:
Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, je dois vous dire que je suis heureux d'être ici cet après-midi. Je vais prendre quelques minutes, mais pas plus d'une dizaine, je le promets, pour vous exposer le rôle que jouent le ministère et le ministre dans le processus de désignation et dans la préparation des rapports exigés par les dispositions en matière de justification au titre de l'application de la loi.
Le ministre de la Sécurité publique est chargé de désigner les agents de la paix ou les fonctionnaires publics qui possèdent les mêmes pouvoirs et qui relèvent du ministère de la Sécurité publique. Cela vise à l'heure actuelle la GRC pour ce qui est des agents et des fonctionnaires supérieurs ainsi que l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et les agents et fonctionnaires supérieurs chargés de l'application des lois dont le ministre de la Sécurité publique est responsable. Pour les situations d'urgence, les fonctionnaires supérieurs désignés peuvent désigner ces personnes pour une période de 48 heures.
Le second rôle du ministre de la Sécurité publique consiste à publier un rapport annuel précisant le nombre et la nature des désignations effectuées dans des situations d'urgence, le nombre et la nature des actes ou des omissions pour lesquels il a fallu obtenir une autorisation préalable ainsi que la nature des comportements faisant l'objet d'une enquête concernant ces actes, le nombre et la nature des actes ou omissions ainsi que le caractère des actes pour lesquels on a renoncé à obtenir les autorisations préalables en raison de l'urgence de la situation.
[Français]
En ce qui concerne le processus de désignation, pour éviter une utilisation abusive ou incorrecte des dispositions concernant la justification au titre de l'application de la loi, un protocole rigoureux de désignation comportant les éléments suivants a été appliqué: les critères d'admissibilité — qui peut être désigné —, les conditions d'admissibilité, la marche à suivre ou les étapes à respecter et, enfin, les rapports annuels exigés et la procédure à respecter pour les produire.
Les fonctionnaires supérieurs et les fonctionnaires publics peuvent être désignés conformément à certains critères.
Ils peuvent être désignés en fonction des besoins. Quand il s'agit de fonctionnaires supérieurs, ces derniers peuvent être désignés sur avis écrit du commissaire de la GRC. Quant aux fonctionnaires publics, ils peuvent être désignés sur avis écrit du commissaire adjoint des opérations fédérales et internationales.
Ils peuvent aussi être désignés en fonction de leur poste. Pour ce qui est des fonctionnaires supérieurs, à l'heure actuelle, le bureau du commissaire adjoint des OFI doit être désigné; de plus, le commissaire adjoint de la Direction des renseignements criminels et le surintendant principal, drogues et crime organisé, sont aussi désignés. Les fonctionnaires publics, quant à eux, sont des membres recommandés du répertoire du programme des agents secrets ainsi que des autres sections spécialisées, par exemple introductions clandestines, capitaines de bateaux, etc.
Il existe aussi des critères d'admissibilité au chapitre de la formation. Les fonctionnaires supérieurs doivent avoir reçu une formation sur les articles 25.1 à 25.4 du Code criminel. Quant aux fonctionnaires publics, ils doivent avoir reçu une formation sur les mêmes articles et d'autres formations selon les besoins. Ceci s'applique aussi aux fonctionnaires publics disposant d'une désignation limitée.
[Traduction]
Pour ce qui est des critères d'admissibilité, mentionnons que les désignations sont d'une durée de trois ans. Elles expirent après trois ans si elles ne sont pas renouvelées. Au terme du paragraphe 25.1(10), les personnes qui agissent selon les directives d'un fonctionnaire public désigné doivent être informées des dispositions que contient ce paragraphe.
En matière de révocation, la désignation d'un fonctionnaire supérieur ou d'un fonctionnaire public peut être annulée si la personne désignée n'est plus titulaire du poste requis, quitte la GRC ou ne répond plus aux critères; le ministre de la Sécurité publique doit en être immédiatement avisé. Le ministre doit également être informé si la personne que l'on entend désigner a déjà été désignée antérieurement et il faut porter à sa connaissance tout ce qui pourrait avoir une incidence sur son approbation ainsi que les conditions supplémentaires dont pourrait être assortie la désignation.
Pour ce qui est du processus et des modalités de la désignation, le commissaire adjoint des OFI, le commissaire adjoint de la DRC ou le surintendant principal, drogues et crime organisé, doivent être désignés en premier.
Pour les fonctionnaires publics, c'est le fonctionnaire supérieur qui procède à la désignation par écrit, à l'aide d'un modèle de demande de désignation. Les demandes sont transmises à la direction générale de la politique en matière de police du ministère de la Sécurité publique. Deux exemplaires, l'un précisant le nom de l'agent et l'autre non, sont transmis respectivement au bureau du sous-ministre et au cabinet du ministre pour approbation.
Si la demande est approuvée, le ministre signe la désignation. Le ministère conserve les exemplaires qui ne mentionnent pas le nom de l'agent. Celle qui mentionne le nom de l'agent est renvoyée à la GRC, et il existe des numéros qui nous permettent, en collaboration avec la GRC, d'établir, en cas de besoin, un lien entre les deux documents.
Pour ce qui est des rapports, le commissaire adjoint des OFI doit recueillir les renseignements suivants et les transmettre au ministre de la Sécurité publique pour qu'ils figurent dans le rapport annuel du ministre : le nombre et la nature des désignations d'urgence effectuées au terme du paragraphe 25.1(6), qui autorise un fonctionnaire supérieur à désigner un fonctionnaire public en raison de l'urgence de la situation pour une période de 48 heures, le nombre et la nature des actes ou des omissions qui ont nécessité une autorisation préalable ainsi que le caractère des actes faisant l'objet de l'enquête — cela englobe tous les actes qui risquent d'entraîner la perte d'un bien ou des dommages graves à celui-ci ou les cas où la personne désignée ordonne à une autre personne de commettre un acte ou une omission autrement illégale — ainsi que le nombre et la nature des actes ou des omissions ainsi que la nature de la conduite faisant l'objet de l'enquête lorsque les agents ont agi au terme du paragraphe 25.1(9) dans un cas d'urgence sans l'autorisation d'un fonctionnaire supérieur.
Pour ce qui est des rapports annuels eux-mêmes, on trouvera une liste de ces rapports à la page 7. Deux rapports annuels ont été déposés et publiés, celui qui couvre la période allant de février 2002 à janvier 2003 et celui qui va du 1er février 2003 au 31 janvier 2004. Le rapport de 2004 sera publié incessamment; il est en train d'être finalisé.
Vous trouverez à la page 7 un aperçu du nombre des désignations temporaires effectuées au cours de ces années-là. Vous remarquerez qu'en 2002, il y a eu deux désignations pour des enquêtes sur des infractions présumées de voies de fait, voies de fait graves, voies de fait armées, vol et tapage. En 2002 également, 11 autorisations préalables ont été accordées et il y en a eu six en 2003.
[Français]
Bien que le ministère de la Sécurité publique ne soit pas responsable des rapports annuels des provinces, nous avons ajouté un aperçu général des rapports annuels qui ont été publiés. Depuis 2002, le recours des provinces au mécanisme des dispositions 25.1 à 25.4 a varié de façon significative .
À l'heure actuelle, il y a des agents désignés dans toutes les provinces, sauf en Saskatchewan et à Terre-Neuve-et-Labrador. Des rapports annuels ont été publiés pour toutes les provinces, sauf pour Terre-Neuve-et-Labrador, l'Île-du-Prince-Édouard et la Saskatchewan, bien que certains rapports pour 2004 n'aient pas encore été rendus publics.
Les rapports de l'Alberta, de la Colombie-Britannique, de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick sont accessibles en ligne. Vous remarquerez également que seuls l'Ontario et le Québec ont signalé des incidents où l'on a accordé une autorisation préalablement requise: deux fois en 2003 pour l'Ontario et dix fois en 2004 pour le Québec.
Voilà qui termine la présentation du processus de désignation et du rôle du ministère et du ministre de la Sécurité publique.
Thank you very much. Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis heureux d'être avec vous cet après-midi.
[Traduction]
Bonjour. Je m'appelle Raf Souccar et je suis le commissaire adjoint responsable des opérations fédérales et internationales de la Gendarmerie royale du Canada. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour m'entretenir avec vous du paragraphe 25(1) du Code criminel, communément appelé régime de justification de l'application de la loi.
Je suis accompagné du surintendant Tom Bucher, qui est le directeur de la section du crime organisée et qui traite quotidiennement de questions portant sur les opérations d'application de la loi. À nous deux, nous devrions être en mesure de répondre à la plupart de vos questions. Si nous n'y parvenons pas, nous nous engageons à vous fournir une réponse par la suite.
Je sais que vous savez pourquoi ces dispositions législatives ont été adoptées après le prononcé de l'arrêt Campbell et Shirose par la Cour suprême du Canada. Je reviendrai plus tard sur cette affaire au cours de mon exposé.
Au cours des prochaines minutes, je tenterai d'expliquer la façon dont ces dispositions législatives touchent la GRC et plus précisément, la formation, le processus de désignation, le renouvellement des désignations, les demandes d'autorisation de recourir à ces dispositions législatives dans le cadre d'enquêtes criminelles, les obligations de la GRC en matière de rapports internes, la collecte des rapports trimestriels, la présentation des rapports annuels, et les autres mesures de contrôle rigoureuses que nous avons adoptées pour assurer le respect de ces dispositions législatives.
Je vais également vous fournir des exemples de deux situations, dont l'une est hypothétique et l'autre authentique, qui illustrent les cas où l'on peut avoir recours à ces dispositions.
J'essayerai également de familiariser les membres du comité au processus que la GRC a mis en place pour assurer une saine administration de ces dispositions.
Je répondrai ensuite, avec plaisir, à toutes les questions des membres du comité. Je demanderais toutefois aux membres du comité de bien vouloir m'excuser de ne pas répondre aux questions portant sur des opérations sensibles ou de me permettre d'y répondre à huis clos.
Dans le cas de la GRC, l'autorité compétente est le ministre de la Sécurité publique. Le ministre a désigné trois fonctionnaires supérieurs de la GRC. À titre de commissaire adjoint, opérations fédérales et internationales, je suis le premier fonctionnaire supérieur, le deuxième est le commissaire adjoint Mike McDonell, responsable de la direction des renseignements criminels et le troisième est le surintendant principal, Derek Ogden, responsable des drogues et du crime organisé. Ces membres de la GRC sont affectés à notre quartier général d'Ottawa. Afin d'assurer le suivi et le respect des contrôles rigoureux que nous nous sommes imposés pour l'utilisation de ces dispositions législatives, les deux autres fonctionnaires supérieurs n'agissent qu'en mon absence.
À titre de fonctionnaire supérieur, je présente les demandes de désignation de fonctionnaires publics à l'autorité compétente qui est, comme je l'ai indiqué, le ministre de la Sécurité publique. Ces désignations peuvent être générales ou spéciales. Il convient de noter que ce ne sont pas tous les agents de police qui sont désignés aux termes de cette loi. Pour l'essentiel, les seuls agents qui peuvent être désignés selon les politiques internes de la GRC sont les membres de notre équipe d'agents d'infiltration spécialisée.
Je crois qu'il serait bon que je m'arrête un instant pour être sûr que vous comprenez bien ce dont il s'agit. Lorsque je parle d'agent d'infiltration, je ne parle pas d'agents de la paix en civil; je parle d'agents de la paix qui ont réussi à s'infiltrer dans des organisations criminelles, à l'insu, bien sûr, des cibles visées. Lorsque je parle du personnel d'infiltration, je parle des agents de la paix qui ont pour tâche de protéger les agents d'infiltration.
Les désignations générales concernent les fonctionnaires publics qui font partie de notre équipe d'agent d'infiltration et qui ont suivi un cours de formation spécialisée portant sur le régime de justification de l'application de la loi. Les désignations limitées sont destinées à certains autres fonctionnaires publics qui ont suivi une formation spécialisée portant sur le régime de la justification de l'application de la loi et qui occupent des fonctions particulières ou possèdent les compétences spécialisées susceptibles de les amener à recourir à ces dispositions. Je parle ici, par exemple, d'un pilote ou d'un capitaine de marine qui pourrait être amené à voler ou à naviguer tous feux éteints pour éviter d'être repéré, violant ainsi la Loi sur la marine marchande ou la Loi sur l'aéronautique. Ces personnes pourraient faire l'objet d'une désignation spéciale qui viserait uniquement cet acte ou cette omission, dans le cadre de leurs fonctions.
Selon les dispositions législatives, un fonctionnaire supérieur peut désigner un fonctionnaire public pour une période maximale de 48 heures en cas d'urgence. Notre politique interne exige de notre officier responsable des enquêtes criminelles de la division qu'il examine la situation et fasse une recommandation d'approbation au fonctionnaire supérieur, s'il est d'avis qu'en raison de l'urgence de la situation, le ministre de la Sécurité publique peut difficilement désigner l'agent en question et que celui-ci serait justifié de commettre un acte ou une omission qui constituerait par ailleurs une infraction.
En ma qualité de fonctionnaire supérieur, j'ai également demandé à l'autorité compétente de révoquer certaines désignations. Ces révocations n'ont pas été prononcées parce qu'il y avait des abus dans l'utilisation du régime de justification de l'application de la loi. La plupart du temps, les demandes de révocation visent des membres qui ont pris leur retraite ou qui ne font plus partie de l'équipe d'agents d'infiltration.
La GRC a mis sur pied une séance de formation initiale de deux jours portant sur le régime de justification de l'application de la loi. La première journée est consacrée à l'étude approfondie des dispositions législatives à laquelle participent des fonctionnaires du ministère de la Justice. La seconde journée correspond au volet pratique, au cours duquel les agents ont la possibilité de réagir à divers scénarios susceptibles de se produire lorsqu'ils assument leur rôle de fonctionnaires publics. Les réponses appropriées sont fournies par les services juridiques de la GRC.
À la fin de la formation, le fonctionnaire public doit passer un examen et obtenir la note parfaite de 100 %; si le fonctionnaire public réussit cet examen, je demande à l'autorité compétente de le désigner pour une période de trois ans.
Avant l'expiration de la désignation de trois ans, le fonctionnaire public doit réussir un examen de renouvellement de la désignation. Une fois cette étape franchie, je demande à l'autorité compétence de renouveler la désignation du fonctionnaire public pour une autre période de trois ans. Il est également important de noter que ce ne sont pas les dispositions législatives qui prévoient ces périodes de trois ans; elles découlent en fait d'une politique que la GRC a adoptée pour veiller à ce que tous nos agents puissent rafraîchir leurs connaissances de ces dispositions.
Lorsqu'un agent a obtenu sa désignation, il peut être appelé à commettre une action ou une omission qui constituerait par ailleurs une infraction, dans le but de faire avancer une enquête criminelle. Lorsqu'une enquête nécessite le recours au régime de justification de l'application de la loi, la GRC a établi des lignes directrices rigoureuses qui exigent la préparation d'une demande exposant les circonstances et les motifs la justifiant pour qu'elle soit transmise pour approbation.
Tous les actes ou omissions qu'un agent désigné de la GRC se propose d'accomplir et qui constituerait par ailleurs une infraction pénale, sont examinés par l'officier responsable des enquêtes criminelles dans la province, qui est un agent principal du niveau du surintendant principal. L'officier responsable des enquêtes criminelles confirme que l'agent désigné est justifié d'utiliser ces dispositions et que la condition voulant que l'acte envisagé soit juste et proportionnel soit remplie.
L'officier responsable des enquêtes criminelles peut ensuite autoriser l'acte ou l'omission en question pourvu que sa commission ne cause pas la perte de biens ou des dommages importants à ceux-ci et n'implique pas l'intervention d'un agent civil. Lorsque la désignation est approuvée, l'agent en question qui commet l'acte ou l'omission doit, comme le prévoit les dispositions législatives et la formation donnée, connaître les dispositions de l'article 25.1 du Code criminel et être convaincu que toutes les conditions, notamment celles qui portent sur le caractère juste et proportionnel de l'acte en question, sont remplies.
Je peux vous décrire une situation hypothétique. Supposons que l'unité de l'immigration et des passeports fasse enquête sur un groupe criminel organisé impliqué dans la fabrication et la vente de faux passeports. Pour obtenir des preuves concernant ces infractions, le groupe chargé de l'enquête pourrait demander que soit accordée à un fonctionnaire public désigné l'autorisation de vendre une boîte de passeports vierges à ce groupe criminel. Dans une telle situation, la demande de désignation ne serait probablement pas approuvée. Il y a non seulement le fait que l'acte en question ne serait ni juste ni proportionnel par rapport à la situation mais il y a aussi le fait qu'il existe dans cette situation, des solutions de rechange qui n'ont pas été explorées, notamment la possibilité d'acheter de faux passeports de ce groupe criminel.
Il est également important de comprendre ici que je n'affirme pas que ces dispositions doivent être utilisées en dernier recours mais avant d'approuver ce genre d'opération, je penserais au risque de perdre une boîte de passeports vierges. Tout ceci serait régi par ces dispositions, mais il faudrait évaluer les risques associés à cette opération, le caractère juste et proportionnel de cette technique par rapport à l'enquête et, dans un tel cas, je préfererais probablement étudier d'autres solutions.
Les demandes concernant des actes ou des omissions susceptibles d'entraîner la perte d'un bien ou des dommages graves à celui-ci ou d'amener une autre personne à commettre un tel acte ou omission, doivent être transmises par les voies habituelles au fonctionnaire supérieur pour approbation. Lorsque je reçois une demande à titre de fonctionnaire supérieur, j'examine à nouveau personnellement la situation pour vérifier qu'elle est conforme aux dispositions de la loi.
Lorsque j'approuve l'acte ou l'omission, une autorisation écrite mentionnant les conditions dont elle est assortie est transmise au groupe chargé de l'enquête.
Lorsqu'il est trop difficile d'obtenir une autorisation préalable, le membre désigné peut commettre un acte ou une omission qui entraînera vraisemblablement la perte de biens ou des dommages importants à ceux-ci ou l'amènera à ordonner à une autre personne de commettre l'acte ou l'omission en question, pourvu que l'agent désigné croit, pour des motifs raisonnables, que les conditions pour obtenir une autorisation sont réunies mais que son obtention est difficilement réalisable et que l'acte ou l'omission est nécessaire afin de préserver la vie ou la sécurité d'une personne, éviter de compromettre la confidentialité de l'identité d'un fonctionnaire public agissant en qualité d'agent d'infiltration ou celle d'un informateur ou pour prévenir la perte ou la destruction imminente d'éléments de preuve d'un acte criminel. Dans cette situation, tous les actes ou omissions qui constitueraient autrement une infraction doivent être déclarés par écrit au fonctionnaire supérieur le plus tôt possible.
Je vous signale que la GRC n'a pas encore utilisé cette disposition législative.
Outre l'obligation légale de présenter des rapports au fonctionnaire supérieur, la politique de la GRC exige qu'un agent qui commet un acte ou une omission ou ordonne la commission d'un tel acte ou d'une telle omission, dans le cadre du régime de justification de l'application de la loi, présente le plus tôt possible un rapport écrit au coordonnateur des agents d'infiltration de la division. Ce dernier doit aussitôt transmettre le rapport au directeur de la direction du crime organisé, qui prépare les rapports trimestriels et annuels.
Les rapports annuels sont présentés à l'autorité compétente. Ils contiennent les renseignements obligatoires énumérés à l'article 25.3 du Code criminel et fournissent les renseignements d'évaluation concernant le régime de justification de l'application de la loi. Les rapports annuels pour les années 2002, 2003, 2004 et 2005 ont tous été préparés et présentés, comme la loi l'exige.
Pour ce qui est d'une situation habituelle, je ne pourrai pas vous fournir des détails précis se rapportant à une enquête non terminée au cours de laquelle ces dispositions ont été utilisées, mais je peux vous décrire une enquête qui est maintenant terminée et pour laquelle j'ai autorisé, en qualité de fonctionnaire supérieur, le recours à ces dispositions.
Dans cette affaire, un groupe criminel organisé était soupçonné de contrefaire et de vendre de la fausse monnaie canadienne. Le groupe chargé de l'enquête à Montréal a acquis les services d'un agent civil et a demandé l'autorisation d'utiliser cet agent, accompagné d'un agent désigné, pour acheter de la fausse monnaie du groupe criminel.
Dans ce cas-ci, l'agent civil est infiltré dans l'organisation criminelle. Nous utilisons alors cet agent comme agent d'infiltration, si vous voulez, et un de nos agents désignés lui donne l'ordre de s'introduire dans l'organisation criminelle en question.
Un fonctionnaire supérieur a autorisé l'agent et l'agent désigné à acheter la monnaie contrefaite. Peu après, l'agent désigné, qui était également un agent d'infiltration, et l'agent en question ont acheté une grande quantité de monnaie canadienne contrefaite.
Au cours de l'enquête, des fonctionnaires supérieurs ont accordé en tout quatre autorisations. Dans la même affaire, l'officier responsable des enquêtes criminelles de la division a autorisé cinq fois l'agent désigné à acheter des biens au groupe criminel. Deux de ces cinq autorisations n'ont pas été utilisées.
Toutes autorisaient les agents désignés à acheter, et à avoir en leur possession, de la monnaie contrefaite, de faux passeports, de fausses cartes d'assurance sociale, de faux permis de conduire auprès des membres de cette organisation criminelle.
La GRC a acheté, pour s'en servir comme preuve, près de 250 000 $ de monnaie contrefaite, faux passeports, fausses cartes d'assurance sociale et faux permis de conduire de divers individus, à Montréal et à Toronto. Les perquisitions effectuées dans des résidences ont donné lieu à la saisie de l'équipement utilisé pour falsifier les documents, ce qui a permis aux enquêteurs de déposer des accusations pénales contre les responsables de l'opération.
La situation que je viens de vous décrire montre que le régime de justification de l'application de la loi permet aux enquêteurs dans des cas comme celui-ci d'identifier et d'infiltrer des groupes criminels organisés impliqués dans la production de monnaie et de cartes d'identité contrefaites, et partant, de les démanteler.
Le régime de justification de l'application de la loi a permis à la GRC de lutter contre le crime organisé et le terrorisme avec des moyens dont elle ne disposait pas avant l'adoption de ces dispositions.
Dans l'arrêt Campbell et Shirose que la Cour suprême a prononcé en 1999, la Cour a déclaré que les policiers ne jouissaient d'aucune immunité pour les actes illicites commis de bonne foi dans le cadre d'une enquête. La Cour a ajouté que s'ils avaient besoin d'une telle immunité, c'était au législateur de la leur accorder en adoptant une loi à cet effet.
Cette décision a nui aux activités des agences d'application de la loi, puisqu'elle avait pour effet d'interdire des pratiques d'enquête qui étaient utilisées couramment depuis des années. Nous avions déjà acheté de la fausse monnaie, par exemple, et c'était l'une des choses que nous faisions. L'article 450 du Code criminel réprime le fait de posséder ou d'acheter de la monnaie contrefaite. Cet arrêt a mis un terme à ce genre d'opération, même si nous achetions ces biens dans l'intention de saisir cet argent et de le retirer de la circulation avec les personnes qui le distribuaient. Nous pensions respecter l'esprit et la lettre de la loi, mais la Cour suprême a très clairement indiqué que, si un acte constitue une infraction pour un citoyen, c'est également une infraction pour un policier à moins que celui-ci bénéficie d'une exemption. La Cour a même déclaré que si le législateur voulait que les policiers fassent ce genre de chose, alors il devait adopter une loi les y autorisant; c'est l'origine du régime de justification de l'application de la loi.
Dans bien des enquêtes sur les organisations criminelles et le terrorisme, il est parfois essentiel que les agents d'infiltration se fassent passer pour des personnes exerçant des activités criminelles. Si les agents de police ne bénéficiaient pas d'une immunité à l'égard des actes ou des omissions qui constitueraient autrement des infractions pénales, ils seraient gravement limités dans leurs enquêtes. Ces dispositions législatives n'ont pas été utilisées de façon inconsidérée. Les dispositions législatives elles-mêmes et encore davantage les politiques internes adoptées par la GRC encadrent étroitement leur utilisation. Elles ne permettent pas aux agents de la paix de se placer au-dessus des lois. Ces dispositions autorisent plutôt les organismes d'application de la loi à effectuer leurs enquêtes pénales dans un cadre législatif très clairement défini. Ces dispositions nous ont donné les moyens de reprendre notre travail.
J'aimerais remercier les membres du comité de m'avoir permis de leur présenter un tour d'horizon de la façon dont ces dispositions législatives sont utilisées à l'heure actuelle et de leur faire savoir qu'elles aident très efficacement les organismes d'application de la loi à faire leur travail.
Avec mon collègue, Tom Bucher, je serais heureux de vous apporter des précisions ou de répondre à vos questions. Je vous remercie.
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J'ai le temps de le faire.
Je me suis récemment rendu dans des pénitenciers pour vérifier certaines choses. C'est peut-être le genre de question à laquelle vous n'êtes pas en mesure de répondre, mais j'ai vu des gens et j'ai parlé à des individus qui se trouvaient en isolement cellulaire, par exemple:
« Pourquoi êtes-vous en isolement cellulaire? »
« Pour ma propre sécurité. »
« Mais vous êtes en prison, n'êtes-vous pas en sécurité? »
« Non, je ne le suis pas. »
« Pourquoi êtes-vous dans cette cellule? »
« Je n'ai pas payé mon loyer. »
« Excusez-moi, vous êtes en prison; vous n'avez pas à payer de loyer. »
« Oh oui, je suis obligé de le faire. Quand on vit dans une certaine section de la prison, qui est dirigée par un gang ou un autre. »
J'ai entendu cela dans tous les pénitenciers que j'ai visités. Les gens me disent que les gangs font ce qu'ils veulent. Est-ce que ces dispositions ne permettraient pas à des agents de s'infiltrer dans les prisons pour nettoyer tout cela. Quelqu'un doit intervenir; la situation est très grave.
J'ai posé cette question au comité au cours de la dernière session, il y deux ans. Il y a des signes qui montrent que les gangs constituent un problème très grave dans nos pénitenciers. Ne devrions-nous pas demander un sous-comité d'examiner cette question et de voir quelle en est la gravité? Il conviendrait peut-être de prendre certaines mesures, législatives ou autres.
Voilà la question que je vous pose. Êtes-vous en mesure d'infiltrer des agents dans les pénitenciers, où des gangs commettent des crimes? Ces gangs sont dirigés de l'intérieur, conseillés par des gens de l'extérieur, financés et parrainés par des gens de l'extérieur, et ce sont les chefs qui prennent les décisions à l'intérieur des pénitenciers.
Cetter situation paraît inacceptable à un vieux routier de la politique, comme moi. Je trouve très étrange qu'il faille placer un détenu dans une cellule d'isolement pour le protéger parce qu'il n'a pas payé son loyer. Je n'en veux à personne en particulier, mais je me demande vraiment ce qui se passe? Pourriez-vous faire quelque chose à ce sujet, en particulier, avec ce genre de dispositions? Vous permettraient-elles de faire quelque chose?
Monsieur, il faut faire quelque chose.