers une réforme. Les journalistes de moins en moins nombreux seraient aussi mieux outillés pour obliger les gouvernements à rendre des comptes.
Je vous remercie de l'invitation. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les membres du Comité de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui.
Je m'appelle Andrea Conte. Je suis un chercheur indépendant du domaine des arts médiatiques. J'ai transmis au Comité deux articles au sujet de mon travail sur les dossiers d'État canadiens, dont l'un m'a pris cinq ans à rédiger en raison des retards concernant l'accès à l'information.
Puisque le Comité tiendra de nombreux jours d'audience sur le système d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels, je crois qu'il est important de bien comprendre l'histoire d'origine de la Loi sur l'accès à l'information de 1983.
Pendant les années 1970, le Canada a tenté de rattraper les États-Unis, qui avaient établi leur propre loi sur l'accès à l'information en 1966. Il est important de mettre cette période en contexte. C'est au cours des années 1960 et 1970 que le service de sécurité de la GRC s'est adonné régulièrement à des abus, qui ont mené à la commission McDonald et aux enquêtes sur les diverses pratiques, qui passaient de lettres contrefaites à l'infiltration des groupes autochtones et racisés, entre autres. Au cours de cette période, un Canadien sur vingt avait un dossier auprès du Service du renseignement de sécurité. C'est pendant cette crise que la Loi sur l'accès à l'information a été élaborée et présentée à la population à titre de mesure moderne pour assurer la reddition de comptes du gouvernement.
Selon Don Brittain, un documentariste pour l'ONF et la CBC qui a couvert la crise, cette loi sur l'accès à l'information était rédigée de manière si habile qu'elle ne deviendrait rien de moins qu'un instrument de dissimulation. Nous savons, 40 ans plus tard, que sa prédiction s'est avérée exacte. Au cours de la conférence de presse visant à présenter la Loi sur l'accès à l'information en juin 1983, les ministres se sont félicités des similitudes entre la loi canadienne et sa contrepartie américaine, mais dans les faits, les deux lois ne se ressemblent pas. Pour les documents contemporains, les États-Unis ont une disposition visant le traitement accéléré des dossiers associés à des cas urgents portant sur les activités du gouvernement. Le Canada, quant à lui, n'a aucune disposition du genre pour répondre aux demandes sur les questions d'intérêt public urgentes... comme les avantages de l'application ArriveCAN sur le plan de la santé publique.
En ce qui a trait aux affaires internationales, les États-Unis offrent aux journalistes ou aux membres du public des recours judiciaires lorsque le gouvernement leur refuse l'accès aux documents sur les examens internes associés aux efforts de guerre, par exemple, ou sur sa complicité dans les crimes de guerre, comme la torture des détenus afghans. Les États-Unis permettent un accès direct aux tribunaux sans délai, ce qui permet aux journalistes de rédiger des documents comme The Afghanistan Papers, qui a été publié par le Washington Post à la suite d'une poursuite de trois ans en vertu de la Freedom of Information Act.
Au Canada, la Loi sur l'accès à l'information bloque l'accès aux tribunaux par l'entremise d'un long processus d'appels préliminaires auprès du Commissariat à l'information, qui nuit à la capacité des journalistes de faire leur travail. Je suis toujours en processus d'appel au sujet des retards et des exemptions en matière de censure pour des questions d'examen interne de la guerre du Canada en Afghanistan, alors que les demandes associées à ces dossiers ont été présentées il y a 10 ans déjà.
En ce qui a trait à la déclassification des documents historiques, vous savez que la loi de 1983 a annulé le système précédent. La situation s'est avérée une catastrophe pour toute personne ayant un intérêt pour la recherche historique, surtout lorsqu'il était question des prisons, de la police, de l'armée et d'autres formes institutionnalisées de violences commises par l'État au pays et à l'étranger. Lorsqu'on consulte par exemple les dossiers de surveillance de la GRC de Bibliothèque et Archives Canada, sur le Parti communiste du Canada des années 1930 ou le soulèvement de l'Université Sir George Williams de 1969, non seulement les documents sont largement caviardés, mais les articles publiés par le Globe and Mail et d'autres médias grand public ont aussi été entièrement caviardés par le SCRS.
Si un membre du public souhaite contester ce caviardage, il lui est impossible de le faire, parce que la loi traite les demandes d'information comme des biens de consommation. Le dossier qui est ouvert à la suite d'une demande l'est uniquement pour celui qui en a fait la demande, ce qui signifie qu'il faut présenter une nouvelle demande si quelqu'un souhaite consulter le dossier, comme si la première demande n'avait jamais été faite.
Dans le cas des documents contemporains, le portail des données ouvertes du Canada ne contient qu'une fraction des sommaires des demandes d'accès à l'information qui ont été traitées par les organismes fédéraux au cours des deux dernières années... et seulement si ces organismes ont téléversé les données. Chaque mois, le portail efface les sommaires qui dépassent la limite de deux ans.
Pour toutes ces raisons, après 40 ans, je crois que ce cycle visant à « censurer, supprimer et répéter » s'est transformé en un instrument qui nuit à la reddition de comptes du gouvernement et qui fait interférence à l'alinéa 2b) de la Charte des droits et libertés.
Je sais que les recommandations fusent par centaines. Je ne crois pas que le système actuel puisse être réformé, puisqu'il s'agit d'un système discrétionnaire fondé sur la bonne foi, associé à de trop nombreux problèmes fondamentaux.
Je recommande au Comité de former un groupe de constitutionnalistes qui pourrait expliquer comment la loi interfère avec la liberté d'expression, notamment la liberté de la presse et des autres moyens de communication.
Merci.
:
Merci beaucoup. Ce sont les joies d'Internet, je suppose.
Je remercie tous les membres du Comité de m'avoir invité à témoigner devant vous au nom de l'Association canadienne des journalistes.
Nous avons beaucoup à dire sur le besoin criant d'apporter des changements à cet obscur système d'accès à l'information au Canada.
L'Association canadienne des journalistes est une organisation professionnelle composée de plus de 1 300 journalistes de partout au pays. Nous participons régulièrement au travail de défense des intérêts du public et au perfectionnement professionnel de nos membres. Les enjeux relatifs à l'accès à l'information touchent ces deux volets de notre mandat.
Depuis la création de l'Association en 1978 — d'abord sous le nom de Centre pour le journalisme d'enquête —, nous militons pour des régimes d'accès à l'information plus robustes, plus transparents et plus responsables que ceux en place, tant à l'échelon fédéral qu'à l'échelon provincial. Depuis plusieurs décennies, nous consacrons un nombre imposant de ressources à la formation de nos membres afin qu'ils soient capables de se retrouver dans toutes les règles, exemptions et limites opaques qui causent de grandes frustrations et le désespoir chez plusieurs générations de journalistes canadiens.
En plus de demander aux gouvernements de toutes les allégeances politiques de prendre des mesures proactives pour améliorer un système défectueux qui glisse de plus en plus vers un discrédit international, notre association et ses partenaires ont rédigé des propositions réfléchies pour aider à réimaginer le régime d'accès à l'information du Canada en difficulté. Je serai heureux de vous transmettre ces idées, qui placent le droit de savoir du public à l'avant-plan, en guise de supplément à mon témoignage d'aujourd'hui.
Je ne vous fais pas cette petite leçon d'histoire aujourd'hui à des fins de glorification personnelle ou institutionnelle. Mon objectif est plutôt de faire comprendre aux membres du Comité et à la population canadienne en général le sentiment de frustration totale qui nous habite en raison de l'emprise des gouvernements sur l'information au pays.
Vous n'avez pas à me croire — ou à croire les autres témoins d'aujourd'hui — sur parole. Je crois que vous pouvez lire ce qu'a écrit la commissaire à l'information, Caroline Maynard — une agente du Parlement — à l'ancien ministre du Conseil du Trésor, , dans une lettre il y a quelques années. Elle avait fait valoir que le système d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels « pourrait bientôt franchir le point de non-retour » et qu'il faisait déjà face à un « manque de ressources chronique ». C'était, bien entendu, avant que la pandémie de COVID nous frappe de plein fouet. Mme Maynard encourageait le ministre Duclos à assurer le financement adéquat du système, à communiquer un plus grand nombre de données de manière proactive et à faire entrer les institutions dans un monde entièrement numérique.
Comment a‑t‑on répondu à ces suggestions pratiques jusqu'à maintenant? Par le silence, je dirais. En fait, comme l'ont fait valoir certains de mes collègues, la pandémie de COVID n'a fait qu'exacerber la culture du secret au pays. À la fin de l'année 2020, par exemple, le Wiinipeg Free Press a fait valoir que moins de la moitié des bureaux fédéraux d'accès à l'information fonctionnaient au maximum de leur capacité. On a aussi fait valoir, dans cet article, que de nombreux ministères n'accordaient plus la priorité au traitement des demandes d'accès à l'information, qui n'était plus considéré à titre de service essentiel. En conséquence, les arriérés se sont accumulés et il n'y avait aucune ligne directrice claire sur le moment où l'on répondrait aux demandes.
Je suis ici aujourd'hui pour vous dire à quel point il est important d'avoir en place une loi efficace en matière d'accès à l'information, afin de répondre au droit de savoir du public et de permettre aux journalistes que je représente de faire leur travail de manière efficace. Nous savons que le journalisme d'excellence peut refaçonner les politiques publiques et améliorer la vie des Canadiens. Nous l'avons constaté de façon très claire pendant la pandémie de COVID‑19. Si elle est bien conçue, la Loi sur l'accès à l'information pourrait devenir l'une des mesures législatives les plus transformatrices adoptées par le gouvernement canadien.
Depuis des décennies, toutefois, nous avons documenté des promesses dorées au sujet de la modernisation d'un système de plus en plus terne et défectueux. Bien sûr, les changements ne peuvent se faire du jour au lendemain, mais le système d'accès à l'information du Canada est défaillant et cela fait maintenant 40 ans qu'aucun effort concerté n'a été déployé pour régler le problème.
En d'autres termes, on ne peut pas coller le châssis d'une voiture de Formule 1 avec du ruban adhésif et espérer qu'elle fasse un bon temps, encore moins qu'elle ne remporte le championnat mondial. Ce que je vous propose, c'est de retirer la voiture, de la réparer de manière appropriée et de recommencer la course. C'est simple.
Il en va de même pour les exercices comme celui‑ci. Il faut cesser de prendre des demi-mesures et d'adopter des solutions rapides, qui ne font que renforcer la culture du secret. Il existe un nombre infini de documents de travail, de dialogues publics et d'études universitaires qui présentent une meilleure voie à suivre. La réponse aux problèmes associés à la loi actuelle est là, sous nos yeux.
À mon avis, il y a une étape très évidente à franchir: les représentants élus — les députés du Parlement et les ministres du Cabinet, par exemple — doivent trouver le courage et la volonté politique d'exiger plus d'eux-mêmes. Sinon, nous allons une fois de plus assister au contournement bien orchestré de l'important travail qui doit être accompli.
Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui et de vous faire part de nos idées.
Je serai heureux de répondre à vos questions plus tard.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins de se joindre à nous aujourd'hui. Bien que les politiciens et les journalistes aient parfois des relations tendues, je reconnais l'importance de cette conversation aux fins de la reddition de comptes.
Pour commencer, je vais vous poser les mêmes questions que celles que j'ai posées à tous les témoins. Ce sont deux questions très simples pour établir le contexte associé à cette importante discussion. Je vais faire un tour de table, avec les témoins qui se trouvent dans la salle et ceux qui se joignent à nous virtuellement. Avant cela, puisque le temps est une ressource précieuse, j'inviterais les témoins à nous transmettre par écrit tous les renseignements qu'ils n'auront pas eu le temps de nous communiquer aujourd'hui.
Ma première question est la suivante: est‑ce qu'il est essentiel, en vue d'assurer une démocratie moderne et fonctionnelle, d'avoir un système d'accès à l'information qui fonctionne, qui est efficace et qui permet aux Canadiens d'obtenir les renseignements dont ils ont besoin de la part de leur gouvernement?
J'aimerais d'abord entendre M. Beeby.
Arrêtons le chronomètre un instant.
Monsieur Tromp, nous avons eu un peu de difficultés avec la connexion. Je vais vous remettre en sourdine jusqu'à la fin du segment en cours, puis je vais vous laisser vous adresser au Comité. Ça vous va?
Je ne vous vois pas non plus, remarquez. C'est l'autre problème. Je vous entends, mais je ne vous vois pas. Nous allons couper le son un instant, le temps qu'on règle le tout.
Poursuivons avec les témoins.
Mes collaborateurs et moi avons présenté plusieurs centaines de demandes d'accès à l'information sur une foule de sujets, du dossier d'un contribuable à la question politique de l'heure. Je trouve que c'est bien d'entendre... je fais une brève parenthèse, après quoi je ferai un autre tour de table... Pourriez-vous me donner quelques exemples du pire délai que vous avez dû attendre ou du document le plus caviardé que vous avez reçu après avoir présenté une demande d'accès à l'information?
Allons‑y dans l'autre sens, cette fois‑là.
Monsieur Jolly, je sais que c'est difficile, mais si vous pouviez répondre en 30 secondes. Quel a été le pire délai que vous ayez dû attendre ou le document le plus caviardé que vous ayez reçu?
:
C'est difficile à dire parce que les données compilées par le Conseil du Trésor sont de faible qualité. Il y a bien un rapport annuel, mais celui‑ci est peu fiable. Le Conseil du Trésor ne recueille pas de données de façon scientifique. Il faut donc faire beaucoup de suppositions.
C'est d'ailleurs intéressant parce que le nombre de demandes n'a jamais été aussi élevé et qu'il augmente. Il y en a énormément, c'est‑à‑dire près de 200 000. Si la divulgation proactive de l'information gouvernementale est aussi utile qu'on le dit, pourquoi autant de gens présentent de plus en plus souvent des demandes d'accès à l'information? C'est l'inverse qui devrait se produire. La divulgation proactive de l'information utile devrait réduire le nombre de demandes, mais en fait, ce nombre augmente.
Selon moi, c'est très révélateur, parce que l'information divulguée de façon proactive est, en fait, très peu pertinente. À mon avis, c'est ce qui explique pourquoi le nombre de demandes augmente autant.
:
Merci de la question, monsieur Villemure.
[Traduction]
Je suis du même avis que mon collègue, M. Beeby. Au départ, cette loi devait changer le rapport de force entre la population et le gouvernement en donnant à la première le pouvoir de savoir, notamment de savoir comment le gouvernement agit au quotidien. Malheureusement, elle a aussi vidé de son sens le système de déclassification, qui était lui-même désuet.
Ce n'est pas ainsi que la Loi a été conçue il y a 40 ans, mais l'échec est indéniable, et on a 40 ans de données pour le prouver. Si nous pouvions tout recommencer depuis le début, nous nous inspirerions probablement du Forum des citoyens sur l'avenir du Canada, que l'on appelait aussi la « commission Spicer ». Ce sont les citoyens eux-mêmes qui devraient concevoir la loi qui leur convient: pas les bureaucrates ni les élus, les citoyens. C'est à eux de dire comment l'information doit leur être fournie.
Nous sommes dans le noir depuis tellement longtemps que c'est à se demander pourquoi les gens ont autant de mal à obtenir de l'information claire sur les pensionnats, par exemple, sur leur histoire et sur les événements qui ont lieu encore aujourd'hui. Cette notion recoupe tellement de façons dont les gens peuvent s'informer sur leur pays.
Vous avez fait allusion à TMX. Je pense aux Wet'suwet'en. Je pense à la façon dont l'État détient le monopole de la violence, à l'incapacité d'avoir une reddition de comptes civile ou civique, un examen civil des activités policières. Nous composons avec cela de diverses façons, avec la Loi sur les mesures d'urgence, l'occupation, le convoi. Obtenir des informations de nos propres gouvernements a été très difficile, même en tant que députés, même avec ce qui est censé être un pouvoir suprême d'exiger la production de documents.
Selon vous, la classification continue de ces documents est-elle... Pour revenir à l'idée de comprendre l'histoire du Canada et la capacité, pour les citoyens, de préconiser des changements de politiques et, pour ceux qui sont au gouvernement, la capacité de rédiger des politiques éclairées. Vous avez dit qu'il s'agissait d'une preuve de la suprématie blanche institutionnelle. Je me demande si vous pourriez parler davantage du travail que vous faites à cet égard et de vos constatations dans un contexte contemporain.
J'invite maintenant M. Tromp à se joindre à nous.
Veuillez m'excuser, monsieur, pour les difficultés techniques. À l'instar des autres témoins qui sont ici aujourd'hui, vous aurez cinq minutes pour votre allocution, et vous participerez à la deuxième série de questions, avec les autres témoins.
[Français]
Monsieur Villemure, je vous précise que les tests de son ont été faits pour ces témoins-ci également, et tout est beau.
C'est presque un miracle que je sois ici aujourd'hui. Ce sont les difficultés techniques les plus complexes que j'ai eues de ma vie avec Zoom; cela a duré 30 minutes.
Quoi qu'il en soit, nous y voilà. J'appelle de Vancouver.
Pour commencer, comme vous le savez sans doute, beaucoup de défenseurs bien en vue du gouvernement ouvert ont refusé de témoigner devant ce comité, considérant ce processus comme très inefficace, pour de nombreuses raisons, tout comme d'autres audiences parlementaires de ce genre tenues dans le passé sur le sujet. Par exemple, le court préavis rend toute comparution impossible. Un groupe d'experts s'est plaint d'avoir reçu une invitation à présenter des observations écrites à 20 h 24, un soir. La réponse était demandée avant 15 heures le lendemain, en vue d'une comparution le jour ouvrable suivant.
En outre, le Secrétariat du Conseil du Trésor a annoncé un soi-disant examen de la Loi sur l'accès à l'information en juin 2020, mais n'a cessé de reporter le délai d'achèvement de cet examen, de sorte qu'il n'y a toujours pas de fin en vue.
Cela dit, je continuerai de saisir toutes les occasions qui me sont offertes d'expliquer aux députés et au public les raisons pour lesquelles des réformes majeures de la Loi sur l'accès à l'information s'imposent de toute urgence, en plus de souligner la valeur de cette mesure législative.
Je témoigne aujourd'hui strictement à titre personnel et je ne représente aucun organisme. Mon témoignage repose sur trois documents qui sont publiés, avec beaucoup d'autres, sur mon site Web, canadafoi.ca.
Premièrement, j'ai envoyé au Comité un lien vers le rapport que j'ai rédigé pour le Centre for Free Expression, intitulé « It's Time for Change! 206 Recommendations for Reforms to Canada's Access to Information Act ». Il s'agit de l'ensemble le plus complet de recommandations de réforme de la Loi sur l'accès à l'information jamais produit. On y trouve des conseils maintes fois répétés ces 30 dernières années, en vain, la plupart du temps. Ces recommandations sont fondées sur les pratiques exemplaires à l'échelle mondiale et sur les conseils de commissaires à l'information, de spécialistes des politiques d'accès à l'information, d'utilisateurs fréquents et de groupes de la société civile. J'espère que vous avez tous eu l'occasion de lire ces 206 recommandations.
Deuxièmement, je vous ai envoyé un lien vers mon livre intitulé Fallen Behind: Canada's Access to Information Act in the World Context, dont la première édition est parue en 2008, et la deuxième, en 2020. Puisque le temps manquait pour traduire ce livre de 400 pages en français, la greffière a plutôt imprimé cinq pages contenant les sommaires des chapitres. J'espère que vous l'avez reçu.
Troisièmement, j'ai constitué une base de données des 6 500 articles parus dans les journaux grâce à la Loi sur l'accès à l'information depuis son adoption, en 1983, et j'ai rédigé un résumé d'une centaine de mots pour chacun d'entre eux. Ils sont répartis en 41 sous-thèmes. J'ai créé cet index afin de démontrer au public la valeur des lois sur l'accès à l'information. Cela a pour effet de remonter le moral des journalistes et des étudiants en journalisme, en plus de leur offrir des idées d'articles. Malheureusement, la plupart des documents faisant l'objet de ces demandes auraient dû être divulgués systématiquement.
En bref, la Loi sur l'accès à l'information contient trois trous noirs législatifs qui doivent être colmatés de toute urgence. Le premier est l'article 21 qui établit une exemption discrétionnaire pour les avis. Il faut ajouter à cette disposition un critère de préjudice, une limite de temps de 10 ans au lieu de la limite actuelle de 20 ans, ainsi qu'une déclaration claire selon laquelle une politique ne peut exiger la rétention d'informations factuelles et d'analyses de base.
Deuxièmement, le Canada a créé plus de 100 entités publiques en propriété exclusive qui exercent des fonctions publiques et dépensent des milliards de dollars des contribuables, tout en les excluant du champ d'application des lois sur l'accès à l'information. Par exemple, l'exclusion de la Société canadienne du sang, de la Société de gestion des déchets nucléaires et des contrôleurs aériens pourrait nuire à la santé et à la sécurité publiques.
Troisièmement, la plus importante menace actuelle au régime d'accès à l'information pourrait être ce qu'on appelle le « gouvernement verbal », une notion qui renvoie au fait, pour les fonctionnaires, de ne plus consigner leurs idées par écrit et de les transmettre plutôt verbalement afin d'éviter que l'information ne soit divulguée en réponse aux demandes d'accès à l'information. Par conséquent, le Canada doit se doter de toute urgence d'une loi exhaustive en matière de création et de conservation des documents, assortie de sanctions en cas de non-conformité.
Nous devrions suivre l'exemple de Terre-Neuve, où, en 2012, la population s'est opposée au projet du premier ministre qui aurait fait de la loi provinciale sur l'accès à l'information la pire au Canada, et a plutôt fait pression pour avoir la meilleure en la matière.
Malheureusement, même si je suis convaincu que vous voulez bien faire, il est probable que vos recommandations seront de nouveau ignorées par le Cabinet et la bureaucratie, comme c'est le cas depuis 35 ans, par exemple dans le cas du rapport intitulé « Une question à deux volets » présenté par un groupe de députés en 1987. Mon seul souhait serait que votre pouvoir soit égal à votre bonne volonté.
[Français]
Merci.
[Traduction]
C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de leur présence.
Quand je regarde l'évolution du journalisme, j'ai l'impression que le journalisme d'enquête est voué à disparaître, en raison de problèmes d'accès à l'information. Aujourd'hui, nous vivons plutôt dans une période propice au journalisme d'opinion. Toutes sortes d'experts écrivent des articles dans les journaux ou parlent de différents sujets à des émissions de télévision. Par ailleurs, les réseaux sociaux ont accéléré la vitesse de traitement de l'information. Une nouvelle est rendue publique le matin et on voudrait connaître la conclusion de l'affaire en après-midi. Il y a une quarantaine d'années, lorsqu'une nouvelle était publiée dans un journal, on pouvait étirer l'affaire pendant un mois, parce qu'il y avait constamment des faits nouveaux qui s'y ajoutaient.
Vous avez mentionné qu'il était frustrant de devoir attendre de cinq à sept ans pour obtenir l'accès à certaines informations avant de publier un article. La nouvelle peut encore être pertinente et susciter de l'intérêt après cinq ou sept ans, mais elle aurait sans doute été beaucoup plus pertinente le jour même ou au cours du même mois.
Pensez-vous que le journalisme d'enquête, que vous pratiquez présentement, a encore de l'avenir?
J'aimerais que M. Conte réponde à ma question en premier, parce que c'est lui qui a le plus parlé de ses frustrations. Par la suite, les autres témoins pourront y répondre.
:
Merci de la question, monsieur Gourde.
[Traduction]
Concernant la référence aux cinq années pour écrire un article, je parlais plus particulièrement des cinq années de frustrations documentées liées à la Loi sur l'accès à l'information dans le cadre de mes recherches dans un seul dossier, les profils de COINTEL au Canada. Il s'agissait d'archives que j'essayais d'obtenir de Bibliothèque et Archives Canada. En fin de compte, j'ai dû aller aux États-Unis, aux Archives nationales à Washington, D.C., où ils ont un système de déclassification après 25 ans.
La GRC et le FBI ont collaboré dans cette affaire précise. J'ai donc trouvé très ironique, dans le cadre de mes recherches sur cette période de l'histoire canadienne, d'être obligé d'aller aux États-Unis pour obtenir ces documents parce qu'au Canada, le SCRS les considère toujours comme une menace opérationnelle.
:
Vous avez posé une question sur l'avenir du journalisme d'enquête. La branche du journalisme d'enquête qui s'appuie sur des documents est en voie de disparaître en raison des lacunes de la Loi sur l'accès à l'information.
Ce n'est pas qu'il est impossible de mener d'autres enquêtes. Nous comptons sur les dénonciateurs, sur des fuites. Il y a toutes sortes de façons de faire des enquêtes approfondies, mais il y a des avantages à s'appuyer sur des documents obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, car on ne se fonde pas sur l'opinion ou les spéculations d'une personne au sujet d'un événement donné, mais plutôt sur des documents gouvernementaux internes qui servent à établir les faits. Lorsqu'on cite des documents provenant d'un gouvernement lui-même, il s'agit d'une forme de journalisme d'enquête qu'il est difficile, pour le gouvernement en cause, de rejeter du revers de la main ou de nier.
C'est une grande perte, et c'est ce qui se passe en ce moment. Nous assistons à la disparition du journalisme d'enquête basé sur des documents, en ce moment même, car le système d'accès à l'information est de moins en moins fiable et de moins en moins accessible aux journalistes.
[Traduction]
J'aimerais faire écho à bon nombre de commentaires de M. Beeby sur les défis auxquels sont confrontés... sur le déclin de l'accès à l'information pour les journalistes documentaristes.
À bien des égards, simplement pour compléter ces propos, l'idée est qu'un mauvais système d'accès à l'information transforme le travail journalistique quotidien en journalisme d'enquête, ce qui, dans la conjoncture économique du secteur de l'information, est tout à fait insoutenable.
Ma deuxième réflexion est la suivante. Lorsque des documents obtenus par l'intermédiaire du système d'accès à l'information sont inclus dans des reportages, cela se trouve manifestement à mettre en cause le système lui-même. Pour les lecteurs et l'auditoire, le fait que l'on revienne en arrière et que l'on précise que le reportage traite d'une affaire qui remonte à cinq ou sept ans, par exemple, témoigne de façon éloquente des défis auxquels les journalistes sont confrontés pour avoir accès à ces documents et les obtenir. Cette situation doit absolument changer.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier les témoins qui sont parmi nous.
Je vais commencer par vous, monsieur Beeby, parce qu'il y a longtemps que je suis votre carrière et vos critiques concernant notre accès à l'information.
J'aimerais revenir sur des propos que vous avez tenus au sujet de la divulgation proactive.
[Traduction]
Votre question visait en quelque sorte à savoir pourquoi, si la divulgation proactive fonctionne, autant de gens présentent de plus en plus de demandes d'accès à l'information.
[Français]
À notre comité, nous avons discuté avec des gens qui travaillent dans certains ministères. Ces personnes ont souligné que les trois quarts des demandes d'accès à l'information visaient un seul ministère, en l'occurrence Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. En effet, les individus qui font une demande veulent recevoir une mise à jour, mais les systèmes informatiques de ce ministère sont vétustes.
Est-ce que cela répond d'une certaine façon à votre question?
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Bien sûr, cela a une incidence sur le contenu des nouvelles, et sur le contenu politique des nouvelles, si nous parlons d'information touchant l'État.
Je voudrais juste souligner, au sujet de la GRC, que non seulement la GRC ne reconnaît pas... J'ai reçu une lettre de la part de l'organisme cinq ou six ans après avoir déposé la demande. On me demandait si je souhaitais toujours recevoir une réponse à cette demande.
Pour répondre à votre question, simplement à titre de comparaison, aux États-Unis, la loi privilégie la diffusion publique des connaissances. S'il survient une question urgente touchant les activités du gouvernement sur laquelle vous devez rendre compte, votre demande d'accès à l'information sera traitée en priorité; ce processus n'existe pas ici.
Je suis surpris que les journalistes, surtout ceux des médias traditionnels, ne soient pas plus nombreux à se présenter devant ce comité, car leur métier est de rendre les connaissances publiques, surtout en ce qui concerne l'État. Cette absence est révélatrice: le monde journalistique se désintéresse de l'accès à l'information, et, par conséquent, cela se répercute sur la qualité du journalisme qui couvre les activités du gouvernement.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Nous avons une discussion intéressante avec les témoins aujourd'hui. Je vous remercie de vos observations.
On a demandé à la commissaire à l'information quel fardeau représentaient les demandes futiles, vexatoires ou entachées de mauvaise foi sur le travail que doit faire son bureau, et voici ce qu'elle a répondu:
Cela a d'énormes répercussions. Mon bureau ne compte que trois personnes qui s'occupent de nos propres demandes d'accès à l'information. L'année dernière, nous avons reçu une demande qui a abouti à un dossier de 33 000 pages. Nous avons dû demander une prolongation, car nous sommes également assujettis à la loi. Nous ne voulons pas refuser des demandes, mais parfois, nous nous rendons compte qu'il est difficile de négocier ou d'essayer de comprendre ce qui motive la demande.
Je suis certaine que les institutions, comme je l'ai dit, doivent toutes composer avec un, deux ou trois demandeurs qui sont difficiles ou qui demandent des renseignements pour lesquelles, au bout du compte, vous vous demandez: « Qu'allez-vous faire de ces 22 millions de pages? ».
Monsieur Beeby, en tant que personne qui a une formation en journalisme d'enquête — et j'ai un grand respect pour le rôle des journalistes en tant que chiens de garde du fonctionnement du gouvernement et de la façon dont nous fournissons des services aux Canadiens —, comment vous sentez-vous face à l'afflux actuel de ce que j'aime appeler le « journalisme de blogueur », où une opinion devient... ou essaie peut-être de changer l'opinion publique ou de faire perdre la confiance du public envers le gouvernement?
Croyez-vous que cela a une incidence sur le traitement des demandes d'accès à l'information en ce moment?
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Je ne suis pas certain d'y voir un lien.
Pour ma part, en tant que journaliste, l'accès à l'information est un moyen d'éviter le journalisme d'opinion ou le journalisme du genre « il a dit ceci, elle a dit cela », et qui permet d'élaborer quelque chose entre les deux. Quand vous parlez de « journalisme de blogueur », je suppose que vous voulez parler de journalisme d'opinion, ce genre de choses?
À mon avis, l'accès à l'information est une réponse à cela. Nous parlons de la désinformation qui est véhiculée dans les blogues et nous essayons de persuader les gens, d'une manière ou d'une autre, de ne pas utiliser la désinformation. L'accès à l'information est une réponse à ce problème. Les données qui ont été fournies par les gouvernements et qui ont été vérifiées servent d'assises solides au journalisme d'enquête.
C'est pourquoi j'ai utilisé la loi pendant toute ma carrière. Je pense qu'elle est une source d'information plus fiable et moins contestable pour la rédaction d'articles de journalisme d'enquête.
Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.
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Je vous remercie de m'en donner l'occasion.
C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai créé une base de données sur tous les reportages qui ont découlé de demandes d'accès à l'information depuis 1983. Il y en a plus de 6 000, ce qui démontre au public la valeur du système d'AIPRP et le danger de le perdre. Nous sommes déjà pénalisés avec des salles de rédaction parfois réduites de moitié, des journaux en faillite et un dépérissement industriel massif. Une partie des demandes d'accès à l'information sera reprise par les pigistes et les nouveaux médias numériques, mais il y en aura beaucoup moins qu'avant.
C'est un double coup dur: l'industrie est mise à rude épreuve et le système d'AIPRP est très défaillant.
Une question a été posée sur le problème entourant les retards. Il est vrai que j'ai dû abandonner des articles à cause des délais. L'information n'était plus pertinente. Le problème majeur est que selon notre Loi sur l'accès à l'information, le délai pour fournir une réponse peut être prolongé pour une « période de temps raisonnable » qui n'est pas précisée. Cela peut signifier n'importe quoi pour n'importe qui. C'est un chèque en blanc. Cela permet de prolonger le délai, potentiellement, pour toujours. C'est une partie de la loi que la plupart des pays qui ont des lois sur la liberté d'information n'accepteraient jamais.
De plus, le temps de réponse moyen dans la plupart des lois sur la liberté d'information dans le monde est de deux semaines. C'est la moitié du temps de réponse initial de 30 jours qui se trouve dans notre loi. Même les pays beaucoup plus pauvres qui ont des systèmes administratifs déficients fournissent des réponses beaucoup plus rapidement. Parfois, le délai est d'une semaine ou deux.
Généralement, c'est une question de volonté politique. Ce n'est pas toujours une question de ressources.
J'aimerais souligner que j'ai demandé à mon équipe de faire un survol de nombreux systèmes de partout dans le monde et, chose certaine, le Canada n'obtient pas une très bonne note lorsque l'on examine certaines demandes d'accès à l'information par exemple.
Il ne me reste qu'environ deux minutes et demie.
Monsieur Jolly, je sais que vous étiez perdu, mais on vous a retrouvé. Nous sommes heureux de vous revoir. Auriez-vous quelque chose à ajouter au sujet de la confiance du public envers les demandes d'accès à l'information? Plus précisément, quelle en est l'incidence sur les médias?
Je veux juste ajouter que ce qui s'est passé n'était pas une bonne publicité pour le service Internet de Bell.
Sans conteste, pour ce qui est de l'ouverture et de la transparence, je pense que nous nous sommes beaucoup éloignés du principe d'ouverture par défaut. Il faut corriger le tir immédiatement.
À mon avis, nous transformons de plus en plus le droit du citoyen de savoir en un droit du gouvernement de dire « non » aux demandes légitimes d'accès à l'information qui portent sur le gouvernement. Les contrecoups sont ressentis à tous les échelons de l'information et de la société, depuis la capacité des journalistes et des médias d'information d'utiliser ces demandes pour rendre compte de l'information, jusqu'à la possibilité des citoyens et des chercheurs d'accéder aux documents pertinents dont ils ont besoin pour faire leur travail.
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En effet. Merci de votre réponse.
Comme on l'a mentionné, le Parlement a pu constater certains de ces problèmes lorsque le gouvernement a intenté un procès au Président de la Chambre des communes au sujet de la publication de certains renseignements au cours de la législature précédente. Cette question a été réglée à cause du déclenchement d'une élection, donc il y a certainement une foule de problèmes.
Changeons maintenant de sujet, monsieur Beeby. Vous avez parlé de la divulgation proactive. Lorsque je pense à une recommandation qui pourrait être formulée, je me dis que la divulgation proactive, notamment en matière d'arriéré dans les dossiers d'immigration, où pour une personne qui a vu sa demande refusée... Nous avons besoin de divulgation proactive en lien avec l'immigration pour nous assurer que les gens n'ont pas à présenter une demande d'accès à l'information.
Je me demande, dans les 30 secondes qu'il me reste, si vous pourriez parler un peu de la divulgation proactive, pas tellement par rapport aux notes d'information ministérielles plus générales, mais davantage en ce qui concerne des cas précis.
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Merci, monsieur le président.
Par votre intermédiaire, j'aimerais m'adresser à M. Tromp, si vous le permettez.
Monsieur Tromp, j'ai eu l'occasion de parcourir une partie de votre livre, et j'aimerais noter vos commentaires concernant la façon dont le gouvernement Harper s'était engagé en 2006 à « prévoir une disposition de primauté de l'intérêt public applicable à l'ensemble des exemptions ». Il n'a pas tenu cette promesse. Dans un paragraphe suivant, vous parlez de l'intention du Parti conservateur d'examiner les exemptions de l'accès à l'information et de les soumettre au « critère du préjudice », ce qui n'a pas été fait non plus.
Au chapitre 8 de votre livre, vous poursuivez en affirmant que le Parti libéral a tenu sa promesse de 2015 d'accorder au commissaire à l'information le pouvoir d'ordonner la communication de renseignements gouvernementaux en vertu du projet de loi .
Nous constatons que pendant les années Harper, les médias se sont en fait plaints de ne pas avoir vraiment eu beaucoup de relations avec le gouvernement Harper en matière de communications et de discussions, et en 2015, le nouveau gouvernement est arrivé en promettant d'avancer de manière ouverte et transparente, et vous citez le projet de loi .
Où en sommes-nous maintenant dans l'examen des exemptions? Avons-nous avancé? Nous avons entendu les commentaires de M. Beeby au sujet de la divulgation proactive et des cas où elle ne répond pas à aux promesses.
J'aimerais avoir votre avis sur la question, si vous le permettez.
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Eh bien, il y a certainement eu des progrès, mais le fait que le Cabinet du Premier ministre et les ministres ne soient plus couverts, comme le avait promis de le premettre lors de la campagne électorale de 2015, est un échec.
À cet égard, le pouvoir de la commissaire d'ordonner la communication de documents gouvernementaux est accueilli très favorablement. Toutefois, dans son rapport, la commissaire, Suzanne Legault, a relevé cinq graves lacunes de ce pouvoir — qui sont pour la plupart absentes dans le reste des pays du monde que j'ai étudiés — comme l'examen de novo, le manque d'application de ce pouvoir, etc.
C'était un début, mais bien sûr, il faut encore que les documents du Cabinet soient soumis à l'examen de la commissaire et ne soient plus complètement exclus de la loi — comme c'est le cas dans un seul autre pays du monde, c'est-à-dire l'Afrique du Sud —, mais plutôt qu'ils fassent l'objet d'une exemption obligatoire, ce qui était le cas en 1979, dans la première version de la Loi sur l'accès à l'information.
Oui, parmi les huit promesses de réforme de l'accès à l'information faites par le gouvernement Harper en 2006, sept promesses et demie n'ont pas été tenues. Il y a eu une certaine couverture de quelques fondations et sociétés d'État...
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Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à tous les témoins.
Si je pose une question à un ministre à la Chambre et qu'il n'est pas au courant de la réponse, parce que ce n'est pas dans ses notes ou pour toute autre raison, il va demander à ses conseillers politiques de tenir une réunion de breffage dans les 24 heures suivantes pour être au courant de la situation, au cas où je lui poserais la même question le lendemain.
Si vous posiez cette même question, le délai de réponse serait-il aussi raisonnable que celui de 24 heures ou pourrait-il plutôt se situer autour de deux ans?
Monsieur Beeby, vous pouvez répondre en premier.
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Nous sommes saisis d'une motion visant à reprendre le débat là où nous l'avons interrompu lors de la dernière réunion.
Un membre du Comité voit‑il une objection à cela?
(La motion est adoptée.)
Le président: Un vote n'est pas nécessaire puisqu'il y a consensus.
Nous allons poursuivre le débat. Toutefois, avant de le faire, je tiens à remercier nos témoins de s'être joints à nous aujourd'hui. Vous avez communiqué des informations extrêmement précieuses au Comité.
Je présente à ceux qui étaient en ligne toutes mes excuses pour les difficultés techniques que nous avons éprouvées. S'il y a quelque chose que vous avez oublié de nous communiquer aujourd'hui, je vous invite à le présenter par écrit à la greffière du Comité, et nous pourrons en tenir compte dans nos délibérations.
Au nom du Comité et des Canadiens, je tiens encore une fois à vous remercier de votre participation.
Je vais maintenant permettre aux témoins de se retirer. Ensuite, nous poursuivrons nos délibérations.
Monsieur Fergus, lorsque nous nous sommes quittés, vous aviez la parole, et vous discutiez d'un amendement. J'aimerais revenir sur ce sujet, s'il vous plaît.