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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 005 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 mai 2006

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Je déclare ouverte la séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
    L'ordre de renvoi d'aujourd'hui, le 25 avril, prévoit la revue des articles 25.1 à 25.4 du Code criminel, protection des personnes chargées de l'application et de l'exécution de la loi.
    Messieurs, je vous remercie d'être venus aujourd'hui.
    Nous allons entendre la Gendarmerie royale du Canada et un représentant du ministère de la Sécurité publique et protection civile Canada, M. Barry MacKillop.
    M. MacKillop, je vous invite à présenter votre exposé. Vous disposez d'une dizaine de minutes. Je ne sais pas très bien que ce souhaitent les membres du comité, mais nous pourrions poser des questions après votre exposé ou attendre que la GRC ait présenté le sien.
    M. MacKillop, voulez-vous commencer?
    Tout d'abord, je dois vous dire que je suis heureux d'être ici cet après-midi. Je vais prendre quelques minutes, mais pas plus d'une dizaine, je le promets, pour vous exposer le rôle que jouent le ministère et le ministre dans le processus de désignation et dans la préparation des rapports exigés par les dispositions en matière de justification au titre de l'application de la loi.
    Le ministre de la Sécurité publique est chargé de désigner les agents de la paix ou les fonctionnaires publics qui possèdent les mêmes pouvoirs et qui relèvent du ministère de la Sécurité publique. Cela vise à l'heure actuelle la GRC pour ce qui est des agents et des fonctionnaires supérieurs ainsi que l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et les agents et fonctionnaires supérieurs chargés de l'application des lois dont le ministre de la Sécurité publique est responsable. Pour les situations d'urgence, les fonctionnaires supérieurs désignés peuvent désigner ces personnes pour une période de 48 heures.
    Le second rôle du ministre de la Sécurité publique consiste à publier un rapport annuel précisant le nombre et la nature des désignations effectuées dans des situations d'urgence, le nombre et la nature des actes ou des omissions pour lesquels il a fallu obtenir une autorisation préalable ainsi que la nature des comportements faisant l'objet d'une enquête concernant ces actes, le nombre et la nature des actes ou omissions ainsi que le caractère des actes pour lesquels on a renoncé à obtenir les autorisations préalables en raison de l'urgence de la situation.

[Français]

     En ce qui concerne le processus de désignation, pour éviter une utilisation abusive ou incorrecte des dispositions concernant la justification au titre de l'application de la loi, un protocole rigoureux de désignation comportant les éléments suivants a été appliqué: les critères d'admissibilité — qui peut être désigné —, les conditions d'admissibilité, la marche à suivre ou les étapes à respecter et, enfin, les rapports annuels exigés et la procédure à respecter pour les produire.
    Les fonctionnaires supérieurs et les fonctionnaires publics peuvent être désignés conformément à certains critères.
    Ils peuvent être désignés en fonction des besoins. Quand il s'agit de fonctionnaires supérieurs, ces derniers peuvent être désignés sur avis écrit du commissaire de la GRC. Quant aux fonctionnaires publics, ils peuvent être désignés sur avis écrit du commissaire adjoint des opérations fédérales et internationales.
    Ils peuvent aussi être désignés en fonction de leur poste. Pour ce qui est des fonctionnaires supérieurs, à l'heure actuelle, le bureau du commissaire adjoint des OFI doit être désigné; de plus, le commissaire adjoint de la Direction des renseignements criminels et le surintendant principal, drogues et crime organisé, sont aussi désignés. Les fonctionnaires publics, quant à eux, sont des membres recommandés du répertoire du programme des agents secrets ainsi que des autres sections spécialisées, par exemple introductions clandestines, capitaines de bateaux, etc.
    Il existe aussi des critères d'admissibilité au chapitre de la formation. Les fonctionnaires supérieurs doivent avoir reçu une formation sur les articles 25.1 à 25.4 du Code criminel. Quant aux fonctionnaires publics, ils doivent avoir reçu une formation sur les mêmes articles et d'autres formations selon les besoins. Ceci s'applique aussi aux fonctionnaires publics disposant d'une désignation limitée.
(1535)

[Traduction]

    Pour ce qui est des critères d'admissibilité, mentionnons que les désignations sont d'une durée de trois ans. Elles expirent après trois ans si elles ne sont pas renouvelées. Au terme du paragraphe 25.1(10), les personnes qui agissent selon les directives d'un fonctionnaire public désigné doivent être informées des dispositions que contient ce paragraphe.
    En matière de révocation, la désignation d'un fonctionnaire supérieur ou d'un fonctionnaire public peut être annulée si la personne désignée n'est plus titulaire du poste requis, quitte la GRC ou ne répond plus aux critères; le ministre de la Sécurité publique doit en être immédiatement avisé. Le ministre doit également être informé si la personne que l'on entend désigner a déjà été désignée antérieurement et il faut porter à sa connaissance tout ce qui pourrait avoir une incidence sur son approbation ainsi que les conditions supplémentaires dont pourrait être assortie la désignation.
    Pour ce qui est du processus et des modalités de la désignation, le commissaire adjoint des OFI, le commissaire adjoint de la DRC ou le surintendant principal, drogues et crime organisé, doivent être désignés en premier.
    Pour les fonctionnaires publics, c'est le fonctionnaire supérieur qui procède à la désignation par écrit, à l'aide d'un modèle de demande de désignation. Les demandes sont transmises à la direction générale de la politique en matière de police du ministère de la Sécurité publique. Deux exemplaires, l'un précisant le nom de l'agent et l'autre non, sont transmis respectivement au bureau du sous-ministre et au cabinet du ministre pour approbation.
    Si la demande est approuvée, le ministre signe la désignation. Le ministère conserve les exemplaires qui ne mentionnent pas le nom de l'agent. Celle qui mentionne le nom de l'agent est renvoyée à la GRC, et il existe des numéros qui nous permettent, en collaboration avec la GRC, d'établir, en cas de besoin, un lien entre les deux documents.
    Pour ce qui est des rapports, le commissaire adjoint des OFI doit recueillir les renseignements suivants et les transmettre au ministre de la Sécurité publique pour qu'ils figurent dans le rapport annuel du ministre : le nombre et la nature des désignations d'urgence effectuées au terme du paragraphe 25.1(6), qui autorise un fonctionnaire supérieur à désigner un fonctionnaire public en raison de l'urgence de la situation pour une période de 48 heures, le nombre et la nature des actes ou des omissions qui ont nécessité une autorisation préalable ainsi que le caractère des actes faisant l'objet de l'enquête — cela englobe tous les actes qui risquent d'entraîner la perte d'un bien ou des dommages graves à celui-ci ou les cas où la personne désignée ordonne à une autre personne de commettre un acte ou une omission autrement illégale — ainsi que le nombre et la nature des actes ou des omissions ainsi que la nature de la conduite faisant l'objet de l'enquête lorsque les agents ont agi au terme du paragraphe 25.1(9) dans un cas d'urgence sans l'autorisation d'un fonctionnaire supérieur.
    Pour ce qui est des rapports annuels eux-mêmes, on trouvera une liste de ces rapports à la page 7. Deux rapports annuels ont été déposés et publiés, celui qui couvre la période allant de février 2002 à janvier 2003 et celui qui va du 1er février 2003 au 31 janvier 2004. Le rapport de 2004 sera publié incessamment; il est en train d'être finalisé.
     Vous trouverez à la page 7 un aperçu du nombre des désignations temporaires effectuées au cours de ces années-là. Vous remarquerez qu'en 2002, il y a eu deux désignations pour des enquêtes sur des infractions présumées de voies de fait, voies de fait graves, voies de fait armées, vol et tapage. En 2002 également, 11 autorisations préalables ont été accordées et il y en a eu six en 2003.

[Français]

    Bien que le ministère de la Sécurité publique ne soit pas responsable des rapports annuels des provinces, nous avons ajouté un aperçu général des rapports annuels qui ont été publiés. Depuis 2002, le recours des provinces au mécanisme des dispositions 25.1 à 25.4 a varié de façon significative .
    À l'heure actuelle, il y a des agents désignés dans toutes les provinces, sauf en Saskatchewan et à Terre-Neuve-et-Labrador. Des rapports annuels ont été publiés pour toutes les provinces, sauf pour Terre-Neuve-et-Labrador, l'Île-du-Prince-Édouard et la Saskatchewan, bien que certains rapports pour 2004 n'aient pas encore été rendus publics.
    Les rapports de l'Alberta, de la Colombie-Britannique, de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick sont accessibles en ligne. Vous remarquerez également que seuls l'Ontario et le Québec ont signalé des incidents où l'on a accordé une autorisation préalablement requise: deux fois en 2003 pour l'Ontario et dix fois en 2004 pour le Québec.
    Voilà qui termine la présentation du processus de désignation et du rôle du ministère et du ministre de la Sécurité publique.
(1540)

[Traduction]

    Je suggère que pour le processus de désignation… Je me demande si les membres du comité ont des questions à poser sur ce sujet.

[Français]

    Monsieur le président, vous ne voulez pas qu'on écoute l'ensemble des témoins? Peut-être que la combinaison des deux témoignages nous permettrait de... Personnellement, je préférerais qu'on écoute les deux exposés.

[Traduction]

    Techniquement, oui. Les témoins seront tous là lorsque nous passerons aux questions générales. Je me demandais cependant si les membres du comité voulaient poser quelques questions au sujet du processus de désignation, en sachant que les témoins seront là pour répondre aux questions plus tard.
    Je constate que personne n'a de questions à poser, mais j'aimerais obtenir une précision.
    Lorsque nous parlons des statistiques concernant le nombre de désignations temporaires ou des autorisations préalables, de quoi parlons-nous exactement? Est-ce qu'il faut obtenir une désignation générale ou particulière pour poursuivre certaines opérations d'infiltration? Que veulent dire exactement ces statistiques?
    Les chiffres publics font référence aux désignations qui n'ont pas été accordées, au départ, par le ministre. Il existait dans ces cas une situation d'urgence qui exigeait que la désignation s'effectue rapidement. Le fonctionnaire supérieur — dans ce cas, le commissaire adjoint Souccar — peut accorder une désignation valable 48 heures, de façon à ce que l'opération puisse se poursuivre. La désignation est ensuite autorisée par le ministre après coup.
    Vous ne donnez pas la liste des autres opérations ici — celles qui ne correspondent pas à des situations d'urgence ou ne donnent pas lieu à des autorisations préalables — vous ne fournissez pas les chiffres. Ou est-ce là plutôt l'application habituelle, si vous voulez, de ces articles?
    C'est l'application habituelle. Les rapports annuels ne mentionnent pas le nombre des demandes ou le nombre des désignations, parce qu'il faut préserver la sécurité des agents. Comme cela a été demandé au moment de l'adoption de la loi, nous ne faisons que rapporter les situations d'urgence ou extraordinaires pour éviter que ces dispositions soient mal utilisées.
    Je vous remercie d'avoir précisé cela.
    Nous allons maintenant entendre M. Raf Souccar et M. Thomas Bucher de la Gendarmerie royale du Canada.
    Qui présentera l'exposé?

[Français]

    Thank you very much. Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis heureux d'être avec vous cet après-midi.

[Traduction]

    Bonjour. Je m'appelle Raf Souccar et je suis le commissaire adjoint responsable des opérations fédérales et internationales de la Gendarmerie royale du Canada. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour m'entretenir avec vous du paragraphe 25(1) du Code criminel, communément appelé régime de justification de l'application de la loi.
    Je suis accompagné du surintendant Tom Bucher, qui est le directeur de la section du crime organisée et qui traite quotidiennement de questions portant sur les opérations d'application de la loi. À nous deux, nous devrions être en mesure de répondre à la plupart de vos questions. Si nous n'y parvenons pas, nous nous engageons à vous fournir une réponse par la suite.
    Je sais que vous savez pourquoi ces dispositions législatives ont été adoptées après le prononcé de l'arrêt Campbell et Shirose par la Cour suprême du Canada. Je reviendrai plus tard sur cette affaire au cours de mon exposé.
    Au cours des prochaines minutes, je tenterai d'expliquer la façon dont ces dispositions législatives touchent la GRC et plus précisément, la formation, le processus de désignation, le renouvellement des désignations, les demandes d'autorisation de recourir à ces dispositions législatives dans le cadre d'enquêtes criminelles, les obligations de la GRC en matière de rapports internes, la collecte des rapports trimestriels, la présentation des rapports annuels, et les autres mesures de contrôle rigoureuses que nous avons adoptées pour assurer le respect de ces dispositions législatives.
    Je vais également vous fournir des exemples de deux situations, dont l'une est hypothétique et l'autre authentique, qui illustrent les cas où l'on peut avoir recours à ces dispositions.
    J'essayerai également de familiariser les membres du comité au processus que la GRC a mis en place pour assurer une saine administration de ces dispositions.
    Je répondrai ensuite, avec plaisir, à toutes les questions des membres du comité. Je demanderais toutefois aux membres du comité de bien vouloir m'excuser de ne pas répondre aux questions portant sur des opérations sensibles ou de me permettre d'y répondre à huis clos.
     Dans le cas de la GRC, l'autorité compétente est le ministre de la Sécurité publique. Le ministre a désigné trois fonctionnaires supérieurs de la GRC. À titre de commissaire adjoint, opérations fédérales et internationales, je suis le premier fonctionnaire supérieur, le deuxième est le commissaire adjoint Mike McDonell, responsable de la direction des renseignements criminels et le troisième est le surintendant principal, Derek Ogden, responsable des drogues et du crime organisé. Ces membres de la GRC sont affectés à notre quartier général d'Ottawa. Afin d'assurer le suivi et le respect des contrôles rigoureux que nous nous sommes imposés pour l'utilisation de ces dispositions législatives, les deux autres fonctionnaires supérieurs n'agissent qu'en mon absence.
    À titre de fonctionnaire supérieur, je présente les demandes de désignation de fonctionnaires publics à l'autorité compétente qui est, comme je l'ai indiqué, le ministre de la Sécurité publique. Ces désignations peuvent être générales ou spéciales. Il convient de noter que ce ne sont pas tous les agents de police qui sont désignés aux termes de cette loi. Pour l'essentiel, les seuls agents qui peuvent être désignés selon les politiques internes de la GRC sont les membres de notre équipe d'agents d'infiltration spécialisée.
    Je crois qu'il serait bon que je m'arrête un instant pour être sûr que vous comprenez bien ce dont il s'agit. Lorsque je parle d'agent d'infiltration, je ne parle pas d'agents de la paix en civil; je parle d'agents de la paix qui ont réussi à s'infiltrer dans des organisations criminelles, à l'insu, bien sûr, des cibles visées. Lorsque je parle du personnel d'infiltration, je parle des agents de la paix qui ont pour tâche de protéger les agents d'infiltration.
    Les désignations générales concernent les fonctionnaires publics qui font partie de notre équipe d'agent d'infiltration et qui ont suivi un cours de formation spécialisée portant sur le régime de justification de l'application de la loi. Les désignations limitées sont destinées à certains autres fonctionnaires publics qui ont suivi une formation spécialisée portant sur le régime de la justification de l'application de la loi et qui occupent des fonctions particulières ou possèdent les compétences spécialisées susceptibles de les amener à recourir à ces dispositions. Je parle ici, par exemple, d'un pilote ou d'un capitaine de marine qui pourrait être amené à voler ou à naviguer tous feux éteints pour éviter d'être repéré, violant ainsi la Loi sur la marine marchande ou la Loi sur l'aéronautique. Ces personnes pourraient faire l'objet d'une désignation spéciale qui viserait uniquement cet acte ou cette omission, dans le cadre de leurs fonctions.
    Selon les dispositions législatives, un fonctionnaire supérieur peut désigner un fonctionnaire public pour une période maximale de 48 heures en cas d'urgence. Notre politique interne exige de notre officier responsable des enquêtes criminelles de la division qu'il examine la situation et fasse une recommandation d'approbation au fonctionnaire supérieur, s'il est d'avis qu'en raison de l'urgence de la situation, le ministre de la Sécurité publique peut difficilement désigner l'agent en question et que celui-ci serait justifié de commettre un acte ou une omission qui constituerait par ailleurs une infraction.
(1545)
    En ma qualité de fonctionnaire supérieur, j'ai également demandé à l'autorité compétente de révoquer certaines désignations. Ces révocations n'ont pas été prononcées parce qu'il y avait des abus dans l'utilisation du régime de justification de l'application de la loi. La plupart du temps, les demandes de révocation visent des membres qui ont pris leur retraite ou qui ne font plus partie de l'équipe d'agents d'infiltration.
    La GRC a mis sur pied une séance de formation initiale de deux jours portant sur le régime de justification de l'application de la loi. La première journée est consacrée à l'étude approfondie des dispositions législatives à laquelle participent des fonctionnaires du ministère de la Justice. La seconde journée correspond au volet pratique, au cours duquel les agents ont la possibilité de réagir à divers scénarios susceptibles de se produire lorsqu'ils assument leur rôle de fonctionnaires publics. Les réponses appropriées sont fournies par les services juridiques de la GRC.
    À la fin de la formation, le fonctionnaire public doit passer un examen et obtenir la note parfaite de 100 %; si le fonctionnaire public réussit cet examen, je demande à l'autorité compétente de le désigner pour une période de trois ans.
    Avant l'expiration de la désignation de trois ans, le fonctionnaire public doit réussir un examen de renouvellement de la désignation. Une fois cette étape franchie, je demande à l'autorité compétence de renouveler la désignation du fonctionnaire public pour une autre période de trois ans. Il est également important de noter que ce ne sont pas les dispositions législatives qui prévoient ces périodes de trois ans; elles découlent en fait d'une politique que la GRC a adoptée pour veiller à ce que tous nos agents puissent rafraîchir leurs connaissances de ces dispositions.
    Lorsqu'un agent a obtenu sa désignation, il peut être appelé à commettre une action ou une omission qui constituerait par ailleurs une infraction, dans le but de faire avancer une enquête criminelle. Lorsqu'une enquête nécessite le recours au régime de justification de l'application de la loi, la GRC a établi des lignes directrices rigoureuses qui exigent la préparation d'une demande exposant les circonstances et les motifs la justifiant pour qu'elle soit transmise pour approbation.
    Tous les actes ou omissions qu'un agent désigné de la GRC se propose d'accomplir et qui constituerait par ailleurs une infraction pénale, sont examinés par l'officier responsable des enquêtes criminelles dans la province, qui est un agent principal du niveau du surintendant principal. L'officier responsable des enquêtes criminelles confirme que l'agent désigné est justifié d'utiliser ces dispositions et que la condition voulant que l'acte envisagé soit juste et proportionnel soit remplie.
    L'officier responsable des enquêtes criminelles peut ensuite autoriser l'acte ou l'omission en question pourvu que sa commission ne cause pas la perte de biens ou des dommages importants à ceux-ci et n'implique pas l'intervention d'un agent civil. Lorsque la désignation est approuvée, l'agent en question qui commet l'acte ou l'omission doit, comme le prévoit les dispositions législatives et la formation donnée, connaître les dispositions de l'article 25.1 du Code criminel et être convaincu que toutes les conditions, notamment celles qui portent sur le caractère juste et proportionnel de l'acte en question, sont remplies.
    Je peux vous décrire une situation hypothétique. Supposons que l'unité de l'immigration et des passeports fasse enquête sur un groupe criminel organisé impliqué dans la fabrication et la vente de faux passeports. Pour obtenir des preuves concernant ces infractions, le groupe chargé de l'enquête pourrait demander que soit accordée à un fonctionnaire public désigné l'autorisation de vendre une boîte de passeports vierges à ce groupe criminel. Dans une telle situation, la demande de désignation ne serait probablement pas approuvée. Il y a non seulement le fait que l'acte en question ne serait ni juste ni proportionnel par rapport à la situation mais il y a aussi le fait qu'il existe dans cette situation, des solutions de rechange qui n'ont pas été explorées, notamment la possibilité d'acheter de faux passeports de ce groupe criminel.
    Il est également important de comprendre ici que je n'affirme pas que ces dispositions doivent être utilisées en dernier recours mais avant d'approuver ce genre d'opération, je penserais au risque de perdre une boîte de passeports vierges. Tout ceci serait régi par ces dispositions, mais il faudrait évaluer les risques associés à cette opération, le caractère juste et proportionnel de cette technique par rapport à l'enquête et, dans un tel cas, je préfererais probablement étudier d'autres solutions.
    Les demandes concernant des actes ou des omissions susceptibles d'entraîner la perte d'un bien ou des dommages graves à celui-ci ou d'amener une autre personne à commettre un tel acte ou omission, doivent être transmises par les voies habituelles au fonctionnaire supérieur pour approbation. Lorsque je reçois une demande à titre de fonctionnaire supérieur, j'examine à nouveau personnellement la situation pour vérifier qu'elle est conforme aux dispositions de la loi.
(1550)
    Lorsque j'approuve l'acte ou l'omission, une autorisation écrite mentionnant les conditions dont elle est assortie est transmise au groupe chargé de l'enquête.
    Lorsqu'il est trop difficile d'obtenir une autorisation préalable, le membre désigné peut commettre un acte ou une omission qui entraînera vraisemblablement la perte de biens ou des dommages importants à ceux-ci ou l'amènera à ordonner à une autre personne de commettre l'acte ou l'omission en question, pourvu que l'agent désigné croit, pour des motifs raisonnables, que les conditions pour obtenir une autorisation sont réunies mais que son obtention est difficilement réalisable et que l'acte ou l'omission est nécessaire afin de préserver la vie ou la sécurité d'une personne, éviter de compromettre la confidentialité de l'identité d'un fonctionnaire public agissant en qualité d'agent d'infiltration ou celle d'un informateur ou pour prévenir la perte ou la destruction imminente d'éléments de preuve d'un acte criminel. Dans cette situation, tous les actes ou omissions qui constitueraient autrement une infraction doivent être déclarés par écrit au fonctionnaire supérieur le plus tôt possible.
    Je vous signale que la GRC n'a pas encore utilisé cette disposition législative.
    Outre l'obligation légale de présenter des rapports au fonctionnaire supérieur, la politique de la GRC exige qu'un agent qui commet un acte ou une omission ou ordonne la commission d'un tel acte ou d'une telle omission, dans le cadre du régime de justification de l'application de la loi, présente le plus tôt possible un rapport écrit au coordonnateur des agents d'infiltration de la division. Ce dernier doit aussitôt transmettre le rapport au directeur de la direction du crime organisé, qui prépare les rapports trimestriels et annuels.
    Les rapports annuels sont présentés à l'autorité compétente. Ils contiennent les renseignements obligatoires énumérés à l'article 25.3 du Code criminel et fournissent les renseignements d'évaluation concernant le régime de justification de l'application de la loi. Les rapports annuels pour les années 2002, 2003, 2004 et 2005 ont tous été préparés et présentés, comme la loi l'exige.
    Pour ce qui est d'une situation habituelle, je ne pourrai pas vous fournir des détails précis se rapportant à une enquête non terminée au cours de laquelle ces dispositions ont été utilisées, mais je peux vous décrire une enquête qui est maintenant terminée et pour laquelle j'ai autorisé, en qualité de fonctionnaire supérieur, le recours à ces dispositions.
    Dans cette affaire, un groupe criminel organisé était soupçonné de contrefaire et de vendre de la fausse monnaie canadienne. Le groupe chargé de l'enquête à Montréal a acquis les services d'un agent civil et a demandé l'autorisation d'utiliser cet agent, accompagné d'un agent désigné, pour acheter de la fausse monnaie du groupe criminel.
    Dans ce cas-ci, l'agent civil est infiltré dans l'organisation criminelle. Nous utilisons alors cet agent comme agent d'infiltration, si vous voulez, et un de nos agents désignés lui donne l'ordre de s'introduire dans l'organisation criminelle en question.
    Un fonctionnaire supérieur a autorisé l'agent et l'agent désigné à acheter la monnaie contrefaite. Peu après, l'agent désigné, qui était également un agent d'infiltration, et l'agent en question ont acheté une grande quantité de monnaie canadienne contrefaite.
    Au cours de l'enquête, des fonctionnaires supérieurs ont accordé en tout quatre autorisations. Dans la même affaire, l'officier responsable des enquêtes criminelles de la division a autorisé cinq fois l'agent désigné à acheter des biens au groupe criminel. Deux de ces cinq autorisations n'ont pas été utilisées.
    Toutes autorisaient les agents désignés à acheter, et à avoir en leur possession, de la monnaie contrefaite, de faux passeports, de fausses cartes d'assurance sociale, de faux permis de conduire auprès des membres de cette organisation criminelle.
    La GRC a acheté, pour s'en servir comme preuve, près de 250 000 $ de monnaie contrefaite, faux passeports, fausses cartes d'assurance sociale et faux permis de conduire de divers individus, à Montréal et à Toronto. Les perquisitions effectuées dans des résidences ont donné lieu à la saisie de l'équipement utilisé pour falsifier les documents, ce qui a permis aux enquêteurs de déposer des accusations pénales contre les responsables de l'opération.
    La situation que je viens de vous décrire montre que le régime de justification de l'application de la loi permet aux enquêteurs dans des cas comme celui-ci d'identifier et d'infiltrer des groupes criminels organisés impliqués dans la production de monnaie et de cartes d'identité contrefaites, et partant, de les démanteler.
    Le régime de justification de l'application de la loi a permis à la GRC de lutter contre le crime organisé et le terrorisme avec des moyens dont elle ne disposait pas avant l'adoption de ces dispositions.
    Dans l'arrêt Campbell et Shirose que la Cour suprême a prononcé en 1999, la Cour a déclaré que les policiers ne jouissaient d'aucune immunité pour les actes illicites commis de bonne foi dans le cadre d'une enquête. La Cour a ajouté que s'ils avaient besoin d'une telle immunité, c'était au législateur de la leur accorder en adoptant une loi à cet effet.
(1555)
    Cette décision a nui aux activités des agences d'application de la loi, puisqu'elle avait pour effet d'interdire des pratiques d'enquête qui étaient utilisées couramment depuis des années. Nous avions déjà acheté de la fausse monnaie, par exemple, et c'était l'une des choses que nous faisions. L'article 450 du Code criminel réprime le fait de posséder ou d'acheter de la monnaie contrefaite. Cet arrêt a mis un terme à ce genre d'opération, même si nous achetions ces biens dans l'intention de saisir cet argent et de le retirer de la circulation avec les personnes qui le distribuaient. Nous pensions respecter l'esprit et la lettre de la loi, mais la Cour suprême a très clairement indiqué que, si un acte constitue une infraction pour un citoyen, c'est également une infraction pour un policier à moins que celui-ci bénéficie d'une exemption. La Cour a même déclaré que si le législateur voulait que les policiers fassent ce genre de chose, alors il devait adopter une loi les y autorisant; c'est l'origine du régime de justification de l'application de la loi.
    Dans bien des enquêtes sur les organisations criminelles et le terrorisme, il est parfois essentiel que les agents d'infiltration se fassent passer pour des personnes exerçant des activités criminelles. Si les agents de police ne bénéficiaient pas d'une immunité à l'égard des actes ou des omissions qui constitueraient autrement des infractions pénales, ils seraient gravement limités dans leurs enquêtes. Ces dispositions législatives n'ont pas été utilisées de façon inconsidérée. Les dispositions législatives elles-mêmes et encore davantage les politiques internes adoptées par la GRC encadrent étroitement leur utilisation. Elles ne permettent pas aux agents de la paix de se placer au-dessus des lois. Ces dispositions autorisent plutôt les organismes d'application de la loi à effectuer leurs enquêtes pénales dans un cadre législatif très clairement défini. Ces dispositions nous ont donné les moyens de reprendre notre travail.
    J'aimerais remercier les membres du comité de m'avoir permis de leur présenter un tour d'horizon de la façon dont ces dispositions législatives sont utilisées à l'heure actuelle et de leur faire savoir qu'elles aident très efficacement les organismes d'application de la loi à faire leur travail.
    Avec mon collègue, Tom Bucher, je serais heureux de vous apporter des précisions ou de répondre à vos questions. Je vous remercie.
(1600)
    Merci, monsieur le commissaire adjoint; c'était un exposé intéressant. Nous avons maintenant la possibilité de poser des questions sur l'efficacité de ces dispositions.
    J'invoque le règlement, Monsieur le président. J'aimerais demander certaines choses aux personnes qui sont ici aujourd'hui. Je passais en revue dans mon esprit la liste des questions que j'aimerais leur poser, mais je ne suis pas sûr que le moment soit bien choisi pour le faire. Allons-nous être en mesure de savoir ce que nous pouvons demander ou est-ce que les gens qui ont présenté l'exposé pourront refuser de nous répondre si cela risque d'être… quelque chose? Certains aspects de ces questions sont très délicats.
    Je prends note de votre commentaire, mais je sais que si nous allons trop loin, le commissaire adjoint nous le signalera et il ne répondra à la question que si nous siégeons à huis clos. En fait, si cela risque de mettre en danger une enquête donnée, il refusera de répondre.
    Est-ce bien cela, Monsieur le Commissaire adjoint?
    Oui, Monsieur le président. Si nous abordons des sujets sensibles, je préférerais m'abstenir de répondre puisque ces témoignages sont publiés, ou vous demander de siéger à huis clos.
    Cela répond-il à votre question, Monsieur Thompson?
    Pourrons-nous siéger à huis clos, si cela nous permet de faire ce que nous voulons accomplir? Cela n'est pas très difficile à faire, n'est-ce pas?
    Je dirais que non.
    Très bien, c'est tout ce que je voulais savoir.
    Parfait, passons aux intervenants. Le premier sur la liste est un libéral, M. Bagnell.
    Comme l'a déclaré le président, nous essayons ici d'améliorer cette loi. Dans le cadre de cet examen, je dirais que c'est une excellente chose de savoir comment s'appliquent ces dispositions, mais je me demandais si les témoins avaient des suggestions à faire sur la façon d'améliorer cette loi. Si vous voulez le faire à huis clos, c'est possible. Mais j'aimerais demander en particulier aux personnes qui travaillent au niveau opérationnel, s'il n'y aurait pas des modifications, mineures notamment, que nous pourrions apporter à ces dispositions pour les renforcer?
    Je suis très satisfait de ces dispositions. Je pense qu'elles comportent des mécanismes de contrôle qui sont nécessaires. Du point de vue de la GRC, nous avons même adopté des politiques qui vont au-delà de ce qu'exigent ces dispositions. Nous avons ramené le nombre des fonctionnaires supérieurs à trois, étant moi-même le fonctionnaire supérieur principal, et les deux autres approuvent les autorisations, qui doivent être attribuées par des fonctionnaires supérieurs, uniquement lorsque je ne suis pas là.
    Nous voulions que ces dispositions soient adoptées et nous sommes très heureux de voir qu'elles comportent certains mécanismes de contrôle. Elles ont donné d'excellents résultats pour nous. Il est possible que d'autres organismes d'application de la loi, et j'en ai parlé à quelques-uns, vous disent qu'il faut trop de temps pour désigner les fonctionnaires publics. Dans le cas de la GRC, l'autorité compétente dont nous relevons prend ses décisions très rapidement, de sorte que cela ne constitue pas un problème pour nous. Dans certains organismes, je crois savoir qu'il a fallu près d'un mois et demi pour qu'un agent d'infiltration soit désigné. Bien entendu, cela cause des problèmes sur le plan des opérations.
    De sorte que si un de vos agents d'infiltration avait besoin d'une désignation pour demain, dans le cas où cet agent n'aurait pas déjà été désigné, combien de temps faudrait-il pour le faire?
    Si c'est un cas d'urgence, en qualité de fonctionnaire supérieur, je peux lui accorder une désignation pour 48 heures, mais même pour des cas de ce genre, je n'ai pas été obligé d'utiliser ces dispositions. Nous aimons planifier nos opérations à l'avance, de façon à bien les encadrer. Mais, pour répondre à votre question, je dirais que nous avons déjà obtenu une réponse en moins de 24 heures.
(1605)
    Vous n'avez donc pas de suggestions à faire pour améliorer la loi?
    À moins que Tom veuille intervenir, je dirais que nous sommes pour le moment très satisfaits de ces dispositions telles qu'elles sont.
    Je ne peux que vous répéter la même chose. Mon point de vue est davantage axé sur le volet opérationnel, sur les plans d'opération quotidiens que me présentent les diverses unités qui se trouvent dans les différentes régions du pays. Comme l'a déclaré le sous-commissaire Souccar, nous n'avons pas trouvé ce processus trop lourd. Ce n'est pas un processus compliqué. Ces dispositions permettent d'atteindre les objectifs recherchés et, jusqu'ici, du point de vue opérationnel, elles donnent d'excellents résultats.
    Lorsque vous désignez un agent pour trois ans, je crois savoir qu'en plus de ces désignations, il doit être également autorisé à participer à une opération particulière.
    C'est exact. Là encore, c'est nous qui limitons la durée de la désignation à trois ans. Après la désignation, les dispositions prévoient qu'un agent de la paix désigné peut ensuite commettre tout acte ou omission sans autorisation préalable, à moins qu'il ne s'agisse d'un acte qui cause des lésions corporelles, qui porte atteinte à l'intégrité sexuelle d'une personne ou qui détourne le cours de la justice. Lorsqu'il s'agit d'ordonner à un agent de faire quelque chose qui va entraîner la perte d'un bien ou lui causer des dommages importants, il faut l'autorisation d'un fonctionnaire supérieur. Mais la loi autorise les agents de la paix à acheter de la fausse monnaie, des passeports, du tabac ou de l'alcool, pourvu qu'ils aient été désignés.
    Nous avons adopté une politique plus stricte qui exige que les agents de la paix obtiennent une autorisation de la part de l'officier responsable des enquêtes criminelles — qui est un surintendant principal, un membre de la haute direction de l'organisation — et de l'officier responsable des enquêtes criminelles de la division.
    Je vois que vous avez renforcé les contrôles, mais cela veut-il dire qu'un autre corps policier pourrait désigner un agent pour une période de trois ans — et je sais que la loi ne prévoit pas une telle limite — pour qu'il participe à une opération donnée, mais si cet agent constatait, dans la rue, quelque chose qui ne fait pas partie de son travail d'infiltration qui lui a été assigné, pourrait-il quand même utiliser sa désignation?
    Tout à fait. Cela serait contraire à notre politique mais pas à la loi. Nous avons déjà comparu devant un tribunal, au moins une fois d'après mes souvenirs, dans un cas où notre politique, mais pas la loi, n'avait pas été respectée et, cela n'a causé aucune difficulté. Encore une fois, nous avons adopté une politique plus stricte pour refléter toute l'importance que nous attribuons aux opérations d'infiltration en général.
    Mais il y a d'autres organisations qui n'ont peut-être pas renforcé ces mécanismes de contrôle — c'est un aspect sur lequel nous pourrions nous pencher.
    Je crois que ce sera là ma dernière question. Y a-t-il d'autres situations et d'autres lois — le Code criminel, etc. — qui autorisent les agents de la paix à violer la loi en cas de légitime défense, ou je pense, en vertu des lois sur les drogues. Pourriez-vous faire des commentaires sur ces catégories et peut-être sur des incidents récents que vous connaissez?
    Le premier exemple qui me vient à l'esprit est celui de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. En fait, c'est la loi qui a été adoptée après l'arrêt Campbell et Shirose. Elle nous permet de faire le trafic de drogues, d'en importer, d'en exporter, ce genre de choses. Cette loi n'est pas visée par le régime de justification en matière d'application de la loi parce qu'elle prévoit son propre régime d'exemption.
    Y a-t-il d'autres exemples?
    La Loi sur les produits de la criminalité, en est un autre, elle accorde une immunité pour les cas de fausse arrestation, d'arrestation pour violation de la paix, d'utilisation de la force pour réprimer une émeute, de possession d'un passe-partout d'automobile, de possession de biens obtenus à la suite de la perpétration d'une infraction, de blanchiment d'argent, de produits de la criminalité — ce sont des types d'infractions qui prévoient une exonération des agents de la paix dans l'exécution de leurs fonctions. Il y en a un certain nombre. Je pourrais vous en fournir une copie.
    Je vous remercie. Vous pourriez peut-être la remettre à notre greffier.
    Merci, M. Bagnell.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Merci beaucoup de votre comparution.
    Notre travail de législateurs est de comprendre en quoi les dispositions du Code criminel qui ont été ajoutées il y a quelques années, dans un contexte où on essayait d'être le plus efficace possible dans la lutte contre le crime organisé, nous ont permis d'atteindre nos objectifs.
    Vous nous avez donné un exemple d'enquête policière pour laquelle vous avez dû avoir recours à ces dispositions. Cela m'amène à vous poser trois questions dans le but d'avoir une compréhension de base.
    Est-ce que dans tous les cas où on autorise des officiers ou des personnes à agir dans un régime de justification, il s'agit invariablement d'opérations d'infiltration, ou s'il peut arriver que ce soit d'autres types d'opérations?
(1610)
    Merci de votre question.
    À ma connaissance, comme je vous l'ai expliqué, on a utilisé a justification pour les pilotes, par exemple, pour qu'ils puissent...
    Les lumières éteintes.
    C'est cela, pour qu'ils puissent voler avec les lumières éteintes, mais on se sert de cette loi principalement pour les opérations d'infiltration.
    Prenons la situation du crime organisé. Chaque année, le Service canadien du renseignement de sécurité dépose son rapport annuel. Différents projets de loi ont été adoptés pour qu'on soit de plus en plus efficaces. On a parfois manqué notre coup, et d'autres fois on a été plus près de vous donner des outils.
    Diriez-vous que sans des dispositions comme celles-là, certaines enquêtes policières ne pourraient être menées à bien? Autrement dit, on n'en est plus à se poser la question de savoir si c'est bon ou mauvais. Tous les membres de ce comité peuvent-ils tenir pour acquis que si vous n'aviez pas ces dispositions dans le Code criminel, certaines enquêtes policières ne pourraient pas aboutir et des gens qui se livrent au crime organisé ne pourraient pas être traduits devant les tribunaux? Est-ce exact?
    Oui. Si cela ne vous dérange pas, je vais continuer en anglais pour m'assurer d'être bien compris.

[Traduction]

    Ces dispositions législatives représentent en fait un outil dont nous avons absolument besoin pour lutter contre le crime organisé. Les membres des organisations criminelles utilisent très peu le téléphone. Lorsqu'ils s'en servent, ils utilisent un code et nous ne savons pas très bien ce qu'ils disent. De sorte que la partie 6, interception des communications privées, même si elle nous offre un outil que nous utilisons, n'est pas toujours très efficace. La surveillance est une autre technique. Là encore, nous suivons les gens. Nous voyons qu'ils vont du point A au point B, mais nous ne savons pas très bien ce dont ils parlent, quel est le but de leur rencontre, ni ce qu'ils ont pris à un endroit pour l'emporter à un autre endroit.
    C'est pourquoi nous sommes obligés d'essayer d'infiltrer ces organisations criminelles, le plus souvent par des agents civils, parce que la plupart des organisations criminelles ne font pas confiance aux gens qu'ils ne connaissent pas depuis leur enfance. Nous finissons donc par utiliser des agents et leur demander de suivre nos ordres.
    L'arrêt Campbell et Shirose a mis un terme à nos opérations d'infiltration. À part la Loi réglementant certaines drogues et autres substances , qui est entrée en vigueur en 1997, nous n'avions pas besoin de nombreuses exemptions visant les opérations d'infiltration pour pouvoir faire notre travail. Avec ces dispositions législatives, nous avons dû pratiquement cesser toutes nos opérations d'infiltration après l'arrêt de la Cour suprême du Canada. Lorsque ce projet de loi a été adopté, nous avons pu les reprendre.

[Français]

    Je ne veux pas entrer dans le détail des enquêtes criminelles, car je comprends très bien qu'elles sont confidentielles. La Cour suprême a même tranché en ce sens, à savoir que vous n'êtes pas obligés de divulguer vos sources de renseignements et le nom des délateurs. Cependant, si on emploie des termes génériques — cela vous a servi —, pouvons-nous parler de blanchiment d'argent, de contrefaçon et de gens qui opèrent à l'intérieur des réseaux de bandes de motards criminalisés? Si on avait à expliquer à quoi cela a surtout servi, emploierait-on ces trois termes génériques, ou si vous pourriez nous donner d'autres indications à cet effet?
(1615)
    Merci pour votre question.
    On a utilisé cette loi dans le cas des motards. Nos enquêtes ont démontré que les motards sont impliqués la plupart du temps dans le trafic de drogues, et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances nous permet de les infiltrer sans avoir recours à l'article 25.1.

[Traduction]

    Je constate que nous l'avons principalement utilisé dans le domaine de l'immigration et du droit de l'immigration, les passeports, les cartes satellites pour intercepter les signaux, le tabac et l'alcool. Ce sont nos enquêtes habituelles, celles que nous faisions depuis des années et des années, qui ont subi un coup d'arrêt. Je me souviens d'avoir vu dernièrement, si ma mémoire ne me trompe pas — Tom pourra me corriger — beaucoup d'opérations de type immigration, avec de faux passeports et de faux papiers d'identité.

[Français]

    J'ai une dernière question qui porte sur la divulgation de la preuve. Un véritable système de justice doit faire en sorte que les enquêtes soient efficaces mais que la preuve soit divulguée. Je sais que les policiers n'aiment pas beaucoup l'arrêt Stinchcombe, mais comme c'est l'état du droit, il faut composer avec cette réalité.
    Pouvez-vous nous assurer qu'en ce qui concerne la divulgation de la preuve, les principes de justice naturelle et d'équité procédurale seront respectés et que la façon dont l'enquête est menée n'influera pas sur l'accès à la preuve à laquelle les parties au procès ont droit?

[Traduction]

    Absolument pas; vous avez tout à fait raison.
    La divulgation est prévue par la loi. L'arrêt Stinchcombe est très clair. Nous l'appliquons. Les domaines interdits, les trois choses que ces dispositions interdisent à la police de faire dans n'importe quelle circonstance, sont tout acte ayant pour effet de détourner le cours de la justice et cela, bien sûr, sera visé par cette interdiction, de porter atteinte à l'intégrité sexuelle d'une personne et de causer des lésions corporelles.
    Je dois vous dire franchement que je n'étais pas en faveur de cette interdiction, non pas parce que j'étais contre le principe ou parce que se sont des choses que l'on voulait pouvoir faire; nous ne voulions pas que ces dispositions tracent une ligne de démarcation trop précise susceptible de donner l'idée de faire passer un test de loyauté.
    M. Comartin.
    Je vais passer mon tour, monsieur le président.
    M. Thompson.
    Je vous remercie d'être venus aujourd'hui.
    Je veux être sûr de bien comprendre. D'après ce que vous avez dit dans votre exposé, vous avez dû abandonner des pratiques que vous utilisiez depuis des années. Vous venez aujourd'hui de retrouver le droit de recourir aux pratiques que vous utilisiez depuis des années et vous faites aujourd'hui ce que vous faisiez, il y a plusieurs années. Ces pratiques ont été interdites à cause de l'arrêt que la Cour suprême a prononcé dans ces affaires. Ces mesures législatives ont été adoptées en 1999.
    Comment de temps s'est écoulé entre l'adoption des dispositions législatives qui vous ont permis de reprendre votre travail, si je peux m'exprimer ainsi, et le moment où vous avez dû arrêter d'utiliser ces pratiques?
    Je me souviens parfaitement de la seconde date. La première remonte à peu près à mai 1999, année où la Cour suprême du Canada a prononcé la décision Campbell et Shirose. La seconde était le 1er février 2002, date à laquelle est entrée en vigueur la justification en matière d'application de la loi.
    Ainsi, vous avez dû cesser pendant environ trois ans de faire les choses que vous faisiez habituellement pour lutter contre le crime.
    C'est exact.
    Cela a-t-il eu pour effet d'augmenter la criminalité. Le pensez-vous? Avez-vous une idée? Pensez-vous que c'est ce qui s'est passé?
    Je ne peux pas vous fournir de statistiques qui répondent à votre question, mais je peux vous dire que le nombre des opérations que nous menions dans ce domaine est tombé à zéro.
    Bien évidemment, vos adversaires en ont profité. Il paraît logique de penser que si vous ne luttez pas contre la criminalité, celle-ci va se développer.
    C'est une conclusion qui me paraît tout à fait raisonnable.
    Oui.
    Une fois que cette décision a été prise… Cela me rappelle ce qui se passait avec l'ancienne escouade de la moralité. Lorsque vous travaillez dans l'escouade de la moralité, vous devez faire toutes sortes de choses pour attraper les gens sur le fait. Je me souviens que les gens se plaignaient des voitures de police banalisées, à peu près de tout ce qui touchait à ce domaine.
    Est-ce que toutes ces choses étaient visées par la décision de la Cour suprême? Est-ce que toutes ces activités ont dû cesser à cause de cette décision? Je sais que les drogues constituent une exception, à cause de la Loi sur le contrôle des drogues, mais que s'est-il passé dans les autres domaines?
(1620)
    Pour parler en termes très simples, je dirais que la Cour suprême du Canada a déclaré que, si le législateur ne vous a pas expressément soustrait à l'application de certaines dispositions législatives et que vous violez ces dispositions, vous avez commis une infraction, que vous soyez policier ou simple citoyen. Les juges ont poursuivi en disant que si le législateur veut vous autoriser à commettre un acte ou une omission qui serait une infraction, alors c'est à lui de créer une exception dans votre cas.
    Très bien. Je comprends cela.
    Auparavant, pendant toutes ces années au cours desquelles vous utilisiez ces pratiques, qu'est-ce qui a causé…? La cour a déclaré que vous ne pouviez plus les utiliser. S'est-elle basée sur quelque chose pour vous l'interdire? Quelle était la raison?
    La disposition a été contestée. Nous nous fondions sur la common law, les précédents, l'immunité de la Couronne et d'autres principes, mais la cour a rejeté ces arguments.
    Les principes que vous invoquiez existaient depuis de nombreuses années, mais ils ont disparu après cette décision.
    Ils étaient acceptés, mais ce n'était pas du droit écrit. C'était accepté par les tribunaux, à tous les niveaux, jusqu'à ce que ces principes soient contestés dans l'affaire Campbell et Shirose.
    Vous vous demandez probablement tout comme moi ce qui a pu influencer les gens qui vous ont interdit de faire ces choses. Sur quoi se sont-ils fondés? Est-ce qu'il y avait des problèmes?
    Habituellement, on cesse d'utiliser des pratiques qui ne donnent pas de résultats, mais je pense que vous faisiez de l'excellent travail. J'essaie de bien comprendre tout cela. Pourquoi avons-nous décidé de mettre un terme à ce genre de chose? Qu'est-ce qui est à l'origine de tout cela?
    Cela durait depuis trois ans. Nous avons dû adopter ces dispositions pour que vous puissiez reprendre ces pratiques. Je suis heureux que cette mesure législative ait été présentée, je suis heureux que nous ayons ces dispositions, et je suis très heureux que vous soyez satisfait de ces dispositions et qu'elles vous permettent de lutter contre la criminalité.
    J'aimerais vous poser une autre question, mais je ne sais pas s'il me reste du temps pour le faire.
    Vous avez le temps.
    J'ai le temps de le faire.
    Je me suis récemment rendu dans des pénitenciers pour vérifier certaines choses. C'est peut-être le genre de question à laquelle vous n'êtes pas en mesure de répondre, mais j'ai vu des gens et j'ai parlé à des individus qui se trouvaient en isolement cellulaire, par exemple:
    « Pourquoi êtes-vous en isolement cellulaire? »
    « Pour ma propre sécurité. »
    « Mais vous êtes en prison, n'êtes-vous pas en sécurité? »
    « Non, je ne le suis pas. »
    « Pourquoi êtes-vous dans cette cellule? »
    « Je n'ai pas payé mon loyer. »
    « Excusez-moi, vous êtes en prison; vous n'avez pas à payer de loyer. »
    « Oh oui, je suis obligé de le faire. Quand on vit dans une certaine section de la prison, qui est dirigée par un gang ou un autre. »
    J'ai entendu cela dans tous les pénitenciers que j'ai visités. Les gens me disent que les gangs font ce qu'ils veulent. Est-ce que ces dispositions ne permettraient pas à des agents de s'infiltrer dans les prisons pour nettoyer tout cela. Quelqu'un doit intervenir; la situation est très grave.
    J'ai posé cette question au comité au cours de la dernière session, il y deux ans. Il y a des signes qui montrent que les gangs constituent un problème très grave dans nos pénitenciers. Ne devrions-nous pas demander un sous-comité d'examiner cette question et de voir quelle en est la gravité? Il conviendrait peut-être de prendre certaines mesures, législatives ou autres.
    Voilà la question que je vous pose. Êtes-vous en mesure d'infiltrer des agents dans les pénitenciers, où des gangs commettent des crimes? Ces gangs sont dirigés de l'intérieur, conseillés par des gens de l'extérieur, financés et parrainés par des gens de l'extérieur, et ce sont les chefs qui prennent les décisions à l'intérieur des pénitenciers.
    Cetter situation paraît inacceptable à un vieux routier de la politique, comme moi. Je trouve très étrange qu'il faille placer un détenu dans une cellule d'isolement pour le protéger parce qu'il n'a pas payé son loyer. Je n'en veux à personne en particulier, mais je me demande vraiment ce qui se passe? Pourriez-vous faire quelque chose à ce sujet, en particulier, avec ce genre de dispositions? Vous permettraient-elles de faire quelque chose?
    Monsieur, il faut faire quelque chose.
(1625)
    Je pense qu'il serait préférable, monsieur, d'adresser cette question au Service correctionnel du Canada, mais je vous répondrai ceci. Ces dispositions n'ont pas en elles-mêmes pour but de nous autoriser à exercer nos activités dans certains endroits, mais plutôt à commettre certains actes ou omissions.
    Pour répondre à vos questions, si on nous demandait de lancer une opération dans un pénitencier, ou si nous avions une raison de le faire, oui, nous pourrions le faire et nous l'avons déjà fait.
    En utilisant ces dispositions?
    Pas nécessairement ces dispositions.
    Ma question est donc en fait la suivante : devons-nous modifier ces dispositions pour donner le pouvoir de lancer certaines opérations dans d'autres types de situation?
    Non. Ces dispositions nous autorisent à commettre certains actes ou omission quel que soit l'endroit. Leur application n'est pas limitée à l'extérieur ou à l'intérieur d'une prison ou à un environnement donné. Elles ne visent pas un environnement mais plutôt des actes ou des omissions.
    Merci, monsieur Thompson.
    M. Lee. C'est une ronde de cinq minutes.
    Les données que vous nous avez communiquées aujourd'hui concernent-elles uniquement la Division O ou l'ensemble du Canada? Est-ce que cela comprend les services provinciaux fournis par la GRC, est-ce que cela comprend les services municipaux fournis par la GRC, ou devrions-nous vérifier ce qu'il en est avec ces différents services?
    De quelles données vous voulez parler exactement?
    Je parle des données que vous nous avez fournies au sujet du nombre des désignations effectuées au cours de l'année 2002-2003 et du fait qu'il n'y a pas eu de désignations dans des situations d'urgence.
    Je pense que nous avons des données ici et qu'il y a un rapport.
    Le rapport qui vous a été communiqué par la GRC contient uniquement nos statistiques. Nous fournissons uniquement des statistiques nous concernant.
    Est-ce que cela comprend, par exemple, les activités provinciales que vous exercez encore en Colombie-Britannique, en Alberta et en Saskatchewan?
    S'il s'agit de la Gendarmerie royale du Canada, ces opérations seraient comprises. S'il s'agit de la Police provinciale de l'Ontario, cela ne serait pas compris.
    Très bien.
    Est-ce que cela comprend les activités du corps policier municipal de Surrey, en Colombie-Britannique?
    Oui.
    Très bien, et cela comprend les territoires.
    Oui.
    Si nous voulions élaborer un modèle pour enregistrer la fréquence de l'utilisation de ces dispositions , il y a la GRC qui couvre l'ensemble du pays, mais nous devrions aussi nous adresser aux provinces pour savoir l'utilisation qu'en ont faite les corps policiers provinciaux et municipaux dans chacune de ces provinces. Est-ce bien exact?
    C'est exact et ces services de police sont tenus de présenter leur rapport à leur autorité compétente, qui est le ministre responsable des services de police dans la province.
    Avez-vous des liens avec d'autres agences fédérales susceptibles d'utiliser ces pouvoirs?
    Ces agences doivent présenter un rapport à leur ministre.
    Elles présentent leur propre rapport à leur ministre?
    Oui.
    Est-ce que d'autres agences ont déjà communiqué avec la GRC au sujet de l'utilisation de cette désignation ou de la formation des fonctionnaires pour ce qui est de leur utilisation?
    Au moment où le processus de désignation a été mis en oeuvre, nous avons fourni à d'autres agences le modèle que nous prévoyions utiliser pour ce qui est de la collecte des données, pour pouvoir, le jour venu, répondre à vos questions au sujet de ce que nous avons fait toutes ces années. Nous leur avons donc transmis ce modèle, ou plutôt, ces modèles.
    Auriez-vous des conseils à nous donner pour retrouver ces différentes agences? Je ne pense pas que nous connaissions exactement le nombre des agences susceptibles d'utiliser ces dispositions particulières — Parcs Canada, Pêches Canada, Immigration, l'Agence des services frontaliers du Canada, qui sait?
    Pour ce qui est de l'application de la loi, je pense que la meilleure source serait l'Association canadienne des chefs de police. Pour le reste, nous pourrions peut-être vous aider avec les agences fédérales qui utilisent le modèle et nous pourrions nous engager à vous transmettre cette liste — à moins que vous l'ayez déjà, Barry.
    D'après ce que je sais, le ministère des Pêches et des Océans l'a utilisé et Environnement Canada examine actuellement la possibilité de le faire également, mais personnellement, je n'ai vu aucun de leurs rapports annuels. Je ne sais pas très bien où en sont les rapports.
    Très bien.
    Je note que les données pour l'année 2004 n'ont pas encore été transmises au Parlement ni à la population. Nous sommes pratiquement au milieu de l'année 2006. Est-il normal que cette opération prenne autant de temps puisqu'il s'agit, en fait, d'additionner une demi-douzaine de désignations? Qu'est-ce qui, d'après vous, retarde la publication des données pour 2004?
(1630)
    Je crois que les chiffres sont pratiquement prêts. Il est évident que le changement de gouvernement, les changements qu'a connus le ministère ont eu un effet sur la préparation et la publication de ce rapport, mais il sera prêt très bientôt.
    Le gouvernement conservateur essaie donc de faire traîner les choses.
    Je sais qu'il n'est pas facile d'être un nouveau gouvernement. Je fais des blagues à ce sujet, je plaisante.
    Pour ce qui est de ces dispositions qui ont pour effet d'exonérer les agents de la paix, avez-vous déjà connu les mandats de main-forte au cours de votre carrière?
    Oui. Lorsque je suis entré à la GRC en 1977, j'ai été affecté, au début, à l'escouade des drogues de Toronto. À l'époque, il y avait certains membres de la GRC qui avaient accès aux mandats de main-forte. Je n'en ai jamais possédé un, mais j'ai participé à des perquisitions au cours desquelles nous avons utilisé des mandats de main-forte.
    L'objectif de ces mandats — et les désignations dont il s'agit ici sont très semblables sur le plan des principes — ou leur objectif avoué était d'autoriser les policiers qui détenaient ces mandats à ne pas respecter la lettre de la loi dans l'exécution de leurs fonctions.
    Si vous avez une certaine expérience de ces mandats et que vous examinez le système actuel, préférez-vous le système actuel ou l'ancien système?
    Je trouve que ces deux systèmes sont très différents l'un de l'autre. Il est clair que le régime de justification en matière d'application de la loi ne permettrait pas d'effectuer une perquisition pour une fin judiciaire dans le but de découvrir des preuves et de justifier, par la suite, la perquisition parce qu'elle est juste et proportionnelle. Pour les mandats de perquisition, nous sommes toujours obligés de présenter des renseignements à un juge pour en obtenir un et nous suivons ensuite le processus; ces dispositions ne sont donc jamais utilisées pour effectuer des perquisitions dans des logements, des maisons ou d'autres endroits. Elles sont utilisées au cours d'une enquête pour commettre des actes ou des omissions qui constitueraient autrement une infraction.
    Je considère que ces deux outils sont très différents.
    Il n'est donc pas utile de les comparer. De toute façon, vous semblez assez satisfait de la façon dont s'applique le système actuel à la GRC et vous n'avez pas de recommandations particulières à faire sur le plan législatif?
    Pour le moment non; nous sommes très satisfaits de ces dispositions.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, M. Lee
    Madame Freeman.

[Français]

    J'ai une ou deux petites questions à vous poser.
    Vous donnez de la formation pendant deux jours seulement. Le premier jour porte sur la loi et le deuxième, sur des scénarios probables. Tout à l'heure, on vous a demandé dans quel contexte vous aviez utilisé cet article dans vos exercices.
    J'aimerais savoir quels sont vos scénarios probables, car vous n'avez que deux jours de formation, ce qui est très peu dans le contexte de tout ce qui est permis par ces articles. Pourriez-vous nous en dire davantage, surtout au sujet de la deuxième journée de formation, s'il vous plaît?
    Je vous remercie pour votre question.

[Traduction]

    Ces dispositions ne sont pas très complexes. Elles ne comportent qu'un tout petit nombre de paragraphes. Comme je l'ai dit, tout cela est assez simple. Le premier jour, nous visons simplement à familiariser les policiers avec ces dispositions et nous les examinons ensemble l'une après l'autre, pour être certain qu'ils les comprennent bien. Cela prend toute une journée.
    Le second jour, nous leur demandons d'appliquer ce qu'ils ont appris le premier jour à différentes situations. Par exemple, si je vous disais que vous êtes maintenant un agent de police désigné et qu'on vous demande d'acheter de l'argent contrefait, pouvez-vous le faire? La réponse est oui, je suis désigné, je peux le faire. Mais si la question était légèrement modifiée et que je vous disais que vous êtes un agent civil chargé d'acheter de l'argent contrefait, pouvez-vous le faire et de quel pouvoir avez-vous besoin pour le faire? La réponse serait : Oui, cela peut être fait, mais j'ai besoin de l'autorisation d'un fonctionnaire supérieur, parce que je suis en train de donner un ordre à un agent civil. Quoi d'autre? Eh bien, dès que vous avez donné l'ordre à un agent et que l'acte ou l'omission est commis, il faut présenter au fonctionnaire supérieur un rapport écrit. C'est ce qu'exige la loi.
    Il s'agit donc d'appliquer des dispositions qui ne sont pas très complexes dans des situations bien connues, si je peux m'exprimer ainsi.
(1635)

[Français]

    J'aurais aimé avoir davantage d'exemples concernant vos cas pratiques. Il y a eu les cas pour lesquels cela a déjà été appliqué, mais pour les cas pratiques, vous avez sûrement élargi le champ à des choses auxquelles on ne pense pas. C'était l'objet de ma question.

[Traduction]

    Nous touchons là un aspect un peu délicat, parce que nous essayons de ne pas attirer l'attention sur le genre d'enquête que nous effectuons. Mais comme vous pouvez le constater, la plupart de ces enquêtes sont des enquêtes de routine; ce ne sont pas du tout des enquêtes sensationnelles avec lesquelles on pourrait faire une émission de télévision.
    Permettez-moi d'étoffer votre question.
    Lorsque nous parlons du genre de cas dans lequel ces dispositions sont utilisées — et nous les utilisons principalement contre le crime organisé — le recours à l'article 25.1 représente en fait un élément très limité d'une enquête beaucoup plus vaste. Cela peut se traduire simplement par un achat unique, ou quelques achats effectués au cours d'une enquête. Il me paraît important de faire la différence entre les enquêtes sur le crime organisé et le recours à ces dispositions; celles-ci représentent bien souvent une partie minime d'une opération beaucoup plus vaste.

[Français]

    Je vous remercie.
    Je vois qu'il existe des dispositions permettant de révoquer les mandats des agents qui prennent leur retraite ou qui ne font plus partie d'un groupe d'infiltration. Vous pouvez révoquer les mandats de trois ans. En ce moment, combien y a-t-il d'agents qui sont mandatés pour trois ans?

[Traduction]

    C'est encore une question à laquelle je préférerais ne pas…

[Français]

    C'est une question très...

[Traduction]

    Je serais heureux de vous répondre à huis clos, mais je ne veux pas que le public sache combien nous avons d'agents capables…

[Français]

    D'accord. Je vais poser une troisième question en espérant qu'elle ne soit pas aussi délicate.
    J'aimerais aborder une chose que vous avez soulevée vous-même plus tôt. Vous avez parlé de la limite que vous avez évoquée dans votre présentation à l'égard de la notion de « caractère juste et proportionnel ». Vous avez mentionné à cet égard que vous aviez vous-même préféré ne pas le faire à l'égard des passeports, parce que vous trouviez que cela dépassait un peu la limite, quoique je crois que la loi vous permettait de le faire. Vous avez donc fait de l'autocensure en quelque sorte, n'est-ce pas?
    J'aimerais donc savoir s'il existe des précédents où le recours à ces pouvoirs a mal tourné. Cette fois-ci, vous vous êtes autocensuré, mais est-il arrivé que, dans l'application des dispositions de la loi, les choses aient mal tourné?
    En cour?
    Oui.
    Jusqu'à présent, cela n'est jamais arrivé.
    Il n'y a jamais eu aucune erreur?
    La seule erreur qui a...
    Je parle d'une erreur qui aurait eu des répercussions fâcheuses.
    Non, jamais.
    C'est donc un parcours parfait que vous avez fait jusqu'ici, si je comprends bien.
    La seule erreur depuis le 1er février 2002 a été faite par quelqu'un qui a donné une directive à un agent civil sans l'autorisation de l'agent supérieur. Le policier qui a donné cette directive s'est aperçu de son erreur et il a contacté notre bureau dès le lendemain, je crois.

[Traduction]

    Monsieur Ménard.

[Français]

    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Je crois que la question de ma collègue sur le nombre d'agents désignés est importante pour comprendre la portée de la loi, et je me demande si nous ne devrions pas, le temps de la réponse, siéger à huis clos. Quant à travailler sur ces questions, nous devrions au moins être mis au courant d'un ordre de grandeur. J'apprécierais donc avoir la réponse. Est-ce que cela doit être fait maintenant ou plus tard? Je vous laisse le soin d'en juger, mais il me semble important que nous le sachions.
    Pour ma part, je pense que c'est essentiel. Il existe des dispositions législatives qui donnent à la GRC le droit de poser des gestes qui dépassent largement ce qui est considéré comme normal, et nous demandons combien de personnes dans l'équipe ont le pouvoir de faire ce qui serait normalement considéré comme un abus.
(1640)

[Traduction]

    Nous allons entendre M. Lee sur ce point.
    La GRC et toutes les agences qui utilisent ces pouvoirs sont tenues de publier un rapport qui fasse état du nombre de personnes qui ont été désignées et de celui des incidents survenus. Il existe donc un chiffre officiel qui représente le nombre des désignations effectuées.
    Une voix:Mais non pas du nombre des gens…
    M. Derek Lee: Excusez-moi, monsieur le président. Je ne veux pas lancer un débat sur ce point. Je voulais simplement…
    Réal, un instant, s'il te plaît. Si je me trompe, on me le dira.
    Les désignations indiquent le nombre de personnes qui ont été désignées. S'il s'agit de savoir combien de personnes ont été désignées, alors la réponse se trouve dans le rapport. Si la question est de savoir combien de personnes ont été formées comme agents d'infiltration, c'est une autre histoire, mais cela ne fait pas partie de cet article de loi.
    Si vous voulez uniquement obtenir des chiffres, je crois sentir certaines réticences à aborder cette question. Je ne vois pas à quoi cela servirait de connaître l'ampleur d'une opération, le nombre d'agents ou d'agents désignés qu'il peut y avoir. À quoi cela servirait-il?

[Français]

    Je ne comprends pas. Nous sommes des parlementaires et nous regardons la portée de dispositions du Code criminel qui prévoient des régimes d'exception. Je ne veux pas savoir si M. Lee pense que c'est dans le rapport ou pas. J'ai lu les deux derniers rapports annuels, que la greffière nous a fait parvenir, et on n'y disait pas combien il y avait d'agents désignés. La question est de savoir s'il est acceptable ou pas de siéger à huis clos pour discuter de cette question.
     Quant à la portée des questions, c'est à nous d'en juger. Si, en tant que président, vous décidez que nous ne siégerons pas à huis clos, je vais me plier à votre décision. Quant à la pertinence de la question, je prétends que la question de ma collègue était tout à fait pertinente. Pour le reste, il nous appartient de savoir jusqu'où nous voulons aller pour obtenir l'information.
    Si la GRC ne veut pas répondre, nous pouvons le comprendre. Nous ne demandons pas le détail des scénarios d'enquête. Nous demandons combien il y a d'agents désignés au Canada.

[Traduction]

    Très bien, M. Ménard, vous avez dit ce que vous aviez à dire sur ce sujet.
    M. Warawa, sur le même sujet.
    J'invoque le règlement, monsieur le président. Je ne m'oppose pas à siéger à huis clos, mais je propose que nous le fassions après la fin de la séance. L'idée de siéger à huis clos a été soulevée au début de la séance par M. Thompson, et je suis sûr qu'il y aura certains sujets que nous pourrions aborder à huis clos. Je préférerais que nous siégions à huis clos à la fin de cette séance, de la séance publique. Il ne me paraît pas très pratique de passer constamment d'une séance publique à une séance à huis clos. C'est pourquoi je préfère que nous le fassions à la fin.
    Voilà une excellente remarque et nous pourrions certainement aborder quelques sujets au cours des dix dernières minutes de la séance, à partir de 17 h 20.
    J'aimerais demander au commissaire adjoint s'il aurait certaines réticences à nous communiquer cette information au cours d'une séance à huis clos?
    Non, absolument pas.
    Très bien, c'est ce que nous ferons.
    M. Warawa, vous avez cinq minutes.
    Merci.
    Ma première question, monsieur le président, concerne le rôle des agents civils. On nous a parlé de la désignation de membres de la GRC ou d'autres corps de police municipaux. Comment l'agent civil s'intègre-t-il dans ce système? A-t-on prévu une formation pour eux? Vous avez parlé d'une erreur au début. Je pense que c'était en 2002. Quel est le rôle des agents civils et quelle formation leur donne-t-on?
    Les agents civils ne reçoivent aucune formation. Ils peuvent uniquement utiliser ces dispositions sous les ordre d'un membre de la GRC désigné, dans notre cas, un fonctionnaire public désigné. C'est donc l'agent de la paix désigné qui donne des ordres à l'agent civil qui vérifie que le critère de la mesure juste et proportionnelle est rempli dans un cas donné.
    Ils savent donc que cette autorisation prend fin lorsque la situation prend fin? Ils reçoivent des ordres pendant une très brève période.
(1645)
    C'est exact, c'est bien cela. En fait, cela leur est clairement expliqué dans une lettre qui doit être signée par eux et par nous, dans laquelle ils reconnaissent avoir reçu des explications, savoir qu'il s'agit d'un acte qu'ils ont l'ordre de commettre dans un but très précis.
    À vrai dire, les règles entourant l'utilisation d'agents civils sont très très strictes, quelle que soit l'opération, et même si nous n'avons pas recours à l'article 25.1, dans la mesure où il leur est toujours clairement précisé que s'ils commettent une infraction, ils devront se débrouiller et ils seront arrêtés si nous découvrons qu'ils ont commis cette infraction, à moins que ce soit en exécutant nos ordres. Qu'il s'agisse donc d'un ordre donné aux termes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, ce qui est couvert par la LDS, ou d'autre chose, comme un acte commis aux termes de l'article 25.1… Nous leur disons très clairement qu'ils ne peuvent agir qu'en fonction de nos ordres.
    Ma deuxième question porte sur le vol d'identité. Vous avez parlé de passeports et de papiers d'identité — à savoir les permis de conduire et les cartes d'assurance sociale. Le vol d'identité est un phénomène inquiétant.
    Ma circonscription de Langley, en Colombie-Britannique, est très connue parce que c'est là que l'on commet le plus de vols de courrier par habitant au Canada. Cette question touche le crystal meth et le fait qu'il y a des gens qui en consomment et ne dorment pas pendant 72 heures. Leur travail consiste à voler du courrier et à le faire parvenir au crime organisé. Les membres du crime organisé trient ensuite ce courrier et utilisent les renseignements personnels qu'ils y trouvent pour s'emparer de l'identité de quelqu'un. C'est donc un problème.
    C'est peut-être un aspect qui pourrait être abordé à huis clos — je ne veux pas vous demander de détails précis — mais, de façon hypothétique, est-ce que nous luttons contre ce phénomène très important de vol d'identité à l'aide de l'article 25.1?
    Ce serait possible, là encore, en fonction de l'infraction en question et de la nécessité de recourir à l'article 25.1. La possession de documents contrefaits comme les passeports exige que l'on utilise l'article 25.1.
    Pour ce qui est du vol d'identité, nous pensons que la meilleure façon de lutter contre ce phénomène est d'éduquer le public — éducation, sensibilisation et prévention. Nous avons lancé plusieurs initiatives en ce sens. En fait, au cours des trois prochaines semaines, nous allons lancer une campagne de sensibilisation dans un foyer ici à Ottawa, qui aura pour but de sensibiliser les personnes âgées aux diverses façons dont on peut s'emparer de leur identité.
    Excusez-moi, je vais vous interrompre, parce que mon temps de parole est limité. J'aurais une question de suivi lorsque nous siégerons à huis clos.
    Ma dernière question concerne la page 15 de votre exposé, dans laquelle vous parlez des cas où il n'est pas possible d'obtenir une autorisation préalable. À la fin de ce paragraphe, à la page 16, vous dites que la GRC n'a pas encore utilisé cette disposition législative.
    Si la GRC n'a pas encore utilisé cette disposition, et que nous sommes en train de procéder à l'examen quinquennal de cette disposition, est-ce que cela ne veut pas dire que cette disposition n'est pas d'utilisation facile ou qu'il est peu probable qu'elle le soit? Devrions-nous examiner cet aspect? Pourquoi ne l'a-t-on pas utilisée?
    Je pense que le fait qu'elle n'ait pas été utilisée reflète l'importance que nous accordons à ces dispositions et le fait que les membres de la GRC font preuve d'honnêteté et d'intégrité dans l'emploi de ces dispositions et qu'ils le font de façon transparente et ouverte. Les cas dans lesquels il faudrait l'utiliser sont très clairement expliqués et nos membres savent parfaitement que s'ils décident d'y avoir recours, il faut vraiment que cela soit nécessaire. Nous n'essayons pas de les dissuader d'y avoir recours, mais nous leur disons que s'ils utilisent cette disposition, ils doivent pouvoir démontrer que cela était vraiment nécessaire.
    Merci, M. Warawa.
    M. St. Amand.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins qui nous ont présenté des exposés très convaincants cet après-midi.
    J'aimerais vous poser une question au sujet de l'historique de cette question. Corrigez-moi si je me trompe, mais si j'ai bien compris, avant 1999, on lançait des opérations d'infiltration lorsque c'était nécessaire, et cela ne nuisait pas particulièrement aux agents de la paix ou aux membres de la GRC. J'ai pratiqué le droit pendant près de 25 ans, dont une partie comme criminaliste, mais je ne me souviens pas que des policiers aient été fréquemment accusés d'infractions ou de crimes qu'ils auraient commis au cours d'une opération d'infiltration.
    Est-ce bien cela?
(1650)
    Vous avez raison.
    Cela n'arrivait pas.
    C'est exact.
    Je devrais m'en souvenir, mais je n'y parviens pas. Qu'est-ce qui a déclenché la décision de la Cour suprême du Canada en 1999? Quels étaient les faits particuliers de l'affaire Campbell qui ont incité la Cour à ne pas reconnaître cette immunité? Vous en souvenez-vous?
    Je m'en souviens. Je m'en souviens très clairement.
    L'affaire Campbell et Shirose est survenue à une époque où s'appliquait la Loi sur les stupéfiants et non pas la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Dans cette affaire, nous avions lancé une opération d'infiltration dans laquelle nous nous faisions passer pour un cartel de drogues, si vous voulez, une organisation criminelle. Les policiers se faisaient passer auprès de dirigeants d'une organisation criminelle pour des membres d'une autre organisation criminelle en mesure de leur fournir de grosses quantités de drogue. Lorsqu'ils ont appris que nous étions en mesure de leur fournir de la drogue, ils ont fait savoir qu'ils étaient intéressés à en acheter. Nous leur avons demandé de l'argent, nous leur avons proposé d'acheter les drogues, ils nous ont donné l'argent et nous les avons arrêtés.
    Le fait de proposer de vendre des stupéfiants est visé par la définition de « faire le trafic ». C'est ce qui a permis à la défense de soutenir que nous avions commis une infraction en proposant de vendre des drogues et elle a réussi à convaincre les tribunaux d'accepter cet argument.
    L'aspect paradoxal de cette affaire est, qu'au moment où elle s'est rendue devant les tribunaux, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances avait été adoptée et elle nous autorisait à faire le trafic de drogues. Les tribunaux étaient néanmoins obligés de juger l'affaire en fonction de l'état du droit à l'époque où l'infraction a été commise.
    Je présume donc que les accusés ont été acquittés parce que leurs droits avaient été violés ou qu'il y avait eu provocation de la part des policiers ou quelque chose du genre.
    Au départ, oui.
    Et ensuite?
    Je pense, qu'en fin de compte, la cour a ordonné la tenue d'un nouveau procès mais il n'a pas eu lieu.
    Très bien. C'était une décision délibérée qu'a prise la Couronne?
    C'est exact.
    M. Thompson a essayé de montrer que les opérations d'infiltration ont pratiquement cessé — c'est ma formulation et non pas la sienne — entre 1999 et 2002. Mais cette affirmation est quelque peu exagérée, n'est-ce pas?
    Oui, parce qu'il avait la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et que, par conséquent, les enquêtes sur les drogues, avec infiltration, se sont poursuivies.
    Les opérations d'infiltration se sont donc poursuivies comme cela se faisait avant 1999, est-ce bien cela?
    Non, ce n'est pas exact. Excusez-moi, avez-vous dit que les opérations d'infiltration dans le domaine des drogues se sont poursuivies?
    Non, les opérations d'infiltration.
    Alors, ce n'est pas exact, non.
    Les opérations d'infiltration dans le domaine des drogues se sont poursuivies à cause de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, mais les enquêtes dans le domaine de l'immigration, des douanes et de l'accise, dans le domaine de la fausse monnaie, ont cessé parce qu'il n'y avait aucun mécanisme qui nous permettait d'exercer ce genre d'activité, puisque cela constituait une infraction.
    Est-ce que vous êtes tous tout à fait satisfaits de la formulation actuelle de ces dispositions, ou voudriez-vous suggérer au comité de les modifier d'une manière ou d'une autre?
    Comme je l'ai mentionné plus tôt, je suis satisfait des dispositions en vigueur.
    Est-ce là une opinion unanime, si je peux me permettre de vous le demander?
    Oui.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, M. St. Amand, vous avez posé d'excellentes questions.
    M. Brown.
    Merci, monsieur le président.
    M. Souccar, ma question porte sur la divulgation, et notamment sur deux de ses aspects. Évidemment, l'arrêt Stinchcombe impose un fardeau assez lourd aux organismes d'application de la loi pour ce qui est de l'ampleur de la divulgation exigée. Comment pensez-vous que cela vous touche? Craignez-vous pour la sécurité des personnes qui participent à ces enquêtes dans le cas où leur nom serait publié? Est-il possible de faire une exception pour les protéger contre cette divulgation? Et une autre préoccupation grave qui concerne la question de la divulgation est celui des retards, puisque certains juges accordent un crédit de deux ou trois pour un pour la détention préalable au procès. Est-ce que cela ne risque pas d'allonger les délais et de retarder indûment le déroulement des poursuites judiciaires?
(1655)
    Pour ce qui est de l'identité de nos agents civils… Le problème ne concerne pas vraiment l'identité des agents civils. Il est bien établi que l'accusé doit pouvoir faire face à son accusateur pour pouvoir présenter une défense pleine et entière. C'est quelque chose à laquelle nous nous attendons, tout comme l'agent civil: il doit pouvoir se présenter au tribunal pour témoigner. C'est pourquoi nous avons un programme de protection des témoins.
    Ce qui nous inquiète davantage, c'est la divulgation des techniques que nous utilisons dans nos opérations d'infiltration; c'est un aspect qui nous inquiète davantage parce que les tribunaux n'acceptent pas toujours d'entendre ce genre d'information à huis clos ou d'interdire la publication des techniques utilisées.
    Pour ce qui est de la formulation des dispositions légales, pensez-vous qu'il serait possible de répondre à cette préoccupation? Serait-il possible de formuler une exception à ce sujet?
    Je pense que cela ne concerne aucunement ces dispositions.
    Pour ce qui est des retards, avez-vous des préoccupations à ce sujet?
    Pourriez-vous répéter votre question au sujet des retards?
    Cela constituerait une autre forme de divulgation. Il faut fournir davantage d'information. Est-ce que cela ne risque pas de causer des retards supplémentaires? Est-ce qu'il faut beaucoup de temps pour fournir ces renseignements et, si c'est bien le cas, est-ce que cela en prend davantage de temps que la divulgation qui est déjà exigée?
    Parlez-vous des retards causés par le recours à ces dispositions?
    Oui.
    Non, absolument pas. La divulgation des éléments concernant ces dispositions n'occasionne aucun retard supplémentaire. Nous utilisons tout simplement une autre technique. Comme Tom l'expliquait tout à l'heure, cela représente un pourcentage très faible d'une enquête. L'enquête pourrait, par exemple, durer trois ou quatre ans et nous pourrions utiliser la justification en matière d'application de la loi à deux reprises pendant l'enquête pour acheter de l'argent contrefait et un passeport, mais le reste de l'enquête consisterait à explorer le réseau criminel, son mode de fonctionnement, en utilisant la partie VI, les placements sur écoute, la surveillance, et ce genre de choses. La divulgation de l'utilisation de la justification en matière d'application de la loi représenterait une partie très minime d'une telle enquête.
    Il vous reste encore du temps, M. Brown.
    Je pense avoir abordé les aspects qui m'intéressaient.
    M. Bagnell.
    Je vous remercie tous pour vos témoignages. Il semble que tout cela fonctionne très bien. Il ne semble pas facile d'améliorer ces dispositions, mais je vais quand même essayer.
    Monsieur le commissaire adjoint, lorsque je vous ai interrogé tout à l'heure, vous avez déclaré qu'il n'y avait rien à changer mais, par la suite, vous avez déclaré que vous aviez espérer que ces exemptions ne figureraient pas dans la loi initiale, pour ne pas avoir à fixer une limite précise, dans le cas où surviendrait une situation, ce qui arrive fréquemment dans le crime organisé, où l'on vous demande de prouver que vous n'êtes pas un agent d'infiltration et que cela vous amènerait à commettre un acte faisant partie des trois catégories interdites. Pensez-vous toujours qu'il serait préférable que cela ne figure pas dans la loi?
    Nous vivons avec ces problèmes depuis près de quatre ans et demi et nous les avons réglés à notre satisfaction. C'est une inquiétude qu'avaient de nombreux organismes face à ces dispositions. La Criminal Law Association, les avocats de la défense et d'autres organismes craignaient beaucoup que des policiers soient autorisés à commettre des crimes comme le meurtre. En fait, je pense qu'ils avaient publié un pamphlet intitulé Getting away with murder (Meurtres impunis). C'est ce qu'il a fallu faire pour répondre aux préoccupations de ceux qui pensaient que nous allions effectivement commettre ce genre de crime sans avoir à rendre des comptes. Nous utilisons ces dispositions depuis des années, et nous sommes convaincus que nous pouvons continuer à les utiliser.
(1700)
    Il n'y a donc pas eu un seul cas depuis l'adoption de la loi, où la sécurité d'un agent de police ou d'un informateur autorisé a été mise en danger parce qu'il ne pouvait pas commettre une de ces trois choses?
    Pas à ma connaissance.
    Avez-vous reçu des plaintes au sujet de la loi? Je pourrais vous interroger au sujet de deux sources : premièrement, les groupes que vous venez de mentionner, les groupes de défense des libertés civiles, depuis l'entrée en vigueur de la loi, ou des plaintes concernant d'autres organisations — selon lesquelles ils ne devraient pas avoir ce pouvoir?
    J'ai lu plusieurs articles dans Lawyers Weekly, les rapports de droit pénal, dont les auteurs s'interrogeaient au sujet de ces dispositions, non pas en raison d'un acte ou d'une enquête particulière à laquelle la police aurait été mêlée, mais plutôt à cause de l'idée ou de la notion générale que les policiers sont au-dessus des lois. Comme je l'ai expliqué dans mon exposé, cela ne veut pas dire que les policiers sont au-dessus des lois. Il s'agit de crime organisé et de fournir à la police les moyens d'effectuer ces enquêtes à l'aide de mécanismes législatifs de portée soigneusement circonscrite et dans un cadre qui est en fait, plus strict que celui que prévoit la loi.
    Pour ce qui est de l'autre source de plaintes possibles, le niveau des utilisateurs, y a-t-il des agents subalternes qui se soient plaints de ces dispositions depuis leur adoption, parce qu'ils travaillent comme agent d'infiltration et seraient autorisés à commettre certains actes, et qui penseraient que ces dispositions pourraient être plus libérales ou pourraient les protéger davantage?
    Non. Nous avons décidé d'adopter des politiques internes encore plus strictes que les mécanismes prévus par ces dispositions, comme le commissaire adjoint Souccar l'a mentionné, et cela a eu un effet certain et a précisé toutes ces choses. Lorsque nous examinons les actes et les omissions qui ont été commis, ainsi que leur fréquence, et les contrôles très stricts qui ont été mis en place, s'il y avait de l'insatisfaction au niveau des agents, comme vous le mentionnez, je crois que cela viendrait du fait que nous examinons à l'interne, de façon très détaillée, tout ce que nous faisons. Mais il existe une raison très précise pour cet état de chose. Et je dirais que, d'après notre expérience de ces dispositions, cela a été une excellente chose.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, M. Bagnell.
    M. Ménard.

[Français]

    J'étais à la Chambre quand Allan Rock a déposé le projet de loi C-95. J'étais là lors de l'étude des projets de loi C-24 et C-36. Je suis un député de l'est de Montréal. À un certain moment, il y avait beaucoup d'action dans le monde du crime organisé. C'est dans mon comté qu'est survenu l'attentat à la voiture piégée qui a tué le jeune Daniel Desrochers, âgé de 13 ans.
    C'est cet événement qui m'a amené à m'intéresser à la lutte contre le crime organisé. À mon avis, le sens de l'action du comité est de déterminer si les dispositions qu'on a adoptées, qui instaurent des régimes d'exception... Vous disposez de plusieurs autres outils avant de recourir à ces dispositions.
    Lors de l'étude du projet de loi C-95, il y avait 33 bandes de motards organisées au Canada. Avez-vous de l'information à nous donner sur la façon dont ces dispositions ont été utiles pour démanteler les réseaux de criminels organisés? La situation s'est-elle améliorée considérablement? Si on considère la situation qui existait en 1995, pouvons-nous dire que le Canada a réussi aujourd'hui à juguler partiellement cette menace?
    Vous n'êtes peut-être pas le mieux placé pour me fournir cette information. D'autres personnes connaissent peut-être davantage la façon dont les réseaux opèrent mais, à mon avis, il y a un lien direct entre ces dispositions et la présence effective du crime organisé au Canada.
(1705)

[Traduction]

    Il est vrai que dans votre région de Montréal, où l'on trouve des gangs de motards criminels, les Nomades, les Hell's Angels, et les autres, il se fait un travail très efficace à Montréal — au Québec — pour lutter contre les gangs de motards.
    À ma connaissance, la loi à laquelle vous faites allusion, la Loi sur le crime organisé, n'a pas été utilisée autant qu'elle aurait pu l'être. Je ne sais pas très bien pourquoi, mais elle n'a pas été utilisée comme elle aurait pu l'être. Elle contient plusieurs dispositions qui peuvent être, d'après moi, fort utiles — les autorisations de mise sur écoute de longue durée et le reste. Elles ont été utilisées en Ontario, comme vous le savez, pour que les Hell's Angels soient reconnus comme organisation criminelle. Elles ont été utilisées en Colombie-Britannique, et je sais qu'elles ont également été largement utilisées au Québec. J'aime à croire qu'elles ont renforcé notre capacité de lutter contre le crime organisé.
    M. Thompson, lorsque vous aurez terminé de poser vos questions, nous siégerons à huis clos.
    J'aimerais simplement savoir comment vous lutteriez contre le crime si l'on supprimait les articles 25.1 à 25.4 du Code criminel.
    Merci d'avoir posé cette question, monsieur.
    Cela nous ramènerait à la situation que nous avons connue entre mai 1999 et 2002; c'est une période pendant laquelle nous avons dû trouver d'autres méthodes que les opérations d'infiltration pour lutter contre les organisations criminelles, étant donné que notre capacité d'obtenir des preuves contre ces organisations criminelles à l'aide des techniques d'infiltration était extrêmement limitée.
    Il faudrait nous en remettre aux techniques conventionnelles de surveillance et d'écoute électronique, et comme je l'ai mentionné plus tôt dans mon témoignage, même si ce sont des techniques intéressantes, elles ne sont pas toujours efficaces, dans la mesure où les membres des organisations criminelles n'utilisent pas beaucoup le téléphone. Cela devient très difficile parce qu'il faut deviner beaucoup de choses. Ces techniques sont très efficaces lorsqu'elles sont combinées à une opération d'infiltration, parce qu'il est alors possible de corroborer les faits en recoupant les renseignements obtenus grâce à ces diverses techniques. Mais seules, elles ne sont pas très efficaces.
    Je pense donc que cela aurait un effet très négatif sur notre travail.
    De sorte que si mon partenaire et moi participions à une opération d'infiltration et que nous prenions une décision parce que nous pensons que ce serait la meilleure façon de résoudre le problème et que ce n'était pas tout à fait couvert d'après le programme de formation… J'essayais simplement d'imaginer une situation.
    Est-ce que l'individu en question est protégé s'il va un peu plus loin qu'il ne le devrait et qu'il n'est donc plus couvert par ces dispositions? Qui décide de cela? Je ne sais pas si je m'explique bien clairement. Je pourrais presque entendre ces deux personnes dire : « Devrions-nous faire cela? Je ne pense pas que nous soyons autorisés à le faire, mais cela résoudrait pourtant le problème. »
    En supposant que ces dispositions soient en vigueur?
    Avec cette protection.
    Oui, je pense qu'il est assez facile de savoir ce que l'on peut et ne peut pas faire. Comme je l'ai déjà indiqué, nous prenons nos opérations d'infiltration très au sérieux, dans la mesure où il y a des plans opérationnels et un cadre très strict que doit respecter l'opération d'infiltration pour ce qui est des actes ou des omissions. Tout cela est approuvé à l'avance.
    Dans les rares cas où un agent d'infiltration se trouverait dans une situation où il devrait faire quelque chose d'illégal, il existe des dispositions qui s'appliquent en cas d'urgence, lorsque l'agent n'a pas obtenu l'autorisation requise d'un fonctionnaire supérieur. Il y a donc des dispositions qui s'appliquent à ce genre de situation. Eh bien sûr, il y a ces trois choses qu'il n'est jamais possible de faire, et elles sont définies très, très clairement.
    Les plans que vous faites sont comparables à ces dispositions. Ils doivent respecter la charte.
    Absolument. Nous tenons compte de la charte dans tout ce que nous faisons.
    Très bien.
    Si ces dispositions étaient confirmées parce qu'elles sont conformes à la charte, y a-t-il un aspect de ces dispositions qui risqueraient d'après vous d'être contestées en vertu de la charte?
    Je ne pense pas que leur constitutionnalité ait été contestée devant les tribunaux. Comme toute mesure législative, elle fait l'objet d'une évaluation constitutionnelle avant d'être adoptée, et c'est ce qui a été fait avec ces dispositions. Nous sommes prêts à les défendre devant les tribunaux.
(1710)
    Je me demandais, sachant que vous avez fait pendant des années d'excellentes choses — lutter contre le crime — ce qui arriverait si vous appreniez un jour que cela n'était plus possible; ce n'était pas conforme à la charte. Est-ce que ce jour pourrait revenir? Je dois vous dire franchement que cela m'inquiète.
    C'est une question difficile et je ne m'attends pas à ce que vous y répondiez. C'est plutôt un commentaire. Je ne vous oblige pas à y répondre.
    Merci.
    Merci, M. Thompson.
    Nous allons suspendre la séance pendant une minute.
    Je vais demander au public de bien vouloir quitter la salle.
    Je rappelle aux membres du comité que ce dont nous allons parler maintenant va demeurer entre nous. C'est un petit rappel de ce que veut dire « siéger à huis clos. »
    [La séance se poursuit à huis clos.]