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Merci beaucoup. Je suis très impressionné par l'aréopage rassemblé ici. Malheureusement, encore une fois, je crois être le plus âgé ici présent. Cela ne me confère aucun droit ou privilège, mais cela me permet de tenir compte de certaines choses, ce que j'espère pouvoir faire très rapidement pour vous cet après-midi.
Je suis un peu mal à l'aise d'être ici parce que, généralement, les juges ne s'expriment pas publiquement même après avoir quitté la magistrature, sauf pour écrire leurs mémoires ou des articles pour une université. Selon moi, ils hésitent à faire bande à part et refusent de reconnaître que certains problèmes existent peut-être dans le système de justice pénale.
J'ai été juge à la cour provinciale de Colombie-Britannique, au 222 de la rue Principale, pendant 26 ans. C'est une cour pénale comptant une vingtaine de juges et n'instruisant que des causes criminelles. Les seules affaires dont nous ne traitions pas étaient celles qui allaient au-delà de l'enquête préliminaire jusqu'à l'étape du procès devant juge et jury ou devant un juge d'une cour supérieure siégeant seul.
Pendant que j'exerçais mes fonctions de juge, la Charte des droits a été adoptée et, au départ, on croyait que ce serait les juges des cours supérieures qui, pour la plupart, seraient saisis de questions relatives à la Charte.
Or, dans une cause que j'ai entendue et dans une autre qui a été entendue sur la côte Est, des questions relatives à la Charte ont été soulevées pendant l'enquête préliminaire sur l'acte criminel. J'ai accordé une réparation fondée sur la Charte et l'affaire s'est rendue jusqu'à la Cour suprême du Canada. La Cour suprême a statué que les juges des tribunaux inférieurs ne pouvaient trancher les questions relatives à la Charte. Rapidement, les avocats de la défense ont décidé qu'ils ne pouvaient se permettre d'attendre, et ont préféré choisir le procès devant un juge d'une cour provinciale. Par conséquent, le tribunal de première instance qui est le plus souvent appelé à se prononcer sur des questions relatives à la Charte est la cour provinciale.
Il me restait donc les causes criminelles et cet autre aspect que l'on ne va pas aborder, soit l'effet de la Charte sur la conduite des procès criminels.
Pendant 26 ans, ont défilé devant moi une dizaine de milliers de gens, des criminels de toutes sortes, des avocats de toutes sortes, et j'ai ainsi pu acquérir une profonde connaissance de la nature humaine. Pour ma part, j'estime qu'il y a des criminels parmi nous et qu'il y en aura toujours. Il y a et il y aura toujours des gens violents, qu'ils soient sociopathes ou psychopathes, ou même pire, les simples escrocs qui sont du même acabit.
On apprend à reconnaître le mal quand on le voit. On ne le voit pas souvent, mais il existe. Comment réagir à cela? La solution, évidemment c'est d'imposer un châtiment juste et suffisant.
Quel est le lien entre mes propos et le sujet de vos délibérations? Il n'y en a peut-être pas, mais mes propos expliquent mon point de vue.
Pendant toutes mes années comme juge, j'ai rencontré des policiers, qui venaient témoigner devant le tribunal ou au café que moi et d'autres, dont le public, fréquentaient. Je les voyais aussi à l'occasion de la retraite de certains d'entre eux et, bien sûr, parfois, à des funérailles.
Pendant mes deux premières années comme juge, un agent de la GRC a été abattu au détachement de Richmond, laissant une femme enceinte et deux jeunes enfants. Dès lors, j'ai su sans le moindre doute que la police est d'une importance absolue au sein du système de justice pénale. La police est plus importante que la magistrature et que la poursuite. Personne ne fait le 911 pour demander à parler à un procureur de la Couronne ou à un juge. On fait le 911 pour demander les services de santé d'urgence, la police ou les pompiers.
C'est dans cet esprit que, à l'issue de mes 28 ans de carrière, j'ai écrit une lettre exprimant mon respect pour le service de police de Vancouver, particulièrement pour les agents en patrouille et ceux qui s'acquittent de tâches spéciales sur la voie publique. Ce sont eux, la vrais agents de police. Pour employer une expression familière, ce sont eux qui font le sale boulot.
Je les décris dans mes mémoires que j'ai rédigés pendant les trois premières années de ma retraite :
[Traduction] Ce sont les fantassins de la guerre sale et dangereuse que nous menons contre la violence, les crimes contre les biens et le trafic prédateur de la drogue. Ces hommes et ces femmes travaillent dans un monde dur; ils représentent l'épine dorsale du système de justice pénale. Ce sont aussi les seuls qui risquent des blessures et même la mort chaque fois qu'ils vont travailler.
Sir Robert Peel, qui a créé la police civile telle que nous la connaissons aujourd'hui, a dit que la police, c'est le public et le public, c'est la police. Ce lien devrait être fermement établi dans nos collectivités et, à l'heure actuelle, il n'est pas aussi solide qu'il devrait l'être.
Refuser à la police le droit de siéger au comité consultatif sur la magistrature est, à mon sens, un affront à cette idée que la police, c'est le public et le public, c'est la police. C'est un refus absolu de reconnaître que nous avons besoin de la police et que nous avons besoin de sa protection. Les représentants de la police sont tout à fait en mesure d'exprimer une opinion. On les accuse de représenter l'idéologie de l'ordre public, faute d'une meilleure expression. Toutefois, une idéologie ne reflète pas la réalité.
Je vous parle avec beaucoup de passion et d'émotion à ce sujet, car je suis fermement convaincu qu'un représentant de la police peut représenter un ajout utile et avantageux à tout comité consultatif sur la magistrature. D'ailleurs, si vous me permettez de faire une parenthèse, en Colombie-Britannique, il y a au moins cinq juges qui sont d'anciens policiers. Or, cela ne se voit pas dans leur travail. C'est impossible à déceler. Et, cela vous étonnera peut-être, d'apprendre que le juge qui préside le procès Pickton est un ancien policier. Alors, si des policiers peuvent devenir des juges, pourquoi ne pourraient-ils pas devenir membres des comités consultatifs à la magistrature?
Je devrais probablement m'arrêter ici. J'ajouterai seulement que le mardi 6 mars, je suis allé à l'école secondaire Eric Hamber à Vancouver. Depuis que j'ai pris ma retraite et que j'ai rédigé mes mémoires, j'ai parlé à beaucoup de groupes; j'ai participé à des émissions de radio et de télévision, j'ai parlé à des groupes de femmes, des groupes professionnels et des élèves du secondaire. Ceux que j'ai rencontré ce jour-là faisaient partie d'un cours d'orientation professionnelle. Je leur ai expliqué ce que c'était que la paix, l'ordre et le bon gouvernement. Je leur ai fait part de mon point de vue qui est celui d'un mouton noir parmi les juges. Je leur ai dit que, à mon avis, les peines ne sont pas assez lourdes. Je n'entrerai pas dans ce sujet, toutefois, car ce n'est pas là le sujet de vos délibérations.
Ces élèves ont compris ce que sont la paix, l'ordre et le bon gouvernement quand j'en ai parlé en termes simples. C'est une question constitutionnelle qui a une incidence sur la magistrature, la magistrature étant reconnue comme une institution et un organe du gouvernement. À titre d'organe du gouvernement, la magistrature devra tôt ou tard reconnaître que lorsque le crime est endémique, notamment dans la ville d'où je viens, il est temps d'agir avant que l'ordre public n'ait complètement disparu de nos collectivités.
En quoi cela influe-il sur ce que vous allez faire? Quand je vais rentrer à Vancouver, je vais dire à ces élèves que j'ai participé à cette séance, je vais leur expliquer ce qui s'est passé et je vais leur dire qu'à mon départ, je vous ai laissé les essais que chacun d'eux ont rédigé. Ces essais portent sur une chronique, dont je suis l'auteur, et qui porte sur l'ordre public, la présence et l'importance de la police.
Le fonctionnement de la magistrature et du système de justice pénale est extrêmement important, et ces adolescents le reconnaissent. Je leur ai dit qu'il était trop tard pour que je puisse faire quoi que ce soit. Ma génération a abandonné la partie; les jeunes ne se sentent pas en sécurité quand ils sortent le soir, quand ils quittent leur maison, quand ils se retrouvent en public. Je leur ai dit que, quand ils seront dans la vingtaine et dans la trentaine, ils devront penser davantage à leur pays.
Si vous prenez le temps de lire ce que ces élèves ont écrit, vous comprendrez qu'ils s'attendent que vous, les parlementaires, agissiez. Sinon, ils tenteront leur chance et peut-être réussiront-ils mieux que vous.
Ce que vous faites, vous ne le faites pas pour vous, comme politiciens, comme juges ou quoi que ce soit d'autre, vous le faites pour la prochaine génération pour qui le système de justice pénale est très important.
C'est tout ce que j'avais à dire.
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Merci beaucoup, c'est un honneur que de comparaître devant votre comité encore une fois.
J'aimerais aborder deux aspects des changements au processus de nomination : la structure des comités, ou, à tout le moins, la fonction du comité. Je traiterai d'abord de représentation de la police comme institution au sein de ces comités et, deuxièmement, de la suppression de la catégorie « fortement recommandée » pour les candidats recommandés par le comité.
Notez que j'ai parlé de la représentation de la police comme institution. Bien sûr, à l'instar de mes collègues, j'ai beaucoup de respect pour la police, le rôle très important qu'elle joue dans notre société, le rôle crucial qu'elle joue; et au Canada, nous avons la chance d'avoir d'excellents agents et services de police, comme nous avons la chance d'avoir d'excellents juges et avocats. Toutefois, je ne crois pas qu'il soit bon que la police, comme institution, participe au choix des candidats à la magistrature.
Le fait que l'on veuille inclure des représentants de la police laisse entendre, comme le démontrent certaines preuves circonstancielles auxquelles je reviendrai dans un moment, que l'on souhaite nommer des juges dont on ne s'attend pas qu'ils soient indépendants et impartiaux, mais plutôt qu'ils tranchent en faveur de la police. Sinon, comment expliquer qu'on veuille inclure un représentant de cette institution plutôt qu'un représentant des nombreuses autres institutions de notre société?
Les causes criminelles ne représentent qu'une très petite fraction des affaires dont les tribunaux sont saisis, un très petit pourcentage. Les policiers n'ont aucune connaissance particulière de la vaste majorité des causes. En outre, et cela m'apparaît encore plus grave, la police est un joueur partisan dans les causes criminelles. La conduite des policiers peut être jugée tout autant que celle de l'accusé pendant un procès. On se penche sur le comportement des policiers dans le cadre de la détermination judiciaire de l'affaire. Ce n'est pas le cas des avocats. La conduite des policiers peut être un enjeu crucial ayant un effet déterminant sur le procès.
La partisanerie de la police a été démontrée par les nombreuses commissions royales d'enquête sur les condamnations injustifiées qu'il y a eu au Canada récemment. Ces cas sont exceptionnels, et ne sont pas courants. Ces cas ne reflètent pas le travail de la très grande majorité des policiers. Mais dans ces cas d'erreurs judiciaires—Marshall en Nouvelle-Écosse, Parsons à Terre-Neuve, Morin en Ontario, Milgaard en Saskatchewan et d'autres—les membres de ces commissions royales ont jugé que l'inconduite de la police avait grandement contribué aux condamnations injustifiées.
Dans les rapports de ces commissions, on a souvent fait mention de « l'opinion préconçue », le fait pour un policier d'être si convaincu de la culpabilité d'un suspect qui en vienne à prendre des raccourcis et à faire des écarts de conduite pour obtenir une condamnation. C'est ce qu'on appelle aussi parfois la corruption pour une noble cause.
La police joue un rôle difficile. Ce sont les policiers qui voient les victimes et qui font affaires avec les victimes. Ils voient aussi les conséquences des crimes. Quand les policiers sont convaincus de la culpabilité d'une personne en particulier, ils remuent ciel et terre pour obtenir une condamnation. Voilà pourquoi nous avons des tribunaux et des juges, des juges qui agissent de façon indépendante et impartiale. Ils constituent le tampon entre l'accusé, innocent jusqu'à preuve du contraire, et le service de police ou l'équipe d'enquêteurs de la police trop zélés. Ce sont les juges qui nous protègent contre ces comportements malavisés; ils ne doivent pas servir à promouvoir ces inconduites.
Il y a une autre preuve circonstancielle qui me porte à croire qu'il s'agit d'obtenir des juges un résultat particulier, plutôt que de faire en sorte qu'ils agissent de manière impartiale et indépendante selon les propos du à la Chambre. Je n'ai pas les mots exacts qu'il a employés et je m'en excuse, mais il disait essentiellement qu'il voulait des juges qui contribuent à faire avancer son programme.
Ce n'est pas le rôle d'un juge. En effet, un juge doit agir indépendamment, de manière impartiale, d'après la loi et selon sa conscience, et non en fonction d'autres desseins.
Voilà pourquoi les juges ont prêté le flan à la critique dans des pays comme le Zimbabwe et, plus récemment, au Pakistan. Pour les dictateurs, les juges indépendants et impartiaux sont une source d'irritation; ils les harcelent donc et les forcent à démissionner.
Au Canada, nous avons la chance d'avoir une magistrature indépendante et impartiale, de même que d'excellents policiers et des barreaux fiables. Au Canada, il ne faut même pas songer à faire un tout petit pas dans le sens auquel on a fait allusion, soit encourager les juges à mettre un oeuvre un programme particulier.
J'aimerais maintenant parler de la catégorie des candidats « fortement recommandés ». On a dit que le comité consultatif dira désormais seulement « recommandés » ou « non recommandés », sans la catégorie supplémentaire de « fortement recommandés ». Le gouvernement pourra ainsi simplement choisir les candidats dans un plus grand bassin d'éléments « recommandés ».
C'est tout à fait son droit, bien entendu. C'est le gouvernement qui nomme les juges. C'est une décision du Cabinet, une décision du gouvernement. Au bout du compte, on jugera le gouvernement au genre de nominations qu'il aura faites, même s'il y a un nombre limité de personnes qui s'intéressent de près à ces résultats, ou qui est même au courant.
Voilà pourquoi je pense que la catégorie des candidats « hautement recommandés » doit être maintenue. Non seulement il faut la maintenir, mais le gouvernement devrait faire connaître publiquement, le nombre de fois où il nomme des candidats de la catégorie « hautement recommandés », et de la catégorie « recommandés ». Cela permettrait au public d'évaluer la mesure dans laquelle les recommandations du comité ont été prises en compte.
Bien entendu, il peut y avoir des raisons de s'écarter de la catégorie de candidats « fortement recommandés ». Un tribunal peut avoir des besoins particuliers, pour un type de juge, un expert en droit de la faillite, par exemple. Si personne dans la catégorie « fortement recommandé » ne se spécialise dans ce domaine, il faut combler le besoin de ce tribunal autrement. Il serait alors justifié de choisir quelqu'un de la catégorie « recommandé » seulement. Il peut y avoir aussi des questions d'équité dans les nominations, la nécessité de respecter la diversité de la magistrature; le gouvernement pourrait alors choisir dans un bassin plus grand des candidats « recommandés » plutôt que dans la catégorie de ceux « fortement recommandés ».
Il peut donc être justifié d'agir ainsi à l'occasion. À mon avis, toutefois, la catégorie de candidats « fortement recommandés » est un renseignement ou un conseil supplémentaire qui peut être utile dans le processus décisionnel du gouvernement. En outre, si le gouvernement déclare le nombre de candidats nommés dans l'une ou l'autre catégorie, c'est aussi une reddition de comptes utile pour le public.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Si j'étais latin, impulsif et émotif, j'aurais tendance à répondre immédiatement à celui qui vient de me précéder, mais vous me connaissez : ce n'est pas dans ma nature. Toutefois, j'ai peut-être mal compris. J'aurais dû mettre mon dispositif quand il a parlé de corruption, de partisanerie et de vision tubulaire. J'espère qu'il ne faisait pas une comparaison entre le nombre effarant d'avocats qui sont accusés de cela et les policiers canadiens, mais j'ai peut-être mal compris son intervention.
Mesdames et messieurs, bonjour. L'Association canadienne des policiers, ou ACP, est heureuse d'avoir l'occasion de faire part de ses observations au Comité permanent de la justice et des droits de la personne sur le processus de nomination des juges.
L'ACP est le porte-parole national de 54 000 membres du personnel policier partout au Canada. Par l'intermédiaire de nos 170 associations-membres, les adhérents à l'ACP comprennent le personnel policier desservant tant les plus petits villages que les grandes agglomérations urbaines au sein des services policiers municipaux et provinciaux, ainsi que des associations de membres de la GRC et des associations de la police des Premières Nations.
Nous sommes fiers de nos relations avec les parlementaires de tous les partis politiques. Comme vous, nos membres veulent avoir un impact positif sur leur communauté. En tant que porte-parole national du personnel policier de première ligne au Canada, nous offrons un point de vue unique sur la réforme progressive de la justice.
En sensibilisant la population aux dossiers relatifs à l'application des lois et de la justice, l'ACP fait la promotion de la sécurité communautaire.
Les associations de policiers ont contribué aux délibérations dans une foule de dossiers, dont les suivants : la justice pénale destinée aux jeunes; la pornographie juvénile; la conduite avec facultés affaiblies; la réforme en matière de détermination des peines, des services correctionnels et des libérations conditionnelles; le registre national des délinquants sexuels; les poursuites routières criminelles à haute vitesse; le crime organisé; ainsi que les innovations technologiques en intervention policière, notamment au chapitre des tests d'ADN et du projet de modernisation du Centre d'information de la police canadienne.
Nous sommes fiers du calibre des policiers et policières d'aujourd'hui et de leur contribution à leur communauté. Ce sont des hommes et des femmes qui veulent avoir un impact positif dans leurs quartiers. Que ce soit comme entraîneurs dans les arénas, les gymnases ou les terrains de jeux du voisinage, comme bénévoles pour les Grands Frères et Grandes Soeurs, les Scouts ou les Jeux olympiques spéciaux, ou encore comme personnes donnant un coup de main aux oeuvres de bienfaisance de l'école, du centre récréatif ou de Centraide, vous retrouverez vos voisins et voisines qui sont policiers et policières. Le service policier n'est pas seulement un métier, c'est un mode de vie.
Nous avons été ravis que l'ancien ministre de la Justice et ex-procureur général du Canada, M. , ait approché l'ACP en songeant à faire siéger des représentants policiers aux comités consultatifs de la magistrature. À notre avis, il était tout à fait sensé que des policiers puissent apporter leurs compétences et leur expérience à la table, ajoutant une autre perspective et une autre expertise au processus de sélection des juges.
Je tiens à remercier le , l'ex-ministre et le ministre de leur appui en prenant cette décision et en la maintenant fermement lorsqu'elle fut soumise aux attaques partisanes. Nous leur sommes sincèrement reconnaissants de leur appui et de la confiance dont ils ont fait preuve envers notre profession.
Dernièrement, l'ACP a témoigné devant la Cour suprême du Canada à titre d'intervenante dans un pourvoi portant sur les normes d'enquête. Vous pouvez imaginer ma surprise, le matin même de ce témoignage, d'apprendre que la juge en chef, qui présidait ce jour-là, avait rendu publique une lettre condamnant la décision du gouvernement de nommer des policiers à ces comités. Ce n'était certainement pas ce à quoi nous nous attendions de la part de la plus importante magistrate au Canada, qui est censée être neutre, impartiale, indépendante et non partisane. Malheureusement, nous comprenons trop bien comment l'appréhension de parti pris, de partisanerie et de partialité contribue à miner la confiance des Canadiens et Canadiennes dans nos institutions de justice.
La composition des comités consultatifs de la magistrature incorpore une grande diversité de perspectives différentes : un membre désigné par le Barreau de la province ou du territoire, un membre désigné par la division provinciale ou territoriale de l'Association du Barreau canadien, un juge ou une juge désigné par le juge en chef de la province ou du territoire, un membre désigné par le procureur général de la province ou le ministre de la Justice du territoire, un membre désigné par la collectivité des responsables de l'application de la loi, trois membres nommés par le ministre de la Justice fédéral, qui représentent le public, un membre d'office n'ayant pas droit de vote, soit le commissaire à la magistrature fédérale ou la directrice exécutive, Nominations à la magistrature.
Les avocats et avocates, y compris les criminalistes, sont bien représentés à ces comités. Le fait que ces avocats et avocates oeuvrent devant les juges pour plaider leurs causes dans un système adversatif n'est pas réputé constituer un conflit d'intérêts ni une raison pour leur interdire de participer au processus de sélection. Le fait que les avocats et avocates soient également susceptibles de devenir candidats et candidates à la sélection ne les empêche pas de participer à la sélection non plus. Au bout d'un an seulement après la fin de leur mandat au comité, les mêmes avocats, les membres avocats et avocates peuvent devenir des candidats et candidates à la magistrature. Nous maintenons que cela soulève certainement des questions de conflit d'intérêts ou de perception de conflit. Nous ne voulons pas laisser entendre que les avocats et avocates ne devraient pas participer au processus, même les criminalistes. Il est évident que les avocats et avocates apportent une importante perspective et comprennent bien le système judiciaire et juridique. Toutefois, nous voulons bel et bien laisser entendre que le processus peut être renforcé.
[Traduction]
Les policiers et policières travaillent aux premières lignes de notre système judiciaire. Ils travaillent tout près des victimes d'actes criminels et des personnes les plus vulnérables et les plus défavorises de nos communautés. Les policiers et policières comprennent que notre système judiciaire doit être beaucoup plus qu'un système juridique.
Il est regrettable que cette décision ait provoqué des réactions très fortes chez certaines personnes. a laissé entendre que le essaie de « manipuler le processus de sélection des juges ». Le premier ministre a défendu sa décision en insistant sur la nécessité d'avoir « des perspectives différentes » chez les membres de ces comités.
Il ressort clairement que ceux qui détiennent le monopole de nomination des juges ne veulent pas s'en départir. L'opposition la plus forte est provenue des associations du Barreau, notamment de la part des criminalistes et de membres du Barreau servant dans la magistrature. Essaient-ils tout bonnement de conserver leur exclusivité? Cela est fort possible.
L'ancien juge en chef de la Cour suprême a même laissé entendre que la sélection des juges ne devrait être confiée qu'à des comités constitués uniquement d'avocats et d'avocates.
En fait, le processus au fédéral et dans plusieurs provinces a compris la participation de profanes aux comités depuis fort longtemps. Il est très concevable qu'un policier, un ancien policier ou un policier à la retraite, ait peut-être siégé en tant que membre profane d'un comité. Nous soutenons que le processus puisse en fait être amélioré en ayant plus de perspectives de la communauté et non moins.
Certains prétendent que l'introduction de policiers et policières aux comités consultatifs de la magistrature risquera de politiser la magistrature et les associations de policiers. Et pourtant, de nombreux témoins devant le comité parlementaire, qui ont étudié le processus de nomination des juges pendant des années, ont déclaré que les gouvernements conservateurs et libéraux précédents ont tous accordé une influence indue aux considérations politiques lors de la nomination des juges. Nous ferions valoir que le fait d'élargir le processus de sorte qu'il comprenne des nominations non-partisanes au comité de la magistrature, dont celle de policiers et policières, servirait à réduire ce risque.
Un comité parlementaire ad hoc antérieur, présidé par M. Lee, a présenté des rapports au Parlement sur la nomination des juges de la Cour suprême. Dans son rapport de mai 2004, un comité ad hoc énumérait les qualités personnelles des candidats et candidates qui devraient être prises en considération en vue d'une nomination à la Cour suprême : l'honnêteté, l'intégrité, la candeur, la patience, la courtoisie, le tact, l'humilité, l'équité et le bon sens.
Les policiers et policières apportent à ce processus leur bagage de formation, de techniques d'interrogation et d'expérience en évaluation de la crédibilité et de la véracité. Malheureusement, certains classent les policiers et policières dans un « groupe à intérêts spéciaux » avec un intérêt étroit dans le système judiciaire.
Nous osons prétendre, qu'au bout du compte, nous ne sommes pas différents de nombre d'autres groupes qui témoignent devant ce comité parlementaire, dont ceux qui sont présents aujourd'hui. Nous sommes des intéressés qui oeuvrent au sein du système judiciaire et nous sommes en quête de vérité; ce faisant, nous sommes en quête de communautés et de quartiers plus sécuritaires.
En dernier lieu, à notre connaissance, depuis la nomination de policiers, un grand nombre de ces comités consultatifs se sont réunis et les membres travaillent bien ensemble. Nous croyons fermement que les résultats fournis par ces comités confirmeront la validité de la décision du gouvernement.
Merci, monsieur le président et merci aux membres du comité.
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Monsieur le président, merci beaucoup. C'est un honneur pour moi de comparaître ici aujourd'hui, pour parler de ce sujet très important.
Je suis toujours ravi de comparaître devant votre comité, mais c'est une occasion toute spéciale aujourd'hui. En effet, le professeur Edward Ratushny m'a sorti à mon corps défendant de mon premier cours à l'école de droit de l'Université de Windsor, il y a de nombreuses années. Je suis vraiment content d'être aujourd'hui à la même table que lui. Bien entendu, il n'avait que neuf ans, c'est le plus jeune professeur jamais embauché par une université.
En fait, juge Craig, j'estime vous ressembler parce que vous vous considérez comme le mouton noir des juges. J'ai été un mouton noir et je le suis encore, dans bien des milieux. Nous avons donc beaucoup en commun. Le mouton blanc de la classe est ici, à ma droite.
Nous sommes ravis d'être ici, du moins je le suis, et bien franchement, je ne vais pointer du doigt personne. Le Conseil canadien des avocats de la défense croit qu'il s'agit d'une question de principe, et non de processus.
Le gouvernement, soit le ministre de la Justice, a le droit de nommer les juges. Il n'y a rien de mal à cela. Les politiciens élus savent ce que la population veut, et nous ne remettons pas cela en question.
Mais il y a d'autres choses qu'il faut remettre en question. Vous m'avez déjà entendu en parler au nom du CCAD, à une comparution précédente. La consultation est très importante quand on apporte des changements aussi marqués à nos lois, de même qu'à un processus aussi important que celui-ci. Ce qui me préoccupe le plus, c'est qu'avant d'agir, on n'a pas vraiment consulté qui que ce soit.
Le saviez-vous? La nomination de policiers au comité d'évaluation des candidats à la magistrature ne va pas en soi miner le processus. Les policiers pouvaient déjà être nommés auparavant. J'étais membre du comité consultatif provincial de l'Ontario pendant cinq ans, et le fait qu'un policier — Le ciel ne va pas nous tomber sur la tête à cause de cela. Enlever le droit de vote à un juge ne signifie pas que le processus de sélection est torpillé. Donner la majorité des votes à ceux qui ont été nommés par le gouvernement fédéral ne va pas non plus détruire le processus. L'élimination de la catégorie « fortement recommandée », remplacée simplement par la catégorie « recommandée », ne va pas non plus faire s'écrouler le processus.
Mais remettons les choses dans leur contexte. J'espère me tromper, mais si le premier ministre a dit : « Nous voulons nous doter de lois afin de lutter contre la criminalité et d'accroître la sécurité de nos collectivités. Nous voulons nous assurer que la sélection des juges permet d'atteindre ces objectifs », tous ces facteurs changent et il nous faut nous pencher sur le processus. Comme Canadien, comme criminaliste, avec tout le respect que je vous dois, je dois vous dire que cette affirmation m'a déboussolé et que j'ai dû la lire trois ou quatre fois.
Si le et le ministre veulent simplement que les comités soient plus représentatifs de la collectivité, c'est bien. Ils peuvent le faire. Mais ce n'est pas ce qui s'est produit. Le a déclaré, et je peux me tromper en le citant, qu'il voulait s'assurer que ses objectifs politiques seraient atteints grâce à ces comités. Quand on pense aux changements apportés à la composition des comités, il y a lieu de s'inquiéter.
Nos préoccupations se rapportent au principe et non au processus. Il y a de très bons policiers, de même qu'il y a de fantastiques criminalistes, dans le monde. Mais ce n'est pas de cela dont nous parlons ici. Nous parlons d'une politisation possible du processus, chose dont nous ne voulons pas au Canada. J'espère que ce n'est pas ce que le voulait dire.
Je ne suis pas venu ici pour représenter la juge en chef de la Cour suprême du Canada. Elle s'en tirerait indiscutablement mieux que moi, et ce n'est donc pas ce que je vais faire. Cela dit, à mon avis, la juge en chef s'exprimait au sujet du principe et non du fait qu'un policier ferait partie de ce comité.
Si je consulte le site Internet du ministère de la Justice, sous la rubrique « L'appareil judiciaire du Canada : maintenir l'équité et l'efficacité de l'appareil judiciaire », il est question du processus suivi, et dans la section « Indépendance judiciaire », on peut lire ce qui suit :
L'indépendance des juges est une pierre angulaire du système judiciaire canadien. Selon la Constitution, le pouvoir judiciaire est distinct et indépendant des deux autres pouvoirs du gouvernement, soit l'exécutif et le législatif. Cette indépendance garantit que les juges rendent des décisions libres de toute influence et fondées uniquement sur les faits et le droit.
Or si je tiens compte strictement de cette observation et non de la manière dont le processus se déroule, je me demande s'il n'y a pas eu érosion de ce principe.
Dans le même texte, au troisième paragraphe, il est question du mandat de la manière suivante :
Un certain nombre d'institutions favorisent l'indépendance judiciaire, notamment le Conseil canadien de la magistrature, le Commissaire à la magistrature fédérale et l'Institut national de la magistrature. Ces institutions aident à maintenir la distance entre le gouvernement et la magistrature dans des domaines comme la discipline, la rémunération et les avantages sociaux, et la formation permanente des juges.
— et avant d'avoir lu ces remarques, j'avais pensé qu'il s'agit des principes dont nous discutons aujourd'hui.
En fin de compte, je pense qu'il y a vraiment problème, et ce problème semble tenir à l'interprétation qu'on fait des choses.
Sans vouloir manquer du plus grand respect envers le premier ministre de notre pays, car il travaille très fort, il ne devrait pas dire ce genre de choses, car cela estompe les frontières entre les pouvoirs. Je n'ai rien contre la police, mais au cours des cinq dernières années, combien de fois avons-nous entendu les hommes politiques appuyer sans réserve le système pénal, les tribunaux? Combien de fois? Pas assez. Pourtant, dans le monde entier, notre système est jugé exemplaire. Nous enseignons même dans les pays du tiers-monde. Toutefois, où sont les parlementaires, où sont les dirigeants qui donnent leur appui au système de justice pénale?
Je fais partie de bon nombre de comités et malgré tout le respect que je leur dois, la police, les groupes d'intérêts, les groupes de pression ou encore les citoyens ou les associations, qu'il s'agisse de l'ACCP ou encore celle-ci, ne semblent pas appuyer sans réserve le système de justice pénale : à leurs yeux, les juges ne sont pas assez stricts ou ils ne comprennent pas. Voilà le noeud du problème.
C'est cela que nous tenions à vous dire. Il ne s'agit pas du processus ici mais bien des principes. Or, à mon humble avis, si l'on modifie le principe, il faut alors qu'on tienne des consultations. Plus tard, si nous en avons le temps, j'aimerais d'ailleurs aborder la question de ces modifications, car à mon avis, on se trouverait à donner aussi aux médiocres le droit d'être nommés, mais je tiens à vous rappeler avec le plus grand respect que nous sommes en train de façonner l'histoire de notre pays ici, de ce que nous allons léguer à nos enfants. Or nous tenons à avoir en poste des candidats très qualifiés et chaudement recommandés — pas des grandes vedettes du Barreau, ça ne donne pas nécessairement quelqu'un de très qualifié. Quoi qu'il en soit, lorsqu'il s'agit de nommer quelqu'un à l'organisme le plus important pour protéger notre démocratie, le ministre devrait certainement être en mesure de choisir parmi les gens les plus qualifiés.
En dernier lieu, je pourrais consacrer beaucoup plus de temps à traiter de cela, mais je me contenterai de dire que fort de mon expérience comme membre du comité des nominations à la magistrature de l'Ontario, un juge est très important. Un juge n'a qu'une voix, et il devrait avoir le droit de vote. Pourquoi le priver de ce droit de vote? Cela nous mène à l'obsession des voix à la place de la recherche du consensus. L'apport des juges peut être tellement éclairé. Sauf si on estime que les comités de nomination étaient la chasse gardé de juges et d'avocats, qu'ils protègent jalousement les juges, ce qui est absurde, je ne comprends pas pourquoi on est arrivé à cela. Notre système nous est très précieux. J'ajouterai que la plupart des gens qui font partie de ces comités vous diront être tellement soucieux de faire les bons choix qu'ils s'en sentent intimidés.
Pour ma part, peu m'importe que les candidats fassent partie de tel ou tel parti ou qu'ils aient milité en faveur de tel parti. S'ils se démarquent et s'ils ont toutes les qualités — Supposons qu'il y en ait trois et que je sois premier ministre ou ministre de la Justice. J'appartiens à un parti et je voudrais donc peut-être nommer cette personne. C'est ainsi que les choses se passent depuis toujours et qu'elles continueront à se passer. Cependant, si tous les candidats étaient très qualifiés, alors nous sommes certains de faire un bon choix.
Par conséquent, c'est le principe en jeu ici qui nous préoccupe énormément, pas le fait qu'on puisse bricoler avec la composition du comité.
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Merci, monsieur le président.
C'est vraiment étonnant: nos témoins d'aujourd'hui semblent avoir des opinions divergentes, mais j'ai trouvé tous leurs arguments convaincants. Peut-être ne suis-je pas dans mon assiette aujourd'hui.
Si je peux me permettre une réflexion, je crois que les remarques que nous venons d'entendre soulèvent une question plus importante : nous n'étudions pas vraiment la nomination des juges, nous tenons un débat politique. Parfois, peut-être à tort, l'opposition affirme que le gouvernement est contre les juges. Je ne suis pas sûr que ce ne soit pas vrai. Mais je suis certain que les avocats — et il y en a au moins trois là — ne peuvent être contre la magistrature, contre les juges.
Or, quand le procureur général prend la parole aux Communes pour affirmer que l'opposition — en l'occurrence, les Libéraux — sont contre la police, c'est tout aussi faux. Moi qui ai pratiqué le droit pendant 21 ans, qui ai été juge, je ne peux être contre la police ou contre les juges. Feu mon oncle a été jugé de la cour provinciale à Moncton où il y a à l'occasion un crime grave. Ce n'est pas Vancouver ou Toronto, mais — Pendant ses 35 ans de carrière, il a établi des relations de travail très étroites avec des procureurs de la Couronne, des avocats de la défense et, certainement, des policiers.
Voilà d'où je viens. Nous venons tous d'une collectivité.
Où je veux en venir avec ces remarques, monsieur le président, c'est que nous discutons de ceux qui devraient siéger à ces comités, comme l'a souligné Me Trudel. Nous sommes en train de discuter d'un processus, comme si cela pouvait se transformer en un débat sur les principes et les attitudes. Je crois que nous perdons notre temps à discuter du processus de nomination des juges, car le gouvernement lui-même a dit que ces changements se fondent sur la prémisse selon laquelle il y a quelque chose qui ne va pas chez nos juges. Mais ce n'est pas ce qu'ont dit ce juge à la retraite, les policiers ou les avocats de la défense.
Qu'est-ce qui ne va pas chez nos juges et qui aurait pu amener le premier ministre à faire une déclaration nous forçant à prendre position pour la police ou contre la police? C'est de la politique pure et simple.
Je ne vous demanderais pas de faire de la politique, nous en faisons assez, avec tous les dégâts que cela cause, nous des deux côtés de la Chambre. Nous n'avons pas besoin de vos connaissances d'experts là-dessus. J'aimerais plutôt que chacun d'entre vous, à commencer par monsieur le juge à la retraite, me dise ce qui ne va pas au sein de la magistrature canadienne qui a nécessité de tels changements au processus? Qu'est-ce qui va si mal et qui a pu amener le premier ministre à apporter ces changements?
Monsieur le juge?
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Je peux répondre à cette question très simplement. Il y a eu un changement de génération chez les juges. Ça n'a rien à voir avec le processus de nomination; c'est une question d'attitude.
Les juges de la génération que Tom Brokaw a appelée « la plus grande génération », ceux qui ont grandi pendant la Dépression, ceux qui ont fait la guerre, ceux qui ont fait du Canada ce qu'il est devenu au cours des 50 dernières années du XXe siècle, ils savaient quoi faire des pires criminels. Ils imposaient des peines qui totalisaient 35, 37 ou 40 ans. Les juges qui siègent maintenant aux cours d'appel du pays limitent les peines à un total de 20 ans, au plus, et quand on tient compte de la libération anticipée et des autres facteurs qu'on a réussi à insérer dans le système, comme la possibilité de déduire d'une peine la période que le délinquant a passée sous garde avant son procès et le prononcé de sa peine, le prix à payer pour avoir commis un crime n'est pas très élevé. Le crime est payant. Les criminels deviennent souvent des criminels en série au niveau des infractions contre les biens tout simplement parce qu'il n'y a pas de châtiment, et c'est essentiellement la faute des tribunaux provinciaux comme celui où je siégeais, pas celle des juges des cours supérieurs.
À mon avis, les juges de la génération du baby boom n'ont pas compris. Ils refusent de protéger le public en infligeant les peines qui s'imposent et bon nombre d'entre eux disent ouvertement qu'ils considèrent l'emprisonnement comme le dernier recours. Regardez ce que les juges ont fait de la peine avec sursis.
Je vous donne un exemple, très brièvement. Je siégeais au tribunal le jour où la peine avec sursis est entrée en vigueur et un avocat est venu me voir pour me dire qu'à la salle d'audience où présidait le juge X, on se déchaînait. Ce juge, qui était contre la police et tout le reste, y compris la prison, accordait des peines avec sursis à tous ceux qui comparaissaient devant lui. Il en a probablement donné 20 ce jour-là.
Comment diable peut-il se permettre une telle chose? On ne devrait pas permettre aux avocats de partir à la recherche du juge le plus accommodant. On ne devrait pas permettre les manipulations du processus. La négociation de plaidoyer est endémique au pays. Les juges n'ont alors plus qu'à approuver automatiquement les ententes conclues aux termes des négociations de plaidoyers. Ça ne me plaît pas. J'ai honte du fait que la magistrature n'a pas fait son travail dans la détermination de la peine aux termes du Code criminel et que les cours d'appel, avec leurs lignes directrices en matière de détermination de la peine, ont littéralement dit au Parlement qu'elles se fichaient bien de ce que le Parlement avait dit dans le Code criminel du Canada, la loi la plus importante au pays après la Constitution.
Le Code criminel prévoit une peine maximale de 14 ans de prison pour les voies de fait graves; pouvez-vous me dire quand on a imposé cette peine la dernière fois? Moi, je n'ai jamais vu un juge infliger cette peine. Selon les lignes directrices de la Colombie-Britannique, on impose une peine de cinq à huit ans, et c'est ridicule.
Voilà donc ce qui ne va pas au sein de la magistrature, dans les termes les plus simples que j'ai pu trouver.
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Je crains de ne pas être d'accord avec mon savant collègue. J'estime que la magistrature a évolué tout comme la société. On dispose de beaucoup plus d'informations. De nombreuses études ont été faites, y compris des études qui montrent que l'emprisonnement, en général, va à l'encontre de l'objectif visé. Nous en savons maintenant plus sur la nature des auteurs de crimes.
Il y a des gens qui font le mal et qui devraient être emprisonnés pour une longue période afin de ne plus pouvoir faire de victimes, mais il y a une zone grise constituée de gens qui ont grandi dans une famille désunie, qui ont des problèmes psychiatriques ou des problèmes mentaux, et parce que nous en savons plus, la détermination de la peine est beaucoup plus complexe. Le concept de l'emprisonnement comme dernier recours est un principe de la détermination de la peine et, à mon sens, un très bon principe, surtout s'il s'agit d'une première infraction, d'un délinquant qui n'a pas encore été en prison, ou d'un jeune délinquant dont on peut espérer la réinsertion sociale. C'est un principe que je trouve très bon.
Il y a d'autres principes de la détermination de la peine selon lesquels, dans certaines situations, le contrevenant doit être emprisonné même si les probabilités de récidive sont très peu élevées. Quelqu'un qui occupe un poste de confiance, un avocat, un comptable qui abuse de cette confiance et de ses responsabilités, même si c'est un cas de toxicomanie, par exemple, devrait aller en prison. C'est un principe de détermination de la peine, car dans ce genre de situations, c'est la dissuasion générale qui prime.
Notre façon d'appréhender la peine a donc évolué. Des études ont démontré que lorsqu'on demandait à des profanes quel genre de peine ils auraient infligé dans certains cas, ils imposent une peine sévère instinctivement. Mais quand on leur explique toutes les circonstances, quand ils détiennent les mêmes informations qu'aurait eu un juge à l'audience de détermination de la peine, leur décision n'est pas la même et ils imposent une peine très semblable à celle que les juges ont eux-mêmes infligée dans ces cas. Des études de criminologie ont prouvé que —
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Monsieur le président, j'attire votre attention sur le fait qu'on est rendu à 11 minutes, bien que les propos de M. Murphy soient pertinents. Je suis certain que vous ferez preuve de la même générosité envers tous les collègues. D'ailleurs, je n'accepterai pas d'être interrompu au bout de six minutes.
Je suis un peu surpris de la tournure que prend le débat, parce qu'on n'est pas ici pour établir les facteurs de la détermination de la peine ni pour décider si les policiers ou les juges sont corrompus.
Je pars du principe que la plupart des gens qui font leur travail le font honnêtement. Bien sûr, il y a eu des cas de policiers, de professeurs, de députés et de juges corrompus, mais cela n'a rien à voir avec notre débat d'aujourd'hui. Il y a un gouvernement qui a décidé, sans consultation préalable, de remanier les règles du jeu dans le processus de sélection des juges, et nous avons des raisons de penser qu'il l'a fait pour des raisons idéologiques. En tant que parlementaires, nous avons à trancher en cette matière, et cela n'a rien à voir avec la compétence des policiers.
Je me demande pour quelle raison ce serait davantage des policiers que des notaires, des infirmières ou n'importe quels autres professionnels. Les policiers, pour méritoire que soit leur travail, n'ont pas plus d'expertise en matière de droit criminel. D'ailleurs, la majorité des cours inférieures ne sont pas surtout saisies de causes criminelles. Ils n'ont donc pas à prétendre qu'ils ont plus d'expertise que n'importe qui d'autre dans notre société. Cela pose un problème parce que dans huit provinces sur dix, les policiers déclenchent le processus de mise en accusation. Je ne comprends pas qu'on ne voie pas qu'il y a là un potentiel de conflit d'intérêts.
Est-ce qu'un policier peut exercer un jugement tout à fait fondé sur les aptitudes qu'il faut pour être juge? Bien sûr. Mais si on met le doigt dans cet engrenage, on accepte que le système de sélection des juges perde son intégrité.
Cela m'amène, en toute amitié et en tout respect, à poser deux questions, d'abord au professeur — je ne prononce pas son nom de crainte de mal le prononcer — et à mon ami M. Cannavino.
Des témoins nous ont proposé d'inscrire dans une loi les modalités de composition des comités de sélection des juges pour éviter qu'un gouvernement, au gré de ses fluctuations hormonales partisanes, puisse les changer. Seriez-vous favorable à ce que le Parlement soit saisi d'une loi visant à empêcher toute espèce de geste de partisanerie indue?
Monsieur Cannavino, je reconnais que ma question est tendancieuse, mais je connais votre haute intégrité intellectuelle. Je pose ma question à la fois à vous, monsieur Cannavino, et à votre voisin. Convenez-vous que les policiers ont une mission particulière, qu'ils sont d'emblée en conflit d'intérêts parce qu'ils déclenchent le processus de mise en accusation dans huit provinces sur dix?
Je propose que le professeur réponde d'abord à mes deux questions, et par la suite, j'écouterai M. Cannavino avec plaisir.
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Vous ne saurez jamais ce que pensent les juges qui siègent parce que, tout d'abord, ils ne peuvent parler publiquement de ce qu'ils ont fait. Lorsqu'ils quittent la cour, leurs décisions appartiennent au parti au litige, aux avocats, à la profession juridique et au grand public.
Il ne serait pas correct que je dise quoi que ce soit et je n'ai rien dit. Je n'ai accepté aucun interview avec la presse, aucune photo, rien--le silence absolu. La tendance actuelle des juges de parler publiquement alors qu'ils sont en fonction, notamment le juge en chef du Canada, représente un changement énorme. Toutefois, une fois à la retraite, j'estime qu'un juge a le devoir, en tant que citoyen, de ne pas se contenter d'aller jouer au golf en Floride ou ce genre de choses mais de dire ce qu'il pense. S'il y a quelque chose d'extrêmement bon dans le système, ou quelque chose qui le trouble, il doit le dire. Dans mon cas, ce qui me trouble, c'est la négociation de plaidoyers qui devient extrêmement fréquente. Cela revient à établir des peines à huis clos et à demander aux juges de se contenter d'approuver.
Pourquoi suis-je le seul à dire cela au Canada? Suis-je excentrique ou y a-t-il quelque chose qui ne va pas chez moi? Non, c'est simplement qu'ils agissent comme un club privé, qu'ils ne veulent pas que l'on fasse de remous. Je ne les blâme pas. Ils ont un rôle très difficile. Quand on devient juge, on n'est plus un citoyen libre de faire ce que l'on faisait auparavant. On se trouve isolé, on ne parle essentiellement qu'à d'autres juges.
Il est très difficile, quand on prend sa retraite, de devenir un gêneur, comme moi, et ce n'est pas quelque chose qui me satisfait beaucoup. Je suis très mal à l'aise d'être ici. Quand je parlais aux étudiants, il m'était très difficile de leur dire les difficultés que rencontrent les victimes, de leur dire comment se sentent les victimes. Tout ce que je peux vous dire c'est que les victimes, au Canada, estiment qu'on ne leur rend pas justice.
Pour ce qui est du processus de nomination — Qu'est-ce qu'il prend aux juges lorsqu'ils déclarent aux victimes : « La justice pénale ne peut rien pour vous »? Littéralement, c'est exact, mais c'est très pénible pour les victimes. Je dis donc simplement que lorsque je me suis adressé à ces jeunes et leur ai dit que j'estimais n'avoir rien accompli en 26 ans à cet égard, que tout ce que j'ai établi comme peine appropriée a été soit rejeté par la Cour d'appel qui déclarait que c'était trop sévère et excessif... Et c'est là l'écart générationnel dont je parlais, le changement de génération, ce genre de choses.
Mais laissez-moi vous expliquer comment tout ça a commencé.
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Puis-je simplement dire ceci? Cela ne se produira jamais au palier fédéral parce que c'est impossible. J'ai déjà témoigné à ce sujet mais un des meilleurs systèmes est le système d'entretiens. Un processus d'entretien à huis clos permet réellement de faire la distinction entre les gens fortement recommandés du point de vue politique et ceux qui ne devraient probablement pas l'être.
Si ce processus doit être maintenu, je ne comprends vraiment pas pourquoi le juge n'a pas droit de voter. Cela me semble parfaitement ridicule. Cela équivaut à dire qu'un juge peut voter en cas d'égalité, mais je pense que ce que vous et d'autres ont dit, c'est que vous souhaitez un consensus et que vous ne voulez pas que l'on soit amené à voter. C'est l'esprit de ce genre de comités.
J'estime que le juge devrait avoir le droit de vote. Les juges sont là pour guider. Ils connaissent le genre de juges qui sont nécessaires. Ils savent quels sont par exemple les besoins de leurs provinces. Ils savent combien il y a de juges dans la région et ce genre de choses. Le juge n'aurait qu'une voix.
Je ne comprends pas pourquoi ils ne devraient avoir aucune voix. C'est un message qui ne semble pas juste et on se demande ce que cela signifie. Qu'est-ce que cela laisse entendre? Pourquoi le juge ne peut-il pas voter? C'est un juge supérieur.
Deuxièmement, je crois réellement qu'il s'agit là d'un comité consultatif et que le ministre demande un avis. Un comité qui avise devrait certainement pouvoir donner son avis sur des candidats qui sont plus qualifiés ou qu'il recommanderait fortement, parce que c'est ce à quoi sert un tel comité.
Le ministre de la Justice ne va pas aller chercher des gens pour leur faire passer un entretien. Il a un comité pour le conseiller. J'estime qu'un comité qui conseille convenablement va présenter les candidats recommandés et ceux qui sont fortement recommandés. Le ministre peut choisir parmi les candidats fortement recommandés ou les candidats recommandés, mais il devrait avoir ce genre d'information. C'est le rôle du comité consultatif et j'estime que c'est très important.
Le gouvernement fédéral nomme plus de monde au sein de ces comités et certains ont ainsi critiqué le fait que les voix des gens nommés par le fédéral peuvent l'emporter sur les autres. Si vous donnez une voix au juge, cela équilibre un peu mieux les choses. On ne pourra pas dire que certains ont plus de voix que d'autres.
L'autre chose, et on en a déjà parlé, si vous devez faire un rapport à la Chambre, si c'est comme cela que ça se fait, réexaminons la question. Il n'y a pas eu de consultations, je ne sais pas pourquoi, et vous êtes maintenant en train d'effectuer ces consultations et j'estime que cela doit être examiné et réexaminé dans des délais raisonnables.
Toutefois, le changement précis que j'apporterais serait de donner une voix aux juges. Ce n'est qu'une voix. Il s'agit de la nomination de juges. Ceux-ci ont beaucoup à apporter. Deuxièmement, il faut pouvoir dire qu'il s'agit de candidats fortement recommandés. Le ministre peut choisir parmi eux ou parmi les candidats recommandés. Je crois que ce serait là aussi un changement important.
Je ne pense pas vraiment qu'il y avait quoi que ce soit à redire en ce qui a trait aux comités tels qu'ils étaient auparavant. Il y aura toujours des critiques dans ce genre de nominations mais je pense que les gens s'efforcent de faire ce qui est bien.
Le problème est que le comité a été changé, que l'on a annoncé pourquoi il avait été changé et il faut voir dans quelle mesure les motifs invoqués sont justifiés en s'assurant que la composition de ce comité est juste, que personne n'aura plus de voix que quiconque, que l'on entendra le juge et que l'on pourra fortement recommander certaines personnes.
Ce sont les commentaires précis que je voulais faire.
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Je vous remercie, monsieur le président.
À mon avis, il est important que le processus de consultation en vue des nominations des juges soit équilibré. Si vous y faites participer un policier, vous vous trouvez à favoriser cet équilibre.
Le processus d'évolution ne date pas d'hier, et il faut le reconnaître. Nous agissons pourtant comme s'il s'agissait d'un changement radical, sans tenir compte des nombreuses modifications déjà apportées au système judiciaire, qu'elles aient eu lieu sous Brian Mulroney et son ministre de la Justice en 1988, ou en 1991. Il s'agit simplement ici d'un autre geste dans notre quête de l'équilibre. Si nous ne pouvons compter sur la présence et sur la voix de représentants des corps policiers, je crains qu'il nous manque un acteur important du système judiciaire.
Les tribunaux, tout le processus judiciaire fait appel à des avocats, à des juges et certainement aussi à des agents de police. C'est pourquoi la comparaison établie entre les policiers et d'autres groupes ne tient pas debout, car ni les représentants syndicaux, ni les enseignants, ni les autres groupes mentionnés ici ne participent au processus judiciaire, contrairement aux policiers. C'est pour cela qu'à mes yeux, leur apport est très précieux.
Ma question porte sur quelques aspects liés entre eux. Il a été dit que cette nouvelle initiative portera atteinte à l'indépendance judiciaire, nuira à l'administration de la justice. Est-ce que cela signifie que les juges en poste avant 1988 n'étaient pas qualifiés? Si le changement mis en oeuvre aujourd'hui va influer sur l'administration de la justice, est-ce que cela infirme pour autant ce qui s'est passé avant 1988 et 1991? Il est contradictoire de laisser entendre que des représentants des corps policiers qui sont de bonne foi vont nuire à l'indépendance judiciaire.
Peut-être que M. Cannavino pourrait-il me faire de brèves remarques là-dessus, après quoi je prendrai de nouveau la parole sur le même sujet.
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J'aimerais réitérer ici les propos que j'ai tenus en réaction à certaines des observations entendues.
Je conviens qu'il ne s'agit pas de remettre en question le travail d'un policier quelconque au sein de ce comité consultatif. Il y a en effet des milliers et des milliers d'agents de police qui font preuve de jugement, de tact, d'honnêteté et de toutes les autres qualités et qui feraient d'excellents candidats à toute une gamme de fonctions. Ce qui est en cause ici, c'est la police en tant que corps constitué et le fait qu'elle se voit donner le droit de participer à un processus de nomination. C'est à cet égard qu'on se demande en quoi une telle participation peut influer le délicat processus de nomination. De l'avis de M. Brown, l'arrivée de représentants de la police apporterait un nouvel équilibre.
Je pose donc cette question. Qu'est-ce que la participation de la police, en tant qu'institution sociale, apporterait à cet équilibre? Je ne suis pas vraiment sûr de savoir en quoi consiste l'équilibre en question, mais quoi qu'il en soit, l'apport de la police apporte quelque chose de nouveau.
J'observe que nous ne nommerons pas des gardiens ni des élus à ces comités consultatifs, qui pourtant doivent certainement représenter des milliers et des milliers de gens ainsi que l'intérêt public. Nous ne les mettons pas là et nous n'y mettons pas non plus de prêtres ni de ministres, qui pourtant s'intéressent de très près aux questions de divorce et aux droits de la famille. D'ailleurs, beaucoup de groupes dans notre société peuvent se sentir concernés par ces questions.
Je ne m'oppose pas à ce qu'on nomme un prêtre ou un ministre à ce comité. Je n'ai rien à redire non plus à ce qu'on y nomme un gardien de prison. Toutefois, les activités politiques de la police sont déjà limitées par la Constitution. Leur champ d'action est déjà limitée par la loi. Nous avons donc déjà souligné le caractère assez sensible de leur situation.
Pouvez-vous me dire quel pourrait être l'apport de la police en tant qu'institution à cet équilibre?
Monsieur Cannavino.
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Le tribunal ultime, s'il veut l'être, est le Parlement. Il y a des députés qui feraient exactement ce que M. Ratushny a dit, mais l'institution fonctionne toujours, et elle fonctionne bien.
En ce qui concerne la politisation des forces policières, qui ont critiqué le système juridique ou les décisions individuelles, chaque Canadien a le droit absolu d'exprimer des critiques très graves à l'égard de toute décision rendue par un juge ou de toute série de décisions. Il s'agit là d'un droit absolu. Cela fait partie de notre liberté individuelle. Il ne faut pas museler les policiers.
Un membre de la police métropolitaine à Londres — son nom m'échappe, a écrit une biographie. Il a dit que des changements ont été apportés dans la mesure où les chefs de police doivent commencer à parler publiquement des questions qui portent sur le système de justice pénale.
Je ne vois aucune raison pour que nous ne puissions avoir un processus plus légitime sur le plan de la démocratie en ayant un policier ou des policiers membres du comité. Comme M. Ménard l'a dit, le processus devrait être transparent comme c'est le cas de tout autre processus. Plus le processus est transparent, mieux c'est.
Comme M. Ratushny l'a dit — et je crois qu'un autre député l'a dit également — ultimement, le gouvernement du jour a le devoir absolu — non pas le droit, mais le devoir absolu — aux termes de l'article de la Loi sur l'Amérique du Nord britannique qui porte sur la magistrature, de nommer les juges de la Cour supérieure. C'est un droit absolu qui reste entre les mains du Parlement, et il ne doit jamais être délégué à un comité, jamais. Le Premier ministre peut très bien jouer un rôle qui va au-delà de l'intention initiale de notre structure parlementaire; cependant, plus cela devient légitime, plus cela devient démocratique, mieux c'est — et je crois que cela inclut les policiers.
Je vous souhaite donc bonne chance.
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J'ai immigré au Canada dans les années 60. Dans les années 60 et 70, j'ai été directeur d'une école secondaire et maire d'une petite ville en Alberta. Je me suis beaucoup intéressé au dossier de l'ordre public. Dans les années 60 et 70, comme le disait maître Trudel, j'ai appuyé sans réserve le système de justice, qui était d'ailleurs plutôt bon. En comparaison avec mon pays d'origine, le système de justice canadien me plaisait beaucoup. Puis, graduellement, pendant les années 80 et 90, cela a changé. Je vous donne deux exemples.
Quand j'étais maire, les policiers ont mis la main au collet de deux jeunes adultes qui avaient attaqué le propriétaire d'une petite entreprise qui rapportait à la maison les recettes de la journée. Il préférait ne pas les laisser au magasin. En rentrant à la maison, il a été sauvagement battu et volé. Peu de temps après, la police a arrêté deux personnes qui ont été envoyées en détention provisoire à Calgary parce que nous n'avions pas de centre de détention dans notre petite ville. Ça, et c'était dans les années 80, quand j'étais maire.
J'ai félicité le sergent de la GRC de l'excellent travail de son service, qui avait réussi à appréhender deux suspects. Les policiers ont donc amené ces deux individus au Centre de détention provisoire de Calgary. Avant de rentrer, ils se sont arrêtés au quartier général à Calgary puis sont allés manger. À leur retour, ils ont vu les deux suspects sur un coin de rue leur faisant un bras d'honneur. Les deux hommes étaient déjà rentrés, avant même les policiers. Je me suis demandé comment cela était possible.
Peu de temps après, une enseignante que j'avais engagée trois ans plus tôt — c'était une excellente enseignante, mais elle était jeune et n'avait que trois ans d'expérience — est venue me voir à mon bureau, le lundi matin, en larmes. Une chose terrible s'était produite pendant le week-end. Elle s'était fait arrêter pour conduite en état d'ébriété et avait été accusée de conduite avec les facultés affaiblies ayant causé des blessures, car il y avait eu un accident. Elle était catastrophée et rongée par les remords. Elle n'arrêtait pas de pleurer. J'ai voulu l'aider et je lui ai dit que oui, en effet, elle avait mal agi, et elle était d'accord avec moi, mais que j'allais l'aider.
J'ai parlé au conseil scolaire qui lui a permis de garder son emploi à l'école. Le conseil scolaire voulait la renvoyer sans délai, mais je l'ai convaincu de ne pas le faire, car c'était vraiment une bonne enseignante.
Environ un mois plus tard, elle est venue me voir avec son avocat; ils m'ont demandé une lettre de référence en guise d'appui pour l'audience qui devait avoir lieu peu de temps après. Je lui ai dit : « Je peux vous donner une lettre de référence confirmant vos compétences d'enseignante. Je n'hésiterai pas à faire cela, mais je ne peux pas justifier ce que vous avez fait. » Je lui ai alors demandé quand se tiendrait le procès, car si elle devait s'absenter, je voulais m'assurer de lui trouver un remplaçant. On m'a répondu que ce ne serait pas avant deux ou trois mois, et quand j'ai demandé pourquoi pas plus tôt, on m'a répondu que c'était le juge A qui siégeait à ce moment-là et qu'on préférait attendre que ce soit le juge B. On attendait tout simplement d'avoir un juge plus accommodant. Je ne pouvais en croire mes oreilles, mais je me suis fait dire que cela se fait couramment.
Nous pourrions aussi trouver des exemples en matière fiscale et dans les cas de mères et de pères qui se battent pour avoir la garde de leurs enfants.
Puis, le pire s'est produit : quatre policiers ont été tués à Mayerthorpe par un individu qui n'aurait jamais dû être libéré puisqu'il avait été arrêté au moins 70 fois.
Maître Trudel, comment pouvez-vous me demander d'appuyer le système de justice? Jamais de la vie! Et 90 p. 100 des contribuables de ma circonscription abondent dans le même sens que moi. Il faut des réformes radicales. Il faut trouver une solution. Si ça commence par des rajustements à la composition des comités qui choisissent les juges, pourquoi pas? De là, on pourra continuer à apporter des changements de plus en profondeur. C'est ce que réclament les gens. Nous ne pouvons plus appuyer le système de justice quand nous voyons ce qui se passe autour de nous.
Pourquoi, selon vous, y a-t-il tant d'organisations qui défendent les victimes de crimes? Pourquoi les victimes jugent-elles bon de se rassembler?