:
Bonjour à tous. Je déclare la séance ouverte.
[Français]
Bienvenue à la 63e réunion du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le jeudi 23 juin 2022. Par conséquent, les membres peuvent participer en personne, ou à distance par l'intermédiaire de l'application Zoom.
[Traduction]
En cas de problème technique, veuillez m'en informer immédiatement. Veuillez noter qu'il se peut que nous devions suspendre la séance pendant quelques minutes, car nous devons nous assurer que tous les membres sont en mesure de participer pleinement.
Conformément à l'alinéa 108(3)h) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mercredi 7 décembre 2022, le Comité reprend son étude de l'ingérence étrangère et des menaces entourant l'intégrité des institutions démocratiques, de la propriété intellectuelle et de l'État canadien.
Conformément à la motion de routine du Comité concernant les tests de connexion pour les témoins, j'informe le Comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion d'aujourd'hui.
J'aimerais maintenant accueillir nos témoins. Nous recevons d'abord Kenny Chiu, ancien député. Nous accueillons ensuite Michel Juneau-Katsuya, ancien chef du bureau Asie-Pacifique, du Service canadien du renseignement de sécurité, et Jonathan Manthorpe, auteur-chroniqueur en affaires internationales. Victor L. M. Ho, rédacteur en chef à la retraite du Sing Tao Daily, édition Colombie-Britannique, se joint à nous en ligne. Nous avons également Dan Stanton, ancien directeur exécutif du Service canadien du renseignement de sécurité, et Artur Wilczynski, chercheur principal de l'École supérieure d'affaires publiques et internationales à la Faculté des sciences sociales de l'Université d'Ottawa.
Merci à vous tous d'être avec nous aujourd'hui. Nous avons deux heures, donc nous aurons 30 minutes pour les déclarations liminaires de cinq minutes chacune. Je vais m'en tenir à l'horaire prévu aujourd'hui, afin que nous puissions en faire le plus possible.
Monsieur Chiu, vous avez cinq minutes pour vous adresser au Comité. Veuillez commencer.
:
Merci, monsieur le président.
De façon générale, depuis de nombreuses années, notre appareil de sécurité nationale a déterminé que les principaux pays responsables de déployer des efforts d'ingérence étrangère étaient la Russie, l'Iran et la République populaire de Chine.
Pendant mon mandat de député, j'ai soutenu activement les Canadiens de la communauté persane et travaillé avec eux pour lutter contre l'ingérence étrangère et la répression transnationale coercitive dans notre pays. Toutefois, je vais vous faire part de mon point de vue et de mon expérience, en utilisant l'exemple du Parti communiste chinois pour voir comment il est mis en œuvre ici, au Canada.
Le but de l'opération clandestine du régime du PCC est d'exploiter ce qu'il considère comme une faiblesse pour promouvoir ses intérêts et influencer notre processus décisionnel, à l'échelle tant nationale qu'internationale. En raison des barrières linguistiques et des défis culturels, nous avons des communautés de la diaspora qui se sentent plus à l'aise avec le contenu des médias ethniques, et même qui les consomment exclusivement.
Les technologies monolithiques populaires approuvées par le PCC, comme WeChat, offrent également une plateforme pratique pour juguler la dissension ou promouvoir et répandre la désinformation. C'est une occasion en or pour le PCC.
Comme l'ont indiqué l'Alliance Canada Hong Kong dans un mémoire de 2021 et un rapport d'enquête de Radio-Canada en mars 2023, le régime communiste a réussi à monopoliser les médias ethniques chinois, soit par une prise de contrôle complète, soit par l'approche de la carotte et du bâton avec des intérêts commerciaux. Grâce à la mise en œuvre réussie de cette stratégie, le PCC a réussi à contrôler le cœur et l'esprit des communautés de la diaspora.
À long terme, cela perpétue une fausse histoire d'équivalence complète entre le Parti communiste chinois et la Chine, l'État et la race chinoise. Par conséquent, critiquer le PCC se transforme rapidement en racisme anti-chinois. À l'échelle mondiale, le PCC ne cesse également de répandre un mensonge, en utilisant le nationalisme comme arme, selon lequel le monde occidental, dirigé par les États-Unis, réprime égoïstement la Chine montante, que les réalisations miraculeuses du PCC sont la raison pour laquelle tous les Chinois de souche peuvent enfin relever la tête, qu'il subsiste un racisme colonial impérialiste anti-asiatique dans ces démocraties occidentales hypocrites, et que seuls les intérêts du PCC s'alignent sur le bien-être et l'amélioration de la situation des Chinois de souche à l'échelle mondiale.
Cela explique pourquoi les récentes dénonciations du SCRS par des médias réputés tels que le Globe and Mail, Global News et la CBC/Radio-Canada ont été présentées par certains médias et commentateurs favorables au PCC comme des actes racistes délibérés du Canada sous le commandement des États-Unis visant à saper la montée en puissance de la Chine.
L'absence de ressources fiables et réputées pour vérifier les faits dans leur langue aggrave le problème de communication. Cela suscite une méfiance et un ressentiment profonds à l'égard de la société canadienne en général, et sème la discorde entre nous et eux, la lutte du « diviser pour régner » entre nous. Une fois que ces bases à long terme sont établies, et qu'elles continuent d'être établies au moment où nous nous parlons, le régime peut exercer son influence politique en diffusant des commentaires ou des nouvelles qui semblent faire autorité au bon moment.
Par exemple, en 2021, une désinformation complète concernant ma proposition de création d'un registre des agents d'influence étrangers a circulé dans des groupes WeChat et WhatsApp, affirmant qu'il s'agissait d'une mesure anti-chinoise ou d'un prétexte pour une tentative future d'internement des Chinois, ou que, s'il était élu premier ministre, l'anti-Chinois Erin O'Toole, alors chef du Parti conservateur, interdirait WeChat, mettant ainsi en péril le seul lien familial ou commercial sur lequel ils comptent tant. Leur objectif est double: installer des décideurs auxquels ils ont accès ou qu'ils contrôlent et éliminer ceux qui s'opposent à leurs efforts, les détracteurs, pour ainsi dire.
Pour être clair, le fait d'être bénéficiaire de ces efforts ne signifie pas nécessairement qu'il y a collusion. Le PCC honore non seulement la philosophie séculaire selon laquelle l'ennemi de mon ennemi est mon ami, mais pratique également l'égalité des chances entre les races, la corruption et la collusion avec quiconque est prêt à se soumettre, à l'intérieur ou à l'extérieur de la communauté chinoise.
En 2018, le sénateur australien Sam Dastyari a démissionné dans un scandale lié au gouvernement chinois. C'est un bon rappel. En effet, associer tout effort de lutte contre l'ingérence étrangère au racisme anti-asiatique ne fait pas seulement partie de la stratégie du PCC; c'est un commentaire raciste en soi, puisqu'il laisse entendre que le PCC ne corrompra que les Chinois de souche, faisant fi de tous les appels à l'action et de toutes les demandes d'action de la même communauté, dont certains ont fait le grand effort de s'exprimer devant un comité de la Chambre, comme le vôtre.
En conclusion, l'ingérence étrangère et la répression transnationale sont des enjeux géopolitiques complexes. Malheureusement, à mon humble avis, le Canada n'a plus le temps de tergiverser et de procrastiner. Le moment est non pas aux belles paroles et à la vertu, mais aux mesures législatives qui visent à protéger le Canada, votre pays et celui de nombreuses communautés culturelles.
Je vous remercie.
:
Monsieur le président, merci.
Chers membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de vous faire part de mes réflexions et analyses, basées sur plus de 30 années de travail, de recherches, d'enquêtes et d'analyses sur les activités des services de renseignement chinois au Canada. Ce travail, je l'ai effectué comme agent de contre‑espionnage, ainsi que conseiller en matière de sécurité pour les secteurs privé et universitaire.
[Traduction]
Je peux affirmer ouvertement aujourd'hui, preuves à l'appui, que le SCRS est au courant de l'ingérence étrangère de la Chine au Canada depuis au moins 30 ans. Tous les gouvernements fédéraux, de celui de M. Mulroney à celui de M. Trudeau aujourd'hui, ont été compromis par des agents de la Chine communiste. Tous les gouvernements ont été informés à un moment ou à un autre. Tous les gouvernements ont choisi de faire abstraction des avertissements du SCRS. Tous les gouvernements ont été infiltrés par des « agents d'influence » agissant au nom du gouvernement chinois.
Tous les gouvernements ont pris des décisions « douteuses » au sujet de la Chine, qui ne s'expliquent que par une ingérence interne. Tous les gouvernements ont laissé leur processus décisionnel être manipulé pour deux raisons principales, soit la partisanerie et le fait que des agents d'influence aient réussi à contrôler le message.
Tous les premiers ministres ou les membres de leur personnel ont choisi de ne pas tenir compte de la gravité de la menace. Non seulement le gouvernement en place a été compromis, mais tous les partis politiques ont également été compromis à un moment ou à un autre. L'inaction des gouvernements fédéraux a mené à des attaques contre de nombreuses administrations municipales et de nombreux gouvernements provinciaux; au bout du compte, tous les gouvernements ont fait partie du problème et non de la solution, et je vous rappelle que ce n'est pas seulement la Chine qui pratique l'ingérence étrangère.
Encore une fois, nous disposons des preuves, des noms et des circonstances de tout cela.
[Français]
Le principe de l’ingérence est d'induire en tentation des personnes ciblées. C’est là une des faiblesses d’un système démocratique. Les agents chinois l’ont très bien compris et ont prouvé qu’ils savent comment l’exploiter. C'est donc à nous de nous donner enfin des moyens concrets pour renforcer nos défenses.
À la lumière de ces faits, j’aimerais proposer quelques pistes de réflexion.
Premièrement, il est impératif de doter le pays d'une loi pénale sur l’ingérence étrangère, qui définirait les activités considérées comme illicites et prévoirait les sanctions pouvant s'appliquer.
Deuxièment, je salue l’initiative de vouloir créer un bureau national contre l’ingérence étrangère. Cependant, il n'est pas approprié de le placer sous la tutelle du ministre de la Sécurité publique. Je l’ai dit et je le répète: tous les gouvernements antérieurs et actuels ont fait partie du problème, et non de la solution. Tous ont reçu des avertissements et les ont ignorés. Obliger cette nouvelle instance à se rapporter à un ministre reproduirait ce même schéma, voué à l’échec et exposé à l’interférence politique.
Ce bureau devra donc être indépendant, distinct du Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, et de la Gendarmerie royale du Canada, la GRC, et devra se rapporter directement à la Chambre de Communes, qui nommera son directeur. Une loi devra confier à ce bureau les pouvoirs d’enquêter, de perquisitionner, de procéder à des arrestations, de poursuivre en cour pénale sans avoir à demander la permission à qui que ce soit et de pouvoir informer le public sans que le politique interfère. De plus, un budget de 13,5 millions de dollars répartis sur cinq ans est insuffisant. Il doit y avoir des enquêteurs pouvant couvrir toutes les régions du Canada et, pour ce faire, il faut des bureaux locaux qui travailleraient non seulement pour le fédéral, mais aussi pour assister les provinces et les municipalités.
J’ajoute que les 48,9 millions de dollars promis sur trois ans à la GRC pour protéger les communautés risquent d’avoir peu d’incidence en l'absence un bureau national. De plus, ni la GRC ni le SCRS ne sauraient être les organismes d’enquête, puisque leur structure actuelle ne leur a pas permis d’inciter les gouvernements à agir en 30 ans. Comment pouvons‑nous croire que cela changerait demain?
[Traduction]
Troisièmement, il faut établir un processus obligatoire par lequel les futurs candidats aux élections doivent prêter serment et signer une déclaration selon laquelle ils ne sont pas sous l'influence ou agissant au nom d'un gouvernement étranger ou d'une entité étrangère. Ce formulaire mettra clairement en garde contre d'éventuelles procédures pénales en cas de tromperie intentionnelle. Un processus similaire doit être établi pour l'ensemble du personnel politique et des bénévoles pendant le processus d'embauche.
Quatrièmement, on doit éliminer la possibilité pour les étrangers de voter pour la sélection des candidats et des personnes nommées. C'est un non-sens évident.
Cinquièmement, on doit interdire, pour une période de trois à cinq ans, à tous les membres sortants du Cabinet et aux hauts fonctionnaires de travailler ou de participer à toute activité ou à tout emploi lié à leurs fonctions antérieures.
[Français]
En terminant, j'aimerais dire un mot sur l'idée de tenir une commission d'enquête.
Cette avenue n'est pas la bonne, selon moi. Une commission publique va inévitablement révéler les méthodes d'enquêtes de nos services de sécurité et ainsi diminuer notre efficacité à détecter et à neutraliser la menace, tout en mettant des sources humaines à risque. Déjà, avec les révélations dévoilées, nous avons aidé les services chinois à nous contrer. Il y a tout à parier que, dans le climat politique actuel, l'attention sera donnée à la chronologie des événements, cherchant à rendre coupable le gouvernement alors que ses prédécesseurs ont tous fait la même chose. Il est temps de donner la priorité à la sécurité nationale, de manière non partisane, et de protéger le futur de la nation.
[Traduction]
Merci beaucoup.
Je suis impatient de répondre à vos questions.
:
Bonjour à tous. Merci de me fournir l'occasion d'être ici.
Je suis également honoré de faire partie d'un groupe de témoins de cette qualité. Permettez-moi de dire que j'approuve tout ce que vous avez entendu jusqu'à présent ce matin. Je pense que ces deux exposés étaient excellents et je suis sûr qu'il en sera de même des autres témoins.
Je serai très bref et me contenterai essentiellement de décrire ce qui est couvert dans mon livre de 2019, Claws of the Panda.
Les relations entre les hauts fonctionnaires du Canada et du Parti communiste chinois remontent aux années 1930, soit il y a plus de 80 ans. Ce qui est remarquable, c'est que les attitudes à l'égard de la relation et les objectifs des deux parties ont très peu changé durant ces huit décennies.
Lors de leurs premières rencontres avec les cadres communistes chinois, les représentants canadiens ont fait preuve d'une grande naïveté quant aux objectifs du parti, naïveté qu'ils conservent encore aujourd'hui, malgré toutes les preuves qu'ils se font des illusions.
Mais les Canadiens ont dès le départ considéré les communistes comme des membres d'un parti réformiste plutôt que d'un parti révolutionnaire. Ils nourrissaient alors, et un grand nombre nourrit encore, l'espoir et l'attente que les politiques, l'administration et le droit canadiens constitueraient des modèles de réforme que le Parti communiste chinois suivrait.
L'affaire Huawei, qui a débuté juste au moment où je publiais mon livre Claws of the Panda, aurait dû mettre fin à cet optimisme aveugle. Cela aurait dû clairement montrer que nous n'avons pas les mêmes valeurs que le Parti communiste chinois et que nous ne pouvons pas avoir une relation normale avec un régime dont le premier réflexe est de prendre des otages lorsqu'il y a un problème.
Les objectifs du Parti communiste chinois dans cette relation ont toujours été les mêmes.
Le premier est de faire du Canada un allié de Beijing sur la scène internationale, dans la mesure du possible, et de réduire au minimum les critiques d'Ottawa en l'absence de soutien.
Le deuxième est d'avoir accès aux technologies canadiennes et américaines, surtout celles utilisées à des fins militaires, par le truchement des universités et des instituts de recherche.
Le troisième est d'avoir un accès illimité aux ressources agricoles et naturelles du Canada. Le Parti communiste chinois ne croit pas à l'économie de marché.
Le quatrième était et est toujours d'avoir un libre accès au marché canadien pour les biens manufacturés en Chine.
Le cinquième, et le plus important selon moi, était et est toujours de pouvoir contrôler et manipuler les Canadiens d'origine chinoise, particulièrement ceux en faveur d'une réforme en Chine.
À mon avis, le Parti communiste chinois a atteint tous ses objectifs au Canada, tandis que nous n'avons même pas eu l'ombre d'une chance d'atteindre les nôtres.
Je m'arrête ici, et je serai heureux de répondre du mieux que je peux aux questions des membres du Comité.
Je vous remercie.
:
En tant que journaliste retraité ayant travaillé pendant 25 ans pour un média sino-canadien, j'ai observé que le moyen le plus efficace pour le PCC de contrôler les médias en langue chinoise est de s'approprier la haute direction de l'entreprise ciblée. La politique éditoriale de ce média suivra toujours la ligne de parti en Chine.
Voici plusieurs tactiques habituellement employées par le PCC dans la communauté chinoise locale.
La première est la propagande. Auparavant, de courtes émissions radiophoniques de propagande préparées par le Département du travail du Front uni étaient diffusées sur la radio AM1320 à Vancouver. Ces efforts ont été étendus à des publicités pleine page dans les journaux chinois locaux pour démontrer un appui massif aux politiques draconiennes de la RPC.
La deuxième est l'intégration de personnel des médias pro-RPC dans divers médias de langue chinoise pour parler en bien des récits de la RPC. Ils influencent les PDG et les rédacteurs en chef des médias en langue chinoise en les invitant à prendre le thé dans l'enceinte du consulat chinois et en utilisant l'argent de la publicité comme levier.
Troisièmement, on crée un sentiment de nationalisme déformé à l'égard de la mère-patrie en exploitant certaines parties de l'histoire de la Colombie-Britannique pour renforcer les idées d'impérialisme, de colonialisme ou de racisme occidental à l'égard des Chinois de souche.
La quatrième est la politique identitaire. Les gens d'une race et d'une culture particulières élaborent des programmes politiques fondés sur ces identités. La politique identitaire est intimement liée à l'idée que certains groupes de la société sont opprimés, et commence par l'analyse de cette oppression.
Cinquièmement, on amplifie les récits et les succès de la RPC et propage le mantra du PCC selon lequel nous entrons dans une ère d'ascension de l'Orient et de déclin de l'Occident.
Sixièmement, la désinformation. Ils accusent l'Occident de considérer des hypothèses comme des faits et d'être jaloux du succès de la Chine au point de recourir à des pratiques commerciales déloyales — comme, par exemple, Huawei et TikTok — et de stigmatiser l'ensemble de la communauté chinoise avec la suggestion récente d'un projet de loi sur le registre des agents d'influence étrangers, etc.
Septièmement, on polarise et divise la communauté en choisissant des commentateurs pro-RPC qui ridiculisent ou répètent les échecs de l'Occident, et en faisant référence à la présence de patriotes et de traîtres dans le contexte de Hong Kong.
La huitième est d'aider durant les élections en appuyant les candidats favorisés par la RPC et en n'interviewant pas les candidats qui critiquent le PCC, comme Kenny Chiu.
Neuvièmement, il s'agit d'établir les propres médias de langue chinoise du PCC en sol canadien.
Merci.
:
Merci, monsieur le président, et bonjour, mesdames et messieurs.
Ma connaissance et ma compréhension de l'ingérence étrangère de la RPC sont le fruit de 32 années d'opérations au sein du Service canadien du renseignement de sécurité, dont la majeure partie dans ce que nous appelions le contre-espionnage. J'ai travaillé dans ce domaine contre des États hostiles — sur le terrain et dans des quartiers généraux — pendant un certain nombre d'années. Cela comprend également ce que nous appelons l'ingérence étrangère dictée par l'État.
Lorsque j'ai commencé à travailler, c'était pendant la guerre froide, et l'espionnage était la plus grande menace en Occident, et au Canada en particulier. C'est contre cela que nous avons travaillé, contre divers acteurs étatiques. Il y a eu une évolution depuis l'implosion de l'Union soviétique, et, en fait, l'espionnage est devenu plutôt dépassé. C'est très risqué. Il est très difficile de s'attaquer à des cibles fermes. Il faut amener les gens à commettre des actes de trahison. C'est beaucoup plus facile avec l'influence étrangère.
Ce que nous avons vu au cours des 30 dernières années, c'est que l'ingérence étrangère a éclipsé l'espionnage classique en tant que menace à la sécurité nationale, du point de vue tant de sa portée que de sa rapidité. Pourquoi risquer de voler les secrets d'un autre État lorsque vous pouvez influencer et manipuler les décideurs du pays ciblé? Vous pouvez vous approcher de ce que nous considérons comme la face cachée de l'État par l'intermédiaire de ses institutions démocratiques.
La République populaire de Chine, dans cet effort, est l'équipe à toute épreuve. Elle est la meilleure dans ce domaine. Son niveau de raffinement, sa confiance qui frise l'arrogance, en font probablement la menace la plus redoutable du point de vue du renseignement étranger. Tandis que la Chine continue de jouer aux échecs, le Canada joue au chat et à la souris. Nous devons améliorer notre jeu.
Il a été dit récemment que nous n'avons pas de marteau législatif pour frapper l'ingérence étrangère, qu'il n'y avait pas de législation, comme c'est le cas pour l'espionnage et le terrorisme. Je m'inscris respectueusement en faux contre cette affirmation. Si vous regardez la Loi sur la protection de l'information, particulièrement à la fin, au paragraphe 20(1) — je vais vous en lire un petit extrait — et à l'article 3, vous avez le libellé qui convient, à mon avis, afin d'intenter des poursuites pour ingérence étrangère.
Selon le paragraphe 3(1), il existe « un dessein de nuire à la sécurité ou aux intérêts de l'État » dans les cas où la personne commet, en vue de contribuer à la réalisation d'un objectif politique ou dans l'intérêt d'une entité étrangère, une infraction à une loi punissable d'une peine d'emprisonnement maximale de deux ans ou plus.
Si nous passons au paragraphe 20(1), nous voyons qu'il s'agit d'une infraction si « pour [le] profit d'une entité étrangère », une personne « incite ou tente d'inciter » une personne à faire accomplir quelque chose soit « en vue d'accroître la capacité d'une entité étrangère » ou « qui portera vraisemblablement atteinte aux intérêts canadiens ».
Ces infractions sont facilement assujetties à la Loi sur la protection de l'information, à mon avis. Je pense que votre Comité ou d'autres pourraient vouloir se pencher là-dessus. Je l'ai souligné dans la législation.
Nous savons maintenant qu'il s'agit d'une menace existentielle. Qu'a-t-on réellement fait? Qu'a-t-on fait depuis que les allégations sont parues en novembre?
Eh bien, il y a eu la proposition d'un registre des agents d'influence étrangers, qui a du mérite, mais à moins que je me trompe, il y a déjà un projet de loi au Sénat, le projet de loi , un projet de loi sur le registre des agents d'influence étrangers qui existe depuis le mois d'août. Pourquoi ne pas tout simplement le faire adopter par le Sénat et la Chambre des communes, au lieu de parcourir le pays et de tenir des assemblées publiques pour voir ce que les gens en pensent?
Je ne veux pas être facétieux, mais je pense vraiment que si le gouvernement veut avoir un registre — et je sais que beaucoup de Canadiens le veulent — nous avons déjà fait un certain travail de base.
J'ai appris la semaine dernière que nous affectons des millions de dollars à la GRC, sans stratégie d'enquête ni de poursuite. Nous disons simplement: « Tenez, prenez cet argent et utilisez-le. » En 32 ans de travail dans le domaine de la sécurité nationale, chaque fois que nous avons eu une crise, chaque fois que nous avons eu un incident, c'est ce que le gouvernement a fait. Il jette de l'argent à la GRC et dit: « C'est à vous de régler cela. » Je ne pense pas que ce soit une réponse appropriée.
Nous n'avons pas renouvelé notre politique de sécurité nationale depuis 2004. C'est la première fois qu'une politique de sécurité nationale est rédigée. Le paysage de la menace au Canada a énormément changé au cours des 20 dernières années, sur le plan qualitatif, et il y a de nouvelles menaces liées à l'intelligence artificielle et à toutes sortes de choses. Je pense que les Canadiens méritent quelque chose de ce genre, et cela devrait être une politique de sécurité nationale centrée sur la Chine.
Je ne veux pas avoir l'air partisan. Je ne veux pas jeter le blâme sur un gouvernement en particulier. J'ai travaillé sur cette menace de la RPC pendant de très nombreuses années. J'ai même été directeur du programme national il y a 12 ou 13 ans. C'était un gouvernement différent à l'époque, et la réaction aux rapports sur l'ingérence étrangère — comme cela a été mentionné plus tôt — n'était pas différente de celle qu'elle est aujourd'hui. Personne ne s'en formalisait. Il n'y avait pas vraiment de réaction.
Pour moi, il ne s'agit pas vraiment d'une question partisane. Je pense que cette menace et la façon dont le gouvernement va réagir ou la façon dont il a réagi par le passé ont transcendé les partis et le temps. Ce dont nous avons vraiment besoin, c'est d'une approche plus holistique pour repousser cette menace.
Enfin, je tiens à dire que je suis très heureux d'être ici aujourd'hui, mais surtout avec M. Ho et M. Chiu en tant que membres du groupe, et les autres aussi, bien sûr. Cependant, je pense qu'il est extrêmement important que nous ayons des Canadiens d'origine chinoise, qu'ils aient une tribune pour parler de ce qui s'est passé.
Ils doivent pouvoir s'exprimer, et pas simplement dans le cadre d'un exercice de relations publiques visant à savoir ce qu'ils pensent de temps à autre. Ce sont les gens qui sont dans la ligne de mire du régime de la République populaire de Chine depuis 30 ou 40 ans, et ce sont eux qui doivent se manifester. Ils doivent avoir la confiance qu'il y aura des résultats et un suivi s'ils prennent un risque et qu'ils viennent nous dire ce qui se passe. Non seulement le gouvernement doit-il écouter, mais les Canadiens doivent écouter la communauté sino-canadienne pour une fois et entendre ce qu'elle a à dire.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux revenir sur ce qu'a dit mon collègue M. Stanton. Je veux remercier M. Ho, M. Chiu et M. Manthorpe de nous avoir fait part de leur expérience en matière d'ingérence étrangère. Pour moi, il est absolument essentiel d'être à l'écoute de ce que disent la communauté chinoise et les autres communautés ciblées par cette ingérence et de tenir une discussion efficace afin d'aborder et de restreindre les activités néfastes des gouvernements étrangers.
Pendant plus de 30 ans dans le secteur public, j'ai pu observer sous de nombreux angles le fonctionnement des gouvernements. À titre de directeur général aux Affaires internationales et à la politique frontalière à Sécurité publique Canada, j'ai négocié des accords de sécurité avec les États‑Unis. J'ai été directeur général de la Sécurité et du renseignement au sein de ce qui est aujourd'hui Affaires mondiales Canada. J'ai été ambassadeur auprès d'un allié de l'OTAN et directeur général des Opérations de renseignement au Centre de la sécurité des télécommunications. Je connais donc intimement le fonctionnement de la communauté canadienne de la sécurité et du renseignement.
[Traduction]
J'ai été un consommateur de renseignements et j'ai géré la production de renseignement en mettant l'accent sur l'équité, la diversité et l'inclusion. La complexité de l'ingérence étrangère nous oblige à comprendre les liens entre un vaste éventail de questions interreliées. L'ingérence étrangère d'acteurs étatiques hostiles comme la République populaire de Chine constitue un défi de taille, comme nous l'avons entendu. La communauté de la sécurité et du renseignement réagit et parle de cette menace depuis des années. Néanmoins, comme mes collègues l'ont clairement souligné, il est possible de faire beaucoup plus pour répondre à cette menace.
Je suis heureux que nous ayons cette conversation nationale sur l'ingérence étrangère, et nous devons écouter, comme je l'ai dit, les expériences vécues par les communautés et les personnes concernées. Ce qui est regrettable, c'est la manière dont nous en sommes arrivés là et dont cette conversation se déroule. La divulgation illicite de renseignement, la réaction maladroite de certains au sein du gouvernement et les accusations hyperboliques lancées contre le gouvernement et ses institutions ont créé un environnement toxique qui a nui à notre capacité de contrer la menace. Le ton et le contenu de la conversation ont ébranlé davantage la confiance des Canadiens envers nos institutions démocratiques. Le débat a été réduit à des phrases creuses et à des gazouillis. Il est devenu un véhicule de partisanerie plutôt qu'une tribune où nous pouvons travailler ensemble pour lutter contre l'ingérence étrangère, renforcer la résilience de nos institutions et rétablir la confiance ébranlée envers notre démocratie.
Les divulgations ont peut-être attiré l'attention nationale sur l'ingérence étrangère, mais elles ont aussi nui à nos efforts pour faire face à la menace et sont incompatibles avec la défense de la démocratie. Lorsque, en tant que fonctionnaires, nous avons accès à des informations classifiées, nous prêtons serment de confidentialité. Il s'agit d'un serment de respect de la loi et d'une série de mesures de conformité. Il est profondément irresponsable et probablement illégal de violer ce serment sans comprendre les conséquences prévisibles des divulgations.
Même si je comprends tout à fait la frustration que suscite le rythme de la lutte contre l'ingérence étrangère, la divulgation de renseignement classifié est illégale pour une raison. Cela compromet les techniques. Cela compromet les sources et les rend moins susceptibles de coopérer avec les responsables du renseignement de sécurité.
Lorsque des fonctionnaires divulguent du renseignement, ils portent atteinte aux droits de la personne des personnes citées. Comme il s'agit du comité responsable de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique, je pense que cela préoccupe particulièrement les membres du Comité, monsieur le président. Ce renseignement est divulgué sans respect des procédures, sans présomption d'innocence et sans que les personnes concernées puissent se défendre efficacement.
Tout cela entrave à la fois les enquêtes particulières elles-mêmes et la capacité de nourrir les sources à long terme. C'est aussi fondamentalement antidémocratique. On ne peut pas dire que l'on défend la démocratie tout en violant les lois adoptées par le Parlement.
En tant qu'ancien sous-ministre adjoint pour les personnes, l'équité, la diversité et l'inclusion au Centre de la sécurité des télécommunications, je sais que la sécurité opérationnelle est essentielle pour les personnes originaires des États hostiles. Pour elles, c'est une question de sécurité personnelle et familiale. Les divulgations les touchent directement et profondément.
[Français]
En raison de ces questions, j'ai soutenu les appels en faveur d'une enquête publique. Nous avons besoin d'une enquête impartiale pour examiner ce qui s'est passé et pour nous assurer que nous disposons des outils nécessaires pour préserver la résilience de nos institutions démocratiques.
Lors de cette enquête, on aurait la possibilité d'examiner des informations classifiées. L'enquête devrait être coordonnée avec les examens effectués par les autres instances, comme l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement et le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Elle devrait aussi formuler des recommandations qui tiennent compte de l'ensemble de la menace, et pas seulement de ce qui s'est passé en 2019 et en 2021.
[Traduction]
Les menaces pesant sur notre démocratie sont complexes. L'ingérence étrangère évolue. Une enquête présentera au Parlement des options visant à atténuer les menaces et à veiller à ce que les Canadiens soient convaincus que leurs représentants reflètent la volonté populaire. Les seuls qui bénéficient de ce qui se passe maintenant sont les ennemis de notre démocratie.
Merci, monsieur le président.
À mes yeux, cette affaire britannique est particulièrement flagrante. Ils avaient des renseignements selon lesquels cela venait du Département du travail du Front uni et de la RPC, grâce à ce citoyen britannique, et que les activités touchaient directement les fonds de la campagne d'un député. Je crois qu'il y avait probablement beaucoup d'autres choses qui se passaient, mais celles-ci n'atteignaient aucun seul légal, alors le mieux que les Britanniques pouvaient faire était d'envoyer un bulletin général à tout le monde, identifiant Mme Lee et disant essentiellement de rester à l'écart de cette dernière parce qu'elle était une actrice d'influence étrangère.
Maintenant, en ce qui concerne les allégations que nous avons au Canada, je ne dirais pas selon ce qui semble être des informations assez sommaires provenant des médias — au compte-gouttes — que le gouvernement canadien publierait quelque chose comme ça.
Ce n'est que mon opinion, mais je crois que l'affaire britannique était si flagrante qu'elle a provoqué une telle réaction.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
À mesure que la technologie, les tactiques et les relations avec les États étrangers évoluent, comme nous l'avons entendu aujourd'hui, je pense que la menace qui pèse sur la démocratie a beaucoup à voir avec la désinformation et les renseignements erronés de la part d'acteurs étatiques étrangers et d'acteurs non étatiques — et même des acteurs nationaux ici.
Nous avons entendu dire que cela durait depuis longtemps, et nous vous remercions donc d'être parmi nous aujourd'hui pour cette étude très importante.
Ma première question s'adresse à M. Wilczynski. J'espère avoir prononcé votre nom correctement.
Nous avons une diaspora chinoise forte et dynamique dans la ville où je vis, Richmond, d'où est originaire également M. Chiu. Certaines familles y sont établies depuis plus de 100 ans, tandis que d'autres sont des Canadiens de première génération.
Vous avez écrit dans l'Ottawa Citizen que les Canadiens d'origine chinoise sont les premières victimes de l'ingérence du PCC. Pouvez-vous donner plus de détails au Comité à ce sujet? Il me semble que nous en avons entendu parler auparavant.
:
On pourrait procéder de la même manière qu'avec le Bureau du vérificateur général du Canada, c'est-à-dire qu'une personne serait nommée par la Chambre des communes après avoir reçu l'aval de tous les députés. Cette personne se rapporterait à la Chambre des communes.
Ce bureau d'enquête viserait à ramener l'intégrité dont notre système démocratique a besoin, que ce soit auprès de nos alliés internationaux ou de nos concitoyens et concitoyennes. L'indépendance et la manœuvrabilité du bureau sont très importantes. Il faut aussi qu'il ait les pouvoirs appropriés pour mener enquête. Comme le disait M. Wilczynski, la personne responsable s'assurerait de la transparence, qui manque grandement à l'heure actuelle, comme cela a été dit plus tôt. Pendant trop longtemps, ce manque de transparence a empêché le Canada de transmettre des avertissements à la population.
D'ailleurs, je me souviens d'un incident impliquant le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité. Alors que le Service canadien du renseignement de sécurité voulait approcher les grandes entreprises pour leur transmettre des avertissements, un peu comme le font le MI5 et le MI6 britanniques une fois par année lors d'une conférence nationale, le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité a fait le contraire et a réprimandé le SCRS en lui disant qu'il ne doit informer que le gouvernement. Cela, nous l'avons fait pendant 30 ans, mais cela n'a rien donné.
:
C'est une bonne question. Il existe deux types d'ingérence étrangère.
La première, à savoir la plus facile, implique que l'État étranger cible essentiellement les communautés de la diaspora en ce qui concerne les questions liées à leur pays d'origine. L'ingérence peut se faire par la manipulation ou l'intimidation. Les membres d'une communauté ne veulent pas en parler, et ils sont utilisés. Le SCRS ciblera ce genre d'activités. Elles sont en général assez bien gérées. Cette menace est moins nuancée que l'autre type d'ingérence étrangère.
L'autre type d'ingérence étrangère, qui représente sans doute la raison pour laquelle nous avons ces réunions du Comité ici, suppose que l'État cible trois ordres de gouvernement, qu'il vise des politiciens, des journalistes et des personnes de tous les milieux, en utilisant des méthodes clandestines. Il faut une activité clandestine, sinon c'est simplement du lobbying. C'est pourquoi il y a eu, je dirais, un tel manque de réaction de la part du gouvernement quant au signalement au fil des ans, puisqu'un bref coup d'œil ne permet de voir que du lobbying. Les gens disent: « Quel est le problème? N'avez-vous pas des sujets plus importants à aborder? »
Or, si vous travaillez pendant longtemps et si vous utilisez le critère de la clandestinité, où l'objectif de l'État étranger n'est pas clair aux yeux de la cible, alors il est possible de constater l'existence de la menace.
C'est ce type d'ingérence à laquelle nous sommes davantage exposés — l'autre type d'ingérence étrangère, qui est très difficile à cerner et qui peut être difficile à contrer, même si nous disposons de lois qui peuvent être appliquées. Le premier type d'ingérence étrangère, dans le cadre duquel un représentant d'un État étranger intimide directement une partie de la communauté au Canada est un peu plus visible.
:
Je peux tenter de répondre en partie à cette question.
L'environnement en ligne est évidemment plutôt complexe et évolutif. La partie importante à comprendre est quand le comportement est inauthentique, quand les pays utilisent divers outils soit pour secrètement amplifier des messages qu'ils savent contraires aux intérêts des pays qu'ils ciblent ou plus précisément pour amplifier leurs propres intérêts.
Il existe des activités inauthentiques grâce à des moyens tels que les robots, mais il faut aussi comprendre qu'ils ont cultivé toute une série d'acteurs de soutien au sein d'un État, qui renforceront ces messages. Il arrive qu'un comportement inauthentique puisse sembler authentique, parce qu'il est amplifié par des acteurs légitimes dans un certain État.
La situation sera beaucoup plus complexe, comme l'ont mentionné mes collègues, en raison de l'IA, notamment des choses telles que les deepfakes. Il y avait à la première page du Ottawa Citizen l'autre jour une histoire à propos de la manière dont les images et les vidéos seront manipulées de sorte qu'il sera très difficile de distinguer le vrai du faux. Ces genres d'outils, en plus des genres d'amplification qui peuvent être effectués dans un environnement en ligne, rendront la tâche particulièrement difficile, à mon avis, aux citoyens ordinaires et aux organisations de renseignement de sécurité nationale qui tentent de limiter ce comportement et de le combattre. C'est quelque chose à quoi nous devons prêter une attention particulière à l'avenir.
Permettez-moi de remercier tous nos témoins d'être présents devant le Comité aujourd'hui et de parler de ce sujet très important.
Monsieur Chiu, c'est bon de vous revoir. Comme vous êtes un ancien collègue à moi, c'est un plaisir de vous voir devant le Comité.
J'aimerais vous offrir l'occasion de faire part de votre expérience, quelles étaient les attaques contre vous et votre réputation, en particulier durant les dernières élections, et la question entourant votre proposition de créer un registre des agents étrangers. Pourriez-vous décrire, en une minute, les impacts que cela a eus sur vous, sur le plan tant professionnel que personnel?
:
Je vous remercie de cette occasion. C'est bon de revoir tout le monde.
Je le décrirais comme un processus d'isolement. Cela était dû en partie à la pandémie de COVID, mais, en contrepartie, j'avais l'habitude de travailler pour les médias ethniques chinois assez fréquemment et activement.
Pendant mon mandat, surtout après que j'ai déposé le projet de loi d'initiative parlementaire sur le registre des agents d'influence étrangers, de nombreux médias chinois m'ont tourné le dos, ils ne m'ont pas invité à leurs émissions-débats, bien qu'ils aient ouvert leurs lignes aux critiques de mon projet de loi. Tout cela a culminé durant les élections avec la désinformation selon laquelle je n'étais jamais allé au Xinjiang, alors comment pourrais-je voter avec le reste des parlementaires quant au fait qu'un génocide respectant la définition donnée par les Nations Unies a cours? Par ailleurs, pourquoi détesterais-je ma propre race, les Chinois, parce que j'ai mis en place ce registre des agents d'influence étrangers?
Cela a eu un grand impact, car j'avais quitté ma profession de cadre intermédiaire du personnel dans le domaine du développement de logiciels, et il m'a été difficile de revenir au sein de ma profession. Cependant, je suis heureux d'avoir présenté cette question sur la scène nationale pour qu'on en débatte, comme cela a été mentionné précédemment.
Pour plusieurs, cette situation peut sembler similaire au film intitulé Tout partout, tout à la fois, mais, pour de nombreuses personnes au sein de la communauté, c'est effectivement tout et partout tout le temps.
:
Certainement. J'ai essayé d'expliquer un peu plus tôt que, selon moi, le respect des lois est un élément fondamental de notre démocratie. Nous devons respecter les lois qui sont mises en place. Les lois sont mises en place parce qu'elles doivent nous contraindre à respecter des règles et nous donner un cadre sur la façon d'agir en tant qu'agents de la sécurité nationale. Nous avons des pouvoirs particuliers qui nous autorisent à poursuivre des enquêtes et à adopter des mesures pour faire avancer notre intérêt national.
[Traduction]
Lorsque des fonctionnaires ne suivent pas la loi et ne respectent pas les règles auxquelles nous sommes dûment assujettis au chapitre de la conformité et que nous avons mises en place pour mesurer notre comportement, les effets sont multiples, particulièrement, à mon avis, en ce qui concerne les droits de la personne. Quand un fonctionnaire utilise les pouvoirs et les documents habilitants pour accéder à des informations et ensuite de son propre chef, en dehors du cadre des lois qui nous régissent, qu'il décide de fournir ces informations sans contexte, sans explication et sans analyse dans le domaine public, il viole toute une série de choses. Il s'agit non seulement de leurs obligations... mais les droits des personnes nommées dans ces divulgations — leurs droits à la vie privée et leurs droits à l'application régulière de la loi — sont violés.
Je pense que la situation est profondément inquiétante lorsque des personnes travaillent dans le domaine du renseignement de sécurité, en particulier au sein d'une entreprise qui a eu une histoire difficile au Canada. Le fait d'agir ainsi en dehors de la primauté du droit, encore une fois, est la raison pour laquelle je crois que c'est fondamentalement antidémocratique.
Je suis désolé. Je voudrais revenir très rapidement sur la question précédente parce qu'il y a un lien. L'un des effets... Je l'ai évoqué un peu dans ma déclaration. Au sein du service du renseignement de sécurité, nous avons besoin d'une plus grande diversité dans nos rangs, précisément afin d'être capables de comprendre le contexte linguistique et culturel, et d'être en mesure de fournir le genre d'information qui est essentiel. Quand les membres de ces communautés sentent que nous n'avons pas respecté la primauté du droit et que nous ne les avons pas protégés dans la mesure nécessaire, notre capacité à les inciter à nous rejoindre et à devenir membres du service de renseignement de sécurité est alors compromise. Cela affecte également notre capacité de protéger efficacement les intérêts nationaux du Canada.
:
Non, je ne crois pas. Je ne crois pas qu'elles viennent...
Je serai prudent pour répondre à cette question, puisque j'ai suivi cette affaire de très près. Vous avez deux lignes différentes de... nous appellerons cela des rapports avec des allégations, et il existe des différences qualitatives entre les deux.
Les gens qui travaillent dans le renseignement, dans des professions comme celles que l'on retrouve au SCRS, ne se soucient pas des résultats. Si vous travaillez dans la lutte contre le terrorisme, dans certains cas vous êtes indifférent, vraiment, au fait qu'une personne sera arrêtée et emprisonnée.
Je me souviens de l'expulsion de 18 diplomates soviétiques. Je travaillais à la section soviétique — je travaillais au bureau responsable du KGB — et je pense que j'ai été triste pendant environ trois semaines de ce qui allait se passer, parce qu'il y avait toutes sortes de points d'enquête et toutes sortes de choses qui se passent au chapitre de la contre-ingérence en dehors de l'expulsion d'un diplomate.
Il en va de même lorsqu'une personne est arrêtée ou inculpée pour diverses choses. Les personnes qui travaillent dans le renseignement sont des professionnels. Elles ne pensent pas aux résultats que pourrait obtenir ou non un décideur politique. Je le sais car j'ai passé 32 années dans le domaine. Je connais la culture.
Je regarde aussi ce que les médias ont dit, à savoir que nous idolâtrons maintenant les auteurs de fuite. Ils sont en quelque sorte décrits comme des patriotes outrés par cette dissimulation flagrante, et ils vont maintenant protéger les Canadiens en divulguant des renseignements. Ce portrait ne ressemble pas non plus aux personnes que je connais dans un milieu au sein duquel j'ai œuvré pendant de très nombreuses années.
Je peux déduire beaucoup de choses du témoignage du Globe. Je peux aussi déduire beaucoup de choses des éditoriaux du Globe sur le sujet également. Il existe un certain biais en faveur de SNC-Lavalin et d'autres choses de ce genre. Il y a un peu de partisanerie.
J'ai une idée d'où viennent ces fuites et, dans certains cas, elles passent par différents canaux avant de parvenir au journaliste. Dans certains cas, cela peut être un document. Je suis assez certain que l'organisation où j'ai passé beaucoup de temps n'est pas la source de ces fuites.
Une partie de ces fuites pourrait être due à une tierce partie, mais je ne crois pas que les documents viennent de l'organisation.
:
C'est une question très générale et je l'apprécie.
J'écris actuellement un autre livre au sujet des problèmes de la démocratie canadienne, dont nous pourrons sans doute discuter quand le livre sera publié.
Je crois que nous avons un problème de confiance envers nos institutions démocratiques qui va au-delà de l'ingérence étrangère. De nombreuses personnes ont mentionné ce matin que ce n'est pas seulement la RPC qui a dépassé les limites du lobbying pour se livrer à de sérieuses ingérences dans la vie publique canadienne. À mon avis, nous avons besoin d'un registre justement pour cette raison. Il s'agit d'un problème général, et non de quelque chose qui concerne uniquement la RPC.
Je pense que le niveau de confiance envers nos institutions s'est dégradé au cours des 20 ou 30 dernières années pour diverses raisons, qui sont peut-être plus nombreuses que celles qu'il conviendrait d'aborder devant le comité aujourd'hui. J'ai écrit un livre qui a paru en 2020, intitulé Restoring Democracy. Il porte sur l'ensemble de la période depuis la fin de la Guerre froide et sur les diverses pressions exercées sur la démocratie au cours des 30 dernières années.
Mon dernier livre, qui je l'espère sera publié l'année prochaine, parle en particulier du Canada dans ce contexte. Je pense que cela n'est pas une affaire pour le comité présentement, mais je répondrai avec plaisir à toute question que vous pouvez avoir.
:
Bien sûr. C'est une bonne question.
Je crois que nous nous concentrons uniquement sur la Chine parce qu'elle représente, comme je l'ai dit, la meilleure équipe lorsqu'il est question d'ingérence étrangère. Absolument rien ne se compare à elle au chapitre de la portée et des différences qualitatives.
L'un de mes collègues a fait allusion à l'Iran. Nous avons observé un changement dans l'ingérence iranienne: le pays fait maintenant appel à des entreprises du secteur privé. Les médias au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni en parlent. Ils utilisent des enquêteurs privés pour suivre les gens. Il y a eu quelques changements dans la manière dont ils procèdent; il y a du harcèlement et la situation des dissidents se détériore.
La Russie a toujours été un acteur, mais la Russie est très forte au niveau du renseignement et de ses services de renseignement. Elle procède un peu différemment de la Chine.
Un autre pays selon moi est l'Inde. L'Inde fait de l'ingérence étrangère au Canada. Nous l'avons constaté, et nous l'avons vu dans les médias.
Il existe un certain nombre d'États étrangers. Comme le déclare l'un de mes collègues, ils ne sont pas nécessairement tous hostiles envers les intérêts du Canada. Certains d'entre eux sont neutres, si je puis dire. Certains pourraient être des alliés.
Dans certains domaines, c'est aléatoire. Je ne veux pas recommencer à m'en prendre à la RPC, même si elle est la raison de notre présence ici. Elle fait très bien les choses. Vraiment. Il s'agit d'une approche pangouvernementale qui concerne l'ensemble de la société. Vous êtes au courant de la loi sur la sécurité nationale adoptée en 2017, selon laquelle toute personne ayant le statut de Chinois, où qu'elle se trouve dans le monde, doit coopérer.
Il existe d'autres acteurs. Ils n'ont simplement pas la même force.
:
Je crois de manière générale, à un niveau macro, que oui, nous devons avoir ces outils législatifs. Nous devons avoir une capacité d'application de la loi. Nous devons avoir des objectifs à atteindre à cet égard. Vous pouvez utiliser ce modèle avec les autres États.
Il y a en outre un effet dissuasif, quand des lois sont en place. Vous pouvez utiliser cela pour atténuer une partie de la menace.
Toutefois, les acteurs sont différents. Les Russes sont différents. Ils procèdent différemment, et les Iraniens fonctionnent clairement différemment, alors je ne voudrais pas proposer de procéder à une sorte d'examen général de tous les acteurs étatiques et de tenter de trouver une approche commune.
Je crois que ce que nous devrions vraiment faire, c'est de traiter avec les acteurs auxquels nous avons affaire maintenant, ce qui est, bien entendu, la RPC.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais remercier tous les témoins de leur présence et de leur participation à cette étude importante.
J'aimerais commencer par dire bonjour à M. Chiu. J'ai plusieurs questions pour vous, monsieur.
Si je comprends bien, vous n'étiez pas le seul à avoir été affecté par l'ingérence étrangère pendant les élections; vos anciens collègues Alice Wong et Bob Saroya l'ont aussi été. J'ai effectué quelques recherches. Il me semble que ces trois circonscriptions ont une population canadienne d'origine chinoise très importante.
Pouvez-vous nous dire ce que vous croyez être l'un des facteurs, ou la série de facteurs ayant contribué au nombre de Canadiens conservateurs traditionnels dans ces circonscriptions, qui, pour une raison quelconque, n'ont simplement pas voté?
J'ai cru comprendre qu'il y a une baisse importante dans le pourcentage de votes, non seulement dans votre circonscription, mais également dans celles de Mme Wong et de M. Saroya. Pouvez-vous me donner quelques informations à cet égard s'il vous plaît?
Des études ont été menées qui montrent que partout au Canada, où il existe une forte concentration de population chinoise dans les circonscriptions, le soutien que les conservateurs ont reçu en 2021 a chuté. Cette baisse est contraire à la tendance observée dans toutes les circonscriptions voisines.
Je crois que c'est l'effet de la désinformation répandue. Oui, ils ont ciblé des candidats spécifiques, comme moi, dans les circonscriptions que je représente ou dans lesquelles j'étais candidat, mais en même temps, ils ont aussi généralisé cette approche et l'ont utilisée à l'échelle du Canada dans plusieurs circonscriptions chinoises pour faire croire que le parti lui-même et ses dirigeants avaient adopté une position anti-chinoise.
Le fait est qu'ils ont mal interprété que M. O'Toole et le Parti conservateur interdiraient WeChat. Mettez-vous à leur place. Si vous comptiez sur WeChat comme seul moyen de vous connecter à votre famille et à faire des affaires au Canada et qu'un parti politique se proposait de faire cela, et en particulier un parti ayant un député qui propose de créer un registre d'acteurs étrangers qui vous placerait vous et vos descendants en péril, voteriez-vous pour eux, même s'ils correspondent très bien à vos valeurs?
Je crois que dans tout le pays, cela a affecté de nombreuses circonscriptions, même celles que nos avons remportées, mais potentiellement à une échelle plus petite.
:
Merci, monsieur le président.
En tant que candidats, nous sommes tous victimes de mésinformation et de désinformation lorsque nous sommes en période électorale. Des campagnes ont été menées contre moi pour faire croire aux gens que j'allais légaliser les drogues dures et des choses de ce genre.
Je veux revenir à M. Stanton, parce que, dans la communauté où je vis, il y a des Philippins, des Canadiens d'origine indienne, des personnes originaires de Hong Kong, des personnes originaires de la Chine continentale et une forte communauté canadienne musulmane. Il y a dans la ville une route de cinq kilomètres qui s'appelle la « route du paradis ». Il y a environ 28 institutions religieuses de toute allégeance le long de cette route. J'ai vécu toute ma vie dans cette communauté très diversifiée. C'est important pour moi.
Nous avions une liste de tous les pays dont vous parliez, y compris les États-Unis, l'Inde, la République populaire de Chine, l'Iran et la Russie. Y en a-t-il d'autres dont il faut tenir compte?
Je comprends que vous avez dit que la Chine se retrouve en tête de lice; elle surpasse tous les autres. Y a-t-il d'autres pays qui gagnent peut-être un peu de terrain?
Il est clair que le Canada, comme nous le disons depuis bon nombre d'années, est visé depuis longtemps. Tout le monde veut faire du commerce, tout le monde veut en profiter.
Y a-t-il d'autres pays qui interviennent?
:
Oui. J'aimerais ajouter quelque chose pour me faire l'écho des commentaires de M. Stanton.
D'autres pays ont été nommés, également. Par exemple, Radio-Canada à Montréal a découvert que le Rwanda avait envoyé trois agents dans la communauté pour faire de la surveillance et de l'intimidation et faire rapport de la situation.
Par exemple, l'Arabie saoudite envoie aussi des personnes pour faire ce même type d'intimidation dans la communauté. Le pays prend des mesures très vigoureuses à cet égard.
M. Stanton a également mentionné l'Inde, qui s'ingère activement dans la communauté et qui le fait depuis des décennies.
Nous pourrions continuer ainsi longtemps.
C'est le cas aussi de certains alliés. La France, par exemple, le fait depuis que la phrase « Vive le Québec libre » a été prononcée.
Nous faisons l'objet de ce genre d'ingérence depuis longtemps. Malheureusement, nous ne disposons pas des outils voulus pour mener des enquêtes efficaces. Malheureusement, même si 50 millions seront versés à la GRC... Quel effet cela aura-t-il? Est-ce qu'elle examinera simplement les plaintes?
Nous ne disposons d'aucune loi qui pourrait imposer des peines. Il ne s'agit pas seulement d'États étrangers, il s'agit aussi d'agents qui sont Canadiens, qui ont été recrutés par ces États étrangers et qui agissent en leur nom. C'est là que nous avons une très grande lacune à combler.
:
Avons-nous assez de temps?
[Traduction]
Je n'en ai pas la moindre idée. Je l'ignore. Seulement, je n'ai absolument aucun respect pour ce qui a été fait. Je pense que cela a causé énormément de tort. Je pourrais approfondir certains points que M. Wilczynski a soulevés, mais je n'ai aucun respect pour ce qui a été fait.
Selon moi, la personne à l'origine des fuites — je peux au moins dire cela —, est quelqu'un qui ne voit qu'une petite partie. C'est quelqu'un qui n'a pas accès à l'ensemble du tableau. Il ou elle ne voit pas tout le travail ni tout l'effort qui est nécessaire pour neutraliser certaines menaces. Cette personne ne voit qu'un petit morceau du casse-tête, mais elle a décidé, de sa propre initiative et, je dirais, avec une certaine arrogance, qu'elle avait la prérogative de causer des torts comme elle l'a fait pour soutenir sa cause, peu importe de quoi il s'agit.
Je pense que les médias filtrent ou embellissent un peu une partie de l'histoire, pour lui donner un certain air de noblesse. Quand la poussière sera retombée, peut-être que nous allons découvrir que ce n'était pas du tout une personnalité en vue qui a fait cela. Peut-être que c'était quelqu'un qui ne recevait pas suffisamment d'attention. Je n'ai pas vraiment de respect pour ce que cette personne ou ces personnes font. Ce n'est pas la raison pour laquelle je dis « Oh, ce n'est pas le SCRS, parce que j'ai travaillé au SCRS, et ce sont toutes des personnes merveilleuses », mais les gens qui travaillent dans ce domaine ne se fâchent pas; ils ne se mettent pas en colère. Ils vont faire des exercices de pleine conscience ou autre chose, si cela leur arrive. Ils ne vont pas décider « Oh, c'est terrible. Personne ne réagit à mon rapport », et aller voir les médias.
J'en doute fortement, parce que ce sont des professionnels. Les gens de la communauté du renseignement canadien sont des professionnels. La personne à l'origine des fuites ne participe pas nécessairement à la collecte ou à l'évaluation, mais peut-être qu'elle peut simplement voir les rapports, et qu'elle veut les utiliser dans un objectif précis. Peut-être même qu'elle manipule aussi les médias, si je puis dire, pour orienter toute l'affaire, mais je suis convaincu que ce n'est pas quelqu'un du service.
Si on veut faire des hypothèses, Ottawa est une grande ville, il y a beaucoup de documents en circulation, même si j'imagine que présentement, il n'y en a probablement pas beaucoup en circulation ou qui sont échangés. Personne ne sait la vérité, mais je pense que c'est quelqu'un qui agit dans un but précis, et je pense que cette personne veut...
Le président: Merci, monsieur Stanton.
M. Dan Stanton: Oui, bien, j'en ai assez dit.
:
Je n'ai pas d'information directement à propos de la situation à Winnipeg, mais cela s'inscrit tout de même dans une tendance qu'on observe depuis les années 1940 et 1950, et en particulier depuis la reconnaissance diplomatique de 1970. Très peu de temps après cela, des dispositions avaient été prises pour l'échange d'étudiants et de chercheurs.
Une chose qui est très évidente, c'est que les Canadiens qui sont allés en Chine étaient là pour étudier la langue et la culture, alors que les Chinois qui venaient ici se sont plutôt dirigés vers les facultés de technologie des universités et d'autres institutions, et ils le font toujours.
Bien sûr, comme nous le savons, il y a aussi que, plus récemment, les organisations affiliées à la Chine ou au Parti communiste ont financé des recherches ici, afin d'utiliser notre expertise à leurs propres fins, et souvent, les brevets issus de la recherche ici sont allés à la République populaire de Chine; on ne les a pas gardés ici.
C'est un très vaste effort qui est mené dans nos institutions de technologie, et aussi, bien sûr, il s'en est suivi un énorme afflux d'étudiants universitaires chinois de premier cycle, ce qui a généré énormément de revenus pour certaines de nos universités... Dans certaines universités, plus de la moitié des revenus découlant des frais de scolarité viennent des étudiants étrangers et, dans certains cas, la majeure partie vient de Chine.
La Chine, depuis très longtemps, déploie des efforts soutenus pour utiliser nos universités à ses propres fins.
:
Voici, La Loi sur la protection de l'information est ce qui doit être utilisé pour l'application de la loi. Concrètement, il y a des mesures législatives et réglementaires qui peuvent être utilisées.
Je sais qu'il y a beaucoup de gens qui veulent un registre. Je pense que cela a des avantages, mais je ne pense pas que c'est nécessairement à prioriser au détriment de la loi. Les gens qui vont s'inscrire au registre sont ceux qui représentent un organisme étranger, que ce soit un diplomate canadien dans un autre pays, une entreprise ou n'importe quoi d'autre, alors ils ne vont pas être mis à l'amende. Il y a des agents clandestins. Même si vous voulez établir un lien entre eux et le Département du travail du front uni, ils ne vont pas inscrire leur nom au registre. Ce n'est pas une case à cocher.
Une grande partie de l'ingérence étrangère la plus préjudiciable est clandestine. Ce que cela va vraiment permettre de faire — et même si je pense que le registre est une bonne idée —, c'est permettre au gouvernement d'exercer un certain contrôle sur les groupes de pression et modérer cela légèrement, parce que je serais forcé de m'inscrire si je représentais un autre pays.
Mais, est-ce que cela va vraiment atténuer l'ingérence étrangère venant de la RPC dans nos institutions démocratiques? À mon avis, non.
:
J'ai deux petites questions. Je sais que c'est risqué de faire cela en bloc et de poser les deux en même temps, mais j'espère pouvoir obtenir des réponses. Ce sont des questions très différentes.
Monsieur Juneau-Katsuya, tout le monde ici a reconnu que ce problème dure depuis des décennies. Quand nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons créé le CPSNR, l'OSSNR et le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignement visant les élections, le comité du protocole électoral et le mécanisme d'intervention rapide; et la liste est longue.
Selon vous, pourquoi les gouvernements précédents n'ont-ils pas créé ce genre d'outils, puisque nous reconnaissons tous qu'il s'agit d'un problème de longue date?
Je vais probablement poser la deuxième question à M. Wilczynski, encore une fois.
Vous avez parlé de l'importance de la diversité dans les organisations de sécurité. J'ai l'impression que nous traînons toujours de la patte, parce que nous n'avons aucun lien direct avec les communautés de la diaspora qui subissent de l'intimidation et des pressions.
Que pourrions-nous faire? Savez-vous s'il y a certains de vos anciens collègues qui sont toujours en poste qui cherchent à régler le problème?
:
Très rapidement, je pense que le problème tient à la culture. Mes collègues l'ont mentionné.
Les gouvernements canadiens ont négligé pendant trop longtemps de mettre sur pied une culture de sécurité, pour mettre en garde la population générale et les élus contre les tentations ou les dangers auxquels ils allaient être exposés. Si vous avez accès au pouvoir, vous êtes une cible. Si vous êtes quelqu'un qui est susceptible d'être approché et d'être utilisé, intentionnellement ou involontairement, consciemment ou inconsciemment, vous serez utilisé.
Il faut se rappeler une chose: les Chinois sont les experts à ce sujet; il y a 2 000 ans, Sun Tzu a écrit L'Art de la guerre. Tout est là-dedans, comment tirer parti de l'influence. Les Chinois savent exactement comment faire cela, et ils sont très, très efficaces. Ils se sont même améliorés, et c'est pourquoi nous devons mettre sur pied une nouvelle culture.
:
Très rapidement, je vais dire un mot sur l'équité, la diversité et l'inclusion dans la communauté nationale de la sécurité et du renseignement.
Il y a quelques jours seulement, des collègues du Service canadien du renseignement de sécurité ont publié leur plan d'équité, de diversité et d'inclusion. Avant de prendre ma retraite du Centre de la sécurité des télécommunications, c'était ma tâche principale, de travailler à la fois dans l'organisation et avec des collègues pour mettre au point une stratégie similaire.
L'objectif était de rendre les organisations plus accueillantes de la diversité, afin que les gens, dès leur arrivée, aient des expériences favorables. Non seulement nous étions capables de recruter des gens, mais nous réussissions à les maintenir en poste.
Je pense qu'une partie de la stratégie, encore une fois, doit être d'accroître la transparence, afin de mobiliser un plus grand éventail de la population canadienne, afin que les Canadiens et les Canadiennes comprennent quels sont nos rôles et nos responsabilités, qu'ils sachent qu'ils sont les bienvenus et, dès leur arrivée, qu'ils sachent qu'ils seront productifs et qu'ils contribueront à la sécurité nationale du Canada. Nous devons agir sciemment et faire preuve d'une grande ouverture pour comprendre ce que ces gens qui se joignent à la communauté de la sécurité nationale du Canada ont vécu.
:
Merci, monsieur le président.
Encore une fois, merci à tout le monde de nous faire part de votre expérience et de vos opinions aujourd'hui.
Nous avons très clairement dit que, selon nous, une enquête publique, un mécanisme ouvert et transparent, est la meilleure façon d'éliminer ce problème de la sphère politique et de donner cette ouverture à la population canadienne. Je pense qu'il y a indéniablement une place pour le genre de transparence que j'ai mentionné dans les exemples venant du Royaume-Uni, lorsque surviennent des incidents qui font que cela s'impose.
Quels seraient les avantages d'avoir une enquête publique ouverte et transparente sur l'ingérence étrangère dans nos élections?
Allez-y, monsieur Juneau-Katsuya.
:
J'aimerais remercier Mme Martinez Ferrada de m'avoir suggéré la question à poser.
Monsieur Chiu, dans un article paru le 20 mars, votre collègue et ancien candidat conservateur Mark Johnson a déclaré qu'il n'avait jamais constaté d'ingérence pendant sa campagne et que personne ne lui avait signalé quoi que ce soit depuis qu'elle est terminée. Il est convaincu que nos élections, y compris la sienne, ont été neutres, honnêtes, et exactes, et il reconnaît que son adversaire a gagné loyalement. Selon lui, le débat plus large n'a malheureusement pas le sens des proportions, et la rhétorique s'emballe, risque d'exagérer le problème et d'induire les électeurs en erreur sur la qualité de nos élections et, plus inquiétant encore, de semer la méfiance à l'égard d'un groupe ethnique.
Est-ce que vous êtes d'accord avec votre ancien collègue conservateur?
:
Je vais faire de mon mieux pour répondre à votre question. L'interprétation laissait à désirer.
Je pense que les gens sur le terrain ainsi que bon nombre de témoins peuvent confirmer qu'il y a eu un effort coordonné pour attaquer certains partis politiques et plus particulièrement des candidats à l'échelle du pays lors des élections de 2021, en utilisant la désinformation et les mensonges et des déclarations complètement fausses. Je pense que c'est la vérité. Malheureusement, le pays ne semble pas vouloir du tout participer ou intervenir.
Durant les élections, je n'ai pas eu de contact avec le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignement visant les élections. Personne du Protocole public en cas d'incident électoral majeur, du CPSNR ou de l'OSSNR n'a communiqué avec moi. Aucune de ces organisations n'a enquêté sur moi. À dire vrai, actuellement, mis à part le SCRS, à qui j'ai transmis de l'information, personne — aucun fonctionnaire canadien — ne m'a approché pour me parler de mon expérience jusqu'ici.
D'après mon expérience, le Canada est exposé à l'ingérence étrangère, et nous ne faisons rien par rapport à cela. Nous avons exprimé beaucoup de préoccupations et d'inquiétudes, mais la désinformation continue de se répandre, et pas seulement à cause d'agents à la solde d'un État, mais aussi par des agents non étatiques. Par exemple, le fait est que bon nombre des parties concernées viennent de pays étrangers, et agissent peut-être dans leur propre intérêt, et pas nécessairement au nom de gouvernements étrangers...
:
Merci, monsieur Chiu, et merci, monsieur Fergus.
Je tiens à remercier tous les témoins d'avoir été avec nous aujourd'hui. Je sais que la réunion d'aujourd'hui a été remplie d'action. Nous avions six témoins, ce qui est assez inhabituel, mais nous avions deux heures.
Le Comité va prendre une pause de deux semaines, et c'est pourquoi, en tant que président, je voulais vraiment réunir des experts qui, selon moi, allaient pouvoir nous éclairer. Vous avez tous été largement à la hauteur des attentes, aujourd'hui, avec l'information que vous nous avez donnée, et pas seulement dans vos déclarations préliminaires, mais aussi dans vos réponses aux questions.
Merci à tous les députés du Comité.
Je tiens à dire merci aux témoins au nom du Comité et au nom des Canadiennes et des Canadiens d'avoir été avec nous.
Je remercie les analystes, les greffiers et les techniciens.
La séance est levée.