L'Association québécoise des avocats et avocates de la défense est une association à but non lucratif qui regroupe 600 avocats de la défense pratiquant dans toutes les régions du Québec. Nos membres incluent tant les avocats qui oeuvrent en pratique privée qu'à la Commission des services juridiques. J'ai l'honneur de présider l'association depuis juin 2005. Je pratique essentiellement en droit criminel depuis bientôt 15 ans.
D'entrée de jeu, l'AQAAD tient à remercier le comité de cette invitation à comparaître. Je souhaite que cette intervention s'avérera utile dans le cadre des travaux du comité.
[Traduction]
Il est troublant de lire le communiqué de presse du 1er mars 2006 qui décrit l'objectif de ces nouvelles dispositions. On y dit que les peines d'emprisonnement minimales obligatoires feront en sorte que les châtiments seront proportionnels à la gravité de l'infraction commise, lorsque celle-ci comporte l'utilisation d'armes à feu ou parce qu'elle est liée à la violence de gangs criminels.
De toute évidence, cette mesure est une attaque en règle contre le pouvoir discrétionnaire des juges. Pour ma part, je crois, à la lumière de mon expérience, que les juges du Canada infligent déjà des peines justes et proportionnelles. Qui plus est, les infractions impliquant des gangs criminels font déjà l'objet d'une disposition particulière du Code criminel en ce qui concerne la détermination de la peine, le sous-alinéa 781.2a)(iv). Aux fins de la détermination de la peine, le fait qu'une infraction ait été commise au profit d'une organisation criminelle, à sa demande ou en rapport avec elle, est considérée comme une circonstance aggravante.
L'AQAAD souscrit à la déclaration suivante qui figure dans le résumé législatif du : « Les peines minimales obligatoires sont généralement incompatibles avec le principe fondamental qu'une peine doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant, car elles ne permettent pas au juge de faire d'exception dans les cas appropriés ». C'est un principe généralement reconnu, et par ailleurs confirmé par mon expérience à titre d'avocate de la défense, que la dissuasion découle de la crainte d'être arrêté plutôt que de l'existence de peines sévères.
[Français]
Le taux de criminalité au Canada ne commande pas de telles modifications législatives. L'exemple américain est éloquent à l'égard de l'inefficacité de telles mesures.
D'ailleurs, la nouvelle vague de projets de loi que ce comité a dû étudier, ceux à venir, notamment le projet de loi , et le renversement du fardeau de la preuve en matière de délinquants dangereux, pour ne nommer que ces facteurs, risquent d'avoir un « effet domino ». Nous portons ce fait à votre attention parce qu'à notre avis, c'est une éventualité que vous devriez envisager. Je m'explique: l'effet combiné de toutes ces mesures aura une incidence directe sur la capacité du système judiciaire de traiter les dossiers dans un délai raisonnable, tel que le prévoit la Charte.
Ces dispositions vont également avoir comme effet de court-circuiter le processus de règlement des dossiers. En règle générale, environ 90 p. 100 des accusations criminelles se soldent, pour le moment, par un plaidoyer de culpabilité, et bon nombre de ces plaidoyers sont accompagnés de suggestions communes. Ces chiffres risquent de changer considérablement à la suite du cumul des modifications législatives. Conséquemment, le nombre d'individus en détention préventive se verra d'autant augmenté, ce qui imposera un fardeau supplémentaire aux ressources des provinces.
Il faut se rappeler que dans le cadre de l'imposition des sentences au Canada, si le ministère public juge que la peine imposée est trop clémente, il lui est toujours loisible de porter cette décision en appel. Dans le cas inverse, on retire ce même droit à la défense en cas de peine minimale mandatoire, lorsque la défense croit, eu égard aux circonstances particulières de l'infraction et à celles de l'individu l'ayant perpétrée, que cette sentence est manifestement trop sévère.
Nous considérons que ces modifications législatives ne sont pas nécessaires et qu'elles auront un important effet négatif sur le système de justice. Enfin, subsidiairement — et je dis bien subsidiairement —, si le comité en venait à la conclusion que les peines proposées pourraient être utiles à titre de balises, nous suggérons qu'un amendement soit apporté à l'article 718.3 du Code criminel, afin qu'une discrétion judiciaire résiduaire puisse être exercée. En effet, lors de circonstances particulières, quand il en va de l'intérêt tant de la communauté que de l'accusé, le magistrat pourrait exercer sa discrétion quant à l'imposition de la peine.
Je vous remercie et je me déclare disponible pour répondre aux questions.
:
Bonjour. Je remercie le comité de m'avoir invité.
Je m'appelle Jean-Paul Brodeur et je suis professeur à l'Université de Montréal. Je suis également directeur du Centre international de criminologie comparée. De 1984 à 1987, j'ai été directeur de la recherche à la Commission canadienne sur la détermination des peines.
[Traduction]
Permettez-moi tout d'abord de me présenter. J'enseigne à l'Université de Montréal et je suis directeur d'un centre de recherche; j'ai été directeur de recherche de la Commission canadienne sur la détermination des peines, qui a publié son rapport en 1987. Je m'intéresse donc depuis longtemps à la détermination de la peine.
[Français]
Vous allez entendre les arguments d'un très grand nombre de personnes. Par exemple, on vient d'en entendre dans le domaine du droit. On va aussi vous présenter des analyses statistiques très poussées. Ce n'est pas ce que je veux faire ici aujourd'hui.
[Traduction]
Je veux répondre à une question. Je ferai des observations générales, mais voici ma question. Certains prétendent que l'imposition de peines plus sévères va dissuader les personnes de commettre des crimes violents et des crimes avec une arme à feu. Je vais tâcher de répondre à la question suivante. De telles mesures sont-elles susceptibles de dissuader des criminels en puissance? Voilà l'essentiel de ce que je vais vous dire. Mais permettez-moi tout d'abord de faire certaines observations générales.
[Français]
Essentiellement, je formulerai deux commentaires généraux.
Examinons les études qui ont été faites sur l'effet de dissuasion. Généralement, est-ce que le fait d'augmenter les peines a un effet dissuasif? On peut dire que ces études s'annulent les unes les autres. Dans certains cas, nous constatons un effet positif, dans d'autres, non. Quand nous faisons le bilan, le résultat est extrêmement constant. Depuis quelque 30 ans, on observe un effet de dissuasion qui est, si vous voulez, assez modeste, et il n'existe pas de consensus voulant que plus on augmente les peines, moins les gens commettent de crimes. Le meilleur exemple de ceci est, bien sûr, la peine de mort. Dans les États américains où existe la peine de mort, il n'y a pas nécessairement moins de meurtres.
Le deuxième élément que j'aimerais apporter, de façon générale, est le suivant. L'année où la Commission canadienne sur la détermination de la peine a déposé son rapport, en 1987, elle a pris très fortement position contre les peines minimales. Il en restait peu à cette époque, et l'une était importante: la peine minimale de sept ans imposée pour l'importation et l'exportation de drogues. Or, dans le jugement Smith c. R., en 1987, la Cour suprême a invalidé cette peine minimale de sept ans en donnant diverses raisons, l'une d'entre elles étant qu'une peine minimale de sept ans se rapprochait d'une peine cruelle et inusitée.
Je constate que dans ce projet de loi, il y a des peines minimales prévues, de sept et 10 ans respectivement, pour des récidivistes. Est-ce que ceci va passer le test de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Cour suprême? Je suis loin d'en être certain.
[Traduction]
J'en arrive à mon principal argument. Tout d'abord, le projet de loi est-il nécessaire? Il viserait à améliorer la sécurité des Canadiens. À ce sujet, je vous rappelle qu'en décembre 2005, Statistique Canada a publié un document — en fait c'était un véritable ouvrage — faisant état des résultats d'un sondage effectué au Canada, dans lequel on a demandé aux Canadiens s'ils se sentaient en sécurité dans leur pays. Les répondants pouvaient opter pour quatre réponses: je me sens très en sécurité; je me sens en sécurité; je ne me sens pas très en sécurité; et je ne me sens pas du tout en sécurité.
De 1988 à 2004, la proportion des répondants qui ont dit se sentir très en sécurité ou en sécurité est passée de 88 p. 100 à pas moins de 94 p. 100. Cela témoigne du fait que nos citoyens se sentent très en sécurité. Bien sûr, on peut toujours faire état d'une fusillade ou d'incidents qui sont extrêmement regrettables et qui doivent être dénoncés, mais est-il nécessaire d'adopter des lois par suite d'incidents tragiques mais isolés qui font l'objet d'un battage médiatique? Je n'en suis pas sûr.
[Français]
J'en viens maintenant à la question que je veux soulever. En gros, le fondement du projet de loi est la punition et la dissuasion.
Les gens visés par ce projet de loi, soit ceux qui utilisent des armes à feu ou qui commettent des infractions violentes, seraient-ils dissuadés de poser de tels gestes?
J'aimerais vous donner trois arguments prouvant que cette dissuasion serait très modeste.
Notre centre dispose de chercheurs spécialisés qui étudient la consommation de drogues et de stupéfiants. Ils ont trouvé que 57 p. 100 des gens qui commettent des meurtres étaient sous l'influence de l'alcool ou de drogues qu'ils avaient consommés peu avant le crime ou même, dans certains cas, en commettant le crime. Pour les tentatives de meurtre, cette proportion est de 58 p. 100; pour les voies de fait, de 69 p. 100; pour l'enlèvement, de 54 p. 100; et pour les délits sexuels, de 44 p. 100. Les statistiques sont les mêmes pour le vol qualifié et le vol avec violence. Environ 60 p. 100 des gens qui commettent de telles infractions sont sous l'influence de l'alcool ou de stupéfiants. Par conséquent, le fait d'augmenter la peine minimale d'un an n'exercera pas un grand effet dissuasif sur eux.
J'ai fait moi-même des études sur les homicides; j'ai une banque de données constituée d'environ 153 cas d'homicide. De ces 153 cas, 71 p. 100 ont été élucidés en moins de 24 heures. J'insiste beaucoup sur cette donnée. Cela signifie que plusieurs homicides sont le fait d'une criminalité spontanée, improvisée, qu'on appelle dans notre jargon une criminalité expressive. Encore une fois, l'effet dissuasif du projet de loi sur ce genre de criminalité sera minime.
Il y a une dernière chose que je veux soumettre à votre attention, un résultat qui nous a surpris. On a posé des questions à des jeunes qui se livraient parfois au trafic de la drogue. On leur a demandé s'ils étaient armés quand ils faisaient du trafic de drogue. On a trouvé que 32 p. 100 des décrocheurs étaient armés. Par ailleurs, 55 p. 100 de ceux qui seraient poursuivis en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants étaient armés soit d'une arme à feu, d'un couteau ou d'une arme quelconque. Pour les personnes moins âgées, la proportion était 17 p. 100.
La leçon à tirer est la suivante. La loi peut s'appliquer aux jeunes, mais elle s'applique davantage aux membres de gangs de rue et du crime organisé. Ces personnes sont, en quelque sorte, au confluent de deux menaces: d'une part, la menace de la justice, qui leur dit que si elles commettent ce crime, qu'on les arrête et les condamne, on leur infligera une peine minimale qui, dans certains cas, sera assez lourde; et, d'autre part, celle de devoir porter des armes à feu dans le cadre de leurs activités.
Ces gens font des transactions dangereuses et souvent ils estiment nécessaire de porter des armes à feu pour se défendre contre ceux qui pourraient les assaillir. Je ne prétends pas qu'ils ont raison de le faire; je veux simplement souligner que l'effet dissuasif des peines est, dans une très large mesure, neutralisé par ce qu'ils perçoivent comme une nécessité: celle d'être armés pour faire leur business.
En conclusion, au regard de la sécurité dont jouissent les Canadiens, bien qu'il y ait, encore une fois, des incidents sensationnels, je ne crois pas qu'on ait vraiment besoin de cette loi. Je ne pense pas qu'elle pourra diminuer les crimes avec violence ou commis avec des armes.
Elle risque plutôt d'aggraver la situation de trois façons.
Premièrement, en facilitant l'arbitraire de la négociation du plaidoyer, parce que dans plusieurs cas, la Couronne a le choix entre poursuivre par voie de procédure sommaire ou en invoquant des actes criminels.
Deuxièmement, comme on l'a déjà dit, si on n'entre pas dans l'arbitraire et si on applique la loi de façon mécanique, la proportionnalité ne sera vraisemblablement pas respectée et la discrétion des magistrats sera indûment rétrécie.
Finalement, il faut souligner qu'un effet assuré de cette loi sera une augmentation de la population carcérale. On sait qu'augmenter la population carcérale fait toujours partie de la donnée du problème, mais jamais de sa solution.
Je vous remercie.
La Section du droit pénal appuie des mesures visant à réduire les taux de criminalité violente, mais à la condition que ces mesures soient à la fois équitables et efficaces. La section est contre l'application de peines d'emprisonnement minimales obligatoires. Pour être adoptée, toute mesure doit obligatoirement contribuer à réaliser le but de la sécurité publique tout en étant conforme à ce que j'appellerais les trois C: la Charte, la common law et le Code criminel — et plus particulièrement dans ce cas, les principes de détermination de la peine. Nous sommes contre les peines minimales obligatoires parce qu'elles limitent la capacité du juge de déterminer une peine appropriée et qu'elles faussent les principes de détermination de la peine établis par le Code criminel.
Commençons par la capacité du juge de définir une peine appropriée. Je crois que d'autres ont déjà critiqué l'approche d'une « taille unique ». Moi, qui mesure six pieds huit pouces, je peux vous dire que cette taille universelle ne convient pas à tout le monde.
Notre section a confiance en la magistrature, dont les membres doivent assumer la tâche souvent difficile de peser différents facteurs au moment de déterminer une peine juste. Pour le faire, ils se fondent sur les principes de la common law, la Charte et les principes de détermination de la peine énoncés dans le code. Je dirais même plus: les juges sont les mieux placés pour déterminer un châtiment juste en se fondant non seulement sur les principes de détermination de la peine mais aussi sur la situation particulière d'un délinquant, les circonstances du crime et le lien entre la délinquant et la victime.
En outre, étant donné le piètre bilan du Canada au chapitre de l'incarcération disproportionnée des Autochtones, l'article 718.2 a été adopté pour obliger les juges à envisager diverses options au moment de déterminer la peine de délinquants autochtones. Le projet de loi aurait pour effet de supprimer cette exigence, ce qui amplifierait les problèmes de surreprésentation des Autochtones dans les établissements carcéraux. Si une infraction commande une longue peine, le juge a déjà tous les outils nécessaires pour imposer la peine appropriée. Il ressort de l'expérience des membres de notre section que les crimes commis avec des armes à feu entraînent déjà de longues peines d'incarcération.
Le risque de fausser l'application de plusieurs principes de détermination de la peine, dont celui de la proportionnalité qui veut que la peine infligée soit proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant. Le projet de loi C-10 établirait une peine minimale s'appliquant à tous les délinquants, même ceux dont le degré de responsabilité est faible.
Le Code criminel reconnaît également le principe de la modération, selon lequel nous ne devons incarcérer un délinquant que si c'est nécessaire pour protéger la population. Comme il est indiqué dans notre mémoire et comme je le fais valoir devant vous aujourd'hui, la Section du droit pénal est d'avis que les peines minimales obligatoires ne permettent pas d'atteindre le but qu'est la dissuasion.
Le juge doit également appliquer d'autres principes, dont ceux de la détermination de la peine, notamment la réadaptation et l'expression de la réprobation sociale. L'application thématique de peines minimales obligatoires à tous les délinquants empêcherait le juge de concevoir une peine axée sur la réinsertion sociale pour un détenu susceptible d'en bénéficier.
Par ailleurs, nous estimons que le n'améliorerait pas l'efficacité judiciaire et qu'il entraînerait fort probablement l'allongement des délais dans le système judiciaire. Étant donné les enjeux plus élevés, il y aurait plus de procès; les taux d'incarcération grimperaient et il faudrait plus de prisons. Tout cela coûte évidemment plus cher à la population.
L'article 9 du projet créerait deux nouvelles infractions: l'introduction par effraction pour voler une arme à feu et le vol qualifié visant une arme à feu. Le vol d'une arme à feu constitue déjà une circonstance aggravante aux fins de la détermination de la peine, mais l'amendement proposé créerait un autre écueil pour les avocats de la Couronne. Il faudrait présenter des preuves très convaincantes de ce que l'accusé avait expressément l'intention de voler des armes à feu; il est souvent fort difficile d'obtenir de telles preuves à moins que l'accusé ou un de ses co-accusés ait fait une déclaration admissible dans ce sens.
Par ailleurs, un autre aspect du projet de loi fait problème de l'avis de notre section, et c'est l'extrême complexité des dispositions relatives au calcul de la peine. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt les comptes rendus de vos réunions antérieures avant de venir à la présente audience. Je crois que jusqu'à maintenant, vos délibérations ont illustré ce fait. La confusion ne tient pas au fait que personnellement je sois incapable de faire le calcul, mais au système lui-même, qui à notre avis manque de cohérence et est tout simplement trop compliqué. Si les juristes de notre section ont du mal à s'y retrouver, imaginez ce que pourraient y comprendre les personnes auxquelles nous voulons envoyer un message.
Notre section souhaite également porter à votre attention un phénomène bien réel qui se produit déjà: les pouvoirs discrétionnaires du juge en matière de détermination de la peine sont transférés à la Couronne. Lorsqu'un accusé est passible d'une peine minimale obligatoire, ce ne sont plus les plaidoyers qui font l'objet de négociations entre l'avocat de la Couronne et celui de la défense, mais bien les accusations elles-mêmes.
Prenons le cas d'un individu accusé d'avoir déchargé une arme à feu avec une intention particulière. La Couronne acceptera de réduire le chef d'accusation si l'accusé plaide coupable; elle pourra ainsi obtenir la condamnation de l'accusé mais celui-ci évitera l'incarcération. Cependant, la négociation du chef d'accusation dépend du pouvoir discrétionnaire de la Couronne. Sauf tout le respect que je dois aux avocats de la Couronne, l'accusé est plus susceptible d'accepter un processus fondé sur un arbitre indépendant disposant de pouvoirs discrétionnaires que sur un représentant de Sa Majesté.
Par ailleurs, ce processus dilue l'intention même du projet de loi car au lieu d'infliger des peines plus sévères aux criminels, il fait en sorte qu'un accusé puisse écoper d'une peine plus clémente, en plus d'être accusé d'une infraction moins grave. Si on éliminait les peines minimales obligatoires, le même accusé pourrait recevoir une peine appropriée, mais toujours en fonction de l'accusation initialement portée contre lui.
Notre section exhorte votre comité à rejeter ce projet de loi. Certes, le projet de loi vise à mieux protéger la société, objectif que nous partageons, mais il comporte des mesures qui n'auront pas l'effet escompté et qui engendreront des injustices.
Merci beaucoup.
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Nous parlerons toutes les deux, mais je vais commencer.
Le Comité central mennonite du Canada est l'organisme relevant des églises mennonites et Brethren in Christ du Canada qui s'occupe de secours, de développement et de consolidation de la paix. Dans le domaine judiciaire, nous offrons depuis longtemps des programmes d'intervention auprès des victimes, des programmes d'intervention près des délinquants et des programmes qui favorisent le dialogue entre victimes et délinquants. Nous vous remercions de nous avons invités aujourd'hui.
Nous souhaitons que le système de justice pénale tienne compte des réalités humaines. Les collectivités jouent un rôle important dans le domaine de la justice et il existe différents moyens de répondre aux besoins des victimes, d'amener les délinquants à assumer la responsabilité de leur acte et de pouvoir se réadapter, et de réparer les torts qu'ils ont causés.
Or, le est incompatible avec cette vision des choses à plusieurs égards. Pour tenir compte des réalités humaines que sont les fusils et les gangs criminels, il faut pouvoir disposer d'un éventail de mesures beaucoup plus vastes que les dispositions proposées dans le projet de loi en matière de détermination de la peine; cependant, même ces dispositions nous inquiètent quelque peu. Comme d'autres l'ont dit tout à l'heure, les peines minimales obligatoires limitent les pouvoirs discrétionnaires des juges, pouvoirs qui sont importants pour tenir compte des réalités humaines et pour créer des solutions de rechange à l'incarcération.
En outre, le recours de plus en plus fréquent à l'incarcération a des effets indésirables. Il empêche les victimes de recevoir réparation pour le tort causé ou d'autres genres de dédommagement. Comme les établissements correctionnels sont de plus en plus surpeuplés, l'incarcération ne permet pas aux détenus d'acquérir plus de compétences utiles pendant qu'ils sont derrière les barreaux.
Des peines plus longues rendent plus difficiles pour les détenus de s'intégrer à la société. En plus d'entraîner ces effets négatifs, le recours accru à l'incarcération ne réduit en rien le taux de criminalité.
Nous allons aujourd'hui vous décrire notre expérience en ce qui concerne la dissuasion et la sécurité de la collectivité, deux thèmes fortement utilisés pour justifier le . Lors de nos comparutions antérieures devant votre comité, nous vous avons parlé de notre programme de cercles de soutien et de responsabilisation, et aujourd'hui nous allons vous décrire plus en détail l'expérience que nous avons acquise avec ce programme.
Tôt ou tard, la plupart des personnes incarcérées réintègrent la société. Or, beaucoup des délinquants retournent à des collectivités qui leur offrent peu, sinon pas du tout, de soutien; dans d'autres cas, ils vont renouer avec certains éléments qui ont contribué à leur passé criminel. Dans les deux cas, le risque de récidive s'aggrave. Les victimes passées du délinquant vivent dans l'insécurité et l'ex-détenu risquerait davantage de faire de nouvelles victimes.
Pour les gouvernements, la police et la collectivité, le défi consiste à intégrer les ex-détenus dans la société tout en réduisant leur risque de récidive. Le crime nous affecte tous. Nous nous en remettons aux corps policiers et à d'autres organismes gouvernementaux pour assurer notre sécurité. Nous avons fini par croire que nous ne pouvons rien faire pour nous protéger et que la meilleure solution est de mettre les délinquants en prison pour le plus longtemps possible. Nos collectivités vivent dans la peur mais on ne leur a pas donné les outils qui leur permettraient de combattre cette peur d'une façon utile et sécuritaire.
Nous, du Comité central mennonite, croyons que les collectivités doivent agir pour assurer leur sécurité et avoir la capacité de le faire. Les cercles de soutien et de responsabilisation étaient au départ la réaction d'un groupe confessionnel devant une situation de crise. Il y a douze ans, un délinquant sexuel très connu ayant d'importants besoins a été libéré à Hamilton; on avait évalué à 99 p. 100 le risque de récidive au cours de la première année. De petits groupes de personnes l'ont entouré, formant un cercle autour de lui pour ainsi dire, à la fois pour le soutenir et pour l'obliger à rendre compte de ses choix et de ses comportements. Ce groupe d'hommes et de femmes qui connaissaient tous ses antécédents criminels de même que le cycle qui aboutissait à un délit était bien décidé à faire en sorte qu'il n'y ait « plus de victime ». Peu après, un autre individu a été libéré à Toronto et l'idée des cercles a commencé à prendre forme.
Au moment de sa libération, chaque délinquant ou membre central de nos cercles est entouré de trois ou quatre personnes de la collectivité ainsi que d'un employé désigné. Chaque cercle se réunit toutes les semaines et chaque bénévole s'engage à s'entretenir assez longuement avec le membre central en dehors des réunions du cercle. Le cercle n'assure ni la surveillance ni la garde du délinquant. Il s'agit d'un groupe de personnes désireuses d'assurer la sécurité de leur lieu de vie grâce à l'inclusion et non l'exclusion des délinquants.
Chaque membre du cercle connaît à fond les antécédents criminels, les modes de comportement et les facteurs de risque du détenu. Chacun s'engage à aider le membre qui est au coeur du cercle, tout en l'obligeant à assumer la responsabilité des choix qu'il fait. Les intervenants salariés et bénévoles du cercle collaborent avec d'autres professionnels du milieu, y compris la police, et s'engagent à communiquer avec les autorités compétentes s'ils perçoivent un danger pour la collectivité. Au départ, on croyait que le cercle ne serait nécessaire que pendant la première année après la sortie de prison, mais en fait, beaucoup d'individus ont besoin de cet encadrement délibéré pendant de nombreuses années, voire toute leur vie.
Au cours des 12 dernières années, ce projet a permis d'intervenir auprès de plus de 100 hommes et la formule des cercles a été reprise par presque toutes les provinces du Canada et par plusieurs États des États-Unis, dont le Colorado et le Vermont, de même que par la Grande-Bretagne. L'étude statistique effectuée par M. Robin Wilson pour le Service correctionnel du Canada a confirmé l'efficacité de cette formule. L'étude a été répétée à l'aide de données sur d'autres projets semblables menés dans les différentes régions du pays; elle a abouti essentiellement aux mêmes conclusions, soit que ce genre d'approche produit des résultats positifs.
Charlie Taylor, le premier membre du cercle, est décédé le 25 décembre 2005. Pendant 12 ans, il a vécu en liberté et participé à des activités communautaires lorsque c'était approprié, sans avoir de démêlés avec la justice si ce n'est pour un incident de vol à l'étalage. Il a eu son propre appartement pour la première fois de sa vie et il a essayé de contribuer au bien-être de la collectivité; il a eu des contacts avec l'un des membres de son cercle tous les jours, sans exception, et n'a jamais commis d'autres crimes sexuels.
Don, qui habite actuellement la région de Toronto, a été libéré il y a quatre ans et les services de police en ont informé la collectivité. Considéré comme un individu présentant un fort risque de récidive au cours de la première année, il n'a pu trouver ou garder de logement pendant les quatre premiers mois suivant sa libération, à cause de la réaction du public. Don a participé activement au cercle et grâce à cet encadrement, il est devenu un bénévole estimé auprès d'un organisme partenaire et cherche maintenant à contribuer à la société.
Nous ne croyons pas que la délinquance sexuelle puisse se guérir. Toutefois, nous estimons que les délinquants sexuels peuvent vivre sans danger dans la collectivité pourvu qu'ils y mettent l'effort. Il existe des structures d'encadrement et de responsabilisation appropriées. Les bénévoles qui travaillent dans de tels projets n'éprouvent plus un sentiment d'impuissance. Ils présentent au délinquant un modèle de respect des normes sociales, remettent en question sa façon de penser et surveillent son comportement dans le cadre d'une véritable relation: la sécurité est dynamique plutôt que statique.
Les victimes ont un grand besoin de se sentir en sécurité. Elles nous disent qu'elles veulent avoir l'assurance qu'il n'y aura pas d'autres victimes. Les cercles s'engagent à faire en sorte qu'il n'y ait pas d'autres victimes et même si nous ne pouvons pas changer le passé, les bénévoles et les employés travaillent étroitement avec le membre qui est au coeur du cercle pour veiller à ce qu'il ne récidive pas. Les cercles de soutien et de responsabilisation visent à apaiser les craintes des victimes et à prévenir de nouveaux délits.
Bien que la formule des cercles ait essentiellement été utilisée auprès de délinquants sexuels après leur libération, ils peuvent également permettre d'encadrer les auteurs d'autres types de crimes comme le trafic de drogues, l'incendie criminelle ou le vol. On a utilisé les cercles auprès de femmes qui quittaient les maisons de transition pour un logement permanent et pour ceux qui sont libérés d'établissements fédéraux.
Nous croyons que la formule des cercles pourrait être utilisée plus tôt dans le processus judiciaire. Elle a déjà été utilisée comme condition à la mise en liberté sous caution et est à envisager dans d'autres cas où la sécurité publique est prioritaire. À notre avis, la création d'un cercle plus tôt dans le processus permettrait de mieux répondre aux besoins des victimes, leur permettrait de vivre davantage l'expérience de la justice et aiderait les collectivités à se mobiliser pour assurer leur sécurité et la responsabilisation du délinquant.
:
Oui, il faut certainement compter un certain nombre d'effets. Prenons-en trois pour commencer.
En premier lieu, il est très difficile de concilier des peines minimales obligatoires avec le principe de la proportionnalité, car ce dernier se fonde sur plusieurs facteurs, ainsi que les préjudices et la culpabilité. Dans ce cas, la détermination de la peine n'est pas fixée d'avance. Parfois, le crime est le résultat de circonstances précises. Parfois encore, il semble au premier abord avoir été commis par pure méchanceté et ce genre de choses. Il faut donc tenir compte de circonstances variables. Voilà pour un résultat.
Si vous avez une formule universelle, elle l'emportera nécessairement sur le principe de la proportionnalité et, bien entendu, ni le public, ni la personne à qui l'on impose la peine obligatoire n'auront l'impression que justice a été faite.
Ensuite, le nouveau modèle limite les pouvoirs discrétionnaires des juges, et ici, je serai on ne peut plus clair. À mon avis, il y a lieu d'entraver la liberté des juges uniquement dans le cas où cela est indubitablement dans l'intérêt de la société. Je citerai l'exemple suivant à l'appui. J'ai participé aux travaux de la Commission canadienne sur la détermination de la peine, et le rapport qui y a fait suite comportait des directives à l'intention des juges, plus précisément, des lignes directrices présomptives proposées à titre indicatif et donc nullement contraignantes. En dépit de cela, la réaction des juges a été plutôt hostile, j'entends par là qu'ils voyaient d'un très mauvais oeil la moindre entrave à leur liberté, à part celle qui existe déjà. Rappelons qu'il y a deux avocats, qu'il peut y avoir appel et qu'il y a la charte. Par conséquent, la peine n'est pas déterminée sans point d'ancrage. Les juges estimaient donc que les directives étaient une contrainte.
Si cela est vrai des lignes directrices, alors multipliez... pardon?
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Merci. Avec votre permission, monsieur le président, j'aimerais adresser mes questions au professeur Brodeur.
J'ai lu le rapport de la Commission Archambault cet été. Je n'irai pas jusqu'à dire que c'était un moment de croissance personnelle, mais j'ai apprécié cette lecture. Il reste que cela demeure un document scientifique, vous en conviendrez.
Je suis très troublé. D'abord, la greffière nous a remis un document — que je pourrai vous faire parvenir — de votre collègue du Centre de criminologie de l'Université de Toronto, M. Doob, qui a fait le recensement de tout ce qui a été écrit au sujet du lien entre la dissuasion et les peines minimales. Il nous invite à conclure à une hypothèse nulle. Il dit qu'il peut arriver qu'il y ait des variables qui fassent un petit changement, mais que dans l'ensemble, il serait scientifiquement erroné de faire une corrélation entre l'effet dissuasif des peines minimales et la chute du taux de criminalité.
J'aimerais que vous nous parliez davantage de l'homicide. Vous avez dit que vous aviez une banque de données des gens que vous avez suivis. Dans 75 p. 100 des cas, cela résulterait d'une conjoncture; il s'agirait d'un crime d'expression. Je me suis donc demandé si cela ne nous indique pas, comme législateurs, que la meilleure façon de réduire le taux de criminalité n'est pas d'essayer, par exemple, d'avoir un registre public d'armes à feu ni de mettre moins d'armes à feu en circulation ni de se préoccuper de la contre-bande, des gangs de rue et de la criminalité. Finalement, ne prend-on pas le problème par le mauvais bout?
J'aimerais que vous nous invitiez à comprendre davantage les conclusions de votre deuxième facteur concernant les banques de données.
:
Dans mon étude, j'ai trouvé que les gens sont influencés par les romans policiers et pensent, de façon générale, qu'il faut environ 365 pages pour résoudre un meurtre.
En fait, je ne peux que vous donner des exemples de crimes. Prenons le cas d'un individu qui est harcelé au travail depuis longtemps, qui se fâche et qui, soudainement, tue quelqu'un. Un autre exemple pourrait être une mère qui assassine son enfant qui est très malade ou encore celui de jeunes qui pointent des armes les uns vers les autres et les déchargent au vu de tout le monde.
Pour le premier type de crime, dans une certaine mesure, la question de la dissuasion ne se pose pas vraiment, car ce sont des crimes impulsifs. Pour ce qui est des autres crimes, les crimes du monde organisé, en général, leur taux de solution est très bas. Quand vous engagez un tueur professionnel pour tuer quelqu'un... Prenons le cas du journaliste Auger: on n'a jamais retrouvé la personne qui avait commis ce crime.
Il prétend le savoir.
M. Jean-Paul Brodeur: La police aussi prétend le savoir, elle l'a dit, mais elle ne pense pas pouvoir le prouver.
On a donc une espèce de fourchette où, d'une part, il y a des gens qui sont très impulsifs, qui sont insensibles à la dissuasion et, d'autre part, des professionnels qui pensent qu'ils ont une bonne chance de s'en tirer.
En terminant, une des choses que la commission tentait de dire, c'est qu'on doit avoir une approche intégrante et cohérente vis-à-vis de la justice.
Une chose m'a frappé en lisant ces dispositions. Lorsque vous avez fait allusion au registre des armes à feu, vous avez dit qu'on créait, d'une part, une nouvelle infraction d'introduction par effraction pour voler des armes à feu, et, d'autre part, un vol qualifié pour des armes à feu. Pour quelqu'un qui veut voler des armes à feu, une arme est beaucoup plus intéressante lorsqu'elle n'est pas enregistrée. Quand l'arme est enregistrée, il est moins intéressant de la voler.
On voit donc mal la cohérence entre le fait de « désenregistrer » des armes à feu et le fait de créer de nouvelles infractions pour des gens qui commettent des vols par effraction dans le but de s'emparer de ces armes. En bref, il s'agit de démarches contradictoires.
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...a publié un livre récemment au Québec.
Oui, je le sais, monsieur. N'y voyez pas un signe de flatterie. Le phénomène, qui attire beaucoup l'attention, est relativement récent.
Je vais simplement répéter une chose que j'ai mentionnée sans doute trop rapidement lors de ma présentation. En fait, les jeunes qui font partie des gangs de rue s'arment et ils s'arment en gros. C'est un phénomène de spirale. Ils s'arment parce que les types devant eux s'arment, puis le troisième s'arme parce que les deux autres sont armés, et ainsi de suite.
Dans ce cas, le fait d'augmenter les peines ou de donner des peines minimales a peu d'effet dissuasif parce que dans une certaine mesure, ils craignent davantage les jeunes hommes de l'autre gang, qui sont en compétition avec eux, que la loi. C'est pourquoi, si on veut régler le problème des gangs de rue, il faut s'en prendre à la racine du problème plutôt que de catapulter des peines relativement inutiles.
En fait, le jeune se dit qu'il ne va pas se pointer dans une transaction de drogue sans aucune arme, parce qu'il risque de se faire poignarder ou abattre par l'autre personne. Je ne veux pas dire que je suis d'accord là-dessus; c'est déplorable qu'il en soit ainsi. Néanmoins, cela démontre encore une fois que l'effet de dissuasion est vraiment minime.
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Pour les raisons que vous connaissez, je ne peux pas dire que je sais ce que pensent les juges, puisqu'ils doivent respecter certaines contraintes quant à ce qu'ils peuvent nous dire. Sans aucun doute, toutefois, des avocats ont dû entendre des juges dire, au moment de la détermination de la peine, qu'ils avaient les mains liées.
Je peux cependant vous parler davantage du point de vue des procureurs. Quand ils essaient de régler un dossier, on pourrait croire que certains procureurs trouveraient plus efficace d'avoir ce seuil, mais en fait, il crée des problèmes.
Je peux vous donner un exemple d'un problème très concret dont je me suis occupé: un agriculteur a tiré sur un avion d'épandage qui avait volé trop près de sa ferme. Le pilote n'a pas été blessé, mais sans aucun doute, il avait subi des effets psychologiques. Au bout du compte, ce que voulait la victime, c'était réparation, notamment pour le coût de l'avion et le volume d'affaires perdu. Si le coupable avait été incarcéré pendant quatre ans pour avoir déchargé son arme à feu dans l'intention de causer des lésions corporelles, son exploitation agricole n'aurait pas pu faire d'argent et il n'aurait pas pu verser des dommages. Pour le procureur, il aurait alors fallu convertir l'accusation en usage négligent d'une arme à feu, pour atteindre les vrais objectifs de chacun, soit pour la victime de retrouver la situation antérieure grâce aux dommages versés et pour le contrevenant, de pouvoir continuer à travailler afin de rembourser la victime.
Maintenant, il y aurait des contraintes. Dans ce cas-ci, une solution a été trouvée. Mais encore une fois, tout dépend de la discrétion exercée par le procureur de la Couronne et cela ne se produit pas dans chaque cas. Si un juge est saisi de ce dossier, sans la contrainte de peine minimale obligatoire, et que l'objectif pour la victime c'est de revenir à la situation antérieure, de recevoir des dommages pour réparer son avion, nous pourrions demander au juge d'envisager une peine d'emprisonnement avec sursis, afin que le contrevenant puisse travailler et faire des versements de réparation de manière régulière, et cela, dans le cadre des accusations initialement portées contre lui. Mais ce n'est plus possible s'il y a une peine minimale obligatoire pour avoir déchargé une arme à feu dans l'intention de causer des lésions corporelles.
Voilà un exemple de peine qui aurait pu être moindre, pour une accusation moindre, et qui permet d'atteindre les objectifs de détermination de la peine.
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Merci, professeur. Je comprends votre argument. Ce n'est certainement pas là ce que nous proposons; nous ne proposons aucunement l'incarcération à tour de bras.
C'est justement pour cette raison que le cible expressément ceux qui participent à des activités de gang et qui utilisent une arme à feu pour commettre un crime. Par souci de discrimination, nous avons voulu nous concentrer vraiment sur les infractions qui, d'après les Canadiens, sont les plus graves.
J'ai beaucoup entendu parler de ce pouvoir discrétionnaire des juges, mais j'aimerais entendre les représentants de l'Association du Barreau canadien ou d'autres. Pour beaucoup des infractions visées, et je veux parler des infractions primaires pour lesquelles la peine serait d'une durée croissante, soit cinq, sept ou dix ans, dans ces cas de récidive et de récidives subséquentes, qui donnent lieu à des peines de sept ans et dix ans respectivement, il s'agit de quelqu'un qui a utilisé une arme à feu lors d'une tentative de meurtre, qui a déchargé intentionnellement une arme à feu, qui a commis une agression sexuelle ou des voies de fait graves, etc. — c'est-à-dire les infractions dont on nous a dit qu'elles étaient les plus graves — et qui a fait cela, non pas une fois, mais deux fois.
Bien des gens estiment qu'en cas de récidive, il faut prévoir des mesures d'exception et commencer à prêcher par excès d'attachement au principe de la protection de la société. Quand quelqu'un commet une de ces infractions une fois, c'est une chose, mais quand il le fait de nouveau, c'est autre chose, de l'avis du public.
Je veux m'assurer que tout le monde comprenne de quoi il s'agit ici: n'est-ce pas que beaucoup de ces infractions sont déjà assorties d'une peine minimale obligatoire de quatre ans? Le ne fait que faire passer à cinq ans cette peine minimale obligatoire. Il ne s'agit pas de priver les juges de leur pouvoir discrétionnaire.
Je sais que l'opposition soutient, parfois de façon très alarmiste, que nous réduisons le pouvoir discrétionnaire des juges. Mais ce que nous disons dans ce projet de loi, c'est que pour ces infractions graves, la peine minimale obligatoire serait de cinq ans, plutôt que de quatre, pour une première infraction, n'est-ce pas?
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Oui, d'accord, et je sais que les juges infligent parfois des peines que les gens estiment appropriées. Bien souvent, la peine est appropriée.
J'estime toutefois qu'il faut reconnaître que les dispositions du projet de loi ne constituent pas une innovation. Nous avons déjà dans notre Code criminel des peines minimales et maximales obligatoires, qui limitent toutes deux en quelque sorte le pouvoir discrétionnaire des juges. Il faut être cohérent. Si l'on est contre toutes les peines minimales, il faudrait également être contre toutes les peines maximales, car ces peines limitent également le pouvoir discrétionnaire des juges.
Ce que fait le projet de loi en fin de compte... et si je reviens à votre exemple, la personne qui tire sur un avion-poudreur s'exposerait à la peine minimale obligatoire qui est de quatre ans. Aux termes du projet de loi, cette personne s'exposerait à une peine de cinq ans, et tous les mêmes principes s'appliqueraient pour ce qui est de la négociation de plaidoyer avec la poursuite.
Si toutefois l'inculpé récidivait, soit après avoir été reconnu coupable d'un chef d'accusation moindre ou après avoir purgé sa peine, et qu'il abattait de nouveau un avion-poudreur qui survolait son champ, ce que disent les Canadiens, et ce que nous disons aussi, c'est que la personne montre qu'elle présente un danger pour la société. Dans ce cas-là, nous voulons limiter le pouvoir discrétionnaire; nous voulons faire passer un message. Nous voulons nous assurer que la société est protégée. Nous voulons que les récidivistes dangereux ne circulent plus dans nos rues. Voilà ce que fait le projet de loi.
Nous y ajoutons aussi de nouvelles infractions: vol qualifié visant une arme à feu et entrée par effraction pour voter une arme à feu. Ces nouvelles dispositions sont nécessaires à notre avis, car ces infractions sont vraiment un problème aussi.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie d'être présents. C'est très intéressant. Inutile de préciser que j'apprécie vos propos. J'ai 25 ans de pratique du droit criminel pour la défense et je m'oppose à ce projet de loi. Je pense que ma position est claire.
Puisque j'ai beaucoup pratiqué le droit criminel, j'ai lu avec attention le mémoire de l'Association du Barreau canadien. Je me posais la même question et j'aimerais que vous m'expliquiez quelque chose. Peut-être, maître Joncas, que vous pourriez également me le confirmer.
Quand on analyse le projet de loi , on oserait presque dire qu'on y trouve des hérésies. En fait, je ne sais pas ce qu'avait pris le ministre ou ses adjoints lorsqu'ils ont écrit ce projet de loi, mais si on le savait, cela nous aiderait à comprendre. Je voudrais mieux comprendre l'article 1, qui modifie l'article 84 du Code criminel. Si je comprends bien, on ne tiendrait pas compte du temps purgé s'il y avait une récidive. Je ne sais pas si vous suivez.
Vous qui avez étudié cela avec grande attention, pouvez-vous me dire si je suis dans le champ lorsque je dis qu'il faut être complètement déconnecté de la réalité pour ne pas tenir compte du temps purgé en détention? Je parle surtout de l'article 1 du projet de loi, qui modifie l'article 84 du Code criminel.
J'aimerais vous entendre sur ce sujet. J'aimerais aussi vous entendre sur le temps passé en détention tel que le prévoit le paragraphe 719(3) du Code criminel et, bien évidemment, sur l'arrêt Wust de la Cour suprême, qui dit qu'il faut qu'on tienne compte du temps purgé en détention. Le législateur décide d'aller à l'encontre d'une décision de la Cour suprême! J'aimerais vous entendre sur ce sujet parce que cela me semble complètement déconnecté de la réalité.
Je veux connaître votre opinion là-dessus, maître Joncas ou maître Weinstein; je ne sais pas lequel de vous deux l'a lu avec attention.
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Merci à nos témoins de leur présence parmi nous.
J'ai quelques questions à poser. En premier lieu, j'aimerais m'adresser aux dames mennonites. D'abord, merci de votre présence parmi nous.
J'ignore si vous avez entendu parler de Linden et de Didsbury, deux endroits situés en Alberta. Ils font partie de ma circonscription et on y trouve énormément de mennonites. J'ai souvent joué au baseball contre ces gens et n'ai jamais réussi à les battre. Ils étaient toujours un peu plus fort que nous. Je ne sais pas quand ils réussissaient à s'exercer malgré leurs nombreux travaux d'agriculteurs, mais ils étaient coriaces.
Je leur ai parlé, comme je le fais avec mes mandants, au sujet de ce genre de questions et de nos projets. Je leur ai donc demandé ce qu'il fallait faire quand quelqu'un fait ce genre de chose et utilise une arme à feu. Savez-vous ce qu'ils m'ont répondu? « Eh bien, vous avez des prisons, c'est à cela qu'elles doivent servir, c'est là qu'on devrait les mettre ».
Certes, ils insistent également beaucoup pour aller dans les établissements carcéraux et pour s'occuper de réinsertion sociale, ce qu'ils font d'ailleurs admirablement bien. Je le sais pour les avoir accompagnés moi-même à quelques reprises dans ce genre de mission avant d'entrer en politique.
Je ne comprends donc pas vraiment pourquoi vous avez tenu à manifester ici votre opposition à ces mesures, car je peux vous assurer que dans ma circonscription, ils sont nombreux parmi vos coreligionnaires à nous appuyer fermement. Je vais vous donner un moment pour y réfléchir, car je vais maintenant m'adresser à l'Association du Barreau canadien.
À mon avis, l'exemple de l'avion d'épandage est très peu pertinent par rapport à ce que nous cherchons à réaliser. D'abord, je n'ignore pas qu'il existe quelque chose qu'on appelle l'autodéfense, mais j'ai vraiment beaucoup de mal à trouver la moindre raison justifiant qu'on tire sur un avion d'épandage au moyen d'une arme à feu. Vous avez fait cela? Vous vous êtes saisi d'une arme à feu puis avez tiré sur un avion? Et vous estimez avoir eu raison de le faire parce qu'il volait à trop grande proximité de votre maison?
Dans ma circonscription, j'ai vu des gens qui, par inadvertance, étaient entrés dans une propriété privée, en pensant qu'ils se trouvaient sur des terres publiques, et qui ont été reçus par des coups de feu. Est-ce qu'on peut avoir raison de tirer sur quelqu'un qui empiète sur ses terres? Peut-être s'il s'agissait effectivement d'une entrée sans autorisation, mais d'une entrée par erreur? Quoi qu'il en soit, estimez-vous qu'on devrait prendre une arme à feu et tirer sur l'intrus? Il y a d'autres exemples de ce genre, mais pour ma part, je ne vois pas la moindre raison ou excuse qui justifierait l'utilisation d'une arme à feu pour tenter de tuer quelqu'un, sauf dans les cas d'autodéfense.
Pour ce qui est de l'Association du Barreau canadien, votre position me laisse vraiment perplexe, car beaucoup d'avocats dans ma circonscription semblent penser que c'est exactement ce qu'il nous faut, ce que nous devons faire. J'ai même parlé à deux avocats qui, croyez-le ou non, sont des Libéraux et qui, malgré cela, pensent quand même beaucoup de bien de ce projet de loi. Et vous affirmez représenter tous les avocats du pays? Eh bien, j'en doute fort.
Je tiens aussi à rappeler que la police a témoigné ici en faveur de nos mesures, et je peux vous assurer qu'elle est elle-même appuyée par ses membres, où qu'ils soient. Pourquoi donc? D'autres représentants de groupes connexes à la police nous ont aussi appuyés. Je peux vous garantir que votre position n'est pas pleinement partagée par ceux que vous représentez. Ça me paraît absurde.
La dernière question portera sur l'exemple de New York. En avez-vous entendu parler, connaissez-vous cette théorie de la « vitre fracassée » et ce qu'elle a eu comme répercussion? On a embauché un grand nombre de policiers et construit davantage d'établissements carcéraux pour réprimer la criminalité, et les coupables étaient incarcérés, sans égard à la nature du délit commis. Je crois savoir que la ville est maintenant l'une des plus sûres où l'on peut vivre.
Si vous souhaitez vous exprimer là-dessus, je vous écouterai volontiers. Je vous remercie.
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J'aimerais poser une question au professeur Brodeur.
J'aimerais entendre des raisons convaincantes et susceptibles de nous encourager à adopter ce projet de loi. Franchement, j'ai de la difficulté à en trouver. On entend des avis très partagés sur le sujet.
Si je m'entretiens avec des agents de police, ils me diront qu'il nous faut débarrasser les rues de « ces gens », quelle que soit l'identité de ces derniers. Je suis sûr qu'ils ne pensent pas à tous ceux qui se retrouvent dans le système judiciaire, mais à ceux qu'ils ont arrêtés et fait inculper. Ils veulent donc vider les rues de ces gens pour éviter de les y retrouver de nouveau la semaine prochaine, l'année prochaine et l'année d'après. Tout cela est très normal.
Si je m'adresse cependant à la population en général, elle me dira qu'elle aimerait que la dénonciation soit davantage prise en compte dans la détermination de la peine. Ça lui plairait. Elle tient aussi à ce que cette même peine comporte davantage d'éléments de dissuasion. Ça aussi ça lui plairait.
Or, si j'en juge d'après les avis des experts que nous avons entendus, il n'y a pas grand-chose de dissuasif dans le projet de loi. Je comprends les préoccupations au sujet de la dénonciation. Si nous disions à tout le monde que nous allons incarcérer tous les coupables pendant un minimum de dix ans, quelle que soit l'infraction commise, beaucoup de gens se montreraient sans doute très favorables à la dénonciation, en pensant que les criminels comprendraient le message. Toutefois, je sais pertinemment que ça ne changera rien à notre système pénal. Ça risque même de lui nuire.
Pouvez-vous m'aider par rapport à cette dénonciation? À votre avis, existe-t-il une composante de la législation qui favoriserait à la fois la dénonciation comme message politique à l'intention du public et comme dissuasion à l'intention du criminel ou du criminel éventuel?
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Merci, monsieur Hanger.
Ma première question traite du pouvoir judiciaire discrétionnaire. Certains témoins aujourd'hui ont abordé ce sujet, et j'aimerais connaître votre point de vue sur la question.
Je pense que lorsqu'on accorde un pouvoir judiciaire discrétionnaire dans certains cas, dans le cas des peines maximales et des peines minimales, il est utile qu'une certaine orientation soit donnée. Nous avons pu le constater aussi bien dans le cas des peines maximales que dans le cas des peines minimales dans le code.
J'appuie ce projet de loi, car, à mon avis, il est nécessaire d'avoir des peines minimales dans certains cas. Pour ceux d'entre vous qui se sont exprimés contre toute limitation du pouvoir judiciaire discrétionnaire, je voudrais connaître votre avis concernant les autres instances dans le code où le pouvoir judiciaire discrétionnaire est limité.
Par exemple, seriez-vous en faveur de l'élimination des peines maximes qui existent dans le code aujourd'hui? Je souhaite connaître votre position à ce sujet, car j'essaie de comprendre si c'est ce projet de loi qui s'attaque à la criminalité qui vous dérange, et si c'est le cas, alors je comprends mieux votre point de vue, ou bien si c'est véritablement la question du pouvoir judiciaire discrétionnaire qui vous inquiète, car il est en cause dans les deux cas. Vous ne pouvez pas être contre les peines minimales et en faveur des peines maximales. Vous ne pouvez pas être en faveur d'une limitation du pouvoir judiciaire discrétionnaire dans un cas mais pas dans l'autre.
J'aimerais tout d'abord entendre Lucie à ce sujet, car c'est elle qui a abordé la question du pouvoir judiciaire discrétionnaire la première.