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Merci beaucoup, monsieur le président et honorables membres.
Au nom d’Aide juridique Ontario, je désire vous informer que nous fournissons chaque année des services juridiques à plus d’un million d’Ontariens à faible revenu au moyen de nos trois programmes — le programme des avocats de service, les services des cliniques juridiques et le système des certificats d’aide juridique — lorsque la sécurité, le foyer, la famille, le revenu ou la liberté de ces clients sont menacés.
Le programme des avocats de service est le plus important par le nombre de personnes à qui nous fournissons des services. Nous établissons chaque jour l’horaire d’avocats devant la plupart des tribunaux provinciaux, où ils fournissent des services de triage à des parties non représentées par un avocat qui comparaissent devant le tribunal ce jour-là. Les avocats de service en matière pénale aident à présenter un plaidoyer de culpabilité, à prendre la parole avant l’imposition de la peine, à mener des enquêtes sur le cautionnement et à établir la date d’un procès et d’ajournements. Devant les tribunaux de la famille, les avocats de service aident lors de comparutions anticipées, à préparer les documents dont le contenu est simple, en matière d’ordonnances sur consentement et ils représentent leur client lors de la présentation de requêtes simples. En 2005-2006, le programme des avocats de service a aidé 760 000 Ontariens.
Le programme des cliniques juridiques communautaires fournit essentiellement des services en matière de droit des pauvres, notamment de l’aide en matière de logement et de sécurité du revenu. Ces cliniques prennent également des initiatives en matière d’éducation juridique du public, de développement communautaire et de travail relatif à la réforme du droit. Dans quelques instants, mon collègue M. Guitard traitera en détail du système des cliniques juridiques.
Le volet du programme d’aide juridique de l’Ontario qui reçoit le plus d’attention est le système des certificats, grâce auquel des services sont fournis chaque année à environ 110 000 Ontariens, en partenariat avec des avocats de pratique privée. Aide juridique Ontario fournit à ces clients un certificat qu’ils peuvent présenter à l’avocat de pratique privée de leur choix. Par la suite, AJO rembourse à cet avocat le montant des honoraires fixé dans le tarif.
Des certificats sont délivrés en matière pénale lorsqu’il est probable qu’une peine d’emprisonnement sera imposée à l’accusé; en matière de droit de la famille lorsque la garde d’un enfant, le droit de visite et la pension alimentaire sont en jeu, principalement dans le cas de femmes, parmi lesquelles nombreuses sont les victimes de violence familiale; également lorsque les pères et les mères ont des problèmes liés à la protection de leur enfant dans leurs rapports avec la Société d’aide à l’enfance. Des certificats sont délivrés au sujet d’affaires relatives à des réfugiés et de certaines autres affaires en matière d’immigration. Occasionnellement, nous délivrons des certificats pour des audiences devant la Commission nationale des libérations conditionnelles, la Commission ontarienne d’examen, qui s’occupe des problèmes de santé mentale en vertu du Code criminel, et la Commission du consentement et de la capacité.
J’aimerais traiter de nos critères d’admissibilité financière. Aide juridique Ontario ne fournit vraiment des services qu’aux plus pauvres parmi les pauvres. Les critères financiers n’ont pas été assouplis depuis de nombreuses années. De fait, le taux d’admissibilité a été dramatiquement réduit de 22 p. 100 en 1995, ce qui a coïncidé avec les réductions des paiements d’aide sociale par le gouvernement de l’Ontario. Depuis ce temps, les taux n’ont pas augmenté. Il en résulte que le coût de la vie a augmenté, mais que de plus en plus de personnes à faible revenu sont inadmissibles à l’aide juridique.
Les critères ontariens d’admissibilité financière sont appliqués quel que soit le montant du loyer, les coûts de transport et les autres frais de subsistance de l’auteur de la demande, car AJO a établi des limites maximales permises pour ces coûts. Chaque dollar de revenu qui dépasse les montants permis est considéré comme de l’argent que les demandeurs peuvent utiliser pour payer les honoraires d’un avocat. Ces allocations sont maintenant déraisonnablement petites et correspondent rarement aux frais de subsistance du demandeur.
La plupart des clients d’AJO reçoivent une forme d’aide sociale. Dans une large mesure, les travailleurs à faible revenu ne sont pas admissibles à l’aide juridique en Ontario. Par exemple, une famille de quatre personnes dont le revenu est de 29 000 $ par année ne serait probablement pas admissible à l’aide juridique en Ontario. Pour un particulier, le seuil d’inadmissibilité est d’environ 18 000 $.
Notre situation financière actuelle est difficile et elle se détériore régulièrement. Au cours des dernières années, AJO a reçu un financement pour des projets précis, mais depuis 1999, notre niveau de financement de base n’a pas été augmenté.
Depuis cette date, nous avons absorbé les coûts de l’inflation et les coûts salariaux qui s’élèvent à 44 millions de dollars et les demandes de services sont en hausse dans le programme de certificats et celui des avocats de service. Nous avons épuisé toutes nos réserves et nous avons maintenant un déficit structurel qui se situe entre 10 et 15 millions de dollars par année. Ce déficit continuera à augmenter, si nous ne recevons pas un financement de base additionnel. Nous devrons très bientôt faire des choix difficiles.
Tout indique que la demande de services d’aide juridique augmentera et nous avons de bonnes raisons pour le croire. Tous les régimes d’aide juridique du pays subissent les pressions causées par les facteurs démographiques, l’augmentation et le vieillissement de la population, les tendances dans la société et le nombre croissant d’accusations au pénal.
Les lois et les politiques du gouvernement fédéral ont des effets majeurs sur les demandes d’aide juridique. À cause des modifications régulières des lois et des politiques du gouvernement fédéral, un plus grand nombre d’accusations sont déposées, ce qui entraîne une demande accrue de certificats d’aide juridique. Un accusé sur neuf présente une demande de certificat d’aide juridique. Les mégaprocès récents de membres présumés de gangs exercent d’énormes pressions sur notre système de certificats. Lors de ces mégaprocès, la défense de chaque accusé peut coûter 90 000 $, en comparaison d’un coût moyen de 1 500 $ pour un accusé ordinaire qui présente une demande d’aide juridique.
Les dispositions législatives récemment adoptées qui éliminent les peines avec sursis dans le cas de certains crimes ont trait aux infractions qui représentent 80 p. 100 des services fournis au pénal par les avocats qui ont accepté un certificat. Un effet possible de ces modifications des dispositions législatives est qu’un plus grand nombre d’accusés qui risquent de se voir imposer une peine plus sévère présenteront un plaidoyer de non-culpabilité; de cette façon, leur procès durera plus longtemps et l’Aide juridique sera obligée de dépenser plus d’argent pour les défendre.
Les récentes modifications des peines minimales imposées à ceux qui ont commis une infraction mettant en jeu des armes à feu entraîneront probablement la condamnation d’un plus grand nombre de personnes à une peine d’emprisonnement, ce qui causera l’augmentation des demandes d’aide juridique par des détenus.
Ces modifications du droit pénal et la demande connexe de certificats en matière pénale signifient que de moins en moins de ressources sont disponibles pour s’occuper d’autres domaines du droit, en particulier du droit de la famille. La plupart des clients en matière de droit de la famille sont des femmes, parmi lesquelles nombreuses sont les mères chef de famille.
AJO estime qu’au cours des trois prochaines années, le coût des nouvelles initiatives fédérales pour le régime d’aide juridique sera d’environ 7,5 millions de dollars.
Une grande partie des services juridiques qu’AJO fournit sont dans les domaines du droit qui relèvent du gouvernement fédéral. Le droit pénal est évidemment de compétence fédérale, mais vous ne savez peut-être pas qu’à l’article 91 de la Loi constitutionnelle, la compétence en matière de mariage et de divorce est attribuée au gouvernement fédéral. Le droit du divorce est donc de compétence fédérale, cela augmente beaucoup le coût des services requis par les personnes mariées engagées dans un procès en matière de droit de la famille et cela modifie la nature des services dont ils ont besoin. Les initiatives récentes qui ont eu une incidence majeure sur les coûts de l’aide juridique en ce domaine comprennent les Lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants, obligatoires, et plus récemment les Lignes directrices sur les pensions alimentaires pour époux. Quarante-quatre pour cent de tout le travail accompli par les cliniques juridiques a trait aux domaines de compétence fédérale ou d’intérêt fédéral, comme l’assurance emploi, le Régime de pensions du Canada, le logement et près de 70 p. 100 des demandes d’asile présentées à l’échelle nationale sont traitées en Ontario.
En terminant, je désire vous dire qu’à l’Aide juridique, nous croyons que les Canadiens veulent que le système de justice soit équitable. Nous sommes d’avis que les Canadiens appuient la Charte des droits et libertés et cela a entraîné l’adoption d’une politique judiciaire selon laquelle personne ne doit être reconnu coupable sans être représenté par un avocat. Nous croyons que nous devons tous considérer le système de justice comme un ensemble intégré, que si nous augmentons les ressources affectées aux services de police et des poursuites, nous devons également nous assurer que la défense des accusés est adéquatement financée pour que le système assume ses responsabilités constitutionnelles.
Merci.
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Bonjour. Je suis le directeur de la Clinique juridique francophone de l'Est d'Ottawa. C'est la cinquième clinique juridique ouverte à Ottawa.
Les besoins de la clientèle en matière juridique ne sont pas tous satisfaits par les services en place. À Ottawa, nous tentons par tous les moyens de ne pas abandonner les clients à eux-mêmes en coordonnant nos services autant que possible. Il existe une très bonne collaboration entre le Bureau d'aide juridique et les cinq cliniques juridiques communautaires en ce sens.
Les cliniques collaborent aussi entre elles. Elles s'épaulent lorsqu'une clinique est débordée et elles dirigent la clientèle vers une clinique qui s'occupe de tel aspect du droit en particulier. L'exemple qui me vient à l'esprit est celui de la clinique de l'Université d'Ottawa, qui peut offrir des services à la Cour des petites créances par l'entremise des étudiants en droit qui sont supervisés par un membre du Barreau. Cependant, l'exemple que je viens de donner ne s'applique pas nécessairement à toutes les autres régions de l'Ontario.
De plus, même si elles s'efforcent de répondre aux besoins des clients quotidiennement, les cliniques sont souvent débordées. À notre clinique, qui n'est ouverte que depuis septembre 2003, nous avons, depuis un an, un nombre de cas comparable à celui des autres cliniques qui existent depuis longtemps à Ottawa.
Pour la prestation des services, les cliniques juridiques s'occupent chacune d'une région géographique en particulier. Donc, il existe une clinique au centre d'Ottawa, une au sud, une à l'ouest et une à l'est. Notre clinique est située à l'est et elle a pour mandat spécial d'aider les francophones, un groupe particulièrement touché par la pauvreté. Nous recevons régulièrement des demandes d'autres cliniques pour aider les francophones d'un peu partout à Ottawa, parce qu'elles sont débordées.
Puisque nous sommes souvent le premier port d'entrée pour les gens qui ne connaissent pas les rouages de la justice, nous avons constaté qu'il existait une grande demande pour des services en droit de la famille, services qui ne sont pas couverts par les cliniques juridiques, et seulement en partie par le Bureau d'aide juridique.
Il y a souvent des gens qui ont de la difficulté à se trouver un avocat ou une avocate, même s'ils sont admissibles financièrement, parce que leur domaine n'est couvert ni par le Bureau d'aide juridique ni par les cliniques juridiques. Il y a donc un vide juridique dans certains domaines. Il y a enfin tous ceux qui sont juste au-dessus des critères d'admissibilité et qui éprouvent beaucoup de difficulté à payer des avocats pour leur venir en aide.
J'ai travaillé près de 20 ans dans les cliniques juridiques et, à mon humble avis, celles-ci sont des bureaux juridiques qui fournissent des services de nature essentielle aux plus défavorisés de nos communautés, cela à un prix moins élevé que s'ils entraient dans un système où on doit payer des avocats en pratique privée.
Je me permets de vous dire que les cliniques juridiques sont présentement à risque, puisque le nombre de demandes augmente, tandis que les budgets d'aide juridique de l'Ontario sont déficitaires.
Les cliniques juridiques offrent de la représentation juridique surtout dans le domaine du droit au logement et du maintien du revenu. C'est un domaine qui englobe beaucoup de sous-domaines comme l'aide sociale, les prestations d'invalidité, l'assurance-emploi, les accidents de travail, le Régime de pensions du Canada et, pour certaines cliniques dont la nôtre, l'immigration et l'aide aux victimes d'actes criminels.
Les cliniques ont aussi un mandat relatif au développement communautaire qui inclut la prévention de problèmes juridiques par l'éducation juridique communautaire et la réforme du droit dans nos domaines de pratique reliés à la pauvreté.
Monsieur le président, honorables membres du comité, je vous remercie.
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Il est certes vrai que nous recevons beaucoup d’avantages des avocats qui font du travail d’aide juridique, en partie parce qu’ils désirent fournir des services à la collectivité et je désire le reconnaître.
Au cours des cinq dernières années, la gamme de questions au sujet desquelles un certificat en matière pénale est délivré a été réduite de façon très importante pour essayer de tenir compte de l’augmentation de la demande et des coûts. Alors qu’auparavant, un certificat était délivré lorsque l’accusé risquait d’être emprisonné ou de perdre son emploi, pour que nos activités respectent nos limites de financement et éviter un dépassement budgétaire, nous avons dû réduire l’admissibilité aux affaires dans lesquelles l’accusé risque d’être emprisonné.
Une des questions qui exercent beaucoup de pression sur l’aide juridique est la nouvelle tendance des autorités du système de justice à poursuivre des gangs de nombreux délinquants. Le procès de nombreux accusés coûte beaucoup plus cher; il s’agit essentiellement de poursuites liées à des gangs; elles coûtent énormément plus cher que les affaires ordinaires relatives à un particulier.
Le coût moyen du procès d’un accusé dont un avocat a accepté le certificat se situe entre 1 500 $ et 1 600 $. Certains des procès les plus coûteux de gangs coûtent maintenant jusqu’à 90 000 $ à Aide juridique Ontario et cela exerce des pressions démesurées.
Dans une large mesure, c’est la conséquence des modifications du Code criminel par le gouvernement fédéral où il y a maintenant des peines et des articles particuliers relativement à l’appartenance à un gang.
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Bonjour, monsieur Biggar et monsieur Guitard.
Premièrement, je vous remercie de nous avoir éclairés sur la Loi sur les services d'aide juridique de l'Ontario. Au nom des avocats de la province de Québec — je le suis au privé —, je peux vous dire tout de suite, en partant, que l'aide juridique est plus payante en Ontario qu'au Québec.
Deuxièmement, vous parlez principalement de l'Ontario, parce c'est le but de votre présence ici. Je crois comprendre que vous voulez renouveler un type d'entente selon laquelle il y a deux partenaires, à 50-50, comme ce que l'on a connu au Québec pendant un bout de temps. Les règles de l'Ontario se sont appliquées à la province de Québec également. Vous savez qu'on est à peu près dans le même bateau à cet égard.
Vous avez parlé des trois grandes classes dans lesquelles vous placez les personnes à faible revenu. Je parle de celles qui sont admissibles au certificat, que nous appelons chez nous le mandat. Vous savez comme moi que l'aide juridique relève des provinces en vertu du paragraphe 92(14) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Cela relève strictement des provinces, et il existe des ententes fédérales-provinciales.
Supposons que, parmi vos clients, il y a un francophone pauvre de l'Ontario — cela arrive, comme il y a des anglophones pauvres au Québec — qui a un problème collectif, qui a reçu une contravention en anglais, par exemple. Il est pauvre et il a besoin de défendre ses droits. Allez-vous l'admettre?
Au Québec, on accepte les cas d'immigration, d'assurance-emploi, de logement social. On accepte les cas relevant de toutes les lois fédérales. Y a-t-il des lois fédérales ou des critères qui font qu'un pauvre ne peut avoir accès à ce service pour faire reconnaître ses droits de francophone qui a reçu de la municipalité d'Ottawa une contravention rédigée uniquement en anglais?
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Dans les services d’aide juridique, je ne crois pas que vous trouveriez de nombreuses pratiques non efficientes dans les programmes de certificats et d’avocats de service. Et il n’y aurait certainement pas beaucoup de surfacturation.
Nous contrôlons constamment et très soigneusement les sommes versées aux avocats en général et à des avocats en particulier. Un de nos employés à temps plein est un enquêteur et nous disposons de nombreux mécanismes qui déclenchent automatiquement une enquête sur les relevés de compte d’un avocat. Par exemple, nous avons récemment mis en place une méthode informatique de pointe pour payer les relevés de compte et les avocats peuvent présenter leurs relevés de compte électroniquement, mais ce système comporte de nombreux freins et de nombreux contrepoids pour assurer que seulement ce qu’il convient de payer est effectivement payé.
De plus, le système choisit au hasard environ 5 p. 100 des comptes, qui font l’objet d’une vérification détaillée. Si des questions se posent au terme de cette vérification détaillée, notre enquêteur à temps plein s’assure qu’il n’y a pas de pratiques répréhensibles. Chaque année, nous découvrons que certaines personnes ont été un peu actives ou plus actives et nous prenons des mesures pour recouvrer des fonds. Les avocats qui travaillent pour l’Aide juridique ont généralement tendance à accomplir beaucoup de travail pour nous et nous avons eu beaucoup de succès en appliquant nos programmes de recouvrement des coûts. Nous contrôlons constamment le coût de chaque affaire, le coût par certificat, les sommes versées aux avocats et nous avons confiance que ce volet de nos activités est bien contrôlé.
Sur le plan administratif, Aide juridique Ontario a un ratio favorable de frais d’administration d’environ 10 p. 100, qui se compare avantageusement à d’autres programmes similaires au pays et à d’autres programmes d’aide juridique au pays.
Le gouvernement provincial exerce sa surveillance très diligemment et à l’interne, nous examinons constamment nos dépenses pour déterminer si nous pouvons réduire nos budgets, ce que nous avons dû faire. De fait, c’est uniquement de cette façon que nous avons pu maintenir nos niveaux de service, malgré que depuis 1999, notre financement de base n’ait pas été augmenté.
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Aide juridique Ontario est l’un des premiers régimes d’aide juridique d’envergure au Canada. Ce régime a été constitué par une loi adoptée en 1967; les autres provinces ont adopté des régimes similaires dans les dix années qui ont suivi. Je regrette de ne pouvoir vous dire avec précision avec quel empressement les autres provinces ont emboîté le pas. Je crois que le Québec, en particulier, a été l’une des premières provinces à entrer dans la ronde avec l’établissement d’un régime complet de prestation de services.
Au début, les régimes ont évolué assez lentement. Par exemple, à l’origine, en Ontario, on offrait peu d’aide pour les dossiers en droit de la famille. À la suite de l’adoption de la loi fédérale sur le divorce en 1968, le droit de la famille est devenu, si j’ose dire, un secteur très florissant. L’éclatement des familles a créé, chez les personnes touchées, une demande et un besoin d’aide véritables auxquels Aide juridique Ontario a répondu par l’élargissement graduel de ses services.
Notre régime d’aide juridique a toujours été aux prises avec des problèmes de financement. Il a toujours lutté pour répondre aux besoins cruciaux exprimés par ceux réclamant l’aide d’un avocat de service à la cour ou cherchant à obtenir de l’aide auprès de nos bureaux. De façon générale, Aide juridique Ontario a pu répondre à une bonne part des besoins.
Au début des années 1990, nous avons fait face à une crise en matière de certificats d’aide juridique et d’avocats de service. À ce moment-là, une dure récession sévissait dans l’ensemble du Canada et, avec deux fois plus de chômeurs, entre autres conséquences, le nombre de demandeurs d’aide a réellement doublé. Nous avons atteint un sommet en 1993-1994, exercice où Aide juridique Ontario a délivré environ 236 000 certificats. Cette situation a déclenché une crise de financement, suivie d’une crise politique et d’un changement dans la gestion d’Aide juridique Ontario.
Au même moment, le système des cliniques se constituait très lentement. Si je me rappelle bien — mon ami René devra me le confirmer — la première clinique était un projet conjoint du barreau et de la Osgoode Hall Law School de l’Université York. Elle était située à Parkdale, un quartier pauvre du centre-ville de Toronto. Elle a été établie en 1972.
Par la suite, trois ou quatre autres cliniques ont été établies, et deux commissions royales d’enquête se sont penchées sur le régime des cliniques, la première dirigée par le juge Sam Grange et la seconde, par le juge John Osler. Soit dit en passant, Ian Scott a agi comme conseiller juridique de la commission Osler, et certains d’entre vous savez peut-être qu’il est décédé il y a deux semaines.
Les recommandations de ces commissions ont entraîné l’établissement, en Ontario, d’un important régime de cliniques chargées d’offrir des services que n’avaient jamais fournis les avocats de pratique privée à qui que ce soit, en quelque sorte — des services touchant l’admissibilité à l’aide sociale, au logement social, aux prestations de régimes de retraite et à l’assurance-chômage, tels qu’ils étaient à cette époque.
Le régime des cliniques s’est graduellement développé, le plus souvent grâce à des organismes sociaux qui s’unissaient pour en réclamer une dans leur localité. En 1999, le régime comptait environ 60 cliniques, mais 14 comtés de l’Ontario en étaient encore dépourvus d’où, en 1999-2000, un effort d’expansion pour que soient établies des cliniques permettant la prestation de services dans toute la province.
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Merci, monsieur le président.
Je suis membre en exercice du Barreau du Nouveau-Brunswick et du Barreau du Haut-Canada et j’y suis inscrit depuis plus de 20 ans. À part quelques dossiers au début de ma carrière, je ne suis pas un avocat de l’aide juridique. J’ai l’impression que malgré les rumeurs d’amélioration en Ontario — et je sais que votre régime est très intéressant — l’étendue générale des services de l’aide juridique s’est amenuisée au fil des ans, comme c’est certainement le cas dans ma province, au Nouveau-Brunswick, où j’exerce principalement ma profession.
De plus, au cours de cette période, il y a eu un accroissement de la demande ou une reconnaissance de la demande de la part du barreau. J’estime que les barreaux ont été à la hauteur pour ce qui est de leur apport et du fait qu’ils ont insisté sur la nécessité de représenter les clients, et ainsi de suite. Voilà mon point de vue général, et j’aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez.
Cependant, on n’a pas abordé ma grande question, et c’est pourquoi je l’aborde ici. Ma question touche l’aide juridique en matière civile pour l’exécution des pensions alimentaires pour enfants, et non la garde d’enfants, car je crois qu’une étude nationale pourrait démontrer que les dossiers urgents de garde peuvent être couverts d’une manière ou d’une autre. Dans les dossiers d’arrérages de pensions alimentaires pour enfants impliquant principalement des hommes, les mécanismes d’exécution provinciaux — disons-le franchement — ne sont pas toujours des meilleurs. Tous les intervenants du milieu juridique le pensent, peu importe leur domaine de pratique et leurs allégeances politiques. De plus en plus de femmes divorcées ou séparées sont incapables de s’offrir un bon avocat pour récupérer les sommes qui leur sont dues pour leur famille, pour leurs enfants. Qu’avons-nous fait pour régler ce problème et que pouvons-nous améliorer pour venir en aide à ces concitoyennes?
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Oui. Merci, monsieur le président. Je remercie les membres du comité de nous permettre d’être ici cet après-midi pour discuter du fonctionnement des tribunaux de traitement de la toxicomanie au Canada. Mon collègue, M. Coleman, et moi-même vous présenterons le point de vue du Tribunal de traitement de la toxicomanie de Toronto, mais il y a d’importantes ressemblances entre notre tribunal et les autres tribunaux du Canada.
Le Tribunal de traitement de la toxicomanie de Toronto est un programme intensif de traitement de la toxicomanie supervisé par le tribunal et conçu pour corriger les comportements criminels non violents motivés par la toxicomanie. Il s’agit d’un partenariat unissant le système de justice pénale, le système de désintoxication et la collectivité. M. Coleman parlera davantage des volets concernant la désintoxication et la collectivité, et je me limiterai au volet touchant le système de justice pénale.
L’objectif que poursuivent les tribunaux de traitement de la toxicomanie en matière pénale est la réduction des crimes par la réduction des récidives aux fins d’une sécurité publique accrue. Il consiste à identifier dans notre tribunal les personnes accusées d’actes criminels et dont la conduite criminelle est motivée par leur dépendance à la cocaïne, à la méthamphétamine ou aux opiacés, y compris à l’héroïne, et de traiter directement la toxicomanie à l’origine de cette conduite.
La participation au tribunal est volontaire, et les critères d’admissibilité sont très rigoureux. Sont déclarés non admissibles au tribunal les demandeurs ayant été impliqués dans des affaires de violence, de trafic commercial de drogues ou d’introduction par effraction dans une résidence, ayant amené un mineur à se faire complice de leur crime ou ayant commis une infraction en matière de drogues dans une école, un parc ou un autre endroit généralement fréquenté par des jeunes. En général, les demandeurs risquent une longue peine d’emprisonnement s’ils sont déclarés coupables et condamnés dans le système judiciaire normal, mais, s’ils réussissent le programme, ils font généralement l’objet d’une condamnation avec sursis et d’une période de probation.
Le participant typique au Tribunal de traitement de la toxicomanie de Toronto est ce que nous appelons un toxicomane trafiquant, soit qu’il vend de petites quantités de drogue pour assurer à peine sa subsistance et sa toxicomanie ou qu’il entretient sa toxicomanie par le vol à l’étalage ou de petits vols par introduction par effraction dans des entreprises ou des véhicules.
Je crois que, le 18 octobre, on a laissé le comité sous l’impression que tous les accusés de trafic de drogues étaient non admissibles au Tribunal de traitement de la toxicomanie de Toronto. C’est faux, en fait. Les personnes se livrant au trafic à des fins lucratives n’y sont certainement pas admissibles, mais, en fait, plusieurs toxicomanes trafiquants aux fins de leur subsistance participent à notre programme.
Pour être admis au programme, les participants doivent plaider coupables. C’est un programme postérieur au plaidoyer. Avant leur plaidoyer, les participants obtiennent l’avis d’un avocat de pratique privée ou de service. Ils sont astreints à des conditions de cautionnement rigoureuses, dont l’obligation de résider à un endroit précis, de se soumettre à un couvre-feu de 19 heures à 7 heures en tout temps, de subir des analyses d’urine aléatoires et d’être tout à fait honnêtes. Les participants qui mentent à propos de leur toxicomanie durant le programme risquent l’annulation de leur mise en liberté sous caution ou l’expulsion du programme. L’honnêteté est un élément clé des tribunaux de traitement de la toxicomanie.
Dès son admission au programme, le participant doit se présenter au tribunal tous les mardis et jeudis et se soumettre à au moins trois séances de désintoxication par semaine. À mesure qu’il progresse, on assouplit les règles de comparution devant le tribunal et, s’il est sur la bonne voie, on peut également assouplir les règles de couvre-feu.
Conformément à la procédure, chaque séance du tribunal est précédée d’une réunion à huis clos des membres du tribunal pour débattre de l’espèce avant que le participant ne comparaisse pour donner lui-même le compte rendu du progrès qu’il a accompli, dont avouer toute consommation de drogue ou d’alcool depuis sa dernière comparution. Tout manquement grave de la part du participant aux conditions de cautionnement émises par le tribunal de traitement de la toxicomanie, dont mentir au sujet de sa toxicomanie, omettre de comparaître sans en être justifié, par exemple, par un certificat médical ou un autre motif valable ou ne pas se présenter à une analyse d’urine aléatoire sans motif valable, entraîne souvent la révocation temporaire de sa mise en liberté sous caution. Les manquements moins graves aux conditions de cautionnement, dont l’omission de se présenter à une séance de désintoxication, entraînent souvent l’imposition d’un certain nombre d’heures de travail communautaire. Un participant qui omet de se présenter à une séance de désintoxication de deux heures est généralement condamné à quatre heures de travail communautaire.
Le programme dure environ au moins neuf mois et, en général, plus d’un an. Pour réussir le programme, tout participant doit satisfaire à des critères officiels de graduation.
Le participant doit avoir cessé depuis au moins quatre mois de consommer la drogue en cause — cocaïne, opiacé ou méthamphétamine —, avoir un logement sûr, occuper un emploi régulier ou poursuivre des études à temps plein ou, à défaut de pouvoir satisfaire ces critères pour un motif valable comme un handicap, participer régulièrement à une activité bénévole, à tout le moins.
La participation au programme prend fin à l’audience de détermination de la peine du participant où une période de probation est imposée. Celle-ci est assortie de conditions notamment que le participant se présente le premier mardi de chaque mois pour rendre compte de son rétablissement. On fait donc toujours suivre l’étape de désintoxication proprement dite du programme par un soutien supplémentaire au lieu de se borner à donner leur congé aux participants.
M. Coleman peut présenter plus en détail les volets concernant la désintoxication et la collectivité.
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Je ne veux pas abuser de votre temps. Je crois que M. Wilson vous a brossé un tableau assez clair du programme.
J’aimerais ajouter que les participants typiques aux programmes de tribunaux de traitement de la toxicomanie sont des personnes très marginalisées. Elles coûtent également très cher à la société. Elles sont de très grandes consommatrices de ressources collectives. Elles sont souvent emprisonnées puis relâchées. Elles sont sans abri. Au moment de leur admission au programme, environ 85 p. 100 de nos participants sont sans abri.
Il s’agit de personnes qui commettent des crimes. Pour les amener devant les tribunaux et les y poursuivre, il faut engager des frais policiers. Elles ressortent toujours de prison et trouvent généralement abri dans un refuge jusqu’à ce qu’elles commettent un autre crime et que se répète tout ce cycle.
Ces personnes ne travaillent plus depuis de nombreuses années. Elles tirent généralement leur revenu de l’aide sociale ou d’activités criminelles. Elles peuvent commettre un grand nombre de crimes, même mineurs. Par exemple, une personne s’adonnant au crack à raison de 500 $ par semaine peut entretenir cette dépendance en volant environ 5 000 $ de marchandises à l’étalage, car elle obtient une commission d’environ 10 p. 100 de ceux qui les achètent.
Nous avons également affaire à des personnes qui n’ont pas de médecin de famille et dont la plupart se font soigner dans les urgences. J’estime qu’il s’agit de citoyens très onéreux.
Le régime de tribunaux de traitement de la toxicomanie est soutenu non seulement par le système pénal et le système de désintoxication, mais encore par la collectivité. À Toronto, notre comité consultatif compte environ 50 partenaires de la collectivité et encore davantage de fournisseurs de services directs à nos clients.
Nous utilisons le tribunal pour entamer le processus de coordination des services offerts à ces personnes. Nous aiguillons ces personnes vers les centres de santé communautaire, ce qui nous permet de réduire d’emblée leurs frais de santé. Nous les mettons en contact avec des collèges communautaires pour qu’elles retournent aux études.
En bout de ligne, le programme a pour objectif de faire participer ces personnes à la collectivité, de mettre un terme aux comportements criminels associés au maintien de leur toxicomanie et de leur faire réintégrer le marché du travail. En fin de compte, la désintoxication d’un participant au tribunal de traitement de la toxicomanie fait de lui un contribuable qui remet une partie des coûts engagés par le programme.
Je présenterai d’autres détails dans mes réponses à vos questions.
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Merci beaucoup. Je m'adresse à M. Coleman.
Vous savez qu'on vous accueille aujourd'hui parce qu'on étudie les prévisions budgétaires que le gouvernement propose. Si j'ai bien lu les documents, toutes les dépenses prévues en paiements de transfert pour les tribunaux de traitement de la toxicomanie subiront une coupe de 638 310 $.
À mon avis, vous offrez un service intéressant en termes de solutions de rechange.
Quand j'étais membre du comité qui a étudié toute la question de l'usage des drogues à des fins non thérapeutiques, vous vous étiez présenté devant nous. Je pense que vous étiez venu, mais pas M. Wilson. En ce qui me concerne, votre bilan est positif, il n'y a pas de doute là-dessus, d'autant plus que vous fonctionnez dans des conditions très balisées.
J'aimerais que vous nous parliez un peu plus de la réalité budgétaire. Combien le type d'interventions que vous pratiquez permet-il d'épargner, en termes de coûts? Quel sera l'impact, selon vous, de cette réduction de budget, en autant que vous vous soyez penché sur cette question? J'imagine que vous l'avez fait, puisque le budget sera amputé de 638 000 $, ce qui est considérable.
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La personne n’a jamais véritablement quitté le tribunal pénal. Le tribunal de traitement de la toxicomanie n’est pas le tribunal Gladue; ce dernier est un tribunal autochtone distinct, tandis que le tribunal de traitement de la toxicomanie demeure un tribunal pénal. Il est encore présidé par un juge au pénal. Nous avons une période d’évaluation de 30 jours lorsqu’une personne plaide coupable et accepte de participer au programme. Au cours des 30 premiers jours, les participants nous jaugent, et vice versa. Au cours des 30 premiers jours, s’ils décident que le programme ne leur convient pas, ils peuvent faire annuler leur plaidoyer de culpabilité et retourner dans le processus pénal habituel — ils doivent recommencer à zéro, subir un procès, et décider de la façon dont ils veulent fonctionner.
Une fois que la période de 30 jours est terminée, on leur demande de choisir: voulezvous continuer de participer au programme ou en ressortir? S’ils décident de poursuivre le programme, alors ils n’ont plus le droit de faire annuler leur plaidoyer de culpabilité. Par la suite, s’ils ne terminent pas de façon satisfaisante toutes les étapes du programme, ou s’ils ne répondent pas de façon satisfaisante à toutes les conditions de graduation, ils comparaîtront devant le même juge du tribunal de traitement de la toxicomanie qui a entendu leur plaidoyer au départ, et celuici procédera à la détermination de la peine. Ils n’obtiendront pas une peine plus sévère parce qu’ils ont fait l’essai de notre programme et y ont échoué. Le juge pourrait même se montrer plus clément visàvis de ceux qui ont au moins essayé.
Mais lorsque les délinquants se présentent au tribunal, moi, à titre de procureur de la Couronne, je dis ceci: « Voici la peine que je chercherai à obtenir si ces personnes ne participent pas au programme, ou ne le terminent pas », et je m’assurerai que ma position à l’égard de la peine est entendue. À moins qu’il y ait un changement dramatique quelconque, c’est la position que prendra la Couronne si les participants n’arrivent pas à terminer le programme et qu’ils doivent faire l’objet d’une détermination de la peine. Le juge peut toujours décider de leur accorder une peine moins sévère en reconnaissance du fait qu’ils ont au moins essayé l’option du tribunal de traitement de la toxicomanie. Chose certaine, ils ne seront pas traités plus sévèrement parce qu’ils n’ont pas réussi le programme.