Je ferai la première partie de mes remarques en français et la deuxième partie en anglais.
Je me propose d'expliquer tout d'abord pourquoi la plupart des pays ont des organismes de réforme du droit et que font ces organismes. Ensuite, je parlerai des caractères uniques d'une institution de réforme du droit, et finalement, des coûts et des pertes associés à la perte de la Commission du droit du Canada pour des gens bien précis comme les jeunes, les aînés, les Autochtones et l'ensemble de la population canadienne.
Un organisme de réforme du droit est là pour conseiller le gouvernement sur la façon de minimiser
[Traduction]
le fossé entre le droit tel qu'il se vit et le droit tel qu'il s'écrit.
[Français]
Le rôle des commissions du droit est de travailler à trois niveaux : au niveau de la citoyenneté, au niveau des chercheurs et des experts, et au niveau des décideurs et des gens qui formulent les politiques publiques.
Au niveau de la citoyenneté — et cet aspect du travail des commissions du droit est très important —, il arrive souvent que les promesses du droit et de la loi ne se matérialisent pas dans la façon dont les citoyens vivent le droit et dans la façon dont les citoyens sont assujettis au droit. Le travail d'une commission du droit est donc essentiellement de mesurer l'écart entre ce que le droit dit et ce qu'il fait. Elle mène cette tâche à bien en effectuant des consultations auprès de la population, en s'assurant de l'engagement du public dans la définition des problèmes du droit et par des études empiriques. Il n'est pas suffisant de partir d'anecdotes, il faut aussi savoir mesurer l'écart. On essaie de mesurer les problèmes du droit dans la société.
Cette première évaluation est faite dans la perspective d'identifier les questions qui préoccupent les Canadiens et Canadiennes et qui doivent nous porter à réfléchir. Par la suite, il faut demander à la communauté de chercheurs et d'experts de se pencher sur ces questions. D'une certaine façon, la commission agit comme un lien entre les préoccupations des citoyens et la communauté des chercheurs. Elle demande aux chercheurs de se préoccuper de questions qui sont à l'origine de préoccupations citoyennes. C'est en raison de son statut un peu prestigieux, du fait qu'elle est liée au Parlement, qu'elle peut s'assujettir de prestigieux chercheurs et s'en rapprocher.
Les organismes de réforme du droit ont accès, d'une certaine façon, aux meilleurs cerveaux et surtout aux meilleurs réseaux de chercheurs. Les chercheurs ont des réseaux non seulement internes, au sein du Canada, mais aussi externes, sur le plan international. Un organisme de réforme du droit est capable de mobiliser ces réseaux de chercheurs pour qu'ils se penchent sur une question issue de ses consultations auprès des citoyens. Elle peut donc faire bénéficier la population canadienne de grands réseaux de chercheurs pour faire avancer le droit au Canada.
Elle travaille aussi auprès des décideurs. Les organismes de réforme du droit font circuler leurs travaux de recherche de façon très libre auprès des citoyens, auprès des groupes communautaires et un peu partout au Canada. On sait que les travaux de la Commission du droit du Canada, par exemple, ont souvent été utilisés dans beaucoup d'institutions au Canada.
Ce ne sont pas tous les problèmes d'écart entre le droit écrit et le droit vécu qui peuvent être résolus par une loi. Beaucoup de problèmes peuvent être résolus par des changements de méthodes institutionnelles et par le développement de meilleures pratiques. La commission peut jouer, et a joué, un rôle de catalyseur, amenant les différents joueurs à développer de meilleures pratiques.
[Traduction]
Les organismes de réforme du droit oeuvrent dans l'intérêt de la justice à long terme et contribuent à informer le gouvernement en lui présentant le fruit des meilleures recherches disponibles à ce moment-là, ainsi que toutes les options qui s'offrent à lui. Ils fonctionnent également d'une façon qui permet aux citoyens de participer à leur travail. D'une certaine façon, la Commission du droit du Canada a pu combler le fossé traditionnel entre le droit civil et la common law, entre la culture francophone, anglophone et autochtone. Elle a été en mesure de s'inspirer du droit civil, de la common law et des cultures autochtones pour énoncer et examiner un éventail de solutions qui pouvaient être envisagées dans une situation donnée. Elle communique le fruit de son travail aux diverses institutions et au Parlement, par l'intermédiaire du ministre de la Justice. Ce dernier dépose ses conclusions au Parlement, qui peut y donner suite ou non.
Un organisme de réforme du droit ne remplace pas un service de recherche au ministère de la Justice. Il se penche sur des sujets différents. Il agit sur l'infrastructure du droit. Il veille à ce que cette infrastructure ne s'écarte pas trop de la réalité des citoyens. Dans une société caractérisée par la primauté du droit, il n'est pas souhaitable que l'écart entre la réalité et le droit soit trop important. C'est essentiel, et c'est la mission d'un organisme de réforme du droit.
En quoi la Commission du droit du Canada est-elle une institution unique? En quoi est-elle utile? Pourquoi ne peut-elle pas être remplacée par les deux organismes qui, d'après le ministre, pourraient aisément prendre le relais?
Le ministre de la Justice a expliqué sa décision de supprimer le financement de la Commission en affirmant que le ministère de la Justice ou l'Association du Barreau canadien pourrait s'acquitter de cette tâche. La réplique de l'Association du Barreau canadien ne s'est pas fait attendre : non, a-t-elle dit, nous ne pouvons faire ce travail. Il est très important de noter — et c'est un point sur lequel je veux vraiment insister — qu'il arrive que le Barreau canadien ne puisse résoudre des problèmes de nature juridique. Cette entité est en situation de conflit puisqu'elle représente ses membres. Certaines solutions à des problèmes juridiques ou sociaux ne peuvent émaner uniquement des avocats, et je dis cela en tant qu'avocate. La réforme du droit n'appartient pas exclusivement aux avocats, mais à tous les Canadiens. Ce que je veux faire comprendre, c'est qu'en dépit de son excellent travail, l'Association du Barreau canadien ne peut compter sur une approche multidisciplinaire et jouir d'autant de crédibilité lorsqu'il est question de réforme du droit.
À mon avis, le ministère de la Justice est également limité dans ce rôle. Ce dernier doit agir en fonction des préoccupations immédiates du ministre. C'était évident après le 11 septembre, quand il a été amené à assumer la lourde responsabilité de répondre sans délai à la crise. Pour sa part, la Commission du droit peut se pencher sur des questions techniques d'une grande portée qui influent sur l'efficience du système juridique et sur le maintien de sa pertinence aux yeux de la population canadienne.
Quelle a été l'oeuvre de la Commission? Comment pouvons-nous mesurer son apport au plan législatif? Je parlerai brièvement du coût de son élimination soudaine.
De nombreux intervenants ont dit — et ils ont été cités dans The Globe and Mail — que la suppression de la Commission du droit entache la réputation du Canada en tant que chef de file mondial de la réforme du droit. Je cite l'un d'eux :
[On supprime] un programme qui retenait l'attention partout dans le monde et qui conférait au Canada une réputation enviable.
C'est vrai. La stratégie de la Commission consistant à faire participer les Canadiens à son travail en faisait un chef de file. C'était une stratégie axée sur la participation. La commission organisait des concours dans les écoles secondaires sur des questions juridiques. L'un de ses programmes encourageait la discussion avec les jeunes universitaires sur différents sujets d'intérêt, etc. Elle tenait des milliers de petites réunions partout au Canada, au Yukon, au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve — pour aborder certains enjeux ayant trait au système juridique.
En outre, et c'est un autre volet qu'il convient de considérer, la Loi sur la Commission du droit du Canada stipule que celle-ci doit travailler en partenariat, et au cours de ses neuf ans d'existence, elle en a établi un grand nombre. Évidemment, tous ces partenariats sont maintenant compromis. La fermeture abrupte de la commission met carrément en péril le travail de certains partenaires.
La liste des partenaires inclut l'Institut Nord-sud, l'Institut C.D. Howe, l'Association du Barreau canadien autochtone, UBC Press, Les presses de l'Université Laval, RCRPP, le NALL, le Groupe de la réforme démocratique, le CRSH, le Conference Board of Canada, etc.
La commission étant un organisme modeste, elle se devait de nouer des partenariats pour augmenter son budget de recherche. Sa démarche était la suivante. Par exemple, elle communiquait avec le CRSH pour lui soumettre une question soulevée au cours de ses consultations. Par exemple, toute la problématique des services de sécurité privés et publics et des services de police — il y a un nombre croissant de gardes de sécurité privés. Qu'est-ce que cela signifie pour le système judiciaire? La commission aurait demandé au CRSH de créer un thème de recherche sur cette multiplication des services de sécurité.
C'est ainsi qu'elle était en mesure de traduire les besoins et les inquiétudes des Canadiens au sujet du système judiciaire en un programme de recherche grâce à des partenariats. Elle jouait ainsi un rôle novateur et très efficace.
Parmi tous les groupes ayant des liens avec la Commission du droit et tous les partenariats — je ne les ai pas tous mentionnés, évidemment, il y a aussi les coopératives étudiantes, les conférences sur le droit des anciens, etc. — il y en a trois dont je veux parler et qui peinent à faire entendre leur voix au sujet de la réforme du droit. La commission a fait un travail particulièrement intéressant à cet égard, et je pense qu'il faut prendre note de cette importante contribution.
Premièrement, la voix des jeunes. Au fil des ans, la commission a créé un partenariat avec le milieu scolaire. Ainsi, elle a mis sur pied dans les écoles secondaires un concours thématique. Par exemple, une année, le thème était les travailleurs vulnérables — les travailleurs adolescents. Nous savons que les adolescents qui commencent à travailler sont victimes de multiples accidents attribuables au fait qu'ils ne connaissent pas la loi et qu'ils prennent aussi des risques indus. Le concours a non seulement permis de sensibiliser les jeunes mais aussi de les amener à réfléchir à la façon dont ils pourraient améliorer la situation et réduire l'écart entre les attentes engendrées par la loi et la réalité.
La perte de cet apport des jeunes est particulièrement dramatique.
Pour ce qui est des personnes âgées, la commission avait mis sur pied un programme qui leur permettait de se prononcer sur certains enjeux.
Et pour permettre aux voix autochtones de se faire entendre, la Commission avait établi de longue date un partenariat avec l'Association du Barreau autochtone du Canada, avec lequel elle menait à bien de nombreux projets concernant les questions autochtones. À mon sens, c'est une perte inestimable car à l'origine, il avait fallu gagner la confiance des Autochtones pour créer ce partenariat et les convaincre d'y participer.
Je vais m'en tenir là.
[Français]
Les groupes et les organisations ne sont pas les seuls à avoir souffert de l'élimination des fonds pour la commission. Il faut compter aussi tous les bénévoles et tous les gens qui ont participé aux forums organisés par la commission depuis neuf ans. Le prix à payer est celui de la confiance envers le gouvernement.
Ces personnes qui participaient depuis neuf ans à différents forums sont maintenant face à la disparition abrupte et sans consultation de la Commission du droit du Canada. Cette fermeture n'a pas été très transparente. Elle n'a pas été précédée d'une consultation ou d'une évaluation, contrairement à sa mise en oeuvre, qui avait été précédée de deux ans de consultations auprès d'un grand nombre de groupes et de constituants. C'est une grande perte pour tous ceux qui ont couru le risque d'exprimer leur point de vue et qui ont participé avec toute leur âme à l'effort de réforme du droit au Canada.
:
Merci, monsieur le président. Je ferai la première partie de mon exposé en français,
the second part in English, et la conclusion en français.
Je veux remercier les membres du comité de m'avoir invité à témoigner des conséquences de l'abolition de la Commission du droit du Canada, une abolition de facto, puisque la commission, faute de financement, fermera ses portes le 15 décembre 2006. Quant à l'abolition de jure, elle devra attendre la révocation de la loi créant la Commission du droit du Canada.
Par ailleurs, je veux d'emblée noter que j'aurais évidemment préféré qu'une telle discussion avec le comité et avec d'autres acteurs précède la décision d'éliminer le financement de la commission, cela par souci de transparence et par respect pour les Canadiens et Canadiennes qui, jusqu'à l'annonce de cette décision par le gouvernement le 25 septembre dernier, étaient engagés dans les projets de la commission.
À titre de président, je pense qu'il m'incombe de vous informer des conséquences de la fermeture de la commission sur les projets en cours. Permettez-moi toutefois, avant de dresser un constat sur ces projets, d'aborder ces conséquences de manière générale.
La disparition de la Commission du droit du Canada privera le gouvernement, le Parlement et aussi l'appareil judiciaire des conseils indépendants d'une entité qui puisait ses idées chez les meilleurs experts et expertes travaillant dans diverses disciplines. Elle privera surtout le public canadien d'un forum non partisan au sein duquel les Canadiens et Canadiennes étaient invités à débattre de questions fondamentales pour notre société. Divers points de vue étaient exprimés dans un climat de confiance reposant sur l'indépendance de la commission. La commission, par ses études et rapports, relayait ces points de vue au Parlement. Il n'y avait pas de murs autour de la commission; la discussion sur le droit était décloisonnée, ouverte à toutes les personnes et à toutes les disciplines. Je ne connais pas d'autre forum de nature juridique équivalent à l'échelle fédérale.
De plus, comme je l'indiquais au ministre de la Justice, lorsqu'il m'a appris le 25 septembre la nouvelle de l'élimination de l'ensemble du financement de la commission, le Canada aura la distinction d'avoir éliminé pour une deuxième fois en 15 ans son agence fédérale de réforme du droit. La conséquence est que le Canada s'éloigne du modèle adopté par d'autres pays avec qui nous partageons pourtant une partie importante de notre héritage juridique, des pays tels que le Royaume-Uni, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, l'Irlande et une trentaine d'autres. Il me semble qu'il vaut la peine de s'interroger sur les raisons de notre différence.
[Traduction]
Après ces commentaires d'ordre général, permettez-moi d'aborder les conséquences de la fermeture de la Commission du droit de manière très concrète. Puisque le temps est limité, j'aborderai trois projets qui devaient donner lieu à des rapports au Parlement. Notez que la commission explorait aussi d'autres thèmes, notamment la définition du crime, la loi et l'âge ainsi que le crédit dans les réserves. Certains de ces projets étaient passablement avancés. En outre, nous avons déposé en juillet un rapport sur le maintien de l'ordre.
Le premier projet portait sur la mondialisation. Au Canada, la mondialisation a eu des conséquences sur les diverses facettes de la société. Un exemple est l'influence croissante du droit international sur le droit domestique, un phénomène récent qui mérite une étude approfondie.
En mars 2006, la Commission du droit a publié un document de discussion sur la mondialisation que j'ai ici avec moi. Dans ce document, la commission s'interrogeait sur le rôle que devraient jouer divers acteurs domestiques, entre autres l'exécutif fédéral, les parlementaires, le Parlement, les provinces, les juges et les organisations non gouvernementales en ce qui concerne la négociation, l'approbation, la mise en oeuvre et l'application d'instruments de droit international, et sur la façon dont ces processus peuvent être plus transparents, participatifs et responsables.
La commission s'est aussi demandée dans quelles circonstances une loi canadienne devrait avoir une portée à l'extérieur du Canada. Pour répondre à cette question, la commission a récemment financé une recherche sur l'extraterritorialité. Elle avait accordé un contrat à quatre chercheurs de l'Université Dalhousie qui, pour une somme de 10 000 $, ont rédigé une étude de 100 pages. Ce document est maintenant disponible sur notre site Web dans les deux langues officielles. La commission avait également commandé une recherche au Conference Board of Canada pour déterminer la perspective des milieux d'affaires sur la responsabilité sociale des sociétés à l'étranger.
Nous avions planifié une foule d'activités pour l'automne et l'hiver, notamment des discussions avec des parlementaires et d'ex-parlementaires et avec des représentants des gouvernements fédéral et provinciaux. La fermeture de la commission ne permettra pas la tenue de ces activités.
Le travail de la commission aurait pu s'avérer utile dans l'exploration approfondie du rôle du Parlement en ce qui concerne ces questions, un rôle dont il a été fait mention dans le discours du Trône : « D'importants traités internationaux seront présentés au Parlement pour être mis aux voix ».
Le second projet concerne les traditions juridiques autochtones. Reconnaissant d'emblée que les peuples autochtones étaient les premiers praticiens du droit dans ce qui est maintenant le Canada, la commission a voulu explorer la façon dont on pourrait soutenir la revitalisation de ces traditions et leur faire davantage de place dans le régime juridique canadien. La commission a conçu une trousse de consultation novatrice, laquelle contient un document de discussion, que j'ai apporté avec moi, un documentaire vidéo de 30 minutes qui est sur ce CD ici, et un document de recherche de fond de 200 pages rédigé par un universitaire réputé.
Nous savons tous à quel point il est essentiel de se pencher sur la situation des peuples autochtones au Canada, de rapprocher les Autochtones et les non-Autochtones et d'améliorer la santé économique, sociale et politique des collectivités autochtones. La recherche menée par et pour la Commission du droit démontre clairement que le développement positif des collectivités autochtones est directement lié au contrôle qu'exercent concrètement les peuples autochtones sur le processus décisionnel, y compris les décisions de promulgation et d'application des lois.
Cependant, notre recherche a aussi fait ressortir les obstacles considérables à une plus grande reconnaissance des traditions juridiques autochtones, les défis auxquels sont confrontées les collectivités autochtones qui tentent de revigorer leurs traditions, les problèmes d'applicabilité, d'égalité, de responsabilisation, etc.
La trousse de consultation a été remise à la commission quelques jours à peine après l'annonce de sa fermeture par le gouvernement, et elle vient d'être rendue publique. Je tiens à remercier mon collègue, le commissaire Mark Stevenson qui, à ses frais, a assisté à une réunion de l'Association du Barreau autochtone il y a deux semaines, un événement où devait avoir lieu le dévoilement de la trousse de consultation.
Bien sûr, la fermeture de la commission met fin à cet important projet. La publication de cette trousse aurait été suivie d'une série de consultations exhaustives. Mais le plus important, c'est que l'élimination de la Commission du droit supprime une voix neutre précieuse dans un débat très virulent au niveau politique.
Le troisième et dernier projet dont je parlerai en détail concerne les travailleurs vulnérables. On y examine de quelle façon la législation canadienne du travail ne correspond plus à la réalité du marché du travail d'aujourd'hui. D'après notre recherche, près du tiers des travailleurs canadiens oeuvrent aujourd'hui dans un contexte hors norme : entente contractuelle, temps partiel, travail autonome, etc. En raison de ces arrangements, de plus en plus de travailleurs canadiens ne peuvent bénéficier des droits et protections conférés par la législation, comme l'assurance-emploi, le droit de refuser un travail dangereux, l'indemnisation pour les heures supplémentaires et le droit de négocier collectivement.
Ces travailleurs n'ont souvent pas accès aux avantages liés au travail, tels les soins médicaux, les régimes de pension et de soins dentaires, etc. Le document de discussion de la Commission du droit, publié en janvier 2005, examine cette tendance et diverses pistes de solution.
Plus tôt cette année, nous avons donné à une équipe de chercheurs incluant deux universitaires réputés dans le domaine du droit du travail — Brian Langille, de l'Université de Toronto, et Guy Davidov, de l'Université de Haifa — le mandat d'explorer des solutions à la fois pratiques et créatrices aux problèmes identifiés dans le document de discussion. Cette recherche novatrice, d'une valeur de 40 000 $, était en cours au moment où le gouvernement a annoncé la fermeture de la commission. Elle aurait constitué la pierre angulaire de notre rapport final au Parlement. Avec la disparition de la commission, la possibilité de présenter des recommandations novatrices concernant une problématique sociale complexe et urgente touchant des millions de travailleurs canadiens a été perdue.
[Français]
En conclusion, dans son ensemble, la commission a accompli beaucoup durant les neuf dernières années, avec un budget annuel de 3,2 millions de dollars, somme inchangée depuis sa création en 1997, et un petit secrétariat. La commission est allée chercher ces dernières années plus de 200 000 $ additionnels par année par le biais de partenariats. Elle a aussi obtenu à maintes reprises les conseils gratuits d'éminents experts et de la société civile, et a poursuivi un important programme de recherche en réforme du droit pour peu d'argent.
Comment la commission a-t-elle pu agir ainsi? À mon avis, il en est ainsi parce que la Commission du droit du Canada a la réputation de produire du travail de qualité et de fournir une occasion réelle à ceux et celles qui, autrement, n'auraient pas participé ou ne pourraient pas participer à la réforme du droit au Canada.
Je vous remercie.
:
Bonjour. Je vous remercie de m'avoir invité à venir témoigner aujourd'hui.
[Traduction]
Je m'appelle John Carpay. Je suis directeur général de la Canadian Constitution Foundation, organisme qui existe depuis quatre ans et qui a été constitué pour appuyer la poursuite engagée en Colombie-Britannique par James Robinson, aussi connu comme le chef Mountain des Indiens Nisga'a, ou encore, en langue nisga'a, Sga'nisim Sim'augit . Notre fondation a décidé récemment d'élargir son mandat et d'adopter d'autres causes et projets de recherche.
En faisant ma recherche sur la Commission du droit du Canada et en consultant son site Web, j'ai lu que sa mission consistait à engager les Canadiens et Canadiennes dans la réforme du droit afin de s'assurer qu'il soit pertinent, dynamique, efficace, juste et également accessible à tous et à toutes. J'ai toujours pensé que c'était là la mission du Parlement. Toujours dans le site Web, on peut lire que la Commission du droit a pour mandat d'examiner systématiquement les lois canadiennes afin de déterminer si elles continuent de répondre aux besoins de la société. Encore là, j'estime que c'est votre travail en tant que députés d'examiner systématiquement la législation canadienne pour déterminer si elle répond toujours aux besoins de la société.
Pour ce qui est d'encourager les Canadiens à participer à l'actualisation du droit, c'est aussi ce que vous faites tous les jours lorsque vous écoutez vos commettants — qu'ils communiquent avec vous par courriel, par téléphone, par télécopieur ou en personne. À en juger par la mission avouée de la commission, il n'est pas nécessaire que cette organisation existe ou soit financée car vous, les élus, assumez déjà cette mission.
D'aucuns pourraient faire valoir, à juste titre, que le Parlement a besoin d'aide. Je suis d'accord. Mais le Parlement est en mesure d'aller chercher de l'aide auprès de nombreuses sources, par exemple dans les universités et les facultés de droit. Il y a des professeurs de droit qui, lorsqu'ils n'enseignent pas, sont payés pour s'adonner à temps plein à l'examen, à l'étude et à l'analyse du droit. Des douzaines, voire des centaines de professeurs de droit font ce travail tous les jours. Nous pouvons aussi compter sur des instituts de recherche sur la politique publique. Entre autres, l'Institut de recherches en politique publique, à Montréal, le Centre canadien de politiques alternatives, le Frontier Centre for Public Policy, l'Institut économique de Montréal et l'Atlantic Institute for Market Studies. Tous ces centres de recherche, ces groupes de réflexion, se sont penchés sur des sujets juridiques, et rien ne leur interdit de le faire.
Nous avons aussi des groupes de défense des intérêts : de nombreux groupes de femmes, d' allégeance féministe ou traditionaliste, des groupes de défense de l'environnement. Il existe de multiples groupes d'intérêts qui fournissent volontiers au gouvernement des opinions juridiques sur demande.
Un dernier point, mais non le moindre : il ne faut pas oublier les ministères gouvernementaux qui ont tous des services juridiques. Ce n'est pas uniquement l'apanage du ministère de la Justice.
Tout ce que fait la Commission du droit se fait déjà ailleurs. Il y a aussi une différence au plan de la reddition de comptes. Si le Frontier Centre for Public Policy fait un travail de recherche, il doit rendre des comptes à ses adeptes et ses bailleurs de fonds. Si la qualité de la recherche laisse à désirer, ses bailleurs de fonds vont lui couper les vivres. Toutefois, il n'y a aucune responsabilisation dans le cas de la Commission du droit. Et le même raisonnement vaut pour les groupes de défense des droits. Divers groupes militants rédigent régulièrement des travaux de recherche juridique et des recommandations sur la réforme du droit.
Un autre volet de la mission de la commission est de recommander des améliorations au droit. Qui peut s'opposer à cela? Personne. Mais tout le monde n'est pas nécessairement d'accord sur ce qui constitue une amélioration. Tout le monde n'a pas la même vision, la même perspective.
[Français]
Aujourd'hui, je vois devant moi des représentants des quatre partis politiques. Il y a au moins quatre visions très différentes de ce qu'est une amélioration, de ce qu'est la justice. Il y a des perspectives différentes et il n'y a pas d'unité sur ce sujet.
[Traduction]
Il est très facile d'affirmer que la Commission du droit recommande des améliorations, mais il n'y a pas consensus sur ce qui constitue une amélioration. Si l'on examine certaines des recommandations antérieures de la Commission du droit et de l'organisme qui l'a précédé, ce n'est pas tout le monde qui considère qu'une loi autorisant l'avortement sur demande représente une amélioration. Pour certains, ce l'est; pour d'autres, ce ne l'est pas. Tout le monde n'est pas d'accord pour dire qu'éliminer l' inceste qu'en tant qu'acte criminel est une amélioration. Certains sont de cet avis, d'autres non. Abaisser l'âge du consentement de 18 à 14 ans, décriminaliser la prostitution, remplacer le mariage par un enregistrement et modifier la définition du mariage sont autant de suggestions qui représentent ou non des améliorations, selon la perspective de chacun.
Voici la question que je pose : est-il juste d'obliger tous les contribuables à financer des recommandations qui ne sont peut-être pas sectaires, en ce sens qu'elles n'émanent pas nécessairement d'un parti politique, mais qui ne sont certainement pas neutres, indépendantes et objectives pour autant. Ce sont des recommandations basées sur les opinions des auteurs de la recherche.
Voilà pourquoi j'estime que c'est une très bonne idée de supprimer le financement de la Commission du droit du Canada.J'espère d'ailleurs que cette initiative sera suivie d'ici peu par l'abrogation de sa loi habilitante puisque la commission fait double emploi et reproduit ce qui est déjà disponible ailleurs. À commencer par la description même de sa mission, qui est pratiquement analogue à celle dont le Parlement est investi. Et si le Parlement souhaite obtenir des avis, il peut s'en procurer auprès d'une foule de sources différentes — professeurs de droit, instituts de recherche sur la politique publique, groupes de défense des intérêts, et même ses propres ministères.
Quant à savoir si la Commission du droit du Canada a conféré au Canada une réputation enviable, je l'ignore. Si je travaillais pour la commission, je suppose que je serais enclin à affirmer cela moi-même. Mais de petites réunions ont lieu dans tous les coins du pays, et elles continueront d'avoir lieu sans elle.
Je trouve intéressant que l'on qualifie de modeste la Commission du droit alors qu'elle compte une douzaine d'employés. Je serais ravi que notre fondation ait un effectif aussi nombreux. Nous pourrions abattre beaucoup plus de travail. Ce serait aussi fantastique d'avoir un budget de plus de trois millions de dollars par année. Mais si cela nous arrive un jour, ce sera parce que des Canadiens auront volontairement versé une contribution financière à notre fondation pour soutenir à notre mission, qui consiste à promouvoir la liberté constitutionnelle des Canadiens grâce à l'éducation, à la communication et au recours au litige.
En conclusion, personne ne souffrira de la suppression du financement de la commission, à l'exception de ceux qui souscrivent à ses recommandations passées et qui pourraient souscrire à ses recommandations futures.
Je répondrai volontiers à vos questions.
Merci.
:
Je ferai quatre commentaires. Premièrement, on dit que la commission
[Traduction]
ne rend compte à personne.
[Français]
Je trouve que c'est une insulte au Parlement. L'article 6 stipule, en parlant de la commission:
[Traduction]
Nous sommes comptables au Parlement par l'intermédiaire du ministre de la Justice. Au fil des ans, nous avons comparu devant votre comité à maintes reprises. Nous avons toujours déposé notre rapport annuel. Nous avons soumis un rapport de rendement et un rapport sur nos plans et priorités. Si vous consultez le plus récent rapport de la Commission de la fonction publique, qui a été rendu public juste après le démantèlement de la commission, vous y lirez qu'en termes de mécanismes de dotation, la commission est l'un des organismes les mieux cotés du gouvernement.
Par conséquent, je trouve vos propos insultants pour le Parlement.
[Français]
Deuxièmement, malgré tout le respect que je lui dois, je trouve que M. Carpay pratique la logique de l'absurde. Il dit que le Parlement peut assumer notre mandat et que la commission n'est donc pas nécessaire.
Il dit qu'il y a l'acteur A, l'acteur B, des professeurs et l'acteur C. Sa logique est donc celle de l'absurde. On pourrait éliminer tout le monde, et le Parlement pourrait tout faire. En fait, vous pourriez décider qu'un jour c'est la commission et que l'autre jour c'est le Parlement. Ce n'est pas très constructif.
[Traduction]
Troisièmement, au sujet du double emploi, les faits parlent d'eux-mêmes en ce qui concerne les professeurs de droit. Ces derniers travaillent de concert avec la commission. De nombreux centres ont collaboré avec elle. Je vous invite à consulter les multiples déclarations qui ont été faites depuis cette annonce. Chose certaine, nombreux sont ceux qui jugeaient notre travail utile. Et à propos de double emploi, c'est notre rapport sur la réforme électorale qui me vient à l'esprit, en ce sens qu'il a été souvent utilisé comme document de référence. Ce n'était certes pas la reproduction d'une recherche existante, et ce n'est qu'un exemple. Quant à notre premier rapport sur les mauvais traitements infligés aux enfants dans les internats, qui avait été commandé par le gouvernement, ce n'était assurément pas un document repiqué.
Une dernière chose. Vous avez mentionné bon nombre de nos recommandations. Ma collègue ici présente faisait des signes de dénégation de la tête car nous n'avons pas reconnu la les recommandations de la Commission du droit du Canada. Et à propos de budget plus substantiel, j'espère qu'une hausse vous aiderait à améliorer l'information que vous communiquez publiquement ici aujourd'hui au sujet des recommandations antérieures de la commission. Il faut remettre les pendules à l'heure à ce sujet.
Merci beaucoup.
:
Dans ce cas, je vais commencer. Je mentionnerai deux projets.
Le premier projet de la commission a été la réponse aux mauvais traitements dans les internats. Dans le cadre de ce projet, nous avons pu rejoindre des gens qui se méfiaient du gouvernement, qui avaient peur. Nous avons mis à contribution un conseil consultatif autochtone qui incluait, entre autres, un représentant des résidants du Yukon,
C'est l'un des rôles que la commission peut jouer, contrairement à d'autres entités. La commission peut rassembler autour de la table des gens qui, parfois, ne sont pas d'accord avec un changement donné et leur demander ce qu'ils craignent. Parfois, il se développe un consensus qui permet finalement au gouvernement d'agir, et c'est ce qui s'est produit dans la foulée de ce projet. Évidemment, il a fallu attendre sept ans. Nous avons déposé un rapport en 2000, et ce n'est que six ans plus tard que les choses ont bougé. Chose certaine, la commission a permis aux divers acteurs de se cheminer vers une solution possible à un problème extrêmement complexe et difficile.
En ce qui concerne la capacité de conclure des traités, la commission a organisé une consultation et un groupe de travail en Colombie-Britannique pour tenter de rassembler les divers intervenants autour des enjeux complexes liés à la conclusion de traités et à concilier les différents points de vue à ce sujet. Quel est l'avenir du rôle de fiduciaire du gouvernement à l'égard des peuples autochtones? Va-t-il donner des résultats? Les gens sont déçus. Plusieurs rencontres ont eu lieu en divers endroits du Canada pour essayer de rapprocher les différentes parties et discuter des traditions juridiques autochtones dont M. Le Bouthillier a parlé.
L'un des rapports phares de la commission portait sur la justice réparatrice. Il existe un mouvement de fond en faveur de la justice réparatrice et de la médiation. Où va ce mouvement, et quelle incidence aura-t-il sur le système juridique canadien? La justice réparatrice est maintenant reconnue par le Barreau du Québec. Et ce n'est qu'une des questions étudiées par la commission. C'est ainsi que cela fonctionne.
:
Je vous donnerai moi aussi trois brefs exemples de notre action.
En février dernier, nous avons organisé à Winnipeg un forum très important sur les rapports entre la Couronne et les Métis. Ont répondu à notre invitation de nombreux fonctionnaires de Justice Canada et une foule d'experts de partout au pays. On s'y est demandé, entre autres, si les Métis relevaient du gouvernement fédéral ou provincial, ou s'ils tombaient sous le coup de l'article 91 de la Constitution qui définit les compétences fédérales. Nous allons publier dans les deux langues officielles le compte rendu de cette très importante discussion d'une durée de deux jours.
Mon deuxième exemple concerne l'une des questions à l'étude qui aurait débouché sur un rapport au Parlement: le crédit dans les réserves. Comme vous le savez, aux termes des articles 89 et 90 de la Loi sur les Indiens, on ne peut fournir en garantie des biens immobiliers ou personnels dans une réserve. Par conséquent, il est difficile pour les bandes et les particuliers autochtones d'obtenir du crédit dans bien des cas. Nous avons discuté avec les grands spécialistes de la question au Canada, et l'un de nos commissaires, Rod Wood, de l'Université de l'Alberta, l'un des principaux experts en la matière au Canada, était notre principal conseiller pour la rédaction de notre rapport final à ce sujet.
Voici mon troisième exemple. Comme je sais que vous êtes du Yukon, je tiens à mentionner que nous sommes allés au Yukon en de nombreuses occasions. Vos concitoyens ont fait appel à nous, notamment au sujet de la réforme du système électoral, parce que notre travail les a inspirés. Mais nous avons aussi rencontré les membres de la première nation Carcross/Tagish et du Conseil de Teslin Tingit. Si vous regardez la vidéo que nous avons apportée, vous verrez que les anciens et les membres de la communauté ont pu faire entendre leurs voix. En essayant de régénérer les traditions juridiques autochtones, ils font un travail novateur très important. J'invite tous les députés à regarder ce DVD.
Ces deux groupes nous ont apporté une contribution inestimable, et je suis convaincu que cela sera un apport durable aux travaux de la Commission du droit du Canada.
Merci.
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Merci, monsieur le président. J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos invités.
Tout d'abord, pour que vous ne perdiez pas de temps à me demander si je suis avocat, je vous dirai que je ne suis pas un avocat
[Traduction]
de la common law. C'est simplement que je me fonde sur le bon sens. Le bon sens doit prévaloir.
[Français]
J'aimerais poser une question. À l'annexe A, on peut lire la lettre qui a été envoyée au ministre de la Justice, Vic Toews. Je ne veux pas perdre trop de temps avec l'autre témoin. Je pense qu'il est du côté des conservateurs qui veulent abolir tous les programmes, abolir le Programme de contestation judiciaire — on parlera de cela un peu plus tard — et abolir les programmes de promotion des droits des femmes. Ça me fait penser au système américain. Je suis si heureux de vivre au Canada quand je pense au beau système qu'on avait jusqu'à tout récemment et que je ne voudrais pas perdre pour de bon.
Voyons qui sont les personnes qui ont signé. Si je ne me trompe pas, 238 personnes ont signé une lettre pour dire au ministre qu'ils pensaient qu'il s'en allait dans la mauvaise direction. Même l'Université Simon Fraser vous appuie. Même les professeurs de l'université ont signé la lettre, et pourtant M. Carpay dit avoir l'appui de toutes les universités dont on parle.
Si je comprends bien votre mandat, on vous a donné comme objectif de rassembler tout ça. Je ne peux pas imaginer un professeur de l'Université d'Ottawa aller au Manitoba pour consulter les gens et voir ce dont ils ont besoin. Je ne peux pas imaginer un professeur de l'Université de Moncton aller voir à Terre-Neuve ou aller à Fredericton. Ce n'est pas son mandat. Son mandat est d'être à l'université pour enseigner à nos jeunes. C'est là son mandat.
Qu'est-ce que les gouvernements ont donné à votre commission? Il vous ont donné le pouvoir d'aller voir les citoyens. En démocratie, un gouvernement minoritaire ne peut pas implanter des lois, des règlements et nous enlever des choses sans que le peuple ait le droit de dire un mot. Ce n'est pas cela, la démocratie.
J'ai voyagé dans d'autres pays. Certains gouvernements nous ont même demandé comment faire. Même le gouvernement d'Afrique du Sud, le mois passé, nous a demandé ce qu'il pourrait faire pour rejoindre le peuple, pour impliquer le peuple. Quand j'ai été élu député, c'était pour représenter le peuple. Si on ne veut plus écouter le peuple, si le gouvernement ne veut plus que qui que ce soit l'aide à écouter le peuple, je pense qu'il fait une erreur fondamentale et, à ce moment-là, on s'en va vers la dictature. Si on n'a pas de contrepoids quelque part, si on n'est pas capable de discuter de divergences, d'opinions opposées sur la place publique pour être en mesure d'obtenir le meilleur, je pense qu'on fait une erreur et que ce gouvernement est dans l'erreur. Il doit se rappeler qu'il est minoritaire. Il ne représente pas la majorité des Canadiens et des Canadiennes.
Si on devait voter aujourd'hui, qu'est-ce que la majorité du Parlement penserait de tout ceci? Vous ne partiriez pas. Vous seriez là pour représenter les Canadiens et les Canadiennes. J'aimerais avoir votre opinion sur ma façon de voir la chose.
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Merci, je comprends cela.
Depuis 20 ans, des millions de dollars de l'argent des contribuables ont été donnés à des groupes d'intérêt pour qu'ils puissent défendre devant les tribunaux leurs causes conformes à la rectitude politique. Des groupes comme EGALE ou encore le FAEJ ont reçu des centaines de milliers de dollars à même les deniers publics pour défendre leurs points de vue.
Ce n'est pas la totalité de l'argent des contribuables qui est passée par le PCJ, mais voici certains intérêts que ces groupes défendaient: que les gens ont le droit de toucher des prestations d'assistance sociale, peu importe le revenu gagné par leur conjoint de fait avec qui ils cohabitent, et je veux dire par là que l'on aurait le droit de toucher un chèque d'assistance sociale même en cohabitant avec une personne qui gagne un revenu convenable; que des non-citoyens peuvent éviter de se faire expulser du pays en donnant naissance à des enfants au Canada; qu'une femme enceinte a le droit de continuer de causer des dommages à son enfant à naître en reniflant de la colle; qu'il faut dépenser encore plus d'argent public pour financer l'aide juridique et les services de santé pour les non-citoyens; qu'il faut rabaisser les normes en matière de condition physique pour les pompiers afin de pouvoir accepter des femmes; qu'il faut limiter la liberté de parole sur le plan politique au nom de l'égalité et des valeurs canadiennes; que les prestations d'assurance-emploi doivent être accordées à des gens qui ont travaillé moins de 700 heures au cours de l'année précédente qui constitue la période d'admissibilité; que l'État doit interdire les prières et les manifestations pacifiques près des cliniques d'avortement; que les armes à feu achetées en toute légalité jouent un rôle important dans la perpétration d'actes de violence contre les femmes et les enfants; que le terme époux ou épouse ne désigne pas nécessairement une personne du sexe opposé.
Tous les Canadiens payent, à même l'argent de leurs impôts, pour promouvoir les objectifs du FAEJ en matière de politiques publiques, peu importe qu'ils soient d'accord ou pas. Éliminer le programme de contestation judiciaire met tous les groupes sur le même pied et leur donne toute liberté d'amasser des fonds à leurs propres fins en s'adressant à leurs partisans.
En plus du FAEJ, d'autres groupes ont aussi reçu de l'argent des contribuables par l'intermédiaire du programme de contestation judiciaire pour soutenir que les prisonniers condamnés pour avoir commis des crimes graves devraient avoir le droit de vote; que de recevoir des prestations d'assistance sociale est un droit constitutionnel; que la Loi électorale du Canada restreint à juste titre la liberté de parole d'un citoyen qui est indépendant de tout parti politique — c'est la fameuse décision Harper contre le Canada; qu'il doit être interdit aux parents de donner la fessée à leurs enfants, que ce doit être un acte criminel; qu'un personne reconnue coupable d'avoir importé une grande quantité de cocaïne au Canada doit recevoir une peine plus légère s'il s'agit d'une mère célibataire de race noire; que l'orientation sexuelle est du même ordre que la race, le sexe et la religion et doit donc être ajoutée à la législation sur les droits de la personne; qu'un citoyen guatémaltèque qui a un casier judiciaire et qui est réputé être un danger public doit avoir automatiquement le droit d'en appeler d'une décision de le renvoyer dans son pays; qu'il faut redéfinir le mariage pour inclure les couples de même sexe.
Certains Canadiens sont sans doute d'accord avec certaines de ces politiques publiques, mais est-ce acceptable que tous les Canadiens, y compris ceux qui ne sont pas d'accord, soient tenus de payer pour la défense de telles causes? Que diraient les partisans du FAEJ si l'argent de leurs impôts servait à financer des contestations judiciaires en vue de reconnaître les droits des enfants à naître? Que dirait un membre du Congrès du travail du Canada, qui a reçu de l'argent des contribuables dans le cadre du PCJ, si les deniers publics servaient à payer des actions en justice en vue de faire invalider l'adhésion syndicale obligatoire? Les particuliers et les organisations ont absolument le droit de recourir aux tribunaux pour demander des changements aux politiques publiques, mais d'obliger les gens à payer la défense de causes qu'ils réprouvent est inadmissible.
L'égalité exige que le gouvernement s'abstienne de dépenser l'argent des contribuables pour favoriser l'une des parties en présence dans toute question controversée. Mettre fin au programme de contestation judiciaire crée des conditions justes et égales pour tous les Canadiens, quel que soit leur point de vue.
Je vous remercie, monsieur le président.
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Bonjour, monsieur le président, madame et messieurs les députés. On m'a averti, il y a environ une semaine ou 10 jours, que j'allais m'exprimer sur ce sujet aujourd'hui. J'aurais aimé avoir un peu plus de temps pour préparer ce que je vais dire aujourd'hui.
[Traduction]
Comme je l'ai dit tout à l'heure, notre fondation a été créée en 2002 pour appuyer le litige constitutionnel engagé par James Robinson en Colombie-Britannique, qui a contesté et qui continue de contester l'accord Nisga'a parce qu'il viole son droit à l'égalité et d'autres droits constitutionnels dont il jouit à titre de Canadien. Vous serez peut-être intéressés ou même surpris d'apprendre que notre fondation a présenté en fait une demande de financement au programme de contestation judiciaire en 2003. C'était avant que j'en devienne directeur général. J'ignore si j'aurais pris la même décision, mais la question n'est pas là. En 2003, nous avons fait une demande de financement. Nous avons dit que nous aimerions recevoir un peu d'argent pour appuyer cette action en justice engagée par le chef Robinson des Indiens Nisga'a, aussi connu sous le nom de Sga-inisim Simaugit, pour faire valoir son droit à l'égalité garanti par l'article 15. Le programme de contestation judiciaire nous a refusé les fonds demandés parce que notre action en justice ne correspondait pas à l'idéologie et à la vision particulière du programme.
En dépit de ce refus, nous avons réussi à amasser de l'argent auprès des Canadiens pour appuyer la contestation du chef Mountain et ce litige se poursuit d'ailleurs parce qu'on a réussi à convaincre les Canadiens du bien-fondé de la cause du chef Mountain et qu'ils ont volontairement donné de l'argent pour financer cette poursuite judiciaire. J'ai entendu l'argument voulant que le programme de contestation judiciaire doive être financé à même les deniers publics parce qu'il fait la promotion de la justice en aidant des groupes et des particuliers à faire valoir leurs causes pour obtenir justice devant les tribunaux. Cet argument tiendrait debout si tous étaient d'accord sur la définition de ce qui est juste.
[Français]
Toutefois, ce n'est pas le cas. Des visions différentes de la justice s'expriment ici aujourd'hui. Je vois des représentants des quatre partis politiques. Chaque parti politique a une vision de la justice qui lui est propre. Nous ne sommes pas tous d'accord sur ce qu'est la justice. En fait, nous savons que cette question était débattue à l'époque de Platon et de la parution de son ouvrage La République.
Étant donné qu'il n'y a pas de consensus sur ce qu'est la justice, il n'est pas exact de dire que ce programme aide les gens à défendre la justice. Ce n'est tout simplement pas vrai. Cela sert à aider les gens à défendre une certaine vision de la justice. Après avoir écouté la liste de M. Williamson, certaines personnes dans cette salle et à l'extérieur pourraient être d'accord sur quelques-uns, la majorité ou tous les cas qui ont été mentionnés. Cependant, il y a aussi, dans cette salle et ailleurs au pays, des personnes qui ne partagent pas du tout cette vision de la justice.
[Traduction]
Prenons par exemple la notion d'égalité. Pour certains, l'égalité signifie avoir des chances égales, ou jouir de l'égalité devant la loi, étant entendu que des résultats différents peuvent se produire. Pour d'autres, l'égalité ne signifie pas l'égalité des chances, mais plutôt l'égalité de situation ou l'égalité réelle et je crois que telle est la position du programme de contestation judiciaire, quoique je ne puisse prétendre parler en son nom. Ce n'est qu'un exemple. Des points de vue différents peuvent être défendus en toute sincérité sur la nature de l'égalité et mon argument central est donc que le programme de contestation judiciaire ne finance pas la justice. Il finance une vision particulière de la justice. Le programme de contestation judiciaire ne finance pas l'égalité. Il finance une vision particulière de l'égalité. Le programme de contestation judiciaire ne finance pas les droits linguistiques. Il finance une vision particulière de la manière dont les droits linguistiques doivent être mis en vigueur. Le gouvernement fédéral n'a pas le droit, moralement, politiquement et sur le plan de l'éthique, de forcer tous les Canadiens à payer à même l'argent de leurs impôts pour faire la promotion d'un point de vue particulier de la justice avec lequel tous ne sont pas d'accord.
Le chef Mountain a persisté et persévéré dans son litige sans recevoir le moindre sou du programme de contestation judiciaire depuis la demande introductive d'instance en 2002 et depuis 2003, date à laquelle on nous a refusé le financement. Les autres groupes et particuliers devraient en faire autant.
Je dois d'abord préciser que je suis également présidente sortante du programme de contestation judiciaire. J'ai été nommée au conseil d'administration du programme de contestation judiciaire par le FAEJ, j'y ai siégé pendant sept ans et j'en suis la présidente sortante. Je dois vous le dire avant de commencer mon exposé parce que j'ai une connaissance approfondie du programme de contestation judiciaire et je fais actuellement partie du comité législatif national du FAEJ.
Il est important de préciser un point fondamental avant de commencer. Quelle est cette vision partagée que nous avons? Je viens d'entendre deux personnes parler de visions différentes de l'égalité, de visions différentes de la justice. Nous avons une vision que notre gouvernement a adoptée. Cela s'appelle la Charte. C'est la vision commune. J'ai écouté mes amis qui viennent de prendre la parole et ce que j'ai entendu, c'est une divergence de vues sur la vision en question et ils s'en prennent à cette vision en s'attaquant au programme de contestation judiciaire.
La Charte énonce des droits. Il n'y est pas question de privilèges, qui peuvent être retirés et accordés au gré du Parlement. Notre Charte nous apprend qu'il faut veiller à ce que la majorité soit toujours soucieuse des droits des minorités, que c'est un élément essentiel de notre démocratie. Voilà notre vision commune de ce qui constitue la justice. De cette manière, les tribunaux, en appliquant la Charte, jouent un rôle important dans l'équilibre entre la règle de la majorité et les droits des minorités.
La violation des droits fondamentaux des minorités par la majorité ne fait pas partie de notre vision démocratique partagée, et le FAEJ rejette ce point de vue. La Charte reconnaît que les droits des minorités ne sont pas toujours protégés par la majorité. Dans la communauté minoritaire dont je fais partie, nous en sommes venus à comprendre que la véritable démocratie n'est pas simplement la stricte application de la règle de la majorité; cela veut dire la protection de la minorité dans un système permettant le gouvernement démocratique par la majorité. C'est un principe fondamental qui mérite à mon avis d'être réitéré.
Par conséquent, le gouvernement a un rôle essentiel à jouer dans le bon fonctionnement de notre démocratie, ce qui veut dire que le gouvernement doit veiller à protéger les droits des minorités. Quelle valeur ont ces droits énoncés dans notre Charte s'il est impossible de les faire respecter? Que vaut notre Constitution si elle est sans effet? Pour garantir la protection des droits des minorités, il faut protéger et promouvoir notre démocratie et non pas en ébranler les bases.
L'accès aux tribunaux est essentiel pour les groupes en quête d'égalité, précisément parce que ce sont souvent les membres des groupes défavorisés et minoritaires qui sont victimes des effets parfois discriminatoires de la règle de la majorité, que ces effets soient ou non intentionnels.
La Cour suprême a affirmé de longue date son engagement envers un idéal voulant que le gouvernement a la responsabilité de gouverner et que les gouvernements sont tenus de gouverner en conformité de la Charte des droits et libertés. Toute action gouvernementale qui viole la Charte doit être évaluée à la lumière des principes et des valeurs d'une démocratie réelle.
Malheureusement, l'une des caractéristiques communes et définitoires de nombreux groupes désavantagés et victimes de discrimination, c'est la pauvreté. Il va sans dire que les groupes défavorisés et marginalisés que la Charte cherche à protéger n'ont pas les ressources financières voulues pour intenter des poursuites judiciaires, et n'ont pas non plus la force politique leur permettant d'influencer la majorité. C'est précisément pourquoi nous avons la Charte et c'est pourquoi nous avons besoin du programme de contestation judiciaire: pour rétablir le déséquilibre qui existe en termes financier et de pouvoir et pour garantir que les droits des minorités soient respectés.
Le programme de contestation judiciaire permet de s'adresser aux tribunaux pour régler des différends en matière d'égalité et de discrimination de manière civilisée et étroitement contrôlée. Je soutiens qu'il est naïf de croire que les conflits sous-jacents vont disparaître si le programme est éliminé. Les conflits vont persister. C'est seulement qu'ils seront résolus d'une manière différente par un groupe plus désespéré et davantage marginalisé, peut-être de manière moins civilisée et moins contrôlée.
Éliminer le programme de contestation judiciaire, c'est enlever aux groupes défavorisés la capacité de participer au processus judiciaire présidant au règlement de leurs différends. Je soutiens que ce n'est pas une bonne idée.
Le gouvernement doit envisager de façon réaliste le gaspillage des deniers publics qui se produit quand des différends ne sont pas réglés dans le cadre de processus civilisés et étroitement contrôlés, notamment devant les tribunaux. D'une manière ou d'une autre, le contribuable va dépenser de l'argent. Nous croyons que le processus et la promotion de la résolution constructive des différends au moyen des tribunaux est l'approche préférable.
Le FAEJ croit également que le fait de travailler ensemble pour créer une société équitable contribue sensiblement à renforcer la véritable sécurité nationale.
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Merci, monsieur le président.
La Fédération des associations de juristes d'expression française de common law a pour mandat de militer en faveur de l'accès à la justice en français et de promouvoir et défendre les droits linguistiques des communautés francophones et acadienne.
Elle compte sept associations de juristes dans différentes provinces. Les seules provinces où il n'y a pas d'association de juristes d'expression française de common law sont l'Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve-et-Labrador et le Québec, évidemment, parce qu'on dessert vraiment les communautés francophones et acadienne.
La FAJEFCL fait la promotion de l'accès à la justice dans les deux langues officielles du Canada. Je pense que c'est l'élément clé. On a fait allusion tout à l'heure au concept de la justice. Ici, nous parlons vraiment de l'accès à la justice, et tel est le point clé.
J'aimerais parler un peu des droits linguistiques. Quels sont les droits linguistiques qui sont protégés ou qui font l'objet d'un financement de la part du Programme de contestation judiciaire? Il y a d'abord le droit de nos enfants d'avoir une éducation dans leur langue d'un bout à l'autre du pays, c'est-à-dire d'être pleinement canadiens et de bénéficier des avantages qu'ils devraient avoir à titre de francophones canadiens.
Les droits linguistiques dans les écoles et la gestion scolaire sont des choses qu'on a pu obtenir grâce à des contestations judiciaires fortement controversées. Si vous connaissez l'histoire des francophones au pays, vous êtres au courant de leur lutte épique pour acquérir leurs droits en éducation.
Un deuxième point très important concerne les droits linguistiques dans le domaine judiciaire, soit l'accès aux tribunaux. Un des éléments clés de l'accès à la justice est de pouvoir communiquer dans la langue de son choix avec les intervenants du système d'administration de la justice, soit avec les juges, les procureurs, et de pouvoir déposer ses documents et d'avoir accès aux règles de procédure, etc., dans sa langue. C'est un autre droit linguistique qui est très important. Il y a eu des contestations judiciaires à cet effet et il y a eu des gains importants depuis plusieurs années.
En ce qui a trait au bilinguisme législatif, comme vous le savez, au fédéral, au Manitoba, au Nouveau-Brunswick et au Québec, toutes les lois et tous les règlements doivent être adoptés dans les deux langues officielles. C'est un droit dont bénéficient les francophones du Canada et les anglophones du Québec.
En ce qui a trait à la langue de travail, à la langue de service et à la langue de communication, c'est principalement protégé au niveau du gouvernement fédéral ainsi qu'au Nouveau-Brunswick. Encore là, il s'agit d'un droit linguistique qui est protégé par la Constitution canadienne et qui fait l'objet de contestations judiciaires.
La langue de service fait l'objet de beaucoup moins de contestations. Je parle ici de l'article 20 de la Charte canadienne des droits et libertés. C'est un domaine qui demeure à explorer et il y a encore beaucoup de questions pour lesquelles on n'a pas eu de réponse.
Il y a aussi le principe constitutionnel non écrit de la protection des minorités. Vous connaissez probablement tous l'hôpital Montfort et le principe de la progression vers l'égalité. Ce sont des concepts importants pour les minorités linguistiques du pays, qu'elles soient francophones ou anglophones.
Au cours des années, la plupart des principes constitutionnels non écrits, notamment le principe de la progression vers l'égalité, ont découlé de nombreuses contestations devant les tribunaux, largement financées par le Programme de contestation judiciaire du Canada. Et n'oublions pas l'hôpital Montfort ici, en Ontario. Au cours des années, le Programme de contestation judiciaire a fait l'objet de très bonnes évaluations. Vous pouvez prendre connaissance des rapports, qui sont publiés annuellement sur le site web ou encore en version papier.
La limite ou la réduction de l'accès à la justice est la principale conséquence des coupes dans le Programme de contestation judiciaire. Il y a des gens qui n'aiment peut-être pas le contenu de la justice, mais je pense que tout le monde comprend ce que veut dire l'accès à la justice. On peut comparaître devant les tribunaux ou on ne le peut pas parce qu'on n'a pas les moyens financiers pour se présenter, défendre et promouvoir ses intérêts. Il ne faut pas confondre l'accès à la justice et le contenu de la justice.
Il y a une réduction très importante de l'accès à la justice pour les communautés francophones et acadienne, que ce soit en éducation ou au niveau des tribunaux ou des services.
Quel individu, quel parent, à l'Île-du-Prince-Édouard, a les moyens de dépenser 500 000 $ pour aller défendre à la Cour suprême du Canada son droit d'obtenir une éducation en français pour ses enfants? C'est cela, l'accès à la justice. À toutes fins pratiques, cela veut dire que, parce que les parents francophones à l'Île-du-Prince-Édouard ne sont pas majoritaires dans la région où ils vivent, ils devront peut-être payer 500 000 $ de leur poche pour avoir accès à l'éducation en français. C'est ce qu'on est en train de dire.
Comme citoyens canadiens, il faut avoir des normes canadiennes. Il y a des francophones du pays qui vivent dans des régions qui ne sont pas majoritairement francophones, et ces francophones ne devraient pas être pénalisés et avoir à payer 400 000 $ ou 500 000 $ pour avoir accès à l'éducation dans leur langue.
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Je vais donc parler très vite et je m'excuse d'avance auprès des interprètes.
C'est vrai que nous avons un bon débat, M. Thompson a raison sur ce point, mais l'objet de la discussion, en fin de compte, c'est de savoir si le gouvernement va consacrer le moindre sou aux groupes d'élaboration des politiques et de défense des droits. Comme en témoignent les compressions faites dans le budget des groupes de femmes et les autres compressions à venir, le gouvernement ne croit pas qu'il doive financer les groupes de défense des droits ou de réflexion, croyant plutôt que toute cette « réflexion » — j'utilise ce terme au sens le plus large — devrait se faire dans le secteur privé. Sur ce point, je respecte les points de vue, mais je ne suis pas d'accord avec le point de vue exprimé par M. Carpay et M. Williamson.
[Français]
Je n'ai donc pas de questions à leur poser.
Cependant, je me pose des questions, parce que je viens du Nouveau-Brunswick, où nous avons des droits linguistiques en vertu des lois provinciales et, évidemment, de la Charte canadienne des droits et libertés, notamment en vertu de son article 23.
Nonobstant le fait que je dise à tous les membres du comité que le Nouveau-Brunswick est presque un paradis, nous avons eu des problèmes d'harmonie linguistique. Évidemment, nous avons utilisé le Programme de contestation judiciaire pour appuyer les droit linguistiques des Acadiens au Nouveau-Brunswick.
Si ce programme qui est en mesure d'aider un groupe minoritaire qui représente 40 p. 100 de la population au Nouveau-Brunswick est aboli, que feront les communautés linguistiques francophones hors Québec du pays, par exemple au Manitoba ou à Edmonton, si elles ne peuvent pas compter sur ce programme?
Ma question s'adresse à M. Rémillard. Dans le domaine linguistique, que se passera-t-il si les gens n'ont pas les moyens de payer un avocat pour faire respecter leurs droits en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés?
Cela ne s'applique pas seulement au domaine de l'éducation. M. Williamson va peut-être dire que
[Traduction]
les parents peuvent probablement se permettre de se réunir et de lutter pour une école, comme nous avons dû le faire à Moncton, au Nouveau-Brunswick, contre le gouvernement bilingue. Mais quand les droits des minorités sont en cause, par exemple pour la présence de la GRC dans une province, on peut voir que, même si on n'obtient pas un appui généralisé de la population, c'est néanmoins très important pour les francophones et les Acadiens du Nouveau-Brunswick, par exemple.
Comme j'ai moins de quatre minutes, je vais parler le plus vite possible, mais la question de fond est de savoir comment nous allons faire, en l'absence de ce programme, pour renforcer les droits linguistiques de la minorité au Nouveau-Brunswick et ailleurs au Canada, où les minorités sont encore plus précaires?
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Merci, monsieur le président.
Une voix: Ne te fâche pas!
M. Yvon Godin: Non, on ne me fera pas perdre mes quatre minutes.
Le Programme de contestation judiciaire n'a rien à voir avec une justice qui donne la réponse. Ce programme donne la chance à un individu de se présenter devant un juge dans un système donné, à moins que le gouvernement ne croie pas à notre système. Dans ce cas, nous ne devrions pas avoir de cours de justice ni de juges, et on devrait abolir les avocats. En effet, le gouvernement, par le truchement du ministre Baird, a clairement dit à la Chambre des communes que son gouvernement ne paierait pas des gens pour qu'ils contestent ses lois, parce qu'elles sont parfaites et qu'on doit les respecter.
Si tel est le cas, si on veut épargner de l'argent, j'aimerais que le représentant des contribuables nous dise si c'est bien ce qu'il veut. Voulez-vous que nous abolissions complètement notre système démocratique au Canada? Est-ce le cas?
Sinon, je vous propose quelque chose, puisqu'il faut économiser l'argent des contribuables. Quand un citoyen se présenterait devant la cour et gagnerait sa cause, le gouvernement n'aurait pas le droit d'en appeler de la décision du juge, parce qu'il utiliserait alors l'argent des contribuables pour ce faire.
Comme francophones et Acadiens, nous représentons une minorité qui, en 1755, a été déportée par bateaux jusqu'en Louisiane. Et lorsque la Louisiane a subi des dégâts après le passage de l'ouragan Katrina l'année dernière, on n'a même pas aidé à la reconstruction. Voilà ce que c'est que d'être une minorité. Voilà ce qui nous est arrivé.
Prenons l'exemple des francophones de la circonscription d'Acadie—Bathurst qu'on a voulu transférer à Miramichi, où 70 p. 100 de la population est anglophone. C'est par le truchement du Programme de contestation judiciaire qu'on a pu se faire entendre et réussir à gagner cette cause. Les francophones de l'Île-du-Prince-Édouard ont gagné leur cause quant à leurs écoles. C'est aussi par le truchement du Programme de contestation judiciaire que cela s'est fait.
Je vous pose la question honnêtement. Je sais que vous appuyez cela. J'aimerais savoir des gens qui veulent économiser l'argent des contribuables s'ils sont contre cela.