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Cet énoncé de principe peut sembler inhabituel dans une loi, mais il est au coeur de la justification de l'application de la loi. Certains, surtout les critiques de ces dispositions, affirment que ces articles permettent à la police de violer la loi ou de se soustraire à la loi. Aux yeux du gouvernement, c'est faux. Le principe qui sous-tend la justification veut que ce soit au Parlement de décider ce que les agents d'application de la loi peuvent faire, de façon juste et proportionnelle, pour mener les enquêtes et appliquer la loi, et de faire en sorte que ces activités soient légales.
Enfin, Michael, Erin et moi avons participé activement à la conception et à la prestation de la formation sur la justification de l'application de la loi.
La justification de l'application de la loi trouve son origine dans la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Campbell et Shirose. Dans cet arrêt rendu en avril 1999, la Cour suprême a statué que la police ne jouissait pas de l'immunité à l'égard des actes illégaux commis de bonne foi au cours d'une enquête. Plus particulièrement, la Cour suprême a jugé que la police ne partageait pas l'immunité de la Couronne parce que son statut est distinct de celui de la Couronne quand elle exerce la fonction d'application de la loi. La Cour suprême a aussi statué que la police ne jouissait pas d'une justification en common law. Elle a déclaré que, si une telle immunité était nécessaire, il incombait au Parlement de la prévoir dans une loi.
Dans la cause Campbell et Shirose, la police avait offert de vendre des drogues à des personnes soupçonnées de trafic de drogues pendant une opération d'infiltration. C'est sur la légalité de cette conduite que devait se pencher la Cour suprême.
Ce qu'il y a de paradoxal, c'est que des faits semblables à ceux qui étaient en cause dans l'affaire Campbell et Shirose avaient déjà fait l'objet d'une réglementation adoptée en vertu de la loi réglementant certaines drogues et autres substances, avant que la Cour suprême ne rende sa décision mais, évidemment, après que cette enquête n'ait lieu. Ces règlements sur l'exécution policière, prévoit des exemptions pour certaines infractions relatives aux drogues que commettent les agents de police dans le cadre de leur enquête. Toutefois, en raison de la portée du raisonnement de la Cour suprême dans Campbell et Shirose, décision dans laquelle la cour a déclaré qu'il n'y avait pas de justification de l'application de la loi en common law , ces règlements ne suffisaient pas à justifier nécessairement les autres situations d'enquête et d'application de la loi.
Cela fait que cette décision de la Cour suprême a eu une incidence sur des pratiques d'enquête qui avaient cours depuis de nombreuses années. Il est parfois essentiel pour les agents de police de se faire passer pour des criminels pour infiltrer les organisations sur lesquels ils enquêtent. On a qu'à penser à d'autres situations semblables à celle qui a donné lieu à l'affaire Campbell et Shirose. Les policiers prétendent parfois vouloir vendre ou acheter des biens de contrebande, du tabac et de l'alcool, pour infiltrer les groupes qui s'adonnent à de telles pratiques. Pour être convaincants, les agents d'infiltration doivent parfois offrir d'acheter ou des vendre des biens de contrebande. Si la vente ou l'achat de ces biens en contrebande constitue une infraction criminelle, cette pratique de la police serait limitée en l'absence d'une justification en droit.
En 2001, dans le projet de loi C-24, on a prévu une justification de l'application de la loi afin justement de prévoir dans la loi une justification de ces activités. Avant le dépôt de cette loi, un livre blanc avait été déposé au Sénat, en juin 2000. Le gouvernement voulait connaître l'avis du public sur ces propositions législatives avant de déposer un projet de loi. Ce qui était proposé dans le livre blanc est devenu, avec quelques modifications, le fondement de ce qui est maintenant la justification de l'application de la loi.
Voilà donc en résumé les origines de ces dispositions. J'aimerais maintenant vous expliquer de façon un peu technique comment fonctionne la justification de l'application de loi. J'aimerais d'abord traiter de l'énoncé de principe prévu dans la loi même.
Le paragraphe 25.1(2) dit:
Il est dans l'intérêt public de veiller à ce que les fonctionnaires publics puissent s'acquitter efficacement de leurs fonctions de controle d'application de la loi conformément au principe de la primauté du droit et, à cette fin, de prévoir expressément dans la loi une justification pour la commission par ces fonctionnaires publics et les personnes qui agissent sous leur direction, d'actes ou d'omissions qui constituent par ailleurs des infractions.
Ce principe se fonde aussi sur des considérations pratiques importantes. Il convient en particulier que les agents qui enquêtent sur les crimes et qui agissent de façon juste et proportionnelle, ce faisant ne soient pas tenus criminellement responsables d'avoir fait ce qu'on attendait d'eux; sinon, les agents refuseraient à juste titre de s'adonner à de telles activités.
De plus, toujours du point de vue pratique, la justification de l'application de la loi protège les poursuites qui découlent d'enquêtes menées à l'aide de telles techniques. C'était là d'ailleurs la question au coeur de l'affaire Campbell et Shirose. La défense avait déposé une requête de sursis de l'instance pour poursuite abusive de la part de la police.
J'aimerais maintenant vous expliquer comment on peut invoquer la justification de l'application de la loi.
Trois exigences fondamentales devraient être réunies pour que le régime de justification de l'application de la loi s'applique. Premièrement, le fonctionnaire public, comme on l'appelle dans la loi, doit avoir été désigné; deuxièmement, il doit agir dans le cadre d'une enquête ou de l'application de la loi et, troisièmement, il doit satisfaire à l'exigence de conduite juste et proportionnelle.
Les fonctionnaires publics doivent être désignés individuellement pour que l'exemption s'applique. Quand on a déposé les dispositions, on a d'abord cru qu'on pourrait désigner des groupes de personnes, et c'est ce que prévoyait la loi à l'origine. Pendant le processus d'examen parlementaire, toutefois, on a supprimé la possibilité de désignation collective pour ne conserver que la désignation individuelle. Cette modification soulignait l'importance qu'on accordait à cette exigence et à la responsabilité qu'assume le ministre à cet égard.
On a aussi apporté une autre modification à cet article pendant l'examen parlementaire. Il a été prévu au paragraphe 25.1(3.1) que tout agent de police faisant l'objet d'une désignation doit d'abord voir sa conduite examinée par un organe de surveillance de la police. Ces organismes existent un peu partout au pays. Pour la Gendarmerie royale du Canada, c'est la Commission des plaintes du public contre la GRC. En ajoutant cette disposition, on a fait en sorte que la loi prévoie qu'aucun policier ne puisse être désigné aux fins de la justification de l'application de la loi sans l'approbation d'un organisme de surveillance.
Les dispositions définissent aussi les fonctionnaires publics qui peuvent faire l'objet d'une désignation. Le paragraphe 25.1(1) dispose que, aux fins de ces dispositions, un fonctionnaire public est un agent de la paix ou un fonctionnaire public disposant des pouvoirs d'un agent de la paix, soit, dans les faits, un agent d'application de la loi.
Qui peut procéder aux désignations? Pour la Gendarmerie royale du Canada, c'est le ministre de la Sécurité publique du Canada. Pour la police qui relève des autorités provinciales, c'est le ministre provincial responsable des services policiers et, pour les autres fonctionnaires publics tels que les agents de douane, les agents des pêches et les agents de l'environnement, c'est le ministre responsable de la loi que ces agents sont chargés d'appliquer.
La désignation d'urgence est aussi possible. Normalement, la désignation est faite par l'autorité compétente, à savoir le ministre de qui relève l'agent. Dans certains cas limités, un fonctionnaire supérieur chargé de l'application de la loi peut désigner un fonctionnaire public, mais cette désignation d'urgence n'est valable que pour 48 heures et doit être signalée à l'autorité compétente sans délai. Les fonctionnaires supérieurs chargés de l'application de la loi qui son habilités à procéder à des désignations d'urgence et à donner des autorisations spéciales pour certains actes et omissions, doivent eux-mêmes être désignés par le ministre compétent.
Voilà donc essentiellement qui peut procéder à des désignations et comment cela se fait. Je vais maintenant vous décrire les situations générales dans lesquelles un agent peut invoquer la justification.
Les dispositions législatives précisent qu'un fonctionnaire public doit agir dans le cadre d'une enquête sur une infraction à une loi du Parlement canadien, dans le cadre de l'application d'une loi du Parlement canadien ou, de façon plus générale, dans le cadre d'une enquête sur des activités criminelles. En d'autres termes, le fonctionnaire public doit agir dans le cadre de ses fonctions — une exigence simple et sensée mais que prévoit néanmoins la loi. Cela comprend l'application des lois fédérales et les enquêtes sur des infractions à ces lois. Le régime de justification ne s'applique pas aux enquêtes sur les infractions provinciales.
J'en arrive maintenant au coeur de toutes ces dispositions, à savoir, dans quelles circonstances particulières, aux termes de quels critères particuliers on peut invoquer la justification de l'application de la loi. C'est ce que prévoit l'alinéa 25.1(8)c), qui dispose que le fonctionnaire public doit avoir des motifs raisonnables de croire que l'acte ou l'omission qu'il commet est juste et proportionnel dans les circonstances.
Ce principe se fonde aussi sur des considérations pratiques importantes. Il convient, en particulier, que les agents qui enquêtent sur les crimes et qui agissent de façon juste et proportionnelle, ce faisant, ne soient pas tenus criminellement responsables d'avoir fait ce qu'on attendait d'eux; sinon, les agents refuseraient à juste titre de s'adonner à de telles activités.
De plus, toujours d'un point de vue pratique, la justification de l'application de la loi protège les poursuites qui découlent d'enquêtes menées à l'aide de telles techniques. C'était là d'ailleurs la question au coeur de l'affaire Campbell et Shirose. La défense avait déposé une requête de sursis de l'instance pour poursuite abusive de la part de la police.
J'aimerais maintenant vous expliquer comment on peut invoquer la justification de l'application de la loi. Trois exigences fondamentales devraient être réunies pour que le régime de justification d'application de la loi s'applique. Premièrement, le fonctionnaire public, comme on l'appelle dans la loi, doit avoir été désigné; deuxièmement, il doit agir dans le cadre d'une enquête ou de l'application de la loi et, troisièmement, il doit conformer à l'exigence de conduite juste et proportionnelle.
Les fonctionnaires publics doivent être désignés individuellement pour que l'exemption s'applique. Quand on a à déposer les dispositions, on a d'abord cru qu'on pourrait désigner des groupes de personnes, et c'est ce que prévoyait la loi à l'origine. Pendant le processus d'examen parlementaire, toutefois, on a supprimé la possibilité de désignation collective pour ne conserver que la désignation individuelle. Cela soulignait l'importance qu'on accordait à cette exigence et à la responsabilité qu'assume le ministre à cet égard. On a aussi apporté une autre modification à cet article pendant l'examen parlementaire.
Il a été prévu au paragraphe 25.1(3.1) que tout agent de police faisant l'objet d'une désignation doit d'abord voir sa conduite examinée par un organe de surveillance de la police. Ces organismes existent un peu partout au pays. Pour la Gendarmerie royale du Canada, c'est la Commission des plaintes du public contre la GRC. En ajoutant cette disposition, on a fait en sorte que la loi prévoit qu'aucun policier ne puisse être désigné aux fins de la justification pour l'exécution de la loi sans l'approbation d'un organisme de surveillance.
Les dispositions définissent aussi les fonctionnaires publics qui peuvent faire l'objet d'une désignation. Le paragraphe 25.1(1) dispose que, aux fins de ces articles,
un fonctionnaire public est un agent de la paix ou un fonctionnaire public disposant des pouvoirs d'un agent de la paix, soit, dans les faits, un agent d'application de la loi.
On parle en fait d'agents de la force publique.
Qui peut procéder aux désignations? Pour la Gendarmerie royale du Canada, c'est le ministre de la Sécurité publique du Canada, pour la police qui relève des autorités provinciales, c'est le ministre responsable de la police dans cette province et, pour les autres fonctionnaires publics tels que les agents de douane, les agents des pêches et les agents de l'environnement, c'est le ministre responsable de la loi que ces agents sont chargés d'appliquer.
La désignation d'urgence est aussi possible. Normalement, la désignation est faite par l'autorité compétente, à savoir le ministre de qui relève l'agent. Dans certains cas limités, un fonctionnaire supérieur chargé de l'application de la loi peut désigner un fonctionnaire public, mais cette désignation d'urgence n'est valable que pour 48 heures et doit être signalée à l'autorité compétente sans délai.
Les fonctionnaires supérieurs chargés de l'application de la loi qui son habilités à procéder à des désignations d'urgence et à donner des autorisations spéciales pour certains actes et omissions doivent eux-mêmes être désignés par le ministre compétent.
Voilà donc essentiellement qui peut procéder à des désignations et comment cela se fait.
Je vais maintenant vous décrire les situations générales dans lesquelles un agent peut invoquer la justification. Les dispositions législatives précises qu'un fonctionnaire public doit agir dans le cadre d'une enquête sur une infraction à une loi du Parlement canadien, dans le cadre de l'application d'une loi du Parlement canadien ou, de façon plus générale, dans le cadre d'une enquête sur des activités criminelles. En d'autres termes, le fonctionnaire public doit agir dans le cadre de ses fonctions — une exigence simple et sensée mais que prévoit néanmoins la loi.
Cela comprend l'application des lois fédérales et les enquêtes sur des infractions à ces lois. Le régime de justification ne s'applique pas aux enquêtes sur les infractions provinciales.
J'en arrive maintenant au coeur de toutes ces dispositions, à savoir, dans quelles circonstances particulières, aux termes de quels critères particuliers peut-on invoquer la justification pour l'exécution de la loi. C'est ce que prévoit l'alinéa 25.1(8)c), qui dispose que le fonctionnaire public doit avoir des motifs raisonnables de croire que l'acte ou l'omission qu'il commet est juste et proportionnel dans les circonstances.
Il y a trois types de conduite que nous abordons de façon générale dans notre formation et qui peuvent être justifiés en vertu de ce régime. Premièrement, il y a les types de conduite qui ne sont pas du tout justifiés. Il y a les conduites qui ne sont justifiées qu'avec l'autorisation d'un fonctionnaire supérieur. Et troisièmement, il y a les conduites qui sont justifiées sans l'autorisation d'un fonctionnaire supérieur.
Trois critères déterminent le caractère juste et raisonnable: la nature de l'acte ou de l'omission, la nature de l'enquête et la disponibilité raisonnable d'autres moyens d'exécuter les fonctions d'application de la loi. Ces critères ne sont pas nécessairement exhaustifs, toutefois.
Ce critère sur ce qui est juste et raisonnable est crucial, car il décrit la nature essentielle des actes et omissions qui seraient autrement illégaux et qui peuvent se justifier dans le cadre de ce régime. Il permet de déterminer ce qui est juste et raisonnable et se fonde à la fois sur les éléments subjectifs et objectifs. L'agent doit lui-même croire que l'acte ou l'omission est juste et proportionnel; toutefois, cette croyance doit se fonder sur des motifs raisonnables. Il est aussi important de souligner que tout comportement qui ne satisfait pas aux critères de ce qui est juste et proportionnel ou à toute autre exigence du régime ne peut faire l'objet de la justification prévue par cette disposition et pourrait être considéré comme une infraction.
Ce dernier point est important et nous avons insisté là-dessus lors de la formation que nous avons dispensée un peu partout au pays. Comme je l'ai déjà dit, et j'y reviendrai, la justification de l'application de la loi ne confère pas une immunité illimitée aux agents de la paix. C'est plutôt une justification assortie de nombreuses conditions, y compris l'exigence fondamentale selon laquelle, pour chaque acte ou omission, l'agent doit déterminer le caractère juste et raisonnable et cette détermination doit se faire en fonction de motifs raisonnables.
C'est là une lourde responsabilité qui a donné lieu à beaucoup de prudence, une prudence qui m'apparaît tout à fait indiquée, dans l'application de cette justification. Si un policier évalue mal le caractère juste et proportionnel de ses actes, même s'ils ont été exercés en toute bonne foi, ne pourront être justifiés. Cela pourrait entraîner diverses conséquences. On pourrait intenter des poursuites contre cet agent, il pourrait y avoir des plaintes du public, des procédures disciplinaires et même des poursuites au civil. En outre, si on ne remplit pas toutes les conditions dont la justification de l'application de la loi est assortie, la protection qu'offre ce régime aux enquêtes et aux poursuites ne pourra s'appliquer, ce qui pourrait mener à des sursis d'instance pour abus de procédure.
Je reviens pendant un instant à la justification comme telle pour noter que le paragraphe 25.1(8) justifie la commission d'actes ou d'omissions qui constitueraient par ailleurs une infraction par les fonctionnaires publics désignés, mais aussi le fait pour un fonctionnaire public d'ordonner la commission de tels actes ou omissions. Cela peut se produire quand l'agent n'infiltre pas un gang lui-même mais donne des directives à une personne qui collabore avec la police, ce qui se fait dans les opérations d'infiltration.
Pour que les ordres ou directives du fonctionnaire public soient justifiés, toutefois, il lui faudra satisfaire à toutes les exigences du régime de justification, y compris le critère de ce qui est juste et proportionnel. En outre, le fonctionnaire public qui donne de telles directives devra avoir obtenu l'autorisation préalable d'un fonctionnaire supérieur chargé de l'application de la loi.
Le paragraphe 25.1(10) accorde la justification aux personnes qui agissent sous la direction d'un fonctionnaire public; sinon, cette personne serait assujettie à la loi et les instances judiciaires qui pourraient découler de cette enquête pourraient aussi faire l'objet d'une contestation pour abus de procédure. Toutefois, la personne qui agit sous la direction d'un fonctionnaire public désigné n'a pas à s'assurer du caractère juste et proportionnel de la conduite en question.
Cela peut sembler curieux, mais il faut comprendre que dans une telle situation, c'est au fonctionnaire public qui donne les directives qu' il incombe d'évaluer si les actes et les omissions sont justes et proportionnels, parce que la personne qui agit sous la direction d'un agent d'application de la loi n'a ni la formation ni toutes les informations sur l'enquête lui permettant d'évaluer de façon éclairée le caractère juste et proportionnel des actes et omissions. Néanmoins, certaines normes s'appliquent à la personne qui agit sous la direction d'un fonctionnaire public désigné. Ainsi, cette personne doit avoir des motifs raisonnables de croire que le fonctionnaire public a été autorisé à lui donner des directives et que l'acte ou l'omission est commis pour aider le fonctionnaire public dans l'exécution de ses fonctions d'application de la loi.
La première des catégories, les conduites qui ne sont jamais justifiées, est énoncée dans le paragraphe 25.1(11), qui prévoit ce qui suit : « le présent article n'a pas effet de justifier une personne de causer [...] des lésions corporelles à une autre personne ou la mort de celle-ci », d'entraver le cours de la justice ou « de commettre un acte qui porte atteinte à l'intégrité sexuelle d'une personne ». Cette exclusion est absolue; que l'on se soit ou non conformé aux autres exigences de l'article 25.1; La justification de l'application de la loi ne peut être invoquée pour justifier ces types de conduites.
Outre cette exclusion fondamentale, il y en a d'autres. Le paragraphe 25.1(13) dispose que « le présent article n'a pas pour effet de conférer aux fonctionnaires publics une immunité en matière pénale pour toute inobservation des autres exigences applicables à l'obtention d'éléments de preuve ». Cette disposition vise notamment à empêcher des individus d'invoquer l'article 25.1 pour justifier la collecte de preuves au moyen d'écoutes électroniques, de perquisitions ou d'empreintes génétiques. D'une façon générale, on peut dire que dans le cas où il fallait obtenir un mandat auparavant, il faut encore le faire, car l'article 25.1 ne supprime pas cette exigence de la loi.
Par ailleurs, dans une optique plus technique, le paragraphe 25.1(14) précise que cet article ne justifie pas des actes qui constitueraient une infraction aux lois relatives aux stupéfiants. Comme je l'ai déjà signalé, certains de ces actes sont visés par un régime distinct en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
J'ai mentionné l'autorisation d'un fonctionnaire supérieur. En vertu de l'alinéa 25.1(9)a), il faut obtenir l'autorisation d'un fonctionnaire supérieur dans certains cas. Il s'agit essentiellement des deux cas suivants : premièrement, si l'acte est susceptible d'entraîner la perte de biens ou des dommages importants à ceux-ci et, deuxièmement, si une personne qui n'est pas un agent d'application de la loi désigné se livre à de tels actes et que l'agent ordonne la commission de cet acte.
Il faut bien comprendre que cette exigence, soit d'obtenir l'autorisation d'un fonctionnaire supérieur, vient s'ajouter à toutes les autres exigences prévues par le régime; elle ne s'y substitue pas. L'agent doit être persuadé du caractère raisonnable et proportionnel de l'acte et il doit quand même être désigné. Et, par surcroît, il doit obtenir l'autorisation de commettre certains actes.
Par ailleurs, il faut savoir que le fonctionnaire supérieur qui donne son autorisation par écrit doit lui aussi être désigné par le ministre compétent. Il y a cependant certains cas où l'on peut procéder sans avoir l'autorisation normalement exigée. Il s'agit essentiellement des situations d'urgence. Ainsi, il ne serait pas nécessaire d'obtenir cette autorisation si celle-ci serait justifiée mais qu'il est impossible de l'obtenir dans les circonstances, notamment lorsque l'omission était nécessaire pour préserver la vie ou la sécurité d'une personne, pour éviter de compromettre la confidentialité de l'identité d'un fonctionnaire public ou d'un informateur ou de prévenir la perte ou la destruction imminente d'éléments de preuve d'un acte criminel. Néanmoins, certaines exigences spéciales relatives à la présentation d'un rapport s'appliquent dans de telles circonstances où l'on doit procéder sans autorisation.
Voilà en gros l'aspect technique d'appliquer la justification de l'application de la loi. J'en arrive maintenant à l'exigence de rédiger un rapport. C'est un élément important qu'on a ajouté au régime de justification de l'application de la loi après la publication du livre blanc. Après cette proposition législative initiale, plusieurs personnes ont demandé que les dispositions comprennent plus d'exigences en matière de reddition de comptes. Les exigences relatives au rapport ont été ajoutées après la publication du livre blanc mais avant l'introduction de mesures législatives donnant suite à ces préoccupations au sujet de la reddition de comptes.
La première de ces exigences a trait à la préparation d'un rapport interne. Les agents sont tenus de présenter, dans le meilleur délai, au fonctionnaire supérieur responsable de l'application de la loi, un rapport écrit décrivant l'acte ou l'omission en cause. Il s'agit d'un acte ou d'une omission pour laquelle il aurait normalement fallu obtenir une autorisation écrite ou pour laquelle on n'avait pas demandé cette autorisation à cause d'une situation urgente. Cette exigence s'applique aux actes susceptibles d'entraîner la perte de biens ou de dommages importants à ceux-ci, ou au cas où un fonctionnaire public ordonne à une autre personne de commettre des actes ou des omissions qui seraient par ailleurs illégaux.
En ce qui concerne la présentation de rapport, la deuxième exigence s'applique au fonctionnaire supérieur qui reçoit un tel rapport; il doit, dans le meilleur délai, aviser la personne dont les biens ont été perdus ou gravement endommagés. Certains craignaient que si les policiers recouraient à la justification d'application de la loi lorsqu'ils devaient endommager ou détruire des biens, les tierces parties sans rapport avec l'enquête ne seraient pas informées des dommages causés à leurs biens et ne pourraient pas s'adresser au gouvernement pour demander d'être indemnisés.
L'exigence énoncée dans l'article 25.3 donne suite à cette préoccupation.
L'autorité compétente peut, cependant, autoriser le report de cet avis — mais non son omission — si elle estime que ledit avis risque d'avoir des effets nuisibles, notamment de compromettre ou d'entraver le bon déroulement d'une enquête, de compromettre l'identité d'un agent d'infiltration, de mettre en danger la vie ou la sécurité de quiconque ou d'aller à l'encontre de l'intérêt public.
Enfin, l'article 25.3 établit l'exigence d'un rapport public. Les autorités compétentes, c'est-à-dire les ministres, doivent publier chaque année un rapport portant sur les activités des fonctionnaires publics et des fonctionnaires supérieurs d'application de la loi qu'ils ont désignés.
Le rapport public annuel doit inclure des renseignements sur le recours à la justification d'application de la loi dans les cas où les désignations d'urgence ont été faites, dans les cas où on a accordé au préalable une autorisation écrite et dans les cas où en raison d'une situation urgente on n'a pas obtenu une autorisation spéciale qui normalement aurait été nécessaire. Le rapport ne divulguera toutefois pas de renseignement qui pourrait compromettre le déroulement d'enquêtes, révéler l'identité des policiers ou d'informateurs, mettre en danger la vie ou la sécurité de personnes, porter atteinte à une procédure judiciaire ou aller à l'encontre de l'intérêt public.
Voilà l'essence du régime de justification de l'application de la loi.
Après l'entrée en vigueur du régime, on a offert une formation poussée aux agents d'application de la loi susceptibles d'être désignés en vertu de ce régime et à d'autres personnes qui voulaient absolument connaître ces dispositions à fond.
Je laisserai le soin de décrire les modalités de désignation aux agents compétents des ministères responsables de ces désignations, soit au niveau fédéral, Sécurité et Protection civile Canada.
Le processus de désignation comporte une exigence essentielle: ne peuvent être désignées que les personnes ayant reçu cette formation. La formation a également été donnée aux avocats de la Couronne aux niveaux fédéral et provincial, qui pourraient conseiller les agents d'application de la loi sur le recours à cette justification. Cette formation a été donnée par suite d'un engagement pris par le ministre de la Justice au moment de l'entrée en vigueur de ces dispositions.
Cela dit, il faut reconnaître qu'au moment de leur adoption, ces dispositions ont suscité certaines inquiétudes dans la population canadienne, inquiétudes fondées essentiellement sur deux arguments. Dans le premier cas, certains observateurs ont fait valoir que la justification de l'application de la loi était par principe inacceptable car elle exemptait les agents des corps policiers de l'obligation de respecter la loi, contrairement à ce qui, d'après certains, avait toujours été la norme au Canada. Dans le deuxième cas, on estimait que la justification de l'application de la loi légaliserait certains abus commis par des agents de police. Or, ni l'une ni l'autre de ces inquiétudes par ailleurs légitimes n'étaient fondées, compte tenu du régime adopté à l'époque.
Le régime de justification de l'application de la loi n'exempte pas les membres de corps policiers de l'obligation de respecter la loi. Elle a pour objectif et pour effet de consacrer dans une loi le fondement de méthodes d'enquête et d'application de la loi qui existaient depuis longtemps et revêtaient une importance capitale pour l'application de la loi; le législateur a voulu reconnaître légalement ces activités et les assujettir à des normes législatives et à des mécanismes de reddition de comptes explicites.
En ce qui concerne les risques d'abus, l'autre crainte le plus souvent exprimée, il faut souligner que l'exigence juridique fondamentale permettant de recourir à la justification d'application de la loi est le caractère raisonnable et proportionnel de l'acte en question. Il y a une grande différence entre une conduite qui constitue un abus et une conduite raisonnable et proportionnelle. Par conséquent, en instituant ce critère légal, le régime de justification de l'application de la loi n'ouvrait pas la porte à des abus de la part des policiers. Bien au contraire, elle consacrait par une loi des normes fondamentales qui s'appliquent à la conduite des corps policiers.
Voilà l'essentiel de mon exposé. Je vous remercie de votre patience. Je sais qu'il y a des aspects assez techniques et je serais ravi, de même que mes collègues, de vous donner d'autres explications à ce sujet ou de répondre à vos questions.