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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 024 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 24 octobre 2006

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Je déclare ouverte cette séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
    Aujourd'hui, nous étudions le projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur les juges et d'autres lois liées aux tribunaux.
    Nous accueillons aujourd'hui le ministre de la Justice, l'honorable Vic Toews. Soyez le bienvenu, monsieur le ministre.
    Je crois que vous serez le seul à faire des remarques, n'est-ce pas?
    C'est exact, mais je suis accompagné de Mme Bellis qui pourra donner au comité des renseignements généraux. Le projet de loi est assez technique, et elle a la compétence vouluees connaissances nécessaires pour éclairer la lanterne des membres du comité, au besoin.
    Merci. Soyez la bienvenue, madame Bellis.
    Vous avez la parole, monsieur le ministre.
    Merci.
    Mesdames et messieurs les membres du comité, j'ai l'honneur de témoigner aujourd'hui alors que vous amorcez votre étude du projet de loi C-17. Ce projet de loi très important modifie la Loi sur les juges de façon à mettre en oeuvre la réponse du gouvernement au rapport de la Commission d'examen de la rémunération des juges de 2003.
    Comme les membres du comité le savent déjà, l'établissement de la rémunération des juges est régie par des principes constitutionnels visant à assurer la confiance du public dans l'indépendance et l'impartialité de la magistrature. À l'échelon fédéral, l'article 100 de la Constitution stipule que c'est le Parlement, et non l'exécutif seul, qui détermine la rémunération et les avantages des juges après un débat approfondi et un examen public.
    Outre les mesures de protection de l'article 100, la Cour suprême du Canada a établi une exigence constitutionnelle stipulant la mise sur pied d'une commission indépendante, objective et efficace qui formule des recommandations non exécutoires au gouvernement, lequel doit répondre publiquement dans un délai raisonnable.
    Les membres du comité savent aussi que tout gouvernement qui rejette ou modifie une recommandation de la commission doit justifier publiquement sa décision, laquelle doit être fondée sur la norme de la rationalité. Je reviendrai là-dessus dans un moment.
    La Commission d'examen de la rémunération des juges de 2003, communément appelée la commission quadriennale, a remis son rapport le 31 mai 2004. Le gouvernement précédent a répondu à ce rapport en novembre 2004 et a déposé le projet de loi C-51 en mai 2005. Toutefois, en dépit du fait que le gouvernement doit agir rapidement, le projet de loi C-51 n'a jamais été plus loin que sa présentation et la première lecture. Il a expiré au Feuilleton en novembre 2005.
    À notre arrivée au pouvoir en février 2006, nous avons fait une priorité de l'examen des recommandations de la commission à la lumière des principes constitutionnels et des critères prévus par la loi qui régissent le processus. Nous en avons fait une priorité précisément parce que nous tenons à respecter les importants principes constitutionnels qui régissent l'établissement de la rémunération des juges. Nous reconnaissons que l'intégrité de tout le processus dépend en partie de l'adoption dans les meilleurs délais de la loi de mise en oeuvre.
    Le gouvernement est fermement convaincu qu'il lui incombait de prendre le temps nécessaire pour examiner le rapport et les recommandations à la lumière du mandat et des priorités qu'il s'était donnés pendant la campagne électorale. Toutefois, nous avons mené notre examen le plus rapidement possible. Le gouvernement a remis sa réponse au rapport de la commission le 29 mai dernier et a déposé le projet de loi C-17 le 31 mai. Après la première lecture, le projet de loi a été renvoyé à votre comité le 20 juin.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je sais que vous comprenez l' importance et de mener à bien la dernière étape du cycle quadriennal de 2003, soit l'adoption du projet de loi. La crédibilité, voire la légitimité du processus constitutionnel l'exige, surtout que le prochain cycle quadriennal doit commencer dans moins d'un an. Je félicite et remercie donc le comité d'avoir accordé la priorité à ce projet de loi et d'avoir pris les mesures nécessaires pour qu'il franchisse cette étape dans les meilleurs délais.
    En ce qui concerne le projet de loi C-17, vous avez pu constater que le gouvernement a accepté presque toutes les recommandations de la commission, la principale exception étant le pourcentage de l'augmentation de salaire. Monsieur le président, je sais que les membres du comité ont lu la réponse du gouvernement qui explique en détail pour quel motif il a modifié les recommandations de la commission sur le salaire. Je me contenterai donc de résumer brièvement notre pensée sur cet enjeu crucial.
    Auparavant, toutefois, j'estime important de vous toucher quelques mots de la norme de rationalité à partir de laquelle toute modification des recommandations de la commission faite par le Parlement doit être évaluée. Il incombe de dissiper certaines idées fausses à cet égard, surtout celle qui veut que le respect accordé au processus d'établissement de la rémunération des juges et à l'indépendance de la magistrature en général ne puisse s'exprimer que par une mise en oeuvre intégrale des recommandations de la commission.
(1540)
    Pour garantir la confiance du public dans ce processus, il m'apparaît essentiel que nous comprenions bien les directives très pondérées qu'a données la Cour suprême du Canada dans l'affaire du renvoi sur les juges de l'île-du-Prince-Édouard et dans l'affaire Bodner. Dans ces deux décisions, la Cour a clairement reconnu que les décisions concernant l'affection des ressources publiques appartiennent aux assemblées législatives et aux gouvernements. Une lecture attentive de ces deux arrêts nous apprend que les gouvernements ont le droit de modifier et de rejeter les recommandations de la commission, à condition que cette décision rendue publique se justifie rationnellement et qu'elle traduise d'une manière générale le respect du mécanisme de la commission.
    Monsieur le président, je répète ce que nous avons dit dans notre réponse: le gouvernement est convaincu d'avoir rempli cette exigence. On ne doit pas évaluer l'efficacité de la commission en se fondant sur le nombre de ses recommandations qui sont mises en oeuvre sans changement, mais plutôt en examinant le processus dans son ensemble, la façon dont la commission recueille et analyse les informations et formule ses recommandations; son rapport et ses recommandations jouent un rôle de premier plan dans la détermination de la rémunération des juges.
    Le travail et l'analyse de la commission ont été d'une grande importance pour le gouvernement dans ses délibérations. Notre réponse reconnaît respectueusement les efforts de la commission et explique que la position du gouvernement relativement aux deux modifications que ce dernier a apportées aux propositions de la commission. Notre réponse souligne aussi qu'il incombera à votre comité de se pencher sur le rapport de la commission et, si c'est possible, d'entendre les commissaires même.
    Je vous félicite d'avoir décidé de faire cela aujourd'hui. C'est aux parlementaires et non au gouvernement qu'il revient de décider quelle proposition sera mise en oeuvre, que ce soit celle de la commission, du gouvernement ou une autre encore.
    Pour justifier la modification que nous proposons d'apporter aux recommandations sur le salaire, comme en témoigne le projet de loi C-17, nous avons longuement réfléchi aux critères établis par la Loi sur les juges, dont deux en particulier: l'état de l'économie au Canada, y compris le coût de la vie et la situation économique et financière du gouvernement fédéral, et le besoin de recruter les meilleurs candidats pour la magistrature.
    En ce qui concerne le premier de ces critères, nous avons conclu que la commission n'avait pas accordé suffisamment d'importance à la nécessité d'inscrire la rémunération des juges dans le contexte plus large des pressions économiques, des priorités financières et des exigences concurrentes du trésor public. Essentiellement, le gouvernement n'a pas accordé le même poids à ce facteur que la commission.
    Pour ce qui est de recruter les meilleurs candidats, nous ne sommes pas d'accord avec le poids que la commission a accordé à certains groupes de comparaison à partir desquels les salaires des juges doivent être évalués. Le gouvernement reconnaît qu'il a toujours été difficile pour les commissions précédentes ainsi que pour les parlementaires de trouver un groupe avec lequel comparer les juges, étant donné la nature bien particulière des fonctions judiciaires. Nous reconnaissons aussi que la commission a examiné attentivement et en détail tout une gamme d'information comparative, y compris les salaires des hauts fonctionnaires, des personnes nommées par le gouverneur en conseil et des avocats en pratique privée.
    Nous avons jugé que la commission avait accordé trop de poids aux revenus des avocats qui pratiquent à leur compte, surtout à ceux qui pratiquent dans les huit plus grands centres urbains du Canada. En outre, il n'a pas été tenu suffisamment compte de la valeur de la pension des juges.
    Comme l'explique notre réponse, le gouvernement estime que la recommandation salariale de la commission, soit une augmentation de 10,8 p. 100, est supérieure à ce qui est nécessaire pour nous permettre de recruter les meilleurs candidats pour la magistrature. Le gouvernement propose plutôt d'augmenter les salaires des juges puînés de 7,25 p. 100 à compter du 1er avril 2004, avec indexation chaque 1er avril les années suivantes, ce qui ferait passer le salaire de ces juges à 232 300 $; il y aurait des augmentations proportionnelles pour les juges en chef et les juges de la Cour suprême du Canada.
(1545)
    L'autre modification proposée se rapporte à la recommandation de la commission voulant que les juges puissent augmenter le remboursement des coûts associés à leur participation aux travaux de la commission. On recommande que le chiffre passe de 50 à 66 p. 100 pour les frais judiciaires et de 50 à 100 p. 100 pour les débours.
    Pour votre gouverne, notons que les débours relatifs à la commission ne comprennent pas que les frais de photocopie et de messagerie, mais aussi les coûts d'importants contrats pour les services de conseils en rémunération et autres questions connexes. À notre avis, le remboursement de tous les débours n'encouragerait pas, ou alors très peu, les juges à faire preuve de prudence dans leurs budgets. Voilà pourquoi le projet de loi C-17 ferait passer de 50 p. 100 à 66 p. 100 le remboursement tant des frais judiciaires que des débours.
    Monsieur le président, le projet de loi C-17 met en oeuvre un certain nombre d'autres modifications à la rémunération se rapportant à l'admissibilité à la retraite et à des postes de juge surnuméraire, ainsi que d'autres petites modifications aux indemnités.
    Le projet de loi C-17 comporte aussi une proposition qui s'était fait attendre, sur l'uniformité des règles pour les conjoints et conjointes de juges, dans les difficiles situations de rupture conjugale, qui facilite un partage équitable de la rente des juges. La rente des juges est actuellement la seule pension fédérale qui n'est pas assujettie à cette répartition, même si elle représente un bien familial très important. Les modifications proposées suivent le modèle de la Loi sur le partage des prestations de retraite, du fédéral. Comme dans la LPPR, ces dispositions respectent les principes de saine répartition des rentes de retraite, permettant aux couples de se séparer simplement, avec certitude et possibilité de transfert.
    Ces dispositions cadrent aussi avec les objectifs de la planification de la retraite et avec l'exigence constitutionnelle de sécurité financière connexe à l'indépendance de la magistrature. Cela peut sembler de prime abord très complexe, mais en fait, l'objectif de ce mécanisme est tout simple: il s'agit de régler enfin une question d'équité pour les familles qui vivent la rupture de la relation conjugale.
    Honorables collègues, je m'arrête ici et je vous remets le projet de loi C-17, en vue de vos délibérations et décision. Je vous invite, ainsi que tous les parlementaires, à vous acquitter soigneusement de cette importante responsabilité en tenant compte des principes constitutionnels et juridiques. Ce faisant, vous veillerez à ce que la magistrature du pays garde son indépendance, son impartialité, son engagement et l'excellence qui est digne de la confiance des Canadiens et de l'envie du monde entier.
    Merci beaucoup, monsieur le président, de votre attention.
    Je répondrai volontiers à vos questions et à celles des membres du comité.
(1550)
    Merci, monsieur le ministre.
    Monsieur Lee, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur le ministre de nous avoir présenté la position du gouvernement.
    Notre comité vit une situation unique. Dans vos remarques, vous avez presque invité le comité à envisager une troisième proposition, différente de l'originale présentée par la commission sur la rémunération et différente aussi de celle qui est proposée dans le projet de loi du gouvernement.
    Il est très étrange de voir la position de l'exécutif, celle de la commission indépendante qui correspond probablement à celle de la magistrature, puis d'avoir ici autour de la table des représentants du Parlement. Je ne pense pas que cela se soit produit auparavant, qu'il y ait eu ainsi à la même table les trois branches du gouvernement.
    Étiez-vous sincères en nous invitant à songer à un remaniement de la proposition que vous faites, qui correspondrait davantage aux points de vue des électeurs, ou était-ce une simple hypothèse?
    De la façon dont vous dites « remanier », on pourrait croire que ce travail serait bâclé, et le respect que j'ai pour le comité m'empêche de penser qu'il travaillerait ainsi.
    Tout ce que je veux dire, c'est que cette décision incombe véritablement aux parlementaires et non à l'exécutif. Le gouvernement a répondu aux recommandations de la commission et pourvu que le comité respecte les principes constitutionnels et juridiques, il peut s'écarter de la proposition.
    J'ajouterais toutefois que le gouvernement a très soigneusement examiné les propositions et que ces mesures correspondent tant à la réalité budgétaire du pays qu'au respect des principes constitutionnels et juridiques.
     Je me souviens que la création de cette commission indépendante a été motivée par un arrêt de la Cour suprême, dont vous avez parlé dans votre déclaration. D'après mon souvenir, c'était assez clair, si je ne m'abuse. D'après la Cour, une fois terminé le travail de la commission indépendante, seules de rares circonstances selon la définition qu'en donnerait le gouvernement, disait-on, et je présume qu'on parlait de l'exécutif, avec ou sans l'appui du gouvernement... On ne s'écarterait des propositions de la commission que dans des circonstances extraordinaires. Je ne suis pas convaincu que les circonstances actuelles soient extraordinaires.
    Je ne dis pas que je suis pour, ou contre, le remaniement de la proposition pour ce qui touche l'augmentation salariale, mais pourriez-vous nous dire comment le gouvernement justifie le pouvoir assez grand, ou le pouvoir raisonnable, de retravailler la proposition de la commission indépendante, avec ou sans la collaboration de la Chambre et du Parlement, d'une manière qui coïncide avec ce que j'ai appelé des « circonstances extraordinaires »? Ce n'est peut-être pas le meilleur adjectif ou le meilleur adverbe mais pouvez-vous m'expliquer cela?
    Volontiers.
    Monsieur le président, le député a tout à fait raison quand il dit que la décision de la Cour suprême dans l'Affaire des juges de l'île-du-Prince-Édouard était plus restrictive que le deuxième arrêt, rendu dans l'Affaire Bodner, dont j'ai aussi parlé. Comme nous sommes à la fois avocats et députés, on perd parfois de vue, en siégeant au Parlement, ce qui se passe dans les tribunaux. Je connaissais personnellement bien l'Affaire des juges de l'Île-du-Prince-Édouard, mais quand le ministère m'a renseigné sur l'Arrêt Bodner, j'ai vu que cela changeait tout.
    Il est faux, et dirais-je, trompeur, d'affirmer qu'une modification aux recommandations de la commission nuit au travail de la commission mise sur pied par suite d'une décision de la Cour suprême du Canada. Dans l'Arrêt Bodner, la Cour a clairement reconnu que les décisions sur les affectations de crédits publics incombaient aux assemblées législatives et au gouvernement.
     Les gouvernements ont le droit de rejeter ou de modifier des recommandations de la commission en respectant des principes sur lesquels j'insiste, parce qu'ils sont très importants et qu'ils élargissent la portée du renvoi sur les juges de l'Île-du-Prince-Édouard. D'abord, les gouvernements doivent donner des raisons légitimes à leur décision. Ensuite, ces raisons doivent s'appuyer sur des faits. Troisièmement, il faut prouver que dans l'ensemble, et compte tenu de l'opinion du gouvernement, le travail de la commission a été respecté et ses objectifs ont été atteints, soit le maintien de l'indépendance de la magistrature et la dépolitisation de l'établissement de la rémunération des juges.
    Voilà les trois principes qui s'ajoutent à ceux énoncés dans la décision sur le renvoi relatif aux juges de l'Île-du-Prince-Édouard. Il est tout à fait normal que la cour veuille peaufiner une décision aussi unique. C'est ce qu'elle a fait dans l'Arrêt Bodner, et cela, d'une façon admirable et exemplaire, comme on peut s'y attendre de la part de la Cour suprême du Canada.
(1555)
    Merci.
    Monsieur Ménard, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, mesdames, je vous souhaite un bon après-midi.
    Au Bloc québécois, on ressent un certain malaise face au projet de loi. En effet, au-delà de la réalité technique, il est très difficile pour les parlementaires de déterminer, sur le marché de la connaissance et de l'impartialité, si un juge vaut 10,8 p. 100, 7,25 p. 100 ou 9,4 p. 100. Par ailleurs, nous aurions souhaité voir respecter deux grands paramètres. Le premier est le principe constitutionnel que vous avez vous-même invoqué, à savoir une commission indépendante qui ferait une analyse à partir d'un certain nombre de critères.
    En outre, il y a un principe dont vous n'avez pas parlé. Celui-ci, qui a été partie intégrante de nos façons de faire de 1999 jusqu'à tout récemment, consistait à relier le salaire des juges à celui des députés. Au Bloc québécois, nous ressentons un vrai malaise à l'idée que le juge en chef de la Cour suprême, si le projet de loi était adopté, gagnerait 254 500 $, 258 000 $ ou 254 400 $. Nous sommes dans une société où prime le droit, mais aussi la légitimité démocratique. Il nous semble donc, en vertu de cette dernière, qu'on ne devrait jamais en venir à une situation où le juge en chef serait mieux payé que le premier ministre, et ce, nonobstant le mérite de l'individu qui occupe le poste et les fonctions de premier ministre. Ce sont les libéraux qui ont choisi de ne plus appliquer ce qui, dans les recommandations de la commission, établissait un lien avec le salaire des élus.
    Ne trouvez-vous pas dangereux le fait qu'on n'ait pas relié le salaire du premier ministre à celui du juge en chef de la Cour suprême? Êtes-vous d'accord pour dire que les deux devraient être reliés et déterminés par une commission indépendante?

[Traduction]

    Merci. C'est une bonne question, puisqu'elle porte sur le rôle des parlementaires par rapport à celui des tribunaux, ainsi que sur la responsabilité qui incombe au Parlement en vertu de l'article 100 de la Loi constitutionnelle de 1867, soit de trancher ce genre de choses.
    Le premier ministre peut très bien penser qu'il devrait avoir le même salaire que le juge en chef, mais ce n'est pas là le critère employé. Vous pouvez penser que le salaire du juge en chef et celui du premier ministre doivent être reliés. Ce n'est toutefois pas nécessairement le critère à appliquer. Votre avis est important, mais il faut revenir aux principes fondamentaux qui nous ont menés à cette conclusion.
    L'argument que vous soulevez vaut certes la peine d'être considéré, mais il n'est pas déterminant, pour cette question. Dans votre propre province, si j'ose dire, il est possible, comme ailleurs, que le premier ministre ait un salaire inférieur à celui du juge en chef de la cour provinciale. C'est certainement le cas au Manitoba. Il y a donc des disparités, et des fonctionnaires peuvent être mieux rémunérés que le premier ministre, dans bien des administrations.
(1600)

[Français]

    Monsieur le ministre, vous avez raison: ça ne fait pas partie des critères. Il reste que depuis 1999, les augmentations de salaire des députés étaient appariées à celles des juges de la Cour suprême. Le salaire des députés équivaut aux trois quarts de celui d'un juge. Le premier ministre devait pour sa part toucher le même salaire que le juge en chef de la Cour suprême.
    Malgré que ça ne fasse pas partie des critères, souhaitez-vous, comme ministre de la Justice et parlementaire, que nous prenions cette direction dans le cadre du projet de loi? Êtes-vous d'accord, au nom de la légitimité démocratique, pour qu'on apparie l'augmentation de salaire des élus à celle des membres de la magistrature, et pour que le premier ministre ne gagne pas moins que le juge en chef de la Cour suprême?

[Traduction]

    Les membres du comité se souviennent peut-être qu'en avril 2005, après des délibérations exhaustives et rigoureuses, le Parlement a dissocié les salaires des députés et des juges. Le Parlement a plutôt opté pour une nouvelle méthode d'indexation des salaires et indemnités des députés et des ministres. À l'époque, seul le Bloc s'était opposé à ces amendements, qui autrement, auraient reçu la faveur d'une grande partie des députés et des sénateurs.
    Même s'il ne l'a pas dit clairement, ce que propose essentiellement le député, c'est que le Bloc appuie une augmentation importante des salaires des députés, soit de 7,5 p. 100 ou 10,8 p. 100, simplement parce que les juges, eux, l'obtiendront. Si mon collègue est sérieux, il devrait en faire la proposition à la Chambre, afin qu'un débat ait lieu sur sa motion.

[Français]

    Pour ma part, j'ai besoin de très peu pour vivre. Je ne suis pas attaché aux biens de ce monde. Mais en tant que ministre de la Justice, croyez-vous qu'on va apparier ces salaires et faire en sorte que le premier ministre ne gagne pas moins que le juge en chef de la Cour suprême? Est-ce que vous croyez ou non à ce principe?

[Traduction]

    Voici comme je vous répondrai: je ne crois pas que le premier ministre ait une valeur inférieure à celle d'un juge de la Cour suprême du Canada, mais cela ne veut pas dire pour autant qu'ils doivent avoir la même rémunération. C'est tout ce que je peux dire là-dessus.
    Je souscris à ce que le Parlement a fait en avril 2005. Je suis prêt à accepter qu'on les dissocie. Je pense que les critères qui justifient ma rémunération, la vôtre et celle d'un juge ne sont pas les mêmes.
    Merci, monsieur Ménard.
    Monsieur Comartin, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur le ministre, d'être venu aujourd'hui.
    Dans la même veine, monsieur le ministre, la question n'est pas de savoir quelle est votre opinion, mais plutôt de savoir si la commission aurait dû les dissocier. Ne diriez-vous pas qu'il n'incombait pas à la commission de relier les salaires des députés et des juges, que ce facteur ne devait pas être pris en compte?
    Je ne sais pas. Tout ce que je peux dire, c'est que la commission peux se pencher sur de vastes critères. Je ne pense pas que la considération de cette question nuise à ses conclusions. De même, je pense que l'on peut écarter cette idée, si on veut.
    Bien.
    M. Lee a dit que des changements pourraient être apportés par notre comité; vous engagez-vous à ne pas les contrer lorsqu'ils seront renvoyés à la Chambre?
    Non, je ne m'y engage certainement pas, puisque cette décision incombe à tous les parlementaires, et non simplement aux membres de votre comité.
    Je respecte ce comité. Ses membres sont des gens avisés qui feront des propositions au sujet du projet de loi et qui formuleront des recommandations. Mais ce sont les parlementaires qui décideront en fin de compte, et non l'exécutif ou le gouvernement.
    Mais pour ce dont sera saisie la Chambre, vous vous réservez le droit de choisir ce que vous voudrez, plutôt que ce que voudra le comité.
    Si le comité trouve quelque chose de mieux que ce que propose le gouvernement, je l'examinerais volontiers, à la condition que cela réponde aux normes constitutionnelles et législatives.
(1605)
    Bien.
    Parlons des arrêts Bodner et de l'Île-du-Prince-Édouard. Si nous suivons votre logique, monsieur le ministre, quand vous dites que les changements que vous avez apportés au rapport de la commission sont légitimes, c'est-à-dire fondés sur des faits, sur des raisons légitimes, ne peut-on pas inévitablement en déduire que les recommandations de la commission étaient déraisonnables et qu'elles n'étaient pas fondées sur des faits raisonnables?
    Voici comment j'exprimerais cela: la commission a donné du poids à certains facteurs et aurait dû faire une autre pondération.
    J'ai parlé de ces facteurs dans mes propos liminaires. J'ai parlé des salaires urbains et des salaires des avocats en pratique privée. Je ne dis pas que c'est déraisonnable, et je le répète. Je dis simplement que j'aurais donné une toute autre pondération à certains facteurs.
    Au bout du compte, la décision ne revient pas aux commissaires. C'est à nous, parlementaires, qu'il incombe de déterminer quel poids sera accordé à chaque facteur, à la condition de respecter les principes constitutionnels et législatifs.
    Aujourd'hui, comme dans vos déclarations à la Chambre, vous avez dit au sujet du projet de loi qu'il s'agissait de prendre des décisions relatives à la façon dont sont dépensés les deniers publics. Dans les arrêts Bodner et de l'Île-du-Prince-Édouard, mais aussi dans d'autres jugements des tribunaux, les critères à appliquer en cas de difficulté budgétaire du gouvernement ont été clairement fixés.
    Vous ne laissez pas entendre, n'est-ce pas, que le gouvernement fédéral aurait eu du mal à verser la rémunération recommandée par la commission, n'est-ce pas?
    Si l'on tient compte de notre dette de 500 milliards de dollars, je dois vous répondre que oui.
    Nous avons cette année un excédent de 13,5 milliards de dollars.
    C'est une autre façon de voir les choses.
    Pensez-vous que ces critères seront acceptés par les tribunaux?
    Je pense que les tribunaux nous ont donné une bonne marge de manoeuvre, dans le contexte des principes relatifs à la Constitution et à la loi. Je crois que notre proposition est axée sur une raison légitime. Nous avons travaillé en fonction d'un fondement factuel raisonnable, nous nous sommes efforcés de respecter l'indépendance de la magistrature et éviter une politisation du processus.
    Là-dessus, nous ne sommes certainement pas d'accord, monsieur le ministre.
    En effet, à la lecture des décisions prises dans l'affaire de l'Île-du-Prince-Édouard et dans l'affaire Bodner, et dans d'autres causes semblables, en fait, je ne peux pas voir comment la démarche de votre gouvernement peut être vue comme autre chose qu'une ingérence politique.
    Soyons francs: vous faites des chinoiseries, pour faire passer l'augmentation de 10 p. 100 à 7,5 p. 100.
    Je ne minimise pas l'importance des sommes en jeu, mais ce que je vois dans votre décision, c'est un effort gouvernemental pour contourner les critères très stricts imposés par les tribunaux. C'est ce que vous demandez au Parlement: passer outre au rapport d'une commission indépendante. Cela va à l'encontre du principe même de l'indépendance de la magistrature.
    Tous ces critères et ces explications que vous présentez ne sont à mes yeux que des chinoiseries. La conclusion inévitable à tirer, c'est qu'il s'agit là d'un jeu politique. En effet, dans votre programme politique, les juges sont des enfants gâtés à qui il ne faut rien donner de plus, tout simplement.
(1610)
    Je n'ai certainement jamais dit que les juges étaient des enfants gâtés, pas plus que je ne l'aurais dit au sujet des députés ou des ministres. Nous avons une responsabilité. J'ai essayé de m'acquitter de cette responsabilité et je ne pense pas qu'il y ait eu de chinoiseries.
    Vous avez pratiqué dans le domaine du droit du travail, et la différence avec le droit pénal ...
    Monsieur le ministre, j'en ai fait un peu en effet, mais c'était surtout des poursuites civiles.
    J'étais constamment devant les tribunaux et je respecte le rôle de nos juges, et je comprends qu'il faut bien les rémunérer.
    Vous avez sans doute conclu des règlements pour vos clients, dans des poursuites civiles, et vous savez que 10,8 p. 100 et 7,2 p. 100, je peux me tromper sur les chiffres, ce n'est pas rien.
    Notre client, c'est l'ensemble des Canadiens. Nous avons envers eux une responsabilité en vertu de l'article 100 de la Loi constitutionnelle. Je pense m'être acquitté de cette responsabilité.
    Je l'ai déjà dit, toutefois, vous pouvez proposer les amendements que vous jugez appropriés, en respectant les principes de la Constitution et de la loi. Le comité en discutera, il y aura aussi un débat à la Chambre, s'il n'y a pas unanimité.
    Merci, monsieur Comartin.
    C'est au tour de M. Moore.
    Ma question s'adresse à la présidence, en espérant que nous obtiendrons une réponse, plus tard, au besoin. Elle se rapporte aux modifications proposées par le gouvernement.
    J'aimerais qu'on dise au comité si elles ont été approuvées par le représentant des juges ou des conseils de la magistrature. Cette information peut nous être transmise plus tard.
    Une précision, s'il vous plaît: demandez-vous si la réponse du ministre a été approuvée?
    Les modifications que vous proposez.
     Deux modifications de forme qui ont été approuvées par la magistrature.
    Il s'agit de modifications à la rédaction du projet de loi, et nous vous obtiendrons ce renseignement, monsieur Comartin.
    Merci, monsieur le ministre.
    Monsieur Moore, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur le ministre, de comparaître ici aujourd'hui pour nous parler de ce projet de loi.
    J'aimerais revenir sur ce qu'a dit mon collègue, M. Comartin, au sujet des chinoiseries. Ce n'est pas du tout de cela qu'il s'agit, et on le comprend en écoutant la logique qui a justifié cela, et l'étude qui a été entreprise.
    Connaissez-vous le revenu familial médian au Canada et y avez-vous songé en préparant votre réponse? Peut-on mettre dans leur contexte les chiffres dont on parle?
    De quelle augmentation annuelle parlons-nous, dans cette proposition? Ce 7,25 p. 100 correspond à quel augmentation annuelle?
    Il vous serait peut-être utile de savoir que la commission a donné une attention considérable à l'analyse de la rémunération des avocats en pratique privée dans les huit plus grandes villes du pays, même si 48 p. 100 des juges ne viennent pas de ces grands centres. Le Tableau 17 du rapport de la commission est intéressant, puisqu'on y voit les revenus par province, plutôt que par grand centre. Cela nous un meilleur portrait du 75e percentile des revenus des localités de toutes les provinces, en milieu urbain et rural.
    Le salaire proposé par la commission, soit 240 000 $, dépasse et dans certains cas de beaucoup, le 75e percentile pour les revenus des travailleurs autonomes de chaque province, à l'exception de l'Alberta et de l'Ontario.
    Quand on ajoute la valeur de la rente qui équivaut à 22,5 p. 100 de la rémunération à la somme de 240 000 $, on obtient une valeur réelle de 294 000 $, qui dépasse largement le 75e percentile pour l'ensemble du Canada et pour toutes les provinces à l'exception de l'Alberta, où ce chiffre est à 297 700 $, et de l'Ontario, à 311 700 $. Pour les avocats en pratique privée, soit ce qui nous intéresse ici, on voit que c'est une somme importante. C'est un montant qui tient compte, à tout le moins, des revenus des avocats en pratique privée.
(1615)
    Voilà qui m'amène à mon autre question sur la valeur de la rente. Je pense que la plupart des avocats en pratique privée, en droit commercial ou pénal ou autre ont probablement fait des placements en prévision de leur retraite. Ils doivent contribuer à un REER ou à un autre programme d'épargne en prévision de leur retraite. Nous savons que les juges recevront une rente au moment de leur retraite. Quelle valeur y a-t-on attribué, en fonction de l'augmentation proposée? Je pense qu'on ne saurait minimiser l'importance d'une rente qui sera accordée un jour à quelqu'un.
    Je le répète, la valeur de la rente des juges correspond à 22,5 p. 100 du salaire, ce qui correspond à une valeur réelle de 294 000 $ par année. Le gouvernement estime que la recommandation salariale faite par la commission accordait une trop grande importance au troisième critère prévu par la loi, soit un autre critère dont je n'ai pas parlé, la possibilité d'attirer des candidats exceptionnels.
    Nous ne semblons pas manquer de candidats exceptionnels pour la magistrature. La proposition de la commission va trop loin en fixant l'augmentation salariale nécessaire pour attirer des candidats exceptionnels. Le gouvernement en est venu à la conclusion qu'une proposition salariale de 232 000 $, correspondant à une augmentation de 7,5 p. 100 à compter du 1er avril 2004 était plus raisonnable. 
    Voilà qui m'amène à ma question suivante, monsieur le ministre. C'est bien le moins qu'on puisse dire, monsieur le ministre. En effet, en fonction du salaire actuel des juges, l'augmentation raisonnable de 7,5 p. 100 qui est proposée donne à penser que la proposition d'une augmentation supérieure à 10 p. 100, faite par la commission, va beaucoup trop loin par rapport à ce qui est nécessaire pour attirer de bons candidats.
    Est-ce que quelque chose peut nous laisser croire que les avocats ne se bousculent pas au portillon pour être nommés à la magistrature? Ce n'est certainement pas ce que j'ai entendu. Qu'ils vivent dans des villes où dans des régions rurales, et dans quelque province que ce soit, ce n'est pas ce que j'ai entendu au sujet des candidats possibles. Avez-vous des commentaires à ce sujet?
    Je peux vous donner des chiffres qui datent de mai dernier. À ce moment-là, l'Ontario avait huit vacances à combler. Des candidats à ces postes, 36 étaient fortement recommandés, 114 recommandés et 25 juges des cours provinciales étaient admissibles, ce qui signifie qu'ils ont présentés leur nom et ont été déclarés admissibles par la commission, même si la procédure n'est pas semblable à celle réservée aux avocats.
    C'est une procédure différente, que M. Cutler pourrait certainement expliquer, puisqu'il la connaît bien.
    Malgré tout ce qu'en pense M. Lemay, les candidats ne manquent pas. Et je vous ai cité les chiffres pour l'Ontario, où le salaire est de 311 000 $, par rapport aux 294 000 $ de notre proposition.
(1620)
    Merci, monsieur Moore.
    Monsieur Bagnell, c'est à vous.
    J'ai une brève question de nature technique. J'espère que ce sera court.
    Je présume que les fonctionnaires ont examiné ce projet de loi pendant le débat en deuxième lecture et qu'ils ont effectué ou accepté ce changement. La loi a une expression différente pour les juges des territoires. Il s'agit de « juge principal » alors que c'est « juge en chef » pour les provinces sans raison apparente puisqu'ils ont maintenant les mêmes salaires et avantages. Tout le monde semble d'accord. Pendant le débat en deuxième lecture, aucune objection n'a été soulevée par qui que ce soit. Les gouvernements des trois territoires sont d'accord. Le conseil canadien de la magistrature aussi. La rémunération et le travail sont les mêmes. Tout ce que nous voulons, c'est changer le libellé de la loi, afin qu'il porte tous le même titre. Y a-t-il un empêchement.
    Comme vous le savez sans doute la décision de conférer le titre de juge en chef est la prérogative du premier ministre. Je ne pense pas qu'il conviendrait de la faire au moyen d'une loi. En fait on m'en a déjà parlé.
    Je sais qu'il faut tenir de considérations dans le contexte plus vaste de la structure et du fonctionnement des territoires. Je n'exclus rien à cet égard mais il ne conviendrait pas de le faire par voie législative, étant donné que c'est la prérogative du premier ministre et que cela pourrait donner lieu à des problèmes constitutionnels.
    Cela dit, vos arguments sont valables en ce qui concerne les salaires et les autres avantages sociaux que reçoivent les juges doyens dans les territoires.
    Vous engageriez-vous à examiner cela, étant donné que tous les gouvernements territoriaux et le Conseil canadien de la magistrature l'ont déjà fait, et sont d'accord? Vous engageriez-vous à examiner cela et à en parler au premier ministre, le moment étant bien choisi puisqu'il y a un projet de loi à l'étude?
    Je porterai à son attention les préoccupations des ministres, notamment celle du ministre Brendan Bell des Territoires du Nord-Ouest, qui a spécifiquement porté cette question à mon attention tout récemment. Je peux vous assurer que je m'intéresse activement à la question. C'est tout ce que je peux dire pour le moment.
    Croyez-vous à la séparation du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire du gouvernement?
    La séparation du pouvoir exécutif et du gouvernement?
    La séparation du pouvoir exécutif du gouvernement et du pouvoir judiciaire du gouvernement dans le système canadien.
    Absolument.
    Comment peuvent-ils être séparés et indépendants si vous payez les juges? vous déterminez leur échelle salariale.
    Parce que l'article 100 de la Constitution l'exige, de sorte que chaque division est modifiée par un principe constitutionnel, ou peut l'être. Il s'agit là d'un de ces principes constitutionnels.
    C'est comme si on disait qu'un employé prendra des ordres de tous les Canadiens sans accorder la préférence à la personne qui le paie. Comment peuvent-ils être indépendants si vous fixez leurs salaires?
    Tout ce que je peux dire, c'est que la Cour suprême du Canada a établi le processus. Elle l'a précisé dans l'arrêt Bodner, et les fonctionnaires du gouvernement qui ont préparé la réponse du gouvernement en ont tenu compte.
    De toute évidence, dans notre système, il ne serait pas possible que les juges se paient eux-mêmes, car ce serait là un affront à la démocratie constitutionnelle et à l'exigence selon laquelle le Parlement contrôle les cordons de la bourse au pays.
    C'est pourquoi il a été recommandé qu'un système indépendant soit mis sur pied. Comme M. Lee le dit, vous n'avez pas vraiment répondu de façon adéquate. Ce ne serait que dans des cas d'urgence ou dans des conditions draconiennes que nous, en tant que parlementaires, ou que le pouvoir exécutif du gouvernement, pourrait changer ce que cette commission indépendante a proposé comme salaires.
    Si elle n'a pas suffisamment d'indépendance et que c'est une mauvaise chose, nous devrions changer cela. Pourquoi devrions-nous cependant nous ingérer et perdre la confiance du public s'il y a une séparation entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire?
    Je suis désolé, monsieur Bagnell mais j'ai de la difficulté à vous suivre, car ce n'est pas le pouvoir judiciaire qui fait cette recommandation. Ce n'est pas quelque chose qui relève de la compétence du pouvoir judiciaire, cela relève plutôt de la compétence de cette commission. Ultimement, comme l'a reconnu la Cour suprême du Canada, ce sont les parlementaires qui doivent prendre cette décision. Il serait inapproprié pour nous d'abdiquer simplement notre responsabilité constitutionnelle aux termes de l'article 100 de la Loi constitutionnelle de 1867. Je ne comprends pas tout à fait pourquoi vous pensez que les parlementaires devraient abdiquer leur responsabilité.
(1625)
    C'est sans doute le problème.
    J'ai une autre question. Lorsque vous avez fait ces calculs en ce qui a trait aux salaires des magistrats, en réponse à M. Moore, vous avez ajouté leurs pensions et vous les avez ensuite comparés à tous les autres. Je suppose que vous avez ajouté les pensions aux salaires de tous les autres avec lesquels vous les avez comparés, car les autres personnes reçoivent également une pension.
    Oui, mais de façon générale, si j'ai bien compris ce qu'ont dit mes hauts fonctionnaires — et je pense que la plupart des avocats qui ont une pratique privée et qui sont ici dans cette salle pourront le dire — ils paient leurs propres pensions à partir de leurs salaires, et ne touchent pas une rente.
    C'est tout, monsieur Bagnell. Vous avez en fait posé la dernière question.
    J'aimerais remercier le ministre d'être venu.
    Nous sommes bien sûr pressés. Nous devons encore entendre la Commission d'examen de la rémunération des juges et le Bureau du Commissaire à la magistrature fédérale.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Je sais que mon collègue M. Cotler voulait poser quelques questions, et je remarque que la première heure n'est pas encore complètement écoulée. Si M. Cotler n'avait pas signalé son intention de poser une question, j'aimerais certainement le faire maintenant.
    Nous n'avons eu que 45 minutes, monsieur le président.
    Je comprends la préoccupation. En fait, il s'agit plutôt de 50 minutes. Cependant, nous avons d'autres témoins à entendre, et j'aimerais signaler au comité que l'ordre du jour prévoit que nous examinerons les travaux du comité à la fin de la séance.

[Français]

    Je veux invoquer le Règlement, monsieur le président.
    Il est important qu'on s'entende. Nous avions convenu de recevoir le ministre, et je ne comprends pas qu'on mette fin maintenant à sa comparution. Le Bloc québécois a droit à deux questions. On a droit à des questions du gouvernement. Je ne comprends pas la façon dont on fonctionne.

[Traduction]

    Malheureusement, les membres du comité des deux côtés de la table n'ont pas eu l'occasion de poser des questions. Je sais que c'est court, mais ce sera plus court pour tous les témoins qui comparaissent.

[Français]

    Quel est le critère? Pour quelle raison mettez-vous fin maintenant à la comparution du ministre? Je ne comprends pas.

[Traduction]

    Le ministre est parti, alors je dirais que la question ne se pose plus.
    Je vais demander aux commissaires de venir prendre place maintenant.
    Monsieur le président, un instant.
    Je considère qu'il s'agit la d'une question très grave. Je ne voudrais pas prendre trop de temps pour parler davantage de cette question, mais pour une raison ou une autre, vous avez choisi de mettre fin à la comparution du ministre avant le temps prévu, et il est immédiatement sorti à ce moment-là. Il a laissé son collègue assis à la table et il n'a pas répondu aux questions de mon collègue, et vous n'avez pas donné la parole à ce dernier.
    Cela n'est pas satisfaisant. C'est beaucoup moins que ce à quoi je m'attendais. Je voulais tout simplement le dire, et je m'arrêterai là.
    Je vous remercie de vos commentaires, monsieur Lee. Je pense que vous aviez dit ce que vous aviez à dire.
    J'ai dit ce que j'avais à dire. Je voudrais cependant faire un autre rappel au Règlement.
    Je crois que le comité était tout à fait conscient que le temps du ministre était limité. En fait, le temps du comité est limité.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. C'est un peu ridicule. Nous suivons un certain ordre. Je dois dire que les Libéraux sont les seuls qui ont pu poser deux questions au ministre. Vous devez déterminer qui posera quelles questions. M. Cotler n'aurait pas été le suivant de toute façon selon l'ordre prévu. Notre tradition est de faire un tour de table. Nous étions convenus que ce serait une heure.
    Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]
    M. Rob Moore: Ce n'est pas 45 minutes. Il est maintenant 16 h 30.
    Membres du comité...

[Français]

    J'invoque le Règlement.
    On ne va pas travailler de cette façon. Il y a un principe sacré en démocratie parlementaire: quand un ministre se présente devant un comité, il en va de sa responsabilité ministérielle. Nous avons commencé la réunion 15 minutes en retard. Nous avons droit à deux questions, et les libéraux ont droit à trois questions. Le ministre est le premier témoin. Parmi tous ceux qui sont ici, il devrait être celui qui est le plus disponible pour répondre à nos questions.
    Quand vous étiez dans l'opposition, vous insistiez pour que les ministres comparaissent toutes les deux semaines. Je ne comprends pas cette façon de travailler. Monsieur le président, si c'est là la manière dont vous comptez animer le comité, il n'y aura pas de collaboration. Je vous rappelle que nous avons la majorité.
    Hier, vous avez demandé notre collaboration afin que le ministre comparaisse au sujet du projet de loi C-10 malgré la motion que nous avions adoptée. J'ai accepté, compte tenu que le ministre a un emploi du temps chargé, mais voilà que le ministre, premier témoin dans le cadre de l'étude d'un projet de loi traitant d'une question constitutionnelle, en l'occurrence la nomination des juges, part alors qu'un ancien ministre n'a pas pu poser de questions. Mon collègue ici présent n'a pas pu poser de questions. Si c'est la façon dont vous voulez animer le comité, si c'est la façon dont le comité veut travailler, monsieur le président, vous ne verrez pas beaucoup de projets de loi être adoptés d'ici Noël. Comptez sur nous.
(1630)

[Traduction]

    Il y a cinq commissaires qui sont présents. Je leur demanderais de venir prendre place à la table.
    Monsieur le président, je voudrais tout simplement invoquer le Règlement.
    Le problème, ce n'est pas que je prenne la parole non. Le problème, c'est que si un ministre s'engage, dans le cadre de ses responsabilités, à comparaître devant un comité pour une séance d'une heure, alors il ne devrait pas partir après 45 minutes, et le président ne devrait pas non plus court-circuiter ou abréger la séance. Cela est inacceptable, monsieur le président, et je dirais que le ministre devrait être réinvité à comparaître afin de permettre au comité de lui poser des questions pendant au moins 15 autres minutes. Ce serait une façon appropriée d'établir la bonne procédure pour que le comité puisse continuer.
    Nous le ferons, monsieur Cotler. Quinze minutes avant la fin de la réunion, prévue pour 17 h 30, nous devrons discuter de certains sujets. Nous pourrons alors revenir sur votre suggestion. Entre-temps, nous devons entendre les témoins.
    Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Commission d'examen de la rémunération des juges fédéraux, M. McLennan, M. Cherniak et Mme Chambers. Nous accueillons également M. Gourdeau et M. Osborne du Bureau du Commissaire à la magistrature fédérale.
    Merci d'être des nôtres.
    Notre temps est limité et je m'en excuse, mais il y a parfois des choses indépendantes de notre volonté. Je sais que vous avez deux exposés à présenter rapidement.
    Qui va parler au nom de la Commission d'examen de la rémunération des juges fédéraux? Me McLennan, à vous.
    Monsieur le président et mesdames et messieurs du comité, permettez-moi de décrire tout d'abord la démarche que nous avons suivie. Elle est décrite à la page 3 du rapport, mais je tiens à préciser clairement qu'il n'y a jamais eu de conflit entre les membres de la commission. Et cela, malgré le fait que M. Cherniak a été nommé par les juges et Mme Chambers, par le gouvernement; de toutes façons, cela ne s'est pas fait de façon partisane. On ne m'a jamais demandé de servir d'arbitre relativement aux deux positions qu'ils ont préconisées. Nous avons tous les trois entrepris cet exercice avec la conviction d'agir exclusivement dans l'intérêt public. Nous ne procédons pas à de l'arbitrage et je voulais le souligner clairement.
    Merci.
    Nous ne sommes pas ici pour vanter notre rapport mais pour déplorer le processus qui a été suivi ou, en fait, qui n'a pas été suivi. Je crois qu'il convient de rappeler la navrante suite d'événements qui ont mené à l'adoption de la nouvelle loi créant cette commission. Ces événements sont résumés dans le rapport Drouin, portant sur le premier trimestre d'existence de la commission. Je vais simplement vous en citer un extrait, qui figure à la page 2. Comme vous le savez, le rapport Drouin émane de la première commission créée en vertu des modifications apportées à la Loi sur les juges par suite du jugement rendu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire P.E.I. Voici ce qu'a écrit le juge Drouin.
Avant 1981, les traitements et avantages des juges étaient examinés par des comités de consultation, un processus qui ne s'avérait habituellement pas satisfaisant pour la magistrature. Les juges estimaient que le processus servait simplement à demander au gouvernement de remplir ses obligations constitutionnelles.
En 1982, l'article 26 établissant la « Commission Triennale » a été intégré à la Loi sur les juges. L'intention était de créer un organisme qui serait indépendant de la magistrature et du Parlement et qui présenterait au ministre de la Justice des recommandations objectives et équitables. Le but était de « dépolitiser » le processus, préservant ainsi l'indépendance judiciaire.
Cinq commissions triennales ont été créées. Malgré les enquêtes et recherches exhaustives effectuées par chacune de ces commissions, bon nombre de leurs recommandations sur les traitements et avantages des juges, présentées entre 1987 et 1993, n'ont pas été mises en oeuvre ou ont été ignorées. Le gouvernement du Canada a gelé le traitement des juges et a imposé une suspension de l'indexation vers le milieu des années 1990. Le dernier rajustement du traitement des juges a été effectué en novembre 1998, conformément aux recommandations faites par la Commission Triennale, présidée par David Scott [...].
Dans son rapport de 1996, la Commission Scott décrit le problème du processus de la Commission Triennale en affirmant que:
Malgré les recommandations détaillées qui ont été formulées par les commission successives, le Parlement a fait preuve de léthargie et a négligé de fixer les traitements et les avantages sociaux des juges pendant de nombreuses années.
Qui plus est, les divers rapports qui ont été publiés n'ont pas réussi à susciter de réaction significative de la part du gouvernement. Toute la question du traitement et des avantages sociaux des juges a, malgré les meilleures intentions, été politisée.
    Par suite de la parution de ce rapport, il y a eu un renvoi devant la Cour suprême du Canada — l'affaire des juges de l'Île-du-Prince-Édouard — et la loi en vertu de laquelle le juge Drouin a agi, et en vertu de laquelle nous agissons, a été adoptée. L'objectif le plus clair de cette loi était de mettre fin à une succession lamentable de recommandations judiciaires relatives à la rémunération des juges et de dépolitiser le processus. Or, nous sommes grandement préoccupés par le fait que le processus établi, de même que la loi qui en a découlé et qui a créé cette commission, est en train d'être pervertie et que l'exercice prévu par la loi est de plus en plus politisé.
    Nous devons agir en respectant deux délais très limités. Notre rapport doit être déposé devant le Parlement dans les dix jours suivant sa parution. Le ministre doit y répondre dans les six mois suivants. Il ressort de ces exigences que le processus est conçu pour qu'on y donne suite rapidement.
    Or voilà que deux ans et demi après avoir déposé ce rapport, nous sommes convoqués pour la première fois pour aider les parlementaires à remplir leurs obligations constitutionnelles. Nous, nous avons rempli les nôtres. Nous estimons que jusqu'à maintenant le Parlement n'a respecté ni l'esprit ni la lettre de la Loi sur les juges, en vertu de laquelle la commission a été créée, en ce qui concerne le rapport que nous avons produit.
    Par exemple, il est tout à fait inapproprié de se reporter à un budget de 2006 pour étudier un rapport que nous étions tenus de déposer en mai 2004. Je veux bien qu'on nous demande d'être en mesure de faire des prévisions pour l'avenir, mais nous ne sommes pas devins. À mon avis, on ne peut se fonder sur un tableau ou l'autre de notre rapport pour affirmer que nous avons fait erreur ou qu'on a trop mis l'accent sur un aspect ou l'autre.
(1635)
    L'exercice me semble quelque peu arbitraire. Pour qu'il le soit moins, vous devez recueillir tous les faits de manière à pouvoir prendre une décision en connaissance de cause. Mais en définitive, il est impossible pour nous, comme pour toute autre commission qui serait créée à l'avenir, de présenter un rapport disant que 3/8 de 42 000, multipliez par 12, divisez par 16, c'est une formule pour calculer le salaire adéquat des juges. C'est impossible. Le jugement doit intervenir.
    Nous ne prétendions pas proposer des mesures inattaquables. Elles sont naturellement contestables. Il faut prendre en compte tous ces chiffres et se servir de son jugement pour arriver à la meilleure réponse, qui n'est jamais inattaquable. Cependant, au moment de rédiger notre rapport, nous ne nous attendions pas à ce qu'il soit étudié à la lumière des réalités de 2006, ce qui semble néanmoins être le cas.
    Permettez-moi de vous citer une déclaration du gouvernement qui figure dans sa deuxième réponse et à laquelle je souscris sans réserve. Elle se trouve dans le premier paragraphe de la page 5 de la deuxième réponse du gouvernement au rapport.
Il est [...] clair que la Commission a effectué une évaluation et une analyse détaillées des données et des informations disponibles en ce qui a trait aux comparateurs pertinents pour établir la suffisance globale de la rémunération des juges. Il s'agit d'un défi constant qu'ont affronté toutes les commissions fédérales d'examen de la rémunération des juges précédentes. Comme l'ont constaté les commissions et gouvernements successifs, il s'agit tout autant d'un art que d'une science. Il n'existe aucune formule mathématique à appliquer et il faut, au bout du compte une bonne dose de jugement éclairé.
    Je vous assure que c'est ce que nous nous sommes efforcés de faire. Nous avons examiné tous les documents qu'on nous a présentés et nous les avons analysés à fond. Nous avons débattu des questions qui étaient décrites; Nous avons fait des compromis et toutes nos conclusions étaient unanimes. Nous estimons être parvenus à une décision conforme à l'intérêt public, à la législation en vigueur et à la priorité accordée à l'indépendance judiciaire de même qu'à la nécessité d'établir un bassin de candidats potentiels à la magistrature fédérale, des candidats exceptionnels pour jouer le rôle important de juges.
    Très sincèrement, il nous est absolument égal que le Parlement souscrive ou non à nos recommandations. Nous nous soucions du processus et je tiens à dire clairement que nous n'avons pas d'intérêt personnel dans le résultat de cette démarche. Me Cherniak et moi-même, sommes trop âgés et madame Chambers est trop qualifiée.
    Cependant, après nous être acquittés d'une tâche que nous considérions comme un devoir public — et mal payé, soit dit en passant, nous ne voudrions pas que notre rapport soit utilisé à des fins politiques, comme cela est malheureusement arrivé par le passé, quand un gouvernement disait que c'était trop peu, un autre gouvernement disait que c'était trop et que le troisième disait « Ne nous occupons tout simplement pas des juges. Ils ne sont pas vraiment aussi importants que cela ».
    On nous a confié le mandat législatif de faire ce travail et nous l'avons fait dans les limites de notre compétence. Quant à vous, vous aviez un mandat en vertu de la Constitution, mais vous ne l'avez toujours pas rempli. Nous espérons que vous le remplirez comme l'honorable ministre en a donné l'assurance à la page 11, mais je ne vous répéterai pas ses propos parce qu'il les a tenus lorsqu'il a comparu devant votre comité.
    Il appartient donc à votre comité et aux parlementaires de déterminer la rémunération appropriée des juges. Nous espérons sincèrement que cela se fera bientôt, en respectant les principes connus de tous.
(1640)
    S'il y a des questions, monsieur le président, nous ne serons peut-être pas unanimes. Il est souvent arrivé que nous ne l'étions pas. Donc, j'inviterais toute question, mais je demanderais également à Mme Chambers et à M. Cherniak de compléter ou de contredire tout ce que je pourrais dire.
    Merci, monsieur McLennan.
    J'ai une question, mais je vais d'abord demander à M. Gourdeau de nous faire son exposé. Votre commission a-t-elle déjà comparu devant notre comité?
    Non.
    Monsieur Gourdeau.
    Je m'appelle David Gourdeau et je suis commissaire à la magistrature fédérale. Je suis ici aujourd'hui avec Wayne Osborne, directeur de notre division des Finances.
    Ma présentation aujourd'hui sera brève compte tenu que le rôle joué par mon bureau dans le processus de la Commission d'examen de la rémunération des juges et de la préparation de la législation qui en découle est tout de même limité. Pour commencer, permettez-moi de faire un court survol des activités de notre bureau pour ceux et celles qui en seraient peut-être moins familiers.
    Le Bureau du commissaire à la magistrature a été créé en 1978 en vertu de la Loi sur les juges et il a pour mandat de protéger l'indépendance de la magistrature et de permettre aux jugés nommés par le gouvernement fédéral d'avoir toute l'autonomie nécessaire par rapport au ministère de la Justice. En ce moment, 1 045 juges nommés par le fédéral sont en exercice; nous fournissons également des services aux 400 juges à la retraite et aux 350 survivants de juges.
    Notre bureau a pour mandat de promouvoir l'administration de la justice et d'appuyer la magistrature fédérale. Les services et l'appui que nous fournissons à la magistrature découlent de la Loi sur les juges. Ainsi, toute modification à la loi aura un impact sur nos opérations.
(1645)

[Français]

     Parmi les principaux rôles et responsabilités du commissaire, on retrouve son devoir d’agir à titre de délégué du ministre de la Justice dans les affaires se rapportant à l’administration de la partie I de la Loi sur les juges, qui porte sur les conditions de nomination, la limite d’âge et le traitement s’appliquant aux juges nommés par le gouvernement fédéral. Nos divisions des Finances et des Ressources humaines s’occupent de ces questions. Le bureau comprend aussi un secrétariat des nominations, qui gère les 16 comités consultatifs chargés de l’évaluation des candidats à la magistrature fédérale.
    Dans le cadre de la dernière nomination à la Cour suprême du Canada, notre bureau a reçu des mandats administratifs supplémentaires. Notre division des recueils des décisions des cours fédérales a la responsabilité de choisir et de publier les décisions de la Cour d’appel fédérale et de la Cour fédérale, dans les deux langues officielles. Nous disposons également d’un site intranet, appelé JUDICOM, à partir duquel les juges ont accès au courrier électronique, à un système sécuritaire de conversation à accès restreint et à une bibliothèque virtuelle. Les juges qui souhaitent parfaire leurs compétences en français ou en anglais peuvent bénéficier de notre programme de formation linguistique.
     Nous participons à la coordination d’initiatives touchant le rôle de la magistrature du Canada en matière de coopération internationale. Enfin, nous appuyons le travail de la Commission d’examen de la rémunération des juges, qui est la raison de notre présence devant vous aujourd’hui. Bien que cette commission soit composée de trois membres – la magistrature et le gouvernement nomment les deux premiers membres, qui, à leur tour, nomment le troisième membre –, il lui faut un secrétariat pour la prestation des services administratifs. Dans le cadre de cette commission, la personne qui est à la tête du secrétariat, c’est-à-dire la directrice exécutive du secrétariat, est madame Jeanne Ruest.

[Traduction]

    Ce que notre bureau fait essentiellement pour la Commission, c'est de fournir le soutien administratif dont son secrétariat a besoin pour ses activités. Entre autres, nous fournissons des locaux, des meubles et du matériel informatique, y compris l'équipement et les logiciels, et nous lui donnons accès à notre réseau interne de communication par courriel et à nos services de comptabilité, d'acquisition, de passation de marchés, de télécommunications et d'entretien de site Web.
    Nous distribuons aussi des copies du rapport final à tous les membres de la magistrature et aux autres intervenants. De plus, notre bureau répond aux demandes de renseignements statistiques se rapportant à la magistrature ainsi qu'aux questions liées aux pratiques administratives et au soutien accordé à la magistrature.
    Après que la Commission a terminé son travail, nous gardons pour elle le matériel, les dossiers et la documentation dans les mêmes locaux distincts, munis d'un dispositif de sécurité. Nous faisons un suivi des questions posées, nous répondons à ses questions et nous transmettons les demandes de renseignements relatives à la Commission au président ou au directeur exécutif.
    Si le ministre de la Justice veut que la Commission se penche sur d'autres questions, nous appuyons encore une fois la Commission en lui fournissant le soutien administratif dont je viens de parler.

[Français]

    Une fois qu’un projet de loi est préparé par le ministère de la Justice suite au rapport de la commission, nous prenons les mesures qui s’imposent au sein de notre bureau pour administrer les nouvelles dispositions et s'y conformer lorsqu’elles seront devenues loi. De fait, des membres de notre personnel se préparent maintenant afin d’être en mesure de répondre aux amendements à la Loi sur les juges.
    J’avais indiqué au début que ma présentation serait brève. J’espère malgré tout avoir réussi à fournir de l’information utile sur le rôle général de mon bureau et sur ses fonctions particulières quant à la Commission d’examen de la rémunération des juges. Si vous avez des questions, nous sommes bien entendu disposés à y répondre. Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci à tous les deux.
    Je vais maintenant donner la parole à M. Lemay, afin de suivre l'ordre des intervenants qui posent des questions aux témoins.
    Monsieur Lemay.

[Français]

     Merci, monsieur le président. Je vais répondre au ministre, qui est absent. J'imagine que son secrétaire parlementaire va lui faire rapport de tout cela.
    Je n'ai certainement pas l'intention de devenir juge. En effet, avec le nombre de lois que ce gouvernement va déposer, les tribunaux vont être si engorgés que j'aurai beaucoup de travail d'ici quelques années en tant qu'avocat, surtout comme avocat de la défense en droit criminel.
    Le commentaire suivant s'adresse aux membres de la commission. Laissez-moi vous féliciter du travail que vous avez accompli. Je sais qu'il a dû être très ardu et compliqué. Pour avoir connu un système semblable au Québec, je peux dire que fixer la rémunération des juges a dû être un travail immense. Je trouve déplorable que le gouvernement ait rejeté vos conclusions du revers de la main. J'aimerais vous poser une question qui, bien que d'ordre plutôt général, cerne assez bien le débat.
     La cour a décrit comme suit l'analyse en trois étapes qui vise à évaluer la rationalité du refus d'un gouvernement. Il faut d'abord déterminer si sa décision d'écarter les recommandations de la commission est justifiée par un motif légitime, c'est-à-dire complet et concret. Ensuite, il faut préciser si les motifs invoqués ont un fondement factuel raisonnable. Enfin, compte tenu d'une perspective d'ensemble marquée par la retenue, il faut déterminer si le mécanisme d'examen a été respecté.
    Croyez-vous que le gouvernement, en rejetant votre rapport, a respecté ces trois étapes? Croyez-vous plutôt qu'il s'agissait d'une raison purement politique, à savoir qu'il ne voulait pas augmenter le salaire des juges? Bonne chance !
(1650)
    On va commencer en anglais et continuer en français. Pour ma part, je ne suis pas avocate.

[Traduction]

    Il s'agit là d'une question juridique qu'il faudra peut-être régler si les juges ne sont pas d'accord avec ce qui se produira ici. Je présume que s'ils ne sont pas d'accord, ou si la question leur tient suffisamment à coeur, ils s'attaqueront à la deuxième réponse du gouvernement en se fondant sur le fait qu'elle ne répond pas aux trois critères dont vous avez parlé, monsieur Lemay, c'est-à-dire l'affaire Bodner. Je pense cependant qu'il serait inapproprié pour nous de dire qui va gagner cette bataille.

[Français]

    Monsieur le président, j'aimerais ajouter que notre rapport ne portait pas seulement sur la rémunération des juges. Nous avons fait des recommandations sur la façon de procéder. Il n'y a pas de règle. La commission a été formée précisément parce qu'il n'y avait pas de règles précises. Une des recommandations voulait que pendant les quatre ans de paix, donc pendant la période où il ne serait pas question de modifier la rémunération, on fasse de la recherche pour trouver des éléments de comparaison. Le gouvernement a justifié son refus en disant que ce n'était pas de bonnes comparaisons. C'est vital. Nous n'avons disposé que de quelques mois et nous avons fait de notre mieux. Il y avait des tonnes d'information à traiter. Nous avons évalué la situation et décidé que c'était la meilleure façon de procéder.
    Les membres de notre commission n'étaient pas d'accord sur tout, mais ils ont convenu dès le départ que les juges étaient une entité vitale pour le bien-être de la société. Il fallait non seulement que les juges soient indépendants, mais que cette indépendance soit visible. Nous voulions que les meilleurs éléments du monde juridique parviennent au banc. Dire qu'il y a beaucoup de candidats est une chose, mais dire qu'il s'agit des meilleurs en est une autre. Il fallait souligner ces faits.
    Nous sommes entrés en fonction avec l'idée qu'il était important de trouver le juste milieu, et nous avons fait de notre mieux. Nous comprenons que ce n'était pas parfait et qu'il faudrait continuer d'étudier ces questions.

[Traduction]

    Monsieur Cherniak.
    Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, monsieur le président, notre rapport se fondait sur les études que nous avons faites nous-mêmes et sur les observations du gouvernement et de la magistrature, et sur la grande participation et les grandes connaissances du public de ce que nous faisions.
    Le rapport est très clair. Nous y avons travaillé très fort. En fait, c'est à votre comité et peut-être, ultimement, aux tribunaux, de dire si la réponse du gouvernement, tant pour ce qui est de son contenu que de son opportunité, répond aux exigences constitutionnelles. Ce n'est pas à nous de le dire, mais ce sont là des questions très importantes.
(1655)
    Monsieur Lemay, votre temps est en fait écoulé. Je pense que vous avez posé une bonne question.
    J'aimerais demandé à M. McLennan s'il a lu la réponse du gouvernement du Canada au rapport de 2003 de la Commission d'examen de la rémunération des juges fédéraux. Avez-vous lu cette réponse?
    Oui, certainement.
    Dès le début, on dit: « ... le gouvernement est prêt à accepter toutes les recommandations de la Commission d'examen de la rémunération des juges 2003, avec une seule exception ». Et il l'a accepté sous une forme modifiée.
    Est-ce essentiellement cela, en quelques mots?
    Oui, c'est ce que je dirais.
    Et c'était en fait cet aspect de la rémunération?
    L'indemnisation. Oui, monsieur.
    L'indemnisation. Merci.
    Monsieur Petit.

[Français]

    Bonjour, messieurs. Je vous remercie d'être venus nous faire part d'informations concernant la commission. Je remercie aussi M. Gourdeau. J'aurais apprécié, monsieur McLennan, que vous nous remettiez des notes par écrit, comme l'a fait M. Gourdeau. Ça nous aurait aidé à formuler les questions qui vous sont destinées. Je vais faire appel à ma mémoire pour essayer de retenir ce que vous avez dit.
    D'abord, je dois dire que l'équation que vous faites entre l'argent et l'indépendance de la magistrature m'agace. Vous semblez dire que plus on paye les juges, moins ils risquent de se faire acheter. Je ne peux pas être d'accord avec cette idée. C'est très dangereux. On peut être indépendant sans argent. En fait, les gens qui ne sont pas payés sont beaucoup plus indépendants parce qu'ils ne doivent rien à personne.
    Peut-être M. Gourdeau pourrait-il répondre à la question que j'ai abordée. Vous avez dit avoir des critères concernant les conditions de nomination et que vous surveilliez tout ça. Je ne vous demanderai pas de les nommer toutes. Nous avons chacun nos idées là-dessus. Je voudrais plutôt vous entendre parler du fonds de retraite des juges.
    J'aimerais savoir s'il est applicable dès la première journée. Pour ma part, en tant que député, si je meurs demain, je n'aurai pas droit à un fonds de retraite. Si j'étais dans le secteur privé, je devrais avoir recours à mes REER, en autant que j'en aie beaucoup. Un juge fédéral qui décéderait d'une crise cardiaque un mois après avoir été nommé aurait-il droit immédiatement à son fonds de pension? Le cas échéant, s'agirait-il d'un pourcentage de ce fonds?
    La réponse est non, dans le cas d'un juge qui mourrait malencontreusement au cours des deux mois suivant son entrée en fonction. Il recevrait un retour de contribution. Jusqu'à un certain âge, la contribution est répartie entre l'employeur et l'employé. Il y a toutes sortes d'exceptions et de dispositions dans loi, mais disons qu'à cet effet, la plupart des gens versent 7 p. 100 de leur salaire brut pendant 15 ans. Lorsqu'ils atteignent le statut de surnuméraire ou après un certain nombre d'années, cette contribution baisse à 1 p. 100.
    Je vais vous dire ce qui suit de mémoire, mais il serait préférable de consulter les dispositions de la loi qui s'appliquent. Ceux qui ont été juges pendant 10 années ou plus ont droit à une rente annuelle établie au prorata. Ce n'est pas la rente dans son entier. Jusqu'à 10 ans environ, il s'agit d'un retour de contribution.
    Pour ce qui est du plein montant de la rente, on applique d'abord ce qu'on appelle la règle de 80. Après cela, ils ont droit au plein montant de la rente, soit les deux tiers du salaire annuel au moment du départ à la retraite.
     Bien des gens croient qu'un juge fédéral qui décéderait le lendemain ou le surlendemain de son entrée en fonction aurait droit, de même que ses héritiers, à un fonds de retraite.
    Vous avez bien expliqué la chose. Tout le monde n'est pas au courant du traitement accordé aux juges. Il s'agit, comme vous le dites, de garder une certaine forme d'indépendance.
     Merci beaucoup.
(1700)

[Traduction]

    Y aura-t-il une réponse de M. Gourdeau? Non?
    Monsieur Ménard, M. Cotler n'est pas ici, mais je vous donnerai la parole.
    Monsieur Bagnell, lorsque M. Cotler arrivera, il posera la prochaine question, mais allez-y.
    Il avait une entrevue à la télé, et il revient tout de suite.
    J'avais une question, monsieur McLennan. Vous avez dit au début que tout le monde était d'accord avec le rapport et que ce n'était pas comme si vous aviez été obligé de forcer un côté ou l'autre.
    Madame Chambers, étiez-vous d'accord avec les salaires et avec tout ce que contenaient les recommandations?
    Vous demandez si j'étais d'accord avec tout ce que contenaient les recommandations?
    Avec tout ce qui concerne les salaires.
    Oui, nous avons approuvé toutes les recommandations.
    Dans un processus de collaboration, si le gouvernement avait de bons commentaires — et vous ne pouvez peut-être pas répondre à cette question — je ne comprends pas la nécessité pour eux de changer... La raison pour laquelle nous avons un comité, n'est-ce pas pour qu'il y ait une certaine indépendance entre le pouvoir judiciaire et le gouvernement? Le gouvernement ne devrait-il pas changer vos recommandations que dans des circonstances majeures?
    En un mot, oui.
    Pour être équitable envers les autres partis, je vais laisser M. Ménard intervenir, de façon à ce qu'il reste du temps à M. Cotler lorsqu'il reviendra.
    Oui, allez-y, monsieur Ménard.

[Français]

    En fait, j'aimerais comprendre comment vous en êtes arrivés à 10,8 p. 100. Je ne crois pas qu'il y ait un lien entre l'argent et l'indépendance. Je veux que les juges soient le mieux payés possible, parce que vous avez des responsabilités très importantes et que vous avez une légitimité. On croit à l'indépendance du pouvoir judiciaire.
    Par exemple, par rapport au salaire industriel moyen, je voudrais comprendre comment vous en êtes arrivés à 10,8 p. 100. J'aimerais que vous expliquiez en détail, mais de façon pas trop technique, les indices, surtout pour les gens qui nous écoutent. Ici, je compte sur les talents de pédagogue de Mme Chambers pour rendre cela très accessible. J'aimerais qu'on puisse vraiment comprendre l'indice composé et la façon dont on est arrivé à 10,8 p. 100.
    Au Bloc québécois, nous pensons que cela devrait être totalement la recommandation, mais en lien avec le salaire des députés. Vous pourrez vous exprimer à ce sujet si vous le souhaitez, mais je voudrais d'abord comprendre l'indice.
    M. McLennan serait beaucoup plus habilitée à vous l'expliquer, mais l'explication a pris l'ampleur d'un chapitre complet. La façon dont nous sommes arrivés à ce pourcentage est bien compliquée. Je ne peux certainement pas l'expliquer en deux phrases.
    En ce qui concerne l'autre aspect, c'est une question politique. La première règle de notre travail, c'est de ne pas être politisés.
    La question n'est pas politique.
    La question du 10,8 p. 100 est compliquée. Cette information se retrouve dans un des chapitres. Vous pouvez le lire.
    Pouvez-vous nous expliquer les grandes lignes, afin que les gens qui nous écoutent comprennent un peu de quelle façon vous en êtes arrivés à cette décision?
    C'est au chapitre 2.

[Traduction]

    Au chapitre 2.
    Messieurs, pouvez-vous nous expliquer cela?

[Français]

    C'est au chapitre 2, mais je ne peux pas le résumer en trois phrases.

[Traduction]

    En un mot, lorsqu'on parle d'indépendance et d'argent, l'argent n'achète pas l'intégrité, l'argent protège les juges contre la tentation de corruption. Dans une certaine mesure, cela les protège, car ils n'ont pas à gagner leur pain quotidien. Leur pension les protège car ils n'ont plus à se préoccuper de ce qui arrivera lorsqu'ils démissionneront. Ce n'est donc que dans cette mesure que l'argent a une incidence sur leur indépendance.
    Une autre chose au sujet de l'indépendance et de l'argent, c'est qu'ils ne sont pas obligés de négocier directement avec le gouvernement. C'est la deuxième raison pour laquelle on a créé une commission indépendante. Autrement, ils deviendraient comme un syndicat qui négocie avec son employeur, et cela serait naturellement inapproprié.
    La troisième chose, et une chose très importante en ce qui a trait à l'indépendance, c'est qu'on veut pouvoir choisir à partir d'un bassin de personnes de grand talent, très dévouées, et on ne s'adresse pas tout simplement à ces personnes pour...
(1705)
    Ce n'est pas la question que j'ai posée.

[Français]

    Sauf votre respect, je regrette les propos de M. Petit, parce qu'il n'y a aucun lien entre votre salaire et votre intégrité. Mais là n'était pas ma question.
     Dans les grandes lignes, pourriez-vous nous dire comment vous en êtes arrivé à ce pourcentage? Le gouvernement mentionne 7,25 p. 100, mais vous avez recommandé 10,8 p. 100. Il y a une rationalité. Au-delà de la rationalité technique — parce que ce sont les contribuables qui vont payer finalement —, je suis convaincu que c'était certainement raisonnable. J'aimerais que les gens qui nous écoutent comprennent un peu la rationalité qui a été la vôtre, sans avoir à lire 200 pages.
    J'imagine qu'il y a quelqu'un parmi vous pourrait nous l'expliquer, avec le sens de la synthèse puissant qui vous caractérise.
    Même avec un sens de la synthèse, c'est un gros document et c'est très compliqué.
    Je vais vous lire quelques phrases...
    Pendant ce temps, je veux simplement apporter une correction à ma réponse à M. Petit.
    En ce qui a trait aux cotisations et au plan des rentes pour la magistrature, il s'agit des articles 50 et suivants de la loi. Je voudrais me corriger ou m'amender, puisque je vous ai induit en erreur. Lorsqu'un juge vient d'être nommé, sa succession aurait droit à une rente à son décès, tel que prévu dans la loi. Mais s'il vient d'être nommé juge et qu'il décide, après deux mois, de faire autre chose ou qu'il démissionne, il y aurait un retour de contribution.
    Je voulais être clair sur cette question. Donc, il s'agit des articles 50 et suivants, pour ceux qui voudraient les lire.

[Traduction]

    Monsieur le président, puis-je répondre brièvement?
    Nous avons fait les meilleures comparaisons que nous pouvions, avec des employés du gouvernement, des sous-ministres, des directeurs de commissions ou de conseils d'administration — dans certains cas d'entités juridiques — et nous avons comparé également avec les salaires offerts à l'échelle du pays dans le secteur privé. Nous ne nous sommes pas contentés d'étudier ce que les deux parties — le gouvernement et la magistrature — nous avaient proposé. Nous avons procédé à notre propre étude et nous avons fait appel aux services de notre propre cabinet d'experts-conseils — Morneau Sobeco, un cabinet bien connu et fort compétent qui nous a beaucoup aidés.
    Nous nous sommes également inspirés de notre propre expérience quant aux types de juges dont le Canada a besoin. Nous avons recueilli toutes ces données, nous les avons analysées en fait vous trouverez les détails au chapitre 2 de notre rapport, que je vous encourage fortement à lire d'ailleurs.
    Puis nous en sommes venus au montant que nous avons proposé.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci, monsieur Ménard.
    Monsieur Moore.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos témoins d'être venus nous rencontrer.
    Je dois dire aux représentants de la commission que je ne suis pas tout à fait d'accord avec certaines choses qu'ils ont dites. On semble laisser entendre que la magistrature pourrait accepter des pots-de-vin ou pourrait être facilement corrompue si elle ne recevait pas les salaires et traitements proposés dans le rapport de la commission. C'est ce que j'ai entendu.
    La commission propose dans son rapport une augmentation de salaire de 23 400 $ par an, traitement rétroactif à 2004. Quant à lui le gouvernement propose une augmentation de 15 700 $ par an, traitement rétroactif à 2004. Que l'on accepte une proposition ou l'autre, je ne crois pas que la magistrature se laisserait tenter par des pots-de-vin.
    Certainement pas, et ce n'est certainement pas ce que j'ai dit.
    Monsieur McLennan, je vous demanderais de nous en dire un peu plus long parce que cette précision est très importante à mon avis.
    Très bien.
    Nous n'avons certes pas laissé entendre que la corruption commence à sévir lorsque le traitement s'élève à environ 200 000 $ par an. Peu importe le traitement, la magistrature résistera sans aucun doute à tout effort de corruption. Je parle ici de façon un peu plus philosophique.
    Pourquoi notre Constitution prévoit-elle que le Parlement établira le salaire des magistrats? La magistrature représente le troisième pilier du gouvernement et elle doit donc être indépendante. Pour être indépendante, ses membres doivent avoir un niveau de vie qui corresponde aux responsabilités qu'on leur confie. Entre autres choses, philosophiquement ça empêche les juges, les membres de la magistrature d'être exposés à la corruption. Cela n'a rien à voir au montant du traitement, qu'il s'agisse de 220 000 $, de 240 000 $ ou de 180 000 $.
(1710)
    Je vous remercie d'avoir apporté cette précision.
    D'aucuns ont dit que pour intéresser des candidats, le traitement devrait se trouver à ce niveau. Je sais que M. Bagnell a posé des questions là-dessus. Je sais qu'on reconnaît que la Cour suprême a indiqué clairement qu'il appartient au Parlement de trancher quand il s'agit de deniers publics. Nous sommes responsables de la façon dont les deniers publics sont dépensés même dans les circonstances actuelles.
    Lorsqu'on entend parler de ceux qui ont posé leur candidature à la magistrature, qu'on connaît le nombre de postes disponibles, et le nombre de candidats qui ont été recommandés ou fortement recommandés, et que le gouvernement propose une augmentation de traitement de 7,25 p. 100, je ne vois pas comment cela pourrait dissuader quiconque de poser sa candidature à la magistrature.
    Je sais qu'on a accordé beaucoup d'importance au travail de la commission, et je respecte certes ses efforts. Mais rien n'indique à mon avis que nous ne pourrions pas intéresser des candidats hautement qualifiés si le traitement des juges n'était augmenté que de 7,25 p. 100 par an.
    J'aimerais signaler d'abord que les statistiques mentionnées datent de l'an 2000 et que nous ne les avons pas. Il est clair cependant que depuis plusieurs années il y a beaucoup plus de candidats qu'il n'y a de postes disponibles. Il fallait se demander quel était le niveau de rémunération approprié pour ces candidats et ce que nous devions faire pour nous assurer que l'élite faisait partie du bassin de candidats.
    Est-ce que vous croyez que l'élite ne se trouve pas dans le bassin actuel de candidats? Est-ce que des candidats moins compétents posent leur candidature? Les comités provinciaux doivent recommander ou recommander fortement ces candidats; est-ce que quelque chose semble indiquer qu'il y a pénurie de personnes à recommander ou à recommander fortement? Lorsque nous considérons les candidats proposés par les comités provinciaux, nous constatons qu'ils sont très nombreux. Le ministre a confirmé que nombre de candidats sont recommandés et fortement recommandés.
    Évidemment, les statistiques du ministre sont celles de 2006. Je ne connaissais pas ces statistiques évidemment lorsque la commission se réunissait mais évidemment nous n'avions pas les chiffres de 2006.
    Il ne s'agit là que l'un des facteurs dont nous tenons compte. Ce n'est pas le facteur par excellence. Si vous cherchez un nouveau président pour la Société canadienne des postes, vous ne demandez pas à n'importe qui de poser leur candidature en leur décrivant simplement le merveilleux régime de pension, l'avion privé, et autres choses du genre. S'il y a 100 candidats compétents, dont 25 sont très compétents, vous ne procédez pas à une enchère au rabais pour vous assurer quel est le salaire le plus faible qu'on est prêt à accepter. Vous ne devriez pas faire ça à mon avis avec la magistrature non plus.
    Merci, monsieur Moore.
    Madame Barnes.
    Merci beaucoup.
    Je dois m'excuser de l'absence de certains de mes collègues pendant la réunion. Le gouvernement a décidé de mettre en délibération une autre mesure législative aujourd'hui, ce qui force certains d'entre nous à prendre la parole à la Chambre.
    J'aimerais d'abord signaler que la majorité des Canadiens vous sont très reconnaissants du travail que vous avez fait et du professionnalisme que vous avez démontré. J'aimerais également signaler qu'il est à mon avis très important que l'indépendance de la magistrature soit bien saisie par les Canadiens.
    Le sujet a peut-être déjà été abordé, mais je demanderais à M. Cherniak de renseigner les Canadiens qui suivent peut-être nos délibérations sur le sujet.
    Pourquoi devrions-nous discuter du sujet qui nous occupe aujourd'hui?
    Eh bien il y avait un processus constitutionnel qui a vu le jour après le désastre relatif au renvoi relatif à la rémunération des juges de l'Île-du-Prince-Édouard. Le processus constitutionnel visait à mettre sur pied une commission fort compétente et indépendante qui aurait pour mandat de travailler de façon indépendante, non pas comme un groupe d'arbitrage mais dans l'intérêt du public, pour consulter le public, les intervenants et formuler des recommandations qui, à moins de circonstances extraordinaires, seraient acceptées par le Parlement et serviraient à établir la rémunération de la magistrature.
    Le processus imposait non seulement la méthode de sélection de la commission mais la façon aussi dont le Parlement accepterait le rapport de cette dernière. La commission devait présenter un rapport au plus tard le 31 mai 2004 — et par la suite à tous les quatre ans le 31 mai — c'est ce que nous avons fait. Le gouvernement devait, conformément à la loi, répondre au rapport dans les six mois, ce qu'il a fait, et accepter les recommandations de la commission ou donner de bonnes raisons pour lesquelles il ne les acceptait pas.
    Le gouvernement du jour l'a fait, et à une petite exception près, qui n'a rien à voir avec la discussion d'aujourd'hui, il a accepté toutes les recommandations formulées par la commission.
    Ce qui a suivi n'avait pas été prévu dans le processus imposé par la constitution. On ne prévoyait pas de deuxième rapport après qu'un nouveau gouvernement ait été élu 18 mois ou 24 mois plus tard. À mon avis cela mène à la politisation du processus, ce qui est très dangereux parce que tout cela entraîne un manque de respect pour le processus de la part de la magistrature, et du public, et rendra...
    Je dois dire, sans trop de modestie, que les membres de la commission étaient fort compétents, et que nous pensions que ce que nous faisions était très important pour les Canadiens. Si les recommandations formulées par une autre commission plus tard peuvent être traitées de la même façon que les nôtres, il sera très difficile de trouver des gens qui sont prêts à faire partie de ce genre de commission dont notre pays a besoin pour diriger le processus tous les quatre ans.
(1715)
    Merci beaucoup. Ainsi, à votre avis il n'existait aucun pouvoir juridique pour déposer au Parlement un deuxième rapport qui différait du premier. Est-ce bien ce que vous avez dit?
    Je ne crois pas que je devrais vous offrir un avis juridique. Je peux lire la loi, vous aussi. Elle comporte une disposition qui précise que le gouvernement doit répondre au rapport dans les six mois. Cela a été fait. On n'y prévoit aucune autre réponse.
    Merci. Je crois que ça répond à la question que tout le monde se pose.
    Vous avez le temps de poser une autre question, madame Barnes.
    Merci.
    Les membres du comité s'inquiètent du fait que pour augmenter les montants, pour intégrer cette proposition dans le rapport original — et je sais que certains d'entre nous voudrions le faire — il nous faut une recommandation royale. Sans cette recommandation par le gouvernement, nous n'avons pas l'autorité de dépenser les derniers publics. Cela nous placerait dans une position plutôt délicate. Je veux simplement expliquer, pour que tout le monde saisisse bien, que nous ne pouvons absolument pas augmenter le montant proposé sans que le gouvernement ne nous autorise à le faire. Nous verrons bien ce qui se passera.
    Je sais que mon collègue, l'ancien ministre de la Justice, voulait être ici mais il est occupé ailleurs.
    Je veux simplement signaler, tout au moins au nom de mon parti, et je crois au nom de tous les partis de l'opposition, qui ont beaucoup de respect pour la magistrature, que cette attaque qui semble provenir du gouvernement actuel est non seulement irrespectueuse, mais nuit au système juridique canadien. Le système juridique travaille très fort. Il a pour leaders des fonctionnaires judiciaires qui ont été choisis pour leur talent, leurs compétences comme vous le savez pertinemment. Le fait que nous nous trouvons dans cette situation plutôt délicate aujourd'hui, en raison de l'attitude du gouvernement actuel, n'est pas une bonne chose. Je crois que la jurisprudence le démontre parfaitement.
    Le ministre de la Justice a dit à la Chambre des communes, lorsque je suis intervenue pour la première fois, qu'il fallait essayer à tout prix de moins dépenser dans le secteur, alors que nous avons le plus important excédent budgétaire de notre histoire. À mon avis nous dire qu'on pourrait obtenir des candidats à la magistrature pour moins cher est un argument fallacieux. En fait j'étais plutôt gênée de me retrouver dans cette situation.
    J'espère qu'à l'avenir nous pourrons obtenir des candidats de votre calibre, parce que c'est très important pour tous les Canadiens.
    Je ne sais pas si vous voulez faire un commentaire, mais je vous réserve le reste de la période pour le faire.
(1720)
    Merci, madame Barnes.
    Quelqu'un veut-il faire un commentaire?
    Le ministre proposait tout compte fait un vote libre, n'est-ce pas? Si j'ai bien compris ses commentaires, je pense qu'il encourageait le comité à faire ce qu'il jugeait approprié.
    Je dois dire que le ministre a peut-être oublié de signaler que si nous voulions augmenter les salaires proposés, nous devrions avoir l'autorisation du gouvernement, parce que nous n'avons pas cette autorité. C'est ce que j'ai proposé quelques secondes après qu'il ait fait cette déclaration à la Chambre. Cela s'appelle une recommandation royale.
    Merci, madame Barnes.
    Mme Barnes a en fait laisser entendre que peut-être la commission percevait cette proposition comme une attaque envers la magistrature.
    Je ne dirais pas cela, monsieur le président. Je ne pense pas qu'il s'agit d'une attaque envers la magistrature. Les juges sont beaucoup plus sensibles à ces circonstances que je ne le suis, et je ne sais pas ce que la magistrature pense, mais je ne percevrais pas les choses de cette façon.
    Merci beaucoup.
    Monsieur le président, j'aimerais apporter une précision. Je ne pense pas que c'est ce que j'ai dit. Je signalais simplement que le gouvernement attaque souvent le pouvoir discrétionnaire de la magistrature, par exemple avec diverses choses.
    Je ne voudrais pas que le président réinterprète mes commentaires.
    Merci.
    Je vous remercie de cette précision, madame Barnes.
    Je tiens à remercier nos témoins d'être venus nous rencontrer.
    Je crois que cette discussion a été fort enrichissante. Il est regrettable que nous ne puissions pas la poursuivre. Je sais qu'il y a d'autres questions que les députés auraient voulu poser, mais le temps ne nous permet pas de le faire.
    Je vous remercie tous d'être venus.
    Nous allons ajourner nos travaux pendant une minute environ avant de reprendre à huis clos.
    [Proceedings continue in camera]