:
Merci, monsieur le président. Bonjour à tous.
Je prends la parole ici en tant que représentante du Conseil des églises pour la justice et la criminologie, une coalition nationale de 11 confessions chrétiennes, de partenaires communautaires multiconfessionnels et d'autres. Le Conseil est réputé à titre d'ONG dans le domaine de la justice pénale, à l'échelle nationale et internationale, pour les efforts qu'il déploie depuis 1974 afin d'attirer l'attention du public sur la nécessité d'aborder la criminalité et la justice de manière plus socialement responsable. Récemment, le Conseil a notamment prononcé des conférences éducatives, appuyé des projets de justice réparatrice dans des collectivités locales, analysé des politiques gouvernementales et établi des partenariats avec le milieu artistique pour la sensibilisation du public à l'égard de la justice.
Le CEJC a été créé par 11 Églises fondatrices: l'Église presbytérienne au Canada; la Société religieuse des amis, ou les Quakers; l'Église catholique romaine; l'Armée du Salut; l'Église Unie du Canada, dont je suis ministre du culte; l'Église anglicane du Canada; les Missions Baptistes Canadiennes, dont un représentant nous accompagne aujourd'hui; les Christian Reformed Churches; les Disciples of Christ; l'Église évangélique luthérienne et le Comité central mennonite.
Nous reconnaissons que notre propre tradition confessionnelle a eu une certaine influence négative dans l'entretien d'une culture de justice et d'institutions judiciaires imprégnées d'un caractère punitif, qui ont concouru à marginaliser davantage certains des citoyens les plus vulnérables de nos collectivités canadiennes. Nous prenons à notre compte de contribuer à réparer le mal qui a été fait.
Notre mandat principal consiste à aider nos propres membres confessionnels à agir dans ce sens et à prendre conscience des personnes de leur milieu qui souffrent des causes et des effets de la criminalité ainsi que de la peur de la criminalité. Nos ressources pédagogiques encouragent les citoyens à se tendre la main mutuellement en offrant des réponses et des services qui peuvent nous aider tous à nous attaquer au fléau de la criminalité lorsqu'il sévit, afin de survivre, de guérir, de découvrir que la vie peut demeurer belle et mériter d'être vécue et d'apprendre de meilleures façons de vivre ensemble en sécurité et en paix.
Le CEJC concentre son attention sur les réalités humaines avec lesquelles les gens de nos collectivités sont aux prises en raison de la criminalité, de ses causes et de ses effets, et sur les répercussions du mode de solution de ce problème par notre société et notre système de justice pénale. Nous n'attendons pas de notre système judiciaire qu'il puisse s'en occuper à notre place. Le travail de la justice constitue une responsabilité collective, dépassant de beaucoup ce que tout système législatif ou judiciaire de l'État peut accomplir.
De longues années d'expérience nous ont appris que la façon dont l'État s'acquitte de ses responsabilités — les lois qu'il adopte, les ressources financières qu'il distribue et les déclarations publiques qu'il fait — peut soit contribuer à l'effort collectif, soit nuire aux initiatives communautaires en empirant les problèmes de criminalité. Le gouvernement peut contribuer au succès des initiatives communautaires s'il fonde sur des preuves solides les mesures qu'il prend pour modifier les attitudes et les pratiques en matière de justice pénale. Il peut aussi perpétuer les préjugés et les malentendus quant à la nature véritable des comportements criminels. C'est de cela que nous désirons vous parler ici aujourd'hui.
Nous croyons que les modifications législatives qu'il vous est demandé d'adopter par ces deux projets de loi aggraveront considérablement une situation déjà alarmante. Il existe d'autres moyens, plus efficaces, de remédier aux problèmes que vous tentez de régler à l'aide de ces projets de loi. Notre sécurité serait plus assurée si les ressources qu'exigerait la mise en oeuvre de ces modifications inutiles servaient plutôt à l'implantation de nouvelles méthodes efficaces qu'on a découvertes au cours des dernières années.
Notre livre intitulé Pour une vraie justice en a documenté plus d'une centaine. Le programme de justice coopérative au tribunal, ici même à Ottawa, en offre un exemple. Tiffani Murray et Kim Mann sont ici aujourd'hui en tant que représentantes de ce programme.
Les propositions législatives restreindront gravement le pouvoir des juges de recourir à de tels programmes. Nous voulons employer notre temps ici avec vous à tenter d'expliquer pourquoi nous en arrivons à la conclusion que les propositions des projets de loi et ne favoriseraient pas une meilleure justice pour nos collectivités, bien au contraire.
La situation très pénible pour tous les Canadiens, à savoir le traumatisme et l'angoisse associés à la criminalité et à la peur de la criminalité, nous pousse à réagir. Nous sommes tous unis dans la volonté d'apporter des changements qui feront du Canada un pays plus sûr, et le grand défi est de découvrir quels sont les changements qui auront l'effet voulu. On peut croire qu'il suffit de modifier des mots ici et là, d'imposer une « peine accrue » pour un « crime accru ». Mais ce qui est proposé ne manquera pas d'entraîner de nombreuses conséquences non voulues, lesquelles n'ont pas été prévues, car les modifications proposées ne sont nullement stratégiques d'après la connaissance des faits. Nous visons ici aujourd'hui à tenter d'aider à rapprocher pour vous deux réalités: celle des mots par rapport à celle des réalités humaines qui risquent d'être touchées par ces mots.
Nous vous demandons avec insistance de voter, non sur les mots et les beaux discours livrés dans le vide, mais en tenant véritablement compte de leurs répercussions réelles sur la vie des gens.
:
Je suis Lorraine Berzins et je fais partie du personnel du Conseil des églises depuis 22 ans. Avant cela, j'ai travaillé 14 ans dans des institutions pénitentiaires fédérales, où j'ai été victime d'une prise d'otages. Je le dis parce que je veux que vous compreniez bien que les questions dont nous sommes saisis aujourd'hui peuvent sembler une simple question de mots, mais comptent en fait pour beaucoup dans la vie des gens qui seront touchés par ces changements. Ces modifications changeront la vie de bien des gens dans plusieurs collectivités que je connais bien. J'entreprends donc personnellement, sincèrement, de vous faire savoir ce que nous savons déjà, parce que nous vivons avec ces gens au sein de la collectivité.
J'ai trois points à faire valoir, au sujet des deux projets de loi. Nous allons commenter en même temps les projets de loi et parce que ces deux mesures proposent des changements modifiant le pouvoir discrétionnaire. C'est là l'élément le plus important pour nous. Les deux projets de loi proposent des modifications qui restreindraient davantage le pouvoir des juges d'imposer des peines qui correspondent à la situation particulière à un crime crime et à un contrevenant, sans égard aux risques réels dans un cas donné ni aux intérêts véritables de la victime et de la collectivité par suite d'un incident de nature criminelle précis. Les juges auraient les mains liées. De nouvelles peines obligatoires minimales serait appliquées et les peines avec sursis prévues pour plusieurs infractions disparaîtraient, même si ce type de peine est déjà expressément destiné à permettre aux contrevenants qui ne constituent pas un danger — et à eux seulement — de purger leur peine d'emprisonnement dans la collectivité. On peut en appeler de toute décision de ce genre si elle est considérée inappropriée. Nous croyons que le pouvoir discrétionnaire des juges dans l'imposition de la peine est trop important pour que nous permettions ce genre de changement. J'y reviendrai à la fin de mes observations.
Mon deuxième point a trait aux conclusions des recherches scientifiques sur les peines plus sévères. La conception des modifications que proposent les deux projets de loi démontre que celles-ci reposent sur la croyance que des peines plus sévères nous protégeraient mieux de la criminalité. Nous reconnaissons le besoin réel de nous protéger de certains contrevenants qui présentent un risque imminent pour la collectivité. Mais les recherches prouvent depuis des années que l'emprisonnement purement punitif, sans égard aux risques réels, visant seulement à envoyer un message aux autres contrevenants éventuels, représente une forme de justice peu rentable et clairement inefficace comme moyen de dissuasion. Le niveau de récidive rattaché aux peines d'emprisonnement démontre également l'absence de guérison et de réadaptation chez les contrevenants. Le besoin de guérison et de sécurité de chaque victime n'est pas traité convenablement non plus. Les modifications proposées, qui augmentent les sanctions en jeu sans tenir compte des circonstances et des besoins individuels, vont aggraver la situation davantage en rendant le système judiciaire encore plus accusatoire, ce qui peut engendrer des discours blessants et un manque de respect à l'endroit des victimes, à un moment où elles sont déjà très vulnérables. C'est déjà ainsi, et les choses ne pourront guère changer.
Nous souscrivons à la conclusion de chercheurs dignes de foi, tels que Doob et Webster, selon laquelle, malgré une ou deux études mineures qui semblent indiquer qu'il existe un ensemble restreint de résultats controversés dans ce domaine, la proposition selon laquelle les peines plus sévères fonctionnent n'est étayée que très faiblement. La politique du Canada devrait être fondée sur la réflexion et des recherches solides, plutôt que sur une étude unique qui est contredite par une série d'autres études plus concluantes. Autrement, on agit de façon irresponsable, en particulier quand nous pouvons aussi prévoir que les nouvelles lois se traduiraient par une hausse des coûts pour les services correctionnels et des peines d'emprisonnement accrues pour les groupes les plus vulnérables, comme les membres des Premières nations, d'autres minorités visibles, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes faisant partie des tranches les plus pauvres de la société. Les femmes, en particulier, souffriraient beaucoup de l'adoption de bon nombre de ces changements.
Enfin, les incohérences de ces mesures nous préoccupent grandement. Le projet de loi C-10 comporte des incohérences dans les dispositions sur les peines minimales obligatoires. Prenons par exemple une personne armée d'une arme d'épaule chargée, comme un fusil de chasse, qui commettrait un vol qualifié dans un dépanneur. Mettons que son casier judiciaire chargé compte de nombreuses déclarations de culpabilité antérieures découlant d'autres infractions relatives à des armes à feu. Cette personne est passible d'une peine d'emprisonnement minimale obligatoire de quatre ans. Une autre personne qui commettrait un vol qualifié dans des circonstances similaires, mais armée d'une arme de poing non chargée, s'il s'agit d'un contrevenant primaire sans casier judiciaire, serait passible d'une peine d'emprisonnement minimale obligatoire de cinq ans. La même chose se produirait dans plusieurs autres cas.
Autrement dit, la durée de la peine minimale obligatoire stipulée dans les propositions législatives dépend du statut juridique de l'arme à feu en cause plutôt que de l'importance du danger réel que présente la situation pour le public. Utiliser une arme de poing non chargée est plus grave que d'utiliser une arme d'épaule chargée, quels que soient les circonstances réelles du crime et du contrevenant, le préjudice réel causé et les considérations reliées à la victime.
:
Ces incohérences nous préoccupent grandement. Différentes infractions qui ne semblent pas si graves seront amalgamées et traitées avec la même sévérité que les infractions qui demandent une peine maximale de dix ans ou plus. Nous croyons que ce n'est pas la bonne façon de faire. Les peines maximales peuvent avoir l'air pleines de bon sens sur papier, mais plusieurs infractions, comme l'introduction par effraction dans une résidence, la fraude et les allégations mensongères concernant des sommes excédant 5 000 $ ainsi que la fraude relative à l'aide sociale, seront traitées plus sévèrement que d'autres délits que les Canadiens considéreraient comme beaucoup plus graves.
Les conséquences réelles qu'engendreraient les changements proposés, s'ils étaient adoptés, ne correspondent pas à l'idée que les Canadiens se font de la justice, si seulement ils se rendent compte de ce que ces amendements pourraient permettre ou ne pas permettre. La plupart des Canadiens ne le savent pas, mais vous le savez. Vous avez toute l'information devant vous, et vous avez été élus pour prendre des décisions responsables pour notre bien.
Nous croyons qu'il est extrêmement important de préserver le pouvoir discrétionnaire. Il est essentiel que les personnes qui établissent les peines puissent avoir toute la latitude de choisir la solution qu'elles jugent appropriée selon les faits qu'elles connaissent en usant de leur jugement et de leur discernement. Il n'existe rien en droit commun qui nous assure le respect de ce principe. Le fait d'utiliser les critères tout à fait insensés qui sont proposés serait dégradant pour notre société. Cette décision contrevient à la noble aspiration des hommes à vivre dans un monde où règne la justice, ce qui est très important.
Si une personne croit que les dispositions actuelles n'ont pas été appliquées convenablement, il est possible de faire appel. Des politiques peuvent être établies sous la forme de directives et de lignes directrices, mais les solutions d'ensemble simplistes ne conviennent pas.
En conclusion, nous vous exhortons à retirer le projet de loi C-9, et nous discuterons du projet de loi C-10 une autre fois. Nous savons qu'il peut être difficile de trouver la volonté politique pour ce faire, mais c'est tellement important. Il y a un amendement que vous voudrez peut-être envisager, c'est l'idée d'adopter des dispositions présomptives, plutôt qu'absolues. Si vous constatez que la volonté politique n'y est pas et qu'il est impossible de retirer complètement ce projet de loi, laissez au moins une porte ouverte afin qu'un juge puisse faire une exception dans certains cas, même si certaines infractions ne peuvent pas encourir une peine avec sursis.
:
Merci, monsieur le président. C'est un privilège pour moi de pouvoir m'adresser à ce comité.
Je me trouve dans une drôle de position, parce que j'approuve le but ultime que vise le gouvernement au moyen du projet de loi C-9. Il n'y a pas de doute que l'imposition de peines avec sursis pour des crimes extrêmement graves mine la confiance de la population dans l'administration de la justice. Je suis pourtant ici pour exhorter le gouvernement à ne pas adopter le projet de loi C-9 dans sa forme actuelle, et pour trois raisons.
Premièrement, ce projet de loi est sans nuances. Il vise à interdire non seulement le recours aux peines avec sursis quand elles ne conviennent pas, mais aussi le recours à ces peines quand non seulement elles conviennent, mais seraient justement la solution à choisir. Deuxièmement, il donnera lieu à une augmentation considérable du coût financier de l'administration de la justice et ce, sans réduire le taux de criminalité au sein de la société canadienne.Troisièmement — et je fonde cette affirmation sur mes sept années d'expérience comme avocat de la défense et procureur, à Ottawa, à temps plein et à temps partiel — les juges et les avocats vont adopter des stratégies pour contourner la rigidité du projet de loi C-9. J'illustrerai mon propos tout à l'heure.
Si le gouvernement choisit de réagir parce qu'il a la perception ou la conviction que les peines avec sursis sont utilisées sans discernement, je ne veux pas rester à rien faire. Je lui propose deux solutions de rechange pour traiter ces difficultés. La première serait d'ajouter un préalable supplémentaire aux peines avec sursis afin d'assurer qu'on les emploie à bon escient. Cette condition préalable pourrait être qu'elles ne puissent s'appliquer que lorsque la priorité doit être accordée à la réhabilitation ou à la réparation. En deuxième lieu, j'encourage le gouvernement à prévoir une disposition présomptive. Le gouvernement pourrait isoler les infractions les plus troublantes comme les agressions sexuelles ou les agressions ayant causé des lésions corporelles. Dans ces cas, on présumerait que la dénonciation et la dissuasion doivent avoir priorité. J'en parlerai davantage à la fin de mon exposé.
En théorie, une peine avec sursis est une peine d'emprisonnement. Elle a ceci de bon qu'elle permet de réduire le recours à l'emprisonnement et, selon la théorie, de réduire le risque de récidive chez certains délinquants. J'exhorte le comité à reconnaître la validité de ces deux propositions, dans les affaires où elles conviennent. L'emprisonnement est beaucoup plus coûteux que l'administration d'une peine avec sursis et, comme Mme Berzins l'a expliqué, le fait d'enfermer ensemble des délinquants a plutôt pour effet de renforcer les attitudes criminelles que de les décourager. Dans la mesure où les programmes de réhabilitation peuvent fonctionner, nous savons qu'ils sont plus efficaces en dehors des prisons.
Donc, il convient d'utiliser les peines avec sursis quand c'est approprié, pour des raisons financières et de bon sens. C'est effectivement sensé quand les principes fondamentaux sont respectés, c'est-à-dire les trois principes suivants: lorsque le délinquant ne représente pas de risque important pour la collectivité; lorsque l'infraction n'est pas suffisamment grave pour qu'on puisse penser qu'une peine dans la collectivité soit injuste; lorsque la priorité doit être accordée à la réhabilitation et à la réparation.
Le droit actuel est, selon moi, bien conçu pour permettre d'éviter que les délinquants dangereux soient libérés. Comme le comité le sait, j'en suis sûr, un juge n'est pas habilité à imposer une peine avec sursis quand, selon lui, le délinquant représente un risque pour la collectivité. Avec tout le respect que je dois aux membres du comité, il ne conviendrait pas, selon moi, que le gouvernement présume que les juges ne peuvent pas en juger par eux-mêmes alors qu'il présente aussi un projet de loi qui donnerait aux juges le pouvoir discrétionnaire de déclarer une personne « délinquant dangereux » en se fondant sur les éléments de preuve et de demander son internement permanent. Bien sûr, le pouvoir discrétionnaire peut donner lieu à des erreurs, mais l'autre solution, qui serait d'enlever tout pouvoir discrétionnaire aux juges et d'imposer des peines fixées d'avance ou d'enlever des choix possibles, constitue une erreur qui nous ferait mettre trop de gens en prison, ce qui ne convient pas comme réaction, à mon humble avis.
Si les peines avec sursis posent un problème, celui-ci a trait aux deux derniers principes que j'ai énoncés. À mon avis, nous avons tendance à surestimer la valeur dissuasive ou dénonciatrice des peines avec sursis. Cet état de fait est attribuable à ce que je considère comme une présomption douteuse relativement aux précédents relatifs aux peines avec sursis. On présume que la peine a plus à voir avec une peine d'emprisonnement qu'avec une période de probation.
À mon humble avis, cela gonfle l'impact des peines avec sursis. Les personnes qui se voient imposer une peines avec sursis subissent sans doute le stress et le choc d'une ordonnance de la cour. Or, ce stress est certainement beaucoup moins élevé que celui d'une véritable incarcération. L'effet de dissuasion est donc moindre, dans la mesure où il existe des mesures de dissuasion, si on permet à la personne de purger sa peine dans la collectivité.
Je crois que le problème des condamnations avec sursis vient de la tendance à en surestimer l'effet dissuasif ou dénonciatrice. C'est pourquoi je propose ces principes.
Il y a un autre problème. C'est que nous imposons des peines avec sursis à toutes sortes de cas. L'imposition d'une peine est censée rendre justice, protéger la population au moyen de la dissuasion et essayer de réhabiliter ou de réinsérer les contrevenants dans la collectivité. Ces objectifs sont souvent conflictuels; donc, la priorité que les juges accordent à tel ou tel objectif a une incidence énorme sur leur façon de d'imposer une peine avec sursis.
En somme, le problème est qu'il y a tendance à surestimer l'effet dissuasif ou dénonciatoire des peines avec sursis. Mes propositions abordent ces problèmes précis, contrairement à la perspective sans nuance que constitue le projet de loi . Le projet de loi C-9 représente une vision simpliste, puisqu'il supprime la possibilité d'imposer une peine avec sursis dans tous les cas où l'infraction donne lieu à une peine maximale d'emprisonnement de 10 ans ou plus.
Notre Code criminel n'est pas un outil cohérent. Il n'y a jamais eu d'évaluation scientifique de la gravité des crimes. Les peines prévues traduisent plutôt des perspectives historiques sur la peine maximale qu'il convenait d'appliquer. La liste des infractions qui s'accompagnent d'une peine maximale de 10 ans ou plus comprend celles qui font le plus peur à la société d'aujourd'hui, mais aussi le vol de bétail, le vol de carte de crédit, l'usage non autorisé d'un ordinateur, la possession d'instruments d'effraction, la production de faux documents, la production de fausse monnaie, etc. Aucune de ces infractions ne flatte celui qui les a commises, mais il est douteux que les Canadiens considèrent ces infractions comme les plus graves qui puissent être commises.
Le deuxième problème est plus profond. C'est que la gravité des crimes dépend beaucoup plus des circonstances que de la nature de l'effraction. Par exemple, l'agression sexuelle va du baiser volé au viol le plus épouvantable. L'entrée avec effraction peut être le fait d'un jeune voyou très dangereux ou un ex-conjoint qui tente de récupérer des biens matrimoniaux, malgré une ordonnance de la cour donnant possession de la maison à un tiers.
Il n'est pas approprié, à mon avis, d'avoir une seule catégorie de crime et de présumer que les peines avec sursis peuvent être imposées seulement en fonction de cela.
Les peines avec sursis coûtent moins cher que l'incarcération et, à mon humble avis, il ne serait pas approprié que le gouvernement agisse selon la présomption que le retrait des peines avec sursis dissuaderait les contrevenants et que cela réduirait le coût de l'incarcération.
Je n'aborderai pas les études abordées par les intervenants précédents, mais je demande au comité de faire preuve de bon sens. Comment peut-on, de manière réaliste, penser que des gens décident de conduire en état d'ébriété, d'entrer dans une maison par effraction ou de commettre une agression sexuelle parce qu'ils savent qu'ils ne se verront imposer qu'une peine avec sursis s'ils se font prendre? Toutes les infractions visées par le projet de loi font l'objet de peines très sévères. Est-ce que la décision de commettre un acte criminel dépend vraiment de la peine encourue?
Deuxièmement, l'effet dissuasif dépend de la connaissance de la peine encourue et d'une analyse « coûts-avantages ». Le projet de loi C-9 est très complexe. Les contrevenants vont-ils en comprendre parfaitement le sens et les retombées et en tiendront-ils compte avant de commettre leur crime?
Si le comité décide de recommander l'adoption du projet de loi ou si le gouvernement décide de l'adopter, il faut que ce soit en pleine connaissance du fait que l'administration de la justice coûtera plus cher.
L'Histoire nous enseigne que, lorsque les lois deviennent rigides, les avocats et les juges trouvent les moyens de les contourner. Si ce projet de loi est adopté, attendons-nous à ce qu'il y ait un plus grand usage de la probation pour des infractions qui appellent actuellement des peines avec sursis. Autrement dit, des peines indûment clémentes seront imposées afin de contourner les restrictions. De plus, attendons-nous à ce que des juges imposent des périodes d'incarcération symboliques suivies d'une probation dans les cas où ils auraient auparavant imposé une peine avec sursis. Donc, à certains égards, le projet de loi aurait un effet contraire au but visé.
Le projet de loi donnera un immense pouvoir aux procureurs, puisqu'il ne s'applique que lorsqu'il y a mise en accusation. Les procureurs peuvent donc enlever aux juges la possibilité d'imposer une peine avec sursis. Ce sont les juges qui doivent déterminer la peine à imposer, car leurs décisions peuvent être contrôlées, contrairement à celles des procureurs.
La solution que je propose est centrée sur le problème que je crois avoir ciblé. Certains juges ont tendance à surestimer la dimension dissuasive ou dénonciatoire des peines avec sursis. La Cour suprême du Canada renforce sans cesse cet aspect des peines avec sursis.
Je demande au comité de recommander certains principes et au gouvernement d'envisager de les adopter. Il faut ajouter un préalable supplémentaire à l'imposition des peines avec sursis et veiller à ce qu'elles ne puissent s'appliquer que lorsque la priorité doit être accordée à la réhabilitation ou à la réparation. Ce faisant, les peines avec sursis seront réservées aux cas où elles sont vraiment utiles, et non pas dans les cas où il existe un réel besoin de dénoncer ou de dissuader.
Également, il y a lieu de présumer que, dans les cas d'agression sexuelle ou de graves lésions corporelles — ou même, si besoin est, dans les cas d'importants dommages aux biens ou d'infractions portant gravement atteinte aux droits de propriété —, la dénonciation et la dissuasion auront priorité. En agissant ainsi sous forme de présomption, il incomberait à l'accusé de prouver qu'il y a des circonstances particulières qui font qu'une peine avec sursis est appropriée dans ce cas, contrairement aux autres cas où l'application de ce principe se fait normalement.
Cette disposition tiendrait pour une erreur de principe qu'un juge ait recours à une peine avec sursis lorsque la dénonciation et la dissuasion sont les principaux objectifs. Cela pourrait être une raison de porter la décision en appel.
J'invite le comité à se pencher sérieusement sur le projet de loi . Bien que l'objectif qu'il vise soit louable, il constitue un outil sans nuance. Il ne représente pas une manière efficace ni, à mon humble avis, bien conçue de régler le problème que le gouvernement tente de cerner.
Mon nom est James Loewen. Je viens de la terre promise de Langley, en Colombie-Britannique. Je suis heureux d'avoir fait tout ce chemin. C'est très joli ici.
Je représente le Comité central mennonite du Canada, l'agence responsable des services, du développement et des secours de la Mennonite Brethren Church du Canada. Il existe une famille d'organisations du CCM du Canada qui ont des locaux dans cinq provinces. Nous offrons une vaste gamme de programmes, qui comprennent l'accompagnement des Autochtones, l'aide au réétablissement des réfugiés, l'aide aux personnes atteintes de maladies mentales, l'aide aux victimes et aux criminels incarcérés et la lutte à la pauvreté. La diversité de ces programmes a contribué à la rédaction du document sur les peines que nous vous présentons aujourd'hui. Je souligne d'emblée que le document lié à ces exposés ne couvre pas les commentaires et les préoccupations qui reflètent la sagesse et l'expérience des Autochtones. Je sais que leur sagesse et leur expérience sont importantes et doivent trouver écho en ce lieu.
Le travail du CCM du Canada repose en partie sur l'élaboration le soutien de programmes de justice réparatrice partout au Canada. En plus de la conception à la base, nous nous intéressons à la création d'un environnement de croissance durable pour les programmes de justice réparatrice. À l'heure actuelle, le réseau du CCM du Canada compte plus de 35 programmes de justice réparatrice, qui vont de programmes bien établis à l'échelle internationale à des projets pilotes de pointe visant à en accroître les capacités.
C'est en s'appuyant sur ces bases que le CCM du Canada se présente devant le comité et lui remet ce document. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de faire entendre notre voix au sujet du projet de loi . Nous aborderons notamment la nécessité de faire preuve de sévérité lorsqu'il est question de crimes graves, de laisser une plus grande place aux victimes dans le processus judiciaire et de se pencher sur les effets d'une hausse du nombre d'incarcérations.
Nous recommandons notamment que le gouvernement utilise davantage les peines avec sursis. Pour ce faire, il sera nécessaire de donner un plus grand rôle aux victimes tout au long du processus judiciaire et donner davantage de ressources aux victimes et aux programmes dont dépendent les processus judiciaires, comme les programmes de justice réparatrice. Puisque ce projet de loi répond à des questions soulevées par les médias, j'ai cru bon de revenir sur ces questions sous la forme d'une histoire. Cette histoire se trouve sur le site Internet de la CBC.
En août 2001, Michael Marasco a été attaqué sans raison, car il y avait eu erreur sur la personne. Son agresseur, Erron Hogg, l'a battu avec une barre de fer jusqu'à ce qu'il perde connaissance. Après avoir subi de graves opérations au cerveau, M. Marasco, âgé de 25 ans, souffre de troubles de la parole et de la mémoire et a dû mettre une croix sur son rêve de devenir avocat. Le juge John Scurfield a imposé à Hogg, qui est aussi âgé de 25 ans, une peine d'emprisonnement avec sursis de deux ans moins un jour et lui a ordonné d'écrire une lettre d'excuse à sa victime. Il doit aussi faire 400 heures de travaux communautaires et respecter un couvre-feu strict. Sa peine sera suivie par trois ans de probation avec supervision. La soeur de la victime, Maria Marasco, a déclaré que sa famille avait été choquée par la peine imposée. Elle a lu une déclaration de sa mère: « Cette expérience a anéanti toute confiance que ma famille pouvait avoir dans le système judiciaire canadien, qui ne repose que sur l'argent et la politique. Ce système nous a fait perdre notre temps, sans parler de l'argent des contribuables, pendant les deux ans et demie qu'il aura fallu pour que, en fin de compte, ce criminel s'en tire à bon compte. »
Comme vous le savez sans doute, la famille a fait appel de la décision, qui a été infirmée. Hogg s'est fait imposer une peine d'emprisonnement de trois ans.
Da prime abord, cette histoire semble appuyer l'approche préconisée par le , car la famille Marasco et le ministère de la Justice du Manitoba ont cessé de crier à l'injustice. Cependant, en examinant de plus près les histoires de ce genre, on dégage des thème communs. Il est clair que le principal problème de cette peine et des autres peines avec sursis découlant de crimes plus graves est qu'elles semblent dénoter un manque de considération pour la gravité du crime. Un autre problème est qu'on ne tient pas suffisamment compte, c'est le moins que l'on puisse dire, des victimes dans le processus de détermination des peines. De plus, on craint que les peines avec sursis n'aient pas un effet dissuasif suffisant. La conclusion évidente est donc que, pour que justice soit faite, il faut de longues peines d'emprisonnement. Toute autre décision témoigne nécessairement de la tolérance au crime et de la clémence des juges.
Le projet de loi est une tentative de solution aux situations comme celle de la famille Marasco. Le CCM du Canada appuie sans réserve l'idée que les crimes graves doivent être traités de manière rigoureuse et que les victimes et les collectivités doivent se sentir en sécurité.
Nous sommes conscients qu'il y a des peines avec sursis qui sont troublantes. Par contre, si elles sont troublantes, c'est parce que les victimes se sentent impuissantes et encore plus troublées par la façon dont ces peines ont été imposées. La principale préoccupation ne porte pas directement sur les peines avec sursis, mais plutôt sur l'absence de réponse aux besoins et aux inquiétudes des victimes. Cette absence est une conséquence naturelle d'un système juridique adversatif qui laisse peu de place aux victimes, à leurs expériences pénibles et à leurs besoins complexes. Ce fait est répertorié dans de nombreux rapports, dont un va jusqu'à affirmer que les professionnels de la justice en sont conscients et recommandent une meilleure participation des victimes dans le processus de prise de décisions qui les touchent.
Pour que les crimes graves soient pris au sérieux, il faut qu'il en soit de même pour les besoins des victimes, sans exception. Comme les études le montrent, ces besoins sont complexes et variables et ont souvent peu à voir avec l'incarcération comme fin en soi.
En ce qui a trait aux besoins des victimes, la Consultation nationale des victimes du crime présente des propositions intéressantes, dont certaines s'appliquent au projet de loi . Une de ces propositions est que les droits des victimes doivent être élevées à un rang au moins égal aux droits des contrevenants. Une autre proposition est la participation des victimes à la prise de décisions qui les affectent, comme les transactions pénales, les mises en accusation, la détermination des peines et les libérations conditionnelles. Un des besoins clés des victimes est le respect, qui est parfois gagné à la suite d'efforts individuels, mais qui n'est pas présent systématiquement. Un autre besoin important et fondamental est la sécurité et la réduction des craintes associées au contrevenant et aux représailles éventuelles.
Le projet de loi ne répond en surface qu'à deux de ces besoins, soit le respect et la sécurité. Il semble véhiculer un message de respect, d'écoute et de considération pour les besoins des victimes qui ont fait l'expérience de l'injustice que peuvent parfois représenter les peines avec sursis. Par contre, le projet de loi ne fait rien pour combler les besoins des victimes qui sont en faveur de la peine avec sursis imposée au contrevenant, celles qui croient en l'inefficacité du système carcéral, celles qui comprennent que la véritable injustice est le déni des besoins des victimes.
Le projet de loi semble offrir une sécurité temporaire aux victimes en retirant le contrevenant de la société. Malheureusement, comme on l'a déjà dit, ce n'est pas le cas. Les mesures contenues dans le projet de loi visant à changer les choses n'entraînent ni l'amélioration du respect des victimes au sein du système, ni l'accroissement de leur sécurité à moyen et à long terme. Le projet de loi ne répond qu'aux besoins apparents de quelques personnes et ne considère pas les récits de colère et de trahison comme une occasion d'étudier le problème plus en profondeur afin de s'attaquer à sa source. En fin de compte, en ne répondant pas aux besoins fondamentaux connus des victimes, nous ne protégeons et ne respectons pas celles qui veulent que les choses changent.
Il est probable que ce projet de loi atténuera notre capacité déjà limitée d'offrir aux Canadiens des options significatives en matière de justice. La hausse substantielle des ressources dont les prisons provinciales auront besoin entravera nécessairement les possibilités de rendre justice.
Le mémoire de l'ACJP montre clairement que toute limitation des peines avec sursis restreindra de fait la capacité de réhabilitation des contrevenants et de réparation pour les victimes. Tout contrevenant qui demeure dans la collectivité a la possibilité de continuer à recevoir un salaire, dont une partie peut servir de dédommagement pour la victime. Comme les ressources offertes par le gouvernement aux victimes sont limitées, l'utilisation de ressources supplémentaires pour incarcérer le contrevenant est deux fois plus préjudiciable.
Je souligne qu'il a été plusieurs fois question de justice réparatrice en relation avec les peines avec sursis. Je puis vous assurer que les peines avec sursis et la justice réparatrice ne vont pas nécessairement de pair. Le fait d'ordonner à quelqu'un de s'excuser ou d'aller en prison n'est pas conforme au principe de justice réparatrice. La meilleure façon pour les contrevenants de comprendre les conséquences de leurs crimes est de vivre ces conséquences parallèlement aux victimes et à la collectivité touchées. Les peines avec sursis ne font que lever certaines des barrières érigées par l'incarcération.
Un des arguments avancés en faveur de l'incarcération est la sécurité spécifique qu'elle fournit aux collectivités et aux victimes. Il existe par contre des solutions de rechange beaucoup moins coûteuses et très efficaces, même dans les cas à risque élevé: par exemple, les cercles de soutien et de responsabilité. Les cercles de soutien et de responsabilité sont tellement efficaces pour prévenir la récidive chez les contrevenants à risque élevé qu'ils se sont multipliés partout au Canada. On en voit même de plus en plus dans d'autres pays, y compris au Royaume-Uni, et les États-Unis se montrent de plus en plus intéressés. Vous pouvez consulter le rapport d'un cercle de soutien et de responsabilité de Toronto.
Je m'appelle Rosalind Prober et je suis présidente d'Au-delà des frontières, une organisation bénévole à but non lucratif qui lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants à l'échelle mondiale.
Au-delà des frontières fait partie d'une organisation non gouvernementale, une ONG, multinationale du nom d'ECPAT, dont le but est de mettre fin à la prostitution juvénile, à la pornographie juvénile et au trafic des enfants à des fins sexuelles. ECPAT a son siège à Bangkok et je fais partie du conseil d'administration.
Je dois dire tout d'abord que j'ai le même nom de famille qu'un avocat en droit criminel qui a vivement dénoncé un de ses compatriotes manitobains, Vic Toews, et ce projet de loi. Cet avocat est mon mari. Nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde sur la question des peines d'emprisonnement avec sursis. Par contre, je ne suis pas avocate, mais je ne m'en excuse pas.
Je parle aujourd'hui au nom des enfants qui sont victimes d'abus sexuels aux mains d'adultes. Il n'est pas facile pour les enfants de déclarer la culpabilité des responsables. La plupart des enfants abusés ne vivent pas au Canada, mais bon nombre sont victimes de Canadiens qui s'adonnent au tourisme sexuel. Un grand nombre sont totalement incapables de supporter les pénibles contre-interrogatoires, rendus obligatoires par notre système judiciaire adversatif où il faut gagner à tout prix, sur les détails les plus intimes de leurs abus sexuels. La plupart de ces enfants ne sont pas jugés crédibles.
Nous savons tous que les crimes de nature sexuelle peuvent briser des vies et qu'ils ont un impact important, surtout chez les membres les plus vulnérables de la société, ceux qui sont le plus exposés aux abus. L'écart entre le nombre de victimes et le nombre de cas portés devant les tribunaux montre clairement que la majorité des crimes sexuels ne sont pas déclarés.
Au nom de ces enfants et de ceux qui réussissent à traîner les abuseurs devant les tribunaux, Au-delà des frontières appuie le projet de loi . Nous sommes en faveur du retrait des peines avec sursis pour les agressions sexuelles et autres crimes de nature sexuelle commis contre toute personne âgée de moins de 18 ans, lorsque l'État procède par voie de mise en accusation et que le crime entraîne une peine maximale de 10 ans d'emprisonnement ou plus.
Les lois qui sont sévères en théorie ne valent rien si elles sont constamment contournées. Il s'agit d'un cas flagrant d'abus du droit des enfants à la justice.
Les Canadiens devraient-ils être réticents ou hésitants à la perspective d'Avoir recours au système de justice pour dénoncer les crimes sexuels commis contre des enfants? Selon Au-delà des frontières, la réponse est clairement non. La société a le devoir de protéger les enfants et de dénoncer les conduites qu'elle juge intolérable, comme les conventions et les protocoles internationaux que nous avons signés le prouvent. Les activités sexuelles avec des enfants constituent certainement une conduite intolérable. Le système judiciaire devrait indiquer clairement au public que ces crimes sont odieux et très graves.
La magistrature a-t-elle failli à son devoir de protection des plus vulnérables de la société en imposant des peines clémentes pour des crimes sexuels graves à l'endroit d'enfants? Oui, sans l'ombre d'un doute. Il y a eu abus et surutilisation des peines avec sursis. On a fait fi du principe fondamental voulant que la peine soit proportionnelle à la gravité du crime.
Au-delà des frontières a appuyé le projet de loi , présenté par le gouvernement précédent, malgré le fait qu'il laissait l'âge du consentement à 14 ans. Ce projet de loi donnait à la magistrature l'obligation d'imposer des peines minimales aux personnes reconnues coupables de crimes sexuels graves à l'endroit d'enfants. Le projet de loi fera en sorte que ceux qui commettent des agressions sexuelles contre des enfants, comme l'inceste et ainsi de suite, ne pourront éviter la prison. Par contre, il faut souligner que ce projet de loi, contrairement au projet de loi qui imposait des peines minimales précises, ce projet de loi-ci laisse encore aux juges la latitude d'imposer des condamnations avec sursis et des probations pour les crimes sexuels commis sur des enfants.
Est-ce que les peines purgées dans la collectivité ou la détention à domicile équivalent à l'incarcération? Évidemment pas. Les victimes de crimes, surtout les enfants, ont le droit d'être traités avec respect devant les juges et de connaître la vérité à propos de l'imposition des peines aux criminels. Une maison n'est jamais l'équivalent d'une prison, c'est inconcevable. Les personnes reconnues coupables de crimes sexuels contre des enfants peuvent coucher dans leur propre lit. Comme bon nombre de délinquants sexuels proviennent de milieux aisés, ils peuvent continuer à vivre dans le luxe. Comparer une maison et une prison n'est pas une équation crédible. C'est manquer de respect à tout le monde que de prétendre que rentrer à la maison après avoir été reconnu coupable est la même chose qu'aller derrière les barreaux. La détention à domicile est une punition légère; si ce n'était pas le cas, les criminels ne chercherait pas tant à l'obtenir.
En 2001, en Saskatchewan, une jeune fille Autochtone de 12 ans a eu l'énorme malheur de se faire remarquer par trois hommes adultes. Quand une fillette de 12 ans hystérique, ivre morte et ayant visiblement été agressée sexuellement, doit se faire hospitaliser, on serait porté à croire qu'il est impossible que les coupables se voient imposer une peine de détention à domicile. Pourtant, non seulement Dean Edmondson a-t-il obtenu une telle peine, mais il est également devenu une victime dans cette affaire, car la fillette de 12 ans a été dépeinte comme une participante consentante, et même comme un prédateur sexuel. C'est un précédent dont les Canadiens ne devraient pas être fiers.
Les crimes de nature sexuelle commis contre des enfants sont souvent prémédités. Dans certains cas, les criminels élaborent des plans complexes et manipulent les enfants et leurs parents. Les crimes sexuels peuvent laisser des cicatrices profondes et, comme nous le savons tous, peuvent mener à des choix de vie destructifs et au suicide.
La société est fortement réfractaire aux activités sexuelles avec des enfants. Malheureusement, des millions de dollars sont investis pour apprendre aux enfants comment se protéger. Lorsqu'un adulte choisit de franchir cette barrière et de faire du mal aux membres les plus vulnérables et les plus chers de notre société, il ne devrait pas se voir imposer à peine plus qu'un couvre-feu légèrement incommodant. La détention à domicile ne devrait jamais servir de punition aux abuseurs d'enfants.
Le projet de loi met un terme à cette possibilité pour le bien des enfants. Votre comité devrait l'appuyer.
Merci.
J'aimerais adresser une question à David.
Au cours de la dernière législature, nous avons eu le projet de loi . Nous n'en avons jamais débattu, car il n'est jamais arrivé à l'étape de la deuxième lecture. L'intention de ce projet de loi... Je ne sais pas si vous êtes familier avec cette mesure. Je pense que les autres témoins le sont.
Dans ce cas, il s'agissait d'une présomption contre le recours aux peines avec sursis dans le cas des infractions qui y étaient énumérées. Il y avait les infractions de terrorisme, définies dans le Code criminel. Cela irait plus loin, je pense, dans le domaine du terrorisme, que les crimes définis dans le cas qui nous occupe. Il y avait aussi les infractions d'organisation criminelle, les infractions constituant des sévices graves à la personne au sens de l'article 752, et toute infraction dont la nature et les circonstances de la perpétration sont telles que la dénonciation devrait avoir prépondérance sur les autres objectifs servant à déterminer la peine, afin d’exprimer la réprobation de la société à son égard. J'ai tiré cela de votre témoignage d'aujourd'hui. Une autre disposition précisait que, si un juge décidait de ne pas appliquer cette mesure, autrement dit s'il allait à l'encontre de la présomption, il devait consigner les circonstances exceptionnelles au dossier de l’instance et expliquer son choix.
Cela me semble très près de la thèse que vous défendez dans votre témoignage d'aujourd'hui. Cela serait certainement conforme aux principes de la détermination de la peine — ce qui sera très difficile à faire, selon moi, en vertu du paragraphe dont nous sommes saisis.
Avant de vous demander ce que vous en pensez, je veux aussi dire que la façon dont... D'ailleurs le ministre s'est présenté devant le comité et nous a dit qu'il nous permettait de tenter de trouver d'autres façons de saisir le problème, pour voir s'il y avait un meilleur moyen. Il a admis, essentiellement, que ce libellé avait été établi assez arbitrairement. Or, sans qu'il y ait d'énumération, si l'on examine la façon dont les choses sont présentées dans ce projet de loi, on constate que beaucoup d'infractions sont prévues. Elles sont simplement présentées différemment. Toutefois, étant donné la conception du projet de loi dont nous sommes saisis, les situations hybrides ne sont pas prévues. Beaucoup de situations possibles en sont donc exclues.
Donc, jusqu'à un certain point, ces mesures sont semblables, mais ne sont pas exposées de la même façon. Je crois que le concept adopté dans le projet de loi , ou le point de vue que vous nous avez présenté, laisserait plus de pouvoir discrétionnaire au juge. Je crois à votre interprétation selon laquelle les procureurs feront le travail discrétionnaire en coulisses plutôt que publiquement. Beaucoup d'études l'ont montré, même si le ministre affirme qu'aucun procureur n'agirait ainsi. Cela se fait couramment, et les données empiriques des études le montrent bien. Cela se produit dans tous les tribunaux.
Cela dit, j'aimerais que David, et peut-être aussi quelqu'un du groupe de Lorraine, m'en dise plus long sur ces deux réflexions. Il ne nous reste que deux ou trois semaines avant que nous ayons à nous pencher en comité sur cette question pour rédiger des amendements, car je crois qu'on cherche à restreindre les possibilités. Même si je crois beaucoup aux peines avec sursis, je crois que nous devons arriver à une formule qui soit applicable et qui ne soit pas arbitraire.
:
Merci beaucoup. Je crois que c'est la clé. Comme je l'ai dit, je ne suis pas contre les objectifs de ce projet de loi, car les peines avec sursis peuvent être décourageantes pour les Canadiens, qui doivent avoir confiance dans le système de justice. Malgré les commentaires opposés que nous avons entendus, j'ai un grand respect pour ces objectifs. Les peines avec sursis peuvent parfois être inappropriées aux yeux de ceux à qui le système de justice pénale appartient.
Ceci dit, l'interdiction absolue des peines avec sursis pour une longue liste d'infractions, fondée sur la longueur de la période maximale d'incarcération, n'est pas une bonne façon de régler le problème. Dans certains cas, la peine avec sursis est la décision la mieux avisée, la plus économique et la plus appropriée.
Il faut laisser aux juges le pouvoir discrétionnaire de déterminer la peine. À mon humble avis, le problème est que nos cours d'appel ont adopté le point de vue que les peines avec sursis ont un effet dissuasif et dénonciatoire suffisant. Même dans les cas qui mériteraient une peine dénonciatoire, une peine avec sursis peut être considérée comme appropriée.
Mon point de vue est que la peine avec sursis est appropriée quand il faut séparer une personne de la société aux fins de réhabilitation et quand le crime n'est pas assez grave pour que le public soit choqué par le fait que la personne peut rentrer chez elle. Voilà pourquoi je privilégie l'approche discrétionnaire que vous avez décrite, qui est semblable à celle que j'ai présentée plus tôt.
Si les juges sont tenus de fonctionner selon le principe des présomptions, ils devront agir conformément à ces présomptions, sauf dans certains cas précis où il y a une raison valable de déroger à la norme. Je puis assurer au comité que, si les présomptions relatives à l'inopportunité des peines avec sursis dans les cas où la dissuasion ou la dénonciation doivent primer, les juges les respecteront. S'ils ne les respectent pas, les procureurs auront un excellent motif de porter la décision en appel.
Actuellement, le pouvoir discrétionnaire en matière de détermination des peines est extrêmement vaste. Sans ligne directrice, il est très difficile de porter ce genre de cause en appel. L'approche préconisée dans le projet de loi, c'est-à-dire retirer la possibilité d'imposer des peines avec sursis dans tous les cas, même si c'est approprié, dans le but de tracer une ligne claire — approche que je surnomme « jeter le bébé avec l'eau du bain » dans mon document —, n'est pas conforme avec le système de détermination des peines. Les peines concernent le contrevenant et le crime commis et toutes les circonstances sont prises en compte. Je le répète, les degrés de gravité varient énormément d'une infraction à l'autre. En supprimant complètement la capacité d'imposer des peines avec sursis, il pourrait arriver que des juges imposent une peine moins sévère qu'ils ne l'auraient fait selon le système actuel, uniquement parce que la seule autre option est inappropriée ou irrationnelle à leurs yeux.
:
Bien sûr, merci beaucoup.
Je m'appelle Tiffani Murray et je fais partie du programme de justice réparatrice du palais de justice d'Ottawa. Je suis aussi avocate.
Le programme existe depuis 1988 et fonctionne, comme on l'a déjà mentionné, selon les principes de justice réparatrice, auxquels le Code criminel donne prépondérance. Nous avons constaté que les peines avec sursis ont eu des effets positifs sur tous les participants au programme: contrevenants, victimes et collectivités.
Nous avons examiné tous nos cas et les avons comparés au projet de loi C-9 pour voir quelles infractions seraient affectées par le retrait des peines avec sursis. Nous avons constaté que 94 p. 100 des cas seraient touchés. Dans ces cas, je dois dire que les victimes aussi seraient affectées.
Ces cas ne pourraient appeler de peines avec sursis. Nous avons travaillé auprès des contrevenants, des victimes, des familles et des collectivités pour trouver des solutions, qui comprennent la présentation de recommandations aux juges, à la Couronne et aux parties défenderesses visant à imposer des peines avec sursis qui permettent aux victimes d'obtenir un dédommagement.
Ce dédommagement peut être, par exemple, des travaux communautaires significatifs, une contribution du contrevenant à une organisation qui a une importance particulière pour la victime, ou un don du contrevenant à une fondation caritative qui a une signification particulière pour la victime. Tout cela peut exiger que le contrevenant travaille au sein de la collectivité. De plus, cela redonne aux victimes un sentiment de contrôle et permet aux contrevenants de prendre leurs responsabilités.
Rien de tout cela n'aurait été possible si le contrevenant avait été incarcéré ou, dans 94 p. 100 de nos cas, si la possibilité d'imposer des peines avec sursis n'existait plus.
Je parle de cas de fraude, de vol ou même de conduite avec facultés affaiblies causant des lésions corporelles. Ce sont des cas où il y a eu des retombées positives pour les victimes et les collectivités.
Si le comité le permet, j'aimerais poser une question qui a trait à l'information que j'ai accumulée au cours d'une longue période en tant qu'agent de police qui a souvent eu affaire à des cas d'agression et même à des peines légères. J'ai vu des collectivités outrées par le fait qu'un prédateur sexuel de leur milieu qui avait gardé de nombreux enfants ait reçu une peine d'emprisonnement avec sursis. La réaction était très intense. Rien n'aurait pu effacer ce qui s'est produit, car, comme on l'a dit souvent ici, les prédateurs ne s'arrêtent pas. Ils récidivent encore et encore. Toutefois, c'est la réaction d'une collectivité par rapport à une peine avec sursis. Je trouve tout à fait ahurissant qu'on puisse envisager de relâcher un contrevenant au milieu des personnes qu'il a blessées.
Par ailleurs, en tant qu'agent de police, j'ai parlé à un certain nombre de victimes d'attouchement, en particulier des jeunes. Parfois, l'agresseur est un membre bien en vue de la collectivité. Cela peut être un membre du clergé, par exemple. Ou une personne qui amasse des fonds pour des organismes de bienfaisance. Il s'agit ici d'attouchements légers, sexuels, avec intention d'en arriver à un acte sexuel. Les victimes, après coup, disent « vous savez, je sentais que je devais être plus actif ou active sexuellement ». Dans le cas de fillettes de 12, 13 ou 14 ans, l'abus sexuel déclenche quelque chose et elles deviennent plus actives sexuellement à cause de leur expérience avec ces adultes, qui les manipulent à leur gré. Les filles en particulier deviennent plus actives sexuellement à cause de ce qui s'est passé, et elles l'avouent. Elles sont très très vulnérables.
Je serais curieux de savoir combien de personnes ici ont eu l'occasion de parler à des victimes. Comment accepter cette façon de traiter les contrevenants, c'est-à-dire leur imposer des peines avec sursis, alors que les collectivités sont consternées et que les victimes subissent des conséquences si négatives?
:
Je vous remercie, monsieur le président. Merci à tous de nous accorder du temps et merci pour vos exposés.
Je veux dire à Mme Prober, d'Au-delà des frontières, que lorsque je suis arrivé ici, en 1993, l'un de mes principaux objectifs personnels était de faire tout ce que je pourrais pour éliminer la pornographie juvénile et ces autres choses qui détruisent et heurtent la vie de nos enfants. C'est une lutte de tous les instants.
Je vais être honnête avec vous. Depuis treize ans, je n'arrive pas à comprendre pourquoi des adultes, hommes et femmes, y compris les juges qui prennent certaines décisions, ne parviennent pas à établir des mesures qui aident véritablement. Nous nous laissons toujours arrêter par l'idée qu'il faut faire attention de ne pas contrevenir à la Charte. En d'autres mots, les droits de certains sont plus importants que la protection et la sécurité de nos enfants. Cela a toujours été ainsi. Je ne sais comment nous arriverons à combattre ce fléau, mais il faudra le faire, car il s'agit désormais d'une industrie de plusieurs milliards de dollars. C'est une honte qu'elle ait connu une telle croissance.
J'apprécie beaucoup votre travail. Continuez. Je tenais à vous le dire d'entrée de jeu.
Je voudrais dire au Conseil des Églises que je ne comprends pas comment il arrive à de telles décisions et recommandations concernant le projet de loi . J'ai regardé la liste des Églises fondatrices. Je fais partie de l'une d'elles. Je ne peux pas croire que l'Église à laquelle j'appartiens et qui réunit de très nombreux fidèles adhère à ce que vous avez dit aujourd'hui. J'ai reçu beaucoup de pétitions au fil des années, en particulier de certains groupes confessionnels, en faveur des éléments que prône le projet de loi C-9. C'est ce à quoi je veux venir.
Je suis d'accord avec la dame de l'organisme Au-delà des frontières quand elle dit qu'on ne peut pas se fier seulement aux statistiques en matière de justice pénale. Toutefois, voici des chiffres probants: après le dépôt en 1994 d'une pétition signée par 2,5 millions de personnes, à l'initiative de Priscilla de Villiers et d'un groupe de victimes, et après toutes les pétitions présentées ces dix dernières années, nous avons plusieurs millions de pétitions exigeant l'adoption de mesures liées au système de justice. Ces pétitions proviennent des gens qui assument les coûts du système. Ils méritent que le système les protège.
J'aimerais donc comprendre votre décision. J'ai beaucoup de mal à croire que vous jouissiez d'autant d'appui de la part des membres de votre organisme.
Monsieur Loewen, vous soulignez à quel point il est important que les victimes se fassent entendre. Je ne pourrais être plus d'accord. Les victimes ne participent pas suffisamment au processus.
Je reconnais la valeur de ce qu'avance M. Paciocco, mais je vais être franc. Tous les résidants de ma circonscription qui ont signé ces pétitions et tout cela ne comprendraient pas vraiment votre point de vue. Vous ne pourriez faire un tel exposé dans ma circonscription, qui est au coeur même de nos grands cheptels.
:
J'aimerais m'adresser à Mme Lorraine Berzins et à Mme Jane Griffiths, qui représentent le Conseil des églises pour la justice et la criminologie. Tout d'abord, je suis étonné par le fait que la dénomination catholique romaine, qui est membre de votre conseil, ait changé certaines choses. Comme Myron, je suis un peu troublé. Je vais donc vous poser des questions.
Ma question s'adressant à toutes deux, vous pouvez choisir qui y répondra. À l'heure actuelle, dans la région de Montréal, des gangs de rue utilisent des jeunes gens pour recruter des jeunes femmes. Celles-ci sont attirées par la drogue, dont la consommation constitue un crime non violent, à première vue. Par la suite, ils attirent de jeunes hommes, lesquels commettent des vols dès l'âge de 12 ou 13 ans. On leur met des armes dans les mains et ils continuent. Par après, ils s'insèrent dans un certain milieu social et ont recours à la violence conjugale. Il y a des viols collectifs, que l'on appelle gang bang, à l'intérieur de ces groupes. À cause de tout cela, la justice ne peut nous donner l'image de sécurité qu'elle devrait.
Je ne parle même pas d'assaut sexuel. Je vous ai parlé de vols et de vols à main armée, par exemple. Voler 1 000 $ à un pauvre est équivalent à voler un million de dollars à un riche. C'est aussi terrifiant lorsqu'on pénètre par effraction dans la maison des personnes âgées de 65 ans et plus qui sont seules. Ils ne font qu'ouvrir la porte, et la personne âgée a peur. Imaginez! Je ne comprends pas que vous sembliez vouloir maintenir les peines avec sursis. Je comprends votre position, mais il y a longtemps qu'elles existent et voilà le résultat.
Je vais vous raconter une histoire rapidement. Une personne a été assignée à résidence pour une période d'un an. Le premier tiers de la sentence était appliquée 24 heures sur 24, avec le droit d'aller au marché, etc. Le deuxième tiers était appliqué de telle heure à telle heure et lors du dernier tiers, il n'y avait pas de couvre-feu. Cette personne était trafiquante de drogue, mais n'avait pas d'antécédents judiciaires. Elle vivait dans une maison de 500 000 $. On l'assigne à domicile, dans sa maison de 500 000 $ avec télévision, piscine, serviteurs, lunchs, etc.
Croyez-vous que ce genre de peine soit dissuasif? Ne croyez pas que cela n'arrive pas. Cela arrive plus souvent que vous ne le pensez. Il n'y a pas que des pauvres qu'on assigne à domicile, il y a beaucoup de riches aussi. Pensez-vous que ce type de peine dissuade les gens ou inspire confiance en la justice?
:
Je remercie tous les témoins de nous donner leur point de vue.
J'ai quelques points à aborder. J'ai entendu certains témoins — et vous avez droit à votre opinion — dire qu'il ne faudrait jamais éliminer l'option de l'emprisonnement avec sursis. Il n'y a pas si longtemps, les peines avec sursis n'existaient même pas. Lorsqu'on les a instaurées, on a averti le grand public dans le cadre des débats qui ont eu lieu que les peines avec sursis ne seraient utilisées que dans les cas d'infractions mineures. Le projet de loi conserve les peines avec sursis pour les infractions de moindre gravité.
Je ne veux pas qu'on induise les gens en erreur. Selon le projet de loi, même en ce qui concerne les infractions assorties d'une peine maximale de dix ans, lorsqu'on peut punir par procédure sommaire ou par mise en accusation — ce qui s'appelle une infraction mixte — les peines avec sursis demeurent possibles. Dans les cas de moindre gravité, à la discrétion du procureur de la Couronne, on peut dire « nous allons utiliser la déclaration de culpabilité par procédure sommaire; il demeure possible d'avoir une peine avec sursis ». Cela a amené les gens à croire que le projet de loi fait disparaître les peines d'emprisonnement avec sursis en toutes occasions.
Le commentaire du Conseil des Églises pour la justice et la criminologie selon lequel la dissuasion ne devrait même pas être un facteur a attiré mon attention. La dissuasion est un des principes utilisés dans la détermination de la peine. Vous avez le droit de penser que ce ne devrait pas être un facteur, mais ce commentaire a touché une corde sensible chez moi.
Madame Prober, comme vous n'avez pu répondre à la dernière question, je vais vous laisser vous prononcer à ce sujet. À mon sens, lorsqu'un délinquant sexuel ou un récidiviste est libéré... ou, pour ne pas utiliser l'exemple des infractions sexuelles, parlons de crimes contre les biens. J'ai entendu de nombreuses personnes dire que le projet de loi a une portée trop vaste et qu'il inclut trop d'infractions. Examinons celles qui sont punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et pour lesquelles la peine avec sursis est encore possible. Laquelle voudrions-nous retirer? Nous avons tous bien ri au sujet du vol de bétail, mais quiconque est victime d'un tel vol ou d'un de ces crimes, y compris les infractions contre les biens, trouve cela grave et veut envoyer un message. Les gens veulent obtenir justice et sentir que justice a été faite.
Madame Prober — ou n'importe qui d'autre — en ce qui concerne la dissuasion, doit-on penser que l'incarcération, par opposition à la détention à domicile, n'est plus utile du tout? Et qu'en est-il de l'avantage pour la société que quelqu'un qui n'a pas tiré leçon de ses démêlés avec la justice soit en prison au lieu de se promener librement dans la rue et de commettre des crimes contre les biens, des infractions contre des enfants, ou tout autre type d'infraction?
Quelqu'un a-t-il des observations à formuler?