:
La séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne est ouverte.
Nous sommes le mardi 20 mars 2007. Tous les membres du comité, tout comme les témoins, ont, je crois, reçu l'ordre du jour. Nous poursuivons l'étude du processus de nomination des juges.
J'aimerais remercier tous les témoins qui comparaissent ce matin devant le comité. Nous allons entendre M. Marc Giroux, commissaire par intérim du Bureau du commissaire à la magistrature fédérale, Judith Bellis, avocate générale, du ministère de la Justice. À titre personnel, nous allons entendre M. Sébastien Grammond, professeur à l'Université d'Ottawa, qui n'est pas encore arrivé mais qui ne va pas tarder, je crois, et M. Peter Russell, professeur de sciences politiques à l'Université de Toronto. Nous avons également J. Parker MacCarthy, président, et Mme Kerri Froc, analyste de politiques juridiques, de l'Association du Barreau canadien.
Je propose de donner la parole aux témoins en suivant l'ordre dans lequel ils figurent sur l'ordre du jour. Je vais donc donner la parole à M. Marc Giroux.
:
Merci, monsieur le président.
Chers membres du comité,
[Traduction]
Je suis heureux et honoré d'avoir aujourd'hui la possibilité de vous communiquer des renseignements au sujet du processus de nomination des juges fédéraux et de répondre à vos questions. Je sais que je dispose d'une dizaine de minutes pour présenter mes remarques d'ouverture, et je m'efforcerai d'être bref.
[Français]
Tout d'abord, je voudrais faire un très bref survol de notre bureau, pour ceux et celles qui le connaissent moins. Le Bureau du commissaire à la magistrature fédérale a été créé en 1978 en vertu de la Loi sur les juges et il a pour mandat de protéger l'indépendance de la magistrature, de soutenir les juges nommés par le gouvernement fédéral et de leur permettre d'avoir toute l'autonomie nécessaire face au ministère de la Justice. En effet, notre bureau est indépendant du ministère de la Justice.
Je ne m'attarderai pas sur les divers services que notre bureau rend aux 1 066 juges nommés par le gouvernement fédéral, aux 400 juges à la retraite et aux 350 survivants de juges, mais il me fera plaisir de répondre à toute question à ce sujet, s'il y en a. Je passe donc directement à la question du processus de nomination judiciaire.
[Traduction]
D'abord, un court rappel historique sur le processus de nomination des juges fédéraux et de ses comités. Le système a été annoncé en 1988 par l'honorable Ray Hnatyshyn, ministre de la Justice, et sa mise en place a été complétée en 1989 lorsque les comités consultatifs prévus par ce processus sont devenus opérationnels. À l'époque, 12 comités consultatifs comptant chacun cinq membres ont été constitués dans chaque province et territoire, et chacun comprenait un représentant de l'Association du Barreau canadien, un représentant du barreau de la province ou du territoire, le juge en chef et le procureur général de la province ou du territoire concerné et le ministre fédéral de la Justice. Ces comités étaient chargés de conseiller le ministre et de lui faire savoir si les candidats étaient qualifiés ou non qualifiés, aux fins de la nomination. Le commissaire à la magistrature fédérale a été chargé d'administrer ce processus.
En fait, les ministres de la Justice qui se sont succédé au fil des ans ont apporté un certain nombre de modifications à ce processus. Je vais en mentionner quelques-uns. En 1991, par exemple, les deux cotes « qualifié » ou « non qualifié » ont été remplacées par les trois cotes suivantes: « fortement recommandé », « recommandé » ou « sans recommandation ». De plus, en 1994, le comité de l'Ontario a été remplacé par trois comités régionaux, et celui du Québec, par deux. On a ajouté aux comités deux membres supplémentaires désignés par le ministre de la Justice, afin d'augmenter la représentation des non-juristes. Le ministre de l'époque s'est aussi personnellement engagé à ne recommander au cabinet aucun nouveau candidat qui n'ait pas été recommandé au préalable par un comité consultatif de la magistrature. Cet engagement a confirmé une pratique qui est toujours suivie à l'heure actuelle.
Un autre changement notable est survenu en 2005; un nouveau code de déontologie destiné aux membres des comités consultatifs de la magistrature a été rédigé et affiché sur notre site Web; ont également été affichés sur ce site le nom de tous les membres des comités, les nouvelles lignes directrices destinées aux membres des comités consultatifs ainsi que des renseignements concernant le nombre des candidatures à des postes de juge et les évaluations des comités.
Cela dit, comment ce système fonctionne-t-il aujourd'hui? Eh bien, les comités consultatifs de la magistrature, des organes indépendants, demeurent un élément très important du processus de nomination. Ce sont les comités qui sont chargés d'évaluer les compétences des avocats et des juges des cours provinciales et territoriales qui font acte de candidature.
[Français]
Il y a au moins un comité par province et par territoire. Comme l'Ontario et le Québec ont une plus population plus importante, on y compte respectivement trois et deux comités. La durée du mandat de certains de ces comités est maintenant de trois ans, tandis qu'elle est toujours de deux ans pour les autres. Puisqu'il y a désormais un membre représentant la collectivité des responsables de l'application de la loi, chaque comité compte huit membres, c'est-à-dire un juge représentant le juge en chef de la province ou du territoire, un représentant du barreau de la province ou du territoire, un représentant de la division de l'Association du barreau canadien de la province ou du territoire, un représentant du procureur général de la province ou du territoire, un représentant de la collectivité des responsables de l'application de la loi et trois personnes représentants le ministre fédéral de la Justice.
Les membres qui sont juges sont maintenant aussi automatiquement présidents des comités, mais ils ne peuvent voter qu'en cas d'égalité des voix, bien que les comités formulent d'habitude leurs recommandations à la suite d'un consensus.
Il y a aussi un nouveau comité consultatif à la magistrature pour la Cour canadienne de l'impôt qui compte cinq membres: un juge de la Cour canadienne de l'impôt et quatre autres personnes désignées par le ministre de la Justice, après consultation avec le juge en chef de la Cour canadienne de l'impôt. La création de ce comité constitue un projet-pilote d'une durée d'un an.
Le commissaire à la magistrature fédérale a la responsabilité de diriger le processus de nomination au nom du ministre de la Justice. Il doit s'acquitter de son devoir de telle manière que soient traités tous les candidats à la magistrature dans un esprit d'équité et d'égalité. Le commissaire ou son délégué, la directrice exécutive pour les nominations à la magistrature, assiste à chaque réunion du comité à titre de membre ex officio et fait le lien entre le ministre et les comités. De même, le Secrétariat des nominations à la magistrature de notre bureau assure l'appui administratif aux comités, notamment au cours des séances d'information. Il le fait aussi en ce qui a trait aux lignes directrices relatives à la confidentialité et aux autres procédures. Toutes les séances et consultations des comités se déroulent de manière confidentielle.
Compte tenu de cette structure, que doit-on faire lorsque l'on veut devenir juge? L'avocat qui est qualifié ou le juge d'une cour provinciale ou territoriale qui veut poser sa candidature à un poste de juge d'une cour supérieure de la province ou du territoire, à la Cour fédérale, à la Cour d'appel fédérale ou à la Cour canadienne de l'impôt, doit s'adresser au commissaire à la magistrature fédérale.
[Traduction]
On demande aux candidats de remplir une fiche de candidature qui fournit au comité les données fondamentales qui lui serviront à faire son évaluation. Outre les renseignements habituels qui figurent dans un curriculum vitae, cette fiche comprend des renseignements sur les activités antérieures autres que juridiques du candidat, ses autres activités professionnelles et communautaires, et sa capacité d'instruire les causes dans les deux langues officielles, les qualifications pertinentes à son éventuelle nomination et certains aspects personnels, comme sa santé et sa situation financière. On demande également aux candidats de signer le formulaire d'autorisation qui permet à notre bureau d'obtenir auprès du ou des barreaux concernés une attestation de leur statut de membre en règle.
Lorsque notre bureau conclut que le candidat répond aux conditions légales de nomination à la magistrature — en général, on doit avoir été membre d'un barreau pendant 10 ans —, il transmet le dossier au comité consultatif compétent pour évaluation, ou pour observations seulement s'il s'agit d'un juge d'une cour provinciale ou territoriale.
Lorsque le comité consultatif de la magistrature est saisi d'une candidature, la compétence professionnelle et le mérite constituent les principaux critères d'évaluation. Il est remis aux membres du comité des critères d'évaluation permettant d'évaluer l'aptitude du candidat à la magistrature. Sans aller dans tous les détails, ces critères ont trait à sa compétence et à son expérience professionnelle, à sa maîtrise de l'autre langue officielle, aux qualités personnelles et aux facteurs qui pourraient faire obstacle à sa nomination. On invite les comités à tenir compte de l'importance de la diversité au sein de la magistrature et de l'ensemble de l'expérience juridique du candidat, y compris celle d'une pratique juridique non conventionnelle. Le comité effectue pour chaque candidat de vastes consultations dans les milieux juridiques et non juridiques. Les comités évaluent le candidat à une nomination à la magistrature en fonction de deux cotes: « recommandé » ou « sans recommandation ».
Lorsque l'évaluation est complétée, le candidat est avisé de la date à laquelle il a été évalué. L'évaluation est valable pour une période de deux ans. Les résultats demeurent strictement confidentiels et sont uniquement communiqués au ministre. L'évaluation de chaque candidat doit être certifiée par le commissaire ou par son délégué avant d'être remise au ministre
[Français]
La candidature d'un juge d'une cour provinciale ou territoriale est traitée en général selon le même processus. Cependant, ces candidatures ne sont pas évaluées comme telles, mais transmises au comité compétent pour observations.
Enfin, lorsque le ministre veut combler un poste vacant, notre bureau prépare les recommandations nécessaires, qui devront être signées par le ministre, en ce qui a trait à la nomination des juges puînés, et par le premier ministre, en ce qui a trait à la nomination des juges en chef.
Merci, monsieur le président. Je serai heureux de répondre plus tard aux questions que les membres du comité pourraient vouloir poser.
:
Merci, monsieur le président.
Comme le président du comité l'a mentionné, je suis avocate générale et directrice des Services des affaires judiciaires du ministère de la Justice. Pour vous donner une brève idée du rôle de mon bureau, je vous dirais que la section des affaires judiciaires fournit des conseils spécialisés sur des questions juridiques et de politique au ministre de la Justice, au sous-ministre, ainsi qu'à tous les autres fonctionnaires du gouvernement sur toute question touchant les tribunaux et la magistrature du Canada.
À la demande du commissaire à la magistrature fédérale, mes services fournissent également des conseils juridiques sur l'administration de la partie I de la Loi sur les juges et sur les questions connexes. Ce sont les dispositions qui traitent de la rémunération et des avantages sociaux accordés aux juges des cours supérieures canadiennes.
En tant que directrice des Services des affaires judiciaires, je seconde et conseille le sous-ministre et le ministre sur toutes les grandes questions juridiques et de politique judiciaire, en particulier dans le contexte parlementaire et exécutif. Les Services des affaires judiciaires sont chargés d'élaborer et de coordonner toutes les initiatives législatives en matière de politique judiciaire, y compris les modifications apportées à la Loi sur les juges. Mes services élaborent des politiques et coordonnent l'intervention du gouvernement dans le domaine de la rémunération et dans d'autres secteurs ayant des répercussions financières pour le gouvernement. Nous préparons tous les documents dont a besoin le cabinet et nous élaborons des instructions de rédaction législative concernant les nouveaux projets de loi ou les modifications législatives.
Mes services jouent un rôle clé pour le ministère et pour le gouvernement à l'égard de la Commission d'examen de la rémunération des juges. Moi et l'avocat-conseil, le sous-procureur général adjoint pour le contentieux civil, sommes chargés d'élaborer les observations que le gouvernement présente à la commission quadriennale et de tous les aspects de ce processus devant la commission.
Lorsque la commission a présenté son rapport, mes services préparent la réponse du ministre de la Justice et mettent en oeuvre les recommandations de la commission en suivant les processus parlementaires et exécutifs, y compris les comparutions devant le comité de la Chambre des communes et le comité sénatorial, ce qui nous a amenés, bien évidemment, à comparaître devant votre comité un certain nombre de fois sur ces questions.
Nous exerçons également une fonction d'élaboration de politiques concernant les autres lois qui régissent ce que nous appelons les tribunaux de l'article 101: la Cour suprême du Canada, la Cour fédérale, la Cour d'appel fédérale, la Cour de l'impôt, la Cour d'appel de la Cour martiale et tous les règlements connexes. Par exemple, nous sommes responsables de l'élaboration de la politique et de la mise en oeuvre de la Loi sur le Service administratif des tribunaux judiciaires en 2003. Ces services sont fournis aux tribunaux de l'article 101, à l'exception de la Cour suprême du Canada.
Nous exerçons un certain nombre d'autres fonctions de liaison avec les organismes judiciaires importants, par exemple. Nous participons à tous les contentieux importants qui concernent les tribunaux, jusque devant la Cour suprême du Canada, ce qui nous amène à donner des directives à nos clients, si vous voulez, aux avocats dans des affaires comme celle des juges de l'î.-P.-É. et l'affaire Bodner, que les membres du comité connaissent bien, je le sais.
Voilà donc un bref aperçu de ce que font mes services et de ce que je fais. Je vais maintenant expliquer ce que ne font pas les Services des affaires judiciaires, ce qui vous expliquera peut-être pourquoi je risque de ne pas être particulièrement utile au comité aujourd'hui, même si j'espère quand même pouvoir apporter certains éléments utiles sur certains sujets.
Comme l'a indiqué M. Giroux, c'est pour respecter l'indépendance — c'est-à-dire pour soustraire les nominations judiciaires à toute apparence d'influence exercée par le chef du contentieux devant nos tribunaux, le ministère de la Justice, que le processus de nomination des juges est administré par le bureau du commissaire. Ni le sous-ministre de la Justice, ni les Services des affaires judiciaires, ni aucun autre fonctionnaire du ministère de la Justice ne participe directement au processus de nomination des juges. Nous ne participons ni à la création, ni au fonctionnement des comités de nomination des juges.
Cela dit, nous fournissons, à la demande du ministre de la Justice, des conseils en matière de réforme du processus de nomination des juges, comme je l'ai dit, si cela nous est demandé. Par exemple, les Services des affaires judiciaires ont conseillé les deux gouvernements successifs, le gouvernement précédent et le gouvernement actuel, sur les options en matière de réforme du processus de nomination des juges de la Cour suprême du Canada. Cela nous a ainsi amenés à faire une étude comparative qui a précisé divers éléments des différents types de commissions qui existent au Canada. Nous avons des tableaux qui décrivent, sur une base comparative, les différents éléments de ces processus. Je possède également des documents qui présentent un aperçu général du processus de nomination des juges dans un certain nombre de pays du Commonwealth. Je serais très heureux de les communiquer au comité s'il le juge utile.
Voilà pour l'essentiel ce que je voulais dire, monsieur le président. Je serais heureuse de répondre aux questions, si je suis en mesure de le faire.
:
Merci, monsieur le président.
[Français]
Mon nom est Sébastien Grammond et je suis professeur à l'Université d'Ottawa. Je vais m'exprimer dans les deux langues. Ma présentation d'aujourd'hui s'intitule « Une loi pour dépolitiser le processus de nomination des juges ». Je vais résumer essentiellement en deux propos le document que j'ai fait traduire et qui vous a été transmis.
Premièrement, le système actuel tel qu'il a été modifié récemment est insatisfaisant. Il ne permet pas d'assurer l'apparence d'indépendance de la magistrature.
Deuxièmement, pour remédier à la situation, il faudrait que le Parlement adopte une loi pour encadrer le processus de nomination des juges.
[Traduction]
Ma première question est donc de savoir si le principe de l'indépendance de la magistrature a un rôle à jouer à l'étape de la nomination des juges. Lorsqu'on examine la jurisprudence, on constate que la plupart des règles relatives à l'indépendance de la magistrature concernent les juges en fonction; il ne faut pas diminuer leur salaire et faire ce genre de choses. Mais je pense que, si l'on examine les principes fondamentaux, on constate qu'il est absolument nécessaire que le processus de nomination soit, et paraisse être, libre de toute ingérence politique.
À la page 4 de mon document, je cite le juge en chef Lamer de la Cour suprême, qui a déclaré qu'un des objectifs de l'indépendance de la magistrature est le maintien de la confiance du public dans l'impartialité de la magistrature. C'est pourquoi, à mon avis, le processus de nomination, et en particulier les comités consultatifs, doit être conçu de façon à éviter toute apparence de partialité. En outre, le processus de nomination ne devrait pas être utilisé pour favoriser une politique particulière.
Je vais vous donner un exemple pour illustrer cette idée. Il va peut-être vous paraître drôle, mais supposez pour l'instant que le gouvernement au pouvoir décide de nommer à ces comités un représentant des syndicats. Les syndicats sont des organismes très importants; ils représentent une proportion importante de la main-d'oeuvre, et il est donc également important qu'un large secteur de la population participe au processus de nomination des juges. Bien entendu, vous pourriez dire que cela n'est pas juste, parce que les syndicats favorisent habituellement certains intérêts, et que, si l'on voulait mettre sur pied un processus équitable, il faudrait que les entrepreneurs soient aussi représentés. Mais à part cet aspect, je dirais que le problème fondamental que soulève une telle approche est qu'il ne faut pas considérer le processus de nomination comme un moyen de permettre à un groupe d'intérêt particulier, comme les syndicats, les entrepreneurs ou — et vous allez comprendre où je veux en venir — les policiers de faire entendre leur voix.
C'est la raison pour laquelle je pense qu'il faudrait clairement préciser que les personnes qui sont membres des comités de nomination de la magistrature ne sont pas chargées de représenter un groupe particulier.
[Français]
Le deuxième point que je voudrais soulever, c'est qu'il me semble que le processus de nomination des juges devrait être prévu par la loi. Nous avons vu au cours des derniers mois que la composition des comités a été modifiée sans que la communauté juridique ait été consultée. Cela a donné lieu, entre autres, au genre de problèmes que je viens d'exposer. Pour donner davantage de stabilité et de transparence au processus, je crois qu'il serait souhaitable qu'une loi en énonce les principaux paramètres, plutôt que de laisser cela à la discrétion du ministre comme c'est le cas actuellement.
Vous me direz que ce que je propose est impossible à cause de l'article 96 de la Constitution qui dit que les juges sont nommés par le gouverneur général, donc, par le Cabinet. Il faut bien comprendre la portée précise de l'article 96, qui indique le niveau de gouvernement qui a le pouvoir de nommer les juges des cours supérieures.
Examinons l'historique de l'article 96 pour découvrir les objectifs poursuivis par les Pères de la Confédération. Ces objectifs sont de deux ordres: premièrement, garantir l'indépendance de la magistrature et, deuxièmement, assurer la création d'un système judiciaire unifié sur le modèle des tribunaux britanniques, donc un système judiciaire qui aurait compétence pour statuer sur des questions qui intéressent des lois fédérales et des lois provinciales. Ce n'est pas comme aux États-Unis, où ce sont vraiment des tribunaux d'État qui statuent sur les causes impliquant des lois d'État et des tribunaux fédéraux qui n'ont compétence que lorsqu'une loi fédérale est en cause.
Donc, il y a un système unifié. Étant donné la nature unifiée du système, on a dit qu'on allait partager, si vous voulez, la compétence de ces tribunaux. La création des tribunaux et la procédure en matière civile sont de compétence provinciale. La nomination des juges et le paiement des juges sont de compétence fédérale. Toutefois, il n'y a absolument rien dans l'historique de l'article 96 ou dans les objectifs que je viens de mentionner qui indique spécifiquement qu'il s'agit d'une discrétion réservée au Cabinet et que le Parlement n'a aucune compétence pour adopter une loi qui encadre le processus.
Je signale que le Parlement a, dans les faits, adopté une telle loi, parce que l'article 3 de la Loi sur les juges dit que seules peuvent être nommées juges des personnes qui ont 10 ans d'expérience comme membres du barreau. Or, cette limite ne figure pas dans le texte de l'article 96. Ou bien c'est invalide, ou bien il faut conclure que le Parlement a bel et bien compétence pour encadrer le processus de nomination. J'ajouterais simplement que tout cela est compatible avec notre structure de gouvernement, où il y a une séparation des pouvoirs très nette entre les branches exécutives et législatives, d'une part, et le pouvoir judiciaire, d'autre part, mais pas de séparation entre le Parlement et l'exécutif, enfin pas de séparation constitutionnelle.
Dans notre pays, contrairement aux États-Unis ou en France, où l'exécutif a ses pouvoirs propres auxquels le Parlement ne peut pas toucher, l'exécutif est généralement considéré comme étant subordonné au Parlement. Donc, une loi qui encadrerait le processus de nomination des juges ne violerait aucun principe constitutionnel et serait compatible avec l'article 96 de la Constitution.
[Traduction]
Je vais maintenant faire quelques brèves remarques sur ce que devrait contenir cette loi. Il existe des modèles ailleurs, et je n'irai pas dans les détails, mais à mon avis, cette loi devrait prévoir deux choses importantes.
Premièrement, la loi devrait préciser la composition de ces comités. Il faudrait également que tous les membres de ces comités ne soient pas choisis par le même organisme. À l'heure actuelle, il me semble — si l'on tient compte du fait que le président du comité n'a pas, dans la majorité des cas, le droit de voter — que le ministre de la Justice a le pouvoir de nommer la majorité des membres des comités. J'estime que cela ne devrait pas être le cas. Il faudrait répartir le pouvoir de nommer ces membres, peut-être en renforçant la participation des provinces, de façon à ce que ces comités représentent de larges secteurs de l'opinion publique et ne représentent pas simplement un moyen pour le ministre de faire connaître son point de vue dans ce processus.
Le deuxième aspect qui me paraît crucial est la méthode de mise en oeuvre des recommandations. À l'heure actuelle, le produit final des comités, si je peux m'exprimer ainsi, est une simple recommandation. Le ministre n'est pas tenu de recommander une personne en particulier, et étant donné que de nombreuses personnes sont recommandées, le ministre peut choisir le candidat retenu parmi un groupe de candidats assez important.
Cela est très différent du processus utilisé en Ontario, où la loi précise que les comités doivent remettre au ministre une liste contenant deux personnes ou plus pour chaque poste à combler. Cela limite d'autant les pouvoirs discrétionnaires du ministre. Cela est également différent de la réforme du processus de nomination adopté en Grande-Bretagne, où la liste établie est très courte — elle ne contient qu'un nom. Le lord chancelier, qui a le pouvoir formel de nommer les juges, n'a pratiquement pas le pouvoir de refuser de nommer ce candidat. Le seul cas où il peut le faire est lorsqu'il entretient des doutes au sujet du mérite ou des compétences de la personne proposée.
En adoptant un système de ce genre, on réduirait grandement l'influence des partis sur le processus de nomination des juges.
[Français]
C'était, en bref, mes suggestions quant à la réforme du processus.
Je suis disponible pour répondre à vos questions.
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
:
Merci, monsieur le président. Je vais parler en anglais.
Je suis un professeur qui a consacré une bonne partie de sa vie à étudier la nomination des juges au Canada et ailleurs. J'ai toujours cherché à améliorer ce processus. J'ai suivi avec grand intérêt la discussion des changements apportés par le gouvernement fédéral au système fédéral de nomination des juges. Je suis venu ici vous présenter 10 points. Ils ont déjà été publiés, mais je vais vous les présenter en détail, parce que je pense qu'ils pourraient éclairer et préciser la question à l'étude aujourd'hui.
Mon premier point est que, sur le plan des nominations partisanes à la magistrature, il n'y a pas vraiment de différence entre le gouvernement conservateur Mulroney et les gouvernements libéraux Martin et Chrétien. Ils ont tous accordé — et voilà, je vais le dire — une importance indue aux considérations politiques lors de la nomination des juges. Pour ces trois gouvernements, ces considérations avaient davantage à voir avec les liens personnels et politiques qu'avec des questions d'idéologie.
Je pense que les Canadiens en ont assez d'entendre les deux partis, conservateurs et libéraux, dire: « Vous pensez que ce que nous faisons n'est pas bien? Eh bien, les autres ne faisaient pas mieux. » Je pense que cela ne peut que rendre les citoyens canadiens encore plus cyniques.
Je suis ici aujourd'hui — et j'approuve tout à fait ce qu'a déclaré mon collègue, M. Grammond — pour vous demander d'examiner la façon dont il faut choisir les juges sans tenir compte de considérations partisanes. Ce processus a déjà été bien trop politisé.
Mon deuxième point est que la nomination d'avocats qui ont été actifs en politique n'est pas nécessairement une mauvaise chose. Ce n'est pas parce que quelqu'un a fait de la politique que cette personne ne peut être un bon juge. Elle pourrait fort bien être un excellent juge. Cela n'est mauvais que si les considérations politiques ou idéologiques prennent le pas sur les considérations liées à la compétence professionnelle dans le domaine du droit. C'est là mon deuxième point.
Troisièmement, le système des comités consultatifs, qui a été mis sur pied, comme M. Giroux l'a mentionné, en 1988 au palier fédéral, a perpétué l'influence indue du favoritisme politique. C'était en fait un système de camouflage et je vais vous expliquer comment il fonctionnait.
Le comité recevait une liste des candidats qui avaient les 10 ans d'expérience professionnelle exigés. Les membres du comité indiquaient ensuite — les comités avaient une longue liste — quels étaient les candidats qui étaient hautement recommandés — les candidats excellents, magnifiques, les meilleurs, les stars — et il y avait ensuite les autres, qui étaient simplement recommandés.
N'importe qui dirait: « Eh bien, le gouvernement choisissait certainement ceux qui étaient hautement recommandés ». Ce n'est pas le cas. Bien souvent, c'était les candidats qui étaient simplement recommandés, qui n'étaient pas aussi bons que les autres, d'après les comités d'évaluation — cinq personnes et ensuite, sept personnes avaient estimé qu'ils n'étaient pas aussi bons que d'autres figurant sur la liste du ministre —, qui étaient nommés.
Un certain nombre d'entre nous avons étudié ce processus de façon très détaillé. Les gouvernements mettaient de côté les candidats hautement recommandés et choisissaient des candidats recommandés de façon à nommer leurs amis politiques; ils transformaient en un jeu politique la nomination des juges dans le système fédéral du Canada, tout comme celle des juges des cours supérieures des provinces et des territoires et des cours fédérales. Cela me paraît honteux. Comme Canadien, j'ai honte d'une telle pratique.
Quatrièmement, en novembre 2005 — il n'y a pas très longtemps, c'était juste avant les dernières élections fédérales —, un sous-comité de ce comité, qui avait travaillé sur ce sujet pendant des mois et qui avait entendu de nombreux témoins, qui avait approfondi ce sujet, l'avait étudié, en était arrivé à un consensus. Certains d'entre vous en étaient membres. Je reconnais certains visages. Le comité avait reconnu qu'il fallait réformer les comités consultatifs. Je signale en passant que des membres qui font maintenant partie du gouvernement, comme M. Toews, étaient également de cet avis.
Il faudrait modifier le système des comités pour que ceux-ci remettent au ministère de la Justice une liste — c'est la principale observation de M. Grammond — contenant les noms des trois à cinq personnes qui ont été jugées — et là je cite — « les plus aptes » à occuper une charge donnée. Les comités devraient élaborer une liste comportant uniquement les meilleurs candidats; c'est tout. Cela reviendrait à supprimer la pratique néfaste des longues listes. C'est cette pratique néfaste qui permettait au favoritisme politique de jouer un rôle indu. Malheureusement, le comité n'avait pas achevé son rapport final lorsque les élections ont été déclenchées.
Cinquièmement, la réforme préconisée par le comité parlementaire que je viens de mentionner aurait aligné le système fédéral de nomination des juges sur les réformes que les provinces ont apportées à leur propre système. En effet, la plupart des provinces ont créé, il y a quelques années — et je pourrais ajouter à ce qu'a déclaré M. Grammond à ce sujet —, par une loi, des organismes équilibrés et indépendants chargés d'évaluer les candidats à la magistrature et de soumettre au gouvernement des listes restreintes proposant les candidats les plus qualifiés. J'ai présidé un de ces tout premiers comités en Ontario.
Curieusement, cela veut dire que les juges des tribunaux provinciaux de rang inférieur sont choisis en fonction de critères de compétence plus rigoureux que les juges des cours provinciales et territoriales nommés par le gouvernement fédéral. Des candidats qui n'avaient pas été retenus par ces comités provinciaux ont été nommés par le gouvernement fédéral en raison de leurs liens politiques avec le gouvernement. Je trouve cela honteux.
Sixièmement, les réformes adoptées récemment par le gouvernement fédéral ont affaibli un système fédéral déjà vicié. La pire décision prise a été de retirer aux comités consultatifs la tâche consistant à désigner les meilleurs candidats, les candidats les plus compétents. Si vous demandez à un comité de vous présenter un avis au sujet des candidats, c'est bien évidemment le genre d'avis que vous voulez obtenir. En supprimant cette responsabilité, le gouvernement a rendu ces comités pratiquement inutiles, quelle qu'en soit leur composition.
Septièmement, les réformes du gouvernement conservateur ont affaibli la capacité des comités d'évaluer les compétences des candidats en privant du droit de vote l'unique représentant du système judiciaire, le juge. D'après mon expérience de non-juriste présidant un de ces comités au palier provincial, je dirais que c'est bien souvent le juge qui est le mieux renseigné sur les besoins des tribunaux et sur le genre d'aptitudes et de connaissances spécialisées qui sont recherchées, ainsi que sur la compétence professionnelle des candidats.
J'ai été heureux d'entendre M. Giroux préciser qu'en cas d'égalité, le juge a un vote décisif. Mais je peux vous dire, pour avoir siégé à ces comités, qu'il est bien préférable d'obtenir un consensus que de prendre une décision à quatre contre trois ou à quatre contre quatre. Cela revient en effet à recommander un candidat qui, pour la moitié des membres du comité, ne ferait pas un bon juge. Voulons-nous vraiment fonctionner de cette façon? Voulons-nous vraiment adopter un tel système au Canada? J'espère que non.
Huitièmement, l'ajout au comité de personnes ayant une expérience de la police, le fait de restructurer des comités pour que les quatre membres nommés par le gouvernement fédéral forment la majorité, et la déclaration du disant qu'il voulait des juges qui punissent plus sévèrement les criminels, tous ces facteurs permettent de croire que le gouvernement veut transformer les comités en organismes de contrôle idéologique plutôt qu'en organismes chargés de trouver les candidats à la magistrature les plus compétents . Ce passage à une évaluation idéologique des candidats menace particulièrement l'indépendance de la magistrature, puisque les juges qui souhaitent accéder à une charge judiciaire d'un rang plus élevé peuvent croire que leurs chances de promotion seront moindres s'ils n'appliquent pas le droit pénal avec la sévérité que recherchent la majorité des membres des comités consultatifs.
Neuvièmement, le principal critère que le gouvernement conservateur semble vouloir appliquer lors de la sélection des juges est d'une importance assez mineure dans la plupart des postes de juge comblés par le gouvernement fédéral. Ce principal critère concerne le crime. Or, la plus grande partie du travail de la Cour fédérale, de la Cour de l'impôt et des cours supérieures des provinces porte sur des affaires civiles, qui exigent une grande compétence dans des domaines comme la responsabilité délictuelle, les contrats, la propriété intellectuelle, la fiscalité et le droit administratif. Au Canada, moins de 2 p. 100 des affaires pénales sont entendues par les cours supérieures des provinces, et c'est pourtant l'aspect qui semble privilégié — un critère qui intéresse un aspect très marginal de leur travail et qui consiste à rechercher les personnes favorisant la répression de la criminalité et provenant des milieux policiers.
Ma dernière remarque est que les changements apportés par le gouvernement conservateur au processus de sélection des juges revient à américaniser le système judiciaire canadien, sans toutefois adopter les mécanismes de contrôle prévus par le système fédéral des États-Unis.
Comme les présidents américains, le premier ministre Harper veut nommer des juges sympathiques à l'idéologie de son parti. Ces choix ne seront pas toutefois soumis à un examen public et à une confirmation par un corps législatif comme le Sénat américain. Le comité des affaires judiciaires du Sénat des États-Unis veille à ce que les candidats à la magistrature choisis pour leurs vues politiques respectent des normes assez élevées de compétence professionnelle. Le système canadien de nomination des juges fédéraux ne comporte ni contrôle, ni examen public de ce genre.
En résumé, le nouveau système de nomination des juges que veut instituer le présent gouvernement s'écarte des propositions de réforme présentées récemment par un sous-comité parlementaire du comité et fait passer au second plan le critère du mérite pour privilégier les considérations idéologiques en s'inspirant du modèle américain, sans toutefois adopter les mécanismes de contrôle prévus aux États-Unis. Ces changements ne devraient pas être adoptés avant d'avoir été soigneusement examinés et approuvés par le Parlement.
Je suis très heureux de constater que la motion de M. Ménard a reçu l'appui du comité de la justice et que le Parlement fera une étude approfondie des changements apportés par le gouvernement au système de sélection des juges fédéraux, ce qui est tout à fait nécessaire.
Je vous remercie.
:
Monsieur le président et honorables membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité à vous parler aujourd'hui du processus de nomination de la magistrature fédérale à titre de président de l'Association du Barreau canadien. Je suis un avocat en exercice. Je vis et pratique ma profession sur l'île de Vancouver, en Colombie-Britannique.
Lorsque les Canadiens comparaissent devant un juge, ils veulent être sûrs que le juge est impartial. Cela veut dire que le juge doit être impartial par rapport aux partis, mais également impartial par rapport aux intérêts du gouvernement dans l'affaire entendue. Autrement dit, le public doit être sûr que, lorsque les juges tranchent une affaire, ils ne se demandent pas si l'issue de l'affaire va plaire ou non au gouvernement au pouvoir.
La méthode de nomination des juges que préconise l'Association du Barreau canadien est fondée sur les principes de l'indépendance, de la transparence et du mérite. Cela fait longtemps que nous préconisons une telle méthode. Par exemple, nous avons adopté en 1957 une résolution qui déclarait que les juges doivent être choisis parmi les membres éminents de la profession, sans tenir compte des leurs opinions politiques.
Le rapport McKelvey sur la nomination des juges préparé pour l'ABC en 1985 présentait une série de mesures visant à réduire l'influence politique sur le processus de nomination des juges. Ce rapport important recommandait la création de comités consultatifs de la magistrature et l'adoption de mesures garantissant que les nominations seraient dépolitisées et fondées sur le mérite. Le gouvernement Mulroney a adopté cette méthode en 1988.
Je voudrais préciser très clairement la différence qui existe entre la partisanerie dans la nomination des juges et le fait que les candidats à des postes judiciaires aient exercé des activités politiques. C'est un aspect que M. Russell n'a fait qu'effleurer. Le fait d'être actif en politique ne devrait pas empêcher quelqu'un de poser sa candidature. Au contraire, ce genre de participation montre que le candidat recherche activement le bien de sa collectivité et de son pays. Il ne faudrait pas toutefois que les candidats soient recommandés en fonction de considérations partisanes. C'est pourquoi l'Association du Barreau canadien recommande une période d'attente de deux ans pour que les personnes qui ont exercé des activités politiques puissent poser leur candidature à une charge de juge.
Le dossier de l'ABC montre que cette organisation a travaillé avec les gouvernements de différentes couleurs politiques dans le but d'améliorer le processus de nomination des juges. Vous pouvez comprendre notre déception lorsque nous avons constaté que les changements annoncés au mois de novembre avaient été introduits sans que ceux qui connaissent bien le processus n'aient été consultés. Cela a été d'autant plus surprenant que le système des comités consultatifs donnait d'assez bons résultats. Il n'était pas parfait, puisque c'est une entreprise humaine, mais la façon tout à fait arbitraire qui a été choisie pour introduire ces changements aura de graves répercussions sur la façon dont les Canadiens perçoivent le caractère équitable du système mis en place.
Je vais laisser de côté la façon dont les changements ont été annoncés pour aborder l'effet des changements eux-mêmes. Premièrement, nous reconnaissons que le fait de décaler dans le temps le mandat des membres du comité consultatif de la magistrature est susceptible d'améliorer le système, même si nous pensons qu'il serait préférable de décaler la durée du mandat des membres individuels de chacun des comités de façon à assurer une certaine continuité. Deuxièmement, nous sommes favorables à la mise sur pied d'un comité consultatif spécial pour les nominations à la Cour de l'impôt, même si nous pensons que le comité devrait comprendre des membres nommés par des organisations juridiques spécialisées en fiscalité. Cependant, les autres changements donnent à penser que le gouvernement souhaite influencer les délibérations de ces comités par des considérations partisantes. Cela compromet l'objectif fondamental de ces comités, à savoir veiller à ce que les candidats les plus compétents soient retenus. Nous pensons qu'il faudrait supprimer ces changements.
Permettez-moi de signaler trois graves lacunes.
Premièrement, notre association craint que le fait de nommer un représentant d'un milieu particulier pourrait être perçu comme visant davantage à influencer la nature des décisions judiciaires qu'à tenir compte des qualités personnelles des candidats à la magistrature. Les comités ont pour rôle d'évaluer, de façon impartiale, le mérite des candidats. Nous reconnaissons qu'il est important que ces comités soient composés de membres qui représentent la collectivité de façon à ce qu'ils puissent présenter leurs points de vue au sujet de l'administration de la justice. C'est pour cette même raison que notre système juridique comprend des procès tenus devant des jurys composés de citoyens. Cependant, il ne faudrait pas ajouter à ces comités certains membres dans le seul but de réduire l'importance de l'opinion des avocats et des juges. Cela n'est pas plus logique que de vouloir réduire le rôle des avocats et des juges dans les procès, pour la seule raison qu'il y a un jury. Cela découle d'une erreur fondamentale sur le rôle respectif de ces personnes.
Aux comités consultatifs de la magistrature, les avocats apportent leur connaissance des candidats et les juges, celle des qualités exigées des juges et des besoins du tribunal en question. Les juges et les avocats ne recherchent pas des candidats qui ont des idées arrêtées sur la façon de régler certaines questions ou qui apportent un point de vue biaisé à la magistrature. Ajouter un représentant d'un groupe d'intérêt pourrait amener la population à conclure que les candidats sont évalués en fonction de critères reliés aux intérêts de ce groupe, et non pas en fonction de leur mérite. À notre avis, les trois citoyens nommés par le ministre sont tout à fait en mesure de fournir le point de vue de la collectivité.
La suppression du vote du juge, sauf en cas d'égalité des voix, combinée à l'ajout d'un huitième membre au comité, constitue une deuxième lacune des changements proposés. Cette mesure semble favoriser le ministre et risque de politiser le processus en offrant la possibilité d'effectuer des nominations pour des raisons partisanes.
Troisièmement, nous recommandons de réintroduire la catégorie des candidats « hautement recommandés ». Nous estimons que permettre aux comités d'établir une liste des candidats exceptionnels réduira l'influence que peuvent avoir les considérations politiques. Si cette appréciation est utilisée de façon incohérente, il conviendrait alors d'adopter des lignes directrices.
Un sondage d'opinion effectué en 2006 par Leger Marketing, une entreprise canadienne, montre que, sur le plan du respect, les juges se situent pratiquement au sommet des professions canadiennes. Les juridictions américaine, britannique, sud-africaine, israélienne et australienne citent régulièrement la jurisprudence canadienne. Je vois là un signe de respect. Ces citations constituent un hommage au calibre des juges qui siègent à l'heure actuelle, à leur indépendance et à leur volonté de faire respecter la primauté de la loi. Il est évident que toute mesure qui paraît compromettre l'indépendance de la magistrature ne peut que nuire à l'intégrité du système juridique canadien.
Toute personne qui comparaît devant un juge nommé par le gouvernement fédéral doit pouvoir être sûre que le juge est compétent et impartial. C'est un principe fondamental de notre démocratie et une exigence constitutionnelle. C'est pourquoi il convient de dépolitiser les relations qui existent entre le gouvernement qui est chargé de nommer les juges et les juges eux-mêmes. Cela veut dire que le gouvernement ne doit pas exercer de pressions politiques sur la magistrature et qu'il ne doit pas non plus paraître vouloir le faire.
En conclusion, les changements récents apportés au processus de nomination semblent, pour la plupart, nuire au Canada. Nous invitons le comité à recommander que soient supprimés les changements apportés au processus de nomination qui sont énumérés dans la lettre que nous avons envoyée au comité et qui vous a été distribuée.
Merci. Je serai très heureux de répondre aux questions que souhaiteraient poser les membres du comité.
:
Merci, monsieur le président, et merci à vous tous pour vos exposés.
Je dois dire qu'en tant qu'avocate, je suis comme vous inquiète des changements qui ont été apportés au système de sélection des juges, tant sur le plan du processus que sur celui de la composition des comités. Mon parti et moi-même craignons que les changements introduits constituent une mesure rétrograde par rapport à un processus qui évolue depuis maintenant près d'une vingtaine d'années, et qui a consisté à mettre en place un système de nomination des juges par le gouvernement fédéral qui soit indépendant, impartial et aussi transparent que possible, et capable de s'adapter à l'évolution des attitudes des citoyens en intégrant de nouvelles normes plus exigeantes.
Monsieur Russell, vous avez parlé des travaux qu'avait effectués le sous-comité du comité de la justice précédent sous le gouvernement précédent, et du rapport qu'il préparait, qui aurait en fait proposé des normes plus strictes.
Dans ce contexte, j'aimerais savoir ce que vous pensez, monsieur Giroux — parce que vous avez parlé du code d'éthique qui a été mis en place en 2005, si je ne m'abuse, pour les membres du comité —, si, conformément à ce code d'éthique, la nomination récente au CCM de l'Alberta, en janvier 2007 par le ministre Nicholson, de M. Gerald Chipeur, un avocat de Calgary...
Je crois savoir qu'il a représenté le Parti conservateur tout récemment contre le député Rob Anders au cours de la présentation des candidatures; il s'est enregistré comme lobbyiste le 20 février 2007 pour représenter l'Association canadienne des commissions de police en vue de favoriser la création d'un centre de répression de la cybercriminalité par Internet; il s'est enregistré pour faire du lobbying auprès de Justice Canada, du BPM, des députés, du Sénat du Canada et de toute une série de ministères comme Sécurité publique et Protection civile Canada, Affaires étrangères et Commerce international, Défense nationale et la GRC.
Est-ce qu'il serait conforme à votre code d'éthique de nommer à un CCM une personne enregistrée comme lobbyiste et qui représente le parti au pouvoir?
:
D'accord. Il y a deux volets.
Premièrement, il y a l'aspect qui consiste à donner une voix particulière à des groupes d'intérêts. Je pense que les juges doivent paraître impartiaux, doivent être neutres. Ils doivent donc être choisis en fonction de critères relatifs à la compétence. Or, si dans le processus de nomination vous donnez une voix particulière à des groupes d'intérêts particuliers, vous donnez au public l'impression que ces groupes vont pouvoir pousser pour que les juges qui sont choisis soient favorables à leurs intérêts particuliers. Je pense que peu importe qu'il s'agisse des policiers ou des syndicats, c'est inacceptable. C'est pour cela que dans la loi que je propose, il faudrait que ce soit très clair que les gens qui sont nommés à ces comités ne sont pas là pour représenter des intérêts particuliers. On comprend bien que toute personne qui est nommée peut avoir travaillé pour tel type de groupe dans le passé, ça va. Cependant, on doit dire qu'ils ne sont pas là pour représenter des intérêts, pour pousser des intérêts ou pour vérifier la conformité idéologique des juges, comme le professeur Russell l'a dit.
Le deuxième aspect touche la manière de nommer des gens qui ne seraient pas des représentants de groupes d'intérêts. Je pense qu'on devrait maintenir le système actuel où des association de juristes, donc l'Association du Barreau canadien et le barreau provincial, puissent nommer un représentant qui devienne la voix de la communauté juridique. L'Association du Barreau canadien n'est pas là pour défendre, par exemple, les intérêts des syndicats ou ceux des policiers, on le sait bien.
Il est également souhaitable que les comités de nomination comportent ce qu'on appelle en anglais des lay members, c'est-à-dire des membres non juristes, pour que la nomination des juges n'ait pas l'apparence d'un phénomène d'autoreproduction au sein des juristes.
Actuellement, ce qui se fait, c'est que c'est le ministre, à son entière discrétion, nomme des personnes qui sont censées représenter la société en général. Évidemment, comme le professeur Russell l'a dit, ce processus n'a pas permis d'éliminer la partisanerie politique. Ce que je suggère ici, c'est que les lay members, les membres non juristes, soient nommés par une résolution des deux tiers des députés de la Chambre des communes, ce qui ferait que dans les circonstances...
:
Je vais répondre à cela.
Je n'utiliserais peut-être pas cette expression, mais nous avons des tonnes de preuves tirées de sondages auprès de policiers qui montrent que, par rapport au reste de la population, les policiers ont un ensemble d'attitudes qui privilégient certains aspects. En général, ils sont plus favorables aux peines sévères que le Canadien moyen. Ils ont davantage tendance à dire que les jeunes accusés issus des minorités sont moins crédibles que les autres Canadiens. Le problème vient du fait qu'en donnant à des membres de ce groupe un poste sur ces comités, et c'est l'observation que faisait M. Grammond, cela influence le comité dans une certaine direction.
Prenons un autre groupe, celui des avocats de la défense. Ou prenons le comité chargé de défendre ceux qui ont été déclarés coupables à tort d'un crime. Ces groupes, appelez-les comme vous voulez, sont très préoccupés par les erreurs que les tribunaux commettent souvent en condamnant les accusés. Si vous voulez faire une place à la police, alors il faudrait aussi en faire une à ces autres groupes.
Mais je suis tout à fait d'accord avec M. Grammond lorsqu'il dit que, si l'on commence à prendre ce genre de mesure... Et regardez le genre de travail que font les juges. Il y en a très peu qui font du pénal; ils font de la fiscalité, ils font du droit administratif, ils font toutes sortes de choses. Qu'allez-vous faire? Vous prenez le droit fiscal, vous prenez des gens du milieu de la pauvreté, vous prenez des gens qui font partie des grandes entreprises — allez-vous former tous ces comités pour qu'ils représentent tous ces différents points de vue? Cela me paraît une façon stupide de choisir des juges.
:
Merci, monsieur le président.
Je suis en fait encore plus convaincu maintenant que je l'étais au début de la séance que le gouvernement a pris une bonne décision.
Les représentants de l'Association du Barreau canadien ont déclaré que jusqu'ici, le processus avait donné des résultats acceptables. Il est possible que les personnes qui siègent à cette table admettraient qu'il a donné des résultats acceptables, mais je pense qu'à l'avenir, avec les changements qui ont été apportés aux comités consultatifs, nous obtiendrons encore des résultats acceptables.
Il est intéressant de noter sur ce point que toutes les nominations judiciaires qui ont été faites jusqu'ici par le gouvernement l'ont été selon le système qui existait sous le gouvernement précédent. Il me paraît important de le rappeler, mais je crois que le système sera amélioré par l'élargissement de l'origine des participants. Il y a toutefois une chose que je découvre progressivement — et je n'ai jamais entendu dire cela en fait avant aujourd'hui —, c'est que la police constitue un groupe d'intérêt. Je ne pense pas que la police ait davantage d'intérêts particuliers à défendre que certains autres représentants qui sont déjà membres des comités consultatifs de la magistrature.
Je pense que je vais adresser cette question à l'Association du Barreau canadien. Cette association affirme aujourd'hui qu'il ne devrait pas y avoir de représentants des services de police. Il y a pourtant un représentant des sections provinciales de l'Association du Barreau canadien qui siège aux comités consultatifs de la magistrature. M. Russell a déclaré que les policiers avaient des points de vue arrêtés. J'aurais tendance à dire que ces points de vue sont trop diversifiés pour que l'on puisse mettre tous les policiers dans le même sac.
La comparaison a été faite par M. Grammond lorsqu'il a dit qu'il n'y avait pas de syndicalistes. Eh bien, les personnes qui sont membres des comités consultatifs de la magistrature, à l'exception de ceux qui sont choisis parmi la population, veulent toutes que le système judiciaire fonctionne bien, que les Canadiens aient accès à un système judiciaire auquel ils participent tous.
Il ne faudrait toutefois pas pousser trop loin cette comparaison, parce que les policiers font partie du système judiciaire, et je crois qu'ils veulent que seuls des juges compétents soient nommés. Je pense qu'ils ont les mêmes intérêts que l'Association du Barreau canadien, que le barreau ou que tous les autres.
Je vais prendre cet exemple. J'ai souvent étudié, à titre de membre du comité de la justice, des projets de loi présentés par les gouvernements précédents et aussi les projets de loi du gouvernement actuel. L'Association du Barreau canadien a comparu en qualité de témoin et a parfois présenté des témoignages, qui étaient censés représenter l'ensemble des avocats canadiens, qui allaient tout à fait à l'encontre de ce que je pensais du projet de loi examiné — je dirais que cette association se comportait comme un groupe d'intérêt en présentant un point de vue sur un projet législatif, et qu'elle n'était pas du tout neutre à ce sujet. Nous avons également entendu des représentants des services de police.
C'est pourquoi je ne pense pas qu'il soit juste de dire que les policiers représentent un groupe d'intérêt spécial. Je les considère comme des acteurs du système de justice, tout comme les avocats et les juges, qui sont directement touchés par la qualité des nominations judiciaires, comme nous le sommes tous. Mme Jennings a déclaré qu'en tant qu'avocate, cela la préoccupait. Je sais que les libéraux sont surtout préoccupés parce qu'ils ne forment pas le gouvernement, et que ce ne sont pas eux qui procèdent à ces nominations judiciaires.
Je me suis opposé à ce que l'on parle d'exemples individuels. Nous pourrions passer toute la journée à examiner les mesures qu'a prises le gouvernement précédent. Je suis également avocat et je suis heureux de l'orientation qui a été retenue.
J'aimerais demander ceci à l'Association du Barreau canadien. Pensez-vous honnêtement que les policiers constituent un groupe d'intérêt particulier, et si c'est le cas, sont-ils sur ce plan très différents de l'Association du Barreau canadien?
:
Merci pour cette réponse.
Je remercie tous les témoins qui sont ici aujourd'hui de nous avoir présenté ce que je qualifierais d'observations réfléchies. Je reconnais avec vous que la police joue un rôle unique dans le système judiciaire et que c'est une des raisons pour lesquelles le gouvernement a décidé que les policiers devraient jouer un rôle au sein des comités consultatifs de la magistrature. Je ne pense absolument pas, comme le font certains membres du côté opposé, qu'il faut voir là un bouleversement.
Je constate, monsieur Giroux, que vous mentionniez dans votre exposé certains changements qui sont survenus au cours des années. Nous sommes passés de « qualifié » et « non qualifié » à « hautement recommandé », « recommandé » et « sans recommandation ». Nous parlons désormais de « recommandé » et « non recommandé ». Il y a eu d'autres changements. Ce n'est donc certainement pas la première fois que la composition des comités consultatifs de la magistrature a été modifiée. Je vous signale également que ce n'est probablement pas la dernière fois qu'elle le sera. Je me dis que, si ces comités ont assez bien fonctionné jusqu'ici, ils vont certainement continuer à le faire à l'avenir.
Je vous invite tous à commenter sur le fait que, d'après moi, la police joue un rôle particulier dans le système judiciaire, un rôle que certaines parties qui ont été qualifiées de groupes d'intérêts spéciaux ne jouent pas. La police joue un rôle unique, comme cela a déjà été mentionné, et c'est pour cette raison que nous pensons qu'elle devrait participer à ce processus.
En fin de compte, c'est le ministre et le gouverneur en conseil qui procèdent aux nominations. Nous allons maintenant consulter un éventail plus large de personnes qui s'intéressent au système judiciaire et qui, en fait, sont directement touchées par le fonctionnement et la qualité de notre système judiciaire.
:
Merci, monsieur le président.
Je dirais, à titre de préambule, que je suis très surpris — en fait atterré — de constater que le secrétaire parlementaire du gouvernement pour la justice et le président du comité de la justice ne savent pas que la poursuite, les policiers, les avocats de la défense et le juge ont tous des rôles distincts. Je pourrais leur recommander de prendre connaissance du savant préambule de l'émission Law & Order, qui précise que le système de justice pénale repose sur deux entités distinctes et importantes, la police qui fait enquête sur les crimes... Je pourrais vous écrire ce préambule. Je voulais simplement, monsieur le président, faire allusion à cet aspect, étant donné que nous passons à la télévision.
Plus sérieusement, sur la question que M. Moore a posée à M. MacCarthy au sujet de l'ABC, cela fait 21 ans et un mois — j'ai pris le temps de faire ce petit calcul — que je suis avocat, et j'ai toujours payé mes cotisations. J'ai toujours été très fier de l'ABC. Je pensais que c'était un groupe de défense d'intérêts; je pense que c'était un groupe qui représentait ses membres, jusqu'à ce que j'arrive ici. Cela ne veut pas dire que je n'en suis pas fier.
Je veux dire qu'il y a des membres du comité qui ont faussement accusé l'ABC, et ce, à plusieurs reprises, parce que — et je vais vous le dire très carrément — il y a des présidents de sections et des présidents de sous-section qui écrivent souvent des lettres sur le même papier à en-tête que le vôtre, celui de l'ABC, et qui laissent entendre, je suppose, si on ne lit pas la signature, qu'ils représentent tous les membres. Eh bien, ce n'est pas le cas. Ils signent très clairement ces lettres en qualité de membre de la sous-section du droit pénal.
Aujourd'hui — et il est très important que tout le monde le sache bien —, M. MacCarthy a écrit une lettre et présenté des observations pour le compte de l'ABC. C'est la raison pour laquelle je vous demande d'expliquer brièvement comment il se fait, lorsque vous dites que ces changements ne sont pas dans l'intérêt du Canada, que vous représentez les opinions de l'ABC, étant donné que vous n'avez pas appelé M. Moore pour lui demander ce qu'il en pensait.
:
Merci, monsieur le président.
J'ai un peu réfléchi à cette question et j'en parlais avec des membres de ma circonscription la semaine dernière. J'ai rencontré un groupe de notre section locale de MADD, qui voulait parler de la question des comités consultatifs de la magistrature. Ils avaient toujours pensé que les policiers jouaient un rôle dans le processus de sélection. Ils ont été vraiment très surpris d'apprendre que ce processus était déséquilibré. C'est le mot qu'ils ont utilisé: « déséquilibré ». Ils sont tout à fait en faveur des nouvelles initiatives. Je pense que c'est ce que visent les changements: introduire un certain équilibre.
J'ai également entendu qu'on demandait pourquoi un représentant de la police et non pas des syndicats. Eh bien, si l'on veut composer une équipe de hockey, on va demander à des joueurs de hockey de le faire; on ne choisirait sans doute pas un basketteur, un footballeur ni même un politicien. Lorsqu'il s'agit de questions qui touchent la justice, il faut faire participer les gens qui s'occupent de l'administration de la justice. Ce peut être des avocats, ce peut être des juges, mais ce devrait être certainement aussi des policiers. Il me paraît faux d'affirmer qu'ils n'ont aucun rôle à jouer dans la justice.
J'ai été également un peu surpris d'entendre aujourd'hui dire que le processus qu'appliquaient les comités consultatifs de la magistrature était fondé sur le mérite et était pris au sérieux, parce qu'on laissait ainsi entendre qu'on n'appliquera pas le principe du mérite et que le processus ne sera pas pris au sérieux. Je pense que ces commentaires sont méprisants pour les représentants des policiers qui vont participer à ce processus, parce que je suis convaincu qu'ils prendront cette tâche au sérieux et qu'ils se fonderont sur le mérite.
J'aimerais aborder d'autres aspects, mais j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus. Expliquez-moi comment le fait d'aménager la participation de représentants de la police irait à l'encontre du principe du mérite. Pensez-vous vraiment qu'un policier ne fonderait pas sa recommandation en se basant sur le mérite des candidats?
Il a été mentionné — et je suis heureux que M. Russell ait clarifié ce point — qu'un représentant de la police n'aurait pas à défendre des intérêts spéciaux. Je le comprends. Je pense que nous nous sommes fourvoyés lorsque nous avons commencé la séance en faisant ce genre de remarques. Il y aura toujours des points de vue différents. Je pense que tous les groupes qui sont représentés dans les comités consultatifs de la magistrature apportent une contribution utile. On peut toujours chercher la petite bête, mais en fin de compte, ils représentent tous différents aspects du système judiciaire et fournissent des conseils utiles.
Je suis d'accord avec M. Moore lorsqu'il affirme qu'il n'y a aucune différence entre demander l'avis d'un représentant de la police et celui de l'Association du Barreau canadien. Il y aura toujours des points de vue différents.
Monsieur MacCarthy, j'ai une petite question pour vous. Vous avez parlé d'une période d'attente. Pensez-vous qu'il serait bon de prévoir une période d'attente semblable pour les membres de l'Association du Barreau canadien qui jouent un rôle dans ce processus?
Monsieur Russell, nous allons probablement avoir une bonne conversation et quand je vous regarde, je pense que nous avons à peu près le même âge et avons connu beaucoup de choses.
Je vais vous parler rapidement d'une situation. Il y avait une commission composée de huit personnes — deux agriculteurs, un propriétaire de bar, un gérant d'hôtel, un mécanicien, un concessionnaire d'automobiles, un ex-enseignant et un policier à la retraite. Ils ont interrogé ce candidat pour savoir comment il gérerait une situation qui demandait beaucoup de jugement, beaucoup de surveillance et beaucoup de soins. Ils voulaient que ce gars-là contrôle vraiment la situation — autrement dit, qu'il soit sévère pour les criminels.
Il n'est pas mauvais d'être sévère pour les criminels. Ce sont les crimes qui sont mauvais. Je pense qu'il faut être sévère pour lutter contre le mal. Cette affirmation ne me gêne pas du tout. Je pense que la plupart des gens l'approuveraient. En fait, dans un pays comme le Canada, il y a partout des citoyens qui veulent que l'on soit sévère avec ces gars-là.
J'ai parlé à de nombreux avocats, qui m'ont dit que leurs clients essayaient souvent de choisir leur juge. Ils savent qui sont les juges les moins sévères et qui sont ceux qui le sont particulièrement, de sorte qu'ils essaient de choisir leur juge. Ils reportent les dates d'audience pour passer devant un juge favorable.
Je pense que cela est très mauvais. Je crois qu'il faut lutter contre le crime de façon uniforme. Et le fait de juger et de rendre des décisions doit s'intégrer, à mon avis et je crois de l'avis de millions de Canadiens, dans un système qui reconnaît que le crime est mauvais et qu'il faut faire quelque chose — à tous les niveaux.
Ce gars-là a passé cette entrevue et a proposé un système en quatre points; il a dit: si vous me donnez ce poste, je serai juste, j'agirai rapidement — je ne perdrai pas de temps, je prendrai mes décisions rapidement —, je serai ferme et mes décisions seront définitives. Ce gars-là a convaincu les membres de cette commission qu'il était le candidat idéal. C'était moi, quand ils m'ont nommé principal d'une école secondaire.
Je ne sais pas si vous le savez, mais le principal d'une école secondaire doit constamment juger des situations. Il doit prendre des décisions. Il doit être ferme. Il doit être juste. À la fin de l'année, il y avait toujours certains contrôles, comme vous l'avez mentionné. Quel a été mon rendement? Comment se passent les choses? Je crois que j'ai dû m'en tirer, parce que je suis resté en poste pendant 15 ans. Mais je suis d'accord avec les mécanismes de contrôle.
Vous dites qu'aux États-Unis, il y a des mécanismes de contrôle qui s'appliquent aux comités du Sénat, ce genre de choses. Est-ce que d'après vous, la mise en place de mécanismes de contrôle réglerait le problème des juges, qui doivent faire fonctionner un système dans l'intérêt de l'ensemble de la société, et est-ce que cela exigerait que l'on procède à des vastes réformes démocratiques?