Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Je vous souhaite la bienvenue à la 106e réunion du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre. Les membres peuvent participer en mode virtuel ou en mode présentiel. Aujourd'hui, les témoins et les membres du Comité assistent à la réunion en personne.
Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Des services d'interprétation sont offerts. Je vous prie de tenir votre oreillette loin du microphone afin de protéger les interprètes. Si les services d'interprétation cessent de fonctionner, veuillez m'en informer en levant la main. Nous suspendrons la séance jusqu'à ce que les services soient rétablis.
Je rappelle aux membres du Comité que toutes leurs observations doivent être adressées à la présidence. Si vous souhaitez intervenir, vous n'avez qu'à lever la main pour attirer mon attention, et je vous donnerai la parole.
Conformément à l'ordre de renvoi adopté le mercredi 18 octobre 2023, le Comité poursuit son étude sur le projet de loi C‑58, Loi modifiant le Code canadien du travail et le Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles.
Aujourd'hui, nous recueillerons les témoignages des représentants de deux organisations à leur demande. Une troisième organisation a été invitée, mais elle a demandé de participer à une autre réunion plus tard en avril. Nous recevrons donc quatre organisations à l'occasion de la réunion en question. J'ai accédé à sa demande.
Aujourd'hui, nous accueillons Mme Bea Bruske, présidente, et M. Chris Roberts, directeur, Service des politiques sociales et économiques, du Congrès du travail du Canada; ainsi que M. Ryan Greer, vice-président, Affaires publiques et politique nationale, des Manufacturiers et exportateurs du Canada.
Chaque groupe dispose de cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire.
[Français]
Madame Bruske, vous avez la parole pour cinq minutes.
Bonjour, mesdames et messieurs. Merci de nous avoir invités à nous adresser à vous aujourd'hui.
Le Congrès du travail du Canada, ou le CTC, est la plus grande centrale syndicale au pays. Nous représentons plus de 55 syndicats et plus de trois millions de travailleurs de tous les secteurs et de toutes les industries d'un océan à l'autre.
Le CTC appuie fermement le projet de loi C‑58. Nous exhortons le Comité à le renforcer et à le renvoyer à la Chambre pour la troisième lecture le plus rapidement possible.
Je suis syndicaliste depuis plus de 30 ans et j'ai participé à d'innombrables piquets de grève dans toutes les régions du pays. J'ai marché dans la chaleur, dans le froid, sous la pluie et au milieu de la nuit avec des travailleurs partout au pays. J'ai marché avec eux le 1er jour et j'ai marché avec eux le 123e jour de leur grève ou de leur lock-out.
Soyons clairs: la décision des travailleurs de participer à un piquet de grève n'est jamais prise à la légère. Ils en discutent avec leur famille. Ils doivent se demander s'ils peuvent se permettre l'offre médiocre présentée par leur employeur, ou pire encore, les concessions qu'il réclame. Sinon, sont-ils prêts à se priver de leur paye et à risquer tout ce qu'ils ont bâti avec leur employeur en faisant la grève pour exiger une entente équitable?
Aucun travailleur ne veut faire la grève. Ce que les travailleurs veulent, c'est que les parties aient de bonnes discussions et qu'elles parviennent à une entente équitable par la négociation. Soyons clairs: le choix de participer ou non à un piquet de grève n'appartient pas toujours aux travailleurs. Parfois, c'est l'employeur qui choisit d'imposer un lock-out, puis d'enfoncer le fer dans la plaie en engageant des briseurs de grève. En agissant de la sorte, l'employeur envoie un message aux travailleurs: s'ils veulent retrouver leurs emplois et leurs salaires, ils ont intérêt à baisser les bras et à accepter l'offre qu'il leur présente.
Quand les employeurs ont la possibilité d'engager des briseurs de grève, ils n'ont pas besoin de négocier sérieusement pour parvenir à une convention collective équitable. Pour leur part, les travailleurs risquent tout lorsqu'ils participent à un piquet de grève parce que — soyons honnêtes — certains employeurs n'ont nullement l'intention de conclure une convention collective équitable. Ils imposent un lock-out, ils contraignent les travailleurs à déclencher une grève en demandant d'énormes concessions ou ils tentent d'écarter la représentation syndicale de leur lieu de travail.
Il y a longtemps, en 1987, ma collègue, Mme Judy Starr, travaillait chez Loblaws depuis de nombreuses années quand notre employeur, qui était en très bonne santé financière, a demandé une réduction de nos salaires et de nos avantages sociaux. Mme Starr était mère célibataire de trois enfants. Sa famille vivait dans un logement social. Elle savait qu'en participant à un piquet de grève, elle ne toucherait pas sa paye pendant plusieurs semaines. Elle savait aussi que si elle ne faisait pas la grève, sa famille aurait encore plus de peine à joindre les deux bouts. Elle a donc rallié ses collègues — moi y compris — pour s'opposer aux concessions demandées par l'employeur en déclenchant une grève. Notre employeur a remercié les travailleurs comme Mme Starr en les remplaçant par des briseurs de grève dès le premier jour.
La grève a duré 124 jours en raison du recours aux briseurs de grève. Pendant ces 124 jours, les travailleurs n'ont pas reçu leur paye; de son côté, l'employeur a poursuivi ses activités comme si de rien n'était. Nous qui avions travaillé fort pour cet employeur, nous avons été obligés de faire la grève juste pour défendre nos acquis. Nous ne cherchions pas à faire des gains; nous voulions conserver ce que nous avions déjà.
Une fois la grève entamée, il est devenu très clair que l'enjeu du conflit ne se limitait pas à la négociation d'une nouvelle convention collective; il y allait du droit même des travailleurs d'avoir voix au chapitre dans leur lieu de travail et de continuer à être représentés par un syndicat.
Depuis des décennies, le CTC exhorte le gouvernement à adopter une loi anti-briseurs de grève. J'applaudis le gouvernement libéral et le NPD d'avoir travaillé ensemble pour faire de cette demande une réalité. On le constate: le projet de loi fait consensus. Par conséquent, il n'y a aucune raison d'en retarder l'adoption et l'entrée en vigueur. Le délai de 18 mois est inutilement long; le projet de loi doit entrer en vigueur beaucoup plus rapidement.
Merci, monsieur le président, merci, mesdames et messieurs les membres du Comité, de m'accueillir ici aujourd'hui au nom des Manufacturiers et exportateurs du Canada, ou MEC.
Le secteur manufacturier génère 10 % du PIB du Canada, il produit près de deux tiers des exportations à valeur ajoutée du pays et il fournit des emplois bien rémunérés à 1,8 million de travailleurs d'un océan à l'autre. Il est important que le point de vue des manufacturiers soit reflété dans vos délibérations et vos décisions touchant le projet de loi C‑58.
D'entrée de jeu, je précise que mes observations seront axées sur l'effet du projet de loi sur la dépendance des manufacturiers à l'égard des chemins de fer et des ports. Ce sont des éléments essentiels de l'économie industrielle du Canada, et il va sans dire que leur importance ne se limite pas au secteur manufacturier. Les ports et les chemins de fer sont les liens tangibles sur lesquels reposent le bon fonctionnement de l'économie du pays et le bien-être de la population canadienne.
MEC s'oppose au projet de loi C‑58. Nombre de nos préoccupations au sujet de l'interdiction du recours aux travailleurs de remplacement dans les industries sous réglementation fédérale ont déjà été soulevées par les parlementaires qui ont voté contre plusieurs mesures semblables au cours des 15 dernières années.
D'abord, l'interdiction de recourir aux travailleurs de remplacement dans les industries sous réglementation fédérale pourrait mettre en péril l'équilibre fragile du régime canadien de négociation collective. On peut lire dans le document de travail du gouvernement sur ce projet de loi que la majorité des études à ce sujet montrent que l'interdiction des travailleurs de remplacement augmente la fréquence des grèves et des lock-outs.
L'augmentation des interruptions de travail aura une incidence négative sur les manufacturiers — petits, moyens et grands — qui dépendent des chemins de fer et des ports canadiens pour obtenir des intrants essentiels, ainsi que pour faire parvenir leurs produits aux consommateurs canadiens et aux clients partout dans le monde.
La négociation collective est une partie importante d'une économie équitable et saine. Toutefois, il y a une différence fondamentale entre une interruption de travail touchant un port ou un chemin de fer et un différend au sein de la plupart des autres organisations publiques ou privées. Étant donné l'interdépendance des secteurs modernes de la fabrication et de la logistique, les perturbations de ces parties de la chaîne d'approvisionnement affectent l'ensemble de l'économie. Il est essentiel que les chaînes d'approvisionnement continuent de fonctionner même durant les périodes de négociation collective.
Quand les conflits de travail interrompent la circulation des biens, les manufacturiers qui se trouvent dans des collectivités à des centaines, voire à des milliers de kilomètres de là en souffrent. Ce n'est ni équitable ni sain. Il faut absolument que votre étude du projet de loi tienne aussi compte du bien-être de ces entreprises, de leurs travailleurs et de leurs familles.
Bien que MEC s'oppose au projet de loi, nous sommes heureux d'avoir l'occasion de contribuer à votre travail, dans l'espoir que le Comité adoptera des amendements qui réduiront les effets négatifs du projet de loi sur les manufacturiers, sur l'économie dans son ensemble et sur la réputation du Canada comme partenaire commercial fiable.
MEC recommande d'ajouter au projet de loi une disposition conférant au gouverneur en conseil le pouvoir de renvoyer les différends dans les secteurs essentiels de la chaîne d'approvisionnement à l'arbitrage exécutoire dans les cas où la négociation collective ne mène pas à une entente entre les parties.
Puisque le projet de loi risque d'augmenter les perturbations de la chaîne d'approvisionnement, il convient de doter le gouvernement fédéral des outils nécessaires pour faciliter la résolution des différends qui portent atteinte à l'intérêt national.
De plus, nous sommes d'avis que d'autres amendements pourraient être apportés au projet de loi pour réduire davantage l'instabilité de la chaîne d'approvisionnement.
Nous recommandons d'élargir le paragraphe 94(7) proposé de sorte à autoriser un employeur à avoir recours à un travailleur visé par l'interdiction lorsqu'il existe une menace imminente ou grave à l'intérêt national ou à la sécurité économique nationale.
Nous recommandons également d'élargir l'article 87.4 du Code canadien du travail afin de prévenir tout préjudice imminent à l'intérêt national ou à la sécurité économique nationale.
Je le répète, nous préférerions que le projet de loi ne soit pas adopté. Toutefois, puisqu'il le sera probablement, nous vous exhortons à envisager sérieusement d'y apporter des amendements qui soutiendront l'intégrité et la résilience des chaînes d'approvisionnement du Canada.
L'automne dernier, le ministre O'Regan a annoncé qu'il lançait, en vertu de l'article 106 du Code canadien du travail, un examen des enjeux structurels sous-jacents au conflit récent des débardeurs dans les ports de la côte Ouest, ainsi que d'autres différends semblables. Il a déclaré:
Le Canada est un partenaire d'échanges commerciaux fiable à l'échelle internationale. C'est une bonne chose pour tous les travailleurs et les employeurs au pays. Cependant, notre crédibilité repose sur la stabilité de nos chaînes d'approvisionnement et nous devons tout faire pour la préserver.
C'est dans cet esprit que MEC demande au Comité de prendre des mesures pour protéger la fiabilité et la stabilité des chaînes d'approvisionnement du Canada. Les manufacturiers canadiens en dépendent.
Je vous remercie de nous recevoir. Je répondrai volontiers à vos questions.
Avant de commencer, je ne voulais pas interrompre les témoins, mais il y a encore un problème d'interprétation. Il y a un écho. Je ne sais pas si le problème persistera durant toute la réunion. Je sais que dans le passé, s'il n'était pas possible de le régler... Les interprètes semblent travailler à distance à nouveau. Il suffirait peut-être d'augmenter le volume dans la salle. Sinon, il y a un écho même quand on écoute la même langue.
J'ai demandé à la greffière de vérifier. On m'a informé que c'était conforme aux normes et aux exigences relatives à l'interprétation de la Chambre des communes. On me dit que c'est plus facile, comme je le fais... J'éloigne simplement l'oreillette, car c'est vrai que c'est un peu distrayant. Cependant, les normes de la Chambre des communes sont respectées.
D'accord, très bien. Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de se joindre à nous aujourd'hui.
La semaine dernière, on a annoncé que le taux de chômage était passé de 5,8 % en février à 6,1 % en mars 2024. C'est un point de pourcentage de plus qu'il y a un an.
Avez-vous des préoccupations à ce sujet? Vos membres ou les travailleurs vous en parlent-ils?
La question est pour les deux témoins. J'invite M. Greer à y répondre en premier.
En plus des données que vous venez de présenter, beaucoup des chiffres sous-jacents à la croissance économique suscitent des préoccupations majeures chez nos membres et chez les collectivités où ils mènent leurs activités, pour toutes les raisons qui nous viennent à l'esprit. Ils créent un environnement moins favorable à l'embauche, à l'intensification des activités et à la recherche de nouveaux débouchés commerciaux; ils compliquent la tâche d'attirer des investissements; et ils causent des problèmes aux entreprises qui veulent prendre de l'expansion.
Nous militons depuis longtemps pour la création d'un environnement économique plus concurrentiel pour nos membres. Selon nous, diverses décisions en matière de fiscalité, de réglementation, de commerce et autres sont non seulement souhaitables, mais aussi nécessaires pour favoriser la croissance de façon à financer le filet de sécurité sociale qui est important pour nos membres, pour leurs familles et, bien sûr, pour toutes les personnes ici présentes.
Il va sans dire que pour nous, toute augmentation du taux de chômage est une source importante de préoccupations. Franchement, les travailleurs veulent de bons emplois stables. Ils veulent toucher un salaire suffisant dans une collectivité où ils ont les moyens de vivre et de prendre les transports en commun pour se rendre au travail. En l'absence de ces éléments, et quand les emplois sont précaires, à temps partiel ou occasionnels, cela empêche les travailleurs d'assumer d'autres tâches. C'est aussi vrai lorsqu'il y a un manque de services de garde ou de soins aux aînés dans la collectivité. Il faut se pencher sur tous les aspects de la société pour trouver les meilleurs moyens de soutenir les travailleurs afin qu'ils puissent assumer d'autres responsabilités.
En revanche, aux États-Unis, le taux de chômage a chuté à 3,8 % grâce à la vigueur de l'économie américaine. D'après votre expérience ou ce que vous entendez, quelles sont les raisons pour lesquelles plus de gens perdent leur emploi au Canada qu'aux États-Unis?
J'invite les deux témoins à répondre à la question, en commençant encore une fois par M. Greer.
Plusieurs raisons expliquent la différence, la principale étant l'écart de productivité entre le Canada et les États-Unis et la hausse importante de la productivité aux États-Unis. Le Canada n'a pas enregistré pareille hausse.
Il y a des raisons structurelles à cela. On peut penser aux types d'investissements qui contribuent à stimuler la productivité dans l'industrie militaire américaine, mais il y a aussi toutes sortes de raisons politiques sous-jacentes liées à la fiscalité, à la réglementation et à d'autres décisions qui favorisent l'investissement, ainsi que les incertitudes qui planent sur la réglementation, les projets et — facteur pertinent dans la discussion d'aujourd'hui — la chaîne d'approvisionnement. Quand les clients et les investisseurs voient des conflits comme celui qui a secoué les ports de la Colombie-Britannique l'an dernier, ils se posent des questions quant à la possibilité d'investir dans ce marché ou de s'approvisionner auprès des manufacturiers canadiens.
Je le répète, les travailleurs veulent des emplois stables assortis de possibilités d'avancement professionnel. En général, cela signifie que leur travail doit être régi par une convention collective qui leur permettra d'avoir voix au chapitre dans leur lieu de travail. Nous encourageons fortement la collaboration avec les employeurs aux tables de négociations afin d'établir les conditions qui permettront à ces travailleurs d'occuper leurs emplois à long terme. Il est essentiel d'avoir accès à une carte d'adhésion syndicale, de pouvoir négocier et discuter des questions importantes dans un lieu de travail donné, de bénéficier d'augmentations salariales régulières et d'avoir la possibilité de progresser sur le plan professionnel. Cette situation concerne trois parties, et les employeurs et les différents ordres de gouvernement doivent participer aux négociations afin d'examiner les conditions susceptibles de favoriser le plein emploi.
J'aimerais maintenant me pencher sur le contexte dans lequel se trouvent les travailleurs qui essaient de bâtir leur vie ou qui envisagent de prendre leur retraite. Des chiffres qui viennent d'être publiés indiquent que la famille canadienne moyenne doit maintenant consacrer 63,5 % de son revenu total avant impôt aux paiements hypothécaires pour une maison ordinaire au Canada. La situation est encore pire pour les membres et les organismes que vous représentez en Colombie-Britannique, où ce chiffre grimpe à 106 %, ce qui signifie qu'une famille doit payer plus que la totalité de son revenu pour acheter une maison.
Les membres ou les travailleurs vous font-ils part de ces préoccupations?
Encore une fois, ma question s'adresse aux deux témoins. Nous pouvons commencer par M. Greer.
Oui. Cette situation nous ramène à la réponse précédente qui portait sur la productivité de la main-d'oeuvre au Canada. Des marchés du travail plus productifs permettent de créer plus d'emplois, de réduire le chômage et d'avoir des revenus plus élevés, autant d'éléments qui améliorent la qualité de vie des Canadiens, des travailleurs canadiens et de leurs familles. Selon nous, c'est en s'attaquant aux problèmes sous-jacents qui contribuent à la faible productivité du Canada que l'on pourra inverser cette tendance que nous constatons dans les chiffres que vous avez cités.
L'abordabilité est au coeur des préoccupations de tous les travailleurs au Canada, peu importe la région, le secteur et les gens auxquels vous vous adressez. La semaine dernière, j'ai rencontré des étudiants qui m'ont dit que l'abordabilité était leur principale préoccupation. De toute évidence, c'est ce que tout le monde dit, n'êtes-vous pas d'accord?
Il y a ensuite la question du logement qui est étroitement liée à l'abordabilité. Les travailleurs s'attendent à ce que tous les ordres de gouvernement trouvent des solutions aux problèmes d'abordabilité. Cela signifie qu'il faut, par exemple, réaliser des investissements dans les collèges et les universités afin de réduire les frais de scolarité. Cela signifie qu'il faut trouver des solutions à la crise du logement et concevoir différents types de logements qui répondront aux divers besoins des Canadiens, qu'il s'agisse d'acheteurs d'une première maison ou de personnes âgées qui souhaitent vivre dans un logement coopératif. Nous devons effectuer des investissements de cet ordre. Il faut se doter d'un régime d'assurance-médicaments qui permettra aux gens d'acheter les médicaments dont ils ont besoin. Il faut renforcer le système d'assurance-emploi pour qu'il soit robuste et que les gens puissent s'en prévaloir. Voilà ce que les travailleurs veulent.
J'aimerais moi aussi remercier les témoins de leurs déclarations liminaires.
Lors de son témoignage devant notre comité, Lana Payne, d'Unifor, a mentionné que les grèves pendant lesquelles on avait recours aux travailleurs de remplacement duraient plus longtemps que les grèves ordinaires. Vous avez dit que... et nous continuons sur le thème de l'abordabilité, car vous en avez parlé, madame Bruske. Vous avez participé à des grèves et vous avez soutenu des travailleurs en grève. Vous avez dit que les travailleurs en grève sont moins bien payés. Je pense qu'ils reçoivent une indemnité de grève.
Madame Bruske, j'aimerais savoir comment cela fonctionne et pourquoi c'est un défi pour une famille de la classe moyenne. Nous avons entendu parler d'une grand-mère qui essayait de subvenir aux besoins de ses enfants et de ses petits-enfants.
Qu'est‑ce qu'une indemnité de grève? Pourriez-vous nous l'expliquer?
Bien sûr. En général, la plupart des syndicats disposent d'un fonds de grève dans lequel ils puiseront pour aider les travailleurs qui sont en grève ou en lock-out. Pour tout dire, le montant des indemnités versées aux travailleurs en grève dépend de ce que le syndicat peut se permettre. Certains syndicats sont en mesure de verser près de la totalité du salaire des travailleurs, mais c'est très rare. La plupart du temps, les travailleurs doivent assumer une baisse de revenu importante. Ils reçoivent moins de 50 % de ce qu'ils gagneraient s'ils étaient au travail.
Les travailleurs réfléchiront donc longuement avant de décider s'ils peuvent se permettre ou non de faire la grève. Nous pourrions penser qu'il leur serait facile de prendre cette décision, car ils sont contrariés, ils sont en colère et ils veulent déclencher une grève. Cependant, cette décision n'est pas prise à la légère et les travailleurs franchissent plusieurs étapes avant d'y arriver. Généralement, ils déboucheront sur cette décision après plusieurs cycles de négociation et souvent, ce sera parce que l'employeur cherche à leur enlever quelque chose, parce qu'il y a un problème touchant le respect et la dignité sur le lieu de travail, ou encore, un important problème d'abordabilité. Ces décisions ne se prennent pas du jour au lendemain, et elles sont pénibles.
Cette situation entraîne donc son lot de difficultés. Des travailleurs de remplacement sont embauchés. Les travailleurs essaient de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille tout en gagnant beaucoup moins d'argent. On peut donc comprendre pourquoi certaines personnes ne seraient pas d'accord avec le recours aux travailleurs de remplacement si cela entraîne des difficultés pour les travailleurs. Je vous remercie de nous avoir apporté ces éclaircissements.
J'aimerais aborder un autre point. Le gouvernement précédent a présenté deux mesures législatives — le projet de loi C‑377 et le projet de loi C‑525, je crois —, et l'ensemble du mouvement syndical a indiqué qu'il n'avait jamais vu de mesures législatives plus défavorables aux syndicats que celles‑là.
Pourriez-vous nous expliquer ce dont il s'agissait, et pourquoi ces projets de loi pénalisaient les syndicats?
Lorsque les travailleurs décident de faire la grève, ils le font après avoir ressenti beaucoup de frustration. Je tiens à souligner que dans de nombreuses situations où l'on a recours à des briseurs de grève, ceux‑ci sont embauchés et mieux payés que les travailleurs qui font la grève. C'est ce qui s'est passé dans ma province, le Manitoba, où la Société des alcools était en grève l'année dernière. Les employés qui venaient d'être embauchés gagnaient près du salaire minimum, tandis que les briseurs de grève touchaient 20 $ l'heure. Cela ajoute un élément de frustration et aggrave la colère sur le piquet de grève.
Vous avez parlé de deux mesures législatives inacceptables: le projet de loi C‑525 et le projet de loi C‑377. L'objectif du projet de loi C‑377 était de veiller à ce que les syndicats soient confrontés à d'énormes tracasseries administratives et autres règlements en leur demandant de faire rapport de leurs états financiers à des organismes extérieurs.
Les dirigeants syndicaux sont élus démocratiquement. Les membres des syndicats ont le droit de consulter leurs états financiers à tout moment. Les membres des syndicats sont élus aux conseils d'administration à titre d'administrateurs. Ils ont régulièrement accès aux états financiers de leur syndicat. Ils savent comment leur syndicat dépense leur argent et défend leurs intérêts. Cette mesure législative visait précisément à contraindre les syndicats à consacrer beaucoup de temps et d'énergie en démarches administratives, ce qui les empêcherait de fonctionner et de représenter leurs membres de la meilleure façon possible.
Le projet de loi C‑525 a été conçu pour limiter la syndicalisation dans le secteur public fédéral. Nous savons que lorsque vous possédez une carte d'adhésion syndicale, vous avez plus de chances de faire partie de la classe moyenne du Canada. Nous voulons que tous les travailleurs aient la possibilité de négocier, s'ils le souhaitent, et d'être représentés par un syndicat pour parvenir à une entente équitable par la négociation.
On pourrait dire que le projet de loi C‑58 éclipse le projet de loi C‑377 et le projet de loi C‑525. Ce jeu de mots était intentionnel. Je vous remercie de votre réponse.
Monsieur Greer, vous avez dit que vous vouliez parler des différents réseaux de transport. Je fais également partie du comité du commerce, et à ce comité, les débardeurs nous ont dit que des travailleurs de remplacement étaient constamment embauchés et qu'il était très difficile de négocier avec l'employeur. C'est ce qu'ils nous ont dit lors de leur témoignage. En fait, ils estimaient que cette situation avait prolongé la grève dans l'Ouest, et que cela n'aurait pas dû se produire.
N'êtes-vous pas d'accord pour dire que les meilleures ententes sont conclues à la table de négociation, et que les parties devraient toujours négocier? Ce débardeur a dit qu'ils présentaient leur point de vue, et que le syndicat le présentait à la partie adverse, mais qu'elle ne pouvait pas prendre de décisions parce qu'elle ne faisait que représenter l'employeur. Elle devait revenir avec une réponse, ce qui retardait constamment le processus.
Tout d'abord, je suis d'accord — et je pense que tout le monde autour de cette table est d'accord — pour dire que les meilleures ententes sont conclues à la table de négociation.
Le défi que posent des négociations comme celle‑là... Je n'ai pas de renseignements privilégiés au sujet de cette grève, mais j'ai certainement entendu des témoignages contradictoires sur les points de vue de l'association des employeurs et des débardeurs. Cette grève devrait nous servir d'avertissement sur la manière dont nous prenons des décisions qui ont une incidence sur l'équilibre du système de négociation collective au Canada.
Nous avons effectué un sondage auprès de nos membres pendant la grève et nous avons découvert qu'elle coûtait en moyenne 207 000 $ par jour aux manufacturiers. Nous avons tous entendu les chiffres. La grève a perturbé le commerce de marchandises totalisant entre 10 et 11 milliards de dollars, mais cette grève a eu une incidence sur nos membres à hauteur de 200 000 $ par jour en moyenne.
Nos membres tiennent tous à ce que ces conflits se règlent le plus rapidement possible.
Je remercie Mme Bruske et M. Greer d'être ici pour discuter de cet important projet de loi.
Avant d'être députée, j'étais une leader syndicale. Comme on le sait, le Québec dispose déjà de dispositions anti-briseurs de grève, et ce, depuis 1977. Nous sommes maintenant en 2024, et il est temps que le Canada fasse de même. D'ailleurs, le Bloc québécois a déjà déposé 11 projets de loi sur la question.
Je tiens surtout à saluer les travailleuses et les travailleurs ainsi que les personnes syndiquées qui se battent depuis des décennies pour obtenir l'équité de traitement. Au Québec, les gens qui travaillent pour une organisation de compétence provinciale ont accès à de telles dispositions, mais ceux qui travaillent pour une organisation de compétence fédérale sont sous un autre régime.
D'ailleurs, il y a une illustration flagrante de cette situation au Québec: les débardeurs du port de Québec sont en lockout depuis 18 mois. Il y a des travailleurs de remplacement et ça ne dérange personne. C'est assez inquiétant pour les travailleurs. Ça affaiblit leur moral et les relations de travail, en plus de poser problème sur le plan de la santé et de la sécurité.
Lorsque M. Bolduc a comparu devant le Comité au nom de la FTQ, qui compte parmi vos grands affiliés, madame Bruske, il a dit à peu près la même chose que vous et moi, c'est-à-dire qu'il y a une différence entre déposer un projet de loi et le faire adopter.
À votre avis, comment pouvons-nous accélérer le processus en vue de l'adoption de ce projet de loi?
Y aurait-il des amendements à proposer à certains articles du projet de loi? Par exemple, vous avez parlé du délai de mise en œuvre après la sanction royale. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
Oui, nous vous demandons d'adopter ce projet de loi rapidement. Les syndicats le réclament depuis des décennies, et comme vous l'avez souligné, cette mesure existe au Québec et en Colombie-Britannique, et une proposition en ce sens a été présentée au Manitoba et l'a même été en Nouvelle-Écosse. Nous pensons qu'il s'agit d'une question d'équité, de justice et de participation aux négociations en vue de parvenir à une entente, par opposition à une partie qui, en même temps, prévoit d'utiliser des briseurs de grève pour poursuivre le travail au lieu de participer, de manière équitable, aux négociations en vue de parvenir à une entente. C'est indéniable.
D'abord et avant tout, nous voulons que les dispositions du projet de loi soient mises en oeuvre plus rapidement. Nous pensons que le Conseil canadien des relations industrielles est tout à fait apte à mettre en oeuvre les éléments de ce projet de loi beaucoup plus rapidement. Nous suggérons donc qu'un délai plus court, et non de 18 mois, soit prescrit. C'est ce que nous voulons.
Nous pensons également qu'un briseur de grève est un briseur de grève, point à la ligne. Peu importe votre titre: que vous soyez un travailleur contractuel, que vous travailliez sur un autre lieu de travail ou que vous soyez cadre, si vous travaillez pendant la grève, vous effectuez le travail de quelqu'un qui participe à un piquet de grève. Il devrait y avoir une interdiction totale d'effectuer le travail des gens qui sont en grève, sauf lorsqu'il s'agit, bien sûr, des services essentiels sur lesquels les parties se sont mises d'accord afin qu'il n'y ait pas d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique, ou qu'il n'y ait pas de problèmes liés à la santé et à la sécurité, ce genre de choses. Ce sont là les deux principaux éléments que nous vous soumettons.
Auriez-vous d'autres amendements à proposer que celui à propos du délai de mise en œuvre de 18 mois suivant la sanction royale? Y a-t-il des articles particuliers du projet de loi qui retiennent votre attention?
Certains représentants de syndicats que nous avons reçus ici nous ont parlé d'articles problématiques qui permettraient à un employeur désireux de déclencher un lockout d'aller voir, avant la remise de l'avis de négociation, si des sous-traitants seraient disponibles. Il pourrait donc faire indirectement ce qu'il ne peut pas faire directement.
Avez-vous soumis de telles situations au gouvernement, afin que des propositions d'amendement soient considérées?
Oui. Au paragraphe 9(5), les travailleurs contractuels embauchés juste avant le début d'une grève devraient aussi être considérés comme des briseurs de grève, car, en effet, l'employeur a la capacité d'embaucher des travailleurs avant le début d'un conflit de travail, d'un lock-out ou d'une grève.
Ensuite, en vertu du paragraphe 6(1), la disposition sur les services essentiels, les parties ont une limite de 15 jours pour conclure une entente, et après, le Conseil canadien des relations industrielles a 90 jours pour rendre une ordonnance si aucune entente n'a été conclue. Nous pensons que c'est trop long, surtout si les parties sont, nous l'espérons, en train de négocier. Une ordonnance rendue dans un délai de 45 jours serait beaucoup plus raisonnable. Le Conseil canadien des relations industrielles devrait avoir tout le personnel nécessaire pour pouvoir respecter ce délai.
Monsieur Greer, êtes-vous au fait de la nouvelle décision rendue récemment, qui est encore une fois favorable aux débardeurs du port de Montréal, selon laquelle les services offerts par ceux-ci et les chaînes d'approvisionnement ne sont pas considérés comme des services essentiels?
Comment envisagez-vous les amendements que vous proposez au projet de loi? Ne viendraient-ils pas affaiblir le droit de grève ou de lockout, à votre avis?
Oui, nos membres sont au courant et sont très préoccupés par la possibilité d'une grève au port de Montréal, pour toutes les raisons que vous pouvez imaginer, car cette grève aura des répercussions sur leurs activités, leurs employés et le gagne-pain de leurs familles.
Certains amendements que nous proposons au projet de loi visent simplement à prendre en compte les intérêts économiques nationaux. Comme je l'ai dit, lorsque des conflits de travail touchent certains de ces segments de la chaîne d'approvisionnement, les répercussions se font sentir par les collectivités et les familles qui se trouvent souvent à des centaines, voire des milliers de kilomètres d'une situation sur laquelle elles n'ont aucun contrôle. C'est pourquoi nous suggérons ces amendements.
Je remercie les témoins d'être parmi nous, au Comité, pour discuter de cet important projet de loi, auquel ma formation politique et moi-même avons contribué. C'est un dossier qui me tient personnellement à cœur.
Comme Mme Chabot le soulignait, après des luttes syndicales importantes au Québec, des mesures anti-briseurs de grève ont été adoptées en 1977. Cela a été rendu possible parce que des hommes et des femmes se sont organisés, ont défendu leurs droits et ont travaillé pour améliorer leurs conditions de travail et leurs conditions de vie.
Au fédéral, nous ne sommes pas encore rendus là, malheureusement. Cependant, les exemples se multiplient à l'échelle provinciale, alors c'est bon signe. Nous y sommes presque.
Il y a 22 ans, je commençais à travailler au Syndicat canadien de la fonction publique. Deux semaines après mon entrée en fonction, c'était le début du conflit de travail chez Vidéotron qui allait durer un an. Si ce conflit a été aussi long, c'est justement parce qu'on a eu recours à des travailleurs de remplacement. Je pense que c'était la première fois que je prenais conscience, dans la vraie vie, des répercussions de l'absence de dispositions législatives en la matière.
Je ne parle pas seulement de situations qui ont eu lieu il y a 20 ans. Par exemple, il y a deux ans, le Groupe Océan à Sorel‑Tracy était en lockout, et les travailleurs de remplacement étaient payés plus cher par l'employeur que ce que demandaient les syndiqués en lockout en vue de leur convention collective. Ce sont vraiment des tactiques antisyndicales.
En ce moment même, le conflit au port de Québec dure depuis plus d'un an et demi.
Par ailleurs, chez Vidéotron à Gatineau, juste de l'autre côté de la rivière, des centaines de travailleurs ont été mis en lockout et voient tous les jours d'autres gens prendre leur travail et leur paie.
Selon votre expérience, madame Bruske, quelles sont les répercussions d'une telle situation sur la vie des familles, des conjoints et des conjointes de ces travailleurs, qui voient littéralement leur gagne-pain leur passer sous le nez?
Lorsqu'un travailleur de remplacement ou un briseur de grève franchit votre piquet de grève pour aller travailler, vous ressentez évidemment beaucoup de colère et de frustration. Nous savons que lorsque l'on a recours à des travailleurs de remplacement, il se crée une division importante au sein de la collectivité, parfois même au sein des familles, en particulier dans les petites collectivités et celles où il n'y a qu'un employeur principal pour lequel les gens travaillent.
Nous avons été témoins d'actes violents sur les piquets de grève et nous avons vu de la provocation à l'égard de travailleurs et de briseurs de grève. Nous avons aussi vu des cadres franchir les piquets de grève. Les gens ont du mal à payer l'épicerie lorsqu'ils sont en grève. Je le répète, la décision de déclencher une grève ne se prend pas à la légère. Il est incroyablement décourageant de voir son employeur enfoncer le fer dans la plaie en ne vous offrant pas une entente équitable, puis en embauchant des briseurs de grève et en les payant souvent davantage que ce qu'il vous paie pour mettre fin à la grève.
Cela fait plus de 30 ans que j'ai participé à une grève, mais je pourrais vous nommer chaque personne qui était à mes côtés et aussi chaque personne qui a franchi le piquet de grève. C'était il y a bien plus de 30 ans.
On a entendu des gens dire que le projet de loi actuel viendrait briser le fragile équilibre du rapport de force aux tables de négociations. Ça me surprend un peu, madame Bruske. Selon moi, dans les secteurs soumis à la loi fédérale, il n'y a justement pas d'équilibre. Il y a actuellement un déséquilibre. En effet, si l'employeur est capable d'utiliser des travailleurs de remplacement, il ne subit pas de conséquences économiques, il poursuit ses activités et les revenus continuent de rentrer. Il n'y a donc pas d'incitatifs financiers à négocier. Pourquoi l'employeur retournerait-il à la table de négociations pour négocier un contrat de travail, s'il est capable de continuer ses activités, peu importe qu'elles soient accomplies par des travailleurs syndiqués ou par des travailleurs de remplacement? Il n'y a donc pas de rapport de force. De plus, dans certains secteurs, le gouvernement fédéral peut menacer d'adopter une loi spéciale de retour au travail.
Je voudrais que vous m'expliquiez comment se passe, dans les faits, cette absence de rapport de force, quand ce déséquilibre est créé par le recours à des travailleurs de remplacement.
Au cours de ma carrière, j'ai passé 10 ans aux tables de négociation avec les travailleurs des secteurs privé et public du Manitoba. Je peux vous dire que ce ne sont pas tous les employeurs qui auront recours à des briseurs de grève, mais que ceux qui le feront le feront savoir dès le premier jour des négociations. Ils le feront savoir par le type de propositions qu'ils déposeront et par l'attitude qu'ils adopteront à la table de négociation. Examinent-ils sérieusement vos propositions? Ils chercheront à présenter des propositions très agressives. Ils chercheront également à provoquer cette situation pour éviter de se présenter à la table de négociation pour discuter sérieusement et collectivement des questions en jeu afin de trouver une solution équitable et raisonnable. Il importe peu qu'il y ait un médiateur ou non si un employeur n'est pas disposé à négocier équitablement une convention collective.
Il y aura toujours un déséquilibre si l'employeur a la possibilité de poursuivre ses activités alors qu'une grève suit son cours, car cela signifie qu'il n'a pas besoin de participer aux négociations avec l'intention réelle de conclure une convention collective.
Vous avez mentionné, dans votre allocution et dans vos réponses, que le projet de loi prévoit des exceptions pour lesquelles on peut faire entrer des gens au travail, notamment si la vie humaine est en danger, si la santé et la sécurité du public sont en danger ou s'il y a un risque d'impact environnemental catastrophique. Je pense que nous nous entendons tous sur le fait que de telles exceptions sont tout à fait raisonnables.
Par contre, je me méfie beaucoup des concepts comme celui de l'intérêt national ou de l'intérêt économique national, qui sont parfois un peu flous et qui peuvent devenir un grand fourre-tout dans lequel on peut mettre n'importe quoi pour restreindre les droits des travailleurs et des travailleuses.
Ce projet de loi permet certainement aux ententes sur les services essentiels de prendre ces éléments en considération et de parvenir à une solution sur laquelle les parties peuvent se mettre d'accord avant qu'un conflit de travail commence.
Nous voulons nous assurer que le Conseil canadien des relations industrielles dispose d'un délai plus court pour répondre aux parties en ce qui concerne les besoins en services essentiels sur un lieu de travail particulier, et pour permettre aux parties de poursuivre le processus de négociation.
En fait, je voudrais aborder la question sous un angle différent. Je sais que le Congrès du travail du Canada a des affiliés dans le secteur de la construction. Bien entendu, nous avons désespérément besoin de plus de logements dans ce pays. Nous savons que les constructeurs ont déjà du mal à attirer et à retenir des travailleurs qualifiés. En fait, le taux de postes vacants dans le secteur de la construction au troisième trimestre de 2023 était de 5,1 %, ce qui est parmi les plus élevés de toutes les industries canadiennes.
Je me demande s'il y a quelque chose dans ce projet de loi qui, selon vous, madame Bruske, pourrait aider à attirer plus de travailleurs qualifiés dans l'industrie pour nous aider à construire les maisons dont nous avons besoin.
Chaque fois que les travailleurs constatent qu'ils ont un emploi et qu'ils ne seront probablement pas sur un piquet de grève pendant un certain temps — parce que leur employeur va négocier une convention collective équitable —, cela leur apporte un certain réconfort.
Nous savons que les syndicats s'efforcent de s'assurer qu'ils peuvent embaucher dans cette filière afin de répondre aux besoins des constructeurs et des communautés qui construisent ces nouvelles maisons, et nous encourageons vivement cette participation active. Toutefois, nous savons également que ces travailleurs veulent voir une convention collective juste et libre.
Bien entendu, beaucoup de gens dans le secteur vieillissent et les jeunes ne sont pas attirés par le secteur. Pensez-vous qu'au cours des 10 prochaines années, c'est le même type d'argument qui permettra d'attirer les jeunes dans le secteur?
Je pense que ce qui va aider à attirer les gens dans l'industrie, c'est, dans un premier temps, de comprendre qu'il s'agit de bons emplois. Ce sont de bons emplois qui soutiennent les familles et les communautés.
Je pense qu'il sera extrêmement important d'attirer les nouveaux arrivants au Canada, les femmes et les travailleurs racialisés dans ce secteur, et ce sera l'occasion pour les syndicats de s'asseoir avec les employeurs pour déterminer quels sont les défis à relever pour attirer les gens dans ce secteur particulier. Il y a des facteurs comme la garde d'enfants. Je connais beaucoup de femmes qui veulent travailler dans les métiers, mais si vous n'avez pas de service de garde d'enfants à sept heures du matin quand votre équipe commence, vous ne pourrez pas travailler dans ce domaine particulier.
De nombreuses questions doivent être abordées, et je sais que les syndicats s'occupent de ces questions. Ils s'efforcent de trouver des solutions, et nous allons travailler avec eux pour atteindre cet objectif.
Il y a des questions émergentes, et je dois malheureusement les soulever maintenant. Je m'excuse de devoir le faire, mais c'est une question qui a été soulevée.
J'aimerais présenter une motion, monsieur le président. Voulez-vous que je la lise?
Trudeau recycle les mêmes promesses coûteuses qui ont déjà fait doubler le coût du logement au cours des huit dernières années. Ses promesses ont fait doubler le loyer, les versements hypothécaires et la mise de fonds nécessaire pour devenir propriétaire d'une maison moyenne. Depuis huit ans que Trudeau est au pouvoir, le coût des maisons a augmenté plus rapidement au Canada que dans tout autre pays du G7.
Selon un récent rapport de la RBC, le logement est devenu inabordable dans tous les marchés suivis, notamment Toronto, Vancouver, Ottawa, Montréal et Halifax, certains marchés atteignant même des niveaux d'inabordabilité jamais vus. La famille moyenne canadienne doit maintenant consacrer 63,5 % de son revenu brut au remboursement de son prêt hypothécaire sur une maison type au Canada. Le Comité fait donc rapport de ses inquiétudes concernant cette question à la Chambre des communes et il:
a) invite le ministre du Logement, de l'Infrastructure et des Collectivités à comparaître devant le Comité pour une durée d'au moins deux heures d'ici le 18 avril 2024;
b) invite l'économiste en chef adjoint de la RBC Robert Hogue à comparaître devant le Comité pour une durée d'au moins deux heures d'ici le 18 avril 2024.
La greffière m'a informé que la motion est recevable. Un préavis de 48 heures a été donné aux membres du Comité. C'est un comité de traitement. Le député a présenté une motion pendant son temps de parole. Nous devons maintenant discuter de cette motion jusqu'à ce que nous ayons terminé de l'étudier.
J'ai M. Fragiskatos et Mme Gray pour poursuivre la discussion.
Monsieur Fragiskatos, la parole est à vous sur la motion de M. Aitchison.
Nous discutons ici d'un projet de loi très important, voire historique, dont ce comité est saisi, un projet de loi qui montre ce qui est possible lorsque les partis collaborent à un objectif commun, à savoir soutenir les travailleurs de tout le pays. S'il fallait faire ressortir le discours des conservateurs ces derniers temps, tout ce message sur les travailleurs et sur le fait qu'ils sont « le parti des travailleurs » — comme ils le disent — a été mis en lumière aujourd'hui. Pourquoi présenter cette motion alors que nous discutons d'une question aussi importante au Comité en ce qui concerne le projet de loi?
Quoi qu'il en soit, le logement est une question essentielle. Nous sommes heureux de reprendre la motion qui a été présentée ici. Je propose l'amendement suivant, qui a déjà été distribué à la greffière.
On supprimerait le premier paragraphe. La motion commencerait par « Selon un récent rapport » et se terminerait par « jamais vus ». Elle se poursuivrait avec « La famille moyenne canadienne doit maintenant consacrer 63,5 % de son revenu brut au remboursement de son prêt hypothécaire sur une maison type au Canada ». Cela conclurait le deuxième paragraphe.
Puis, on terminerait avec « par conséquent, le comité invite le ministre du Logement, de l'Infrastructure et des Collectivités et l'économiste en chef adjoint de RBC Robert Hogue devant le comité au sujet de l'étude sur les sans-abri et le logement abordable, adoptée le 12 février 2024 ».
Je vous rappelle, monsieur le président, et chers collègues, que cette motion particulière a ouvert la porte à une étude sur le logement qui aura lieu au début du mois de juin, si ma mémoire est bonne. Je pense que nous nous sommes tous mis d'accord au sous-comité sur un ordre du jour existant. Ces enjeux sont importants, mais il en va de même pour les autres enjeux dont le Comité est saisi.
Je pense que nous agissons de bonne foi ici pour que les témoins que les conservateurs souhaitent faire comparaître devant le Comité puissent le faire au moment opportun, lorsque nous entamerons l'étude sur le logement. Il s'agira d'une étude importante sur le logement — et je l'attends avec impatience — afin d'explorer les différentes idées de chacun des partis sur le logement et de voir comment ce comité peut contribuer de manière constructive à toute la question du logement au Canada.
Nous avons deux autres intervenants qui s'exprimeront sur l'amendement. Pour que ce soit équitable, tout le monde doit avoir l'amendement. Dès que la greffière m'en avisera, Mme Gray et Mme Ferreri s'exprimeront sur l'amendement de M. Fragiskatos, qui est recevable. Ce sera ensuite au tour de M. Boulerice.
Je rappelle aux témoins qu'il s'agit d'une procédure au sein du Comité. Une motion a été présentée et doit être examinée.
[Inaudible] ne doit intervenir que sur l'amendement qui a été présenté.
Mesdames et messieurs les députés, je viens d'envoyer le document Word par courriel. À l'intérieur du document Word, j'ai indiqué, dans le suivi des modifications, quel est l'amendement de M. Fragiskatos.
Si vous acceptez le suivi des modifications, vous aurez la motion avec son amendement.
Vous avez mentionné une brève suspension. Je pense que ce serait approprié, car nous venons tout juste de le recevoir. J'aimerais le lire. Il y a beaucoup de changements.
Je serai très brève pour que nous puissions passer à autre chose.
Les libéraux ont essentiellement vidé la motion de sa substance. Ce qu'ils ont dit, c'est que nous aborderons cette question lorsque nous travaillerons sur la grande étude, ce qui ne se fera pas avant juin. Ici, ils disent que nous ne parlerons pas du logement avant le mois de juin, alors que tous ces nouveaux chiffres réitèrent le type de crise du logement que nous connaissons. Pour cela, ils ont supprimé tout ce qui était demandé.
Je ne peux pas la soutenir en raison de ce qu'ils ont fait.
Je parlerai de la motion qui a été présentée pour étudier le logement et de l'amendement qui a été présenté par le député libéral.
En réponse au point qu'il a soulevé, nous avons des témoins ici et nous étudions un projet de loi très important. Ces témoins, qui représentent la majorité des travailleurs dans tout le Canada, nous ont dit très clairement aujourd'hui que le logement est le principal problème pour un grand nombre de ces travailleurs.
Vous ne pouvez pas déménager ni louer si vous n'avez pas de travail. Vous ne pouvez pas trouver d'emploi si vous n'avez pas de maison. Nous savons que ces statistiques sont alarmantes. Plus particulièrement, selon un rapport de la RBC, c'était la « période la plus difficile jamais vécue pour s'acheter une maison » au Canada, si l'on se base sur les coûts de propriété en tant que proportion du revenu médian des ménages.
La motion présentée par mon collègue visait à étudier cette question et à en faire rapport à la Chambre des communes afin que nous puissions faire la lumière sur cette question.
La famille canadienne moyenne doit maintenant payer 63,5 % de son revenu total avant impôt. L'amendement proposé supprime l'obligation de signaler la situation à la Chambre des communes, où elle serait débattue et où l'on pourrait réellement mettre en place une politique et une loi.
Il n'y a rien ici, alors je ne peux pas soutenir cet amendement.
Évidemment, je vais appuyer l'amendement présenté par les représentants du gouvernement, parce que la version originale de la motion est en fait une tactique dilatoire pour retarder la discussion sur le projet de loi anti-briseurs de grève et son adoption. Nous avons déjà prévu, au Comité, de faire une étude sur l'importante question du logement au mois de juin, et je pense que c'est raisonnable. Il faut tenir compte aussi de ce que nous ont dit les témoins ici aujourd'hui et lors de la précédente réunion, c'est-à-dire qu'il faut travailler avec diligence. Or, étant donné les dates qu'elle propose, la motion conservatrice retarderait l'étude du projet de loi C‑58, ce qui n'est pas acceptable pour nous, au NPD.
Par contre, j'aimerais proposer un sous-amendement. Dans l'amendement libéral qui nous a été présenté, il y a une différence entre la version anglaise et la version française. Dans la version française, on invite le gouverneur de la Banque du Canada, mais, dans la version anglaise, il n'est tout simplement pas mentionné. J'aimerais donc proposer un sous-amendement pour que les deux versions concordent et pour que le gouverneur de la Banque du Canada soit invité.
Quelqu'un veut‑il s'exprimer sur cet amendement de M. Boulerice?
Je vais demander la tenue d'un vote sur ce sous-amendement.
(Le sous-amendement est adopté par 11 voix contre 0.)
(L'amendement modifié est adopté par 7 voix contre 4.)
(La motion modifiée est adoptée par 11 voix contre 0. [Voir le Procès-verbal])
Le président: Dans l'intérêt des témoins, je vais conclure la deuxième série de questions, qui sera de cinq minutes chacun pour M. Collins, Mme Chabot et M. Boulerice. Nous examinerons par la suite les travaux du Comité.
Nous avons déjà abordé cette question. Lorsque vous présentez une motion pendant votre temps de parole, l'horloge tourne jusqu'à ce que le temps expire. Si vous terminez avant, nous revenons au député. Il lui restait deux minutes et demie sur son temps de cinq minutes lorsqu'il a présenté la motion, et nous avons utilisé environ 15 minutes sur cette question, si bien que nous l'avons donc déjà examinée, et j'ai pris ma décision à ce sujet.
Madame Bruske, je viens de Hamilton. Des conflits légendaires s'y sont déroulés dans le passé, impliquant les Métallurgistes et le recours à des travailleurs de remplacement, des briseurs de grève, dans les années 1940. Des livres ont été écrits à ce sujet et sur leur lutte pour une semaine de travail de 40 heures. Stelco a eu recours à des travailleurs de remplacement, et je pense que, comme vous l'avez dit, des décennies plus tard, les gens se souviennent encore de ces histoires et de cette lutte. Cela a créé une relation très conflictuelle. Même après la fin de la grève de 80 jours, le conflit et les relations entre l'employeur, les employés et le syndicat ont tourné au vinaigre pendant des décennies.
Pouvez-vous parler de l'incidence du recours à des briseurs de grève sur le lieu de travail une fois les conflits réglés, qu'il s'agisse de perturbations à court, moyen ou long terme?
Pour les travailleurs, retourner sur les lieux de travail après un conflit de travail et des jours de piquetage, surtout lorsque l'employeur a eu recours à des briseurs de grève qui ont littéralement enlevé le pain de la bouche de leurs enfants, ce n'est pas une chose qu'ils oublient ou finiront par oublier. La situation et l'atmosphère au travail deviennent alors extrêmement difficiles. Cela instille une méfiance et une animosité permanentes et rend chaque cycle de négociation ultérieur d'autant plus ardu.
Pour en arriver à une bonne convention collective, il faut qu'il y ait une certaine relation de confiance. Cela ne veut pas dire que les parties doivent être d'accord, mais il faut qu'elles puissent s'asseoir ensemble pour examiner les problèmes et vraiment comprendre le point de vue de l'autre partie et les problèmes auxquels elles doivent trouver une solution.
La meilleure façon d'y parvenir, c'est d'avoir une relation de confiance pour pouvoir régler les problèmes difficiles. Pour pouvoir parler des problèmes, les travailleurs doivent sentir qu'ils sont traités avec dignité lors des discussions.
Lorsque, dans le cadre d'un conflit, les travailleurs sont essentiellement écartés et remplacés, ils n'ont alors aucune empathie pour leur employeur et la confiance n'est pas là pour qu'ils puissent exprimer leurs préoccupations.
Il faut ensuite des décennies pour rebâtir la confiance, et il faut souvent de nouveaux dirigeants pour, en fait, rebâtir la relation.
La Chambre de commerce du Canada a envoyé une lettre au Comité au sujet des répercussions que le projet de loi aura sur la vie quotidienne des Canadiens s'il est adopté. On y parle de la perturbation des services de télécommunications et de notre capacité à pouvoir voyager en cas de grève ou de lock-out. On y parle aussi des répercussions sur l'économie et du fait que certains investisseurs pourraient hésiter à voir le Canada comme un pays où investir.
Pouvez-vous nous parler de ces commentaires et nous dire si vous les jugez fondés?
Je pense que ces commentaires sont un peu alarmistes. Au bout du compte, ce que nous voulons, c'est que les employeurs se présentent à la table avec l'objectif précis de conclure une convention collective. Quatre-vingt-quinze pour cent des conventions collectives sont signées sans conflit de travail et sans interruption ou arrêt de travail. Dans les cas où il y a un conflit ou un arrêt de travail, un petit nombre d'employeurs ont recours à des briseurs de grève.
Ce que nous essayons d'empêcher ici, ce sont les exemples flagrants où les employeurs n'ont aucune intention de conclure une convention collective. Ce qui me préoccupe le plus, c'est la réalité économique des travailleurs qui doivent faire du piquetage.
Une fois le projet de loi adopté, certaines provinces se pencheront sur cette question et entreprendront des études au sein de comités comme le nôtre, et elles vont parler de la Colombie-Britannique et du Québec, de l'incidence que la loi a eue dans ces provinces, et parler des avantages et des gains qui en découleront pour les syndicats et leurs membres. Comment cela va‑t‑il aider d'autres provinces et territoires qui pourraient examiner ce projet de loi un jour et se dire: « Vous savez quoi? Nous devrions faire de même. »
Je pense que ce projet de loi modernise simplement les relations de travail au Canada, et il est plus que temps que nous le fassions. Ces mesures devraient être en place depuis des décennies.
Nous constatons que le soleil se lève encore au Québec et en Colombie-Britannique, alors les conséquences ne sont pas épouvantables. Il s'agit en fait de rétablir l'équilibre à la table de négociation pour aider les parties à conclure une convention collective équitable.
Je serais d'accord pour que ce projet de loi s'applique à tous les employés de la fonction publique. Nous pensons que c'est un oubli et qu'il devrait protéger tous les employés.
J'aimerais aborder un autre aspect. Le but d'un projet de loi anti-briseurs de grève n'est pas de générer des conflits; c'est plutôt le contraire. On entend parfois des gens dire que, si de telles dispositions législatives sont en place, les conflits vont s'envenimer et durer plus longtemps, mais c'est faux.
On oublie un élément dans l'équation et j'aimerais que vous m'en parliez. En fait, vous l'avez déjà mentionné. Le remplacement de grévistes constitue un obstacle à des relations de travail harmonieuses et peut constituer une violation du droit de grève, qui est maintenant reconnu par la Charte canadienne des droits et libertés, laquelle fait partie intégrante de la Constitution.
Pouvez-vous nous expliquer de quelle manière ces dispositions législatives vont contribuer à des relations harmonieuses, et non avoir l'effet contraire?
Bien sûr. Nous considérons le droit de grève comme un droit garanti par la Charte, et nous croyons que le droit de grève est, en fait, le droit d'obtenir une convention collective équitable. Comme je l'ai mentionné au début, aucun travailleur ne se rend à une table de négociation en se disant qu'il veut faire la grève pour avoir une pause du travail. Personne ne dit cela.
En fait, ce que les gens veulent, c'est une entente équitable pour pouvoir nourrir, loger et vêtir les membres de leur famille, et ils veulent avoir de bonnes relations avec leur employeur pour remédier aux problèmes sur leurs lieux de travail, qu'ils soient liés à la santé, la sécurité, le respect, la dignité, les heures de travail, la formation, ou à tout autre chose.
Ce projet de loi force les deux parties à adopter une approche très réfléchie à la table de négociation. Il les force à vouloir conclure une convention collective, à régler les problèmes, et à profiter de l'occasion pour avoir des discussions approfondies, au lieu de dire sur un ton désinvolte « non » ou « on a besoin de cela, et c'est tout ».
Le droit de grève, le droit à la négociation collective et le droit à la représentation sont des droits garantis par la Charte et ils sont essentiels pour nous, et il s'agit simplement de moderniser ce qui doit l'être dans les relations de travail au Canada.
Madame Bruske, vous avez parlé du délai de 90 jours, que vous trouvez un peu trop long et que vous voudriez voir être réduit à 45 jours.
Dans les discussions que nous avons eues auparavant, il a beaucoup été question des ressources du Conseil canadien des relations industrielles, par exemple de ses ressources humaines, de ses ressources financières et de sa capacité de formation. Tout ça n'est pas écrit dans le projet de loi, mais ça a un impact dans la vraie vie. Je pense notamment à la capacité d'aller vérifier s'il n'y a pas secrètement des travailleurs de remplacement qui sont utilisés, d'avoir des inspecteurs sur le terrain, ou de faire des enquêtes et des vérifications.
À votre avis, à quel point est-ce important que le Conseil ait ces ressources?
J'ai beaucoup de respect pour le Conseil canadien des relations industrielles, pour sa présidente, pour tous ses employés qui travaillent très fort pour veiller à ce que les travailleurs et les employeurs soient traités équitablement lors d'un conflit, quel qu'en soit l'enjeu.
Il faut s'assurer que le conseil dispose de ressources suffisantes, qu'il peut recruter et former ses employés et qu'il dispose d'employés permanents qui sont bien formés et ont des années d'expérience. Le médiateur ou le conciliateur doit tenter d'intervenir dans des situations difficiles, alors il a besoin d'avoir la confiance et le respect des parties, et d'avoir une capacité acquise sur plusieurs décennies de comprendre les nuances à la table des négociations et de comprendre d'où provient la pression du côté tant de l'employeur que du groupe d'employés, et de pouvoir offrir son aide à ces groupes.
Il est crucial de s'assurer que le Conseil canadien des relations industrielles dispose des ressources dont il a besoin afin qu'il puisse faire le travail difficile dont nous sommes tous tributaires au sein de la société.
Merci beaucoup. Je suis tout à fait d'accord avec vous, évidemment. Je voulais simplement qu'on insiste sur cet aspect.
Vous avez parlé du délai de mise en œuvre de 18 mois. Nous sommes au printemps 2024. Le Comité fait actuellement l'étude du projet de loi, qui retournera ensuite devant la Chambre et sera étudié à l'étape de la troisième lecture, avant d'être envoyé au Sénat. Or, puisque le gouvernement actuel est minoritaire, nous ne savons pas quand auront lieu les prochaines élections fédérales.
Vous avez plaidé pour une diminution du délai de 18 mois. Quelles seraient les conséquences du maintien d'un délai aussi long?
Encore une fois, cela aurait pour conséquence d'augmenter les risques de grève au cours de cette période de 18 mois.
Nous voulons en arriver à un point où les parties ont davantage d'incitatifs à vouloir conclure une convention collective à la table de négociation. Nous pensons que 18 mois, c'est beaucoup trop long. Nous souhaitons une période beaucoup plus courte. Cela veut donc dire que le Conseil canadien des relations industrielles doit être doté de ressources suffisantes et qu'on réponde à ses besoins pour qu'il puisse s'occuper du volet des services essentiels, rendre des décisions plus rapidement et s'assurer de recruter du personnel en prévision de l'adoption de ce projet de loi.