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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 057 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 27 mars 2007

[Enregistrement électronique]

(0905)

[Traduction]

    La séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne est ouverte.
    En conformité de l'ordre de renvoi du lundi 30 octobre 2006, le comité examine le projet de loi C-22, Loi modifiant le Code criminel (âge de protection) et la Loi sur le casier judiciaire en conséquence.
    Nous accueillons une belle brochette de témoins ce matin. Je demanderais aux intervenants de limiter leurs observations à une dizaine de minutes pour que chacun ait le temps de faire son exposé. Nous passerons immédiatement après aux questions des députés ici présents.
    L'ordre du jour comporte une liste des intervenants, et je commencerai dans l'ordre établi, avec Mme Faytene Kryskow, directrice de Motivated Young People for a Strong Canada.
    Des représentants de la Fédération canadienne pour la santé sexuelle, de Égale Canada, du Regroupement québécois des Centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel et de la Société canadienne du sida feront aussi des exposés.
    J'invite maintenant Mme Faytene Kryskow à commencer.
    Je souhaite le bonjour à tous les députés et je les remercie de servir la nation en participant aux travaux de ce comité extrêmement important. Vos recommandations au sujet du projet de loi C-22 auront des répercussions sur les générations futures au Canada et dans d'autres pays qui s'inspireront du modèle canadien pour protéger les enfants des prédateurs sexuels.
    L'an dernier, le jour où une mesure analogue, le projet de loi C-331, a fait l'objet d'un vote au Parlement, le député libéral Pablo Rodriguez a fait la déclaration suivante à la Chambre: « Un parti politique a le devoir d'être à l'écoute et de prêter attention à ce que les jeunes ont à dire... Ce sont eux qui sont le mieux placés pour identifier les problèmes et les défis auxquels ils font conforntés. ... Lorsqu' à la Chambre, nous parlons de bâtir le Canada de demain, c'est de leur avenir que nous parlons, et nous devrions les écouter. »
    Sur ces sages paroles, permettez-moi de vous préciser exactement qui je représente. Récemment constituée en société, l'association MY Canada compte déjà des milliers de jeunes membres, pour la plupart âgés de moins de 30 ans, avec aussi quelques parents. Nous avons participé à plusieurs douzaines de campagnes lors des dernières élections. Nous avons mobilisé des centaines de jeunes pour qu'ils rencontrent leurs députés. Nous sommes de fervents auditeurs de la chaîne parlementaire et nous sommes déterminés à appuyer concrètement les députés qui font fi de la politique partisane pour assurer un bon gouvernement. Nous sommes présents dans tous les provinces et territoires et au sein des deux nations au Canada. Nous sommes un organisme non partisan et, oui, nous votons.
    L'été dernier, plus de 12 000 Canadiens — des adolescents, de jeunes adultes et leurs parents et tuteurs — se sont rassemblés sur la colline parlementaire pour célébrer une message appelée Le cri, avec diffusion simultanée sur le Web. D'après les analystes politiques, chaque personne en représente un millier. Si c'est la vérité, il est formidable de pouvoir se dire que notre première assemblée nationale représentait vraisemblablement 12 millions de Canadiens.
    Maintenant que vous savez qui nous sommes, nous tenons à affirmer qu'un gouvernement responsable tient compte à la fois des attentes et du bien-être de ses citoyens. Sur cette note, permettez-moi de vous communiquer une rétroaction provenant de notre réseau et de citoyens ordinaires, et non de groupes d'intérêts spéciaux armés de programmes agressifs.
    Il y a huit jours, nous avons affiché un sondage sur notre site au sujet du projet de loi C-22. Nous avons aussi interrogés des étudiants de l'Université d'Ottawa et de l'Université Carleton en vue de recueillir l'opinion d'un plus grand nombre de jeunes car nous ne voulions pas nous limiter uniquement aux membres de notre propre réseau. En huit jours seulement, nous avons reçu 931 réponses: 94 p. 100 des répondants pensent qu'une personne de 14 ans n'a suffisamment de maturité pour choisir un partenaire sexuel approprié; 92 p. 100 pensent qu'une personne de 14 ans n'aurait pas suffisammment confiance en elle pour résister à un adulte qui exerce des pressions sur elle ou qui la manipule en vue d'avoir des relations sexuelles contre son gré; et 90 p. 100 affirment appuyer le projet de loi C-22 parce que, selon eux, il faut majorer l'âge pour consentir à des actes sexuels.
    Certains répondants qui ont coché « non » à cette dernière question l'ont fait parce que, selon eux, l'âge du consentement aux relations sexuelles devrait être encore plus élevé. Par exemple, ils pensent qu'il ne faut pas le majorer à 16 ans, mais à un âge encore plus élevé, soit 18 ans. Dans certains cas, on allait même au-delà de cet âge.
    De nombreux Canadiens auxquels nous avons parlé étaient à la fois scandalisés et perturbés — sans oublier étonnés — d'apprendre que présentement, l'âge requis pour consentir à des actes sexuels est 14 ans seulement. Un plaidoyer revient constamment chez les jeunes qui, essentiellement, nous demandent de les protéger.
    Voici quelques citations tirées de la partie « Commentaires » de notre enquête:
J'ai 15 ans, bientôt 16. Je suis plus âgé que tous mes camarades de classe. Nous venons donc tout juste de passer le cap des 14 ans. Je sais pertinemment que la plupart de mes camarades n'ont pas suffisamment de maturité pour prendre une décision aussi importante que celle-là. Je sais que c'est mon cas, même si on me dit que je suis très mûr pour mon âge. Je ne veux pas que des jeunes souffrent simplement parce qu'ils peuvent avoir des relations sexuelles...
    Excusez-moi un instant, Faytene. Je suis désolé de vous interrompre, mais pourriez-vous ralentir un peu pour les interprètes?
    Je suis désolée. D'accord.
Je ne veux pas que des jeunes souffrent simplement parce qu'ils peuvent avoir des relations sexuelles... et j'ai déjà vu cela arriver... Je pense que le gouvernement devrait porter l'âge du consentement aux relations sexuelles à 16 ans... Je sais que 14 ans, c'est trop jeune pour prendre de sages décisions en matière de sexe... Cette immaturité peut ruiner des vies.
    C'était les propos de Paul, de Roblin, au Manitoba.
    Voici ce qu'a dit Megan, de Lions Head, en Ontario:

J'ai 15 ans... et même si j'aimerais croire que... je suis capable de choisir un partenaire sexuel approprié ou de résister à quelqu'un qui exercerait des pressions pour que nous ayons des relations sexuelles, je ne suis pas... certaine que je le pourrais... Je ne voudrais pas vivre avec les conséquences d'une telle décision lorsque je serai plus âgée et capable de reconnaître les erreurs que j'ai faites ou que l'on m'a forcée à faire. Je vous remercie de vos efforts pour faire adopter ce projet de loi... Bonne chance!
    D'autres répondants au sondage ont fait remarquer qu'à 14 ans, les jeunes n'ont pas le droit de voter, de conduire un véhicule automobile, d'acheter des cigarettes, de boire de l'alcool ou d'entrer dans l'armée. S'ils ne peuvent pas faire cela, qu'est-ce qui nous fait croire qu'ils peuvent exercer un jugement sûr au sujet d'activités sexuelles à une étape de leur vie où ils sont perturbés par les changements hormonaux? D'après une étude, le lobe frontal, qui est le site du raisonnement, n'est pas encore développé chez une personne de 14 ans. Une autre signale que de nombreux jeunes ne sont pas sensibilisés aux MST à cet âge.
    Permettez-moi de vous faire part de mon expérience personnelle. Pendant près de 10 ans, j'ai été travailleuse humanitaire dans les rues de Vancouver. Tous les soirs, je parcourais les rues à la recherche de jeunes, garçons et filles, parfois sous l'emprise de la drogue, qui avaient besoin de nourriture, d'un câlin ou d'une oreille attentive. Tous les soirs, je voyais des adolescents et des adolescentes postés au coin des rues pour vendre leur corps à des hommes qui se fichaient totalement d'eux et qui les considéraient comme de simples instruments d'un bref plaisir, pour 20 $.
    J'ai rapidement découvert qu'un grand nombre de ces jeunes avaient entre 14 et 16 ans et qu'ils étaient ciblés à cause de leur âge. À l'âge de 14 ans, avec un peu de manipulation, on peut les contraindre à consentir à des relations sexuelles avec des adultes. Étant donné que ces jeunes relevaient encore de la Loi sur les jeunes contrevenants, il ne pouvait essentiellement rien arriver s'ils étaient pris. C'est un beau cadeau pour un proxénète. Quel genre de pays est le Canada s'il permet que cela arrive à nos fils et à nos filles?
    J'ai reçu des courriels désespérés de parents à la recherche de leurs enfants qui étaient exploités dans l'industrie du sexe. Nous ne pouvions rien faire pour secourir les jeunes de 14 ans et plus, à moins qu'ils ne viennent d'eux-mêmes vers nous. Pourtant, en réalité, un grand nombre de ces jeunes se sentaient pris au piège parce que les proxénètes menaçaient de les tabasser, de les tuer ou de s'attaquer aux membres de leur famille. Ils leur faisaient une foule de menaces pour les forcer à continuer. Dans le livre intitulé Children in the Game, un proxénète déclare: « Il n'y a pas de règles, et c'est pour cela que je gagne. »
    La Convention des Nations Unies sur les droits des enfants définit un enfant comme une personne de moins de 18 ans. Elle précise qu'en cas de conflit entre les droits de l'enfant et ceux de l'adulte, les droits de l'enfant priment.
    Mesdames et messieurs les députés, si l'on se fonde sur la définition de l'ONU, voici ce qui se passe à l'heure actuelle: Le Canada accepte ouvertement les relations sexuelles adulte-enfant, et il faut que cela cesse. Nous trouvons paradoxal qu'au Canada, il soit légal qu'une personne de 14 ans consente à des relations sexuelles avec une personne de 50 ans alors que si cette même personne de 50 ans se sert de son téléphone cellulaire ou de son caméscope pour enregistrer l'acte, cela s'appelle de la pornographie juvénile. Quel genre de Canada bâtissons-nous et qui protégeons-nous exactement? Les proxénètes, les prédateurs ou les enfants?
    Je suis accompagnée aujourd'hui par un jeune homme du nom de Donny qui a été exploité dans l'industrie du sexe alors qu'il était mineur. Son histoire donne froid dans le dos. À l'âge de 13 ans, il a été agressé sexuellement par des amis. Submergé par la honte et la confusion, il a rapidement sombré dans une vie d'accoutumance au crack. À l'âge de 14 ans, il vendait son corps à des hommes sans scrupules. Même s'il était mineur, il fréquentait des bars. Les propriétaires de bars savaient pertinemment qu'il était mineur, mais ils ne lui fermaient pas leur porte.
    Il m'a dit l'autre soir: « Les clients recherchent toujours les jeunes — plus ils sont jeunes, mieux c'est.» Donny a été victime d'un système qui ne lui a offert aucune protection vis-à-vis autrui, ou même vis-à-vis de lui-même. Donny partagera avec vous l'horreur et le désespoir de ces années. Il vous dira, en rétrospective, qu'il aurait souhaité que quelqu'un ou quelque chose le protège.
    Donny répondra volontiers aux questions que vous pourriez lui poser sur son expérience personnelle. N'hésitez pas à l'interroger au cours de la période de questions. Il a une histoire à raconter.
    En conclusion, je veux vous lire un courriel précieux d'une jeune fille de 8e année, Laura:
Je veux vraiment rencontrer des députés pour leur parler... Je sais que je suis jeune, mais je m'inquiète sérieusement pour ma génération. J'ai constaté un changement fondamental dans le comportement des jeunes. Presque tous mes camarades de classe regardent des films réservés aux adultes! Des personnes de ma connaissance qui travaillent dans un cinéma qui m'ont dit avoir vu des jeunes se faufiler en douce... et elles s'en fichent! Je connais un garçon de 12 ans qui s'est déjà saoulé plusieurs fois... Je veux que les dirigeants de notre pays sachent qu'ils ont une responsabilité énorme à l'égard de tous les jeunes qui ne peuvent pas voter!... Ils doivent être des modèles pour les jeunes de 13 ans et plus car nous entendons beaucoup parler des élections...
Nous avons des oreilles pour entendre. Nous avons des yeux pour voir. Nous avons des bouches; pourquoi ne pas parler?
(0910)
Nous sommes peut-être trop jeunes pour voter, et il ne nous appartient pas de prendre des décisions importantes concernant les projets de loi qu'il faut adopter... Les adultes doivent nous écouter... Et si les députés veulent savoir ce dont les jeunes ont le plus besoin, pourquoi ne pas les interroger?
... nous en savons plus long sur nos propres besoins que n'importe quel adulte. Cela va de soi.
J'ai été... agressée et mes parents l'ont su uniquement lorsque nous sommes déménagés. J'ai parlé à l'adolescent qui m'avait agressé et j'ai découvert qu'il avait appris ce comportement de ses parents. ... Comment peut-on dire que ces adultes sont plus responsables que leurs enfants?
Si c'est ce que certains parents apprennent à leurs enfants, ne devrait-il pas y avoir quelqu'un [d'autre] pour leur apprendre à faire la distinction entre le bien et le mal pour qu'une fois adultes, ils n'apprennent pas la violence à leurs enfants?
Les députés ne peuvent voter à leur guise parce que c'est le parti qui dit oui ou non. Ils doivent voter pour ce qui est bien... Chaque enfant trop jeune pour voter doit avoir confiance que son député prendra les bonnes décisions pour lui. Si nos modèles de comportement et nos députés ne peuvent prendre les bonnes décisions pour les bonnes raisons, comment pourrons-nous le faire?
    Je vous demande, en tant que parlementaires, quel message le fait d'autoriser des adultes à avoir des relations sexuelles avec des enfants envoie à des jeunes comme Laura?
    Le moment est venu d'adopter une mesure législative qui reflète les normes de la société. Et permettez-moi de vous rappeler que 90 p. 100 des répondants à notre sondage ont déclaré qu'à leur avis, l'âge atuel du consentementaux relations sexuelles, 14 ans, était trop bas. Ceux qui souhaitent maintenir l'âge de protection à 14 ans, ou même l'abaisser, sous quelque forme que ce soit, aux fins de relations hétérosexuelles ou anales, sont uniquement préoccupés par leur propre intérêt égoïste, personnel ou politique. Ils ne se soucient pas de l'intérêt des membres les plus vulnérables de la société: les enfants et les jeunes. De telles perspectives devraient être considérées comme dangereuses, égoïstes et nocives.
    La semaine dernière, un député m'a déclaré que le rôle du gouvernement est de protéger ses citoyens. Au nom des milliers de personnes que représente notre réseau, nous tenons à dire que nous souscrivons à ce point de vue. Nous encourageons les députés de tous les partis à appuyer ce projet de loi par tous les moyens et à assurer la protection des enfants et des jeunes de notre pays. Cela aurait dû être fait il y a longtemps; demandez à Donny.
(0915)
    Merci beaucoup, madame Kryskow.
    Je vais maintenant donner la parole à Linda Capperauld.
    Je pense que c'est vous qui allez faire l'exposé, Linda. Ou est-ce que ce sera Andrea?
    Andrea et Linda représentent la Fédération canadienne pour la santé sexuelle.
    Allez-y. Vous avez la parole.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, je vous remercie beaucoup de nous donner l'occasion de prendre la parole.
    Mon nom est Andrea Cohen. Je suis l'actuelle présidente du conseil d'administration de la Fédération canadienne pour la santé sexuelle, à titre de bénévole. Dans ma vie professionnelle, je suis directrice administrative d'un grand centre de santé communautaire à Toronto, dans le quartier de Lawrence Heights. Tous les ans, nous accueillons des milliers de jeunes vulnérables auxquels nous offrons des soins primaires et des services de promotion de la santé.
    Je suis accompagnée de Linda Capperauld, directrice exécutive de la Fédération canadienne pour la santé sexuelle, dont le siège social est ici, à Ottawa.
    La Fédération canadienne pour la santé sexuelle est un organisme de bienfaisance national financé par les cotisations de ses membres, qui se concentre exclusivement sur la santé sexuelle et génésique et les droits connexes. Depuis plus de 40 ans, nous oeuvrons sur la scène nationale et internationale. Nous représentons un réseau national qui compte 26 membres affiliés disséminés partout au Canada et nous avons beaucoup d'expérience et de succès auprès des jeunes et des parents dans le domaine de l'éducation et de la prestation des soins de santé. Notre fédération englobe l'organisme Canadian Youth for Choice, un réseau national de jeunes en forte croissance qui organise des campagnes de sensibilisation et qui fait la promotion des droits des jeunes en ce qui concerne leur propre santé sexuelle.
    Nous appuyons l'intention du projet de loi C-22, qui est de protéger les jeunes de toute exploitation sexuelle. Toutefois, sous sa forme actuelle, cette mesure vise uniquement l'aspect application de la loi de la protection. En soi, l'application de la loi n'assure pas la protection des jeunes; elle permet uniquement d'engager des poursuites une fois que les jeunes ont déjà été victimes d'exploitation. Si l'on veut sérieusement protéger les jeunes contre l'exploitation sexuelle, on doit s'assurer de mettre à leur disposition des services, des programmes d'éducation et des compétences afin qu'ils puissent faire des choix éclairés, négocier la façon dont ils désirent vivre leur vie sexuelle et prévenir l'abus de pouvoir. De plus, il faut réfléchir aux conséquences fortuites possibles de ce projet de loi.
    Il y a trois grandes préoccupations que nous souhaitons partager avec vous aujourd'hui, auxquelles nous avons jugé bon d'ajouter trois recommandations.
    Premièrement, les jeunes ne seront pas portés à aller chercher l'information et les services de santé sexuelle dont ils ont besoin s'ils craignent que la confidentialité ne soit pas respectée. Notre longue expérience et de multiples travaux de recherche nous ont appris cela. Nous avons aussi constaté que lorsqu'une jeune personne peut nouer une relation de confiance avec un intervenant en matière de santé ou un autre professionnel, cela crée un environnement positif pour offrir du counselling sur la prise de décision, les choix et l'autonomie.
    La perspective réelle ou appréhendée d'être dénoncés aux autorités et de faire l'objet de poursuites pour s'être livrés à des activités sexuelles consensuelles avec un partenaire plus âgé ou plus jeune de cinq ans aura pour effet d'empêcher les jeunes ayant une vie sexuelle active de demander ou d'obtenir les services de santé sexuelle dont ils ont besoin. Cela risque d'avoir des conséquences. La prévention des grossesses non désirées, la prévention et le traitement des infections sexuellement transmises et la prévention du VIH-sida seront sérieusement compromis.
    Deuxièmement, la majoration de l'âge requis pour consentir à des actes sexuels pourrait servir de justification pour refuser aux jeunes les programmes d'éducation et les services de santé sexuelle dont ils ont besoin. Malheureusement, nous savons qu'une fois qu'une loi est adoptée, il n'est guère possible d'en contrôler l'utilisation ou l'interprétation. Les éducateurs et les professionnels de la santé seront peut-être réticents à aborder la sexualité dans leurs entretiens avec des jeunes qui n'ont pas encore le nouvel âge du consentement aux relations sexuelles proposé en raison de l'incertitude entourant leurs obligations juridiques, de leurs propres opinions personnelles et des pressions des parents et d'autres intervenants. Cela s'est d'ailleurs produit dans d'autres pays, notamment au Royaume-Uni.
    Notre expérience et les travaux de recherche sur les pratiques optimales montrent qu'une éducation sexuelle qui commence tôt, qui est fonction de l'âge de la clientèle et qui englobe l'acquisition de compétences ainsi que des renseignements factuels aide efficacement les jeunes à négocier leurs relations, à retarder leur première expérience sexuelle et à adopter des pratiques sexuelles sûres lorsqu'ils commencent à avoir une vie sexuelle active. Cette éducation est essentielle pour apprendre aux jeunes comment se protéger face à des situations potentiellement exploitantes. Aussi étonnant que cela puisse paraître de nos jours, l'éducation sexuelle est inadéquate, voire inexistante pour un grand nombre de jeunes Canadiens.
    Troisièmement, le Code criminel du Canada renferme une disposition qui établit à 18 ans l'âge requis pour consentir à des relations sexuelles anales, un âge plus élevé que pour toute autre activité sexuelle. Aucune raison logique ou médicale ne justifie que l'on traite un type d'activité sexuelle différemment des autres. Tant la Cour d'appel de l'Ontario que la Cour d'appel du Québec ont jugé cette disposition inopérante.
    Tant que cette disposition sera maintenue, cela signifie, par exemple, que deux jeunes de 16 ans qui se livrent à une relation anale consensuelle pourraient faire l'objet de poursuites, en dépit du fait que l'intention du projet de loi C-22 n'est pas de criminaliser l'activité sexuelle consensuelle entre adolescents.
    Compte tenu de ces préoccupations, la Fédération canadienne pour la santé sexuelle propose les trois recommandations suivantes:
(0920)
    Premièrement, modifier toute législation pertinente afin de s'assurer que les renseignements fournis par les jeunes lorsqu'ils ont recours aux services médicaux, d'information et d'éducation en matière de santé sexuelle sont traités comme des renseignements confidentiels, à moins qu'il y ait suffisamment de preuves pour conclure qu'il s'agit d'un cas d'exploitation sexuelle. De cette façon, si un jeune révèle à un intervenant du domaine de la santé avoir une relation sexuelle consensuelle avec un partenaire dont l'âge excède les paramètres d'exception de cinq ans relativement à la différence d'âge entre les partenaires, il peut être rassuré que ces renseignements seront tenus confidentiels et ne seront pas rapportés, à moins qu'il y ait preuve qu'il s'agisse d'un cas d'exploitation.
    Deuxièmement, continuer d'appuyer le Consortium mixte sur la santé en milieu scolaire. Il s'agit d'un groupe de travail mis sur pied par des ministères fédéraux et provinciaux qui unissent leurs efforts en vue d'accroître la capacité du système scolaire d'assurer l'éducation des jeunes en matière de santé, y compris la santé sexuelle. Grâce à cette importante, on veut s'assurer que partout au pays, les enfants et les jeunes en miieu scolaire ont accès à des programmes d'éducation en santé sexuelle rigoureux, sans préjugés et adaptés en fonction de leur âge.
    Troisièmement, éliminer l'article 159 du Code criminel du Canada, qui établit à 18 ans l'âge pour consentir à des relations sexuelles anales, soit un âge plus élevé que pour tout autre type d'activité sexuelle. Cela permettrait d'uniformiser l'âge requis pour consentir à des actes sexuels pour toutes les pratiques et orientations sexuelles.
    Nous vous remercions beaucoup de nous avoir invitées à faire un exposé devant le comité aujourd'hui.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à Égale Canada. Je vais sans doute massacrer votre nom. Pardonnez-moi.
    Ne vous en faites pas. Je pourrais simplement me présenter moi-même et vous éviter cela.
    Je vous en prie. Vous êtes accompagné de M. Gregory Ko.
    Oui.
    Très bien. Veuillez vous identifier et faire ensuite votre exposé.
     Bonjour à tous. Je m'appelle Kaj Hasselriis, et je suis le directeur exécutif de Égale Canada.
    Égale Canada est une organisation nationale qui fait la promotion de l'égalité et de la justice pour les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles et transidentifiées, et leur famille, partout au Canada. Égale a été créée il y a plus de 20 ans et compte des milliers de membres partout au pays: à Calgary, dans le quartier nord-est, Scarborough, Rouge River, Hochelaga, Windsor, Tecumseh, Notre-Dame-de-Grâce, Lachine et ailleurs.
    L'un de nos membres, Gregory Ko, m'accompagne aujourd'hui. C'est un étudiant de l'Université d'Ottawa qui commencera ses études de droit cet automne, à McGill.
    Nous sommes très heureux de présenter au comité le point de vue de Égale et nous vous remercions beaucoup de nous avoir invités.
    Comme vous le savez, l'homosexualité était illégale au Canada jusqu'à la fin des années 60. Chaque fois que la communauté gaie et lesbienne apprend que l'on envisage de modifier la législation canadienne encadrant l'activité sexuelle, excusez-nous, mais cela a pour effet de nous rendre nerveux.
    Égale considère le projet de loi C-22 comme une intrusion inutile dans la vie sexuelle des jeunes Canadiens. Il existe déjà des lois rigoureuses qui protègent les adolescents de toute exploitation et agression sexuelles. Au lieu de criminaliser davantage le comportement sexuel, tous les ordres de gouvernement devraient plutôt mettre l'accent sur l'éducation sexuelle. Nous devrions soutenir les jeunes en les aidant à faire eux-mêmes des choix qui leur conviennent.
    Égale s'oppose à la majoration de 14 à 16 ans de l'âge pour consentir à des activités sexuelles. Que l'on approuve ou non l'idée que les adolescents aient des relations sexuelles à l'âge de 14 ou 15 ans, en réalité, la plupart des adolescents canadiens de cet âge ont une vie sexuelle active. Certains d'entre eux ont des relations sexuelles consensuelles avec des jeunes du même âge qu'eux et certains d'entre eux ont des relations consensuelles avec des adultes. Égale est convaincue qu'il est possible, voire courant, que des jeunes de 14 et 15 ans consentent à des relations sexuelles, même avec des personnes âgées de plus de 20 ans.
    Et lorsque les jeunes ne sont pas consentants, le Canada dispose d'un ensemble de mesures très strictes pour les protéger: des lois contre les agressions sexuelles, quel que soit l'âge des personnes en cause et des lois qui sanctionnent les personnes en situation d'autorité qui exploitent les mineurs qui leur sont confiés. De plus, des mesures sévères visent la prostitution juvénile, la pornographie juvénile et la séduction par Internet.
    Nous devrions enseigner aux jeunes à prendre des décisions pour eux-mêmes. Nous voulons que les jeunes reçoivent une information sexuelle fiable de leurs conseillers en orientation en milieu scolaire, des cliniques de santé locales et des groupes d'entraide de leurs pairs. Nous voulons que les jeunes puissent s'informer au sujet de la sexualité auprès d'amis et d'adultes auxquels ils peuvent faire confiance. Si les jeunes ont la perception que leur comportement est criminel, nous avons de bonnes raisons de croire qu'ils n'iront pas chercher de l'aide.
    De même, si les conseils scolaires ont l'impression que la sexualité des jeunes est criminalisée, ils seront réticents à offrir des programmes d'éducation sexuelle complète aux jeunes avant l'âge de 16 ans. Après 16 ans, il pourrait être trop tard car bien des jeunes décrochent à ce moment-là.
    Nous devrions aussi laisser aux tribunaux le pouvoir discrétionnaire de se pencher sur les relations mettant en cause des jeunes. Nous voulons que les juges et les jurys s'attachent aux cas individuels et rendent des décisions dans le meilleur intérêt des jeunes concernés. Nous ne voulons pas qu'il appartienne au gouvernement de porter des jugements généraux au sujet de l'ensemble des jeunes canadiens et de leurs activités sexuelles.
    Enfin, tout comme Andrea Cohen l'a fait, je voudrais parler des relations sexuelles anales. J'ai mentionné tout à l'heure que l'homosexualité était illégale jusqu'à la fin des années 60. C'est à ce moment-là que l'article 159 du Code criminel a été modifié pour permettre aux adultes consentants de pratiquer la sodomie. L'article 159 n'a pas été supprimé à ce moment-là, comme il aurait dû l'être. Si vous consultez le Code criminel, vous constaterez qu'il en se situe entre les articles concernant la bestialité et l'inceste.
    En vertu du Code criminel, il est illégal pour toute personne de moins de 18 ans de se livrer à une activité sexuelle anale. Cela signifie, comme l'a fait remarquer Andrea, que tous les jeunes de 16 et 17 ans qui adoptent des pratiques sexuelles anales se rendent coupables d'un crime, même s'ils y prennent part avec une personne de 19 ans, de 18 ans ou même avec un autre jeune de 16 ou 17 ans. Le projet de loi C-22 ne fait rien pour éliminer cette inégalité, même si l'article 159 du Code criminel a été déclaré inconstitutionnel par plusieurs cours provinciales. Le moment est venu d'éliminer l'article 159. Si vous insistez pour l'adopter, le projet de loi C-22 est l'occasion idéale pour le faire.
(0925)
    Au bas mot, l'âge requis pour consentir à des relations sexuelles anales devrait être le même que celui pour consentir à toute autre forme d'expression sexuelle. Sinon, la législation canadienne perpétuera une discrimination sanctionnée par l'État.
    En conclusion, avant que Gregory ne dise quelques mots, la question des jeunes et de la sexualité est très délicate, et il convient de réfléchir mûrement avant d'adopter quelque mesure législative que ce soit. Voilà pourquoi je suis heureux que nous ayons eu l'occasion aujourd'hui de prendre la parole devant votre comité.
    Égale remercie le comité de la justice de l'avoir invitée à s'exprimer sur cet enjeu très important. Merci de nous avoir écoutés.
    Voici Gregory Ko.
    Merci.
    Monsieur Ko, avant que vous ne commenciez, je vous signale que je veillerai à ce que vous respectiez votre temps de parole, comme je l'ai fait avec les autres intervenants, compte tenu du grand nombre de témoins que nous accueillons aujourd'hui.
    J'essayerai d'être bref.
    Malheureusement, je n'ai pas eu l'occasion de remplir votre questionnaire.

[Français]

    En tant que jeune canadien associé au travail de Égale Canada, il me paraît tout à fait approprié d'offrir le point de vue d'un jeune sur une question qui semble toucher particulièrement la jeunesse canadienne. J'aimerais souligner deux points.
    Je crois véritablement que ce comité veut, avec ce projet de loi, protéger les jeunes Canadiens et Canadiennes de la prédation sexuelle. Je ne doute aucunement que vos intentions soient bonnes. Pourtant, il faut souligner qu'il existe déjà dans le Code criminel de solides dispositions visant à protéger les personnes de moins de 18 ans du leurre par Internet, des agressions sexuelles et des relations dans un cadre d'autorité.
    On remet en cause la nécessité de ce changement. Malheureusement, le fait de faire passer de 14 à 16 ans l'âge du consentement sera sûrement interprété par les jeunes comme une criminalisation de leurs activités sexuelles. Bien que ce projet de loi comporte des nuances qui permettent des relations sexuelles entre les jeunes, le message qu'il envoie consiste à dire aux jeunes de moins de 16 ans que leurs activités sexuelles sont illégales.
(0930)

[Traduction]

    Concrètement, le changement qui est envisagé a pour effet de réduire les jeunes au silence. Il y a lieu de s'inquiéter parce que les jeunes auront peur de demander des conseils concernant leur santé sexuelle. Si nous voulons sincèrement protéger la vie sexuelle des jeunes Canadiens, nous devrions mettre l'accent sur l'éducation en matière de santé sexuelle plutôt que sur le Code criminel, et ce, pour nous assurer que les jeunes puissent prendre des décisions intelligentes et éclairées au sujet d'une partie très importante de leur vie.
    L'éducation sexuelle consiste à garder ouverte la communication avec tous les jeunes, particulièrement ceux qui — regardons la réalité en face — commencent à expérimenter à l'âge de 14 ans. C'est un moyen de nous assurer que les citoyens les plus vulnérables parmi nous sont bien informés au sujet de leurs droits et de leur sécurité. Le fait de majorer à 16 ans l'âge requis pour consentir à des activités sexuelles risque de nuire à la communication avec eux et peut faire en sorte de priver d'information les plus vulnérables d'entre nous.

[Français]

    Par ailleurs, je crois que si on veut discuter des relations sexuelles des jeunes, il faut que cette discussion englobe tous les jeunes, à la fois hétérosexuels et homosexuels. Cela veut dire tout simplement que nous devrons abroger l'article 159 du Code criminel, dans lequel l'âge du consentement dans le cas des rapports anaux demeure 18 ans.
    Selon le Code criminel actuel, les rapports sexuels d'un couple gai de 17 ans sont un acte criminel, mais ce n'est pas le cas pour un couple hétérosexuel. On voit à quel point il est injuste. L'article, en plus d'être manifestement inégal et homophobe, a été déclaré inconstitutionnel par la Cour d'appel du Québec et celle de l'Ontario il y a bientôt une décennie. Si le Canada se veut un pays équitable et juste, il me semble qu'il lui faut légiférer d'une manière juste.
    Je tiens à vous remercier de m'avoir consacré de votre temps.

[Traduction]

    Merci, monsieur Ko.
    Nous allons maintenant entendre les représentantes du Regroupement québécois des Centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, Mmes Carole Tremblay et Michèle Roy. Qui fera l'exposé?

[Français]

    Le Regroupement des CALACS est une organisation qui regroupe 30 Centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel répartis sur l'ensemble du territoire québécois. Nos centres d'aide existent depuis 30 ans et se concentrent principalement sur les agressions sexuelles commises contre les femmes adultes et les adolescentes.
    Mon intervention va porter essentiellement sur trois sujets. On a discuté du projet loi C-22 avec des jeunes que reçoivent les CALACS. Ils avaient manifestement de la difficulté à comprendre certaines choses. Si le projet de loi C-22 était adopté, il serait difficile pour eux de savoir dans quelles circonstances ils se trouveraient en situation d'illégalité, ne serait-ce que de savoir quand l'erreur de fait deviendrait inadmissible. Ces concepts ne sont pas faciles à comprendre pour les jeunes. À notre avis, les ajouts faits par l'entremise du projet de loi C-22 devraient être doublés de démarches structurantes visant à faire connaître et bien comprendre les nouvelles modifications à la loi.
    À plusieurs endroits dans le projet de loi, on emploie le terme « activité sexuelle de nature non exploitante ». Cela donne à penser qu'il y a un âge où les gens peuvent commencer à accepter d'être exploités sexuellement. En fait, on fixe la barre à 18 ans. Cela nous préoccupe beaucoup et ne va pas dans le sens de la promotion des valeurs égalitaires, à notre avis. Le problème ne date pas du moment où le projet de loi C-22 a été présenté, mais il reste que celui-ci ne corrige pas la situation de nature exploitante chez les personnes âgées de plus de 18 ans. Nous pensons qu'il y a du travail à faire à cet égard. À titre d'exemple, je vous dirai que le concept d'âge minimal se trouve depuis longtemps dans notre Code criminel, mais que cela n'a jamais empêché les gens de commencer à se livrer à la prostitution.
    Pour nous, le problème est plus large que la simple question d'âge. Il faut faire appel à des compétences et faire des recherches pour mieux comprendre pourquoi certains adultes exploitent des enfants. Il faudra peut-être, ultérieurement, modifier l'âge du consentement, mais il faut d'abord mieux comprendre la prédation et les causes de l'exploitation sexuelle des enfants.
    Le projet de loi C-22 protégera-t-il vraiment ces personnes des prédateurs sexuels? Nous craignons qu'il crée une fausse impression de protection. On demande dans nos groupes, un peu en boutade, quel prédateur demande de consulter la carte d'identité de son éventuelle victime. C'est un peu cynique, mais c'est une réalité qu'on constate lorsqu'on rencontre des jeunes qui ont été victimes de prédation.
    Si le but est d'envoyer davantage de criminels en prison ou d'y prolonger leur séjour, il n'en reste pas moins que la société ne changera pas si des mesures plus structurantes ne sont pas prises. Qu'entend-on par mesures plus structurantes? On trouve louable que dans sa forme actuelle, le projet de loi C-22 prévoie d'accorder cinq ans d'exemption pour protéger le droit des adolescents de s'exprimer sur le plan sexuel.
(0935)
    Cependant, pour nous, cela implique d'autres droits, c'est-à-dire le droit de recevoir de l'information, de l'éducation sexuelle, des cours de prévention sexuelle, le droit à la distribution des condoms, l'accès à l'avortement, etc.
    À notre avis, si le projet de loi C-22 est adopté tel quel, les droits qui doivent être préservés dépassent le droit à l'expression sexuelle. Il doit couvrir beaucoup plus que cela.
    Nous sommes très préoccupés, comme organisme qui travaille avec des victimes de violence sexuelle, par toutes les formes de violence sexuelle; par l'hypersexualisation telle qu'on peut la voir dans l'ensemble de la société, autant pour les jeunes que pour les adultes; par la pornographie sous toutes ses formes, de la pornographie infantile à celle qui s'adresse aux adultes; par le recrutement sur Internet et par tout ce qui circule sur Internet; par le développement du tourisme sexuel, tant au Canada qu'à l'étranger, par des Canadiens et des Canadiennes, dans certains cas; par la prostitution; et par toutes les formes d'exploitation sexuelle.
    Qu'est-ce qui permet, autant à des jeunes qu'à des adultes, de résister aux formes d'exploitation sexuelle, aux pressions liées à l'hypersexualisation? D'abord, c'est la possibilité de bien se connaître, de se reconnaître des droits et une valeur comme individu, d'avoir le droit de dire non ou de dire oui, de choisir quand et comment avoir des relations sexuelles.
    On observe qu'il y a autant d'adultes que de jeunes et d'adolescentes qui ne se reconnaissent pas ce droit. Elles sont conditionnées à tout un message social qui les oblige, qui fait pression pour qu'elles aient des relations sexuelles, pour qu'elles s'engagent dans la prostitution ou la pornographie.
    Pour permettre d'apporter vraiment une modification importante à ce sujet, nous sommes persuadés qu'il faut beaucoup plus d'éducation sexuelle, d'éducation sur les rapports entre les hommes et les femmes, les garçons et les filles, sur l'égalité et le respect des personnes. Le projet de loi tel que proposé doit prévoir un ensemble de programmes d'éducation et lancer un message social très clair contre l'exploitation sexuelle à tous les âges, et non seulement jusqu'à 18 ans.
    Si notre société véhicule un message contradictoire par rapport à l'exploitation sexuelle, c'est-à-dire s'il y a un âge où c'est admissible et un âge où ça ne l'est pas, si on dit d'abord qu'il faut protéger les enfants et si on dit par la suite qu'il est permis à une maman, à un papa, à un oncle ou à un grand frère d'être impliqués dans la prostitution, dans la pornographie, etc., et que cela n'est pas un problème, comment voulez-vous que les jeunes démêlent tous ces messages?
    On peut faire la promotion des relations sexuelles inégalitaires chez des adultes, mais pas chez des enfants, chez des jeunes. En effet, on dit qu'à l'âge de 14 ans, il ne le savent pas encore, mais que ce n'est plus un problème à 17 ans ou 19 ans. C'est très préoccupant pour nous. Nous avons l'impression qu'un simple message qui dit qu'il faut protéger les jeunes ne leur fournira pas les moyens pour se protéger eux-mêmes et pour développer leur capacité de reconnaître leurs droits.
    On travaille avec des jeunes filles qui sont pressées d'avoir des relations sexuelles avec leur petit ami. Les membres de leur groupe leur demandent comment il se fait qu'à leur âge, elles n'aient pas encore eu de relation sexuelle. Les revues prêchent toutes qu'il faut rapidement avoir des relations sexuelles, de n'importe quelle façon. On exerce une énorme pression sociale sur les filles et les femmes, c'est vrai, pour les pousser vers le marché de la sexualité sous toutes ses formes. Alors, ce n'est pas le seul fait de revoir l'âge du consentement à une sexualité non exploitante qui va renverser cette vapeur.
    Dans ce sens, il est très important pour nous que le message social aux jeunes et aux adultes soit cohérent et qu'il y ait une continuité. On ne peut avoir deux poids, deux mesures et dire que les gens peuvent consentir à n'importe quoi à partir de tel âge, et pas avant. C'est préoccupant pour nous.
    De plus, si la loi n'est pas claire, simple et vulgarisée, les jeunes hésiteront encore plus que maintenant à aller chercher de l'information sexuelle, à se confier à des adultes sains pour avoir un point de vue différent. Ils auront de la difficulté à demander de l'aide lorsqu'ils feront face à des situations d'exploitation ou des situations où ils ne se sentiront pas en sécurité et respectés. Ils hésiteront, surtout les filles, à demander de l'aide.
    On sait que les jeunes ont des relations sexuelles, qu'on le veuille ou non, que l'on pense qu'ils sont prêts ou non. Cependant, cela n'est pas toujours fait dans le respect. C'est vrai et c'est préoccupant. Il faut leur donner des moyens de trouver un meilleur équilibre. Plus les jeunes sont pauvres et vivent dans des conditions vulnérables, plus les relations sexuelles commencent tôt.
    Va-t-on travailler à lutter contre la pauvreté? Va-t-on travailler afin de permettre aux jeunes d'avoir accès à plus d'information, à de meilleures chances de succès et d'expression dans la vie? Va-t-on veiller à ce que les filles ne choisissent pas d'avoir des relations sexuelles pour prouver qu'elles sont quelqu'un, qu'elles ont une valeur sociale? Le projet de loi qui est proposé va-t-il permettre de travailler sur ces enjeux?
(0940)
    Si ce n'est pas ancré dans une autre logique que la répression ou si le message de protection contre l'exploitation n'est pas clair, on va dans le même sens qu'on l'a fait depuis des années. On lance un message très ambigu aux jeunes, et ils continueront d'être dans le même registre.
    Nous serons disponibles pour répondre à toutes vos questions plus tard.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à la Société canadienne du sida, représentée par Mmes Kim Thomas et Nichole Downer.
    Merci beaucoup de nous permettre de faire un exposé devant vous aujourd'hui.
    Nous reconnaissons qu'un grand nombre de nos arguments ont déjà été présentés. Comme nous sommes le dernier groupe, nous voudrions en profiter pour renforcer plusieurs thèmes qui ressortent des exposés d'aujourd'hui.
    La Société canadienne du sida est une coalition nationale de plus de 125 organismes offrant des services communautaires aux personnes atteintes du sida au Canada. Notre objectif est de renforcer la réponse au VIH-sida dans tous les secteurs de la société et d'enrichir la vie des personnes et des communautés aux prises avec le VIH-sida.
    En tant qu'organisme voué à la diminution des taux d'infection du VIH-sida, nous sommes préoccupés par le projet de loi visant à faire passer de 14 à 16 ans l'âge pour consentir à des activités sexuelles. En outre, les amendements proposés ne règlent pas le problème de la disposition qui interdit présentement toute relation sexuelle anale aux personnes de moins de 18 ans.
    La Société canadienne du sida estime que la loi ne devrait pas faire de discrimination selon le type d'activité sexuelle. Premièrement, il existe déjà dans le projet de loi C-2 des mesures de protection pour les enfants et autres personnes vulnérables. Adopté par le Parlement en juillet 2005, le projet de loi C-2 institue de nouvelles mesures visant à protéger de l'exploitation sexuelle les jeunes de moins de 18 ans. La Société canadienne du sida appuie cette mesure. Le projet de loi C-2 prend en compte la nature et les circonstances de la relation, y compris l'âge de la jeune personne, la différence d'âge entre celle-ci et son partenaire, l'évolution de la relation et le degré de contrôle ou d'influence qui est exercé sur un partenaire de moins de 18 ans.
    Deuxièmement, relever l'âge du consentement pourrait amener les jeunes à être plus cachottiers. La Société canadienne du sida craint que la majoration de l'âge pour consentir à des relations sexuelles amène les jeunes à garder secrètes leurs pratiques sexuelles et les empêche d'aller chercher l'information dont ils ont besoin. Les jeunes seront d'autant plus à risque de contracter le VIH et d'autres infections sexuellement transmises.
    Près du quart des élèves de 9e année sont gênés d'aller voir un médecin ou une infirmière s'ils soupçonnent avoir contracté une MST. Relever l'âge du consentement pourrait avoir pour conséquence négative de diminuer encore le nombre de jeunes ayant accès à l'information que pourraient leur fournir des professionnels de la santé s'ils ont moins de 16 ans. Cela est problématique puisque des recherches menées au Canada ont montré que l'âge moyen de la première relation sexuelle est 14,1 ans pour les garçons et 14,5 ans pour les filles. 
    D'après une étude britannique, les jeunes sont réticents à s'informer au sujet de la contraception et des pratiques sexuelles s'ils n'ont pas encore l'âge du consentement légal parce qu'ils s'inquiètent des conséquences juridiques et du respect de la confidentialité. D'après ces travaux, les jeunes répondants britanniques n'ayant pas l'âge requis ont été six fois plus nombreux que leurs pairs plus âgés à citer la crainte d'être trop jeunes pour justifier qu'ils n'ont pas cherché à obtenir d'information en matière de santé sexuelle.
    Peu importe le paramètre de l'âge, les jeunes continueront d'avoir des relations sexuelles, et nous devons nous assurer qu'ils aient l'information dont ils ont besoin. Comme nous savons qu'au Canada, l'âge moyen de la première relation sexuelle est inférieur à 16 ans, le fait de relever l'âge pour consentir à des actes sexuels pourrait amener de nombreux jeunes à s'engager dans leur première relation sexuelle tout en ayant peur d'aller chercher l'information dont ils ont besoin.
    Il n'y a pas eu suffisamment de recherche dans ce domaine pour apaiser la crainte que la majoration de l'âge du consentement aux relations sexuelles puisse avoir des effets nocifs sur la santé sexuelle des jeunes. En conséquence, il serait irresponsable de relever l'âge pour consentir aux relations sexuelles sans connaître pleinement les effets d'une telle initiative. La Société canadienne du sida suggère de faire davantage de recherche dans ce domaine.
    Troisièmement, l'exception prévue si la personne est de moins de deux ans l'aîné de l'adolescent ou de l'adolescente n'est pas une solution. On a créé cette exception parce qu'on craignait que le projet de loi C-22 criminalise le comportement sexuel des jeunes. Nous ne pensons pas que ce soit une solution adéquate.
    Bien que nous comprenions la raison d'être de cette exception et que nous sachions que l'écart sera augmenté à cinq ans en vertu du projet de loi C-22, la mesure impose des restrictions inutiles aux jeunes tout en ne s'attaquant pas à la réalité des agressions sexuelles. Étant donné que toute activité de nature exploitante est présentement illégale lorsque des jeunes de moins de 18 ans sont en cause, le projet de loi complique inutilement la situation pour les jeunes.
    La plupart des jeunes, et même des adultes, n'ont pas l'expertise juridique qui leur permettrait d'être au courant des paramètres et de l'exception, ou de déterminer si leur relation les respecte. Il est très probable que cette exception sera mal comprise ou oubliée et que, de façon générale, on comprendra que l'âge pour consentir à des relations sexuelles est 16 ans. De nombreux jeunes supposeront que leurs relations sont illégales et ne chercheront pas à obtenir l'information et l'aide dont ils ont besoin.
    Se servir de l'âge comme facteur pour déterminer l'exploitation sexuelle ne tient pas compte de la réalité de l'exploitation sexuelle. Dans les cas de coercition sexuelle, l'adolescent ou l'adolescente n'en est pas moins victime d'exploitation si le perpétrateur est de moins de cinq ans son aîné. La mesure à l'étude vise les mauvaises personnes. Criminaliser le comportement sexuel des jeunes ne fera rien pour mettre un terme aux activités exploitantes. Comme toute exploitation de personnes de moins de 18 ans est présentement illégale en vertu du projet de loi C-2, il convient de consacrer davantage de ressources pour traiter les cas d'exploitation et d'abus sexuels.
(0945)
    Quatrièmement, il faut concentrer les efforts sur une éducation sexuelle complète en ce qui a trait au VIH-sida. L'école a été mentionnée comme la principale source d'information au sujet du VIH-sida par 67 p. 100 des garçons et 58 p. 100 des filles de 11e année. Toutefois, 27 p. 100 des élèves de 7e année et 14 p. 100 des élèves de 9e et 11e année n'ont reçu aucun cours sur le VIH-sida depuis deux ans.
    La Société canadienne du sida craint que si l'on porte de 14 à 16 ans l'âge pour consentir à des relations sexuelles, les écoles n'offriront pas de programmes d'éducation et de prévention aux jeunes de moins de 16 ans, ce qui aura pour effet de réduire encore davantage la somme d'information qui leur est offerte. Des travaux de recherche ont montré qu'à long terme, les messages de prévention sont plus efficaces lorsqu'ils sont communiqués tôt et qu'ils réussissent à réduire les comportements sexuels à risque. Nous savons aussi que 212 000 jeunes ont abandonné l'école au Canada en 2004-2005. L'âge légal minimum pour quitter l'école est 16 ans dans la plupart des provinces. Par conséquent, en n'offrant pas des cours d'éducation sexuelle dans les écoles aux jeunes de moins de 16 ans, on prive de nombreux jeunes de messages cruciaux en matière de prévention.
    Selon la Société canadienne du sida, le gouvernement devrait concentrer ses efforts sur la promotion de programmes d'éducation uniformes et complets sur la santé sexuelle et le VIH-sida partout au Canada. La meilleure façon de protéger et d'appuyer les jeunes est de s'assurer que des services d'éducation soient disponibles pour les informer au sujet de leurs droits et de leurs options et au sujet des risques et des avantages liés à la pratique d'activités sexuelles. On réussira davantage à amener les jeunes à faire des choix éclairés qui sont bénéfiques pour eux en s'appuyant sur les conseils des parents et des cours d'éducation sexuelle complets plutôt qu'en recourant au Code criminel.
    Cinquièmement, l'âge du consentement devrait être universel et ne pas faire de discrimination selon le type d'activité sexuelle. D'après le Code criminel, l'âge pour consentir à des relations sexuelles anales est 18 ans, alors qu'il est de 14 ans pour les relations sexuelles vaginales. L'article 159 du Code criminel du Canada stipule ce qui suit: Quiconque a des relations sexuelles anales avec une autre personne est coupable soit d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de 10 ans, soit d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
    Ce traitement discriminatoire des relations sexuelles anales a été jugé inconstitutionnel par la Cour d'appel de l'Ontario, la Cour d'appel du Québec, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta et la Cour fédérale du Canada. Pourtant, le gouvernement fédéral refuse de reconnaître son traitement inéquitable de ce type de relation et de modifier la loi. La Cour d'appel de l'Ontario a reconnu l'existence d'un préjudice potentiel lorsque l'âge du consentement est plus élevé en abolissant la disposition établissant à 18 ans l'âge du consentement pour les relations sexuelles anales.
    Dans sa décision, le juge a déclaré:
Les risques pour la santé doivent relever de la responsabilité du système des soins de santé. Ironiquement, l'un des effets bizarres d'une disposition criminalisant les relations anales consensuelles entre adolescents est que les services d'éducation qu'ils devraient recevoir pour les protéger d'un préjudice évitable risquent de diminuer étant donné qu'on pourra les interpréter comme une façon de conseiller les jeunes au sujet d'un type de comportement sexuel qui leur est interdit par la loi. Par conséquent, la disposition du Code criminel dont l'intention avouée était de protéger les adolescents d'un préjudice risque elle-même de contribuer au préjudice qu'elle souhaite atténuer en entravant les services d'éducation concernant les risques pour la santé associés à ce comportement.
    La Société canadienne du sida espère que vous reviendrez sur la décision de majorer l'âge du consentement pour les raisons que je viens de mentionner. Ce n'est pas en imposant aux jeunes des restrictions qu'on les protégera de l'exploitation sexuelle. Le projet de loi C-22 risque d'avoir une incidence sur la santé et le bien-être des jeunes. Il est irresponsable d'adopter le projet de loi C-22 sans preuve solide du contraire.
    Par conséquent, nous recommandons ce qui suit: investir davantage de ressources pour engager des poursuites dans les cas d'exploitation et d'abus sexuels; multiplier les recherches sur l'incidence qu'a l'âge du consentement sur la prestation de services de santé sexuelle et la confiance que les jeunes font aux professionnels de la santé; supprimer l'article 159 du Code criminel et accorder le même traitement juridique aux relations anales qu'aux relations vaginales. Si le projet de loi C-22 devait être adopté, il faudrait informer les jeunes en langage clair et simple au sujet de la nouvelle loi et particulièrement de l'exception concernant l'écart d'âge de moins de deux ans.
    Merci.
(0950)
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer aux questions, mais tout d'abord, je signale la présence dans la salle d'une délégation de l'Ontario et du Manitoba qui a saisi l'occasion de venir observer le gouvernement au travail. Ces personnes représentent la Maison nationale de la prière, qui se trouve ici, à Ottawa.
    Je vous souhaite la bienvenue.
    Je demanderais à M. Bagnell d'ouvrir la période des questions.
    Je vous remercie tous d'être venus. Vos exposés ont été très intéressants et votre contribution est utile.
    Voici les messages communs que j'ai retenus: il faut modifier la règle sur les relations sexuelles anales; il faut aller au-delà de l'application de la loi; l'information et l'éducation sont très importantes et il faut protéger ces ressources. Je pense que la plupart des gens s'entendent sur tout cela. Mais même si tous ces facteurs sont réunis, il n'est toujours pas assuré que nous adoptions cette loi.
    Je voudrais poser une question aux représentants du mouvement Égale et aussi à Kim, probablement, parce que, si je me souviens bien, vous êtes les seuls témoins à vous être prononcés contre le projet de loi. Je voudrais vous poser la même question que nous avons déjà posée aux représentants du Barreau, à savoir comment vous élaborez votre politique.
    Kaj, combien de membres votre organisation compte-t-elle, approximativement? comment ont-ils participé à l'élaboration de cette décision, de votre position sur ce projet de loi?
    C'est une bonne question et je vous remercie de l'avoir posée.
    Égale compte plusieurs milliers de membres d'un bout à l'autre du Canada, des gens qui donnent de leur temps et de leur argent à l'organisation. Comme je l'ai dit dans l'exposé, nous avons des membres dans toutes les provinces et territoires.
    Égale est une organisation politique à but non lucratif dirigée par un conseil national de 12 membres. De nombreux comités font du travail précieux pour Égale, y compris le comité juridique qui examine une foule de dossiers politiques et juridiques et qui, de temps à autre, intervient aussi devant les tribunaux, par exemple dans la récente décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Hislop sur les droits de pension des conjoints de même sexe, et la récente décision de la Cour suprême au sujet de la librairie Little Sister's à Vancouver...
(0955)
    Je suis désolé, mais je cherchais plutôt à savoir comment vous en êtes arrivés à cette décision.
    Il y a le comité des questions juridiques, dont les membres sont des avocats et des professeurs de droit et d'autres professionnels du domaine juridique des quatre coins du Canada. Ils font des recommandations au conseil, après quoi les 12 membres du conseil national rendent des décisions au nom des membres de Égale.
    À titre de directeur exécutif de Égale, je peux vous dire que Égale est très engagé auprès de ses membres partout au Canada. Des membres nous appellent tous les jours. Nous leur envoyons souvent des bulletins d'information. Nous avons un site Web actif. Nous avons une liste de diffusion. Les membres sont libres de nous donner leur opinion en tout temps et, croyez-moi, ils le font. Nous recevons donc constamment des opinions dans différents dossiers.
    En fait, à notre dernière réunion du conseil national, il y a deux semaines, nous nous sommes de nouveau penchés sur cette question et nous en avons discuté avant de venir témoigner.
    Et le conseil était d'accord avec cette position?
    Oui, absolument.
    Bon, très bien. Merci beaucoup.
    Je pose la même question à Kim.
    La Société canadienne du sida est une coalition de 125 organisations communautaires qui travaillent en première ligne dans le domaine du VIH-sida. En fait, beaucoup servent justement les jeunes en faisant de la prévention et en offrant des services aux jeunes qui vivent avec le VIH-sida.
    Quant à la manière dont notre politique est établie, nous avons plusieurs organismes qui nous y aident. L'un est bien sûr le conseil d'administration. Notre conseil comprend obligatoirement un jeune qui vit avec le VIH-sida. Ce dernier est guidé par un comité directeur constitué de représentants des différentes régions du Canada, un comité permanent qui l'aide à définir les politiques et mesures nécessaires dans des dossiers qui touchent les jeunes relativement au VIH-sida.
    De plus, notre conseil d'administration a un comité qui se penche sur toutes nos positions de politique et aide à guider le personnel dans l'élaboration des déclarations elles-mêmes. Tous nos énoncés de position sont en fait adoptés par le conseil d'administration et ces décisions sont consignées dans les comptes rendus des réunions du conseil, qui sont bien sûr du domaine public.
    En plus de constituer un mouvement communautaire, nous avons une instance appelée le Forum des personnes vivant avec le VIH-sida, qui se réunit chaque année. Nous essayons de faire en sorte que ce forum représente les gens qui vivent de nombreuses réalités différentes au Canada, y compris les jeunes. Cet organisme a un processus d'adoption de résolutions qui nous aide à établir les priorités en matière de politiques au fil des années. La question de la prévention auprès des jeunes a été soulevée à ce forum et le conseil en a été saisi.
    Bien. Je n'ai pas beaucoup de temps, mais rapidement, je suppose que le comité directeur des jeunes et votre conseil sont contre ce projet de loi.
    Oui.
    Bien.
    Je prendrai peut-être le reste de mon temps, mais je voudrais donner à Donny la chance — je pense qu'il n'a pas encore eu l'occasion de parler — de dire s'il est pour ou contre ce projet de loi. Et si vous êtes en faveur de l'adoption de ce projet de loi, peut-être pourriez-vous expliquer pourquoi en vous fondant sur votre expérience personnelle.
    Oui, merci beaucoup de m'avoir posé cette question. Je ne suis assurément pas contre. Je suis catégoriquement en faveur de l'adoption du projet de loi.
    En fin de compte, il y a une véritable injustice à l'heure actuelle à l'égard de notre génération à cause de l'exploitation des jeunes, et cela va même plus loin, jusqu'à l'esclavage — on pourrait appeler cela l'esclavage des temps modernes.
    D'après ma propre expérience, si des jeunes femmes et des garçons se font exploiter, c'est en grande partie à cause des mauvais traitements. Tous les mauvais traitements se situent au niveau des émotions, qu'ils soient physiques, psychologiques, spirituels, sociaux, ou quoi que ce soit.
    Dans mon cas, c'est le fait d'avoir été violenté par deux amis à l'âge de 13 ans qui est à la source de ma toxicomanie. Cette toxicomanie a refoulé la honte et la culpabilité et, en conséquence, je me suis retrouvé au centre-ville de Toronto, dans un endroit appelé Boystown, et on m'a expliqué de quelle manière je pouvais faire de l'argent à un très jeune âge pour financer l'achat de la drogue rendue nécessaire par mon accoutumance. C'est ainsi qu'a été amorcé ce cycle vicieux consistant à refouler constamment la honte et la culpabilité et à vendre mon corps à des hommes afin de continuer à ne rien ressentir.
    Je crois que nous devons commencer à nous respecter mutuellement en tant que frères et soeurs, à ne pas nous considérer comme des objets d'affection, à ne pas chercher à nous impressionner mutuellement ou à exercer un pouvoir et un contrôle sur autrui. Voilà l'origine de cette injustice; c'est cette mentalité dans notre société d'aujourd'hui qui amène des gens à dire: Je te tiens en mon pouvoir.
    En fait, c'est partout, tout autour de nous. Je ne pense pas qu'aucun d'entre nous soit aveugle à cette réalité et je pense que nous devons vraiment nous ouvrir les yeux et voir qu'un bon point de départ serait de relever l'âge du consentement.
    Tous les autres intervenants ont apporté de très bons arguments. Il faudra ensuite des programmes d'éducation et de sensibilisation, mais il faut commencer quelque part. Vous ne pouvez pas continuer à vous renvoyer la balle.
    C'est tout ce que j'ai à dire pour l'instant. Merci.
(1000)
    Merci, monsieur Bagnell. C'était une bonne question.
    Monsieur Mélanson, je sais que c'est dur de dire tout haut certaines choses que vous avez dites devant nous et nous vous remercions d'en avoir fait l'effort.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vais débuter en posant mes questions à Mme Roy et Mme Tremblay. J'ai été très intéressé par votre témoignage. Vous nous poussez à faire une réflexion qui va un peu plus loin que le droit à proprement parler, à savoir toute l'articulation des valeurs et la façon dont on peut utiliser la justice pour préconiser des rapport plus égalitaires entre les individus.
    Vous êtes plus ou moins favorables au projet de loi parce que vous trouvez qu'on escamote une dimension importante.
    Du strict point de vue de ce que nous pouvons faire à l'intérieur du projet de loi qui est devant nous, comment devrait-on s'attaquer à toute la question concernant les relations dites exploitantes? On a fait cette distinction dans le projet de loi. Pensez-vous qu'on ne devrait pas la faire? Pensez-vous que c'est une définition? Quels changements souhaitez-vous concernant ce concept des relations exploitantes qui, tel que présenté, réfère à la pornographie et à la prostitution?
    Il est certain que dans le cadre juridique, le fait de changer un projet de loi ou un article de loi spécifique sans l'encadrer dans l'ensemble d'une autre démarche est toujours compliqué. Il y a toujours des contraintes. Effectivement, on ne peut s'attaquer à l'âge du consentement sans l'intégrer dans un changement plus global en termes de ce que l'on veut promouvoir comme société et la façon dont on l'inscrira par la suite dans différentes lois.
    C'est difficile de vous dire qu'on devrait spécifiquement enlever telle ligne et ajouter telle autre dans ce projet de loi. C'est difficile de couper cela de la sorte, car au fond, la question est de savoir si ce projet de loi permettra vraiment d'atteindre l'objectif qu'il prétend avoir, c'est-à-dire protéger les jeunes contre l'exploitation sexuelle commise par des personnes, que ce soit par Internet ou autrement, par des adultes qui tentent de leur imposer des relations sexuelles. Il est difficile de savoir si on est en faveur ou contre, parce que la question qu'on se pose surtout est de savoir si l'objectif visé sera atteint. Est-ce que cela offrira vraiment une protection?
    Je pense qu'il faut assurer à chacune des filles et des femmes de notre société qu'elles ont le droit de dire non, et convaincre tous les garçons et tous les hommes que lorsqu'une personne dit non, c'est non. Ce sont les enjeux actuels. Les garçons, dans certains cas, ne respectent pas le refus, peu importe la façon dont il est exprimé, et les femmes et filles ne se reconnaissent pas le droit de dire non, dans certaines circonstances.
    Il y a des jeunes qui acceptent d'avoir des relations sexuelles par choix, par envie, par amour ou par désir. Là n'est pas le problème. Le problème, c'est qu'actuellement, il y a de nombreux jeunes qui le font pour toutes sortes de fausses raisons, sans compter la pression qui est exercée sur eux, pour prouver leur notoriété, pour chercher de l'amour, pour échapper à la pauvreté, pour acheter de la drogue, etc. Ce sont des relations, comme monsieur le disait, d'inégalité et d'abus de pouvoir. C'est ça, le problème.
(1005)
    D'accord.
    Mais je peux difficilement vous dire de retirer telle partie de l'article.
    Merci beaucoup, madame Roy.
    Je voudrais poursuivre avec une deuxième question, si vous me le permettez. Je m'adresse aux gens d'Égale Canada ou de la Société canadienne du SIDA.
    Je pense qu'il faut amender l'article 159. Il m'apparaît clair que ce type de distinction n'a pas sa raison d'être.
    En même temps, nous avions un préjugé favorable. Je suis très heureux du témoignage de Mme Roy parce qu'elle nous fait comprendre que notre démarche est limitée; j'en suis conscient. Prenons une personne de 50 ans qui a une relation avec une personne de 14 ans. Même si elle n'est pas exploitante, doit-on encourager cela dans notre société? La question se pose.
    Vous semblez dire que le fait d'augmenter l'âge du consentement fera en sorte que les gens seront moins portés — c'est un peu le témoignage que vous avez rendu — vers la recherche d'information et qu'il y aura des effets préjudiciables dans les écoles.
    Pouvez-vous nous en parler un peu plus? Le lien avec l'augmentation de l'âge du consentement n'est pas évident.
    Je ne sais pas qui veut être la première personne à répondre.

[Traduction]

    Allez-y, je vous prie.
    Merci.
    Je devrais commencer par dire, en fait, que la Fédération canadienne pour la santé sexuelle n'est pas en faveur de ce projet de loi. Nous croyons que c'est un outil plutôt rudimentaire pour s'attaquer à une question assez complexe, à savoir le comportement sexuel humain, en particulier chez les jeunes.
    En fait, nous n'avons pas le moindre cadre au Canada en matière de santé et de droits sexuels. Au début des années 90, le gouvernement a fait élaborer un cadre national sur la santé sexuelle et reproductive, et il n'a jamais été mis en oeuvre. On garantissait notamment dans ce cadre le droit d'accès aux soins de santé et à l'éducation, et l'on donnait des garanties en matière de confidentialité, et l'on abordait toute la question de la sexualité, en particulier chez les jeunes, de manière réfléchie, en se fondant sur les faits et les meilleures pratiques, et de manière juste, sans exercer de discrimination contre certains types d'activité sexuelle.
    C'est ainsi que nous avons choisi de présenter aujourd'hui les trois éléments les plus importants qui, à notre avis, permettraient d'améliorer ce projet de loi. Nos membres dispensent à la fois des soins de santé et de l'éducation aux jeunes et à leurs parents partout au Canada, et nos membres nous ont dit qu'ils sont très inquiets de la manière dont ce projet de loi est libellé actuellement, que les jeunes hésitent déjà à demander des renseignements et à se faire soigner et que le moindre risque sur le plan de la confidentialité pourrait compromettre leur santé et leur prise de décisions.
    Madame Thomas.
    Je veux répondre à la question de M. Ménard au sujet de l'éducation et de la situation dans les écoles à l'heure actuelle.
    Actuellement, dans toutes les provinces sauf le Nouveau-Brunswick, les jeunes ont le droit d'abandonner l'école à l'âge de 16 ans. Je suis certaine que les Ontariens savent qu'on discute actuellement de la possibilité de modifier cet âge en Ontario. Mais cela crée un problème, parce que ce sont les jeunes qui sont le plus à risque qui envisagent de décrocher. L'une de nos principales préoccupations est qu'ils ne seront pas en mesure d'avoir accès à de l'information sur la santé sexuelle et, dans notre cas particulier, sur la prévention du VIH-sida.
    Le manque d'éducation en matière sexuelle dans les écoles partout au Canada est également un problème auquel il faut s'attaquer. Cette lacune a été mise en évidence par des études sur la santé sexuelle faites par le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada. Cette étude a été très révélatrice sur la réalité de la santé sexuelle dans l'éducation un peu partout au Canada pour les jeunes de nos jours.
(1010)
    Merci, monsieur Ménard.
    Monsieur Comartin.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous d'être ici.
    Je m'adresse à la fédération et à la société. Au sujet de la santé sexuelle, avez-vous été consultés par le gouvernement actuel soit avant, soit après la présentation de ce projet de loi?
    Non.
    Je m'adresse maintenant à Égale au sujet de l'article 159. Avez-vous été consultés par le gouvernement actuel sur la manière de résoudre ce problème, soit avant, soit après la présentation de ce projet de loi?
    Pas à ma connaissance.
    Madame Cohen, vous avez fait des recommandations très générales sur un changement important. Je suis en train de rédiger des modifications proposées à la Loi sur la preuve afin de répondre aux préoccupations précises que vous avez formulées au sujet des gens qui doivent témoigner et dont le témoignage pourrait être utilisé contre leurs partenaires sexuels, ce qui les dissuade de chercher à se faire soigner.
    Les médecins, plus précisément les généralistes, sont-ils tenus de faire rapport s'ils obtiennent ce renseignement d'un patient?
    Nous croyons savoir qu'ils seront tenus de faire rapport aux termes du projet de loi. Si un jeune se présente pour subir des tests et obtenir un diagnostic relativement à des infections transmises sexuellement et si le résultat est positif, le jeune est tenu de donner une liste de ses partenaires aux autorités de la santé publique. C'est bien sûr une bonne politique, mais en remettant cette liste, il se trouve à divulguer le nom de partenaires qui peuvent être exclus de la protection de la loi en raison de l'âge. Nous craignons que cela les dissuade de venir subir des tests, favorisant ainsi la propagation de l'infection.
    La fréquence des ITS augmente beaucoup parmi nos jeunes et je crois que nous devons tous nous en inquiéter. Nous devons protéger les jeunes contre ce très important problème de santé.
    Je devine que vous n'êtes pas avocate. Avez-vous eu des avis juridiques là-dessus? J'ai identifié une modification possible au code qui réglerait en partie ce problème. Il s'agit d'un important amendement qu'il faudrait apporter à la Loi sur la preuve afin d'établir ce privilège. D'après votre rapport, il semble qu'il y aurait aussi d'autres lois qui m'auraient échappé.
    Est-ce qu'un avocat a examiné d'autres lois fédérales? Bien sûr, nous ne pouvons rien faire quant à la législation provinciale.
    Il est certain que cela rend le problème très complexe. Nous avons fait très attention, à la fois dans notre mémoire et dans nos commentaires d'aujourd'hui, de nous attacher aux questions dans lesquelles nous estimons posséder un bagage et de l'expérience, c'est-à-dire en matière de santé sexuelle et en particulier en ce qui a trait à l'éducation des jeunes et des parents. Mais comme il y a la législation fédérale et des législations provinciales qui varient d'un bout à l'autre du pays, nous ne pouvons pas recommander un libellé précis qui serait utile, mais nous vous encourageons assurément dans vos efforts pour ce faire.
    Vous n'avez pas demandé à des avocats d'examiner la question. Bien, merci.
    Madame Kryskow, vous avez fait des commentaires assez favorables au sujet du projet de loi C-331, lequel ne comportait pas de défense relativement à la faible différence d'âge.
    Madame Roy, madame Tremblay et madame Kryskow, je ne suis pas certain, après avoir écouté vos exposés, si vous êtes en faveur de cette défense consistant à invoquer la faible différence d'âge, ou si vous relèveriez simplement l'âge à 16 ans.
    Je vous invite à commenter cela.
    Oui. Quand j'ai parlé du projet de loi C-331, je ne faisais pas allusion au projet de loi lui-même, mais plutôt à la déclaration qui a été faite par M. Rodriguez au sujet de l'importance de cette mesure pour les jeunes. Je voulais simplement préciser le sens de mes propos à ce sujet.
    Pour ce qui est de la faible différence d'âge, je pense que le fait que l'on ne criminalise pas les relations sexuelles entre jeunes consentants est utile. Je ne pense pas avoir à m'expliquer davantage là-dessus.
    Très bien. Merci.
    Madame Tremblay ou madame Roy.

[Français]

    C'est la même chose en partie. Si le projet de loi C-22 est adopté tel quel, c'est un mal nécessaire que de permettre cette exemption afin de ne pas criminaliser les adolescents qui ont des rapports sexuels entre eux. Comme je l'ai mentionné plus tôt, pourvu que cela ne couvre pas que ces droits, que le droit d'avoir des rapports sexuels, mais beaucoup plus que cela.
(1015)
    Vous êtes d'accord pour dire que si on porte l'âge à 16 ans, on doit ajouter des exemptions?
    Oui.
    Je pense qu'on partage la préoccupation de madame sur la question de savoir comment les dossiers médicaux, etc., par exemple, pourraient limiter l'accès à des jeunes. Alors, il faut permettre cette exemption de proximité d'âge.

[Traduction]

    Merci.
    Je voudrais me faire l'avocat du diable à la fois pour Égale et pour la société du sida. Chose certaine, c'est un argument que j'ai déjà entendu. Je ne dirai pas que j'y souscris, mais je voudrais qu'on y réponde.
    Si nous acceptons vos arguments contre le relèvement de l'âge à 16 ans, il me semble que, logiquement, nous éliminerions alors complètement l'âge du consentement, ou bien nous le réduirions à 12 ans, comme c'était le cas à la fin du XIXe siècle. Que répondez-vous à cet argument? Il y a dans le monde quelques pays qui n'ont aucun âge de consentement dans leur code pénal. Évidemment, la grande majorité ont fixé un âge qui oscille entre 14 ou 16 ans ou même 18 ans. Mais si vous allez jusqu'au bout de votre argumentation sur la nature des relations et tout le reste — je m'adresse en particulier à vous, madame Downer, parce que vous avez abordé cette question de manière plus poussée que les autres —, pourquoi ne pas réduire l'âge? Les statistiques nous apprennent qu'il y a au Canada un nombre raisonnable de jeunes de 12 et 13 ans qui ont effectivement des relations sexuelles.
    La question que je ne cesse de me poser pendant que nous discutons de tout cela est celle-ci: pourquoi incomberait-il aux jeunes eux-mêmes de se protéger? C'est pourquoi je ne cesse d'avoir l'impression qu'on envisage de criminaliser le comportement des jeunes au moyen de ce projet de loi, que nous voulons en fait dire aux jeunes ce qu'ils doivent faire. Cela fait quelques années, mais j'ai déjà été jeune...
    Je l'avais oublié, moi aussi.
    ... et je pense que, si je me rappelle bien cette période, je ne réfléchissais certainement pas à des discussions de ce genre quand je prenais des décisions en matière d'activité sexuelle. Je pense que nous devons tenir compte de la réalité à laquelle les jeunes sont confrontés.
    Je ne suis pas certaine que de réduire l'âge à 12 ans ferait une différence. Je dois vous dire que, quand j'avais 15, 16 ou 17 ans, je ne savais pas quel était l'âge du consentement. J'agissais simplement selon mon inclination. C'est un geste très immédiat. Je pense que la priorité que nous devons nous fixer actuellement, c'est d'établir des restrictions et de faire respecter celles que nous avons déjà en matière d'activités sexuelles prédatrices.
    Monsieur Ko.
    Merci.
    Je pense que, de manière générale, la discussion porte plutôt sur la différence entre conserver le statu quo et faire un changement. L'âge du consentement est de 14 ans depuis 1890, si je ne me trompe, et il n'est donc pas question de réduire l'âge; il faut conserver l'âge actuel et il faut réfléchir à l'impression que l'on donne aux jeunes en changeant l'âge. Le réduire à 12 ans enverrait un message en soi, mais je crois que le signal transmis par ce projet de loi est tout aussi nuisible.
    L'âge de 14 ans existe. Il est en vigueur depuis 1890. Je pense notamment que de relever l'âge donnerait l'impression que la sécurité et l'assurance que les jeunes ont déjà en matière de sexualité sont menacées, les dissuadant de demander conseil. C'est l'impression que nous donnons aujourd'hui, à mon avis, plus que n'importe quoi d'autre. Il y a donc une différence entre maintenir le statu quo et faire un changement et envoyer un signal aux jeunes.
    Monsieur Hasselrlis.
    Je veux seulement ajouter que Égale Canada n'a jamais activement cherché à obtenir une réduction de l'âge du consentement. Je suppose que notre présence ici est en réaction aux changements proposés. Nous ne voulons pas que l'on relève l'âge du consentement et c'est ce que l'on propose de faire par ce projet de loi. Nous sommes ici pour dire que nous ne voulons pas que cela se fasse.
    Par ailleurs, nous sommes inquiets quand des gens comme le premier intervenant laissent entendre que, peut-être, si nous relevons l'âge à 16 ans, il y aura des gens pour demander qu'il soit relevé encore à 18 ans ou même davantage. On se demande où cela s'arrêtera. Si nous faisons passer l'âge de 14 à 16 ans, quelle sera l'étape suivante? Relever encore l'âge? Dire que les gens peuvent avoir des activités sexuelles consensuelles seulement quand ils sont mariés, par exemple?
    Nous sommes ici pour dire que les changements proposés dans ce projet de loi ne doivent pas se faire.
(1020)
    Merci, monsieur Hasselrlis.
    Monsieur Moore.
    Merci, monsieur le président.
    Et merci à tous les témoins d'aujourd'hui. Vos témoignages ont certainement été très intéressants.
    Je voudrais revenir sur ce que Mme Thomas vient de dire, à savoir qu'il incombe aux jeunes de se protéger. C'est intéressant de constater qu'une grande partie de la discussion d'aujourd'hui a porté sur les jeunes, tandis qu'à notre dernière réunion, la discussion tournait autour des adultes. Cette mesure vise tout à fait à faire porter le fardeau par les adultes. Je vous remercie donc de votre commentaire.
    Vous avez dit que vous ne saviez pas quel était l'âge du consentement. Probablement que la plupart des gens l'ignorent. Madame Kryskow, je pense que vous avez dit aussi que les Canadiens sont scandalisés quand ils apprennent que l'âge du consentement est 14 ans. Cela apparaît dans certains témoignages que nous avons déjà reçus, par exemple de la police qui est constamment confrontée à cette réalité.
    Je vais citer un passage du témoignage que nous avons entendu du National Child Exploitation Coordination Centre. Ils disent que, d'après leur expérience, beaucoup de Canadiens croient que les jeunes de 14 et 15 ans sont déjà protégés par la loi: « Ils sont convaincus à tort que les jeunes adolescents sont protégés contre quiconque a cinq ans de plus qu'eux. D'après notre expérience, les Canadiens sont convaincus qu'il est illégal pour un homme de 50 ans d'avoir des relations sexuelles avec une adolescente de 14 ou 15 ans. »
    Donc, d'une part, nous avons des jeunes gens qui, bien souvent, ne connaissent pas les détails de la loi. D'autre part, nous avons des Canadiens qui croient que cette activité est déjà interdite par la loi, alors que ce n'est pas le cas. Mais on nous a parlé d'un autre groupe, à savoir ceux qui cherchent activement à recruter des jeunes Canadiens en vue d'avoir des relations sexuelles. C'est un troisième groupe. Il y a le grand public, il y a les enfants, et puis il y a... et ces derniers, plus que n'importe qui d'autre, connaissent nos lois à fond.
    Nous avons entendu des gens nous dire que, dans les lieux de rencontre virtuelle et les sites de clavardage, on vante parfois les mérites de la loi canadienne, que les gens connaissent notre âge du consentement, qu'ils savent quel est l'âge du consentement chez nous et comment notre loi et notre système de châtiment des prédateurs sexuels se comparent aux leurs. Vous êtes peut-être nombreux à avoir vu récemment l'émission W-FIVE, où des hommes se présentaient à une maison pour avoir des relations sexuelles avec une fillette de 12 ou 13 ans. J'ai eu le privilège de rencontrer dans ma circonscription l'un des agents de police en question qui m'a dit que, s'il se présente en ligne comme une fillette de 12 ans ou un garçon de 13 ans, en quelques minutes, un adulte communique avec lui pour lui faire des propositions de nature sexuelle.
    C'est donc de cela que je veux parler. Nous avons déjà discuté de la question de savoir s'il y a lieu d'imposer un âge minimum. Je pense qu'il y a parmi les Canadiens un consensus pour dire qu'il doit y avoir un minimum quelconque. En tout cas, il semble y avoir consensus autour de la table.
    Madame Thomas, vous avez par ailleurs fait allusion à l'âge du décrochage et cela m'a semblé intéressant. L'âge du décrochage scolaire est fixé à 16 ans. Nous avons donc fixé cet âge. Nous avons aussi établi à 16 ans l'âge auquel on peut conduire. Nous avons fixé un âge pour voter. Nous avons fixé un âge pour faire tout cela. Les Canadiens estiment que ces gens-là — les adultes de 40 ou 50 ans qui veulent avoir des relations sexuelles, en particulier au Canada, avec des jeunes de 14 et 15 ans — doivent être empêchés de le faire et c'est à eux qu'incombe le fardeau de la preuve. Ils connaissent la loi. Notre loi stipule actuellement qu'un enfant de 14 ans est à leur portée, tandis qu'aux États-Unis ou dans d'autres pays d'où peuvent venir ces gens-là, la loi stipule qu'il faut avoir 16 ans.
    Je vous invite donc tous à traiter plutôt de la personne qui cherche à avoir des relations sexuelles avec un jeune de 14 ou 15 ans.
    Je vous invite tous à commenter. Allez-y.
    Je voudrais répondre à cela, monsieur Moore.
    C'est ce que nous avons entendu à maintes et maintes reprises quand nous faisions des sondages et quand nous lisions la véritable avalanche de courriels que nous avons eus à notre bureau depuis huit jours: les jeunes veulent être protégés. C'est le dénominateur commun sous-jacent implicite.
    Les statistiques nous ont paru accablantes, même à nous. Nous ne nous attendions pas à des chiffres aussi élevés: 92 p. 100 des jeunes ont dit qu'ils n'auraient pas la confiance voulue pour résister à quelqu'un de cinq ans plus âgé qu'eux et qui exercerait des pressions pour avoir des relations sexuelles, même contre leur volonté. Ce sont les jeunes eux-mêmes qui le disent. Voilà ce qui nous inquiète.
    Et que dire des jeunes âgés de 14 à 16 ans? Nous savons par ce qu'on raconte dans la rue — nous avons entendu le témoignage de la GRC et je crois que c'est la commission de police de l'Ontario qui a comparu devant vous — que c'est à cet âge que les jeunes — des enfants, d'après la définition de l'ONU — sont ciblés. Nous devons absolument faire quelque chose pour créer un Canada sûr pour ces jeunes et, en même temps, faire leur éducation pour les aider à prendre les bonnes décisions.
(1025)
    Est-ce que quelqu'un voudrait commenter du point de vue du message que cela pourrait envoyer, non pas aux jeunes — on a beaucoup parlé de cela — mais plutôt à quelqu'un qui veut venir au Canada pour avoir des relations sexuelles avec un enfant âgé de 14 ou 15 ans.
    Je voudrais apporter un argument. Je pense que le Canada a déjà une législation très ferme qui stipule qu'il est inacceptable d'avoir des relations d'exploitation sexuelle avec des jeunes de moins de 18 ans. C'est déjà dit très clairement dans le Code criminel. Je pense que le message est envoyé et qu'il faut le renforcer.
    Relever l'âge à 16 ans semble avoir une incidence davantage sur les jeunes que sur les prédateurs potentiels. Les prédateurs devraient déjà savoir — et je pense que nous devons le dire très clairement — que les personnes de moins de 18 ans sont déjà protégées au Canada.
    Oui. Je veux réitérer que le Canada a une législation très ferme contre l'exploitation sexuelle, contre la prostitution juvénile, contre la pornographie juvénile, et contre la corruption d'enfants au moyen de l'Internet. Toutes les activités que vous décrivez sont tout à fait contre la loi.
    Vous avez évoqué le fait de fixer l'âge du consentement à 16 ans parce que c'est à cet âge que nous permettons aux jeunes de conduire, par exemple. Comme Nichole l'a signalé dans son exposé, et d'après l'une des plus grandes enquêtes jamais menées sur la sexualité des jeunes au Canada — par le Conseil des ministres de l'Éducation —, le fait est que l'âge moyen auquel les jeunes ont leur première relation sexuelle est de 14 ans. C'est l'âge moyen. Cela veut dire qu'il y a beaucoup d'enfants qui ont des relations sexuelles pour la première fois quand ils ont 12 ou 13 ans.
    C'est un fait que les jeunes ont des relations sexuelles à ce jeune âge. Ce que nous devrions faire, c'est de leur donner toute l'information voulue pour prendre de saines décisions quant à la personne avec laquelle ils veulent avoir des relations sexuelles consensuelles, parce que c'est ce dont il s'agit: des relations sexuelles consensuelles.
    Merci, monsieur.
    Madame Roy.

[Français]

    Je pense que c'est ce qu'on a tenté de soulever tout à l'heure lorsqu'on a demandé comment, dans une société, on pouvait accepter l'idée selon laquelle il y a un âge où l'exploitation sexuelle est légitime et acceptable, et envoyer un autre message aux jeunes en leur disant que ce n'est pas acceptable avant un âge donné.
     Par exemple, on sait très bien que le recrutement qui se fait sur Internet pour la traite des personnes existe pour nourrir et alimenter l'industrie du sexe sous toutes ses formes. Que l'on recrute des jeunes de 12 ans, des gens de 22 ans ou de 36 ans — et ça s'arrête assez rapidement —, tout ça est lié à la même volonté de nourrir une industrie.
    Donc, si on ne parle pas des acheteurs, si on ne parle pas du fait qu'on cherche à avoir, gratuitement ou en payant, des relations sexuelles avec des jeunes, par exemple, ou avec des adultes, si on ne nomme pas les enjeux derrière ça et si on ne dénonce pas la contradiction qui existe dans notre société actuelle qui consiste à dire qu'il faut protéger les jeunes d'un certain âge contre l'exploitation sexuelle mais qu'après cet âge, l'exploitation sexuelle est possible dans notre pays, comment voulez-vous que les jeunes comprennent un message aussi contradictoire? Comment pourront-ils faire la distinction? Ils vont penser qu'ils ont besoin de protection jusqu'à un âge donné, mais qu'après cet âge, ils pourront être exploités.
    On dit que les jeunes ont des relations sexuelles à l'âge de 14 ans, mais on sait aussi que la prostitution commence vers le même âge. D'une certaine façon, on est en train de leur dire que consentir à avoir une relation sexuelle et se faire payer pour avoir une relations sexuelle, c'est pas la même chose. L'ambiguïté se situe là.
    Dans un rapport d'un autre comité de la justice, on vient de faire un lien très clair entre la traite des personnes et la prostitution. Va t-on tenir compte de la traite des jeunes et des adultes, dans les changements législatifs qu'on va proposer? On ne peut pas simplement dire qu'on veut protéger les jeunes contre l'exploitation sexuelle sans remettre en question l'exploitation sexuelle dans son ensemble.
    Je pense que c'est ce que notre organisation souhaite soulever. C'est vrai que le message de cette loi s'adresse aux jeunes, et non aux adultes. C'est très préoccupant de penser que le message qui risque de ressortir de cette loi est que les jeunes peuvent consentir à avoir des relations sexuelles à un âge donné, mais que ce message ne s'adresse pas aux adultes.
(1030)

[Traduction]

    Merci, madame Roy.
    Monsieur Lee.
    Merci, monsieur le président.
    Je ne blâme pas certaines personnes d'être un peu intimidées par la complexité de la loi. Le texte de loi proposé tente assurément de protéger la personne âgée de moins de 16 ans, mais d'après mon interprétation de la loi, il semble que cette protection soit loin d'être aussi solide que les gens l'imaginent. Je m'adresse donc à ceux qui ont dit que la loi vient embrouiller les choses, qu'elle rend difficile pour un jeune, surtout de 14 ou 15 ans, de déterminer si il ou elle est ou non dans l'illégalité.
    Il est certain que la loi ne criminalise pas l'activité sexuelle par un jeune de 14 ou 15 ans, surtout si l'écart d'âge entre les deux partenaires est de moins de cinq ans, et ce type de contact sexuel va donc se poursuivre.
    Ensuite, au sujet des agressions sexuelles, M. Moore a laissé entendre que ce dont il s'agit, c'est l'âge auquel on peut consentir à avoir des relations sexuelles. Ce n'est peut-être pas le cas. Il s'agit de savoir si le consentement du plaignant peut être invoqué en défense en cas d'accusation d'agression sexuelle, un point c'est tout. Nous ne criminalisons donc pas l'activité sexuelle de la part d'un adolescent de 14 ou 15 ans.
    Mais je peux imaginer un scénario qui n'est pas clair et je voudrais vous demander si vous êtes d'accord dans le cas suivant: si le jeune de 14 ou 15 ans est l'agresseur dans un acte sexuel, et si l'autre personne qui est plus âgée de cinq ans est simplement passive, ou même si la personne qui est plus âgée de cinq ans a incité à la relation sexuelle. D'après mon interprétation, cette loi ne criminalise pas les actes du jeune de 14 et 15 ans parce que la loi supprime seulement la possibilité pour le jeune de 14 et 15 ans de donner son consentement. Mais lorsque le jeune de 14 et 15 ans est l'acteur, l'agresseur, il ou elle n'est pas le plaignant; il ou elle pourrait être la personne qui est considérée comme ayant commis l'agression.
    Je ne suis pas embrouillé, je me contente de lire la loi telle qu'elle est écrite et peut-être pourrions-nous obtenir l'avis d'un expert là-dessus ultérieurement. Pourrais-je obtenir la réaction des groupes qui nous exhortent à être prudents parce que la loi est compliquée et embrouillera les jeunes de 14 et 15 ans et pourrait les dissuader d'accéder à des renseignements sur la santé sexuelle?
    C'est une question complexe, sans compter que la loi est elle-même complexe.
    Une des choses que les gens utilisent constamment comme exemple dans ce genre de discussion consiste à poser la question suivante: est-il acceptable qu'un homme de 50 ans ait des rapports sexuels avec une jeune fille de 15 ans? Il est très probable que la plupart d'entre nous conviendraient que ce n'est sans doute pas une situation recommandable et saine pour une jeune fille de cet âge.
    Mais il est courant, en tout cas dans la collectivité où se trouve mon centre de santé, qu'une jeune fille de 15 ans ait des rapports sexuels avec un homme de 21 ans, que celui-ci fréquente encore la même école secondaire, fasse partie de la même collectivité et soit un ami de la famille, et que les parents de la jeune fille eux-mêmes jugent ces relations acceptables. Cela pose donc des problèmes complexes.
    Lorsque nous avons lu le texte de loi — nous ne sommes pas des avocats, ce qui nous permet peut-être d'avoir un point de vue valable, nous n'avons pas eu l'impression qu'il mettait l'accent sur l'exploitation, mais plutôt sur la question de l'âge. Ce n'est pas l'âge qui détermine si une jeune personne est exploitée ou non, alors qu'à mon avis, la loi précédente tenait compte de facteurs individuels.
    Peut-être ces facteurs individuels devraient-il être renforcés. Peut-être devrions-nous investir plus de ressources pour essayer de poursuivre les prédateurs et d'encourager les jeunes à parler, car le leurre par Internet est une réalité constante. Il est certain que lorsque le sujet de la loi a été évoqué au départ, les parents se sont inquiétés de l'effet de leurre de l'Internet sur leurs enfants. J'ai moi-même un enfant qui vit avec moi et cela m'inquiète aussi.
    Je crois que la meilleure protection pour ma fille est qu'elle ait un rapport de confiance avec un adulte afin qu'elle puisse se confier et qu'elle ait le sentiment d'être libre de décider de dire oui ou non, de faire la distinction entre le bien et le mal, tout cela dans le contexte de ses propres valeurs familiales et de sa situation familiale; c'est ainsi que l'on protège les jeunes contre l'exploitation; ce n'est pas le fait de fixer artificiellement un âge limite.
    Voilà ma première réaction à ces commentaires.
(1035)
    Quelqu'un d'autre voudrait-il répondre à la question de M. Lee?
    Allez-y, Faytene.
    Il faudrait que les deux éléments coexistent. Nous devrions avoir une société qui encourage l'éducation et les relations fondées sur la confiance, une société dans laquelle les jeunes peuvent venir se confier à une personne sûre. Mais il faut aussi tenir compte de ceux qui seront exploités et s'assurer qu'il existe des lois qui les protègent dans de telles circonstances. Je ne pense pas que ces deux éléments s'excluent mutuellement; il me paraît important qu'ils coexistent.
    Mme Freeman.

[Français]

    D'abord, je veux tous vous remercier de vos présentations, qui ont été vraiment très éclairantes pour nous. J'ai remarqué que les préoccupations communes de tout le monde, au départ, sont vraiment l'éducation et la santé, en plus de l'article 159, qui soulève évidemment beaucoup d'interrogations de la part des parlementaires.
    Dans mon préambule, lorsque nous avons reçu le ministre de la Justice, j'avais mentionné qu'avant de penser à élaborer des règlements, etc., il faut surtout penser à la prévention et à l'éducation — je vois que c'est la préoccupation de tous ici — ainsi qu'à la santé.
    En ce qui a trait à la santé, j'aimerais que Mme Cohen explique davantage les recommandations qu'elle fait ici.
    Dans les premières recommandations, vous dites que non seulement les informations médicales mais tous les services médicaux d'information ou d'éducation en matière de santé doivent être traités comme des renseignements confidentiels. C'est ce que vous proposez dans vos recommandations.
    Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Si, éventuellement, on proposait un amendement visant à faire en sorte que tous ces types de renseignements soient confidentiels, cela pourrait-il vous satisfaire?

[Traduction]

    Oui, je le crois. Actuellement, les prestataires de soins de santé sont tenus de signaler toutes les formes de comportement aberrant, dont fait partie l'exploitation des enfants.
    Dans les recommandations que nous avons présentées, nous recherchons des prestataires de soins de santé qui ont une bonne formation et une solide expérience. S'ils sont capables d'établir des rapports de confiance, ils sont probablement aussi en mesure de déterminer si une relation est fondée sur l'exploitation. Cette capacité n'a rien à voir avec l'âge de la jeune personne. Il s'agit de leur degré de compétence pour prendre des décisions, de qui ils sont, de leur âge et du fait qu'ils occupent, ou non, une position de confiance ou d'autorité.
    Ces genres de différences sont extrêmement importants lorsqu'il s'agit de déterminer si l'enfant est exploité, à la différence de la situation où il s'agit d'un ami du frère qui fréquente constamment la maison et lui paraît un peu bizarre. Nous espérons que cela encouragera les jeunes gens à faire appel aux services de santé pour établir une relation de confiance.
    Une fois que cette relation de confiance est établie, il devient possible pour nous de parler aux jeunes de la manière dont ils prennent des décisions. Ont-ils le sentiment d'avoir ce dont ils ont besoin? Ont-ils accès à des services? Prennent-ils des précautions contre les ITS et les grossesses non voulues? Ce sont là, à notre avis des éléments très importants de la protection des jeunes.

[Français]

    À présent, je voudrais m'adresser à Mme Tremblay et à Mme Roy parce que je sais que mon bureau de circonscription est voisin de l'un des bureaux de CALACS, à Châteauguay. Alors, je suis toujours en communication avec ces personnes.
     Vous semblez trouver ce projet de loi insuffisant pour répondre aux besoins que vous exprimez. Il faut tout de même tenir compte du fait que, dans le moment, nous étudions ce projet de loi et qu'il faut l'améliorer. Il faut travailler dans le cadre de ce projet de loi, actuellement. Avez-vous des suggestions précises quant à ce qui pourrait être amélioré?
    Vous arrivez avec un exposé très large. C'est très bien qu'on parle de la traite des femmes et il faut aussi tenir compte de la situation particulière au Québec, où les jeunes femmes peuvent, à l'âge de 14 ans, avoir droit à l'avortement sans que les parents le sachent et avoir droit aux anovulants. Nous avons une pratique assez différente de celle en vigueur dans les autres provinces.
    Il faut quand même essayer de voir comment on peut améliorer le projet de loi qui est présenté, et non pas essayer de régler globalement tout le problème de l'exploitation.
(1040)
    Je pense que le projet de loi C-22 donne la latitude nécessaire pour laisser plus de pouvoir discrétionnaire aux juges en ce qui a trait à toutes les considérations qui ont été mentionnées tout à l'heure. Les jeunes ont cette crainte — nous en avons rencontrés, en tout cas, qui l'ont — de s'enfarger dans le calcul de l'âge et d'être accusés d'agression sexuelle dans telles ou telles circonstances. Pour eux, ce n'est pas facile de comprendre quand l'erreur quant à l'âge sera admissible ou non. Ne serait-ce que dans le préambule, je pense qu'il faut nommer ces choses, ces craintes, et laisser plus de pouvoir discrétionnaire. C'est un des éléments de réponse que j'ai à fournir.
    Mes autres éléments de réponse ne seraient pas directement contenus dans le projet de loi C-22, et je sais que vous voulez limiter votre question à cela, mais on pense qu'il y aurait lieu de considérer, même après 18 ans, toute circonstance d'exploitation sexuelle comme un facteur aggravant. Actuellement, en matière d'agression sexuelle, l'exploitation sexuelle des personnes de 18 ans et plus n'est pas considérée comme un facteur aggravant. Ce qui l'est, c'est la violence et les marques de blessure, etc. C'est certain que cela nous ramène toujours à notre position de départ.
    Il y a autre chose qui me fait beaucoup réagir aussi. Vous savez, les personnes que l'on rencontre dans les CALACS au Québec sont principalement victimes, oui, d'agression sexuelle de la part de personnes beaucoup plus âgées qu'elles, mais par des personnes qui sont en relation de confiance avec elles, des proches, de gens au sein de la famille, etc. Au-delà du projet de loi C-22, il y a encore beaucoup de modifications à apporter au savoir-faire policier pour faciliter le traitement judiciaire des victimes d'agression sexuelle.
    Qu'entendez-vous par le savoir-faire policier?

[Traduction]

    Veuillez répondre brièvement.

[Français]

    Ce que l'on voit actuellement, c'est que très souvent, quand des jeunes s'adressent à des policiers ou sont référés à ces derniers, l'attitude des policiers, le type de questions qu'ils vont poser, l'accompagnement que les jeunes vont reçoivent font une différence. Et dans certains cas, cela concerne les procureurs aussi. Il y a aussi le fait de ne pas pouvoir être accompagnés dans ces démarches par une personne de confiance de leur choix et de ne pas pouvoir être informés de leurs droits à cet égard. Les jeunes sont très réticents à aller poser des questions ou, éventuellement, à envisager de porter plainte, par exemple pour la violence et l'exploitation sexuelles sous toutes leurs formes. Il faut que ces mesures soient rattachées à autre chose.
    On a parlé de prévention, d'éducation, mais tous les jeunes qui, de près ou de loin, seront touchés par l'application de cette loi devront aussi profiter d'un soutien qui tiendra expressément compte de leurs particularités, de leurs rapports avec les milieux policiers ou avec l'ensemble du système judiciaire, de même qu'avec ceux que l'on peut appeler les témoins.

[Traduction]

    Merci, madame Freeman.
    M. Thompson vous avez la parole.
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie tous d'être venus aujourd'hui. Je tiens en particulier à remercier Donny Melanson. Lorsque l'on a vécu une tragédie, il faut beaucoup de courage pour venir ici en parler et mettre les gens en garde. Je l'en remercie.
    Je suis comme ma collègue. J'appartiens au monde de l'enseignement depuis 30 ans, la majorité du temps comme principal d'une école secondaire de premier et deuxième cycles. J'ai vu des exemples de ce genre de situation. Nous avons obtenu nos meilleurs résultats lorsque nous avons fait jouer d'autres éléments dont je n'ai pas beaucoup entendu parler aujourd'hui. J'ai entendu évoquer l'éducation, les visites aux écoles, les appels à des conseillers en éducation, à des groupes de soutien et à des groupes de camarades et toutes sortes d'autres choses. Mais je n'ai pas beaucoup entendu parler des parents. En fait, je n'en ai pas entendu du tout parler en tant que groupe de soutien. Je n'ai pas non plus beaucoup entendu parler de l'église, une autre institution qui existe dans la plupart des collectivités et qui, quand elle le peut, est heureuse d'aider à résoudre certains problèmes.
    Je sais que ce genre de situation existe. Cela m'a vraiment préoccupé, au cours des dernières années d'activité, de voir une mère célibataire de 39 ans dont la fille de 14 ans qui avait fait une fugue et était allée vivre dans une réserve avec un homme de 26 ans. La mère avait supplié la police d'intervenir. Elle était venue me voir, en ma qualité de politicien, pour me supplier de l'aider à sortir cette jeune fille de 14 ans de cette situation. Mais comme celle-ci était consentante, la police était impuissante, et la mère n'avait pas autorité pour la reprendre chez elle. Ni la police ni la mère ne pouvaient rien faire.
    Je ne veux pas voir des enfants — à 14 et 15 ans, ce sont des enfants — prisonnières de ce genre de situation. Il faut faire quelque chose, et la seule chose, dans le cas des jeunes de 14 ou 15 ans est de porter à 16 ans l'âge du consentement. Les parents pourront alors faire appel à la police et libérer l'enfant de cette situation préjudiciable.
    C'est pourquoi je veux que l'on relève le seuil, précisément dans une situation de ce genre, et je veux envoyer un message bien clair à ceux qui utilisent l'Internet ou d'autres sources pour aller à la classe de jeunes de 14 ou 15 ans, parce qu'ils savent qu'ils peuvent le faire au Canada sans avoir de problème s'ils obtiennent le consentement de ces jeunes.
    Il est vrai que la loi interdit l'exploitation. S'il y a consentement, vous pouvez porter une accusation d'exploitation, mais cela ne mettra pas fin à la situation consensuelle.
    Il y a eu le cas de l'homme de 55 ans qui est venu ici et avait réussi à attirer un garçon de 15 ans dans une chambre — il venait du Texas, je crois. Le jeune garçon était absolument bouleversé parce qu'on avait inculqué cet homme pour exploitation, parce qu'il voulait continuer à cultiver cette relation et avait le droit de le faire puisqu'il avait 15 ans.
    Mais cela va beaucoup plus loin et je crois que le message doit s'adresser à ceux qui recherchent le consentement d'un enfant de 14 ou 15 ans. Je continuerai à les appeler les enfants, parce que c'est ce qu'ils sont — des enfants.
    Peu importe ce que l'on faisait en 1890, à l'époque où l'on échangeait des enfants de 13 ans contre deux chevaux, ce qui était acceptable pour la société de l'époque — beaucoup de choses ne sont plus acceptables aujourd'hui. La société a évolué. Revenir en arrière et dire que c'est ce que l'on fait depuis 1890... c'est un argument que je ne pourrai plus utiliser depuis qu'on a abaissé l'âge légal de consommation d'alcool. On a dit qu'il avait toujours été fixé à 21 ans, mais on l'a, malgré tout, abaissé. Ce n'est donc pas un argument valable.
    Ce que je veux dire, c'est qu'il faut que nous empêchions les prédateurs de croire qu'ils peuvent venir nouer une relation consensuelle avec des jeunes de 14 et 15 ans dans notre pays. C'est ce que ce projet de loi permettra de faire. Il faut que nous fassions comprendre aux jeunes qu'ils ne leur est pas possible de consentir à une situation touchée par ce projet de loi lorsqu'ils ont 14 ou 15 ans. Il n'est même pas question d'y penser avant l'âge de 16 ans. Je veux que ces deux messages soient clairement entendus.
    Qui a-t-il de répréhensible à cela? Pourquoi y a-t-il des objections à un projet de loi qui dit, protégeons les enfants? Ils ont 14 ou 15 ans. Donnez les pouvoirs nécessaires aux parents. Après tout, ce sont de leurs enfants qu'il s'agit.
    Pourquoi les églises ne peuvent-elles pas participer à une entreprise de réadaptation et à un effort de compréhension?
(1045)
    J'ai été témoin de l'introduction des programmes d'éducation sexuelle dans mon école. Il n'y a rien à leur reprocher, ils n'ont pas nécessairement d'effets nuisibles, mais les médecins des collectivités qui demandaient que certaines de ces mesures soient prises dans les écoles ont déclaré, après des examens couvrant des périodes de cinq à dix ans, que la situation ne s'était pas améliorée. Il y avait encore trop de grossesses chez les adolescentes, encore trop de maladies, etc. Ce n'était donc pas la solution parfaite.
    Je n'ai cependant pas entendu prononcer le mot « parents » comme groupe de ressources.
     J'insiste encore une fois sur le point suivant. Vous, les agresseurs, ne croyez pas que vous allez obtenir le consentement de jeunes de 14 ou 15 ans. Il n'en est pas question. Et vous, enfants de moins de 16 ans, vous ne pourrez pas consentir à des rapports sexuels avec une personne plus âgée. Vous ne pourrez plus sauter dans une voiture pour aller faire un petit tour lorsque vous avez 14 ans, si vous en avez envie. Je crois qu'il faut se montrer très ferme là-dessus.
    J'attends donc vos commentaires. J'attends une réaction de Donny, de Faytene ou de n'importe qui d'autre.
    Si vous voulez bien répondre; ce sera ensuite au tour de Mme Capperauld.
(1050)
    Tout d'abord, je peux parler avec une certaine assurance au nom de notre réseau, si j'en juge d'après les courriels, etc., reçus par notre bureau, qui nous apprennent que bon nombre des membres de ce réseau seraient très heureux d'entendre une personne comme vous, quel qu'en soit le parti, prendre une telle position. Je crois aussi que nos amis de McGill seront d'accord. L'homosexualité était illégale en 1890, et je n'entends personne recommander qu'on revienne à cette situation. Je suis donc d'accord, notre évaluation doit se faire en fonction de la situation actuelle et du fait qu'il n'y avait pas de cyberprédateurs en 1890.
    Je tiens également à dire que j'estime que les sentiments que vous exprimez, M. Moore, correspondent aux normes de la collectivité. Je ne suis pas étudiante en droit, mais si je comprends bien, il s'agit d'un principe important de la législation canadienne. Il faut que nos vies soient le reflet des normes de la collectivité, ce qui ressort très clairement de toutes les études que j'ai vues. Comme je le disais plus tôt, j'ai été surprise par les chiffres élevés obtenus dans notre enquête et par le fait que le Canadien moyen dit qu'il est d'accord et que cela reflète nos valeurs en tant que citoyens canadiens. Ce ne sont pas des groupes d'intérêt spéciaux qui parlent; ce sont des Canadiens ordinaires qui viennent se faire entendre.
    Voilà le grain de sel que je voulais ajouter à ce sujet.
    Je voudrais confirmer ce qu'a dit M. Thompson en vous contant une autre histoire. Il s'agit d'un courriel reçu pas plus tard qu'hier soir envoyé par une jeune femme de 21 ans qui s'appelle Bonnie Barker. Voici ce qu'elle disait :
[Traduction] Il y a quelques mois, une jeune fille est venue à notre église où je suis une des dirigeantes pour les jeunes. Sa mère et elle-même n'ont pas tardé à me raconter son histoire. Elle venait d'avoir 14 ans mais elle était déjà la proie d'un homme de plus de 40 ans. Elle avait accepté d'avoir des rapports sexuels avec lui et elle est aujourd'hui enceinte. L'homme n'est plus dans le tableau, mais pour nous qui jouons un rôle dans sa vie, cela nous rend MALADES qu'il n'y ait actuellement pas de loi qui empêche que cela se reproduise.
À l'époque, elle croyait peut-être qu'elle avait suffisamment de maturité, mais maintenant, je vous le garantis, elle sait que ce n'était pas le cas. Elle a peur et pense que sa vie et ses rêves sont finis.
Je suis une citoyenne canadienne de 21 ans, et je veux que ces jeunes soient protégés!
Bonnie Barker est de Colombie-Britannique.
    Pourrais-je ajouter un mot?
    Allez-y, M. Melanson.
    J'apprécie beaucoup ce que vous aviez à dire. Je suis totalement d'accord avec vous pour dire que les parents et les églises devraient jouer un rôle plus actif. Je crois qu'au fil des années et des générations, les parents et les églises ont fait l'objet d'injustes critiques. Cependant, l'action de certaines agences et églises fait une grosse différence dans le monde. Il se fait que j'appartiens à l'une d'entre elles, dans le centre-ville est de Vancouver et que nous protestons contre le trafic des personnes. Nous protestons contre l'esclavage contemporain. Nous prenons la défense des jeunes qui sont exploités.
    J'ai écrit quelques lignes à bord de l'avion alors que je réfléchissais à la question de l'âge du consentement. Essentiellement, c'est un catalyseur pour les jeunes d'aujourd'hui, qui disent qu'ils sont suffisamment âgés pour être responsables de leur bien-être corporel. C'est une attitude qui conduit inévitablement à des décisions malheureuses créant des situations dangereuses dont nos jeunes ne sont peut-être même pas conscients. Même lorsqu'ils se déclarent consentants, en leur for intérieur, ils savent qu'il y quelque chose qui ne va pas, même lorsqu'ils déclarent qu'ils sont d'accord et consentent à quelque chose de ce genre. Ils ont donc même besoin d'être protégés contre eux-mêmes.
    C'est à peu près tout ce que je voulais dire pour le moment.
    Mme Capperauld.
    Nous avons constaté — et nous savons d'après certaines recherches — que l'éducation en matière de santé sexuelle dans les écoles manque de cohérence et est parfois inexistante. D'autres recherches nous ont appris que pour être bonne et complète, une telle éducation ne doit pas se limiter à la description de certaines parties du corps et aux questions factuelles; elle doit aussi aider les jeunes à apprendre à négocier leurs relations, à leur montrer comment dire non dans les situations caractérisées par un comportement déplacé, et à s'appuyer sur les valeurs qu'ils ont acquises pour faire leurs choix.
    Pour être bonne et complète, une éducation en matière de santé sexuelle, doit également faire appel à la participation des parents. Cela va de soi. On encourage les jeunes à travailler à la maison avec leurs parents dans le cadre de leur programme d'études. On apprécie beaucoup l'importance du rôle des parents comme éducateurs dans le domaine de la santé sexuelle pour les jeunes, et on reconnaît leur rôle dans le programme. Il est aussi intéressant de noter que des enquêtes ont montré qu'un pourcentage très élevé de parents veulent que leurs enfants apprennent plus à ce sujet à un plus jeune âge dans un contexte scolaire.
    Le Joint Consortium for School Health que nous avons mentionné dans notre seconde recommandation cherche également à susciter la participation d'un éventail beaucoup plus large de la société canadienne. Il commence à étudier les moyens de mobiliser les églises, les groupes communautaires, les groupes de jeunes, les associations de policiers et une foule d'autres personnes pour rechercher des moyens d'assainir le système scolaire et d'adopter un programme exhaustif de cours sur la santé sexuelle.
(1055)
    M. Hasselriis.
    Le premier présentateur a dit que les jeunes de 14 et 15 ans étaient esclaves de leurs hormones et M. Lee nous a parlé de jeunes de 14 et 15 ans coupables d'agression sexuelle dans certaines situations. Je tiens à répéter qu'il est indiscutable que les jeunes de 14 et 15 ans sont des participants consentants à des activités sexuelles et recherchent dans beaucoup d'endroits différents des informations relatives au sexe.
    Si vous me permettez de parler brièvement des gais, des lesbiennes, des bisexuels et des transgenderistes chez les jeunes, il est certain que les parents sont une bonne source d'information sur les questions sexuelles. L'église l'est aussi. Mais beaucoup de jeunes se sentent mal à l'aise lorsqu'il s'agit de demander des conseils à leurs églises ou à leurs parents. Dans certains cas, les églises estiment que les décisions qu'ils prennent sont totalement erronées. Les jeunes ne veulent même pas évoquer de tels problèmes dans leur église ou auprès de leurs parents. Cela les met mal à l'aise. Par contre, cela ne les gêne pas d'évoquer ce genre de questions auprès d'autres membres de groupes de jeunes à l'école secondaire. Il faut vraiment que nous reconnaissions ce fait et que nous admettions que la sexualité des jeunes est une réalité et qu'elle doit être démontrée très clairement en droit.
    Merci, monsieur.
    Mme Jennings.
    Je vais essayer d'être très brève.
    S'il ne vous est pas possible de répondre parce qu'il ne nous reste que trois ou quatre minutes avant de lever la séance, je souhaiterais que vous me répondiez pas écrit.
    Premièrement, l'âge de consentement est 18 ans pour un certain nombre d'activités sexuelles. Certaines activités sexuelles, en revanche, sont criminalisées — l'exploitation sexuelle, etc. — dans le Code criminel. Je crois que ce qui vous préoccupe en partie, c'est que, quelque soit l'âge du consentement, que ce soit 14, 15 ou 16 ans, il y a tout un article du code qui dit que si vous avez moins de 18 ans et que votre partenaire a plus de 18 ans, cela relève de l'exploitation et c'est donc une activité criminelle. Je crois que cela devrait simplifier les choses.
    Une des choses que j'entends dire à ce sujet est que le juge ne pourra plus exercer de pouvoir discrétionnaire lorsque la différence d'âge est de cinq ans ou plus. Vous avez été témoins de cas de relations sexuelles dans lesquelles la différence d'âge était de cinq ans ou plus, et selon votre opinion d'expert, compte tenu de votre travail, il ne s'agit pas d'exploitation, ce qui signifie que, le plus âgé des deux individus ne devrait pas être incriminé.
    Ma question est la suivante. S'il y avait un moyen de modifier le projet de loi C-22 de manière à laisser une certaine latitude aux juges afin de leur permettre d'examiner la nature de la relation, qu'ils estiment qu'il ne s'agit pas d'exploitation sexuelle et n'incriminent donc pas la personne la plus âgée, vous sentiriez-vous plus à l'aise? Voilà ma première question.
    Deuxièmement, en ce qui concerne l'harmonisation de l'âge du consentement pour tous les genres d'activité sexuelle, quel que soit l'âge — je parle là de l'article 159 — on nous a dit que cela n'est pas couvert par le texte de loi qui nous a été présenté. Cela signifierait littéralement que le gouvernement serait obligé d'agir lui-même en présentant un autre projet de loi — et je suis certaine que l'opposition serait d'accord pour traiter, espérons-le, la question de priorité — ou que cela devrait se faire sous la forme d'un projet de loi d'initiative parlementaire, auquel cas il faudrait probablement attendre des mois, sinon des années, pour qu'on lui donne suite.
    Peut-être serait-il bon que vous demandiez de nouveau au gouvernement d'harmoniser l'âge du consentement pour les rapports sexuels anaux, parce que c'est bien de cela que nous parlons. Je m'adresse à tous ceux qui sont favorables à une telle harmonisation de manière à éviter la discrimination à l'égard des activités sexuelles basées fondées l'orientation sexuelle.
(1100)
    Peut-être quelqu'un voudrait-il répondre sur ce point particulier.
    Je vais demander aux témoins et aux membres s'ils seraient disposés à rester quelques minutes de plus, car j'ai ici une autre personne sur ma liste qui voudrait poser une question. Quel est l'avis général?
    Nous allons donc poursuivre. Merci beaucoup.
    Allez-y, s'il vous plaît, Mme Kryskow.
    Oui, je voudrais faire une remarque.
    Voici un courriel d'un parent d'un de nos membres qui travaille dans le domaine de la protection des enfants. Il dit qu'une des choses qui le préoccupent est l'incapacité de certains jeunes de présenter un témoignage véridique parce qu'il leur est extrêmement difficile, sur le plan émotionnel, de décrire l'expérience vécue par eux.
    Mme Jennings, j'en appelle au règlement.
    Je crois comprendre que Mme Kryskow voudrait lire ce courriel.
    Oh non, je ne veux pas le faire.
    Mais ce n'est pas en réponse aux questions précises que j'ai posées.
    Non, elle ne va pas le lire.
    J'estime que si elle a un courriel, elle voudrait en partager...
    Sa question a trait à ce qu'elle appellerait l'harmonisation de toutes les infractions sexuelles figurant actuellement dans le code criminel. Autrement dit, ramener à 16 ans l'âge du consentement à des rapports sexuels anaux. C'est cela qu'elle demande.
    Si l'âge du consentement est fixé à 16 ans, il faudrait alors abaisser l'âge du....
    Cela sort manifestement du cadre de projet de loi qui nous concerne.
    Soyez très bref, M. Hasselriis.
    Je crois que le gouvernement présente un projet de loi portant sur l'âge du consentement pour les rapports sexuels. L'article 159 du Code criminel dit que l'âge de consentement pour de tels rapports est de 18 ans.
    Si vous voulez présenter un projet de loi traitant de l'âge de protection, comme vous l'appelez, je suis absolument convaincu qu'il devrait comporter un amendement. Ce projet de loi modifie divers articles du Code criminel. Il n'y a aucune raison pour qu'il ne puisse pas modifier les chiffres dans l'article 159, de la même manière qu'il le fait dans d'autres articles.
    Je ne vois pas non plus pourquoi ce projet de loi ne peut pas inclure l'abrogation de l'article 159. Si nous voulons nous occuper de l'âge du consentement pour les activités sexuelles chez les jeunes, il faudrait alors traiter de toutes les formes d'expression sexuelle, y compris les rapports sexuels anaux, inclusivement. Le comité devrait s'en assurer.
    Je ne sais pas si quelqu'un veut répondre.
    Il est clair que l'article dont vous parlez n'est pas touché par ce projet de loi.
    Mais pourquoi? Je ne comprends pas pourquoi.
    Parce que c'est comme ça. Ce dont nous traitons, c'est de l'âge de protection.
    Je fais simplement observer aux membres...
    Cela me frustre que l'on n'en parle qu'à la toute fin et que nous nous précipitions pour terminer. C'est un amendement réclamé par beaucoup d'entre nous et tout d'un coup, voilà qu'on nous dit que cela sort du cadre du projet de loi, sans qu'on puisse vraiment expliquer pourquoi.
    Je suis fermement convaincu que la question des rapports sexuels anaux est directement touchée par ce projet de loi parce qu'il s'agit plus d'une forme d'expression sexuelle qui est fréquente chez de nombreux jeunes. Actuellement, aux termes de la loi, ils sont considérés comme criminels.
    Écoutez, je suis certain qu'il va y avoir ici un membre de l'opposition qui présentera un amendement à ce projet de loi. Il appartiendra à la présidence de ce comité de décider si cela est conforme au règlement. Je suis certain que cela va arriver.
    J'en appelle au règlement, monsieur le président. Il serait inapproprié que vous décidiez que cela est contraire au règlement ou non, tant que je n'aurai pas présenté cet amendement. Je vais vous démontrer qu'en fait cette question est touchée par ce projet de loi.
    Bien, M. Comartin.
    Le temps dont vous disposiez est écoulé.
    M. Petit.

[Français]

    Ma question s'adresse à Mme Tremblay ou à Mme Roy.
    Vous avez beaucoup parlé du fait qu'il est nécessaire, dans le cadre du projet de loi C-22, d'éduquer les jeunes. Naturellement, au niveau fédéral, on ne touche pas beaucoup aux compétences provinciales. Vous avez abordé un aspect de la preuve, le secret professionnel. D'habitude, cette question est gérée par les provinces, c'est-à-dire les médecins, les prêtres et, par extension, les infirmières, les psychologues, etc.
    Vous avez dit craindre que les jeunes ne consultent pas les personnes à qui ils pourraient confier leur problème, de peur d'être « trahies » par ces personnes. Vous m'étonnez un peu. Au Québec, le secret professionnel est mis sous clé par le Code de procédure civile. Je voudrais savoir comment, à votre avis, un professionnel pourrait trahir la confiance d'un jeune à qui il a fourni des soins médicaux, par exemple, même si ce jeune a l'âge dont il est question dans le projet de loi C-22.
(1105)
    Nous ne parlions pas seulement de ce qui va se passer au Québec. Cette loi va s'appliquer partout au Canada, dans toutes les provinces, et il y aura des dispositions concernant les informations qui seront transmissibles et celles qui ne le seront pas.
    En effet, on se fonde sur l'expérience du Québec, mais on sait que ça va s'appliquer partout et que ça pourrait avoir une incidence dans d'autres provinces. Enfin, on est préoccupés par l'idée que ça puisse arriver.
     Mais vous conviendrez qu'au Québec, le secret professionnel n'est pas un problème.
    Bien sûr, ce que nous disons porte davantage sur les personnes reçues par les organismes que nous représentons. Nous recevons aussi des femmes et des adolescentes autochtones qui viennent de réserves. Vous me direz qu'on est en territoire canadien, mais il y a néanmoins un problème important, et c'est que les adolescentes autochtones sont très réservées quand il s'agit de dénoncer quelqu'un. Dans leur cas, la confidentialité est très peu préservée, ne serait-ce que par les services policiers.
    Le phénomène de la proximité dans les communautés autochtones fait qu'on doit aborder la situation d'une manière différente. Et ce n'est pas parce qu'il s'agit d'un milieu autochtone, en territoire fédéral, comme vous aimez le dire, qu'on n'a pas un mot à dire.
    Est-ce que ça répond à votre question?
    Non, mais c'est une bonne réponse. Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Petit.
    Merci, mes chers collègues d'être restés.
    Je remercie encore une fois les témoins d'avoir bien voulu comparaître et de l'information qu'ils nous ont fournie.
    La séance est levée.