Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bienvenue à la 134e réunion du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique.
Conformément à l'article 108(3)h) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 13 février 2024, le Comité reprend son étude sur les conséquences de la désinformation et de la mésinformation sur le travail des parlementaires.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins que nous recevons pour la première heure de la rencontre. Les deux participent à la réunion par vidéoconférence.
[Traduction]
Pour commencer, je souhaite la bienvenue à M. Jacob Suelzle, qui est agent correctionnel au niveau fédéral.
M. Michael Wagner est en ligne avec nous aujourd'hui. Il est professeur et chaire distinguée William T. Evjue pour l'idée du Wisconsin, Wisconsin-Madison University.
Monsieur Suelzle, vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration liminaire, puis ce sera au tour de M. Wagner.
Désolé du retard. Il s'explique par des discours qui ont été prononcés à la Chambre.
On m'a invité à témoigner aujourd'hui de mon expérience de la mésinformation au Service correctionnel du Canada. Je suis agent correctionnel au Service correctionnel Canada ou le SCC depuis 2007. Ma comparution me donne l'occasion de parler des problèmes que j'ai vécus et que j'ai observés, et qui sont vécus du reste par des agents correctionnels de partout au Canada. Par crainte de représailles et de sanctions, ils ne peuvent ni s'exprimer ni attirer l'attention sur ces problèmes.
Il est bien connu parmi les agents correctionnels que le message sur l'état des établissements pénitentiaires que présente le Service correctionnel du Canada, est une description très inexacte de ce qui s'y passe. La violence dans les prisons est l'un des problèmes les plus pressants pour les agents correctionnels. Elle atteint un niveau que je n'ai jamais vu au cours de ma carrière. Je n'aurais jamais cru que la violence envers les agents correctionnels puisse s'aggraver à ce point ni qu'elle soit tolérée. Je considère qu'il y a là une certaine mésinformation, tellement le Service minimise le problème. Les agents sont souvent ridiculisés par la direction pour avoir signalé des voies de fait, et il leur est souvent interdit de documenter ces comportements ou de produire un rapport écrit à ce sujet.
Les agents correctionnels comprennent que le travail dans les prisons fédérales du Canada comporte des risques inhérents, mais les blessures qu'ils subissent sont largement jugées comme négligeables de bien des façons, et la moindre n'est pas le refus général du Service correctionnel du Canada de permettre que les voies de fait et les menaces contre les agents correctionnels soient documentées et signalées au moyen des procédures prévues en matière de santé et de sécurité au travail. Les incidents documentés entraînent rarement un changement de méthode ou de procédure capable d'en atténuer la probabilité.
Les agents correctionnels luttent contre le Service tout en essayant de se remettre des lésions subies au travail. On insiste pour qu'ils se contentent d'assumer, pour qu'ils se comportent comme des grands et s'abstiennent de faire rapport ou de prendre congé après une blessure ou un incident. Le cliché qui semble bien se vérifier dans les prisons, c'est qu'il faut un décès avant qu'on ne donne suite à des préoccupations en matière de sécurité et protège les agents contre les détenus. Il est généralement accepté comme critère pour prendre une situation au sérieux qu'il doit y avoir ou bien des incidents qui mettent la vie en danger ou bien des meurtres. Pourquoi dire qu'il s'agit de mésinformation? Parce que le tableau que peint le SCC fait abstraction de cette réalité, qu'il minimise les problèmes de ceux qui sont en première ligne dans les prisons.
Une initiative comme le programme d'échange de seringues est un exemple facile de réaction à un problème carcéral présenté avec une inexactitude remarquable. Dans les prisons canadiennes, les drogues sont omniprésentes. Les agents correctionnels de tout le Canada conviendront à l'unanimité que si la quantité de stupéfiants présente en prison évolue d'année en année, c'est uniquement à la hausse. Des substances qu'on voyait rarement sont maintenant si répandues qu'elles retiennent peu d'attention, voire aucune, lorsqu'elles sont confisquées. Les agents savent maintenant comment administrer la naloxone aux détenus victimes de surdose, ce qu'ils font parfois plusieurs fois au cours d'un seul quart de travail. Les seringues ont toujours été rares dans les prisons canadiennes. En général, elles sont grossièrement fabriquées et inefficaces. C'est probablement pour cette raison que les drogues en prison sont très rarement consommées par intraveineuse. On y fume la drogue ou on la renifle. La mise en place du programme d'échange de seringues en milieu carcéral a entraîné et continue d'entraîner un problème de drogues injectables qui n'y existait pas. Le discours du Service veut qu'il s'agisse d'une mesure de réduction des méfaits, mais cette initiative fait apparaître un nouveau problème auquel nous, en première ligne, n'avons jamais eu à faire face.
Non contents d'introduire des drogues injectables dans les prisons, nous fournissons aussi des armes à une population carcérale violente et créons une économie qui facilite l'utilisation et la distribution de seringues dans ces milieux. Il est courant de faire appel à des détenus en établissement à sécurité moyenne et maximale sans supervision à l'extérieur de la clôture périphérique, et d'utiliser certains termes pour contourner les politiques qui l'interdiraient normalement. Des expressions comme « autorisation de travailler à l'extérieur du périmètre », « permission de sortir sur place » ou « poste de confiance » sont souvent utilisées dans les établissements pour les détenus qui ne sont pas admissibles à des formes de mise en liberté dans la collectivité ou sans mesures de sécurité. Les détenus qui occupent ces postes introduisent souvent des objets interdits dans l'établissement. Le plus souvent, il s'agit de drogues et de téléphones portables. Les agents reçoivent souvent des notes de service qui leur demandent de ne pas procéder à des fouilles régulières de ces détenus une fois qu'ils sont de retour dans l'établissement parce qu'ils occupent un poste de confiance ou jouissent d'une exemption. Les détenus qui ont le droit de sortir du périmètre en profitent constamment pour aller dans des restaurants locaux, des cafés comme Starbucks, par exemple, et, bien entendu, pour introduire en prison des objets interdits et participer à d'autres activités qui compromettent la sécurité et facilitent notamment les évasions.
Il est démoralisant et insultant pour les agents correctionnels de première ligne de constater que l'organisation pour laquelle ils travaillent présente sous un faux jour leur milieu de travail et les dangers auxquels ils sont exposés, et contribue davantage à ces dangers en ne réagissant pas adéquatement aux problèmes, favorisant une culture qui ne permet pas de produire des rapports exacts et minimisant les lésions physiques et les problèmes psychologiques qui surviennent souvent dans cet environnement.
Je suis heureux de pouvoir vous faire part de mes réflexions générales sur la mésinformation et la correction de la mésinformation avant de répondre à vos questions en m'appuyant sur mes connaissances et mon expérience.
Je m'appelle Michael W. Wagner. J'ai un doctorat en sciences politiques de l'Université de l'Indiana. Je suis titulaire de la chaire distinguée de l'idée du Wisconsin et professeur à l'école de journalisme et de communication de masse, où je dirige le centre de communication et de renouveau civique de l'Université de Wisconsin-Madison.
Il est bien établi que l'Internet Research Agency de la Russie, ou IRA, a exploité des milliers de comptes Twitter, présentés comme ceux de particuliers, pour influencer les discussions politiques sur les médias sociaux aux États-Unis et dans d'autres pays, y compris au Canada. Ces comptes de l'IRA non seulement influencent certains échanges sur les médias sociaux auxquels participent ou qu'observent les utilisateurs des plateformes de médias sociaux comme Twitter — qui est devenu X —, mais trouvent aussi un écho dans la couverture légitime de l'information, étant cités comme exemples venant de simples citoyens, ce qui amplifie les messages de l'IRA au sujet de questions comme le soutien à la guerre de la Russie avec l'Ukraine. Voilà qui accroît considérablement la portée de ses messages, car il y a beaucoup plus de monde qui s'informe auprès des sources légitimes au lieu de recourir aux médias sociaux pour se renseigner sur la politique et en discuter. Il devient également plus probable que les législateurs seront touchés par les publications de l'IRA, car les recherches montrent également que les parlementaires utilisent des sources d'information légitimes pour interpréter l'opinion publique — interprétation que les législateurs peuvent ensuite choisir d'utiliser pour prendre leurs propres décisions sur la façon de représenter leurs électeurs.
À propos d'un autre aspect de la mésinformation en ligne, il est utile de réfléchir aux facteurs qui aident le plus un contenu inexact à devenir viral et à se répandre largement et rapidement. Les publications qui ont une plus grande résonance émotionnelle sont plus susceptibles d'être transmises en ligne. Les messages publiés à des moments où les gens sont habituellement plus portés à naviguer sur les médias sociaux rendent aussi les publications virales. Le plus important peut-être, c'est que les principaux influenceurs en politique et les médias d'information qui transmettent ou diffusent cette information sont souvent des amplificateurs critiques de la viralité.
Quant à la correction de la mésinformation, la vérification des faits peut aider l'auditoire à croire des choses avérées et vérifiables. Dire que les faits de telle information ont été vérifiés tend à motiver l'auditoire à réfléchir à l'exactitude de l'information pendant qu'il la consomme. Ceux qui sont prêts à admettre leur ignorance sont également plus susceptibles de bénéficier de la vérification des faits. Celle‑ci a néanmoins un coût: on risque de croire que ceux qui vérifient les faits ont un parti pris, ce qui peut compromettre à long terme les relations de confiance que l'auditoire entretient avec des sources d'information plus légitimes.
Une autre stratégie prometteuse, pour corriger la mésinformation sur les médias sociaux, est l'utilisation d'une stratégie de « correction fondée sur l'observation ». Plutôt que de dialoguer avec la personne qui fait une allégation de mésinformation ou de désinformation, il est utile de simplement la corriger sans se concentrer sur la personne et d'établir un lien avec l'information exacte. La recherche montre qu'il y a correction fondée sur l'observation lorsque des renseignements erronés transmis par d'autres sont démystifiés sur les médias sociaux. Cela réduit les fausses perceptions ou les croyances dans la mésinformation parmi les auditoires qui assistent à l'échange, même si cela n'influe pas sur l'opinion de la personne qui a créé le faux message au départ. Il a été établi que cette stratégie est plus efficace dans certaines circonstances que ne peut l'être la dénonciation préalable de la mésinformation, et il y a des preuves que les interventions fondées sur la logique donnent de meilleurs résultats que celles qui s'appuient sur les faits.
Je serai heureux de répondre à vos questions sur ces facteurs ou d'autres facteurs liés à la mésinformation et à la bonne santé des démocraties.
Merci, monsieur Wagner et monsieur Suelzle, d'être là. Je vous en suis reconnaissant.
Sauf votre respect, monsieur Wagner, je vais adresser mes questions à l'autre témoin. Il ne s'agit pas de nier en quoi que ce soit vos compétences ni votre perspicacité.
Monsieur Suelzle, pour être clair, vous témoignez à titre personnel. Vous ne représentez pas votre syndicat ni quoi que ce soit du genre. Est‑ce exact?
Je vais vous soumettre quelques scénarios. Au préalable, un mot de la culture du Service correctionnel du Canada.
Le Service correctionnel du Canada rend des comptes aux parlementaires par l'entremise du ministre de la Justice. En fait, le commissaire comparaît devant des comités. Puisque nous discutons de mésinformation et de désinformation, particulièrement en ce qui concerne les parlementaires, c'est tout à fait pertinent, à mon avis.
Diriez-vous que le SCC a ce que j'appellerais — ce sont mes mots — une culture du secret? Qu'en pensez-vous?
Pouvez-vous nous en dire plus sur ce que vous avez vu, de façon générale? Nous ne voulons pas que vous trahissiez des renseignements confidentiels ni faire quoi que ce soit de répréhensible. Cependant, comment se manifeste la culture du secret et quelles en sont les conséquences?
D'après mon expérience, le Service est enclin à répondre aux questions en disant le strict minimum, afin de ne pas s'exposer à quoi que ce soit qui aille à l'encontre de la perception qu'il veut donner aux parlementaires et au grand public.
À mon avis, les responsables du Service veulent être considérés comme progressistes. Pour être honnête, ils préféreraient de loin que les projecteurs ne soient pas braqués sur eux. Chose certaine, les services correctionnels veulent passer pour une organisation progressiste qui est à l'avant-garde de la transformation de la perception qu'on peut avoir d'eux.
Dans ces situations, lorsque nous, au Parlement, essayons d'évaluer le bon fonctionnement du système correctionnel — simple réflexion —, il semble que nous n'obtenions pas la vérité sans fard.
Je ne vais pas vous demander de commenter ce scénario précis, mais j'ai fait un certain travail et produit une vidéo à ce sujet. Le Service correctionnel du Canada a publié un communiqué de presse après une évasion. Le communiqué disait que le détenu en cause s'était échappé d'une « propriété institutionnelle ». Il s'agissait d'un établissement à sécurité moyenne. Je précise, pour ceux qui l'ignoreraient, que cet établissement était entouré de deux imposantes clôtures. Tout comme s'il était à sécurité maximale. Il est très difficile de s'en évader. Le service a donc fait savoir que le détenu s'était évadé des terrains d'un établissement à sécurité moyenne. Voilà qui est bien, mais j'ai appris qu'il avait été autorisé à se trouver au‑delà de la clôture. Omission de taille, à mon avis. Si je me fais dire qu'un prisonnier s'est évadé d'un établissement à sécurité moyenne, je le vois sauter par-dessus des clôtures de barbelés à lame de 12 pieds de haut et écartées l'une de l'autre de 20 pieds. Voilà une omission plutôt importante. Cela fait songer à ce qu'on entend parfois au Parlement: des demi-vérités: « Il est vrai qu'il se trouvait sur les terrains. »
À la lumière de votre expérience, êtes-vous étonné par cet incident?
Dans ce cas, le Service tenterait‑il de...? Je fais des déductions. Il refuse de dire que le détenu se trouvait de l'autre côté de la clôture.
Vous n'avez pas à répondre à cette question. Tout ce que je dis, c'est que le Service ne semble pas vouloir reconnaître que le détenu se trouvait à l'extérieur de la clôture du périmètre et qu'il est tout bonnement parti à pied. C'est une demi-vérité qui est servie aux parlementaires et au grand public.
J'ai aussi dénoncé la situation de Paul Bernardo. J'ai dit très clairement au public que j'étais tombé face à face avec ce détenu. Le SCC s'est exprimé et aurait dit que je n'avais eu aucune interaction avec le détenu. Je n'avais pourtant pas prétendu le contraire. Il a présenté les faits comme si j'avais menti à ce propos.
Ce genre de réaction de la part du SCC vous étonne‑t‑elle, compte tenu de votre expérience?
J'ai un peu de difficulté à voir le lien avec la désinformation à l'endroit des parlementaires. Il ne m'arrive pas souvent de dire ce genre de chose, mais il me semble qu'on est totalement hors sujet.
L'étude porte sur les conséquences de la désinformation et de la mésinformation sur le travail des parlementaires. Je pense que M. Caputo va ramener la discussion vers cette question.
[Traduction]
Il vous reste une minute, monsieur Caputo. Je vous en prie.
Franchement, nous discutons de la façon dont une entité gouvernementale communique avec le public et les parlementaires. Je ne vois pas ce qui pourrait concerner de plus près la mésinformation et la désinformation.
Je vais poursuivre.
Le gouvernement a parlé aux parlementaires et au grand public de l'échange de seringues.
Quelle idée a‑t‑il donné des échanges de seringues? Il me reste 10 ou 20 secondes. Pourriez-vous répondre en une quinzaine de secondes, s'il vous plaît?
Je ne crois pas que ce soit expliqué avec exactitude. Les dangers que nous voyons sont l'introduction d'armes dans les établissements et l'alimentation de cette économie souterraine. Nous faisons apparaître des éléments de l'économie que nous n'avons jamais vus auparavant.
Monsieur Wagner, si vous le voulez bien, je vais commencer par vous.
Je suis sûre que vous étudiez la question depuis déjà quelques années. Le chef du Parti conservateur s'en prend aux grands médias et aux journalistes depuis un bon moment dans le but d'induire les Canadiens en erreur et de leur faire croire que les réseaux d'information auxquels ils se fient depuis des années ne sont plus dignes de confiance.
Quel danger cela représente‑t‑il pour l'état de l'écosystème de l'information du Canada et pour notre démocratie?
Il y a dans l'étude de la communication politique un axe de recherche sur une pratique qui, selon les chercheurs, consiste à « blâmer les arbitres ». C'est une stratégie à laquelle les élites politiques peuvent souvent recourir pour essayer de saper la confiance qu'on peut avoir à l'égard des sources d'information dont l'exactitude est vérifiable.
Il y a une distinction à faire entre les sources d'information qui ont par exemple des politiques de vérification des faits et sévissent contre les journalistes lorsqu'ils se trompent sur les faits, et d'autres organisations qui se présentent parfois comme des sources d'information, mais qui propagent surtout des opinions.
À propos des sources qui inspirent davantage confiance — celles où on pratique une forme de journalisme qui semble plus légitime, ce qui ne veut pas dire qu'elles ont toujours raison, mais plutôt qu'elles se corrigent lorsqu'il a eu des erreurs —, il est dangereux de saper sans justification la confiance envers ces organisations.
Bien souvent, une stratégie utilisée par les élites politiques consiste à essayer de saper la confiance envers les sources d'information grand public. Le but visé, ce peut être d'éviter les conséquences que les électeurs peuvent leur infliger au moment de voter, par exemple à cause de certains comportements que des législateurs ou d'autres peuvent avoir.
Je vais faire un lien entre la deuxième partie de cette question et ma prochaine question.
Pour ce qui est du langage et du matériel incendiaires, vous avez dit dans votre déclaration liminaire que l'émotion mobilise davantage que les faits. Nous avons vu par exemple des sous-discours des partis politiques susciter beaucoup d'engagement. Ce qui rapporte également des revenus publicitaires.
Est‑il juste de dire que les plateformes médiatiques en profitent financièrement lorsqu'elles permettent la diffusion de mésinformation et de désinformation?
Il est juste de dire que les plateformes des médias sociaux en profitent, et que certaines plateformes de médias d'information en tirent également profit. Cela dépend en partie de l'objectif principal des plateformes et des raisons pour lesquelles elles sont utilisées.
S'il s'agit d'un espace où on essaie d'apprendre la vérité, il n'y aura peut-être pas autant d'avantages financiers que les plateformes qu'on recherche pour se faire dire qu'on a raison.
Il y a des avantages à suivre ce genre de modèle, mais pas pour tous les médias de façon générale.
Oui, d'une certaine façon. Ceux qui se méfient des sources principales ont tendance à être plus favorables à la violence politique comme moyen d'affirmer des choix politiques. Parmi eux, beaucoup sont aussi très participatifs. En fait, bien des adeptes des théories du complot ont des connaissances extraordinaires et font très peu confiance aux institutions politiques comme les médias d'information ou les divers éléments du gouvernement.
La méfiance à l'égard des informations peut favoriser la participation de bien des façons. Parfois, cela encourage la violence, mais souvent cela encourage une plus grande participation au vote, aux dons politiques, à la publication en ligne et à des choses de cette nature.
Vous avez parlé du rôle que jouent les plateformes de médias sociaux de l'Ouest.
Ces plateformes de médias sociaux ont-elles une obligation au sujet des algorithmes et de la diffusion de l'information, qu'il s'agisse d'information véridique, de mésinformation, de désinformation ou de discours haineux?
Selon vous, les entreprises de médias sociaux ont-elle la responsabilité de contrôler l'impact de ces algorithmes sur ce qu'un Canadien voit dans son flux et sur sa participation au processus démocratique?
Les plateformes de médias sociaux ont des responsabilités à l'égard de l'amplification sans entrave de faussetés avérées. Ce peut souvent être très dangereux et avoir des conséquences violentes, ou d'autres conséquences qui peuvent être d'ordre politique, mais qui sont liées au fait de croire en des choses dont la véracité n'est pas vérifiable. Une grande partie de la politique joue dans une zone indécise où on dit des choses tantôt vraies, tantôt fausses, de sorte qu'il peut être dangereux pour les plateformes de médias sociaux d'imposer une régie trop lourde au risque d'étouffer le discours.
Lorsqu'il s'agit de contenir la propagation d'affirmations dont on sait qu'elles sont fausses de façon vérifiable, les plateformes de médias sociaux ont l'obligation, à mon avis, de ne pas essayer de propager cette information à grande échelle auprès de leurs utilisateurs.
Vous avez dit un mot de la vérification des faits comme moyen de lutter contre la mésinformation et la désinformation et leurs modalités de diffusion. Vous avez également parlé des préjugés au sujet de ceux qui vérifient les faits. J'ai vu des gens convaincus de leur idée faire une recherche sur Google et trouver une vingtaine d'articles qui leur donnent tort. Mais il leur suffit de trouver un seul article qui les conforte dans leur croyance.
À votre avis, quel genre de réglementation et de partenariat les gouvernements doivent-ils établir avec les entreprises des médias sociaux au sujet de la diffusion de l'information?
Il est très difficile de répondre, car il est très difficile de déterminer le volume en cause. Les responsables des plateformes doivent en discuter avec les organismes de réglementation, mais je n'ai pas de réponse rapide à cette question, je l'avoue à regret.
Tout d'abord, il me semble difficile de généraliser. Le mode de fonctionnement des plateformes de médias sociaux varie beaucoup, mais, en général, elles agissent avec plus ou moins de détermination lorsqu'il s'agit d'ôter ou de donner du poids à divers types d'affirmation.
Par exemple, aux États-Unis, en 2016, un pourcentage élevé de faussetés ont été présentées aux abonnés de Facebook, qui a ensuite été sévèrement critiqué. En 2020, ce pourcentage a chuté de façon précipitée parce que Facebook a limité plus énergiquement les comportements peu authentiques sur sa plateforme. Lorsque les critiques se sont calmées, il a cessé d'intervenir de la sorte et le pourcentage est de nouveau à la hausse.
Les plateformes n'interviennent pas toujours de la même façon. Elles réagissent souvent à la critique et aux risques d'intervention réglementaire.
Vous avez mentionné un peu plus tôt que la brutalité, la banalité et la frivolité généraient plus de clics qu'un sujet d'intérêt public.
Le plus souvent, le média social est devenu un vecteur de divertissement plutôt qu'un vecteur d'information, même si les gens prétendent qu'ils s'informent sur les médias sociaux. Que pouvons-nous faire, comme politiciens ou comme parlementaires, pour passer un message que je qualifierais de sérieux, au moment même où les gens cherchent les blagues et le divertissement?
Excellente question. Cela tient en grande partie à l'auditoire que les utilisateurs individuels des médias sociaux cultivent. Certains — la plupart, je crois — cultivent leurs intérêts pour le divertissement, d'une façon ou d'une autre, qu'il s'agisse de sports ou d'autres choses semblables. D'autres cultivent des auditoires en commentant les affaires publiques, en transmettant des données probantes sur la politique ou en essayant d'organiser et de persuader ou de semer le chaos dans l'écosphère des médias sociaux. Pour répondre à la question, je dirai que cela dépend de l'objectif visé.
Vous savez que la plateforme X a eu un problème au Brésil récemment. Elle y a d'abord été interdite, mais elle a ensuite pu y être accessible à nouveau.
Est-ce que X a changé quelque chose afin de pouvoir à nouveau être accessible au Brésil?
Je ne suis pas directement au courant des changements que Twitter a apportés pour réagir à l'action du Brésil. Je peux dire qu'en général, la plateforme modifie souvent son comportement en réaction à la réglementation ou à l'imposition d'amendes par les gouvernements.
Comme vous l'avez affirmé un peu plus tôt, lorsqu'un enjeu survient et attire l'attention, les gens améliorent leurs pratiques pendant qu'ils sont sous les projecteurs, mais, par la suite, ils reviennent aux mêmes comportements.
C'est du moins ce qui s'est passé pour Facebook. Nous savons dans une certaine mesure que cela s'est produit après le changement de propriétaire de Twitter et la modification de son nom pour X. Il y a eu une différence dans les pratiques de modération du contenu de cette plateforme depuis.
Il y a beaucoup moins de modération du contenu. La plupart des employés qui faisaient cela ont été congédiés ou ont démissionné depuis que M. Musk a pris le contrôle de Twitter. Cela décrit en partie la situation, mais ce n'est pas qu'il n'y a pas de modération. Il y a une fonction, je crois qu'elle s'appelle maintenant « notes de la communauté », qui est parfois annexée à une publication. Habituellement, pour que cette fonction soit déclenchée, il faut que diverses parties à un débat politique s'entendent pour dire qu'une allégation était fausse. Si une partie au débat fait une fausse allégation, ce n'est habituellement pas suffisant pour déclencher la fonction des notes de la communauté.
C'est une question très difficile. Je pense que Truth Social est probablement la pire. C'est une plateforme où l'on peut sans entrave dire des faussetés. Très peu de comportements sur la plateforme permettent au public de savoir que les allégations partagées à grande échelle ne sont pas vraies.
Pour le moment, je vais exclure la plateforme Truth Social de l'équation, parce qu'elle est cultivée de telle sorte que ses utilisateurs proviennent surtout d'une certaine partie de la population plutôt que de la population en général.
Donc, outre Truth Social, quelle plateforme agit le plus comme un mauvais joueur en matière de désinformation?
C'est difficile à dire avec exactitude, parce que nous ne connaissons pas le nombre de faussetés colportées par rapport au nombre de publications qui sont affichées sur toutes les différentes plateformes. J'ai l'impression que X est maintenant devenue la pire, mais je ne sais pas si c'est un fait vérifié.
Bien sûr. J'ai un doctorat en sciences politiques. Je mène des recherches sur la participation individuelle dans l'écologie de l'information, y compris dans l'actualité, les médias sociaux et les conversations individuelles. Je regarde les résultats liés à ce que les gens croient être vrai, à ce qu'ils attendent de leur gouvernement et à leur participation à la vie civique et politique.
Vous n'avez donc pas d'expertise en matière de mésinformation ou de désinformation? D'accord.
Monsieur Wagner, cela étant dit, qui sont les principaux acteurs de la mésinformation, de la désinformation et de la malinformation? Je sais que vous évoluez dans un contexte américain, mais vous avez peut-être aussi une connaissance du système politique canadien.
Beaucoup de mésinformation et de désinformation qui sont échangées dans les démocraties occidentales proviennent de sources russes dans l'IRA, l'Internet Research Agency, et d'autres exploitations de robots qui existent dans différentes régions d'Europe pour répandre de fausses allégations. Dans le contexte américain, l'ancien président Donald Trump, qui répand beaucoup de faussetés, est l'un des principaux auteurs de mésinformation qui attire beaucoup l'attention.
Je dirais que la principale organisation qui tente vraiment d'influencer les élections au Canada et aux États-Unis est l'IRA russe.
Il semble que l'IRA, ou le gouvernement russe, ait des candidats qu'il préférerait voir gagner et des candidats qu'il préférerait voir perdre des élections. Ceux qu'il préfère voir perdre sont plus susceptibles d'être ciblés par des renseignements négatifs.
Cependant, il arrive que des candidats de différents partis reçoivent des renseignements positifs et négatifs de ces organismes dans le but de semer le chaos et la confusion, ce qui est souvent l'un des objectifs de ce genre d'organisation.
Est‑il juste de dire que cela va bien au‑delà de la Russie? Je vous dirais que, d'après mon expérience, nous aimons simplifier les choses à l'excès en imputant la faute aux Russes ou aux Chinois, ou peut-être aux Indiens parfois, mais n'est‑il pas juste de dire que diverses machines de propagande sur Internet parrainées par divers États sont utilisées pour diffuser ce genre de message?
Je pense à l'opération Earnest Voice aux États-Unis. Vous avez parlé de Donald Trump. De toute évidence, les États-Unis ont été l'un des principaux vecteurs de propagation du virus chinois pendant la pandémie de COVID‑19, et il y a eu beaucoup de mésinformation et de désinformation au sujet des vaccins. Israël, un soi-disant allié, a le Hasbara. Il dispose de tout un ministère des Affaires stratégiques qui s'occupe de cibler les acteurs politiques, et je sais que cela a été révélé aux États-Unis.
Pourriez-vous prendre un peu de recul et parler d'autres acteurs étatiques que la Russie en ce qui concerne les machines de propagande sur Internet parrainées par des États?
Certains États déploient beaucoup d'efforts pour essayer d'influencer les élections chez eux et à l'étranger. Bon nombre d'organisations non étatiques essaient de faire la même chose en répandant la mésinformation et la désinformation.
Le problème ne se limite certainement pas à un acteur étatique en particulier. Si on me demandait de nommer le principal acteur, je dirais la Russie, comme je l'ai dit plus tôt, mais en général, il y a autant de possibilités qu'il y a d'utilisateurs d'Internet à certains égards.
Quels conseils auriez-vous à nous donner, le cas échéant, sur la façon de composer avec les tentatives, les événements ou les scénarios qui deviennent courants lorsque nos soi-disant alliés s'engagent activement dans la mésinformation et la désinformation?
Considérez-vous qu'il s'agit d'une menace à la sécurité nationale lorsque des acteurs d'États étrangers s'adonnent activement à la désinformation et à la mésinformation?
Cela ne relève pas de mon domaine d'expertise, mais en tant que citoyen, je m'inquiète de la façon dont certains acteurs étatiques parrainent la mésinformation ou la désinformation à destination ou en provenance d'alliés ou d'adversaires... Oui, tout cela m'inquiète. À mon avis, les gouvernements devraient en discuter entre eux et les parlementaires devraient en parler avec leurs électeurs.
En ce qui concerne l'évaluation des risques en matière de sécurité nationale, dans quelle mesure estimez-vous que la mésinformation et la désinformation constituent une menace à la tenue d'élections libres et équitables dans les démocraties occidentales?
J'évaluerais cette menace comme étant beaucoup plus élevée qu'auparavant, du moins dans le contexte américain. La mésinformation et la désinformation sur les plateformes de médias sociaux a été liée à l'incitation aux atrocités du 6 janvier au Capitole des États-Unis. C'est un exemple de la façon dont la mésinformation et la désinformation au sujet des résultats d'une élection peut fomenter la violence politique.
Il y a aussi un grand nombre de comportements de mésinformation et de désinformation entourant les élections, comme le fait d'essayer de cibler des populations particulières, en les trompant sur la date exacte d'une élection ou en leur donnant de fausses informations sur la façon de voter et ce genre de choses. Tous ces dangers font obstacle à des élections libres et équitables.
Cela met fin à notre première série de questions. Il y aura maintenant deux tours de cinq minutes et un tour de deux minutes et demie. Voilà qui conclut notre rencontre avec le premier groupe de témoins. Nous voulons essayer de respecter notre horaire.
Je redonne la parole à M. Caputo pour cinq minutes. C'est à vous.
Monsieur Suelzle, avant de commencer, cette idée d'expertise est intéressante, parce qu'il y a parfois... Les gens peuvent bien rire, mais il y a parfois...
Un député: [Inaudible]
M. Frank Caputo: D'accord. Je suis désolé. Je pensais que ma question avait fait rire.
Les gens peuvent avoir des points de vue différents sur l'expertise, mais à mon avis, 17 années d'expertise ou de connaissances concrètes sont très utiles au Comité, alors je vous remercie d'être ici.
Monsieur, craignez-vous être victime de représailles au sujet de ce que vous dites au Comité?
Seriez-vous prêt à faire un suivi pour le Comité à savoir s'il y a une réponse ou un suivi quelconque dans la foulée de votre témoignage d'aujourd'hui, étant donné que vous avez été invité par les parlementaires et que vous avez simplement répondu honnêtement à leurs questions?
Je vais vous poser une question au sujet des gangs en prison, de la façon dont le Service correctionnel du Canada, ou SCC, informe le public et les parlementaires de ce qui se passe vraiment à cet égard.
Avez-vous des commentaires à faire sur les gangs en prison, la façon dont la situation qui les entoure est communiquée et ce qui se passe vraiment?
Le SCC est fier d'affirmer avoir réussi à éliminer les gangs des prisons canadiennes il y a quelques années. Je crois que c'était en 2014 ou en 2015. Il s'agit d'une réalisation célébrée parmi les dirigeants du SCC, qui a été réalisée en remplaçant le qualificatif « gangs » par « groupes menaçant la sécurité ».
Et en quoi consistent ces « groupes menaçant la sécurité »? Est‑ce que c'était simplement un changement de nom qui permet de dire qu'il n'y a plus de gangs? Ai‑je bien compris?
Oui. C'était un changement de nom qui, d'une part, a permis de dire que les gangs ont été éliminés et qui, d'autre part, a créé un tout nouveau problème attribuable à un tout nouveau groupe.
Si quelqu'un témoignait devant le Parlement et disait que les gangs ne constituent plus un problème, mais que nous ne le savions pas et que nous devions dire que les « groupes menaçant la sécurité » en sont un, ce serait certainement trompeur, à mon avis.
J'aimerais que vous en parliez également. On nous dit qu'au Service correctionnel, il y a un contrôle sûr et humain, et les gens sont transférés — quand je dis « transférés », c'est que leur cote de sécurité est transférée d'un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité moyenne, ou d'un établissement à sécurité moyenne à un établissement à sécurité minimale — en fonction du risque qu'ils représentent pour la sécurité publique et des choses de ce genre.
C'est une question très controversée pour les agents correctionnels au sujet de ce que nous percevons et croyons être la classification de sécurité inexacte des détenus qui est abaissée de façon inappropriée ou qui est abaissée à des niveaux de sécurité inférieurs à l'endroit où le détenu devrait être incarcéré.
Lorsqu'un détenu à sécurité maximale est placé dans un environnement à sécurité moyenne ou minimale, cela crée évidemment toutes sortes de menaces pour nous et pour le public.
C'est très rarement communiqué à qui que ce soit à l'interne, et je serais fort surpris que cela soit communiqué à l'externe. Cela prend habituellement la forme de ce qu'on appelle des « dérogations ».
Il y a dérogation lorsqu'un gestionnaire dit essentiellement: « Je ne suis pas d'accord avec ce que dit l'ordinateur, et je vais apporter moi-même un changement. »
C'est une façon assez simpliste de présenter les choses, mais est‑ce exact?
Lorsqu'une personne est incarcérée, on a l'impression qu'elle est enfermée derrière des clôtures, surtout dans des établissements à sécurité moyenne et maximale, mais les gens perçoivent toujours les établissements à sécurité « minimale », qui en fait n'ont pas de clôtures, comme étant des endroits où les détenus se trouvent derrière des clôtures.
D'après votre expérience, il arrive que des gens aient une autorisation de travail ou soient escortés de façon non officielle hors des prisons, ce qui est contraire à la politique. Est‑ce que cela est communiqué?
Des détenus qui purgent une peine d'emprisonnement à perpétuité et qui ne sont admissibles à aucune forme de libération conditionnelle, reçoivent une autorisation de sécurité pour travailler à l'extérieur du site et hors du périmètre pendant le jour.
Monsieur Wagner, je trouve vos remarques très intéressantes, tout comme le fait que vous ayez fait de la recherche dans ce domaine qui, il faut le reconnaître, est assez nouveau.
Je sais que vous avez corédigé un article intitulé « Slant, Extremity, and Diversity: How the Shape of News Use Explains Electoral Judgments and Confidence », qui a été publié en juillet 2024. On y propose des mesures qui permettent de cerner les points de vue partisans individuels, de l'extrémisme partisan et la diversité générale des médias d'information utilisés afin de comprendre comment les gens interagissent avec l'écologie de l'information contemporaine.
L'une des conclusions — et je ne prétends pas avoir lu ce document, mais nos analystes l'ont fait, et je dois les en remercier pour la question que je vais vous poser —, c'est qu'un style diversifié de consommation de nouvelles peut modérer les croyances en la mésinformation.
Qu'entendez-vous par là? Qu'est‑ce qu'un « style diversifié de consommation de nouvelles »?
« Un style diversifié de consommation de nouvelles » fait appel à un large éventail de sources, dont certaines tendent à favoriser une idéologie politique autre que celle de la personne d'intérêt. Par exemple, un libéral qui recevrait aussi des nouvelles de médias conservateurs ou un conservateur qui recevrait aussi des nouvelles de médias libéraux. Ces personnes ont également recours à un plus grand nombre de sources d'information. Il s'agit donc d'une question de volume, de diversité et d'orientation de l'information d'un point de vue politique.
Quand vous dites « diversité », vous voulez parler en fait de la diversité des points de vue. Je me demandais si cela avait vraiment à voir avec les types de médias, simplement en sachant que regarder les nouvelles à la télévision, par exemple, est une expérience très différente de lire des nouvelles sur Facebook. Est‑ce vraiment un genre de diversité qui est important?
Dans ce document, nous n'utilisons pas les médias sociaux. Les médias sociaux ne sont pas des sources de nouvelles. Ils ne produisent pas de nouvelles comme les journalistes le font. Ils partagent des nouvelles, et une grande partie de ce qui est diffusé sur les médias sociaux prend la forme d'un lien vers les nouvelles. Dans cet article, on examine les sources d'information: presse écrite, électronique, numérique, radio, ce genre de sources. Il a été établi que différentes sources ont différents... Les nouvelles diffusées dans la presse électronique, à la télévision, ont tendance à aider les personnes moins scolarisées à en apprendre davantage sur la politique, tandis que les journaux et les médias de nouvelles numériques ont tendance à aider les gens qui sont plus scolarisés à mieux connaître la politique. Il y a donc des différences dans la façon dont les gens profitent des différentes sources d'information à leur disposition.
Aidez-moi à comprendre. Lorsque nous pensons aux différentes sources de nouvelles et aux points de vue différents qui y sont présentés... Je me considère comme une personne instruite. Je consomme beaucoup de nouvelles. Je pense que CNN, par exemple, est considéré comme un média libéral. Pour ce qui est du Washington Post, je ne sais pas. J'aurais pensé que CTV était un média conservateur, mais il semble maintenant qu'il soit libéral. Comment pouvons-nous évaluer les différentes sources d'information, ou est‑il même utile de le faire?
C'est un véritable défi. Quiconque, moi y compris, accole ces étiquettes aux médias prête le flanc à la critique.
L'une des stratégies consiste à faire ce que nous avons fait dans ce document en appliquant une série de critères appelés les cotes de Faris, qui évaluent un éventail de sources de nouvelles fondées sur l'orientation idéologique de leurs utilisateurs. C'est une façon de mesurer à quel point une source peut être libérale, conservatrice ou centriste.
Une autre stratégie consisterait à comparer le genre de sources que citent les médias au genre de sources que citent les législateurs des différents partis politiques, et à déterminer les correspondances entre ces sources. Si un journal citait des sources auxquelles les parlementaires plus libéraux font référence dans leurs discours, cela pourrait dénoter que ce journal est plus libéral, et vice versa.
Toutes ces stratégies comportent évidemment leur part de problèmes. Aucune d'entre elles n'est infaillible.
Dans le peu de temps qu'il me reste, avez-vous une recommandation quant à ce que vous considéreriez comme les sources de nouvelles les plus équilibrées ou les plus crédibles?
Il s'agit souvent de sources parrainées par le secteur public. Aux États‑Unis, ce serait la National Public Radio et la télévision publique, par exemple, et la BBC en est une autre. Ce sont souvent des sources d'information de grande qualité.
Cependant, il est également vrai que toute source parrainée par un gouvernement risque d'être biaisée et de favoriser le gouvernement, puisque c'est lui qui signe les chèques.
On vit dans une époque où on s'est habitué à vivre avec le faux, où le vraisemblable a souvent pris la place du vrai et où, vous le dites vous-même, les gens croient que les médias sociaux produisent des nouvelles, bien que ce ne soit pas le cas. N'est-il pas trop tard pour contrer la désinformation?
Non, je ne crois pas qu'il soit trop tard. Parmi les sources d'information légitimes qui connaissent la croissance la plus rapide en Occident se trouvent des organismes de vérification des faits. Il y a un public qui exige davantage d'un reporter qu'il ne dise pas simplement « Voici ce que nos dirigeants ont dit » et qu'il vérifie aussi si « ce qu'ils ont dit est effectivement exact, et s'il y a moyen de le savoir ».
Je ne pense pas qu'il soit trop tard, mais il y a certainement beaucoup de pain sur la planche.
Malheureusement, je ne suis pas assez expert en la matière pour répondre à cette question. J'aimerais bien pouvoir le faire, mais ce n'est pas mon domaine d'expertise.
Des mesures qui concernent les informations ponctuelles, comme lorsqu'il y a une catastrophe naturelle et qu'il y a de la désinformation ou de la mésinformation au sujet de la réponse du gouvernement, ou lorsqu'il y a une élection et que le vote prend fin à un moment donné et qu'il y a de la désinformation ou de la mésinformation erronée qui circule. Les informations ponctuelles sont probablement celles auxquelles il est le plus important de s'attaquer.
De votre point de vue d'expert en science politique, n'est-il pas étrange qu'aujourd'hui dans le monde, on voie le mot « mensonge » tous les jours dans les médias nationaux et que l'on accepte le fait que certaines personnes mentent effrontément sans conséquence? Est-ce que cela a des effets sur la démocratie?
Je pense que oui. La plupart des gens ne savent pas grand-chose de ce qui se passe dans leur pays et dans le monde. La plupart des gens ne se demandent pas à leur réveil comment ils exigeront aujourd'hui que leur gouvernement leur rende des comptes. Ils se fient plutôt à des sources d'information légitimes pour pénaliser les fautifs qui colportent des mensonges, comme en faisant en sorte qu'ils ne soient pas réélus, en exigeant que leurs collègues les censurent ou les sanctionnent, ou en dénonçant publiquement les faussetés.
Nous constatons une diminution de ce genre de réflexe dans de nombreux pays occidentaux, tant de la part des législateurs que des médias, à certains égards, au fil du temps. À mesure que les sociétés se polarisent et se divisent, nous constatons une volonté croissante de pardonner les péchés de notre groupe et de se concentrer sur ceux de l'autre groupe.
J'aimerais explorer certains de ces concepts, peut-être en anglais, pour le bien des gens qui nous regardent.
Plusieurs témoins ont comparu devant le Comité dans le cadre de l'étude pour parler de la mésinformation et de la désinformation et dire comment elle peut nuire à la confiance des Canadiens à l'égard des institutions publiques. Nous avons assisté à une érosion de la confiance dans l'écosystème actuel de l'information, ainsi que dans les médias traditionnels. Évidemment, les mêmes tendances sont observées aux États‑Unis.
Avez-vous fait des recherches sur l'impact de la mésinformation et de la désinformation sur la confiance du public envers les institutions et les médias traditionnels?
La première, c'est que lorsque des sources idéologiques s'en prennent aux arbitres, c'est‑à‑dire qu'elles s'attaquent sans cesse à des sources de nouvelles légitimes et qu'elles veulent ensuite se fier à ces sources pour vérifier les faits qui leur tiennent à cœur, elles constatent rapidement que leur auditoire ne leur fait plus confiance.
Des gens très en vue qui propagent la polarisation des opinions à la radio parlée et à la télévision par câble aux États‑Unis ont semé la méfiance à l'égard des sources d'information légitimes, mais en présence d'un candidat de leur propre parti qu'ils n'aimaient pas, quand ils ont dit à leur auditoire qu'il était impossible de faire confiance à cette personne parce qu'elle ment tout le temps, le public a réagi en disant qu'il croyait pourtant qu'on ne pouvait pas faire confiance aux sources qui ont rapporté ces mensonges.
Lorsqu'il n'y a pas d'arbitre, il est très difficile de maintenir l'intégrité du jeu ou du...
En ce qui concerne les écosystèmes idéologiques, nous savons que ce continuum aboutit à un extrémisme violent motivé par l'idéologie.
Nous savons qu'aux États‑Unis, ou du moins c'est ce qui a été rapporté — et je vous laisse le soin de nous en parler, en votre qualité d'expert en la matière —, les deux tentatives d'assassinat contre Donald Trump provenaient en fait d'extrémistes de droite motivés par des raisons idéologiques. N'est‑ce pas exact?
Vous avez dit, à juste titre, que lorsque cet écosystème de violence politique se déchaîne dans un monde qui ne tient pas compte des faits et qui est complètement dissocié des normes civiles fondamentales, la violence politique touche tout le monde. Peut‑on affirmer cela?
C'est certainement possible de le faire, et c'est ce que ressentent de nombreuses personnes. Dans nos sondages, lorsque nous demandons à ceux qui ne s'intéressent pas à la politique de nous expliquer pourquoi, un pourcentage non négligeable dit que c'est parce qu'il y a trop de gens dangereux qui croient souvent certaines des choses dont vous parlez qui ne sont pas vraies, et qui peuvent souvent mener à la violence politique.
Bref, cela mine la démocratie à sa base si les gens ne veulent même pas s'y intéresser parce qu'ils craignent les gens violents sur le plan idéologique.
Merci, monsieur Wagner. Je tiens à vous remercier, vous et M. Suelzle, d'être ici aujourd'hui.
Cela met fin à notre séance avec le premier groupe de témoins.
Pour revenir à ce que Mme Khalid a dit plus tôt, je vous invite tous les deux à soumettre au Comité par écrit toute autre réflexion qui vous vient à l'esprit, parce qu'il arrive souvent que des témoins quittent la salle en se disant qu'ils auraient dû dire ceci ou cela. Je vous invite à le faire par l'entremise de la greffière, qui a communiqué avec vous pour vous inviter à participer à la réunion d'aujourd'hui. Dans un tel cas, je vous demanderais de nous faire part de ces réflexions d'ici vendredi à 17 heures.
Je vais suspendre la séance pendant quelques minutes avant que nous passions à notre prochain groupe de témoins.
Nous allons maintenant passer à notre deuxième groupe de témoins, à qui j'aimerais souhaiter la bienvenue.
Tout d'abord, nous accueillons Samantha Bradshaw, professeure adjointe, Nouvelle technologie et sécurité, qui comparaît par vidéoconférence. Pour The Dais, Toronto Metropolitan University, nous accueillons Karim Bardeesy, directeur exécutif.
Je vous souhaite à tous deux la bienvenue au Comité.
Madame Bradshaw, vous avez cinq minutes pour vous adresser au Comité. La parole est à vous.
Je m'appelle Samantha Bradshaw. Je suis professeure adjointe, Nouvelle technologie et sécurité, à l'American University, où je dirige également le Center for Security, Innovation, and New Technology.
Au cours des huit dernières années, mes recherches ont porté sur la façon dont certains acteurs étatiques manipulent et militarisent les médias sociaux pour atteindre des objectifs politiques. Comme une partie de cette recherche a porté sur l'ingérence russe, je vais consacrer la majeure partie de mon temps à discuter de ce travail ici aujourd'hui.
Il ne fait aucun doute que les technologies numériques et émergentes ont élargi la portée, l'ampleur et la précision des campagnes de désinformation. Des acteurs étatiques comme la Russie ont appris à utiliser ces technologies pour traverser leurs frontières et influencer des populations de manière à saper la démocratie et l'expression des droits de la personne.
Depuis 2017, les plateformes ont supprimé de leur contenu plusieurs campagnes, et ce, par centaines. Des campagnes de désinformation appuyées par l'État ont été effacées par Facebook, Twitter et YouTube. Ces activités ont également été documentées sur d'autres types de plateformes, comme des applications de clavardage comme WhatsApp ou d'autres plateformes comme Parler. La désinformation et la propagande sur ces plateformes, bien sûr, sont utilisées pour influencer les publics en ligne de manière à faire avancer les ambitions géopolitiques de la Russie.
Les responsables de ces campagnes recourent parfois à des tactiques plus secrètes, comme l'utilisation de faux comptes de médias sociaux, de robots et de forums de trolls en ligne pour propager discrètement de fausses informations ou d'autres informations nuisibles. D'autres fois, ils s'appuient sur des stratégies de propagande plus évidentes qui proviennent de médias parrainés par l'État comme RT et Spoutnik, qui diffusent ouvertement des récits pro-Kremlin.
Bon nombre des stratégies que nous observons aujourd'hui reflètent l'historique de plus longue date des stratégies de la guerre froide, dans le cadre desquelles les dirigeants soviétiques avaient déployé de nombreux efforts pour modifier les attitudes, les opinions et les points de vue des auditoires sur des événements et des enjeux observés partout dans le monde. À l'époque, en plus de promouvoir le contenu visible et attribuable sur les médias sociaux, les entités soviétiques employaient des agences de presse et des journaux sympathiques à leur cause à l'étranger, et courtisaient les journalistes comme sources pour diffuser des messages non attribuables à une source. Aujourd'hui, bon nombre de ces stratégies sont appliquées au développement de faux sites Web et à l'invention de faux journalistes, d'organisations médiatiques de façade et à la manipulation d'influenceurs dans les médias sociaux.
Une partie de mon travail plus récent porte sur la couverture médiatique soutenue par l'État russe des manifestations du mouvement Black Lives Matter aux États‑Unis au cours de l'été 2020. Nous avons étudié des éléments de ce paysage médiatique affilié à la Russie et avons enquêté sur sa présence numérique. Nous avons constaté qu'un grand nombre de ces organismes médiatiques de façade élaboraient et adaptaient souvent du contenu à différents segments d'utilisateurs anglophones. Une grande partie de ce contenu consistait à jouer sur les deux tableaux et à mettre l'accent sur les divisions raciales dans la politique américaine, certains médias exprimant leur soutien aux manifestants du mouvement Black Lives Matter et d'autres mettant l'accent sur le soutien à la police et au mouvement Blue Lives Matter.
En faisant le suivi de la propriété d'une grande partie de ces entreprises médiatiques et du mouvement de personnel et de journalistes affiliés à des agences de presse russes connues, nous avons trouvé beaucoup de liens, dans les documents de constitution en société, de financement et de présentation du personnel travaillant pour des médias, affirmant l'indépendance de ces médias par rapport au gouvernement russe. Bien que l'indépendance éditoriale puisse évidemment être subjective, le financement et les relations de propriété sont des critères clés dans tout processus d'évaluation.
De nombreuses stratégies concernant les médias d'État, les influenceurs et les principales organisations ont été observées dans des opérations d'information menées dans d'autres pays partout dans le monde, y compris dans des pays aussi éloignés que ceux d'Afrique et des États du Sahel, où j'ai examiné des données de plateformes étudiant les activités russes dans ces endroits. Dans ces exemples, des influenceurs locaux sont souvent payés par des acteurs russes pour créer un vernis de légitimité autour du contenu produit et amplifié sur les médias sociaux. Bien que les objectifs particuliers de toute opération d'influence varient, bon nombre d'entre eux visent à perturber le tissu social des pays ciblés. Dans le contexte du Sahel, les campagnes de désinformation de la Russie ont souvent mis en exergue des idées anti-occidentales et anticolonialistes qui ont alimenté la mémoire locale et générationnelle de manière à amplifier les fossés au sein de la société et dans son ensemble.
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Et ainsi j'en arrive à ma dernière observation. Une grande partie des campagnes les plus efficaces que nous observons ne repose pas sur de faux renseignements qui sont faciles à vérifier, mais sur une désinformation basée sur l'identité, sur des tropes, des préjugés identitaires autour du racisme, du sexisme, de la xénophobie et même de notre identité politique. En réalité, ces tropes réussissent à polariser, à supprimer et saper nos institutions démocratiques.
Merci, monsieur le président, de m'avoir invité à comparaître devant vous pour une étude si importante.
Je m'appelle Karim Bardeesy. Je suis le directeur exécutif de The Dais, un groupe de réflexion sur les politiques et sur le leadership basé à l'Université métropolitaine de Toronto. Nous cherchons à proposer des idées audacieuses et à désigner des dirigeants qui sauraient effectuer un meilleur partage de la prospérité et de la citoyenneté du pays. Nous travaillons dans les domaines de l'économie, de l'éducation et de la politique démocratique.
Mes observations découlent des résultats de deux études récentes. La première a reçu l'appui du secrétariat des institutions démocratiques du Bureau du Conseil privé dans le cadre de notre sommet annuel DemocracyXChange. L'autre est une étude sur les préjudices en ligne de l'Initiative de citoyenneté numérique du ministère du Patrimoine canadien.
Je tiens à vous présenter trois observations.
Premièrement, la menace de mésinformation et de désinformation venant de l'étranger ou de l'extérieur est bien réelle. Elle change constamment et, comme l'a dit la professeure Bradshaw, elle vise des communautés bien déterminées afin de déclencher des opinions bien précises. L'évaluation nationale des cybermenaces au Canada souligne que les activités d'influence étrangère en ligne constituent une nouvelle réalité. Certaines de ces activités sont difficiles à détecter. Par exemple, la diffusion de désinformation et de mésinformation sur les plateformes de messagerie privées est plus susceptible de rejoindre des communautés culturelles ou des groupes identitaires particuliers. Il est plus difficile de les étudier. La conception de ces plateformes rend également plus difficile, pour les utilisateurs qui pensent y détecter de la mésinformation ou de la désinformation, de signaler leurs préoccupations.
Il y a aussi un certain nombre de nouveaux vecteurs, et certains n'ont été portés à l'attention du public que grâce à des recours juridiques intentés dans d'autres pays. Mme Bradshaw a parlé des opérations russes de désinformation, Russian disinfo. Vous savez donc probablement que le ministère américain de la Justice a récemment inculpé deux employés de RT, un média contrôlé par l'État russe, dans le cadre d'un projet de 10 millions de dollars américains visant à créer et à diffuser des contenus contenant des messages cachés du gouvernement russe. Certains de ces paiements ont été versés à d'éminents youtubeurs canadiens. Là encore, l'ampleur de cette tromperie n'a été révélée que grâce à la procédure de découverte d'une poursuite criminelle.
Les acteurs en ligne de premier plan jouent souvent un rôle important dans la propagation de la mésinformation et de la désinformation étrangères. Les résultats d'une étude récente de Reset Tech démontrent que l'engagement personnel d'Elon Musk à l'égard du contenu peut accroître de 250 fois ou plus l'auditoire qu'un article de mésinformation ou de désinformation étrangère atteindrait autrement.
Un autre vecteur est celui des hypertrucages produits à l'aide d'anciennes techniques qui sont maintenant alimentées par de puissants algorithmes d'intelligence artificielle que certains individus peuvent se procurer à très faible coût ou même sans frais. Notre étude récente sur les préjudices en ligne a révélé que le 60 % des résidents canadiens ont déclaré avoir vu un hypertrucage en ligne et que 23 % d'entre eux en ont vu plus de deux ou trois fois par semaine. Ce type d'exposition aux hypertrucages est lié à l'utilisation de plateformes de médias sociaux comme Facebook, YouTube, X, TikTok et ChatGPT.
Deuxièmement, comment réagir à cette menace? Elle est bien réelle et elle se manifeste sous de multiples formes qui évoluent constamment. Dans notre rapport, nous présentons à ce sujet un certain nombre de recommandations à l'intention des décideurs, des institutions, de la société civile et des citoyens. Je soumettrai ce rapport au Comité tout en vous avertissant de ne pas trop attendre de la part des citoyens, car il leur faudrait des compétences plus poussées en matière de médias et de littératie numérique. Toutefois, le pouvoir de ces plateformes et leur ubiquité exigent vraiment une réaction stratégique.
Notre groupe The Dais se joint à des dizaines d'autres organismes de la société civile et de chercheurs pour exhorter le gouvernement à adopter rapidement le projet de loi C‑63, Loi sur les préjudices en ligne. Bien que ce projet de loi ne traite pas explicitement la mésinformation et la désinformation comme des préjudices, elles contribuent à alimenter les méfaits qu'il dénonce. Nous vous exhortons donc à l'adopter rapidement.
Troisièmement, je tiens à souligner non plus la mésinformation et la désinformation d'influence étrangère, mais celles qui sont produites et propagées dans l'écosystème médiatique canadien en général. La façon dont les Canadiens consomment les médias les rend plus vulnérables à certains des phénomènes que vous étudiez. Nous savons qu'un plus grand nombre de Canadiens reçoivent leurs nouvelles en ligne, surtout dans les médias sociaux. Nous savons aussi qu'un moins grand nombre d'entre eux recherchent les informations produites par des organismes qui respectent les normes journalistiques et qui, avant de publier ces nouvelles, les examinent pour présenter des preuves et un contexte solides. Nous savons également que les récentes décisions politiques des entreprises peuvent affaiblir l'écosystème médiatique. Par exemple, 25 % des Canadiens consultent l'actualité dans la plateforme de Meta/Facebook — qui, selon l'étude numérique de Reuters est aussi une source de nouvelles —, et que 29 % les écoutent dans YouTube. Eh bien, à la suite de la décision récente de Meta News de limiter sa diffusion de nouvelles dans Facebook et Instagram, 41 % des répondants à notre étude ont affirmé que cette décision a eu un effet négatif sur leur capacité de se tenir au courant de l'actualité.
Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Par simple curiosité — je n'y vois rien de négatif ou de positif —, je voudrais juste savoir si vous avez vécu au Canada, si vous avez assisté à une campagne électorale ou à quelque chose de ce genre.
Ah, parfait. C'est excellent. Je suis sûr que vous êtes au courant de ce qui se passe politiquement au Canada.
Vous avez tous deux un domaine d'expertise très nuancé, mais j'aime toujours poser cette question.
Si vous pouviez changer une chose qui limiterait la mésinformation et la désinformation... Vous avez beaucoup parlé des médias sociaux. Si vous étiez chargés de le faire pour le gouvernement canadien, que feriez-vous demain matin?
Je crois que je me concentrerais sur la transparence des plateformes. Il me semble que dans le contexte canadien, nous n'avons pas vraiment de données empiriques sur les changements de comportement — notamment dans le cas du vote — causé par les activités des acteurs étatiques.
À mon avis, ce genre de campagnes produisent des conséquences réelles et mesurables lorsqu'elles s'attaquent, par exemple, à des militantes ou à des femmes journalistes. Ces campagnes réduisent l'aspect politique et produisent des conséquences très mesurables que l'on peut lire dans les produits journalistiques. Il est cependant difficile de nous amener à changer d'avis ou à modifier notre comportement électoral, car il est profondément enraciné dans notre identité. En produisant de meilleures données pour étudier au fil du temps l'effet des médias sociaux sur ces changements d'attitude, nous pourrions atténuer un grand nombre des préoccupations soulevées dans ce domaine.
Nous commençons à recueillir davantage de données empiriques et probantes à ce sujet, mais il nous faudrait un meilleur accès aux données. C'est par là que je commencerais si je voulais apporter du changement.
Malheureusement, je ne crois pas qu'il existe une façon miracle de combattre la mésinformation et la désinformation. Nous ne pourrons pas faire disparaître ce problème dans l'immédiat, parce qu'il est ancré dans le comportement humain. La conception technique des plateformes qui rend viraux certains types d'information est aussi façonnée sur le plan social par les gens qui interagissent avec ces plateformes. Nous devrons y accorder beaucoup plus d'attention à long terme.
Je pense qu'il sera très important de commencer par les données empiriques afin de mieux comprendre les mécanismes de causalité.
Je suis tout à fait d'accord avec la professeure Bradshaw. Il sera crucial de créer cette base de données pour les décideurs.
Je vais vous répondre par deux observations.
Premièrement, il faudra lancer un projet à très long terme en établissant un système d'éducation rassemblant toutes les entreprises médiatiques avec celles qui sont responsables de créer un espace commun pour présenter les faits et en débattre. À mon avis, les éducateurs et le secteur des médias devront se partager cette responsabilité.
Deuxièmement, j'en reviens à l'adoption de la loi sur les préjudices en ligne. Le projet de loi C‑63 aurait un effet positif sur certains de ces phénomènes.
Je suis arrivé à mi‑chemin dans cette étude, mais une chose me frappe. Vous parlez d'hypertrucages, et je me fais une certaine idée de ce dont il s'agit.
Je suis sidéré de constater la facilité avec laquelle il est possible de créer ce contenu et de le diffuser.
Tenant compte de ces deux facteurs, ne devrions-nous pas nous concentrer sur la gestion de ces phénomènes plutôt que sur leur prévention?
Oui, mais je pense aussi que, dans le contexte de la mésinformation, de la désinformation et des efforts coordonnés pour manipuler les processus électoraux, la « chaîne de destruction » est beaucoup plus longue — si je peux m'exprimer en termes de plateforme technique — pour endiguer ces activités.
Pour lancer un hypertrucage sur une plateforme et pour qu'il devienne viral, il faut pouvoir créer un faux compte. Pour créer un faux compte, il faut tromper un grand nombre de systèmes de sécurité de ces plateformes. Bien qu'il soit facile de créer et de diffuser un hypertrucage, s'il s'agit d'une opération de désinformation, il est crucial de tenir compte du cycle de vie de cette opération.
La plupart des mesures d'atténuation ne visent pas l'intelligence artificielle. Elles comptent encore beaucoup sur la détection de la propriété intellectuelle et sur tous les moyens qu'utilisent les plateformes pour déterminer si elle est affichée par une personne réelle ou par un compte bidon.
Merci, monsieur le président, et merci à nos deux témoins de s'être joints à nous aujourd'hui.
Je vais d'abord m'adresser à Mme Bradshaw. Vous avez mentionné les tropes et d'autres méthodes — ces tactiques qu'utilise surtout la Russie. Nous avons récemment constaté une augmentation du nombre d'autres acteurs hostiles qui tentent de manipuler les opinions des Occidentaux.
Ces individus comptent aussi sur les commentateurs canadiens qui amplifient ces préjugés.
Pouvez-vous nous expliquer un peu comment cela se répercute chez nous et comment des commentateurs canadiens amplifient ces messages? Comment pouvons-nous combattre certaines de ces activités?
La plupart des campagnes de désinformation les plus efficaces que j'ai étudiées ne se fiaient pas vraiment aux fausses informations. Elles s'appuyaient sur des préjugés identitaires nuisibles visant le racisme, le sexisme et la xénophobie pour polariser la société et empêcher certains types de personnes de participer au processus démocratique. Elles incitaient même à la violence contre des groupes ou contre des membres de la population.
Il est très délicat de lutter contre ce genre de désinformation fondée sur l'identité, parce qu'on ne fait qu'apposer une étiquette sur un commentaire sexiste affiché dans Internet. Il est impossible d'éliminer le racisme en vérifiant des faits. Ce problème découle de préjugés humains qui existent depuis très longtemps. Il nous faudra donc une stratégie à très long terme pour le gérer.
Il est vraiment important d'attirer l'attention sur ces tactiques et ces stratégies d'opérations d'influence. Les plateformes peuvent en faire plus, surtout pour éviter la violence politique. Dans les cas extrêmes et les plus flagrants — comme celui du Myanmar et des campagnes coordonnées menées par le gouvernement contre la population rohingya — qui causent non seulement des actes violents, mais même un génocide contre un groupe particulier, il est vraiment important que les plateformes procèdent à des évaluations adéquates des droits de la personne et qu'elles engagent un nombre suffisant de modérateurs de contenu qui comprennent la langue de la région et le contexte de la société ainsi visée.
Vous remettez la responsabilité aux fournisseurs de plateformes de faire leur part également.
J'ai rencontré le Congrès des Ukrainiens canadiens hier. Il plaide en faveur du blocage des médias dirigés par l'État russe sur Internet. Le Canada a déjà interdit certains médias. Il a également pris des mesures pour examiner d'autres plateformes de médias sociaux, notamment WeChat et TikTok. Je me demande si ces blocages et interdictions sont efficaces et si vous pouvez nous en parler un peu.
Je vais me tourner vers M. Bardeesy, afin qu'il participe à la conversation lui aussi.
Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet? Pourquoi ces méthodes fonctionnent-elles?
Le blocage de chaînes de radiodiffusion se fait plus facilement que le blocage de sites Internet ou de contenu en ligne. C'est pourquoi nous pensons, à The Dais, que la Loi sur les préjudices en ligne, qui ne vise pas tant des plateformes particulières que des comportements et des contenus précis, constitue la bonne voie à suivre. Elle doit être accompagnée d'une bonne transparence quant aux algorithmes et d'une bonne disponibilité des données qu'a décrites la professeure Bradshaw.
Je vais également présenter un élément dont nous n'avons pas encore vraiment discuté. Toute cette conversation se déroule dans un contexte de confiance ou de méfiance. C'est en présence d'un messager de confiance que la mésinformation et la désinformation sont plus susceptibles de se produire. Quand il existe un contexte de méfiance, un messager donné peut y remédier en suscitant la confiance.
C'est là la principale préoccupation lorsqu'on songe à certaines organisations de propagande. Ce n'est pas que les gens autour de cette table ne perçoivent pas la propagande: c'est plutôt qu'il y a certaines personnes qui ont moins confiance en certains médias institutionnels grand public ou en certaines institutions de la société en général. Au Canada, le sondage de Reuters sur les nouvelles numériques montre que la confiance dans les médias grand public et les nouvelles en général a chuté de 20 points de pourcentage au cours des dernières années. C'est dans ce contexte que certains acteurs arrivent à utiliser certaines de ces plateformes contre des groupes ciblés ou à s'associer à des idées qui nuisent au Canada.
Il est très difficile, sur le plan législatif et autrement, d'interdire des plateformes ou des sites au Canada. Certains pays ont essayé de le faire, y compris certains pays occidentaux et certains pays très peuplés du Sud . Ces blocages ont été appliqués. TikTok est interdit en Inde. On a tenté d'interdire X au Brésil. Il est déjà assez difficile d'émettre une interdiction au niveau de l'organe de presse. C'est très difficile sur le plan opérationnel et cela ne correspond peut-être pas à ce que nous souhaitons faire.
Je remercie les deux témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
Vous avez tous les deux peint un portrait plutôt sombre de la situation actuelle. Je vais vous poser la même question à tous les deux, en commençant par vous, madame Bradshaw.
Souvent, le but des États voyous — je vais les appeler ainsi — est de semer le chaos ou la division, et la désinformation peut être l'un des outils utilisés pour y arriver.
Est-on en train d'assister au début d'une guerre cognitive, madame Bradshaw?
Je ne crois pas que ce soit nécessairement un début. Nombre de ces stratégies remontent à très loin dans le passé. Les stratégies opérationnelles russes actuelles en matière d'information reflètent en bonne partie les stratégies de la guerre froide.
Je ne dirais pas que nous en sommes aux débuts, mais nous devons réfléchir aux faits que le professeur Bardeesy a soulignés et rétablir la confiance afin de constituer une défense cognitive contre ce genre d'attaque.
Oui, la confiance est au centre de la discussion. La confiance, philosophiquement parlant, c'est la non-nécessité de faire la preuve. Aujourd'hui, les vérificateurs de faits s'assurent de préserver la confiance.
Je vais me corriger: en effet, nous n'en sommes pas qu'au début d'une guerre cognitive.
Monsieur Bardeesy, est-ce que ces outils qui sont utilisés pour semer le chaos et la division font partie d'une stratégie de guerre cognitive?
C'est peut-être le cas, mais c'est vraiment à nous de décider comment agir. Comme Mme Bradshaw et vous l'avez dit, c'est une question de confiance au sein de la société. Il est important d'augmenter la confiance dans toutes les institutions.
Comme vous le savez, cette tactique politique visant à semer le chaos et à miner la confiance est utilisée non seulement à l'étranger, mais également ici, chez nous. Alors, c'est à nous de décider de la rigueur des normes que nous voulons mettre en place pour permettre un débat politique assez vigoureux, mais sans que cela ait pour effet de fournir des moyens d'action aux acteurs étrangers qui veulent semer le chaos et nous nuire ou d'augmenter leur niveau de confiance à cet effet.
Dans ce débat vigoureux, on doit certainement peser la liberté d'expression, d'un côté, et l'intérêt public, de l'autre. Où situeriez-vous la ligne de séparation ou de rencontre entre les deux?
Au sein du groupe The Dais, nous travaillons à former les leaders de l'avenir. Pour ce faire, nous misons sur l'accroissement du leadership chez les jeunes.
C'est à vous, en tant que députés, d'obtenir de l'information de toutes provenances.
Veuillez m'excuser, je vais continuer en anglais.
(1720)
[Traduction]
Il vous revient de modéliser le type d'espace politique dans lequel vous voulez évoluer. D'un point de vue de politique publique, ces projets de loi, comme celui de la Loi sur les préjudices en ligne et le projet de loi sur l'ingérence étrangère, constituent des garde-fous efficaces et il incombe aux dirigeants, pas seulement aux dirigeants politiques, mais aux dirigeants de la société, d'affirmer les normes qui permettent d'avoir un bon débat, mais qui ne permettent pas aux acteurs étrangers de continuer à créer en toute confiance de la désinformation sur nos débats de société.
Je vais utiliser ce temps pour m'adresser à vous, madame Bradshaw.
Il est dans l'intérêt financier des plateformes numériques de susciter des clics. On sait que la controverse suscite plus de clics que les questions d'intérêt public.
Comme gouvernement, nous avons un devoir de vigilance pour, d'une part, laisser la parole libre et, d'autre part, préserver la libre entreprise, en quelque sorte. Comment peut-on réconcilier ces deux éléments?
Je pense que c'est vraiment la question du siècle: comment créer des modèles d'affaires qui favoriseront la démocratie plutôt que des modèles qui encourageront la haine, la colère, la peur et la frustration? Je n'ai pas de bonne réponse à cette question, mais je tiens à reconnaître qu'il y a une tension entre ces deux pôles.
Pour revenir à l'aspect de la transparence des plateformes, lorsque nous connaissons la façon dont les plateformes dosent l'importance accordée à la liberté d'expression et aux autres intérêts, nous pouvons mieux évaluer la modération de leurs contenus, qu'ils favorisent ou non la démocratie.
Les questions abordées sont parfois très difficiles et on n'y répond pas par une bonne ou une mauvaise réponse. Les initiatives comme le conseil de surveillance de Facebook, qui rend public le dossier des cas très complexes afin d'établir un précédent quant à la façon de les résoudre, sont, à mon avis, vraiment positives. J'aimerais voir plus d'initiatives de transparence de la sorte, que l'on y consente plus d'efforts.
Merci beaucoup. J'aimerais souhaiter la bienvenue aux deux experts. C'est bien d'avoir des spécialistes ici aujourd'hui. Je sais également que vous apportez votre propre expérience politique exceptionnelle.
Monsieur Bardeesy, je vous ai connu dans votre vie antérieure. Sans vous mettre sur la sellette, je me demande si vous êtes à l'aise de parler de votre expérience des campagnes politiques.
Oui, je suis ici à titre de témoin expert, mais j'ai bien cette expérience comme membre du personnel politique et, plus récemment, comme candidat aux élections provinciales de 2022. D'autres députés le savent peut-être, mais comme je l'ai mentionné dans la troisième partie de mes observations sur l'écosystème médiatique canadien en général, j'ai remarqué que ma campagne — comme beaucoup de campagnes locales, sans doute — n'avait bénéficié d'aucune couverture locale.
Je suis sûr que votre campagne locale était exaltante, mais j'ai une question plus précise pour vous. J'aimerais revenir à l'élection de Kathleen Wynne, d'une perspective externe. Il y a eu l'émergence d'Ontario Proud, sous la direction de Jeff Ballingall, dont nous savons qu'il est un employé conservateur, qu'il a créé Canada Proud et qu'il est propriétaire de Post Millennial, un site responsable de cas particulièrement scandaleux de mésinformation et de désinformation. Je sais qu'il a suscité une grande ferveur, très près de ce que j'ai observé lors de la plus récente vague de la culture F*** Trudeau, issue de l'extrême droite.
Pouvez-vous intervenir, en vous basant sur votre expérience et de la façon que vous jugez appropriée, sur l'utilisation par Ontario Proud de Facebook — je crois que c'était principalement Facebook — et d'autres médias pour répandre de la mésinformation, de la désinformation et de la malinformation.
J'ai été directeur des politiques et premier secrétaire adjoint du premier ministre de l'Ontario de 2011 à 2016. J'étais en poste également sous l'ancien premier ministre Dalton McGuinty et l'ancienne première ministre Kathleen Wynne. J'étais directeur des plateformes lors de la campagne de 2014.
À l'époque, franchement, ces problèmes n'étaient pas aussi marqués. Il y avait un écosystème médiatique, on faisait campagne en ligne et les gens semblaient obtenir de l'information de diverses sources. La méfiance et le populisme autoritaire toxique qui a commencé à émerger en Amérique du Nord n'étaient pas aussi répandus alors. Après que j'eus quitté le cabinet de l'ancienne première ministre Wynne, elle a fait face à un certain degré de haine lui étant personnellement adressée — tout comme les membres du caucus et d'autres personnes de diverses allégeances politiques, en leur qualité d'élus.
Même si je n'ai pas participé à la campagne de 2008, nous avons mené une étude en 2019 dans le cadre du projet sur la transparence de la publicité sur Facebook, concernant certains des événements que vous avez décrits. Nous nous sommes alliés à un chercheur qui mettait au jour l'identité de personnes ciblées par des publicités sur Facebook. Ce projet, ainsi qu'un site Web appelé Who Targets Me, est toujours en cours, avec l'aide de nos collaborateurs au Royaume-Uni et en Irlande.
À cette époque, nous avons réalisé une étude qui ne portait pas sur les élections provinciales et qui a donné lieu, avec d'autres initiatives, à la création d'un registre de transparence des publicités politiques sur Facebook. L'entité que vous avez décrite et un certain nombre d'autres, qui portaient des noms génériques ou des noms qui ne reflétaient pas tout à fait ce dont elles faisaient la promotion, constituaient certains des principaux acheteurs de publicité en ligne sur Facebook lors de la campagne de 2009.
Le nom de ces organisations ne révèle pas avec précision la nature de leurs intentions.
Je sais que dans un article du National Observer, en 2022 je crois, on avait associé certains numéros de téléphone à des personnes, notamment Angelo Isidorou, rédacteur pour The Post Millenial selon certains documents d'entreprise. Il avait fait les manchettes lorsqu'il avait démissionné de la Non-Partisan Association de Vancouver, après avoir présumément fait un geste de la main associé à l'extrémisme blanc, un salut nazi probablement. D'après les documents consultés, il a des liens directs avec l'entreprise de Ballingall, Mobilize Media Group.
Pouvez-vous nous parler un peu de la menace que représentent les publicités de tiers et les médias sociaux, ainsi que de l'écosystème de mésinformation et de désinformation touchant la politique électorale, surtout compte tenu des événements survenus lors de l'élection en Colombie-Britannique? Nous connaissons ce phénomène dans les Prairies et cela finira par rattraper le gouvernement fédéral également. Si vous pouviez nous faire part de vos observations, il me reste environ 45 secondes.
Il y a un certain nombre de médias d'information, ou du moins des médias qui semblent être des médias d'information, conçus et alimentés pour intéresser une tranche démographique plus jeune. Le Buffalo News a été mentionné dans le rapport initial de la commissaire Hogue. Il y a un certain nombre d'organes de presse... Avec le blocage des nouvelles par Meta sur Facebook et Instagram, de nouveaux médias sont apparus: 6ixBuzz, notamment, est très populaire parmi mes étudiants de la région du Grand Toronto. Je ferai remarquer qu'un certain nombre de sites sans réel contrôle rédactionnel se font passer pour des sites de nouvelles avec un semblant de programme et qu'ils joignent un vaste public.
J'aimerais citer un article d'ABC News daté du 18 octobre 2023, intitulé « Les États-Unis affirment qu'un examen préliminaire indépendant indique qu'il n'y a aucune preuve d'attaque à la bombe contre l'hôpital de Gaza ». Je veux lire le premier paragraphe de cet article.
Au lendemain de l'affirmation par le ministère de la Santé de la bande de Gaza, dirigé par le Hamas, qu'Israël avait attaqué l'hôpital arabe Al Ahli à Gaza, tuant quelque 500 Palestiniens, des responsables israéliens et américains, des experts en explosifs et le président Joe Biden ont déclaré mercredi que les preuves disponibles indiquent plutôt que la destruction a été causée par le lancement raté d'une roquette par des terroristes palestiniens.
Je vais interrompre la citation de cette nouvelle ici. Cependant, j'aimerais revenir sur un gazouillis du 17 octobre 2023, publié sur X par la ministre des Affaires étrangères du Canada. On peut y lire:
Le bombardement d'un hôpital est un acte inconcevable et il ne fait aucun doute qu'il est tout à fait illégal.
Ce gazouillis a été vu 2,7 millions de fois et je veux attirer votre attention sur le contexte à ce moment. Il faut se reporter à l'image d'ouverture de l'article d'ABC portant sur la nouvelle initiale, selon laquelle Israël avait perpétré une attaque sur un site civil, tuant 500 innocents. Cela avait été rapporté par les grands médias occidentaux, y compris ici au Canada, et bon nombre d'entre eux, sinon la totalité, ont publié un rectificatif, d'une manière ou d'une autre.
Cependant, en ce qui concerne le gazouillis que je vous ai lu, publié par la ministre des Affaires étrangères du Canada, je viens tout juste de le lire et je l'ai transcrit au cours des cinq dernières minutes. Ce gazouillis est donc toujours actif et il a été vu 2,7 millions de fois. À quel point est‑ce nuisible? Cela dénote une grande insouciance pour un compte vérifié par le gouvernement. Maintenant, sur la plateforme X, il existe différents types de vérification, et l'un d'entre eux provient d'un représentant du gouvernement ou d'un élu. Un crochet gris apparaît alors. On viendra ensuite parler du chaos que des acteurs étatiques étrangers ou hostiles cherchent à semer. Il n'est pas nécessairement question de favoriser une idéologie politique ou une autre.
Je crois, professeure Bradshaw, que vous avez fait référence à une période de grande controverse aux États-Unis, en 2020, au moment des émeutes de Black Lives Matter, et les mêmes États hostiles fomentaient ou endossaient la révolte des partisans de Black Lives Matter aussi bien que des partisans de Blue Lives Matter, en essayant de susciter la discorde entre les deux groupes dans un climat très tendu.
Donc, à partir de cet exemple, croyez-vous que l'inaction constatée après une publication forte, émise à chaud sur les médias sociaux, permet à des États étrangers hostiles de créer le genre de division qui fait rage au Canada face à la guerre au Moyen-Orient?
Je ne me rappelle pas ce cas de vérification des faits ni de quoi que ce soit du genre. Ma réponse portera donc essentiellement sur le rôle que peuvent jouer les influenceurs dans la diffusion de mésinformation et de désinformation, par exemple, les faussetés répandues sur la COVID.
Les gens qui ont tendance à générer le taux d'engagement le plus fort autour des théories complotistes sont vraiment très peu nombreux. Pensons aux personnes qui comptent un grand nombre d'abonnés dans les médias sociaux. La plupart d'entre elles sont plus enclines ou plus motivées — comme vous le savez, le pouvoir va de pair avec la responsabilité — à prendre des mesures pour s'assurer qu'elles transmettent des renseignements exacts et de bonne qualité à leurs auditoires. Par contre, les forums ne suivent pas toujours cette voie. Nous avons constaté que de nombreux documents de dénonciation contenaient des listes blanches de comptes appartenant à des influenceurs qui ont un large auditoire et qui peuvent échapper à de nombreux systèmes de modération parce que cela génère de l'engagement.
C'est vraiment là que se situe le problème et je pense que nous ne devrions pas trop nous préoccuper d'un compte Twitter russe dont le taux d'engagement n'est pas élevé et qui ne capte pas l'attention du grand public. Par contre, nous devrons réfléchir au rôle des influenceurs en général.
Je pense que c'est pourquoi de nombreux médias d'information russes commencent à recruter ou à utiliser des voix locales ou des personnes qui ont déjà des auditoires. Si nous souhaitons prendre des mesures stratégiques pour générer ce genre de confiance et pour inculquer aux influenceurs une culture de défense de la démocratie, ce pourrait être une bonne option, sans aller jusqu'à les payer pour cela. Vous comprenez ce que je veux dire.
Madame Bradshaw, j'ai lu l'article que vous avez corédigé sur les élections de 2020. Ce qui m'a frappé, c'est la manière dont la désinformation est traitée par diverses plateformes. Vous vous êtes notamment attardés à X et Facebook. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi 30 % des publications n'ont pas été traitées de la même façon par les plateformes?
Volontiers. Cet article s'appuyait sur un ensemble très intéressant de fausses nouvelles que nous avons détectées et signalées aux plateformes. Nous avons ensuite vérifié si ces dernières avaient pris ou omis de prendre des mesures à l'égard du contenu signalé et si elles l'avaient fait contre-vérifier par des chercheurs pour savoir s'il s'agissait de mésinformation ou non. Certains détails expliquant les écarts étaient simplement d'ordre technique. Par exemple, si nous avions signalé une information portant sur quelque chose survenu à une certaine date, les messages publiés avant cette n'étaient pas nécessairement antidatés au moyen d'une étiquette, contrairement à ceux publiés après. Nous avons également remarqué des différences entre les différents types de médias. Si l'information provenait d'une capture d'écran, ou avait été copiée ou légèrement modifiée, les outils de détection automatisés n'étaient pas toujours efficaces pour détecter des propos trompeurs de la même nature. Il ne faut pas oublier que ce genre de contenu est automatiquement supprimé par des systèmes automatisés.
Il y a donc eu quelques problèmes, mais dans l'ensemble, nous avons constaté qu'environ 70 % du contenu avait été relayé. Bon nombre des décisions de ne pas diffuser un contenu étaient relativement arbitraires et s'appuyaient sur des problèmes techniques mineurs ou sur des problèmes liés aux systèmes automatisés qui, selon moi, pourraient facilement être corrigés.
[Difficultés techniques] l'allégation selon laquelle il y avait des bulletins de vote préremplis. Lorsque vous aviez une image du bulletin de vote prérempli, vous signaliez alors le contenu comme étant de la mésinformation, mais vous ne le faisiez pas nécessairement si c'était une vidéo qui l'affirmait. Est‑ce exact?
Oui. Cela dépendait vraiment des messages que nous examinions. Je ne peux pas dire si cet exemple est exact, mais il donne une bonne idée des différences que nous avons constatées.
En 2020, les Américains ont élaboré l'approche d'intégrité électorale utilisée par les différentes entreprises de médias sociaux. En ce qui concerne les élections canadiennes, quelles leçons devrions-nous tirer des mesures efficaces prises par les Américains en 2020 ou de celles appliquées par les médias sociaux lors des élections de 2020? Et quelles ont été leurs erreurs?
Ce qu'il faudrait vraiment retenir, c'est que les partenariats avec les établissements d'enseignement ont été un véritable succès. Cela nous a permis non seulement de détecter les informations erronées et d'en informer le public en temps réel, mais aussi de faire des recherches vraiment intéressantes et novatrices sur la modération du contenu en aval par les plateformes de vérification, ce qui est vraiment très difficile à faire.
Quant à ce qui pourrait être amélioré, je fais remarquer qu'il y avait tellement de citoyens et de gens de l'extrême droite qui s'opposaient à ce genre d'initiatives et que les universités n'ont pas nécessairement bien réussi à protéger les chercheurs et les groupes engagés dans ce travail de la plus haute importance. Je pense que les plateformes n'ont pas vraiment essayé de protéger ces partenariats. Elles hésitent désormais à s'engager dans ce genre de collaboration. À mon avis, cela a causé un préjudice vraiment grave et je pense que nous aurions pu protéger et créer une culture plus positive parmi les divers intervenants.
Monsieur Bardeesy, je vais profiter de votre expérience, que vous avez évoquée un peu plus tôt.
Selon vos dires, les projets de loi C‑63 et C‑70 sont d'excellentes mesures pour contrer la désinformation et l'ingérence étrangère. Cependant, comme vous le savez, dans le cas du projet de loi C‑63, il n'a pas été adopté. Pour sa part, le projet de loi C‑70 n'est pas encore en vigueur.
Une élection fédérale est prévue dans moins de 12 mois. Qu'est-ce qui peut être fait relativement à ces mesures, étant donné qu'elles ne seront peut-être pas en vigueur d'ici là?
Les partenariats entre les compagnies et les chercheurs, dont a parlé Mme Bradshaw, ne dépendent pas des projets de loi. En ce moment, les compagnies ont la capacité d'entrer en relation avec les chercheurs et de leur transmettre de l'information à propos de leurs algorithmes ou tout autre renseignement pouvant aider les chercheurs à avertir le public. C'est ce qui se passe en ce moment. On peut penser qu'il s'agit de mésinformation, mais ce n'est pas le cas. En vérité, il est important de pouvoir avoir des institutions à l'extérieur du gouvernement et des réseaux sociaux dans lesquelles les gens ont confiance ou peuvent avoir confiance. C'est la première des choses.
Deuxièmement, il faut avoir des normes. Il faut que les députés qui cherchent à se faire élire ou réélire puissent dire à leurs concitoyens que les médias locaux d'une ville ou d'une autre ne sont pas des ennemis dans le débat. Il est très important que, en tant que chefs ou leaders dans vos communautés, vous affirmiez que les médias qui s'appuient sur des principes et des normes pour faire leur travail sont là pour tout le monde, même s'ils correspondent moins à certaines personnes en ce moment.
Je vais m'offrir un commentaire éditorial, monsieur Bardeesy. À Trois‑Rivières, il y a beaucoup de médias. Cependant, depuis que Facebook a bloqué l'accès aux nouvelles, les salles de rédaction ont de la difficulté. On a toujours beaucoup de médias, mais peu de journalistes. Cela crée une information qui n'est peut-être pas aussi fiable ou en laquelle les citoyens n'ont pas autant confiance. Cela déborde un peu le sujet qui nous occupe aujourd'hui, mais il s'agit quand même d'un problème sur lequel on devrait se pencher.
Monsieur le président, je comprends que mon temps de parole est écoulé. Je vais donc conclure là-dessus.
Madame Bradshaw, vous avez probablement écouté l'échange que j'ai eu précédemment. Je sais que vous êtes Canadienne, vous connaissez donc le contexte.
Mon ami M. Villemure a parlé de guerre cognitive. Steve Bannon, le principal stratège extrémiste d'extrême droite ayant des liens avec le mouvement extrémiste d'extrême droite du Canada, a aussi parlé de guerre cognitive, essentiellement, en inondant la zone d'un mot que je ne peux pas prononcer parce qu'il n'est pas parlementaire.
Pourriez‑vous nous décrire l'écosystème des acteurs politiques tiers et des fausses nouvelles, c'est‑à‑dire de l'émergence de ces plateformes qui diffusent de fausses nouvelles en ligne? Vous en avez probablement une liste. Spontanément, il y en a une dizaine qui me vient à l'esprit.
Les plateformes en ligne ressemblent à des sites de nouvelles. Vous avez parlé de Buffalo News. Il y a aussi le Western Standard. Ces médias d'extrême droite pullulent. Comment le Canadien moyen peut‑il s'y retrouver durant un cycle électoral et prendre des décisions éclairées fondées sur les faits?
Je vais d'abord parler brièvement des groupes qui monnayent, en quelque sorte, la désinformation et expliquer comment cette industrie émergente appuie les campagnes de désinformation. Cela nous rappelle que nous ne devons pas seulement nous engager dans une guerre politique et cognitive, mais nous devons aussi reconnaître que bon nombre de ces acteurs sont très motivés. Non seulement les plateformes, mais les créateurs de fausses nouvelles sont motivés à agir ainsi parce que cela leur permet de générer des revenus publicitaires ou des contrats avec des gouvernements.
En ce qui concerne les mesures publiques, il serait bon de réfléchir à accroître le coût de participation à ce genre d'activités en les rendant moins rentables, en dénonçant la désinformation au moyen d'approches généralement utilisées pour contrer les escroqueries, les fraudes et les groupes qui essaient de générer des revenus publicitaires en créant de fausses nouvelles et en incitant les gens à visiter des sites Web qui leur montrent des publicités. Tous ces défis font partie de l'écosystème plus vaste.
Pour aider les citoyens à naviguer dans cet environnement complexe, je vous fais remarquer que nous n'attribuons pas suffisamment de mérite aux citoyens pour la diversité des médias qu'ils consomment déjà. Nous ne nous informons pas seulement auprès des médias sociaux, malgré la place de plus en plus importante de ces derniers, mais aussi dans les journaux, à la télévision, dans nos cercles sociaux et auprès des personnes que nous côtoyons dans notre collectivité. Toutes ces sources d'information jouent un rôle prépondérant pour façonner nos connaissances politiques et, par conséquent, nos comportements.
Pour ce qui est des solutions, nous pouvons concentrer nos efforts sur les médias sociaux, mais nous pouvons aussi songer à construire des institutions sociales plus robustes afin de permettre aux citoyens d'acquérir des connaissances diversifiées et de forger eux-mêmes leurs connaissances et leurs opinions politiques, à travers d'autres genres de médias.
Avant de vous poser une question, monsieur Bardeesy, je tiens à m'excuser de vous la poser en anglais même si vous parlez très bien français.
[Traduction]
Je tiens à vous féliciter pour ce que vous faites.
J'ai une question à poser. Bien que ce sujet n'ait pas été abordé aujourd'hui, des témoins précédents nous ont parlé de l'impact que l'intelligence artificielle aura sur la propagation de la désinformation et de la mésinformation. Je vais donc vous donner à tous les deux environ une minute pour dire au Comité ce que vous en pensez.
Je vais commencer par vous, monsieur Bardeesy, si vous voulez bien.
Kevin Kelly, le gourou d'Internet à l'époque de sa création, a dit qu'Internet est fondamentalement une machine à copier géante. L'intelligence artificielle a la capacité de créer un volume incroyable de copies à une vitesse incroyable et à un coût incroyablement bas.
Ce qui me préoccupe surtout, c'est le contenu audio généré par l'intelligence artificielle par rapport au contenu visuel. Il est démontré qu'il est plus difficile de détecter l'hypertrucage dans un contenu audio. Si nous voulons sensibiliser les gens à ce problème, nous devons d'abord faire une recherche approfondie sur l'hypertrucage audio.
Je vous recommande de lire Bruce Schneier, un chercheur de la Harvard Kennedy School, qui a publié d'excellents articles décrivant 16 façons dont l'intelligence artificielle peut être utile ou intéressante pour la démocratie. Tout n'est pas mauvais. Certaines utilisations de l'intelligence artificielle pourraient nous aider et vous aider à faire votre travail, mais il est certain que cette technologie est une source de préoccupation.
À mon avis, le principal défi posé par l'intelligence artificielle est la façon dont nous en parlons publiquement et dans les médias. Pour revenir à l'idée de la confiance, quand nous ne cessons de répéter aux gens de ne pas faire confiance à ce qu'ils voient, lisent ou entendent, nous ne créons pas des citoyens résilients capables de participer efficacement à la société. À l'avenir, il sera très important de mettre en place des programmes de littératie numérique qui ne suscitent pas trop de scepticisme, mais qui incitent plutôt les citoyens à ne pas faire confiance à tout ce qu'ils lisent, voient ou entendent.
Nous avons besoin de maintenir un certain degré de confiance, je suis donc tout à fait pour cela.
C'est intéressant, vous soulevez un point qui fait écho à ce que nous avons entendu au sujet de la pensée critique et de la littératie numérique. La Finlande a servi de modèle pour l'enseignement de niveau primaire. Je ne peux écarter aucune conclusion ou recommandation que fera le Comité, mais j'ai l'impression que nous nous appuierons largement sur ces commentaires pour formuler une recommandation.
Je tiens à vous remercier tous les deux de votre présence aujourd'hui. Si d'autres idées vous viennent à l'esprit, je vous invite à les faire parvenir à la greffière. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il arrive souvent que de retour à la maison, avant de vous endormir, vous vous dites que vous auriez dû dire ceci ou cela. Je vous donne donc l'occasion de faire part au Comité de vos réflexions. Si vous pouviez nous les faire parvenir avant 17 heures, vendredi, cela nous serait utile. Nous aimons avoir des échéances ici.
Avant de conclure, j'informe mes collègues du Comité que jeudi, nous recevrons des représentants de TikTok, Google, Meta et X dans le cadre de notre étude. Veuillez préparer vos questions.
C'est tout pour aujourd'hui. Merci à nos techniciens, à notre greffière, à nos analystes et à nos témoins.