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Bonjour. La séance est ouverte.
Bienvenue à la 121e réunion du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes. Nous soulignons que nous nous réunissons sur le territoire non cédé des peuples algonquins anichinabés.
Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 5 juin 2024, le Comité poursuit son étude du projet de loi , Loi concernant l'eau, les sources d'eau, l'eau potable, les eaux usées et les infrastructures connexes sur les terres des Premières Nations.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre premier groupe de témoins. Du Chiefs Steering Committee on Technical Services, nous avons le chef Rupert Meneen de la Première Nation Tallcree; le chef Sheldon Sunshine de la Sturgeon Lake Cree Nation; Vaughn Paul, qui est directeur général de la First Nations Technical Services Advisory Group; et Norma Large, conseillère en politiques, du First Nations Technical Services Advisory Group. Nous accueillons également le chef Joe Miskokomon, de la Première Nation Chippewas of the Thames. Par vidéoconférence, nous avons aussi Heather Exner-Pirot, directrice d'Énergie, ressources naturelles et environnement à l'Institut Macdonald-Laurier. Enfin, nous souhaitons la bienvenue à la cheffe Taralee Beardy, qui est en ligne.
Il est formidable de voir nos témoins.
Nous allons commencer par les déclarations liminaires. Je ne sais pas quel représentant du Chiefs Steering Committee on Technical Services veut prendre la parole en premier, mais nous allons commencer...
Y a‑t‑il un problème?
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Merci, monsieur le président.
Tansi, honorables députés du Parlement. Au nom de notre comité de chefs, merci de nous donner cette occasion pour parler du projet de loi .
Avant de commencer, j'aimerais souligner que je prends la parole sur les terres non cédées du peuple algonquin.
Cela dit, je vais aller droit au but.
Depuis environ un an, au Chiefs Steering Committee on Technical Services, un comité dont les membres nommés se penchent sur la question de l'eau et la gestion de l'eau en Alberta, nous surveillons la progression du projet de loi . En tant que comité, nous avons regardé de loin l'état d'avancement de cette mesure législative, puisque nous n'avons pas participé au processus, ce qui est regrettable et inacceptable — du moins pas avant qu'il ne soit déjà rédigé. Ce projet de loi ne répond pas à nos besoins et à nos attentes. Nous savons que nous ne sommes pas les seuls dans cette position. En Alberta, nous avons beaucoup de problèmes régionaux liés à l'eau auxquels nous devons nous attaquer et que nous devons intégrer dans cette mesure législative. Sans notre participation concrète, ce projet de loi sera un échec pour les Premières Nations et leurs gouvernements.
Pour que cela figure au compte rendu, nous devons dire ici qu'on se sert de l'Assemblée des Premières Nations pour fabriquer un consentement. Cela ne doit pas être permis. À la dernière réunion de l'Assemblée en juillet, une résolution pour soutenir le projet de loi a obtenu l'appui de seulement 100 Premières Nations parmi plus de 600, et le Canada a pourtant assuré qu'il y avait eu une forte participation et un appui solide des Premières Nations tout au long de l'élaboration du projet de loi, à chaque occasion. C'est faux. Le Canada continue de se cacher derrière l'Assemblée de Premières Nations pour fabriquer un consentement et donner suite aux choses mêmes dont nous voulons parler avec vous aujourd'hui.
Veuillez noter que notre comité va déposer une évaluation approfondie de nos préoccupations, qui comprendra d'autres problèmes concernant des aspects précis de la mesure législative proposée. Nous savons que votre comité n'a pas encore procédé à l'examen ligne par ligne.
Aujourd'hui, je veux prendre un peu de temps pour en dire plus sur nos profondes préoccupations par rapport à la façon dont le projet de loi ignore un travail inachevé relativement aux traités. Le projet de loi C‑61 ne tient pas vraiment compte et n'intègre pas vraiment dans son cadre nos droits inhérents et nos droits issus de traités en matière d'eau pour s'attaquer aux problèmes liés à l'eau et à la gestion de l'eau. Les relations découlant des traités sont ignorées dans cette loi. C'est inacceptable pour nous en tant que nations signataires de traités.
Les nations visées par les traités no 6, 7 et 8 possèdent une compétence inhérente par rapport à l'eau sur leurs territoires. Nous avons des liens sacrés, spirituels et culturels avec l'eau. La santé et la protection de l'eau pour les générations actuelles et futures sont essentielles pour notre bien-être. Le Canada ne peut pas continuer de laisser tomber nos peuples à cet égard, mais c'est pourtant ce qu'il fera si le projet de loi préserve sa forme actuelle. Il y a une petite référence dans ce projet de loi aux traités modernes d'autonomie gouvernementale, mais pas une seule référence à nos traités numérotés. Nous voulons savoir pourquoi.
Cela nous amène à un problème qui semble être l'éléphant dans la pièce, à savoir que cette mesure législative continue de nier nos droits inhérents et issus de traités relativement à l'eau. C'est une lacune fondamentale du projet de loi dans sa forme actuelle. Le Canada se vante des zones de protection, un concept établi dans cette mesure législative. En théorie, cela pourrait être, espérons‑le, une amélioration par rapport au statu quo, mais seulement — et j'insiste sur le « seulement » — si on a un partenaire gouvernemental qui fait preuve de bonne volonté. C'est une pensée un peu fantaisiste. Il n'y a rien de contraignant dans ce concept. Il n'est accompagné d'aucune obligation juridique et n'a pas de mordant.
Que se passe‑t‑il si le partenaire gouvernemental ne fait pas preuve de bonne volonté? En Alberta, les Premières Nations ont été exclues d'importantes initiatives de planification de l'utilisation des eaux, et le projet de loi et l'ajout de zones de protection ne garantissent en rien que cette situation va changer. C'est la réalité actuelle pour nous en Alberta, une province qui, comme vous l'ont dit nos collègues et dirigeants visés par le Traité no 7, continue d'affirmer qu'elle possède toutes les eaux dans ce qui s'appelle la province de l'Alberta. Nous sommes ici aujourd'hui pour rappeler aux parlementaires que l'Alberta est une entité constituée en personne morale qui n'a pas de souveraineté. En fait, la province a été créée longtemps après la conclusion de nos traités en 1876, 1877 et 1899. Nous n'avons jamais cédé ou renoncé à nos droits inhérents et à nos territoires, ce qui comprend les eaux.
Ce qui s'est produit au fil du temps s'est fait graduellement et s'est révélé être une ingérence complète dans notre mode de vie. Les gouvernements qui se sont succédé au Canada, qu'il s'agisse des libéraux ou des conservateurs, continuent de ne pas respecter et de ne pas honorer nos droits issus de traités et de se moquer de nos relations fondées sur les traités. Nous vous demandons de réexaminer ce projet de loi. À défaut de quoi, sachez que vous allez être complices du prolongement de la situation.
L'enjeu ici, c'est l'honneur de la Couronne. Nous nous attendons, comme l'affirme le plan d'action du Canada relatif à la déclaration des Nations unies, à ce que le pays entretienne des relations de bonne foi en vertu des traités.
Je vais m'arrêter ici et je suis prêt à répondre aux questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis le chef Joe Miskokomon de la Première Nation des Chippewas de la rivière Thames. J'aimerais également vous présenter un de nos conseillers et représentants de la jeunesse, Kingson Huff.
D'abord et avant tout, je tiens à souligner que nous sommes sur les terres des Algonquins anichinabés. Je souhaite également souligner que nos ancêtres et notre mode de vie naturel, nos terres et nos cours d'eau existent ici. Je souhaite aussi saluer le gouvernement et les représentants qui prennent place à cette table et qui entreprennent cette tâche ardue qui consiste à offrir aux Premières Nations une eau potable propre et les infrastructures connexes.
J'aimerais commencer mes propos en exprimant tout d'abord mon appui à la délégation des chefs de l'Ontario et à son travail de représentation pour souligner le besoin criant de faire avancer ce dossier à l'aide d'un financement durable. Je veux d'ailleurs me pencher un peu sur le financement.
Rien n'est proposé pour transmettre la compétence aux Premières Nations afin de créer un modèle économique qui nous permettrait, en tant que particuliers ou groupes, de concevoir nos propres modèles économiques qui seraient raisonnables et durables dans une zone géographique locale donnée. Je pense qu'il est important de donner des moyens non seulement à la commission des eaux proposée, mais aussi aux Premières Nations en prenant connaissance et en faisant la promotion de moyens de trouver des solutions de gestion durable de l'eau au sein de leurs propres régions.
Il n'est plus satisfaisant que Services aux Autochtones Canada prenne simplement place à la table pour dire que puisque nous près de la ville de London, nous devrions être en mesure de nous connecter aux canalisations du réseau du lac Huron parce que c'est plus abordable. En fait, nous cherchons des solutions au problème de l'eau à Chippewa depuis 20 ans. Tout ce qui s'est fait, c'est une succession d'études depuis environ deux décennies. À ce stade‑ci, lorsque le gouvernement vient nous voir pour dire que nous pouvons nous brancher aux canalisations municipales, personne ne sait si ces canalisations peuvent supporter la croissance de l'économie régionale dans la ville de London. Personne n'a fait cette étude. Nous sommes l'une des régions dont la croissance est la plus rapide au Canada, une région où on propose une liaison ferroviaire à grande vitesse dans un proche avenir. La croissance est exponentielle dans la ville de London.
Permettez-moi de vous donner un exemple de la façon dont, dans les faits, une partie de cette croissance exponentielle a des répercussions pour nous. Nous surveillons la rivière Thames, ou Deshkan Ziibi, qui s'écoule à côté de notre collectivité. Sept millions de litres d'eaux d'égout partiellement traitées ou non traitées ont débordé dans cette rivière au cours des cinq dernières années.
Permettez-moi de mettre cela en perspective, mesdames et messieurs. C'est l'équivalent de 537 piscines olympiques. Les répercussions sur cette rivière... Nous ne pouvons plus nous en servir pour assurer notre subsistance. Elle est beaucoup trop polluée, peu importe si les lignes directrices en matière d'environnement de l'Ontario sont respectées. C'est l'effet cumulatif sur cette rivière. Les dommages sur le plan écologique et environnemental qui ont eu lieu au cours de ma vie sont prononcés, et c'est le moins que l'on puisse dire. L'aquifère de cette rivière est une de nos principales sources d'eau.
Nous avons des solutions de fortune aux systèmes de filtration d'eau. Dans la collectivité, nous avons un système de distribution non viable qui a 35 ans. À ce stade‑ci, nous l'exploitons à 115 % et il y a des bris presque tous les jours. Chaque surtension ou panne de courant se traduit par un arrêt du système. Nous sommes près du point de rupture.
Bien que, dans les faits, c'est une occasion de se pencher sur une nouvelle mesure législative, je vous mets au défi de dire que c'est aussi l'occasion d'envisager de nouvelles possibilités pour les Premières Nations. Comment pouvons-nous, puisque nous sommes si près de la ville de London, participer à la croissance économique actuelle dans notre région, alors que, en fait, nous n'avons pas d'infrastructures fiables, durables ou abordables à offrir à l'industrie?
Nous ne sommes pas tributaires des ressources naturelles. Nous sommes dans une région de fabrication et de production qui nécessite une réforme de la main-d'œuvre, une réforme économique et une réforme de l'infrastructure. Le prix des terres et du logement, comme nous le savons tous, est un élément essentiel. Il augmente dans notre région, et c'est intenable pour nous.
Je vous demanderais d'examiner cette question essentielle en adoptant le point de vue suivant: s'il existe une région économique qui peut présenter de nouvelles idées pour assurer la durabilité, l'abordabilité et le développement, il faut nous donner l'occasion d'être cette région et nous appuyer à l'aide d'une solution financière à long terme. Nous ne venons pas ici pour demander un financement initial. Nous sommes ici pour servir d'intermédiaire dans le cadre d'investissements dans nos collectivités afin de pouvoir investir dans l'économie et, par conséquent, coordonner les efforts déployés et collaborer avec les municipalités qui nous entourent dans le but d'avoir cette croissance économique durable.
Merci beaucoup de votre temps, monsieur le président.
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Monsieur le président et distingués membres du Comité, merci d'entendre mon témoignage.
Je ne suis pas ici pour remettre en question le droit des peuples autochtones à l'eau potable ou leur compétence en ce qui a trait à l'eau dans les réserves. Comme presque tous les Canadiens, j'estime que le manque d'accès à l'eau potable dans beaucoup de nos collectivités autochtones et du Nord est une source d'embarras. Je comprends que c'est une question technique et politique complexe, et je salue tous les efforts qui sont déployés de bonne foi pour régler le problème.
Ce qui m'intéresse plutôt, c'est ce qui se rapporte à mon travail d'analyste spécialisée dans l'exploitation des ressources et les affaires autochtones. Même si j'applaudis la motivation derrière ce projet de loi, j'estime qu'il est mal rédigé. Il utilise des termes généraux et est ambigu dans son interprétation et son application. Si on ne l'améliore pas, il va créer une incertitude inutile et probablement un conflit pour les Premières Nations, les propriétaires fonciers, les intervenants de l'industrie et d'autres ordres de gouvernement. Il reviendra aux tribunaux, à grands coûts publics et privés, d'essayer d'interpréter ce qu'on a l'intention de faire ainsi. Ce n'est pas dans l'intérêt des Premières Nations ou des Canadiens en général.
Je vais m'efforcer d'être plus précise.
Tout d'abord, de nombreux concepts clés ne sont pas assez définis ou sont mal définis dans le projet de loi. Cette circularité est particulièrement évidente dans la définition de « zone de protection ». Dans la partie sur les définitions, le projet de loi dit que le terme s'« entend au sens des règlements pris aux termes du paragraphe 21(1) », mais le paragraphe 21(1) dit que le « ministre prend des règlements définissant ce qui constitue une ''zone de protection'' pour l'application de la présente loi. » De toute évidence, ce terme n'est pas encore défini. Cela semble rétrograde et inutile, particulièrement après ce qui a été dit concernant la compétence des Premières Nations à l'égard des zones de protection et de leur importance dans le texte.
De la même façon, on trouve dans le libellé les termes « adjacente » et « sources d'eau » sans qu'ils soient définis, même s'ils pourraient être interprétés de bien des façons et avoir de très importantes connotations dans le projet de loi.
On utilise aussi constamment le terme « terres des Premières Nations », qui est mal défini en droit canadien, plutôt que d'utiliser les termes bien définis. Pour moi, il y a une énorme différence entre « réserves » et « terres réservées pour les Indiens », selon le sens qu'on leur accorde à la catégorie 24 de l'article 91 des lois constitutionnelles, auxquelles la section des définitions renvoie, et les « terres des Premières Nations ». Ce dernier terme est souvent employé comme synonyme de « territoires des Premières Nations », qu'on utilise souvent pour parler de la majeure partie du Canada, à l'exception des terres inuites. L'esprit et l'objet d'un terme comme « terres des Premières Nations » créent des attentes auxquelles le gouvernement n'a pas l'intention de répondre selon moi, tout comme les autres ordres de gouvernement en cas de conflit avec ceux‑ci. Je pense qu'il vaut mieux être précis d'un bout à l'autre du libellé.
Je vais vous présenter d'autres sources d'incertitude.
Premièrement, le projet de loi prévoit que le texte législatif d'une Première Nation l'emporte, « en cas d'incompatibilité, sur les dispositions du texte législatif d'une première nation », mais il ne dit pas ce qui se produit si deux ou plusieurs textes législatifs de Premières Nations sont incompatibles.
Deuxièmement, le projet de loi prévoit que la « quantité d'eau disponible sur les terres d'une première nation [doit permettre] de satisfaire les besoins de celle‑ci en matière de consommation individuelle, de préparation des aliments, d'assainissement , d'hygiène, de sécurité, de protection anti-incendie et de gestion des urgences », mais il ne dit pas ce qui se produit si l'eau disponible n'est pas adéquate.
Troisièmement, il engage le gouvernement du Canada a tenir compte des « connaissances ancestrales [des Premières Nations] dans toute prise de décision concernant les services relatifs à l'eau sur leurs terres, notamment en ce qui concerne les mesures liées à ces services permettant d'atténuer les changements climatiques. » Il pas du tout évident de savoir à quelles mesures on fait allusion, ni comment les services relatifs à l'eau pourraient aggraver ou atténuer les changements climatiques.
Je ne vais pas insister davantage sur l'élaboration ambiguë du projet de loi, et je vais transmettre mes questions par écrit au Comité pour qu'il soit plus facile d'y répondre. Je ne suis pas juriste, et je m'attends à ce que le gouvernement ait des juristes à sa disposition pour rendre le libellé plus rigoureux.
Cela dit, je veux conclure en soulevant le point suivant: il n'y a pas de vaste consensus, même au sein du gouvernement, pour dire que nous devons réduire les obstacles réglementaires et améliorer la certitude relativement aux permis pour réaliser des projets au pays. Nous avons besoin de grands projets et d'une infrastructure importante tout simplement pour maintenir notre qualité de vie — pour avoir des choses que la plupart des Canadiens tiennent pour acquises, mais qui commencent à être compromises — ainsi qu'une infrastructure et un développement de base dont de nombreuses collectivités autochtones ne profitent toujours pas.
Nos législateurs continuent toutefois d'adopter des mesures législatives et de promouvoir des politiques qui accentuent cette incertitude, qui freinent les investissements et qui font en sorte que les tribunaux devront intervenir à un moment donné, ce qui demandera beaucoup de temps et coûtera cher. Les mesures législatives mal rédigées n'aident pas les Premières Nations, mais elles ont un coût pour tous les Canadiens.
J'appuie une grande partie des outils proposés dans ce projet de loi pour assurer la salubrité de l'eau dans les réserves, y compris une compétence élargie, des normes plus élevées et un financement accru, mais je demanderais respectueusement que ce comité se serve de ses talents pour que le libellé soit clair, constructif et applicable dès le premier jour.
Merci de votre attention.
Je m'appelle Taralee Beardy. Je suis la cheffe de la nation crie de Tataskweyak. Je viens de Split Lake, une collectivité située à 900 kilomètres au nord de Winnipeg, au Manitoba. Nous avons environ 2 500 habitants dans la réserve.
Notre communauté se trouve sur les rives du lac Split, qui est alimenté par les deux plus grands cours d'eau du Manitoba, le fleuve Nelson et la rivière Churchill. Ces cours d'eau ont de vastes bassins hydrographiques qui comprennent le lac Winnipeg et qui s'étendent à l'ouest vers les Rocheuses et à l'est vers le nord de l'Ontario, et le réseau hydrographique de la rivière English, qui est pollué par le mercure. De nombreux polluants de ces systèmes se retrouveront dans le lac Split.
Pendant des siècles, l'eau du lac Split, du fleuve Nelson et de la rivière Churchill a été l'élément vital de notre peuple. Elle contenait toutes les ressources dont nous avions besoin: de l'eau pour boire, du poisson et de la faune pour se nourrir, et des plantes médicinales. Le poisson était autrefois un élément essentiel de notre alimentation et était présent dans chaque repas, mais à partir des années 1960, l'eau a changé. Alors que nous avions autrefois une eau potable parfaite juste devant nous, elle est devenue trouble et sale. Notre lac a été inondé. Les rives se sont érodées et nos plages ont disparu à cause de la réglementation artificielle du lac par Manitoba Hydro.
Nos aînés ont remarqué que la qualité de l'eau avait changé, et ils ne comprenaient pas pourquoi. C'est parce que Manitoba Hydro avait construit un barrage hydroélectrique à Kelsey à notre insu et sans notre consentement.
Cela a eu de nombreuses répercussions sur la santé de notre peuple. Les gens souffrent d'eczéma, de troubles gastro-intestinaux et de cancers. Il y a beaucoup de diabète et de maladies rénales et neuromusculaires. Le H. pylori était courant chez nous. Beaucoup de gens avaient des ulcères d'estomac. Nous ne permettions plus à nos enfants de nager dans les lacs parce qu'ils avaient des éruptions cutanées et des plaies.
Nos habitants ne pêchent plus dans le lac Split. Ils doivent se rendre dans les lacs du Nord, pour pêcher du poisson pour nos aînés et les membres de la communauté. Il n'y a pas d'aliments traditionnels dans notre alimentation. Nous privons les gens de leurs loisirs. Nous ne pouvons plus laisser les enfants se baigner et nous ne pouvons plus naviguer sur l'eau. C'est ce qui a été arraché à notre peuple.
Nous nous préoccupons aussi des infrastructures, qui sont insuffisantes. De toutes les maisons de notre communauté de Split Lake, 138 ont des réservoirs d'eau. Il faut financer d'autres infrastructures d'approvisionnement en eau. Nous avons environ quatre quartiers qui n'ont pas accès à des services de protection contre les incendies. Si un incendie se déclare, nous n'avons pas accès à des bornes-fontaines. Nous utilisons des camions-citernes, qui sont souvent en panne. Nous devons alors faire venir des camions de Thompson, au Manitoba, pour servir notre collectivité. Nous avons 138 maisons avec des réservoirs d'eau, et même cela représente un coût supplémentaire. Nous devons payer pour un camion de service parce que les infrastructures de notre collectivité ne suffisent pas.
Je pense que le Canada doit faire mieux, surtout en ce qui concerne l'eau. La vie, c'est l'eau. L'eau, c'est la vie. Tout ce dont nous dépendons est lié à l'eau.
Comme vous le savez, en 2019, Split Lake a intenté une poursuite contre le Canada pour cette raison. Nous avons dû nous battre pour notre droit à l'eau potable et, à ce jour, nous n'en avons toujours pas. Je suis très heureuse qu'une nouvelle usine de traitement de l'eau provenant d'une autre source, le lac Assean, soit construite. Toutefois, nous buvons encore de l'eau embouteillée.
Parfois, nous devons faire livrer de l'eau embouteillée dans notre collectivité. Il y a des moments où nous manquons d'eau, parce qu'il n'y en a pas assez pour tout le monde. Nous devons fournir de l'eau aux écoles, aux bureaux et au centre de santé. Pendant des années, le poste de soins infirmiers apportait son eau potable embouteillée, mais elle n'était pas destinée à notre communauté. Heureusement, nous avons maintenant de l'eau potable embouteillée, parce que notre usine actuelle de traitement de l'eau ne peut pas l'assainir suffisamment pour que nous puissions l'utiliser pour cuisiner ou laver nos enfants. Nos enfants ont encore des problèmes de peau.
Je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de vous faire part des problèmes auxquels fait face la collectivité de Split Lake.
Notre communauté est située au nord du 56e parallèle, et nous sommes à l'ouest du 96e parallèle, donc nous sommes dans le nord du Manitoba. C'est assez éloigné. Nous avons la chance d'avoir une route, mais d'autres collectivités n'en ont pas. C'est notamment le cas de la communauté de Shamattawa, située plus au nord. Nous soutenons également cette communauté, parce qu'elle n'a toujours pas d'eau potable en ce moment.
Merci.
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Cela m'amène à ma prochaine question.
On parle d'infrastructures à double usage ou à usage mixte. Je crois — comme vous — qu'il s'agit d'une solution possible pour construire des infrastructures liées à l'eau dans l'Arctique et dans ces collectivités autochtones.
Votre article fait référence au Comité permanent de la défense nationale et à son étude de 2023 intitulée Un Arctique sécurisé et souverain.
Dans cette étude, on recommande:
Que le gouvernement du Canada s'assure, dans la mesure du possible et conjointement avec les gouvernements territoriaux et autochtones et les sociétés de développement autochtones, que les infrastructures militaires dans l'Arctique canadien bénéficient également aux populations qui y vivent, de manière à combler le déficit d'infrastructures de ces dernières.
Vous dites ensuite ceci dans votre article:
Lors d'une visite à Yellowknife dans les jours qui ont suivi l'annonce [de la mise à jour de la politique de défense] en avril 2024, le ministre des Affaires du Nord, Dan Vandal, a également affirmé qu'il y aurait « d'importantes possibilités d'investir dans des infrastructures polyvalentes » pour soutenir les opérations militaires dans le Nord. Mais comme l'a souligné la CBC, le ministre n'a pas expliqué en quoi consisteraient ces possibilités.
La mise à jour ne tient pas compte des recommandations et des exhortations des parlementaires à développer des infrastructures nordiques polyvalentes [...]
Voici les mots clés:
Encore une fois, il y a d'autres annonces, mais peu de résultats.
Voici un autre extrait de l'article:
L'une des causes importantes des échecs passés a été le manque de cohérence entre les objectifs politiques et les objectifs ministériels. Cependant, dans le cas des infrastructures polyvalentes, il y a lieu de croire qu'il est possible d'adopter une vision commune qui appuie à la fois les besoins du ministère de la Défense et les objectifs du Parlement.
Encore une fois, avec toutes ces annonces sans fin qui n'entraînent que peu de résultats, ma dernière question pour vous est la suivante: compte tenu des menaces réelles et actuelles à la souveraineté de l'Arctique, êtes-vous convaincue que le gouvernement actuel réussira à faire construire des infrastructures essentielles d'approvisionnement en eau?
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Merci, monsieur Zimmer.
Merci, monsieur le président, de m'accorder un peu de temps.
J'aimerais revenir au Comité directeur des chefs sur les services techniques. Dans la déclaration préliminaire, on a dit que peu de Premières Nations étaient favorables au projet de loi, par rapport à la situation nationale.
Je crois que le chef Sunshine a parlé de fabrication du consentement. Cela me rappelle un communiqué de presse publié par le Comité peu après la publication de ce projet de loi, où le chef Meneen disait que le projet de loi se résumait à donner de l'argent aux Premières Nations en les laissant se débrouiller.
Chef Meneen, pouvez-vous nous en dire plus sur les observations préliminaires du chef Sunshine, sur la raison pour laquelle vous avez ainsi décrit le projet de loi et sur la façon dont le processus de consultation s'est déroulé? Quelles sont les lacunes à cet égard?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie nos témoins d'être avec nous ce matin, en particulier les chefs. Je sais à quel point vous êtes occupés et à quel point votre temps dans les collectivités est précieux.
Je vais prendre quelques minutes pour souhaiter un très joyeux anniversaire à mon neveu aujourd'hui. J'espère qu'il verra cet extrait à un moment donné. Je ne sais pas s'il s'est levé si tôt et s'il regarde les délibérations du Comité, mais je voulais lui dire: joyeux anniversaire, Robbie.
Pour commencer, je tiens à souligner que nous sommes tout à fait engagés dans ce dossier. Je pense que ce projet de loi affirme les responsabilités du gouvernement, y compris la responsabilité fiduciaire et notre rôle de partenaire en cas de litige à l'avenir. Il faut élever les normes et veiller à ce que les collectivités aient accès à ces excellents services. Il n'est pas question d'offrir le strict minimum, mais bien d'aller au‑delà de ce que je pense que nous voulons voir dans le reste du pays également. J'ai vraiment l'impression que c'est ce que nous essayons de faire avec ce projet de loi.
J'aimerais commencer avec le chef Miskokomon. Pouvez-vous nous parler de certains des défis que vous avez rencontrés jusqu'à présent en ce qui a trait à la levée des avis à long terme concernant la qualité de l'eau potable dans votre collectivité? Est‑ce un processus simple? Quels sont certains des défis que vous avez dû relever?
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Tout d'abord, il est difficile de faire lever un avis d'ébullition d'eau dans une communauté. Puis, les défis sont techniques et financiers. Il y a aussi des problèmes liés à la chaîne d'approvisionnement, à la livraison, aux personnes âgées et à la nécessité de répondre aux besoins spéciaux des enfants qui en ont. Tellement de mesures doivent être activées d'un seul coup dans le plan d'urgence lorsqu'un avis d'ébullition d'eau est émis. Qui plus est, il faut composer avec les enjeux techniques: des ingénieurs doivent venir sur les lieux, et des essais doivent être effectués. Nous n'avons pas les ressources pour effectuer des essais, ici, dans la ville de London.
Pendant la pandémie, nous étions visés par un avis d'ébullition d'eau, et nous essayions constamment d'analyser notre eau pendant cette situation d'urgence — pas seulement une urgence pour nous, mais pour tout le Canada et le monde entier. Or, l'obtention de ce service n'est pas simple. L'avis d'ébullition d'eau ne disparaît pas d'un seul coup à la suite des analyses. Certains jours, l'eau est « bonne », puis, peu de temps après, sa qualité diminue à nouveau. Le simple fait de livrer des filtres à l'usine de traitement des eaux lorsque les ressources sont utilisées à 110 ou 115 %... Je peux dire au Comité que le filtre à micron qui est nécessaire pour effectuer la dernière filtration dans le système n'a duré que deux jours. Ces filtres coûtent 400 $, de sorte que les coûts ont augmenté de façon exponentielle pour essayer de remettre le système en service.
L'analyse ne suffit pas. Il faut passer par toutes sortes d'étapes graduelles pour essayer de remettre le système en service et assurer la qualité de l'eau pendant un certain temps. Il faut également répondre aux besoins immédiats de la communauté et des ménages. Puis, le chef et le conseil ont une imputabilité par rapport à la remise en service et la qualité du travail technique effectué, et sont donc responsables de ne pas nuire aux membres de notre communauté.
Je pense qu'il serait aisé de voir les droits dans le projet de loi comme vous le suggérez, mais comme le chef l'a mentionné, le droit inhérent à l'autodétermination, qui a été défendu à la Cour suprême, ne reflète pas nécessairement la façon dont nous percevons notre droit inhérent à l'autodétermination. Bien que la Cour suprême brandisse manifestement le spectre de la capacité des Premières Nations à prendre en charge un certain type de compétence en matière de services à l'enfance et à la famille, dans ce projet de loi, nous avons l'impression que c'est dans le travail inachevé entourant les traités que notre droit inhérent se manifeste. Le droit inhérent est ce qui a permis à nos nations de conclure des traités, de sorte que si nous adoptions cet angle — celui de nos droits issus de traités ou de notre relation fondée sur les traités avec la Couronne —, nos droits inhérents seraient automatiquement reconnus.
Les chefs de notre région sont très marqués par la situation et ils se demandent pourquoi nous devons passer par la Cour suprême du Canada pour obtenir quelque chose que nous avons déjà. Si nous suivions cette logique, on reconnaîtrait déjà le stade où nous sommes dans la relation fondée sur les traités dans la province que les gens appellent l'Alberta. D'ailleurs, nous rappelons à tous les participants de la réunion que nos peuples étaient ici bien avant qu'il y ait une province qui s'appelle l'Alberta. Si nous partions de ce principe, le droit inhérent serait respecté. Cependant, nous n'en sommes pas là, et nous devons donc continuer à passer par les tribunaux nationaux pour essayer de le faire reconnaître.
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Merci, monsieur le président.
Comme je le disais, tout comme vous, je me demande si le projet de loi est aussi robuste qu'on le prétend. Le gouvernement du Canada fait souvent preuve d'une certaine forme de complaisance. Pour le dire en bon québécois, les bottines ne suivent pas toujours les babines.
Si on souhaite une véritable réconciliation économique, conséquemment, il faudra aussi aborder les véritables problèmes que vivent les Premières Nations et les conséquences liées à certains enjeux.
Par exemple, chef Miskokomon, que pensez-vous du fait que le projet de loi C‑61 ne traite pas de la gestion des ressources naturelles ni des décisions en ce qui concerne la transition énergétique?
Voulez-vous participer à la prise de décision et faire partie de la solution?
Comment cela se répercute-t-il sur vos droits en matière de gestion de l'eau et du territoire?
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Dans sa forme actuelle, je ne crois pas que le projet de loi réglerait adéquatement d'autres problèmes liés aux Premières Nations.
Nous négocions des revendications territoriales dans le Sud-Ouest. Nous avons déjà reçu l'autorisation de racheter des terres, qui couvrent plus de 8 000 acres. Pensons à la région confinée du Sud-Ouest de l'Ontario. C'est une vaste étendue de terre. Il faut compter plus de 20 ans lorsque nous essayons d'ajouter des terrains aux réserves.
Nous sommes en négociation et en discussion avec Services aux Autochtones Canada, ou SAC, depuis 20 ans pour améliorer la qualité de l'eau. Pour l'instant, ces nouvelles terres demeureront principalement agricoles. En fait, nous sommes dans le centre industriel. Certains des terrains que nous avons obtenus se trouvent à moins de dix kilomètres de l'échangeur des routes 401 et 402, où il y a énormément de circulation industrielle dans les deux sens. Une usine de Volkswagen se trouve à Saint-Thomas, à 20 kilomètres de chez nous.
Il y aura toute une série d'industries secondaires dans cette région. Si nous ne pouvons pas mettre en avant les trois points principaux et importants que sont la fiabilité, la durabilité et l'abordabilité, nous ne parviendrons jamais à une réconciliation économique avec le libellé actuel du projet de loi. Il doit prévoir un mécanisme sûr et souple afin de créer un régime de financement pour que les Premières Nations contrôlent non seulement le système, mais aussi le mécanisme financier avec lequel nous devons évoluer et faire concurrence aux administrations municipales.
Je suis heureuse d'être de retour au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord pour discuter du projet de loi . Cependant, je ne suis pas sans savoir que la semaine prochaine, à Ottawa, une équipe d'avocats embauchés par le gouvernement libéral se retrouvera dans une salle d'audience pour se battre contre 59 Premières Nations, y compris la Première Nation Shamattawa, ici dans ma circonscription, sur la question même de l'eau potable.
Il est très important que nous dénoncions sans ambages l'hypocrisie dans le fait même que les Premières Nations de notre région — comme Shamattawa, la nation crie de Tataskweyak et d'autres — souffrent en raison d'avis d'ébullition de l'eau à long terme. Depuis des années et des décennies, elles se battent pour avoir accès à de l'eau potable et ont dû intenter des poursuites contre le Canada pour pouvoir exercer ce droit très fondamental.
Je pense également qu'il est hypocrite de la part des libéraux de continuer à dire que le projet de loi est la panacée alors qu'ils se battent devant la Cour suprême contre des Premières Nations comme Shamattawa, que nous recevrons la semaine prochaine. Shamattawa et d'autres Premières Nations demandent simplement à travailler concrètement avec le gouvernement fédéral pour fournir de l'eau potable à leurs membres. Au lieu de travailler et de collaborer avec elles, le gouvernement fédéral a choisi de se battre contre elles devant la Cour suprême.
Je pense que c'est une honte pour le Canada en 2024. C'est une honte dans un pays aussi riche que le nôtre. Tout Canadien serait stupéfait d'apprendre que les Premières Nations n'ont pas accès à l'eau potable, un droit de la personne fondamental. Au lieu de travailler avec elles pour trouver des solutions, le gouvernement fédéral choisit de se battre contre elles devant les tribunaux.
Ma première question s'adresse à la cheffe Beardy de la nation crie de Tataskweyak, ici dans notre région.
Cheffe Beardy, la nation crie de Tataskweyak a l'habitude de se battre contre le gouvernement fédéral. Votre communauté, aux côtés de la Première Nation de Neskantaga et de la Première Nation de Curve Lake, a affronté le gouvernement libéral et a gagné. D'ailleurs, votre communauté a porté sa lutte jusqu'aux Nations unies, et c'est avec fierté que j'ai appuyé votre cause.
Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé du gouvernement qui a profondément laissé tomber votre communauté et de l'eau dans votre communauté qui a rendu et continue de rendre les gens malades. Lorsque les fonctionnaires de SAC se sont rendus dans la nation crie de Tataskweyak et la nation de Split Lake, ils ont d'abord nié que l'eau était insalubre. Ils ont refusé d'effectuer des analyses pour trouver les contaminants qui faisaient du tort à vos membres. À l'époque, ils ont affirmé que votre eau continuait de respecter les lignes directrices approuvées, point à la ligne. C'est typique de la part d'un gouvernement qui respecte davantage les lignes directrices que les Premières Nations.
La situation s'est tellement détériorée que la nation crie de Tataskweyak a été obligée d'embaucher ses propres analystes pour convaincre le gouvernement fédéral d'agir. Une telle situation ne devrait pas exiger autant d'efforts.
Il y a trois ans, la vérificatrice générale a souligné les divers manquements du gouvernement fédéral par rapport à ses obligations envers la nation crie de Tataskwayak et les Premières Nations en matière d'eau potable. Le financement était insuffisant pour maintenir le personnel en poste. La formule de financement pour former les employés dans les usines de traitement de l'eau n'avait pas été mise à jour depuis plus de 15 ans. Le gouvernement refusait systématiquement de mettre à jour la liste de contaminants.
Nous entendons maintenant dire qu'une nouvelle usine de traitement des eaux est en préparation, mais vous avez souligné la pénurie constante d'eau potable. Avez-vous remarqué un changement au cours des trois dernières années, depuis que la vérificatrice générale a dévoilé cette information sur l'accès à l'eau potable dans votre Première Nation?
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Merci. C'est terrible de l'entendre.
Je tiens à souligner que la nation crie de Tataskweyak participe également à l'affaire qui sera portée devant la Cour suprême la semaine prochaine, aux côtés de la Première Nation Shamattawa et de 58 autres Premières Nations. Dans votre litige actuel sur l'incapacité du gouvernement libéral à fournir de l'eau potable aux Premières Nations, nous savons que les avocats du gouvernement font valoir que les Premières Nations n'ont pas de droit inhérent à l'eau potable. Ils disent aussi que, lorsque les ministres de ce gouvernement font des affirmations comme « Le manque d'eau potable pour les Premières Nations est inacceptable », il s'agit simplement, comme un avocat me l'a confié, « d'un théâtre politique et non pas d'affirmations qui devraient être prises au sérieux. »
Les avocats du gouvernement soutiennent que les engagements pris par les ministres pendant une campagne électorale, au Parlement ou lors de conférences de presse pour fournir de l'eau potable ne sont pas de réels engagements envers les Premières Nations.
À la lumière de vos batailles juridiques contre le gouvernement fédéral pour l'accès à l'eau potable et de l'expérience de la Première Nation crie de Tataskweyak, prenez-vous au sérieux les engagements du gouvernement à fournir de l'eau potable à toutes les Premières Nations?
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Nous poursuivons la réunion du Comité. Bienvenue à notre deuxième partie.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins du deuxième groupe.
Nous accueillons aujourd'hui, de la Première Nation de Neskantaga, le chef Chris Moonias et M. Darian Baskatawang. De la Bande indienne Okanagan, nous avons le chef Byron Louis et M. Nathan Surkan. Nous accueillons également le chef Henry Lewis, de la nation crie d'Onion Lake.
Nous commençons habituellement par les déclarations des témoins, qui ont cinq minutes chacun.
Qui va commencer? Le chef Moonias ou M. Baskatawang?
Chef, vous avez la parole. Vous avez cinq minutes.
Pour ceux qui ne me connaissent pas, je m'appelle Chris Moonias, chef de la Première Nation de Neskantaga. Pour vous situer, si vous ne le savez pas, Neskantaga se trouve à 430 kilomètres au nord de Thunder Bay. C'est une collectivité éloignée, accessible uniquement par avion.
Récemment, j'ai lu dans le MacIean's un article dans lequel on me décrit comme « grand » et « tranquille », mais on souligne que je fais des « déclarations percutantes » lorsque je m'exprime. J'espère donc que ma voix résonnera, ici. C'est peut-être parce que l'an dernier, à Queen's Park, j'ai été expulsé pour avoir crié « Non! » contre le Cercle de feu proposé pour mon territoire traditionnel, le territoire traditionnel des Neskantaga. J'espère que cela n'arrivera pas ici.
Quoi qu'il en soit, cette fois‑ci, je suis accompagné de Darian Baskatawang, notre avocat du cabinet d'avocats OKT. Il nous représente dans nos recours collectifs relatifs à l'eau potable. Darian est à mes côtés, à ma droite.
Aujourd'hui, cela fait 10 837 jours consécutifs que nous sommes sous le coup d'un avis d'ébullition de l'eau. C'est la plus longue période au Canada: presque 30 ans. Le 1 er février, cela fera 30 ans, et nous arriverons probablement à 30 ans. C'est quelque chose qui nous touche de près. Cela nous touche profondément, en tant que membres de la Première Nation de Neskantaga. Neskantaga est l'épicentre d'une histoire honteuse au Canada. Nous sommes remplis d'espoir par rapport aux modifications relatives au droit humain à l'eau et à l'élaboration conjointe d'un modèle de financement qui dépasse les engagements pris dans l'entente de règlement.
La protection de l'eau de source est primordiale pour nous. Les provinces ne veulent pas coopérer et menacent notre approvisionnement en eau. Tout cela pour l'argent et l'exploitation minière. Voilà pourquoi j'ai crié à Queen's Park. Voilà pourquoi nous avons adopté cette position. Nous voulons défendre et protéger notre environnement et notre eau. Nous avons demandé au premier ministre de la province de nous rencontrer. À ce jour, il n'a pas rencontré les Neskantaga.
À l'approche du 30e anniversaire de l'entrée en vigueur de l'avis d'ébullition de l'eau, l'accès à une eau potable propre et salubre demeure notre priorité absolue. Je vous exhorte à ne pas oublier que ce projet de loi touche concrètement la vie des gens. Ne pas adopter le projet de loi revient à nous condamner, ainsi que les collectivités comme la nôtre, à un manque d'accès permanent à une eau potable satisfaisant aux normes essentielles de qualité et de quantité prévues par la loi. Voilà pourquoi nous avons intenté un recours collectif avec les nations de Tataskweyak et de Curve Lake. Nous avons demandé des modifications législatives afin que soient reconnus les préjudices causés par l'inaction du gouvernement et l'incapacité du Parlement de faire plus que de dire « peut agir ».
Aujourd'hui, les gens de Neskantaga éprouvent divers problèmes de santé en raison de la contamination de l'eau: eczéma grave, problèmes de santé mentale chroniques, et autres crises sanitaires. Certains habitants de Neskantaga ne peuvent pas rentrer chez eux en raison de l'avis d'ébullition de l'eau. Des gens sont pris à Thunder Bay à cause de l'avis d'ébullition de l'eau. Certaines personnes ont eu l'autorisation de faire leur dialyse à domicile, mais elles ne peuvent pas rentrer chez elles à cause de l'avis d'ébullition de l'eau.
Le 2 janvier, c'est dans un cercueil que j'ai ramené mon meilleur ami à la maison parce qu'il n'avait pas pu rentrer chez lui. Il était pris à Thunder Bay. Il ne pouvait pas faire sa dialyse à domicile en raison de l'avis d'ébullition de l'eau. Un aîné est assis derrière moi. Sa femme ne peut pas rentrer chez elle à cause de l'avis d'ébullition de l'eau. Voilà pourquoi ce problème nous touche profondément.
L'entente de règlement que nous avons conclue représente un renouveau pour nous. Cette entente contient des dispositions clés visant à assurer la levée de l'avis d'ébullition de l'eau et à garantir que de nouveaux avis ne seront pas émis. C'est d'ailleurs la principale raison pour laquelle nous avons participé à ce recours collectif. Le plus important, pour nous, c'est l'adoption de normes relatives à l'eau pour nos collectivités afin qu'une telle situation ne se reproduise plus jamais, que ce soit chez nous ou dans toute autre Première Nation au Canada.
Il nous faut des normes de qualité et de quantité relatives à l'eau potable pour pouvoir cuisiner, faire la vaisselle, prendre une douche, et même laver nos bébés sans avoir à nous préoccuper des conséquences. Ce sont des choses que nous ne pouvons même pas faire, chez nous. Nous avons seulement 1,5 litre par personne pour faire tout cela. Imaginez ce que c'est d'avoir 1,5 litre pour faire tout ceci: nettoyer, faire la vaisselle, se laver, laver les bébés et cuisiner.
Quant au coût réel de l'exploitation, de l'entretien et de la modernisation des infrastructures, il convient de réorienter le discours afin de passer de la gestion de crise à la reconnaissance des droits. Le projet de loi représente des progrès, mais il doit prévoir le financement nécessaire pour satisfaire aux besoins et aux normes de qualité et de quantité de l'eau. Il doit également maintenir la protection des sources d'eau, qui est essentielle pour nos collectivités.
Le Parlement n'en a pas fait assez par le passé. Le « peut » d'hier doit fait place aux meilleurs efforts demain. Ce « peut », qui a causé tant de difficultés pour la Première Nation de Neskantaga pendant trois décennies, est insuffisant. Nous avons besoin d'action. Nous avons besoin de protection. Nous devons veiller à l'adoption d'une mesure législative pour nous protéger et nous assurer que cela ne se reproduira plus.
Le message de la Nation de Neskantaga est clair: adoptez ce projet de loi avec l'amendement proposé par le Comité consultatif des Premières Nations. Nous avons besoin que vous agissiez maintenant.
Nous ne demandons pas la perfection. Nous avons simplement besoin de vos meilleurs efforts. Nous ne voulons pas non plus tout recommencer. Ne recommencez pas. Il y a là une base sur laquelle nous pouvons travailler. Allons de l'avant.
Meegwetch.
Je m'appelle Byron Louis. Je suis le chef de la bande indienne d'Okanagan.
Tout d'abord, je suis membre de la Nation Okanagan Syilx, qui est située en Colombie-Britannique. La majorité de notre peuple se trouve dans les États de Washington, de l'Idaho et du Montana.
Nous avons de nombreuses terres sous bail. Nous louons des terres depuis 120 ans, probablement, pour en tirer des revenus et pour le bien de notre population. Nous avons diverses collectivités et réserves. La principale réserve est la réserve no 1, qui a une superficie de quelque 25 000 acres, je crois. Nous avons acquis de nombreuses terres supplémentaires hors réserve, ce qui porte la superficie totale à 31 000 ou 32 000 acres environ.
Nous avons un certain nombre de non-résidents en vertu d'un droit de tenure à bail, d'autres types de... et des parcs de maisons mobiles et des baux commerciaux le long du lac Okanagan. Nos terres de réserve offrent à nos collectivités un soutien depuis un bon moment, et c'est l'un des points que nous tenons à aborder.
L'une des questions qu'il faut comprendre, c'est celle des droits autochtones. À cet égard, le gouvernement se concentre toujours sur les aspects sociaux. Prenons les politiques de Services aux Autochtones Canada: tout tourne autour de l'aspect social. Cela crée des limitations quant à ce qui peut être considéré comme une utilisation et un avantage pour les peuples autochtones. Or, il importe de bien comprendre que les droits autochtones comprennent aussi une composante économique. Lorsqu'on étudie des formules ou des politiques, on ne peut pas avoir des politiques qui ne traitent que d'un seul aspect, à savoir la composante économique.
À titre d'exemple, selon la politique de SAC, chaque ménage a droit à 700 litres par jour, tandis que dans les collectivités voisines, c'est 2 800 à 3 600 litres par jour. Dans ce contexte, cela n'apporte aucun avantage économique à notre peuple, et je pense qu'il faut prendre cela en considération.
Nous n'avons pas accès à de l'eau propre pour répondre à nos besoins. C'est un fait indéniable, et d'autres en ont parlé. Nous ne sommes pas une collectivité éloignée. Par conséquent, il est inconcevable que nous n'ayons pas accès à des infrastructures adéquates d'approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées. Nos infrastructures sont vieillissantes et inadéquates, selon la formule que j'ai décrite, et SAC nous propose des solutions de traitement de l'eau inadéquates.
Pensons à Walkerton, en Ontario, et aux causes de cette tragédie. Nous avons ici la même formule qui mène au désastre. Ce genre de désastre se produit dans pratiquement toutes les réserves du Canada, même la nôtre.
Les sources d'eau ne sont pas protégées contre les activités agricoles, le ruissellement agricole, les fosses septiques non réglementées et d'autres sources de contamination. Chaque année depuis 2004, même le réseau communautaire de notre réserve la plus peuplée, la réserve no 1, a fait l'objet d'au moins un avis d'ébullition de l'eau.
Les réseaux privés ont fait l'objet de nombreux avis sur la qualité de l'eau potable, car selon la formule, toutes les terres n'ont pas une source d'eau potable. Lors du forage de puits, on ignore si l'eau est contaminée. Cela dépend des sols et de l'état des sols.
Encore aujourd'hui, de nombreux membres de la communauté n'ont aucune alimentation en eau à la maison ou aucun puits à proximité. À titre d'exemple, mon père est décédé il y a un an, à l'âge de 88 ans. Depuis le début des années 1980 et jusqu'à son décès, il était obligé de transporter de l'eau.
Nous avons des taux de cancer très élevés dans notre réserve. Nous avons eu des incidents qui ont touché 90 personnes atteintes du cancer; 30 d'entre elles sont décédées. Nous avons perdu ces membres. Ces cancers ne peuvent pas tous être liés à des facteurs génétiques, car dans certains ménages, le cancer touchait l'époux et sa femme. Dans un cas, l'épouse d'un homme venait de la Première Nation Stswecem'c Xgat'tem, située à environ 400 kilomètres de notre collectivité, et les deux sont décédés d'un cancer. Lui, d'un cancer de la gorge, et elle, d'un cancer du cerveau. Une personne qui habitait à moins de 300 pieds de là, en aval, est également décédée d'un cancer.
Lorsqu'on examine la situation, on constate que ce n'est pas uniquement un problème d'eau de mauvaise qualité et d'un approvisionnement en eau inadéquat. Le seul dénominateur commun, chez ces 90 personnes qui vivaient à divers endroits de notre réserve, c'est le réseau d'alimentation en eau.
Les personnes que nous avons perdues, ce sont des gens qui, dans un endroit à très faible population, conservaient notre langue traditionnelle, le nsyilxcən. Leur perte, c'est comme perdre une bibliothèque. C'est comme aller au centre-ville, ou à Bibliothèque et Archives Canada, et brûler toute une section. Voilà l'équivalent.
Le développement économique est limité en raison d'un approvisionnement en eau insuffisant. Cela nous ramène encore une fois à la nécessité de ne pas seulement considérer l'aspect social des droits autochtones. Il y a un volet économique qui est tout aussi important que l'aspect social. Au Canada, nos collectivités sont les seules où le développement se fait en tenant uniquement compte de facteurs sociaux. Partout ailleurs au pays, le développement se fait en fonction de considérations d'ordre social et économique. L'un paie pour l'autre. Cela ne fait que perpétuer cette dépendance à l'égard des largesses du gouvernement, à défaut d'un meilleur terme. C'est la seule façon de le décrire, car cela dépend du bon vouloir d'un gouvernement qui ne s'est pas montré amical envers notre peuple.
Je pense que mon temps est presque écoulé.
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Je tiens d'abord à dire que je suis très reconnaissant d'être ici aujourd'hui pour m'adresser au Sénat sur un sujet aussi délicat. Je m'appelle Okimaw Lewis et je suis le chef de la Nation crie d'Onion Lake. Je m'exprime sur le territoire non cédé et non abandonné de la nation algonquine anishinabe.
Nous avons adhéré au traité no 6 avec la Couronne britannique en 1876, avant que l'Alberta ou la Saskatchewan n'existent. À la signature du traité, nos ancêtres n'auraient pu imaginer ces nouveaux ordres de gouvernement ni les répercussions que nous constatons aujourd'hui. Notre traité garantit le maintien de notre e mode de vie — nous dans nos canoës et les colons dans leurs bateaux — sans ingérence. Notre traité est unique. Deux dispositions sont importantes pour la discussion d'aujourd'hui: la disposition relative à l'armoire à médicaments et la disposition relative à l'aide fournie en cas de famines et d'épidémies. Ces dispositions confirment les obligations continues de la Couronne relativement à notre santé et à la protection contre la famine et la maladie.
Notre accès à une eau saine et abondante est essentiel. Cet accès est lié à ces obligations et ne s'arrête pas aux limites de la réserve. Notre territoire s'étend à l'ensemble du territoire visé par le traité no 6. Notre réserve chevauche la frontière entre la Saskatchewan et l'Alberta, ce qui entraîne des difficultés supplémentaires pour ma nation. Onion Lake compte environ 7 000 membres et occupe un territoire d'environ 156 000 acres.
Pour être clair, nous rejetons le projet de loi dans son intégralité.
Je vais concentrer mon propos sur cinq problèmes.
Premièrement, la violation du traité et des droits inhérents. L'eau est sacrée et essentielle à tout. Notre relation à l'eau n'est pas tributaire de lois fédérales ou d'ententes avec les provinces. Ce projet de loi sous-entend que nous avons uniquement compétence sur l'eau sur nos terres de réserve, à l'intérieur et sous nos terres de réserve. Sous le prétexte de l’autonomie gouvernementale, ce projet de loi vise à soustraire le gouvernement fédéral à ses responsabilités et obligations en vertu du traité. Il nous oblige à renoncer à nos droits sur les sources d'eau.
Deuxièmement, le processus de consultation vicié. Divers recours devant les tribunaux ont porté sur les obligations de la Couronne en matière de consultation. La Nation crie d'Onion Lake a des protocoles qui précisent les exigences que les gouvernements et l'industrie sont tenus de respecter lorsqu'ils participent à notre propre processus de consultation. Cela n'a pas été respecté. Le 12 juin, des représentants fédéraux de Services aux Autochtones Canada et du ministère de la Justice ont comparu au Comité pour décrire le processus utilisé. Ils ont déclaré avoir consulté les Premières Nations autonomes signataires de traités modernes, ainsi que l'APN.
La Nation crie d'Onion Lake est une nation indépendante. Nous n'avons aucun lien avec l'APN ou un conseil tribal, et ils ne parlent pas en notre nom. L'APN et les autres organismes ne sont pas des détenteurs de droits. Ce sont des personnes morales. Les Premières Nations autonomes signataires de traités modernes ne seront pas touchées par ce projet de loi. Par conséquent, il n'est pas logique qu'elles aient été consultées. Envoyer un courriel, ce n'est pas une consultation adéquate.
Troisièmement, le problème de la compétence. Il s'agit d'un projet de loi idéaliste. Le libellé employé à l'article 4, notamment « fiable » et « soutenir les Premières Nations dans l'atteinte des plus hautes normes » n'a aucun sens. Nous n'avons pas besoin de ce système à deux niveaux du genre « essayons de faire mieux » qui n'a pour effet que de transférer la responsabilité aux Premières Nations à l'aide de termes comme « autonomie gouvernementale ». Nous constatons les problèmes causés par les déversements et les contaminants dans l'eau en raison du développement. Ce projet de loi n'obligera pas la province à agir. Le Canada a déjà des pouvoirs en vertu de la Loi sur les ressources en eau du Canada, mais il ne s'en est pas servi. La commission proposée et le manque de détails font peur. Nous ne savons pas quels pouvoirs seront accordés à cette commission, ni si elle sera responsable des décisions concernant le rejet de déchets nucléaires et d'autres effluents dans nos plans d'eau et nos affluents.
Quatrièmement, les zones de protection. On se veut idéaliste là aussi. Ces dispositions n'ont pas de dents. Nous ne sommes pas convaincus que ces zones seront créées en fonction de nos besoins ou en temps opportun. Elles doivent être adjacentes à la réserve. Nous pratiquons la chasse, la pêche, le piégeage et la cueillette sur notre territoire. Les animaux, les plantes et les poissons ne restent pas dans les limites de la réserve.
Les zones de protection nécessitent des ententes avec les provinces. Elles n'obligent pas les provinces ou les ministres à faire quoi que ce soit. Les dispositions qui y sont rattachées et les autres lois ne fonctionnent pas. Les nations doivent continuellement traîner le Canada devant les tribunaux ou attendre au moins 15 ans pour que quelque chose se passe.
Enfin, l'accès à l'eau est un droit de la personne. Les Nations unies ont reconnu que l'eau tient une place centrale dans le développement durable et qu'elle est essentielle au développement socio-économique, à la production d'énergie, à la production d'aliments, à la santé des écosystèmes et à la survie de l'être humain. L'eau est aussi au cœur de l'adaptation aux changements climatiques. Avec la croissance démographique, il est de plus en plus nécessaire de mieux équilibrer les demandes commerciales concurrentes concernant les sources d'eau afin d'en laisser suffisamment pour nos besoins.
Le projet de loi ne reconnaît pas ce droit. Il ne reconnaît pas non plus les lignes directrices sur la qualité de l'eau de l'Organisation mondiale de la santé. Il ne garantit pas les protections et les principes établis à l'article 19 de la déclaration des Nations unies.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les chefs de leur déclaration et de leur participation à cette importante discussion.
Chef Moonias, c'est un plaisir de vous voir. Je vous remercie chaleureusement de vos observations et de vos propositions d'amendements.
Dans un autre ordre d'idée, je voulais me pencher sur les règlements qui seront pris ultérieurement. Cette question vient tout juste d'être évoquée. Les mesures prévues au projet de loi seront en bonne partie définies dans des règlements préparés par la . La ministre consultera vraisemblablement les Premières Nations et travaillera en collaboration avec elles lors du processus réglementaire, mais elle peut aussi à sa discrétion établir des règlements pour des choses telles que les zones de protection sans le consentement des Premières Nations concernées.
Ma question s'adresse au chef Louis. Par contre, monsieur Baskatawang, si vous voulez fournir un point de vue juridique, n'hésitez pas à partager le temps de parole à votre guise. Bon nombre d'éléments du projet de loi seront définis dans des règlements et il est possible que cette démarche soit faite sans le consentement des Premières Nations touchées. Est‑ce que cela vous préoccupe?
Meegwetch, wela’lioq and hay hay pour vos témoignages très intéressants.
J'habite dans la communauté micmaque d'Eskasoni, la plus grande communauté micmaque de l'Atlantique. Les témoignages que vous avez livrés aujourd'hui me rappellent beaucoup ma grand-mère. Pendant mon enfance à Eskasoni, lorsque ma grand-mère vivait dans une autre communauté appelée Potlotek, nous allions chaque dimanche souper chez elle et nous lui apportions un de ces gros contenants bleus remplis d'eau potable.
Je pense à elle tout à coup parce que son nom de jeune fille était Annie Lewis, comme le chef Lewis, mais dans les pensionnats, son nom a été remplacé par Louis. Vos deux noms de famille me rappellent l'histoire que m'a racontée ma tante cette semaine concernant la consultation des archives.
Chef Moonias, vous avez parlé avec cœur et conviction. En quelques mots, vous avez traduit ce que ressentent bon nombre de Premières Nations au pays par rapport au projet de loi. Combien de générations auront encore à remplir des bouteilles d'eau pour leur grand-mère? Vous avez dit également qu'il ne fallait pas repartir à zéro. En fait, nous devons aller de l'avant avec le projet de loi.
Je constate que parmi les dispositions décrivant l'objet du projet de loi, l'alinéa 4a) reconnaît les droits inhérents. Il traite de l'accès à de l'eau potable en quantité et de qualité suffisantes, adéquates et sûres. Une autre disposition renvoie à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, puisqu'elle énonce que la loi a pour objet de prévoir des normes minimales nationales, de combler les lacunes dans les infrastructures et de faciliter la protection des sources d'eau. Ce sont tous des éléments dont les collectivités et les témoins des Premières Nations continuent de nous faire part.
Il semble y avoir un décalage ou un manque de confiance envers le gouvernement pour des raisons qui s'accumulent depuis 300 ans. Ma nation va célébrer son 300e traité l'an prochain. Il y a toutes sortes de raisons.
Chef Moonias, voici ma première question pour vous. À votre avis, tout cela ne devrait-il pas être mis en œuvre par une autorité des Premières Nations — peut-être une autorité régionale — qui agirait au nom des Premières Nations au lieu d'être mis en œuvre par le gouvernement étant donné que les Premières Nations ne font pas confiance au gouvernement? C'est ma première question.
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Merci de cette question.
C'est clair que les zones de protection, les sources d'eau et les eaux adjacentes ne se situent pas dans la réserve. Nous devons les définir et savoir qui a compétence sur ces eaux. Je ne suis pas sûre qu'un projet de loi du Parlement permette d'y arriver. Si les zones de protection, les eaux adjacentes et les sources d'eau ne relèvent pas de ce comité et du Parlement, on devrait peut‑être déterminer cette responsabilité ailleurs.
Cela soulève aussi une question plus existentielle. Quel est le rôle de l'Agence de l'eau du Canada? Ce gouvernement met aussi sur pied cette agence visant à régler certains enjeux. Quand il y aura des intérêts concurrents, par exemple, entre les différentes administrations provinciales, territoriales, fédérales et autochtones, l'Agence de l'eau du Canada pourra régler certains différends. Mais étant donné qu'elle n'est pas mentionnée dans le projet de loi, on dirait qu'au gouvernement, une main fait une chose, tandis que l'autre s'affaire ailleurs.
Je dois dire que de mon point de vue (et c'est pourquoi je m'intéresse à la question), quand on veut développer des activités agricoles, minières, pétrolières, gazières et manufacturières, comme un chef l'a indiqué, mais que le processus est incertain, on ne sait pas qui pourra délivrer les permis nécessaires. On ne sait pas qui a compétence ou quelles lois s'appliquent. Une Première Nation peut même être visée par une loi, et une autre Première Nation située en amont peut être visée par une autre loi. Je pense que cela cause de l'anxiété dans l'industrie quand le gouvernement adopte des projets de loi sans tenir compte de leurs conséquences.
Je n'entends pas par là qu'il faille retirer des droits autochtones aux Premières Nations. Mais que peuvent faire ce comité et ce projet de loi selon leur compétence?
Je tiens à dire que cette situation nuit à la santé mentale et physique des gens, ainsi qu'au bien‑être dans la communauté en général.
Comme vous l'avez mentionné, notre infrastructure est vieillissante. Nous avons souvent des bris de conduite d'eau. Aujourd'hui, un bris d'aqueduc touche toute l'école et la communauté. Les enfants doivent rester à la maison, et il faut réparer cette conduite. Je répète que nos propres fonds ne couvrent même pas l'ampleur des réparations à faire tous les ans, parce qu'il y a toujours des bris d'aqueduc chez nous. Comme je l'ai dit, notre infrastructure est vieillissante.
Nous avons des bornes d'incendie qui fonctionnent mal. Certaines ne sont même pas connectées à une source d'eau. Si je me souviens bien, quand un feu s'est déclaré en février 2022, notre approvisionnement en eau était inadéquat. Notre camion‑citerne était en panne, donc tout un complexe d'appartements a été réduit en cendres. Il y avait huit appartements, mais 10 familles y résidaient. Elles ont toutes été déplacées.
Les problèmes d'eau ont affecté la santé mentale de nos gens, en général. L'autre chef a parlé de diabète et de dialyse à la maison. Nous connaissons les mêmes difficultés. Nous avons un taux de mortalité élevé à cause du diabète, et nos gens ne peuvent pas faire de dialyse à la maison. Nous venons de perdre une mère de cinq enfants, grand‑mère de deux petits‑enfants. Elle est décédée des suites de complications dues au diabète, et elle était une jeune mère. Ces problèmes nous accablent de toutes sortes de manières.
Merci.
Je suis très heureux que vous ayez posé cette question, parce que nos droits inhérents sont ceux que nous avions avant les traités. Les négociations sur les droits issus de traités sont venues ensuite, mais les droits inhérents s'appliquaient déjà.
J'aimerais renchérir sur une question. J'ai volé 2 000 miles pour venir ici, et j'aimerais souligner l'importance de notre relation à l'eau, à titre de porteur de la pipe. Je suis propriétaire d'un gîte, et comme vous le savez, nous avons une relation particulière avec l'eau.
Quand j'étais enfant, il y a 68 ans, j'ai failli me noyer. L'esprit de l'eau m'a presque enlevé la vie, mais j'ai eu une seconde chance dans la vie. Depuis ce jour, je me suis engagé auprès de l'esprit du tonnerre à parler en son nom, et c'est très important de le souligner. Personne ne parle de l'importance de notre relation spéciale et sacrée avec l'eau. Nous avons tous passé neuf mois dans l'eau sacrée du ventre de notre mère. Neuf mois, pensez‑y. Aucun mortel ne pourra régir l'eau, jamais.
C'est l'aspect spirituel de la question. J'en ai parlé avec vigueur, et je ne vais pas m'en excuser, parce que comme vous le savez, j'ai prêté serment à une puissance supérieure que j'allais défendre la création de Dieu en vertu des lois naturelles.
Nous sommes une nation souveraine pour ce qui est des règlements. Nous avons nos propres lois et prenons nos propres règlements. C'est la position souveraine que je vous présente aujourd'hui.
Merci beaucoup.