:
En fait, nous avons -- je m'adresse l'ensemble du comité -- deux séries d'amendements -- la mienne, qui aurait pour effet le rétablissement du rapport de la commission et les amendements du Bloc, qui auraient pour effet de le relier, et je suppose le rétablir, aux salaires des députés.
Monsieur le président, j'estime que le point de vue exprimé par le ministre ici concernant la prérogative royale -- puisque mes amendements nécessiteront une prérogative royale, il n'y a pas de point de fait sur cette question -- ne précisait pas ce qu'ils feraient, mais il a aussi indiqué qu'ils prendraient en considération les recommandations présentées par le comité pour changer les chiffres, les montants en dollars, si je peux m'exprimer ainsi.
Le secrétaire parlementaire m'a indiqué que le gouvernement est prêt à en entendre parler quand le rapport sera fait et qu'il prendra une décision à ce moment.
Dans ce contexte et ne sachant pas vraiment ce que certains députés vont faire et s'ils vont m'accorder leur soutien, je pense que nous pourrions au moins en discuter et se faire une idée.
Puis, monsieur le président, et je pense que cela est vrai des amendements du Bloc, si nous réglons le problème de procédure à savoir s'ils sont recevables ou non -- je pense qu'ils devraient être présentés si le comité les adopte -- le président du comité ne devrait pas prendre de décision tant que nous ne savons pas ce qui va se passer. Votre décision devrait, en cas d'adoption de mes amendements, permettre qu'ils passent à l'étape du rapport et laisser le gouvernement déterminer à ce stade s'il va accepter la recommandation du comité ou la refuser. Il est sûr que s'il la refuse, il prétextera qu'ils ne sont pas recevables, que la prérogative royale est nécessaire, et que la prérogative royale n'est pas de son ressort.
Monsieur le président, l'autre point que je veux soulever, et j'aimerais qu'on en discute si cela ne dérange personne, c'est que les amendements sont fondamentalement tous les mêmes.
Point par point -- et c'est nécessaire en raison de la procédure du projet de loi -- nous ne faisons que réintégrer les chiffres, ce que la commission avait recommandé au départ. Je crois que c'est également le cas pour les amendements du Bloc. Ainsi, au lieu de discuter, de débattre de chaque point, ayons un vote pour tous les amendements après notre discussion initiale. Cela nous fera gagner beaucoup de temps, surtout au niveau du nombre de fois qu'il nous faudra voter s'il fallait discuter de chaque point. Je pense que cela s'appliquerait à tous les amendements, aux deux séries.
Voilà ce que je suggère, j'espère que le comité sera d'accord pour procéder ainsi.
:
Oui, monsieur le président, je propose le NPD-1. Il fait partie d'une série d'amendements, tous en ordre séquentiel. Il aura pour effet le lancement du processus de rétablissement du rapport que nous avons reçu de la commission.
Je veux soulever deux points. Un point porte sur la position du gouvernement à l'égard du projet de loi devant nous, cette position est entièrement incompatible avec les recommandations de la commission. C'est l'évidence même, mais elle est aussi incompatible avec la loi selon laquelle le Parlement doit traiter les recommandations de la commission qui lui sont présentées.
Je ne reviendrai pas sur les arguments juridiques. Nous les connaissons, je pense particulièrement au rapport de l'Association du Barreau canadien, et nous avons eu aussi de semblables indications de la part même des membres de la commission qui ont comparu ici.
Monsieur le président, je dois dire pour le compte rendu que, si mes amendements ne sont pas adoptés et si la proposition du gouvernement l'est, le système que nous avons établi pour traiter de la meilleure façon de rémunérer les juges nommés dans notre pays par le gouvernement fédéral au niveau de notre système judiciaire sera sérieusement miné sinon détruit. Les conséquences seront très graves. La méthodologie est, à mon avis, très claire. Si le gouvernement ne va pas accepter les recommandations de la commission, il doit remplir certains critères. Les critères qu'il a énoncés à ce sujet semblent être inférieurs aux normes établies par les tribunaux dans un certain nombre d'autres cas. Il n'a donc pas rempli les critères. J'estime que le comité a la responsabilité de rétablir les recommandations de la commission pour, espérons-le, qu'elles soient adoptées par le Parlement.
C'est notre rôle ici. Nous pouvons avoir toutes sortes de discussions sur le montant des salaires des juges. Je ne crois pas que ce soit notre rôle. Notre rôle ici est d'accepter les recommandations du commissaire ou comprendre et accepter les raisons pour lesquelles nous allons les refuser. La documentation que nous a présentée le gouvernement ne fournit pas de base solide, fondée sur des faits, qui nous pousserait à refuser le rapport de la commission. Par conséquent, nous devrions l'accepter.
Merci, monsieur le président.
:
Si votre décision doit se fonder sur la question de la pertinence, c'est une chose, et nous attendrons de voir ce que c'est. Je pense que ces amendements sont très pertinents, et ils rejoignent l'invitation faite par le ministre de la Justice lors de sa comparution.
Mais le point que je vais soulever est un peu plus étoffé que la cordialité des déclarations faites par le ministère de la Justice ici. Je veux dire que la question précise que nous abordons au sujet du règlement des salaires dans d'autres branches du gouvernement, pour les tribunaux, est manifestement une exception à la pratique parlementaire, à la procédure et à la Loi constitutionnelle que vous avez déjà soulignée. Vos propos concernant la loi relative à la recommandation royale ne me posent aucun problème.
Je ne me fonde pas du tout sur la déclaration du ministre de la Justice, mais sur un article de notre Constitution. Si je ne me trompe pas, l'article 100 de la Loi constitutionnelle énonce clairement, de manière explicite et sans condition que le Parlement est tenu de fixer et de payer les salaires, allocations et pensions des juges. Il est dit très clairement, je répète, « sans condition. »
D'autres pratiques établies au Parlement, et la mère des exigences parlementaires exigeant une recommandation royale du gouvernement ou de la Couronne, existent en-dehors de ce qui prévoit l'article 100. Je vous dis et je dis au comité -- et je pourrais finir par le dire à la Chambre et au Président -- que notre Constitution prévoit que le Parlement est tenu de fixer, et j'utilise ces mots avec prudence, alors personne ni aucun gouvernement ne peut faire obstacle à cet article de la Constitution. Aucun avocat général ni aucun gouvernement ne peuvent dérober ce pouvoir donné par la Constitution ni faire obstruction à ce pouvoir donné par la Constitution.
Si la Chambre décide que la rémunération sera un montant x plus un montant y, ce sera ce salaire que recevront les juges. Aucun gouvernement -- Cabinet et gouvernement -- n'a le pouvoir constitutionnel d'entraver, de gêner ni d'empêcher le Parlement de remplir ses responsabilités et ses obligations constitutionnelles.
Donc, lorsque le ministre de la Justice était ici et qu'il nous a invité à faire quelque chose à ce sujet, qu'il le savait ou non, il déclarait tout simplement ce que la Constitution non seulement nous donne le droit de faire, mais oblige le Parlement à faire. Quand les vingt et quelques membres du Cabinet font obstacle à la Chambre et au Sénat en proposant de refuser une recommandation royale, ils vont dans le sens contraire de la Constitution qui nous régit. Je vous dis ici et maintenant que l'article 100 est une loi plus importante que n'importe quelle convention parlementaire, décret ou recommandation du cabinet, texte réglementaire ou loi. C'est plus grand que nous tous parce que c'est écrit là noir sur blanc.
Je veux qu'il soit très clair que légalement, politiquement, mécaniquement, techniquement, intrinsèquement et moralement, votre décision voulant que cet amendement est peut être irrecevable doit être tout simplement mauvaise. Je pourrais vous dire pourquoi nous nous trouvons dans cette situation. Nous sommes vraiment sur le fil du rasoir, et si ce n'était pour toutes les belles conventions et tous les juges polis en bas de la rue et dans tout le Canada... Nous aurions un problème.
Nous avons un problème sur les bras. Ce qui se passe ici pourrait faire plaisir ou non aux juges. Mais je tiens à dire que la Cour suprême du Canada, sur des questions litigieuses que lui ont présentées des juges... Et je peux dire qu'ils avaient tout à fait le droit et l'obligation d'essayer d'élaborer un mécanisme qui fixerait les salaires des juges d'une façon juste et équitable. Une fois qu'ils ont fait cela, ils se sont rendus compte, je suppose, qu'ils ne pouvaient pas consulter le Cabinet, le Parlement, la Chambre ou le Sénat.
Par conséquent, le manque de ce que je pense aurait dû être une consultation appropriée à l'époque dans l'élaboration d'un mécanisme de ces rapports a mené à la situation difficile où la Cour suprême avait essentiellement légiféré. Et c'est sa fonction -- ou peut-être ce ne l'est pas; certaines personnes ici diraient que son rôle n'est pas de légiférer, surtout lorsqu'il s'agit des salaires des juges.
Mais le manque de collaboration à l'époque a donné lieu à un mécanisme problématique. Il y a eu tellement de problèmes que, après avoir relié les salaires du premier ministre et des députés à ceux des juges, nous avons dû revenir en arrière deux ou trois ans plus tard parce que ça ne marchait pas du tout. Pourtant, c'est le mécanisme qu'ont choisi les juges.
Je dis tout cela avec le plus grand respect et en espérant que... Eh bien, premièrement, je crois que cela se présentera peut-être à la Chambre sous forme de la question principale qui est de savoir si ces amendements sont recevables ou ne le sont pas et si le Parlement a le pouvoir et le droit constitutionnels absolus de régler ses problèmes sans obstruction de la part du cabinet. J'espère que mes remarques signaleront aussi aux tribunaux et au gouvernement que peut-être cela nécessite un petit remaniement. Il ne s'agit que d'une bataille, mais il risque fort d'en avoir d'autres. Si cette affaire finit par aboutir à une action devant les tribunaux -- y aura-t-il ou non une collaboration pour élaborer un mécanisme nouveau ou révisé?
Je m'arrête là, monsieur le président. En fait, je conteste votre décision et si ces amendements sont recevables ou non. Mais sachant que cette question sera probablement mieux débattue à la Chambre, je ne propose pas de motion.
:
Monsieur le président, il s'agit d'un amendement sur lequel on fonde beaucoup d'espoir et pour lequel on espère évidemment avoir l'appui, au nom de la cohérence, de tous nos collègues du NPD, du gouvernement et des libéraux. C'est une décision qui est au coeur de la légitimité démocratique.
Vous savez que nous avons toujours prétendu, au Bloc québécois, qu'il fallait lier l'augmentation du salaire des députés et celui des juges. Nous avons toujours été extrêmement inquiets, si le projet de loi était adopté, de nous retrouver dans une situation incongrue où le premier ministre, qui est détenteur d'un mandat qui lui a été conféré démocratiquement, pourrait avoir une rémunération inférieure à ce que recevrait le juge en chef de la Cour suprême.
Je me rappelle que lorsque le premier ministre était le porte-parole d'une coalition qui suivait les agissements des élus, il s'inquiétait de cette situation.
À partir du moment où on ne porte pas soi-même le respect de la fonction qu'on occupe, je pense qu'il y a là un problème pour la légitimité démocratique.
Les députés ont eu une augmentation de salaire de 2,4 p. 100 en 2006. Si l'amendement qui est devant nous était adopté, cela ferait en sorte qu'on aurait exactement le même indice d'augmentation pour la magistrature.
Évidemment, j'ouvre une parenthèse pour dire que cela ne signifie pas que nous ne sommes pas en accord sur l'existence d'une commission indépendante. Bien sûr, on est à la recherche d'un moyen. On comprend très bien que ce ne peut être le Parlement qui déterminera les conditions salariales et les conditions normatives auxquelles les juges seront soumis. Mais je ne comprendrais pas qu'on ne se rende pas à l'argument voulant que dans un système démocratique, il n'est pas possible que la magistrature, aussi compétente qu'elle soit...
Nous adhérons aux trois règles. Les juges doivent être bien payés parce qu'ils doivent se consacrer à temps complet à leurs fonctions. Les juges doivent être inamovibles, à l'abri de toute ingérence politique. On ne peut pas dire à un juge qui a rendu un jugement que, parce qu'on est en désaccord sur ce jugement, il changera de fonctions. Enfin, bien sûr, les juges doivent être totalement indépendants, et c'est au nom de cette indépendance que les parlementaires n'ont pas de contacts avec eux.
Je répète haut et fort que de 1999 à 2003, le système avait bien fonctionné. Malheureusement, je dois à la vérité historique de rappeler qu'en 2003, parce qu'une commission indépendante avait proposé une augmentation de salaire que les libéraux... Je n'aime pas parler contre les libéraux en présence du gouvernement, car je sais qu'ils n'aiment pas beaucoup cela, mais je dois rappeler que c'est qui le premier avait transgressé cette règle. En effet, il disait que politiquement, l'augmentation qui était suggérée par la troisième Commission d'examen de la rémunération des juges fédéraux n'allait pas être bien reçue par l'opinion publique.
Alors, si on ne croit pas en notre travail... Je suis prêt à défendre sur la place publique le salaire que je gagne. Quand je me couche le soir, j'ai le sommeil du juste parce que je sais que j'ai donné le meilleur de moi-même et que j'ai bien représenté mes concitoyens.
Encore une fois, comment peut-on expliquer que le premier ministre, qui représente 35 millions de personnes, qui a un mandat minoritaire et qui continuera d'en avoir un s'il n'en tient qu'à nous, pourrait se retrouver avec une rémunération inférieure à celle du juge en chef de la Cour suprême?
Ce sont les libéraux qui ont délaissé cette pratique. De 1999 à 2003, cette pratique était établie. Il y avait une loi pour fixer le salaire des parlementaires, qui était ajusté en fonction du salaire des magistrats. Les députés gagnaient 75 p. 100 du salaire des juges de la Cour suprême. Le premier ministre gagnait le même salaire que le juge en chef de la Cour suprême. Or, les libéraux ont délié cela pour des raisons politiques.
Nous croyons donc que cette analyse est fondée. Pour le reste, d'ailleurs, si on exclut la dimension salariale, on ne s'oppose pas au projet de loi. On ne s'oppose pas au fait que les juges du Grand Nord soient nommés juges en chef; on ne s'oppose pas au partage de la rente ni aux changements pour les juges du Nord canadien. On est plutôt favorables à un certain nombre de dispositions techniques. Mais au niveau salarial, on pense que ce n'est pas respectueux de la légitimité démocratique.
J'espère que tous mes collègues seront d'accord. C'est l'occasion pour les libéraux — je le dis en toute amitié — de réparer cette erreur historique qui avait été faite par . Notre amendement en est un d'équilibre et de respect des institutions.
Encore une fois, le respect de la fonction de député est très important dans l'amendement que le Bloc québécois a soumis. D'ailleurs, j'ai bon espoir que le gouvernement le fasse sien. Je pense que cela contribuerait singulièrement à bonifier le projet de loi.
Je sais, monsieur le président, qu'il y a certains esprits démagogiques — non pas parmi les gens assis à cette table; je me refuse à considérer qu'il y en ait — qui pourraient se dire que les députés du Bloc québécois recherchent une augmentation de salaire, alors qu'évidemment, c'est à 100 lieues de la réalité. Le caucus du Bloc québécois est un caucus qui est capable de beaucoup de transcendance, qui est particulièrement détaché des biens de la terre. J'en donnerai pour preuve que des gens ayant emprunté le sacerdoce vont bientôt joindre les rangs du caucus. Nous prônons un principe qui est celui de la légitimité démocratique. Dans une démocratie, les véritables détenteurs de la légitimité, ce sont les premiers ministres, ce sont les parlementaires, c'est le Parlement.
Je veux qu'on me comprenne bien: je sais que c'est une fonction importante que celle de juge. Particulièrement, il y a neuf personnes au Canada, des juges, qui ont la responsabilité de faire évoluer le droit. Les juges de la Cour Suprême se doivent d'être à l'affût des grandes valeurs.
J'en profite pour dire que c'est la raison — et je suis sûr que M. Comartin sera d'accord avec moi — pour laquelle la Commission canadienne du droit a un rôle à jouer. Elle permet de donner des avis et de faire la synthèse d'un certain nombre de débats qui renvoient à des valeurs et qui nous permettent de prendre le pouls de la situation.
Il y a certaines personnes au sein du gouvernement, que je ne nommerai pas, qui ont, de façon régulière, déploré ce qu'ils considèrent comme de l'activisme judiciaire. Par exemple, quand on a ajouté, à la Loi canadienne des droits de la personne, l'orientation sexuelle comme nouveau motif interdit de discrimination, il y a des gens qui ont crié à l'activisme judiciaire.
J'ai été monsieur le président, extrêmement surpris. Vous savez que j'ai de l'expérience. Je n'ai pas votre âge respectable, mais j'ai quand même de l'expérience en tant que membre de cette Chambre; j'y suis depuis 1993. J'ai été extrêmement surpris quand le premier ministre s'est levé à la Chambre et qu'il a dit que la raison pour laquelle il fallait abolir le Programme de contestation judiciaire était qu'il était inutile puisque son gouvernement n'allait jamais présenter de loi anticonstitutionnelle. Ce n'est pas un argument. C'est directement lié au salaire des juges. Quand la Cour suprême se penche sur une question, elle ne considère pas seulement la constitutionnalité d'une loi, mais elle considère aussi la façon dont les droits doivent évoluer. Dans certains cas, des droits n'ont pas été reconnus. On pense à la condition féminine, aux Autochtones, à la détermination de la peine.
J'ouvre une petite parenthèse, monsieur le président, avant de conclure. Considérez la richesse de l'arrêt Reine c. Proulx, rendu en 2000. Je ne sais pas si certains ont eu l'occasion de le lire. L'ex-ministre Allan Rock avait déposé, en 1995, le projet de loi C-41 sur la détermination de la peine, qui avait créé une certaine confusion au sein des Cours d'appel, sur le plan de l'interprétation. Ce n'était pas la constitutionnalité du projet de loi qui était en cause. On ne disait pas que le projet de loi C-41 du ministre Rock était inconstitutionnel, mais on s'interrogeait sur sa portée. La Cour suprême a précisé le sens qu'il fallait donner aux quatre conditions de l'arrêt Reine c. Proulx, selon l'article 742 du Code criminel. On se souvient que ces quatre conditions sont les suivantes: l'infraction ne doit pas être punissable d'une peine minimale, le condamné ne doit pas représenter un danger pour la sécurité du public, la condamnation doit être de moins de deux ans et doit être compatible avec l'article 718 du Code criminel, que mon collègue Marc Lemay apprécie au plus haut point. Il arrive donc que la Cour suprême ait à préciser le sens du droit, qu'elle ait à faire évoluer le droit.
Je n'oublierai jamais. J'étais à la Chambre quand on a rendu l'arrêt Egan et Nesbit c. Canada. Il s'agissait de deux personnes d'orientation homosexuelle comme nous sommes tous en mesure de les apprécier autour de cette table qui avaient vécu ensemble pendant plus de 40 ans. Alors, monsieur le président, si je demandais aux députés assis à cette table combien d'entre eux ont à leur actif 40 ans de vie conjugale, je suis à peu près certain qu'il n'y en a pas beaucoup.
Monsieur Petit, on dit que vous avez un caractère assez robuste.
Alors, devant plus de 40 ans de vie conjugale, la Cour suprême du Canada n'a pas voulu se prononcer sur la question du mariage, mais elle a demandé au législateur d'inclure, dans les motifs de discrimination, l'article 15 de la Charte des droits et libertés, qui touche le droit à l'égalité.
J'ouvre une autre parenthèse pour dire combien le Programme de contestation judiciaire est important pour le droit à l'égalité. Peut-on imaginer l'évolution des droits des minorités, non seulement linguistiques, monsieur le président, mais pensons aux Autochtones, aux gens d'orientation homosexuelle? Peut-on imaginer ce que serait leur situation si ce n'avait été du Programme de contestation judiciaire?
Le fond de ma pensée — je le dirai tel que je le pense—, c'est qu'il ne faut pas avoir beaucoup de respect, qu'il faut plutôt avoir l'âme assez basse et faire bonne économie des droits des gens, pour décider d'un seul coup d'abolir le Programme de contestation judiciaire. Encore une fois, la Cour suprême ne se prononce pas seulement sur la constitutionnalité des droits.
Donc, la légitimité démocratique, ce sont les élus qui la possèdent. Je le répète, monsieur le président, ce serait vraiment un des grands paradoxes de notre vie parlementaire si ce projet de loi était voté. La juge en chef de la Cour suprême du Canada — le secrétaire parlementaire me corrigera si je me trompe —, gagnera 298 500 $ par année, alors que le premier ministre gagnera 295 400 $. Évidemment, je ne prétends pas que cela corresponde au salaire minimum ni que l'un ou l'autre soit dans l'indigence, mais comment expliquerons-nous à nos concitoyens...?
:
Cela est lié à mon amendement, monsieur le président.
Vous n'allez pas invoquer la règle de la pertinence; je vous parle de salaires. Je vous parle de salaires, dont il précisément question dans mon amendement, monsieur le président. J'explique pourquoi il faut lier l'un et l'autre. Je vous demanderai, quand même, de ne pas me brusquer.
Tout ça pour vous dire que si les gens assis à cette table ont certains principes, ils vont devoir voter en faveur de cet amendement. Je ne peux pas imaginer que les ministériels ou mes amis du NPD, avec qui j'ai mené tellement de batailles, soient contre. Je me rappelle la bataille au sujet des conjoints de même sexe, la bataille au sujet de la détermination de la peine, la bataille au sujet des crimes haineux. Je mentionne aussi tous les programmes sociaux, monsieur le président, de même que l'ajout de la condition sociale comme motif de distinction illicite à la Loi canadienne des droits de la personne, un ajout que nous n'avons toujours pas obtenu.
Nous avons donc une responsabilité, comme parlementaires, et quand nous briguons les suffrages, nous savons bien que nous avons légitimité démocratique, légitimité que les juges n'ont pas. Les juges ont évidemment une certaine autorité et, bien sûr, un certain respect de nos concitoyens. Ils ont la mission de faire évoluer le droit, mais ils n'ont pas cette légitimité démocratique.
La tentation serait forte, monsieur le président, de parler du rapport Gomery, qui nous a incité, comme vous le savez, à redresser nos institutions. Je ne le ferai pas pour ne pas être antiréglementaire et je ne veux pas rappeler de mauvais souvenirs aux libéraux, mais le fait est que la légitimité démocratique...
:
La légitimité démocratique, monsieur le président, il n'y a rien de plus important.
Je termine, monsieur le président, en lançant un appel solennel, le plus solennel de tous ceux que j'ai lancés en cette Chambre, pour demander au secrétaire parlementaire d'appuyer mon amendement, de demander aux députés ministériels d'appuyer cet amendement. Il faut réparer la brisure, que malheureusement Paul Martin a provoqué en supprimant le lien qui existait, pour des raisons, je dois dire, de grossière partisanerie. Il arrive des moments où il faut faire preuve de courage, ce même courage, monsieur le président, que les parlementaires avaient eu.
Un jour, Martin Cauchon, un collègue de l'époque, qui a été un grand ministre de la Justice à certains égards. On doit cependant faire abstraction de la Loi sur les jeunes contrevenants, qui fait partie un peu de l'oeuvre noire du ministre. Mais quant au reste, il a été un assez bon ministre de la Justice. Martin Cauchon me rappelait que tous les gouvernements qui ont effectué des coupes budgétaires ont été réélus, y compris celui de l'extraordinaire Lucien Bouchard, qui a gouverné dans des conditions qui n'étaient pas faciles. Alors, ces gouvernements ont tous été réélus à une exception près, celui de l'ex- premier ministre de la Nouvelle-Écosse, M. Savage, dont le fils est maintenant membre du caucus libéral. Tous les premiers ministres qui ont gouverné avec une certaine vision et qui ont effectué des réductions budgétaires ont été réélus, monsieur le président, sauf l'ex-premier ministre de la Nouvelle-Écosse.
Donc, monsieur le président, je m'arrête ici, à moins évidemment qu'on me demande de continuer, mais je pense que les gens ont compris le sens de mon amendement.