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Je déclare la séance ouverte.
Soyez les bienvenus à la 74e réunion du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le jeudi 23 juin 2022. Par conséquent, les membres du Comité peuvent participer en personne ou à distance au moyen de l'application Zoom. En cas de difficulté technique, avertissez-moi immédiatement. Veuillez noter qu'il se peut que la réunion doive être suspendue quelque temps afin que l'on s'assure que tous les députés peuvent participer pleinement aux délibérations.
Conformément à l'article 108(3)h) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mercredi 7 décembre 2022, le Comité reprend son étude sur l'ingérence étrangère et les menaces entourant l'intégrité des institutions démocratiques, de la propriété intellectuelle et de l'État canadien. Conformément à notre motion de régie interne concernant les tests de connexion, je souhaite informer le Comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins qui comparaissent pendant la première heure de la réunion d'aujourd'hui, soit, à titre personnel, M. Dean Baxendale, directeur général de la China Democracy Foundation et d'Optimum Publishing International; M. Thomas Juneau, professeur agrégé de l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa; et, par vidéoconférence, M. Andrew Mitrovica, journaliste d'enquête.
Monsieur Baxendale, vous avez la parole pour cinq minutes.
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Bonjour. Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité.
[Traduction]
J'espère vous fournir aujourd'hui des renseignements supplémentaires pertinents à votre étude et à votre compréhension de l'influence étrangère dans les élections canadiennes et d'autres sphères de la société canadienne.
Aujourd'hui, je vais parler à deux titres. Premièrement, je vous parle en tant que directeur général d'Optimum Publishing, une maison d'édition ayant publié de nombreux ouvrages sur les violations des droits de la personne commises par le Parti communiste chinois, sur les activités d'espionnage menées par le ministère de la Sécurité de l'État, ou MSS, et l'Armée populaire de libération, ainsi que sur la triade du crime organisé et du blanchiment d'argent au Canada et dans d'autres pays du monde. Pendant cette période, j'en ai appris beaucoup plus que je ne l'aurais voulu sur l'ingérence étrangère dans les affaires canadiennes.
De plus, je m'adresse à vous à titre de directeur général du China Democracy Fund, une organisation dont la mission est de défendre la liberté d'expression des universitaires et des journalistes qui sont visés par les activités de désinformation et de répression menées par le Front uni au Canada et dans le monde entier. D'innombrables personnes, des Tibétains aux Ouïghours en passant par les citoyens de Hong Kong, ont été opprimées et assassinées et ont vu leur culture être effacée par le Parti communiste de Chine, ou PCC. Nous appuyons leur droit à la liberté et à la démocratie.
Je me porte également à la défense de la démocratie ici, au Canada. Le Canada est à la croisée des chemins. Allons-nous continuer à fermer délibérément les yeux devant l'infiltration de la Chine dans nos élections, nos entreprises, nos médias et nos universités? Allons-nous continuer à abandonner nos concitoyens de la diaspora chinoise aux menaces, à l'intimidation et à la manipulation, à ce que l'on appelle également la répression transnationale?
Je soutiens que nous devons choisir la deuxième option, car autrement nous risquons de devenir un État captif, de perdre notre souveraineté et notre capacité de prendre des décisions dans l'intérêt de nos citoyens.
Je vais vous parler aujourd'hui de l'une des plus grandes menaces et tactiques utilisées par le PCC. C'est ce que l'on appelle l'emprise sur les élites. Il s'agit d'amener des leaders et des personnalités publiques à percevoir les actions et les objectifs du PCC de manière positive et à adopter des positions favorables à la République populaire de Chine dans leurs sphères d'influence. Certaines de ces personnes peuvent être soudoyées ou être victimes de chantage, mais dans la plupart des cas, elles sont simplement courtisées ou soutenues dans leur carrière par des membres du PCC ou des agents travaillant pour le Front uni, ou elles se lient d'amitié avec eux. Elles deviennent alors, sciemment ou non, des agents du PCC.
Trois catégories de personnes sont ciblées par l'emprise sur les élites: celles qui sont déjà amies, celles qui sont neutres et pourraient avoir une prédisposition positive envers la République populaire de Chine, et celles qui sont ennemies de l'État. Je pense notamment à des personnes comme et à l'opération de suppression menée contre les conservateurs lors des dernières élections.
L'ancien ministre et ambassadeur en Chine, John McCallum, est devenu une figure emblématique du régime — un politicien de rêve qui a été recruté avec succès par le PCC. Comme beaucoup d'autres, il a été séduit par le traitement de faveur dont il a fait l'objet, et il a fini par croire qu'il était un émissaire idéal et que lui seul pouvait expliquer les buts et les objectifs du régime dans les cercles diplomatiques ici au Canada. Il en est question dans Hidden Hand, un livre publié par Optimum.
Si on se replonge dans les années 1980, on peut facilement comprendre comment les élites occidentales ont été dupées. Plus de deux décennies auparavant, le président des États-Unis, Richard Nixon, s'était rendu en Chine dans le cadre d'un effort visant à créer des liens et à en faire un pays allié. L'Occident avait alors un ennemi plus important, l'ancienne Union soviétique. La Chine était alors perçue comme une occasion économique et géopolitique. Les dirigeants occidentaux n'ont pas vu, ou ont délibérément ignoré, le fait que la Chine avait ses propres objectifs qu'elle a poursuivis non pas en utilisant sa puissance militaire, mais par la propagande, l'économie et la puissance douce.
Carolyn Bartholomew, présidente de la puissante U.S.-China Economic and Security à Washington, a déclaré que la Chine avait fait miroiter une situation gagnant-gagnant et que de nombreux chefs d'entreprise et universitaires croyaient que la Chine réformerait son attitude envers les minorités religieuses et ethniques, libéraliserait son pays et accepterait la démocratie. C'était la théorie universitaire dominante. Ils croyaient — de façon apparemment naïve — que le PCC allait se réformer et se rallier aux idéaux d'une démocratie progressiste. C'est ce qu'elle a dit publiquement lors d'une table ronde sur les droits de la personne organisée par l'Institut Macdonald-Laurier, Optimum et la China Democracy Foundation en 2021.
Si les élites étaient aveugles, les services de renseignement ne l'étaient pas. Le SCRS avait identifié les menaces dès le début des années 1990, mais les Américains ont lancé leurs propres enquêtes opérationnelles, y compris l'opération Dragon Lord, une opération centrée non seulement sur les États-Unis, mais aussi sur le Canada et l'Australie. L'opération Dragon Lord fut une enquête à multiples volets menée par les services de renseignement des États-Unis à la fin des années 1990. Ces enquêtes ont été menées en partie en réponse au travail effectué par la GRC et le SCRS ici au Canada.
Garry Clement, Brian McAdam et Michel Juneau-Katsuya, ainsi que de nombreux autres agents du renseignement, ont enquêté et rédigé plusieurs rapports sur les liens existant entre le crime organisé, les magnats de l'économie chinoise et les activités de l'Armée populaire de libération et du MSS au Canada. Des auteurs d'Optimum, Ina Mitchell et Scott McGregor, ont obtenu un sommaire d'un ancien avocat des gouvernements fédéral et provincial. Les États-Unis étaient préoccupés par la sécurité nationale et la menace provenant directement du Canada. Beaucoup plus tard, des organismes canadiens ont constaté ces liens et établi que Vancouver était devenue le siège nord-américain des opérations d'infiltration du Parti communiste chinois.
Dans le cadre de mon témoignage d'aujourd'hui, j'ai présenté la première page du rapport de l'opération Dragon Lord. Vous y trouverez les numéros de dossier du FBI et de la NSA. Ces organisations ont enquêté sur les relations entre les chefs d'entreprise canadiens Paul Desmarais et Peter Munk, l'ancien premier ministre Jean Chrétien, le Conseil commercial Canada-Chine, la China International Trust and Investment Corporation, le caïd de l'héroïne connu Lo Hsing Han et le marchand d'armes Robert Kuok.
C'est la troisième fois en un mois que je comparais devant un comité de la Chambre pour parler de l'ingérence étrangère. À chaque fois, je me suis concentré non pas sur la menace, mais sur les solutions possibles.
Lors de ma première comparution devant le Comité de la procédure, en mai, j'ai parlé de manière générale de la façon dont la transparence en matière de sécurité nationale est — ou devrait être — un élément essentiel de notre arsenal pour lutter contre l'ingérence étrangère.
La deuxième fois que j'ai comparu devant le Comité de la procédure, plus tôt cette semaine, j'ai proposé d'apporter des changements à l'architecture et à la gouvernance de la sécurité nationale au Canada afin d'essayer de corriger les problèmes structurels de l'interface entre le renseignement et la politique, notamment en créant un comité national de sécurité du Cabinet, en renforçant le rôle du conseiller à la sécurité nationale et au renseignement et en adoptant des mesures précises pour améliorer la connaissance de la politique au sein de la communauté du renseignement et la connaissance du renseignement au sein des univers des politiques et de la politique. J'ai également recommandé que le gouvernement mène un examen public exhaustif de sa politique en matière de sécurité nationale.
Étant donné la nature de l'important travail effectué par votre comité, j'aimerais approfondir un peu, dans mes brèves observations, quelques enjeux de transparence liés à la sécurité nationale. Certains de mes travaux de recherche ont porté sur ce sujet. De plus, j'ai coprésidé de 2019 à 2022 le groupe consultatif sur la transparence de la sécurité nationale, un organisme indépendant qui conseille le sous-ministre de la Sécurité publique et la communauté du renseignement en général sur la façon d'améliorer la transparence. Nous avons produit trois rapports pendant mon mandat, et je crois que ces rapports peuvent être pertinents à certains de vos travaux.
J'aimerais commencer, comme il y a trois semaines au Comité de la procédure, en soulignant que la transparence est — ou pourrait être, si elle était mieux utilisée — un catalyseur crucial de la sécurité nationale et l'un de nos principaux atouts dans la lutte contre l'ingérence étrangère. Permettez-moi de me concentrer rapidement sur trois domaines dans lesquels je crois que nous pourrions très précisément faire beaucoup mieux.
Premièrement, compte tenu de la nature du travail du Comité, le système d'accès à l'information du Canada est inefficace et dysfonctionnel, et il n'atteint pas ses objectifs. Cela a plusieurs répercussions négatives en général, mais aussi sur le plan de la sécurité nationale. Elle empêche la tenue d'un débat public plus éclairé qui serait pourtant essentiel pour sensibiliser les Canadiens, y compris les parlementaires, à la sécurité nationale. Nous parlons d'un élément crucial de la résilience sociale qui constitue notre première ligne de défense contre l'ingérence étrangère et d'autres menaces. Ce mauvais fonctionnement du système d'accès à l'information est un symptôme. Cela montre que le gouvernement, aux niveaux politique et bureaucratique, n'accorde pas suffisamment d'importance aux enjeux liés à la transparence.
Deuxièmement, le Canada fait très mauvaise figure au chapitre de la déclassification. Je parle de la déclassification des dossiers historiques, dont bon nombre restent sous clé pendant des décennies sans raison valable. De façon plus générale, comme nous en avons discuté au Comité de la procédure et ailleurs, nous souffrons d'une épidémie de surclassification. Cette surclassification est un obstacle important à la sensibilisation des Canadiens, y compris des parlementaires, et d'un obstacle à la tenue d'un débat public mieux informé qui permettrait de mieux comprendre la nature des menaces auxquelles nous faisons face et la façon de les atténuer. Il s'agit aussi, à un niveau plus opérationnel, d'un important problème au sein du gouvernement. Il entrave et ralentit la circulation de renseignements cruciaux. Encore une fois, nous agissons contre nos intérêts parce que nous sommes incapables de faire des réformes.
Troisièmement, et pour terminer, il faut repenser sérieusement la façon dont le gouvernement communique avec les Canadiens par l'entremise de son réseau d'affaires publiques. La culture de la transparence n'est pas suffisamment présente dans la façon de procéder. L'accent est trop souvent mis sur l'atténuation du risque. La plupart du temps, cela produit des notes d'allocution qui n'ont aucun intérêt et qui respectent peu les heures de tombée des médias. Encore une fois, c'est une occasion ratée de mieux informer les Canadiens. Cela peut même être contre-productif en alimentant le cynisme. Il s'agit d'un problème général, mais aussi d'un problème sur le plan de la sécurité nationale.
Le gouvernement communique beaucoup directement avec les Canadiens par l'entremise des médias sociaux par exemple, mais très souvent, il communique aussi avec les Canadiens par les médias, qui jouent alors le rôle d'une courroie de transmission. En ne fournissant pas aux médias le plus d'information possible — de l'information de qualité et non de l'information générique — en temps opportun, nous ratons encore une fois une occasion de rehausser le niveau de littératie en matière de sécurité nationale. De plus, dans le cadre de nos efforts pour lutter contre l'ingérence étrangère, nous devrions travailler beaucoup plus et beaucoup mieux avec les médias locaux et ethniques — et non seulement avec les médias nationaux — afin de sensibiliser les groupes vulnérables qui sont ciblés par l'ingérence étrangère.
Nous nous montrons beaucoup trop timides dans ce domaine. Nous devrions, par exemple, lutter contre la désinformation en inondant l'univers des opinions de transparence. C'est notre principal atout face aux autocraties, y compris la Chine. Pensez à la façon dont le Royaume-Uni a habilement utilisé la divulgation stratégique de renseignements pendant la période précédant l'invasion de l'Ukraine par la Russie. C'est un outil que nous négligeons énormément.
Je vais conclure en mentionnant deux points. La transparence est difficile. Elle exige du temps, des ressources humaines, de l'argent et des efforts, mais en l'envisageant de façon pragmatique plutôt qu'abstraite et morale, elle constitue un investissement qui rapportera à long terme, même si à court terme, c'est un fardeau. Deuxièmement, le changement doit venir d'en haut. En l'absence de protection et d'appui politique, la bureaucratie est fondamentalement limitée dans ce qu'elle peut faire.
[Français]
Merci beaucoup.
Bonjour.
Je n'ai pas accepté de comparaître ici ou devant d'autres comités pour représenter qui que ce soit dans ce qui est devenu une obsession partisane déchaînée pour ou contre la tenue d'une enquête publique. Je suis ici pour sonner l'alarme et dire des choses qui pourraient vous aider, et aider les Canadiens, à s'y retrouver dans les reportages sur l'ingérence chinoise, un sujet sur lequel j'ai beaucoup écrit en tant que journaliste d'enquête. Je le fais également dans l'espoir que certains d'entre vous entendront mon message et feront quelque chose à ce sujet.
Je suis journaliste et écrivain depuis près de 40 ans. Pendant la majeure partie de ma carrière, j'ai été journaliste d'enquête aux réseaux CTV et CBC, à The Globe and Mail et au magazine The Walrus. J'ai beaucoup écrit sur les services de renseignement. Ce travail a abouti à un livre intitulé Covert Entry: Spies, Lies and Crimes Inside Canada's Secret Service. Il s'agit de l'un des deux seuls livres d'importance écrits au sujet du SCRS. Mon livre dénonce le SCRS pour sa paresse systémique, son népotisme, sa corruption, son racisme, ses mensonges et ses infractions à la loi dont vous et d'autres Canadiens n'avez pas beaucoup entendu parler dernièrement.
Je connais bien les campagnes d'influence secrètes menées par la Chine. À la fin des années 1990 et au début des années 2000, j'ai écrit une série d'articles sur les efforts d'influence de la Chine dans la société canadienne qui ont fait la une du Globe and Mail. Cela ne date pas d'hier. Ce travail journalistique a mené à la rédaction d'un article concernant une enquête conjointe de la GRC et du SCRS, appelée le « projet Sidewinder ».
Le projet Sidewinder était intrigant pour plusieurs raisons. Sa principale conclusion, à savoir que la République populaire de Chine travaillait avec des triades pour infiltrer presque tous les aspects de la vie canadienne, était si controversée que le directeur du SCRS de l'époque, Ward Elcock, l'a publiquement rejetée en la qualifiant, en fait, de foutaise. Un haut fonctionnaire du SCRS a ensuite exigé que toutes les copies du rapport soient détruites. Un exemplaire du rapport a survécu et est parvenu jusqu'à moi et, par la suite, a fait la première page du Globe.
C'est ici que mon rapport et la plupart des rapports récents sur l'ingérence chinoise diffèrent. Le projet Sidewinder contenait les noms d'un grand nombre d'entreprises, d'organisations et de personnalités connues que la GRC et le SCRS croyaient avoir été compromises par la République populaire de Chine. À l'époque, mes éditeurs et moi avions convenu qu'il serait irresponsable de publier leur identité en s'appuyant uniquement sur un rapport de 23 pages, même s'il portait la mention « très secret ».
Voici l'autre raison pour laquelle j'ai accepté de témoigner. Une sorte de chasse aux sorcières hystérique est entretenue par des journalistes assoiffés de primeurs et par ce qui est probablement une poignée de membres de la vaste infrastructure du renseignement de sécurité du Canada, qui n'a guère de comptes à rendre. C'est dangereux, et la réputation et les moyens de subsistance de certaines personnes ont été compromis. Des Canadiens d'origine chinoise, y compris l'un de vos collègues, sont accusés d'être déloyaux à l'égard de l'unifolié.
Le rapporteur spécial a conclu que l'allégation flagrante faite par Global TV au sujet de M. Han Dong était catégoriquement fausse, mais M. Dong n'est malheureusement pas le seul. Des agents du SCRS ont même accusé des policiers chevronnés, qui ont risqué leur vie pour protéger les collectivités et le pays qu'ils ont servi honorablement pendant des décennies, d'être compromis par la RPC. C'est honteux, et votre comité et tous les autres qui se penchent sur cette question ont le devoir, par décence et par souci d'équité, de demander enfin des comptes aux agents du SCRS qui dénigrent la réputation de Canadiens en évoquant leurs liens fictifs avec la Chine.
J'ai fourni à votre comité une copie d'une chronique de 1 800 mots que j'ai publiée récemment et qui décrit l'horreur que deux courageux policiers, de fiers Canadiens, ont dû endurer aux mains ineptes du SCRS au cours des trois dernières années. Je vous invite instamment à en faire la lecture. Vous pourrez ainsi comprendre les graves préjudices qui ont été causés par le SCRS à Paul McNamara, un ancien agent d'infiltration de la police de Vancouver, et à Peter Merrifield, un agent de la GRC en service, et à leurs familles. Cela empeste la culpabilité par association qui fait en sorte que les innocents paraissent coupables.
Ce qui est arrivé à Paul McNamara et à Peter Merrifield est la preuve que, premièrement, comme un juge de la Cour fédérale l'a statué en 2020, le SCRS a « fait peu de cas de l'obligation de franchise et — malheureusement — de la primauté du droit ou, tout au moins, [a] adopté à leur égard une attitude cavalière ». Autrement dit, le SCRS ment et enfreint la loi. Deuxièmement, l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement a publié en février dernier un rapport selon lequel le SCRS ne se soucie aucunement des préjudices qu'il cause couramment aux Canadiens qu'il cible et à leurs familles.
C'est pourquoi j'exhorte le Comité et tous les autres comités qui se penchent sur cette question à inviter M. McNamara et M. Merrifield à témoigner afin qu'ils vous racontent directement les lourdes conséquences humaines qui se produisent lorsque le SCRS se trompe à ce point. Si vous ne voulez pas m'écouter, écoutez ces deux policiers lésés qui méritent d'être entendus.
Merci.
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Je n'ai pas jeté le discrédit sur son rapport, c'est son rapport qui s'est discrédité lui-même.
Je suis également étonné d'entendre un membre du panel et un député conservateur insinuer que l'ancien gouverneur général a été en quelque sorte compromis par la République populaire de Chine. C'est le genre d'hystérie à laquelle j'ai fait allusion dans ma déclaration et qui est si dangereuse pour la réputation de citoyens canadiens loyaux qui ont travaillé au service de leur collectivité et de leur pays. C'est une honte. J'espère que les députés raisonnables de ce comité n'accepteront pas, mais au contraire rejetteront catégoriquement ce genre d'allégations visqueuses à l'encontre des citoyens canadiens loyaux.
J'ai écrit à ce sujet et mis en garde les membres, non seulement de ce comité, mais aussi d'autres comités et les Canadiens en général, pour qu'ils rejettent catégoriquement ce genre d'insinuations, qui ont débuté en 2010 avec Richard Fadden et le discours qu'il a prononcé à l'époque, qui a été discrédité, quelque peu ironiquement, par le Globe and Mail, qui a qualifié ses remarques d'insensées et d'imprudentes, ce qui l’a contraint à revenir sur ses propos par la suite.
Je suis tout simplement étonné qu'un député conservateur puisse déduire que l'ancien gouverneur général du Canada est d'une manière ou d'une autre compromis par la RPC. C'est d’une laideur absolue. Cela se situe au niveau des caniveaux.
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C'est un point absolument essentiel que j'ai soulevé devant d'autres comités. J'espère que ce comité en tiendra compte également.
Les officiers du renseignement recueillent des renseignements. Ces renseignements peuvent être embellis ou censurés. Souvent — et c'est ce que M. Johnston a constaté dans son rapport — ils ne sont pas corroborés et peuvent être déformés pour créer un récit qui conduit au type de déclaration faite par les autres membres du panel, à savoir que l'influence de la Chine constitue une menace existentielle pour la démocratie canadienne. C'est le genre d'hyperbole que les personnes raisonnables et sérieuses doivent rejeter.
Permettez-moi d’illustrer ce que je dis par un exemple. Cela pourrait intéresser les députés conservateurs, qui ne m'ont pas posé une seule question sur ces thèmes au cours de mes trois comparutions devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre et ce comité.
Pendant son mandat de premier ministre, M. Stephen Harper s'est rendu en Chine à trois reprises. Il a négocié l'APIE, soit le plus grand accord commercial bilatéral depuis l'ALENA, qui était un accord commercial trilatéral. Il a également négocié un programme d'échange de renseignements des douanes avec la Chine. Si j'étais agent du SCRS adepte du complotisme ou rédacteur pour les autres membres du panel, je pourrais relier ces points ensemble et créer un récit selon lequel M. Harper a été compromis par la RPC d'une manière ou d'une autre. Bien entendu, il s'agit là d'une allégation scandaleuse. Même si je ne suis pas d'accord avec M. Harper et que j'ai écrit des articles critiques à son sujet, j'ai du respect pour l'engagement qu'il a pris à l'égard de ce pays.
Voilà comment des renseignements peuvent être déformés pour créer un récit. Il ne s'agit pas d’éléments de preuve. Ils n’ont pas été vérifiés. C'est le problème des médias. Ils prennent des bribes de renseignements qui leur ont été divulgués hors contexte. M. Johnston énonce, je crois, un point de vue raisonnable. Contrairement aux autres intervenants, c'est un homme sérieux qui aborde le sujet avec sérieux. Il fait observer que ces rapports médiatiques reposent sur des renseignements douteux et que ces renseignements sont pris hors contexte.
Permettez-moi de revenir à...
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Je remercie tous les témoins d'être ici ce matin.
Monsieur Baxendale, vous avez dit à de nombreuses reprises que, depuis une trentaine d'années déjà, les chefs d'État avaient été compromises, teintées ou, du moins, influencées par certains pays.
Nous parlons de la Chine, ce matin, et nous nous rappelons justement le plan de coopération militaire de 2013 entre le Canada et la Chine et la réciprocité commerciale en 2014. Or vous avez déjà fait référence à ce qu'on appelle les protocoles d'entente entre le Canada et la Chine.
Pourriez-vous nous en parler?
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C'est une bonne question. Je crois qu'un certain nombre d'étapes... Je vais avoir l'air de ressasser toujours la même rengaine, mais le gouvernement devrait faire preuve de plus de transparence au niveau politique, mais aussi au niveau bureaucratique, afin d'avoir de meilleures communications avec les Canadiens sur la nature de la menace et sur ce qui se fait pour l'atténuer.
Lorsque les renseignements proviennent de l'échelon politique, il y a bien sûr toujours un problème de confiance; ils seront perçus — souvent à juste titre — par de nombreux Canadiens comme étant politisés. Cela fait partie du défi. C'est pourquoi certains renseignements doivent provenir de la bureaucratie, mais dans ce cas, le problème est qu'ils peuvent être perçus par certains comme une ingérence, faute d'un meilleur terme, des services de sécurité dans une campagne électorale, ce qui n'est pas non plus l'idéal.
Cela étant dit, je crois que le débat sur ces questions est actuellement très polarisé par les dissensions que nous constatons aujourd'hui. D'un côté, certaines personnes font des déclarations exagérées sur le fait que la survie de la démocratie canadienne est en jeu, ce qui n'est pas le cas, à mon avis. Par ailleurs, d'autres affirment que la menace d'ingérence étrangère est écartée, ce qui, je crois, est une sous-estimation de la menace.
Les représentants du gouvernement doivent faire preuve de beaucoup plus de transparence et fournir un point de vue équilibré, en disant qu'effectivement, il y a un problème, et que c'est un vrai problème, mais en étant aussi précis et équilibrés que possible.
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Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à tous les témoins.
Plusieurs témoins, dont ceux qui sont présents ce matin, admettent qu'il y a de l'ingérence politique depuis au moins une trentaine d'années. Dans l'histoire qui nous intéresse, l'ingérence a eu lieu pendant une période électorale, alors que le Parlement était dans une situation de faiblesse. Quand les brefs sont délivrés, les députés se retrouvent avec moins de services. Ils redeviennent des candidats, alors ils ne peuvent pratiquement plus rien faire. Les ministres ont aussi des responsabilités et des pouvoirs limités.
Le Canada était donc en situation de faiblesse pendant 35, 40 ou 45 jours. Malheureusement, je pense que les acteurs étrangers qui mènent des activités d'ingérence étaient bien au fait de cette situation et en ont profité largement. La Loi électorale du Canada existe pour protéger les Canadiens contre des activités irrégulières menées par des Canadiens sur le plan électoral, mais pas nécessairement contre des activités irrégulières de la part d'acteurs étrangers visant le Canada.
En plus de toutes les faiblesses existantes, il n'y a pas nécessairement de mécanisme permettant à Élections Canada de stopper une élection, même s'il apprend qu'il y a de l'ingérence politique, que ce soit de façon générale ou de façon partielle, dans des circonscriptions où on aurait la preuve que de telles activités ont lieu. Souvent, dans un court laps de temps, il est impossible de prouver qu'il y a ingérence. Cela prend des enquêtes de longue haleine. Durant une courte période de 35 à 40 jours, même si certaines personnes ont l'impression qu'il y a de l'ingérence, elles sont incapables de le prouver. Élections Canada doit donc laisser le processus continuer.
Selon vous, quels mécanismes pourrions-nous mettre en place pour assurer des élections justes et impartiales lorsque nous sommes presque certains qu'il y a de l'ingérence étrangère?
Vous pouvez répondre le premier, monsieur Juneau.
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Je vous remercie de soulever cette très importante question devant le Comité.
La première chose à dire à ce sujet, c'est que je fais confiance aux rapports de MM. Judd et Rosenberg concernant le travail qui a été fait au cours des dernières élections. Il n'y a pas lieu de penser, malgré la menace qui était réelle, que l'intégrité globale des élections était en jeu. Il faut quand même garder cela en tête.
Qu'est-ce qui peut être fait quand même pour faire face aux problèmes réels qui surviennent en cours de campagne électorale, lorsque cela devient très épineux pour les politiciens d'intervenir? Comme j'en parlais avec M. Green en répondant à sa dernière question, on ne veut pas que les politiciens aient à se prononcer publiquement sur de telles situations pendant une campagne électorale, parce que cela serait évidemment perçu comme étant partisan, probablement avec raison, d'ailleurs. C'est une situation très inconfortable. En même temps, la fonction publique est aussi très mal à l'aise de devoir intervenir publiquement pendant une campagne électorale, mais je pense que cela doit quand même être le remède.
Là où on a un peu de travail à faire, c'est sur la question du seuil. Quel seuil l'ingérence doit-elle atteindre pour que le comité de sous-ministres, le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité et quelques autres doivent intervenir publiquement? Ce seuil est peut-être un peu trop haut. On doit l'abaisser, mais pas trop, sinon, il y aura trop d'interventions publiques de la part de ce comité.
Pour répéter un peu ce que je disais plus tôt, il faut que la population comprenne mieux comment le système fonctionne et pourquoi on fait les choses de certaines façons. Cela peut seulement se faire en communiquant activement avec le public, et cela doit inclure les députés eux-mêmes. Ils ne sont pas assez bien informés, en ce moment. Ils ne reçoivent pas assez d'information des services de sécurité pour qu'ils puissent aussi agir comme des porte-paroles. Ils doivent donc être mieux informés.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de s'être joints à nous aujourd'hui pour cette étude très importante.
Monsieur Juneau, lorsque vous avez comparu devant le Comité de la procédure, vous avez mentionné des défis en matière de recrutement et de maintien en poste pour les agences de sécurité du Canada. Je crois que vous l'avez mentionné vers la fin, en réponse à l'une des questions de mon collègue. D'autres témoins nous ont également dit que le SCRS ne parvenait pas à recruter des personnes issues de diverses diasporas au Canada.
Quelles sont, selon vous, les causes profondes de ces difficultés? Y a‑t‑il un facteur culturel dont nous devons tenir compte? Nous avons entendu parler de racisme et d'autres choses du même genre, que vous avez également mentionnées.
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Merci de votre question.
À titre de préambule, si cela vous intéresse, je vous recommande deux sources particulièrement intéressantes qui traitent en profondeur de ces questions. Le rapport annuel du CPSNR — je crois qu'il s'agit du rapport de 2019, mais ce n'est peut-être pas cette année‑là — comporte un chapitre complet sur la diversité dans le milieu du renseignement. Il est très bien conçu. C'est l'un des meilleurs ouvrages que j'ai lus sur la question, quelle qu'en soit la source — universitaire, gouvernementale ou autre. La deuxième source est le groupe consultatif sur la transparence de la sécurité nationale, que j'ai coprésidé. Je l'ai mentionné dans mes remarques. Notre troisième rapport annuel, publié il y a environ un an, s'est concentré sur l'engagement du milieu du renseignement auprès des collectivités minoritaires au Canada, afin d'aborder en détail la question que vous avez soulevée.
Je tiens à souligner que les débats sur la diversité dans le milieu du renseignement et de la sécurité nationale sont devenus très politisés, comme beaucoup d'autres débats, et sont souvent perçus comme tels. Je comprends pourquoi c'est le cas, mais la diversité dans le milieu du renseignement, et au reste dans les forces armées, doit être considérée en termes opérationnels et pragmatiques, c'est‑à‑dire qu'il s'agit d'une nécessité opérationnelle. Lorsque ces services ne sont pas diversifiés, ils se tirent une balle dans le pied. Ils excluent du recrutement de vastes secteurs de la population. Ils ne sont pas en mesure de remplir certaines fonctions, qu'il s'agisse des relations civilo-militaires du côté militaire, de l'obtention de renseignements et du recrutement de sources humaines dans certaines collectivités du côté des services de renseignement, etc. La diversité de ces organisations est essentielle à leur mission.
Je crois que le SCRS, la GRC et l'ASFC font un bien meilleur travail aujourd'hui qu'il y a 10 ou 20 ans, lorsque la situation était atroce, mais il y a encore beaucoup de progrès à faire. Ces progrès sont inégaux. Le CST est en avance, je crois, sur plusieurs autres. La GRC et l'ASFC ont plus de retard à rattraper.
Comment améliorer la situation? Il faut mobiliser, mobiliser, mobiliser: il faut se rendre sur le terrain avec des unités d'engagement efficaces, capables d'entrer en contact avec les collectivités sino-canadiennes, irano-canadiennes, indo-canadiennes et canado-saoudiennes, afin d'instaurer un climat de confiance et d'ouvrir des voies de communication. Il ne s'agit pas seulement d'obtenir des renseignements sur les menaces et de transmettre des renseignements sur la manière d'atténuer ces menaces, mais aussi, en établissant cette confiance et en construisant cette marque, pour pouvoir mieux recruter.
Tous ces éléments sont liés.
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Je vous remercie beaucoup de votre question. C'est l'un des sujets qui m'intéressent le plus.
Un des grands problèmes que nous avons au Canada a trait au fait que la littératie collective en sécurité nationale est faible. En un sens, c'est bien. Si on y pense, c'est le résultat de notre position géographique très sécuritaire, qui est un luxe. Cependant, le Canada fait de plus en plus face à des menaces, qui vont de l'ingérence chinoise ou d'autres pays à la cybersécurité et l'espionnage économique. Nous avons du rattrapage à faire pour contrer ces menaces. Cette faible littératie agit comme un frein et rend les débats publics plus difficiles. Par conséquent, il n'y a pas assez de pression politique pour qu'on passe à l'action.
On pourrait faire beaucoup de choses pour améliorer la situation. Premièrement, il faudrait qu'il y ait beaucoup plus de transparence, ce qui revient à tout ce que j'ai dit jusqu'ici. Il faudrait aussi que le Canada communique mieux avec les médias. Je veux vraiment insister sur ce point. Sur les plans politique et bureaucratique, le gouvernement doit communiquer de l'information de qualité, pas seulement en quantité, aux médias locaux et nationaux, ce qu'il fait très mal.
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Nous reprenons nos travaux en accueillant notre deuxième groupe.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins pour la deuxième heure. À titre personnel, nous accueillons Mme Dyane Adam, ancienne vice-présidente du conseil d'administration de la Fondation Pierre-Elliott-Trudeau, Mme Ginger Gibson, directrice de Firelight Group, et Mme Madeleine Redfern.
Je vois que Mme Gibson est sur Zoom.
Madame Adam, vous avez la parole pour une déclaration liminaire de cinq minutes. Allez‑y, je vous en prie.
Revenir témoigner devant un comité parlementaire me rappelle de très bons moments que j'ai vécus sur la Colline du Parlement, non pas comme députée, comme vous, mais en tant qu'agente du Parlement, notamment comme commissaire aux langues officielles, un poste que j'ai occupé de 1999 à 2006.
Ce matin, je vais consacrer les quelques minutes que vous m'allouez à la présentation d'un bref historique de mon parcours au sein de la Fondation Pierre‑Elliott Trudeau. J'entretiens des liens avec la Fondation depuis 2008, soit le moment où j'ai été nommée mentore auprès de deux doctorants, qui sont aujourd'hui professeurs titulaires dans des universités québécoises.
Par la suite, j'ai poursuivi mon implication au sein de la société des anciens et des anciennes de la Fondation. J'ai occupé le poste de vice-présidente de cette société jusqu'en 2015. La Fondation Pierre‑Elliott‑Trudeau m'a ensuite demandé de participer au comité de sélection de la présidence et direction générale, en 2018. Ce comité était alors présidé par le président du conseil d'administration, qui était à l'époque John McCall MacBain. Mme Pascale Fournier, que vous avez déjà rencontrée, je crois, est la candidate que le comité a retenue.
J'ai eu le privilège, par la suite, de participer au comité consultatif chargé de la révision du plan stratégique, qui était dirigé par Mme Fournier. Le résultat de cet exercice, qui a été colossal, je dois le dire, s'est étendu à l'échelle du pays. Il a véritablement recentré les programmes et les opérations de la Fondation sur une voie complètement nouvelle, axée sur le leadership engagé, l'inclusion et la diversité.
En mai 2020, le président du conseil d'administration de l'époque, M. Patrick Pichette, m'a invitée à me joindre au conseil d'administration. J'ai été nommée vice-présidente du conseil d'administration en mars 2021 ainsi que membre du comité exécutif de la Fondation. Pendant cette période, j'ai également participé au comité consultatif stratégique responsable du choix des cycles scientifiques, soit, pour la cohorte de 2021, du cycle « Langue, culture et identité », pour la cohorte de 2022, du cycle « Économies mondiales » et, plus récemment, pour la cohorte de 2023, du cycle « Le Canada dans le monde: l'avenir de la politique étrangère ».
J'ai également été nommée au comité de gouvernance responsable des politiques et de la saine gouvernance. J'ai aussi fait partie du comité de sélection des mentors et des fellows pour les années 2022 et 2023.
C'était là un aperçu de mon engagement auprès de la Fondation Pierre‑Elliott‑Trudeau au cours des 15 dernières années.
En terminant, je tiens à souligner que j'adhère pleinement à la mission et aux valeurs de cette fondation, particulièrement depuis la transformation des programmes et des politiques de gestion développés sous le leadership remarquable de Mme Pascale Fournier.
Je suis désolée qu'une crise de gouvernance ait provoqué son départ précipité et celui de la directrice des finances, ainsi que ma propre démission du conseil d'administration et celle de sept autres collègues et membres du conseil. Je demeure toutefois membre de la Fondation Pierre‑Elliott‑Trudeau en raison de mon statut d'ancienne mentore.
Je vous remercie de votre attention. Je suis disposée à répondre, au meilleur de mes connaissances, à toutes vos questions sur le sujet qu'étudie présentement votre comité.
Je vous parviens ce matin du territoire du Traité no 6.
Je suis Ginger Gibson. Comme ma collègue vient de le faire, j'aimerais vous donner un aperçu de qui je suis.
J'ai eu la chance d'être boursière en 2003. La fondation Trudeau m'a sélectionnée pour mener à bien mes recherches de doctorat. Je les ai terminées et quelques années plus tard, je suis devenue administratrice. On m'a demandé de devenir administratrice et membre du conseil d'administration. J'ai siégé à la fondation Trudeau comme membre du conseil d'administration et administratrice pendant trois ans.
Je vous prie de m'excuser de ne pas comparaître en personne. J'ai perdu un membre de ma famille cette semaine. Compte tenu de mes engagements et de cette perte, il m'était impossible de voyager. Loin de moi l'intention de vous manquer de respect. Je suis très reconnaissante d'avoir été convoquée et je suis impatiente de répondre à vos questions.
J'ai la plus haute estime pour la fondation Trudeau. J'ai fait partie de deux comités de sélection d'étudiants au cours des deux dernières années. En 2021 et 2022, j'ai fait partie du comité qui a sélectionné les boursiers qui allaient étudier et recevoir des bourses pour ces années‑là.
Pendant mon passage à la fondation, pendant toutes les années que j'y étais, de 2020 à 2023, j'ai côtoyé d'autres administrateurs et j'ai observé le travail de Mme Fournier, que vous avez rencontrée. Je lui voue le plus grand respect. Son travail était...
J'ai fait partie de ces deux comités et j'ai sélectionné des boursiers de tout le Canada et d'ailleurs. La fondation est tout à fait remarquable. Elle fait un travail extraordinaire.
Je tiens à souligner le leadership de Mme Fournier, qui a dirigé la fondation comme présidente et a mis en place un cycle scientifique unique en son genre. Il nous a permis d'attirer et de célébrer des doctorants de tout le Canada et du monde entier qui vont servir ce pays. Tous ceux qui ont été sélectionnés dans ma cohorte sont aujourd'hui des chefs de file dans tout le pays, et j'attends la même chose des chercheurs qui sont sélectionnés aujourd'hui.
Je n'ai constaté aucun problème de gouvernance ou de leadership pendant le mandat de Mme Fournier. Je pense qu'on a tenté de donner l'impression qu'elle dirigeait mal. Ce n'est pas le cas d'après mon expérience. J'ai quitté la fondation en même temps que Dyane Adam et les sept autres collègues concernés. J'ai également participé à la tentative de présenter une motion visant à obliger les administrateurs à déclarer leurs conflits d'intérêts. Lorsque j'ai constaté qu'il n'y avait pas de solution et qu'il y avait des jeux de pouvoir et de la confusion au sein de la gouvernance, j'ai démissionné.
Cela conclut ma déclaration.
Je vous remercie de votre attention. Je suis impatiente de répondre à vos questions.
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Bonjour. Je m'appelle Madeleine Redfern. Je suis une Inuk de la région du Sud-de-Baffin, au Nunavut.
Mon travail, passé et présent, est très varié et touche au monde des affaires, du droit, de la politique et des organismes non gouvernementaux à l'échelle nationale, régionale et locale. Cela comprend notamment le conseil d'administration d'Indspire, l'Alliance canadienne pour mettre fin à l'itinérance, la Fondation Pierre-Elliott-Trudeau, la Canadian Arctic Innovation Association, l'Inuit Business Council et bien d'autres.
La sécurité nationale du Canada est importante. Nos institutions démocratiques sont importantes. Mon parcours dans le domaine de la sécurité a véritablement commencé lorsque j'étais mairesse d'Iqaluit. J'ai fait deux mandats dans la capitale du Nunavut. Lorsque j'étais mairesse, j'ai été confrontée à de nombreuses questions de sécurité, à l'échelle municipale, territoriale et nationale. La sécurité est un enjeu à plusieurs niveaux dans l'Arctique canadien. Pour nous, habitants du Nord, les questions de sécurité ne sont pas seulement militaires ni même démocratiques. Nous avons des infrastructures militaires telles que les bases d'opérations avancées et du personnel militaire dans nos collectivités.
Lors de ma première année comme mairesse, le satellite de Télésat est tombé en panne. Iqaluit et tout le Nord du Canada, allant du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut aux parties septentrionales des provinces de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, du Manitoba, de l'Ontario et du Québec, n'avaient plus de service de télécommunications. Personne ne pouvait nous appeler. Nous ne pouvions appeler personne. Internet ne fonctionnait pas. Nous ne pouvions pas payer nos courses ou notre essence. Nous ne pouvions pas aller à la banque, ou retirer de l'argent des guichets automatiques. Les avions étaient cloués au sol, sauf quelques-uns qui devaient voler, bien sûr, pour des raisons médicales.
Quelques semaines auparavant, j'avais lu un rapport selon lequel le système de télécommunications du Nord du Canada était en danger et que la situation était si grave qu'elle était jugée critique. Heureusement, Anik F2 a pu être remis en service en 22 heures. Cependant, l'incident a mis en évidence la vulnérabilité du Nord en matière de télécommunications.
Nous composons aussi avec l'insécurité énergétique dans nos collectivités. Plusieurs de nos groupes électrogènes ont largement dépassé leur durée de vie de 40 ans. Quand j'étais mairesse, ma collectivité subissait régulièrement des pannes de courant. Les prix de l'électricité ont augmenté de 30 % au cours des deux années de mon premier mandat. Les groupes électrogènes de certaines collectivités du Nunavut sont tombés en panne ou ont été complètement perdus à cause d'un incendie en plein cœur de l'hiver, alors que les températures peuvent descendre jusqu'à -50 °C. C'est ce qui est arrivé à Pangnirtung lors d'un incendie majeur au printemps — où selon vos critères, encore en hiver.
Au Nunavut, plus de 80 % de nos infrastructures d'approvisionnement en eau sont en mauvais état. Nos collectivités ne peuvent pas construire les logements ou les autres immeubles dont elles ont tant besoin tant que les systèmes d'approvisionnement en eau ne sont pas réparés ou remplacés.
Ma première crise de l'eau est survenue au cours de la première année de mon mandat à cause du bris de la conduite principale en février. L'administrateur principal de la ville et le directeur des travaux publics ont frappé à ma porte à 4 heures du matin pour m'informer que, malgré tous leurs efforts, notre personnel et nos entrepreneurs peinaient à réparer la canalisation brisée. Ils affrontaient des torrents d'eaux usées, par des températures extrêmement froides, essayant désespérément de réparer la canalisation pour ménager notre eau précieuse. Nous dépendons d'un petit lac voisin comme réservoir d'eau, et l'eau que nous avons dans ce lac en novembre doit durer tout l'hiver et tout le printemps.
Iqaluit en est maintenant à sa sixième année d'état d'urgence local en raison du manque d'eau. Nous observons et vivons l'effondrement de notre infrastructure d'approvisionnement en eau, avec des bris de canalisations incessantes. Pas plus tard qu'il y a deux ans, la Ville a dû faire face à un autre état d'urgence local lorsque notre eau a été contaminée par du carburant et l'armée a été appelée à la rescousse.
Nos dirigeants nordiques doivent gérer les questions de sécurité de l'échelle locale à l'échelle nationale. Cela fait partie de notre travail. On apprend vite à adopter un état d'esprit sécuritaire. J'ai établi d'excellentes relations avec le corps policier, les Rangers canadiens et les militaires, y compris la Force opérationnelle interarmées du Nord. J'ai dû approfondir mes connaissances en matière de prévention et de réponse aux risques de catastrophe.
La plupart de nos vulnérabilités et des menaces qui pèsent sur notre sécurité émanent de politiques gouvernementales inadéquates et de l'absence d'investissements suffisants dans les infrastructures de nos collectivités. J'ai également appris que le type d'infrastructure dont nous avons besoin est le même que celui dont les mines et nos militaires ont besoin, soit les télécommunications, l'énergie et le transport.
J'ai fait de l'intersection du développement durable et de la sécurité dans la région arctique ma mission dans la vie et j'ai compris le potentiel de transformation des nouvelles technologies. Malheureusement, trop souvent, les politiques, les programmes et les décisions d'investissement des gouvernements ont exacerbé pendant des décennies nos vulnérabilités très réelles, non seulement en matière d'infrastructures, mais aussi de vulnérabilités économiques.
Quand j'étais mairesse, on m'a offert des voyages gratuits en Chine. J'ai vu d'autres dirigeants canadiens, des gens d'affaires, des dirigeants autochtones et municipaux, accepter ces voyages gratuits. Je m'inquiète de leur indépendance et des conséquences des investissements étrangers, surtout dans les infrastructures et les mines essentielles.
La sécurité du Canada dans l'Arctique reste fondamentalement menacée par les politiques, les programmes de financement et les investissements insuffisants du gouvernement, souvent réalisés par une bureaucratie transitoire ou distante, qui mettent en péril notre sécurité nationale, même à l'échelle locale.
Nous devons faire mieux. Nous avons besoin que le Canada investisse et cherche à établir une stratégie pour l'Arctique qui attire des investissements du secteur privé et des caisses de retraite canadiennes afin de réorienter les milliards de dollars investis en Chine vers notre Nord. Nous sommes un bon investissement.
Je ne sais pas si c'est une culture. Pour ma part, tous les postes que j'ai occupés étaient dans des organismes publics assujettis à la Loi sur l'accès à l'information. Nous étions habitués à gérer cela. De plus, en tant qu'universitaires, nous aimons l'écrit. Nous aimons documenter nos décisions pour pouvoir les consulter, et nous aimons la recherche.
Comme je l'ai dit à quelques reprises au président du conseil d'administration, j'aurais parfois souhaité avoir des notes d'information pour documenter les risques. Disons qu'au conseil, on était moins porté à produire de telles notes, sauf pour les programmes et tout cela. Pour les dossiers plus chauds, j'aurais souhaité avoir des notes plus complètes concernant l'équilibre des risques. Ce n'était pas dans nos pratiques de le faire pour les dossiers chauds. Je ne parle pas des programmes.
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Bien sûr, je vous remercie beaucoup.
Comme Madeleine Redfern l'a dit, il n'y a pas eu de solution claire pendant la crise de gouvernance. Il y a eu une réunion très confuse et très animée dont nous n'avons jamais reçu le procès-verbal. La réunion a été extrêmement longue. Elle a duré quatre heures. Après cette réunion, alors que nous avions demandé aux administrateurs en conflit d'intérêts de se récuser et que nous pensions avoir trouvé une solution claire, nous avons reçu un flot de courriels, provenant d'un groupe de personnes, d'un certain nombre de personnes qui, à chaque fois, ont refusé la solution.
On a suggéré de retenir les services d'un avocat pour nous conseiller. Cette proposition a été acceptée, mais les antécédents de l'avocat ont ensuite été remis en question. On a ensuite suggéré que les personnes qui avaient joué un rôle au cours des années en question se récusent. Il y a eu une avalanche de courriels à ce sujet. Ensuite, des modifications majeures ont été apportées aux motions que j'avais présentées.
Tout cela a représenté un effort considérable dans un contexte de communication virtuelle. Tout progrès était bloqué et aucune solution claire n'a été trouvée pour permettre à tous les administrateurs de travailler de concert. Les projets de motion demandant aux personnes de se récuser ont été rejetés. Nous avons essayé de faire cheminer ces motions dans le processus voulu, mais à chaque fois, comme je l'ai dit, ces motions ont été rejetées. À aucun moment du processus, les administrateurs des années en question n'ont fait état d'un conflit d'intérêts ou ne se sont récusés du processus décisionnel.
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Merci, monsieur le président.
Ce n'est pas très long deux minutes et demie.
Je vais récapituler. Il y a des versions très différentes fournies par MM. Rosenberg, Johnson et Trudeau. Elles sont en complète contradiction avec celles de Mmes Fournier, Redfern, Adam et Gibson.
On a entendu des faits qui avaient été communiqués de façon plutôt dissimulée par des témoins, soit MM. Johnson, Trudeau et Rosenberg. On a vu ce matin que tout n'était pas toujours écrit comme nous l'aurions voulu. On a montré une certaine déficience sur le plan de la gouvernance lorsqu'on en a eu besoin. Avant, cela ne semblait pas être un problème. Mme Pascale Fournier nous a dit qu'elle avait subi de l'intimidation lors de la résolution de ce conflit. Des membres ne voulaient pas se récuser par rapport à un possible conflit d'intérêts ou du moins à l'apparence d'un conflit d'intérêts. Je suis très prudent.
On a entendu parler de boursiers de la Fondation qui ont reçu récemment un courriel affirmant que tout allait bien, que rien ne s'était passé et que rien n'avait changé.
La version de MM. Rosenberg, Johnson et Trudeau dit que tout va bien, tandis que la version d'anciens membres du conseil d'administration et de l'ancienne présidente et cheffe de la direction, Mme Fournier, dit le contraire.
Aimeriez-vous commenter cela, mesdames Adam, Redfern et Gibson?
Nous n'avons qu'une minute et demie.
Merci à toutes nos témoins d'être venues nous voir.
Merci à nos techniciens, à nos analystes et à notre greffière.
Je vais conclure cette réunion.
Au nom du Comité et au nom des Canadiens, je tiens à remercier nos témoins d'être venues.
Encore une fois, madame Gibson, nous vous offrons nos sincères condoléances.
Merci à tous. La séance est levée.