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Merci beaucoup, monsieur le président. Comme vous l'avez dit, je suis accompagné de Greg Yost, de la Section de la politique en matière de droit pénal et du caporal Evan Graham, de la Gendarmerie royale du Canada. Je précise qu'il n'est pas mon garde du corps, mais qu'il est là pour votre gouverne. Je veux que ce soit clair dès le départ.
Je suis ravi de comparaître de nouveau devant votre comité, au début de votre examen du projet de loi .
[Français]
Je constate que le projet de loi a reçu l'appui de tous les partis de la Chambre, mais que de nombreux députés ont exprimé diverses inquiétudes dans leurs commentaires et attendent avec impatience les audiences du comité permanent, au cours desquelles des experts pourront répondre à leurs questions.
[Traduction]
Je tiens à réitérer que le gouvernement est prêt à envisager tout amendement conforme à la portée et aux principes du projet de loi qui, à votre avis, le renforcerait.
Comme vous le savez, le projet de loi a trois volets: la drogue au volant, les défenses qui peuvent être invoquées relativement à l'infraction de conduite avec une alcoolémie supérieure à 80 milligrammes d'alcool et des modifications qui corrigent divers programmes inhérents aux dispositions du Code criminel sur la conduite avec facultés affaiblies.
Au sujet de la drogue au volant, je signale que les dispositions du projet de loi sont presque identiques à celles du projet de loi tel que modifié par le comité permanent pendant la dernière législature. On y établit un cadre législatif pour les experts en reconnaissance des drogues ou le Programme d'ERD.
Le Canada traîne derrière d'autres pays y compris les États-Unis en ce domaine. Depuis 1984, par exemple, la National Highway Traffic Safety Administration des États-Unis appuie un programme de formation des experts en reconnaissance des drogues qui avait d'abord été mis sur pied par le Service de police à Los Angeles, en Californie. La formation d'ERD a été validée dans le cadre d'études menées tant au laboratoire que sur le terrain par l'Université John Hopkins.
En 1987, le comité de la sécurité routière de l'Association internationale des chefs de police a été invité par la NHTSA à participer à la conception d'un programme national d'experts en reconnaissance des drogues et à superviser l'accréditation des ERD. Tout le travail n'a été terminé qu'en 1992, quand ont été adoptées les premières normes de l'association. Ces normes ont été révisées au fil des ans, pour tenir compte des conseils d'experts, notamment en médecine.
Au Canada, les personnes accréditées comme ERD ne peuvent se servir de cette méthode que lorsqu'un suspect participe volontairement au test. Une fois en vigueur notre loi autorisant les policiers à demander au conducteur de se prêter au test, le Canada continuera de suivre la procédure prévue par l'association internationale, de manière que nous utilisions toujours les pratiques et les procédures validées par les données scientifiques les plus à jour.
Il va de soi que mes fonctionnaires et moi-même ne sommes pas des experts en pharmacologie sur ces diverses drogues et leurs effets sur les facultés d'un conducteur. Nous ne savons pas combien de temps chaque drogue reste dans l'organisme, mais nous nous efforcerons de répondre à toutes vos questions. Je suis ravi d'être accompagné de quelques experts.
Je vous signale que nous avons été inspirés par les conseils du comité sur les drogues au volant de la Société canadienne des sciences judiciaires. En 1999, quand la Société a étudié les dispositions sur la conduite avec facultés affaiblies, elle a proposé que la loi exige la participation du conducteur au test de sobriété et aux évaluations de reconnaissance des drogues.
Certains d'entre vous connaissez déjà le programme d'ERD pour en avoir entendu parler dans des audiences précédentes. Je vais donc simplement en décrire les principales étapes.
Pour commencer, le policier doit soupçonner le conducteur d'avoir consommé des drogues avant de l'obliger à se soumettre à un test de sobriété. Ses soupçons peuvent découler de divers facteurs, y compris l'odeur de marijuana ou des symptômes physiques, comme une réaction anormale des yeux à la lumière. Cela ressemble aux soupçons liés à la consommation d'alcool, fondés sur l'odeur d'alcool ou l'apparence des yeux, qui sont nécessaires pour que soit exigé un alcootest au moyen d'un ivressomètre routier.
Ensuite, si le conducteur échoue le test de sobriété au bord de la route, la policier peut exiger que d'autres tests soient effectués au poste de police. En effet, si le conducteur est incapable de marcher en ligne droite ou de rester debout sur un pied, en tenant l'autre à six pouces du sol (les tests habituels), le policier a un motif raisonnable de croire que l'affaiblissement des facultés peut être causé par la consommation de drogues, d'alcool ou des deux. La situation ressemble à celle du policier qui a des motifs raisonnables de croire que le conducteur a les facultés affaiblies par l'alcool et qui l'invite à venir au poste pour donner un échantillon d'haleine, dont l'analyse produira des résultats qui pourront servir de preuve devant un tribunal.
Je crois que les membres du comité comprendront qu'une personne qui ne peut pas réussir un simple test de sobriété routière ne devrait pas conduire. Si l'affaiblissement des facultés est dû à l'alcool ou à une drogue, il y a infraction à la loi. La personne a volontairement consommé une substance qui réduit sa capacité de conduire.
Si l'affaiblissement des facultés est attribuable à un problème de santé, le conducteur doit voir un médecin. La question relève alors de l'organisme provincial qui délivre les permis de conduire.
L'ERD examinera le conducteur et lui fera subir certains tests y compris, par exemple, celui des réactions de l'oeil à différents éclairages, un examen du tonus musculaire, de la tension artérielle et du pouls. Avant de demander un échantillon de substances corporelles, pour fin de dépistage d'une drogue, l'expert en reconnaissance de drogues se sera fait une idée des causes de l'affaiblissement des facultés du conducteur, soit une famille de drogues ou une combinaison de drogues et d'alcool.
Troisièmement, l'analyse de l'échantillon de la substance corporelle confirmera ou infirmera la présence des stupéfiants présumés par l'ERD comme cause de l'affaiblissement des facultés. Il s'agit d'une vérification des conclusions du policier au sujet d'une famille de drogues donnée.
La preuve présentée au tribunal comprendra une description du comportement ou de la conduite imprudente, l'échec à de simples tests de coordination physique, le rapport de l'ERD sur les symptômes physiques observés qui ont mené à la conclusion de l'affaiblissement des facultés par une famille de stupéfiants et la preuve par analyse de la présence de drogues dans l'organisme du conducteur. Si j'ai bien compris, les tribunaux canadiens ont trouvé que la preuve suffisait pour condamner les conducteurs lorsque l'ERD avait procédé à ces tests avec la participation volontaire du suspect. Le projet de loi obligera le conducteur à participer à des tests de coordination physique et à l'examen par l'ERD.
Parlons maintenant de la preuve contraire. Dans le débat en deuxième lecture, les réformes que nous proposons ont fait l'objet d'un soutien massif. M. Comartin, en particulier, un député qui a beaucoup étudié la question et qui a vu les conséquences de la conduite avec facultés affaiblies, a déclaré à maintes reprises que la défense dite « des deux bières » était scandaleuse.
Je suis d'accord avec lui. C'est un scandale que de recourir à la défense des deux bières. C'était peut-être justifié à l'époque où les alcootests étaient faits par des appareils à aiguille, lus par un technicien qui notait les résultats par écrit. Mais avec les appareils électroniques modernes, dotés de dispositifs de vérification interne et dont les résultats sont imprimés, il n'y a plus de raison d'accepter la défense des deux bières. Cette défense ridiculise toute la rigueur employée dans la vérification et la certification des appareils de même que dans la formation des techniciens.
On a demandé s'il était approprié que le Code criminel limite le genre de preuve admissible. Je peux vous dire que le Parlement l'a déjà fait, par exemple, dans les dispositions visant à protéger les victimes de viol, en excluant du contre-interrogatoire de la victime d'une agression sexuelle toute question relative à son passé sexuel. Il est donc tout à fait convenable que le Parlement limite la preuve, dans le cas de la preuve contraire, à ce qui a une valeur scientifique. L'accusé pourra toujours présenter des preuves relatives à sa consommation, mais à moins qu'il puisse prouver que l'instrument certifié fonctionnait mal ou a été mal employé, la preuve de consommation ne sera jugée recevable que si elle est compatible tant avec l'alcoolémie mesurée par l'appareil qu'avec le fait que cette alcoolémie était inférieure à 0,08 pendant la conduite. Par exemple, le conducteur pourrait avoir pris un verre après être descendu de sa voiture et avant de donner un échantillon.
J'aimerais parler maintenant de quelques autres réformes importantes apportées par le projet de loi . On y propose en effet d'augmenter les peines actuelles de diverses façons. Je pense ainsi à l'amende minimale, qui passe de 600 $ à 1 000 $, compte tenu de la gravité de l'infraction. Nous sévirons aussi davantage contre les récidivistes en augmentant la durée des peines obligatoires d'emprisonnement. Par exemple, pour une troisième infraction, la peine minimale passera de 90 à 120 jours.
Je pense que les membres du comité penseront comme nous qu'il est inapproprié qu'un contrevenant ayant commis déjà deux infractions puisse purger sa peine de manière discontinue, comme cela se fait actuellement. Nous proposons en outre que la peine maximale d'emprisonnement lorsqu'on suit la procédure sommaire passe de six à dix-huit mois.
Nos collègues des provinces nous disent qu'il y a actuellement de nombreux cas pour lesquels ils recommanderont une peine de plus de six mois d'emprisonnement. Pour cela, il faut procéder par mise en accusation, une procédure plus grave et plus coûteuse, même s'ils savent qu'ils ne veulent pas obtenir plus de 18 mois d'emprisonnement. Pour une déclaration de culpabilité par procédure sommaire, le maximum de 18 mois est déjà prévu pour bon nombre d'autres infractions, y compris les menaces de mort ou de lésions corporelles, les voies de fait causant des lésions corporelles, l'agression sexuelle et la séquestration. Le gouvernement estime donc que le risque de méfaits que représentent les conducteurs avec facultés affaiblies justifie que la peine maximale pour une déclaration sommaire de culpabilité corresponde à celle qui est prévue pour ces infractions.
En outre, le projet de loi propose la création de nouvelles infractions pour avoir conduit un véhicule avec une alcoolémie supérieure à 80 milligrammes ou avoir refusé de fournir un échantillon d'haleine alors qu'on a causé des lésions corporelles ou la mort. Ces nouvelles infractions correspondent à la nouvelle façon dans le Code criminel de traiter la conduite avec facultés affaiblies... C'est la même chose pour l'alcoolémie supérieure à 80 milligrammes et le refus de fournir un échantillon.
Actuellement, dans le Code criminel, il n'y a que l'infraction de conduite avec facultés affaiblies causant des lésions corporelles ou la mort. Lorsqu'un accident se produit, il peut ne pas y avoir de preuve directe de la conduite de la personne. Il y a des symptômes qui servent habituellement à déduire qu'il y a affaiblissement des facultés, comme le manque d'équilibre, qui peuvent aussi être attribuables à l'accident lui-même. Cela peut encourager la personne impliquée dans un accident à ne pas fournir d'échantillon d'haleine, et comme le certificat relatif à l'alcoolémie peut être une preuve cruciale pour établir l'affaiblissement des facultés du conducteur...
Je crois que le projet de loi C-32 est une mesure législative équilibrée qui aidera beaucoup les policiers, les procureurs et les tribunaux dans les cas de conduite avec facultés affaiblies. J'invite le comité à l'adopter rapidement.
Monsieur le président, voilà qui termine mon discours. Je répondrai volontiers aux questions des membres du comité.
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Merci, monsieur le ministre.
Je n'ai pas d'objection majeure au sujet de ce que vous avez dit. C'est ce que vous avez omis qui pose problème. À la Chambre des communes, vous avez déclaré que l'opposition avait retardé le processus ou fait de l'obstruction pour certains projets de loi relatifs à la justice. Je vous rappelle que notre comité a été saisi de 11 projets de loi, y compris du projet de loi C-35, tout récemment, en un peu plus de 30 semaines de séance.
J'espérais qu'en commençant votre exposé, vous en profiteriez au moins pour féliciter notre président, qui mène très bien cette barque. Manifestement, il n'a pas reçu le gros manuel dont on a parlé, puisque notre comité fonctionne très bien.
Si ce n'est pas le ministre qui vous félicite, monsieur le président, c'est moi que le ferai.
Passons maintenant au coeur du sujet. L'objet du projet de loi est une question dont nous traitons déjà depuis longtemps. J'ai lu les notes d'information. L'intention me paraît bonne. Comme je l'ai dit à la Chambre, dans mes discours, ce sont les détails qui accrochent, et nous voulons une loi efficace. On peut donc d'abord se demander pourquoi le premier ministre a annoncé en septembre 2006 que le budget de formation sur la conduite avec facultés affaiblies par les drogues de la GRC, au montant de 4,6 millions de dollars, serait éliminé parce qu'il ne fonctionnait pas. Pourquoi ne fonctionnait-il pas? Qu'est-ce qui va le remplacer, pour que ce projet de loi soit efficace?
Si vous permettez, monsieur le président, j'ajouterai que le ministre serait peut-être plus à l'aise si c'était le caporal Graham qui répondait à la question sur la nature du programme de 4,6 millions de dollars. Et pendant qu'il s'en occupait, si c'était le cas, croyait-il que ce programme ne fonctionnait pas, qu'il n'était pas efficace, comme l'a dit le premier ministre?
Ma question s'adresse à l'un ou l'autre de vous ou aux deux. Quelles mesures seront prises pour que les policiers aient les outils nécessaires pour dépister les cas de conduite avec facultés affaiblies, de manière que cette loi soit efficace?
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Cela fait beaucoup de choses.
D'abord, rappelons que j'ai nommé votre président à la période des questions, quand on parlait de la loi sur l'âge de protection. J'ai pris la parole pour dire que lui et étaient des pionniers dans ce domaine. Depuis longtemps, ils se mobilisent pour obtenir des modifications au Code criminel à ce sujet. J'ai été juste. J'ai précisé qu'ils n'avaient pas été mal accueillis par le gouvernement précédent. J'ai dit qu'ils avaient été bien accueillis, mais qu'au bout du compte, rien n'avait été fait.
Je les ai donc félicités et je crois que les Canadiens peuvent apprécier les efforts qu'ils ont déployés dans ce domaine et en général dans le domaine du droit pénal. Nous devons leur en être reconnaissants.
Vous avez aussi parlé de la collaboration du Parti libéral. Le projet de loi dont nous étions saisis hier à la Chambre des communes a certainement mis bien du temps à y revenir: un an. Bien franchement, j'ai été déçu par la position adoptée par le Parti libéral. Ce projet de loi aurait imposé des peines d'emprisonnement obligatoires aux contrevenants condamnés pour des infractions graves commises avec des armes à feu.
Vous conviendrez avec moi que votre chef parle assez souvent du problème des actes criminels impliquant des armes à feu. Soyons justes, hier soir, environ sept de vos députés n'ont pas suivi la position du parti. Bon nombre d'entre eux ne se sont pas présentés en Chambre. Certains se sont abstenus. Je pense que plus de 20 libéraux n'ont pas suivi la position du Parti libéral. Voilà le genre de chose qui nous déçoit.
Au sujet de notre appui aux programmes et au financement de la GRC, cette question doit être adressée à mon collègue le , qui parle au nom de la GRC. En terminant votre intervention, je crois que vous avez parlé de vos préoccupations au sujet de la mise en oeuvre des tests. C'est effectivement au caporal Graham qu'il incombe d'y répondre.
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À l'heure actuelle, il y a 2 428 policiers qui ont reçu la formation en matière de tests de sobriété normalisés. Ils travaillent pour des services de police municipaux, provinciaux et régionaux, ainsi que pour la police provinciale de l'Ontario, la Sûreté du Québec, la GRC et la police militaire. Il en va de même pour ceux qui ont reçu la formation d'expert en reconnaissance des drogues.
En 2003, quand nous avons transformé ce programme qui n'existait qu'en Colombie-Britannique en programme national, nous avons décidé de former des policiers de toutes les régions du pays, peu importe l'organisation pour laquelle ils travaillaient. Je pourrais vous donner la répartition, mais je n'ai pas ces chiffres sous la main. J'ai la ventilation par province et je peux aussi vous dire si ces policiers sont membres du service municipal, régional et provincial ou de la GRC.
C'est la GRC qui compte le plus de policiers ayant reçu cette formation. Le programme est né en Colombie-Britannique et a été dispensé là pendant dix ans avant d'être étendu au reste du pays. Or, c'est la GRC qui est la police provinciale dans cette province. En Colombie-Britannique, les deux tiers des policiers sont de la GRC et l'autre tiers, de services de police municipaux et c'est la même proportion pour ceux qui ont reçu la formation.
À l'échelle nationale, c'est le contraire. De 18 p. 100 à 20 p. 100 des membres de la GRC ont été formés, et les autres proviennent d'autres forces policières. Les chiffres varient selon la province. Comme la GRC ne dispense pas de services de police en Ontario, elle y compte peu d'agents ayant été formés comme ERD ou aux tests de sobriété normalisés.
Au Québec, il y a une ERD et elle travaille à la police de Gatineau. Ces dernières années, nous avons dispensé la formation à des policiers de la SQ et de la police de Montréal, mais ils n'y ont pas donné suite. L'an dernier, le Québec a décidé que les policiers du Québec ne recevraient la formation qu'une fois que la loi conférant aux policiers le pouvoir d'exiger l'évaluation serait adoptée. Voilà pourquoi personne n'a été formé au Québec. Nous sommes tout à fait disposés à vous donner la formation, mais pour ces raisons indépendantes de notre volonté, nous ne pouvons pas le faire.
En 2003, nous avons évalué les besoins. Nous avons demandé à tous les services de police de remplir un questionnaire. Il leur incombait alors de nous dire ce qu'ils pensaient, car c'est à l'aide des réponses à ce questionnaire que nous établissons les priorités en matière de formation. Les services de police qui nous ont dit vouloir la formation l'ont reçue et ceux qui n'en voulaient pas ne figurent pas sur notre liste de priorité. Quand nous recevons une demande de formation, nous nous servons de cette liste pour déterminer qui devrait recevoir la formation en priorité.