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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 019 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 4 octobre 2006

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Je déclare ouverte la séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. L'étude du projet de loi C-9, Loi modifiant le Code criminel (emprisonnement avec sursis), figure à l'ordre du jour.
    Nous entendrons aujourd'hui quatre témoignages. Le premier sera celui de M. Gary Mauser, professeur à l'Université Simon Fraser de la Colombie-Britannique. Le deuxième sera celui de l'Association canadienne du Barreau, le troisième celui de M. John Muise, représentant du Canadian Centre for Abuse Awareness, et le dernier celui de Mme Isabel Schurman, chargée de cours à l'Université McGill.
    Je vais suivre l'ordre indiqué dans l'avis de convocation. M. Mauser interviendra le premier. J'invite les témoins à se limiter à dix minutes.
    M. Mauser doit nous quitter avant la fin de la séance. Merci d'être là. Je sais que vous ne pouvez pas vous attarder et que les députés ont des questions à vous poser. Je vous en prie, monsieur Mauser.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je me présente: Gary Mauser, professeur à l'Université Simon Fraser. J'ai l'honneur de faire partie de l'Institute for Canadian Urban Research Studies, où je travaille en criminologie, et de la faculté d'administration des affaires. Depuis plus de 15 ans, je fais des recherches en criminologie et je publie. J'ai fait mes études de doctorat en psychologie sociale et en méthodes quantitatives. J'ai fait paraître les résultats de mes recherches universitaires dans des périodiques de criminologie, de sciences politiques et du monde des affaires.

[Français]

    Monsieur Mauser, pouvez-vous parler plus lentement, s'il vous plaît, afin de permettre aux interprètes de traduire vos propos.

[Traduction]

    Je vous prie de m'excuser. Je vais aller plus lentement.
    Mes observations porteront sur la question suivante: l'incarcération des délinquants violents ou qui ont commis des crimes graves est-il un moyen efficace de protéger le public?
    Mon interprétation des recherches en criminologie m'incite à dire que l'emprisonnement de ces délinquants est un moyen efficace, que l'augmentation du nombre de délinquants derrière les barreaux fait diminuer les taux de criminalité violente. L'effet est particulièrement marqué pour les taux d'homicide. Ces recherches confirment qu'il est sage d'emprisonner les auteurs de crimes graves, c'est-à-dire les crimes punissables de peines d'emprisonnement de dix ans ou plus.
    Il y a des Canadiens qui ont des préjugés contre tout ce qui est américain, mais en rejetant les recherches américaines parce qu'elles sont américaines, nous risquons de laisser de côté des solutions capables de régler efficacement des problèmes graves au Canada. J'estime donc que les Canadiens responsables doivent étudier les politiques des États-Unis en matière de justice pour imiter leurs réussites et éviter leurs écueils. Comme leur pays est beaucoup plus grand que le nôtre, les Américains ont une banque d'information plus étendue et riche que la nôtre qui nous permet d'apprendre.
    Les faits révèlent que les taux de criminalité violente ont diminué plus rapidement aux États-Unis qu'au Canada. J'ai fait distribuer des graphiques qui illustrent mon propos. Entre 1992 et 2004, par exemple, le taux global de criminalité violente a fléchi de 38 p. 100 aux États-Unis, mais de seulement 13 p. 100 au Canada. Cette forte baisse est encore plus évidente pour les taux d'homicide, car, pendant la même période, il a diminué de 41 p. 100 aux États-Unis et de seulement 26 p. 100 au Canada.
    Depuis dix ans, des criminologues étudient avec une certaine attention cette évolution tout à fait imprévue. Les résultats sont en train de devenir plus clairs. Il y a des centaines d'études. Je vais me limiter aux plus importantes.
    Les recherches de Marvel et Moody, qui sont parmi les criminologues les plus respectés du monde, sont particulièrement éclairantes. Dans leurs études par séries chronologiques, ils ont obtenu de solides résultats au niveau national confirmant que l'accroissement des populations carcérales est lié de façon convaincante à la réduction des taux de criminalité violente.
    Les recherches que Marvel et Moody ont faites en 1997 montrent que toute augmentation de 10 p. 100 de la population carcérale fait diminuer le taux d'homicide de 13 p. 100. Il va sans dire que, dans leurs études, les auteurs tiennent compte de nombreux autres facteurs comme l'inflation, le chômage, les tendances démographiques et de facteurs socioéconomiques très variés.
    Marvel et Moody ont observé des relations analogues, mais moins marquées pour les voies de fait et les vols. Ils se demandent si cette relation statistique plus faible ne tiendrait pas probablement à la moins bonne qualité des données sur les arrestations pour des crimes autres que les homicides.
    Les résultats de Marvel et Moody sont très solides, et leurs conclusions ont été confirmées par d'autres chercheurs. Il vaut la peine de signaler une étude, celle de Kovandzic et de ses collègues, réalisée en 2004. Ces chercheurs ont non seulement confirmé les premières conclusions de Marvel et Moody, mais aussi étudié les effets sur les taux de criminalité violente lorsque les délinquants sortent de prison. Ils n'ont découvert aucune preuve de relation significative entre les libérations et les taux d'homicide.
    Bien des chercheurs ont fait remarquer que les prisons coûtent cher. C'est vrai, mais il y a une question plus importante que celle des coûts: qui, en fin de compte, subit les coûts du crime? Oui, les prisons coûtent plus cher aux contribuables que la probation ou la détention à domicile, mais les coûts de la violence criminelle sont payés par les victimes: leurs vies sont anéanties, la vie d'un mari, d'une femme, d'un enfant est emportée par la violence criminelle.
(1535)
    Lorsque les auteurs de crimes graves échappent à des peines de prison conséquentes, ils ont toute liberté de commettre d'autres crimes de violence. Des Canadiens en paient le prix.
    Prenons un seul exemple, celui de Jane Creba, tuée à Toronto le lendemain de Noël, l'an dernier. Elle serait peut-être toujours en vie si le gouvernement précédent avait agi pour garder les auteurs de crimes graves plus longtemps derrière les barreaux. Les médias font souvent état d'autres cas de décisions douteuses dans la détermination des peines.
    Les recherches, aux États-Unis comme au Canada donnent à penser que les membres des minorités sont plus souvent victimes de crimes violents que ne le sont leurs concitoyens. Il en découle que l'augmentation des peines de prison sera un moyen particulièrement efficace de réduire les taux de victimisation dans les minorités. Au Canada, les victimes autochtones portent de façon disproportionnée le coût des crimes violents. Les Autochtones seront donc parmi les principaux bénéficiaires d'un programme qui vise à incarcérer les auteurs de crimes graves.
    Avant de conclure, quelques mots sur la tendance, chez certains, à refuser de croire les études statistiques qui ne confirment pas leurs convictions. Ils appuient cette position sur une affirmation cynique voulant que les statisticiens puissent obtenir tous les résultats qu'ils veulent en sollicitant les données.
    Ce cynisme justifie la paresse et l'ignorance. Il est certain que des menteurs et des sophistes se servent des statistiques. Les menteurs font aussi un mauvais usage des mots, mais cela ne veut pas dire qu'il faut renoncer au langage.
    Je conclurai que, malgré ce que vous diront des groupes d'intérêts qui choisissent les données qui leur conviennent, les recherches criminologiques sont très claires: les peines d'emprisonnement plus longues pour punir les crimes graves ou violents ont compté pour beaucoup dans la diminution marquée de la criminalité violente aux États-Unis. Ces résultats étayent la logique qui sous-tend le projet de loi C-9: il faut incarcérer les prévenus reconnus coupables de crimes graves.
    Merci de votre attention.
    Merci, monsieur Mauser.
    Je remarque que deux témoins doivent intervenir pour l'Association canadienne du Barreau. Je vous demande encore une fois de limiter vos observations à dix minutes, si possible. Merci.
    Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité.
    L'Association du Barreau canadien se réjouit de pouvoir présenter aujourd'hui son point de vue sur le projet de loi C-9. L'ABC est un organisme national bénévole qui regroupe des avocats, des professeurs de droit et des étudiants en droit de tout le Canada. Le mémoire qui vous est présenté aujourd'hui a été préparé plus particulièrement par la Section du droit pénal.
    Un mot sur cette section. Elle a ceci d'unique, parmi les organismes de justice pénale au Canada, qu'elle regroupe des avocats de la défense et de la poursuite. Le mémoire qui vous est soumis est donc le fruit d'un consensus entre ces deux groupes.
    Je suis accompagnée aujourd'hui par M. Adrian Brooks, qui est membre de l'exécutif de cette section. Je l'invite à traiter des éléments de fond du projet de loi.
(1540)
    En ce moment, les peines avec sursis sont appliquées aux délinquants que, selon la décision d'un juge, il n'est pas utile d'emprisonner pour les réadapter ou pour protéger la société. Le projet de loi C-9 aura pour effet de faire emprisonner certains de ces délinquants. Sans que la société en soit plus sûre, il y aura plus de délinquants en prison, et, lorsqu'ils en sortiront, le risque pour la collectivité pourrait être plus grave. Voilà pourquoi l'ABC n'appuie pas le projet de loi C-9, mais elle présente un mémoire qui reconnaît l'importance des crimes graves accompagnés de violence.
    D'abord, il est clair que les ordonnances de condamnation avec sursis ont leur place dans l'éventail des peines. Elles ont été utiles pour toutes sortes de problèmes et de peines. Il est avantageux pour la société que le délinquant garde un emploi et reste avec sa famille; c'est tellement évident qu'on ne peut le contester. Pourtant, ces ordonnances sont contraignantes pour les délinquants. Ils trouveraient peut-être plus facile de purger une peine de prison plus courte, suivie d'une libération conditionnelle.
    La critique des condamnations avec sursis est souvent axée sur la nature de l'infraction, mais il ne faut pas oublier que ces décisions reposent sur de nombreux facteurs, et pas seulement sur la nature de l'infraction. Il est tenu compte des circonstances de l'infraction et du délinquant même. Toute loi doit tenir compte de la multitude de facteurs à considérer pour imposer une peine juste. C'est pourquoi l'ABC préconise un « outil plus précis », comme il est dit à la page 4 de la version anglaise et à la page 5 de la version française de notre mémoire.
    Comme les peines avec sursis offrent une solution intermédiaire fort nécessaire entre la prison et la probation, tout projet de loi qui restreint le recours à ces peine doit le faire avec modération. Le projet de loi C-9 utilise les peines maximales prévues par le Code criminel comme critère pour autoriser ou non les condamnations avec sursis. Ce critère est imparfait pour deux raisons: il est trop général, et il ne repose pas sur un principe cohérent.
    Il est trop général parce qu'il englobera des infractions pour lesquelles il n'y a pas de raison d'écarter la condamnation avec sursis, au moins comme possibilité. L'utilisation non autorisée d'un ordinateur ou un méfait causant des dommages de plus de 5 000 $ sont des cas où il vaut mieux laisser au juge la possibilité d'imposer une condamnation avec sursis. Il n'est pas cohérent non plus d'utiliser les peines maximales comme critère, car elles n'ont jamais été conçues pour constituer une ligne de démarcation aussi nette.
    Le régime actuel de détermination des peines laisse passablement de latitude aux juges. Et il convient qu'ils aient cette latitude pour pouvoir tenir compte des circonstances extrêmement variables de l'infraction. Ils ont la compétence, ils écoutent les deux parties et ils prennent les décisions difficiles que, en fin de compte, il faut prendre. Si la latitude laissée aux juges est limitée, par quoi sera-t-elle remplacée?
    Le projet de loi C-9 propose une solution uniforme pour tous les cas, et cela ne peut pas utilement remplacer la latitude dont les juges disposent. Encore une fois, ce n'est pas un outil précis. Un exemple suffira à le montrer
    Nous savons que les condamnations avec sursis sont utilisées à des degrés divers dans les provinces. Il est clair que les juges des différentes provinces ont fait usage de la latitude qui leur est donnée pour se prononcer sur ce dont leur collectivité a besoin. Le projet de loi C-9 éliminera ce régime et les différences entre régions seront oblitérées pour plus d'une centaine d'infractions.
    Dans sa version actuelle, le projet de loi C-9 ne respecte pas le principe de proportionnalité de la peine à la gravité de l'infraction. Ce principe suscite le respect de la loi. Pour beaucoup d'infractions, le projet de loi C-9 fait disparaître cette proportionnalité qui permet de tenir compte de la personne et des circonstances en cause.
    Je vous demande de réfléchir à la façon dont le projet de loi C-9 s'appliquera. Prenons l'exemple d'une personne condamnée pour contrefaçon d'un billet de 20 $. Aux termes du projet de loi, la condamnation avec sursis serait exclue.
(1545)
    Dans leurs motifs, les juges pourraient fort bien dire que, normalement, ils n'enverraient pas le délinquant en prison, qu'il n'y a aucun intérêt à le priver de son emploi et de sa famille, mais que le Parlement ne leur laisse pas le choix. Un juge pourrait fort bien dire que tel délinquant ne devrait pas aller en prison, ce qui est un gaspillage de l'argent du contribuable, mais qu'il ne peut faire autrement. Voilà pourquoi nous écrivons aux pages 4 et 5, respectivement, des versions anglaise et française de notre mémoire, que cette approche peut favoriser un manque de respect pour la loi. Nous disons qu'appliquer les principes de la proportionnalité et de la modération, ce n'est pas être conciliant avec le crime. C'est le combattre intelligemment.
    Le crime grave accompagné de violence est un problème important. Ce problème est limité et facile à cerner, et voilà ce qui rend inutile une mesure d'application aussi large que ce que le projet de loi C-9 prévoit. Il est reconnu dans notre mémoire que le problème des condamnations avec sursis peut être réglé par voie législative, et nous proposons trois solutions, qui se trouvent aux pages 6 et 7 respectivement des versions anglaise et française.
    Permettez-moi de conclure en disant que, selon nous, le projet de loi C-9 enverra en prison des gens qui ne devraient pas y être. Loin d'améliorer la sécurité du public, il risque d'accroître le taux de récidive et de rendre nos collectivités moins sûres. Une loi plus précise peut régler les problèmes des infractions graves, mais le projet de loi C-9 n'est pas cette loi précise.
    Merci.
    Merci, monsieur Brooks.
    Le prochain témoin est M. Muise, du Canadian Centre for Abuse Awareness.
    Merci aux membres du comité de nous permettre de comparaître pour parler du projet de loi C-9.
    Je dois vous dire un mot de nous. J'ai pris récemment ma retraite du service de police de Toronto, où j'ai travaillé 30 ans. À mon départ, j'étais sergent-détective et ma dernière affectation a été celle de responsable de la section de la gestion des affaires majeures et de la section des données génétiques rétroactives de l'escouade des homicides.
    Auparavant, j'ai été détaché pendant six ans auprès de l'Office des affaires des victimes d'actes criminels de l'Ontario, qui a conseillé divers procureurs généraux au sujet de la sécurité publique et des problèmes des victimes.
    Depuis plusieurs années, je suis bénévole au CCAA et, à ma retraite, j'ai pris le poste à temps plein de directeur de la sécurité publique.
    Le Canadian Centre for Abuse Awareness existe depuis 1993. Il ne vit que de dons. Il n'accepte aucun financement de l'État.
    L'organisme sensibilise l'opinion aux vrais coûts de la négligence en aidant les enfants victimes de mauvais traitements.
    L'organisme a son siège à Newmarket, en Ontario, au nord de Toronto et il est animé par un groupe déterminé composé d'un personnel et de bénévoles qui appuient 70 organismes partenaires dont les missions sont diverses: réaliser le rêve d'un enfant, aider les victimes et les adultes qui ont survécu aux agressions, préparer des programmes et des ressources en prévention de la maltraitance ou, plus récemment, préconiser publiquement des modifications législatives.
    Le CCAA tient à mettre fin à la maltraitance des enfants.
    Nous avons aussi un rapport, Martin's Hope, ainsi nommé en l'honneur de Martin Kruze, premier survivant qui ait eu le courage de parler et de révéler le scandale des agressions sexuelles contre des enfants au Maple Leaf Gardens
    Dans son cas, le coupable a été condamné pour de nombreux crimes d'agression sexuelle contre des enfants. Seulement quatre jours après qu'un des accusés, un certain Gordon Stuckless, eut été condamné à seulement deux ans moins un jour, Martin, tragiquement, s'est enlevé la vie. Ce fut trop tard pour Martin, mais la peine de M. Stuckless a été portée à cinq ans à l'étape de l'appel.
    Pour le CCAA, ce fut un tournant. Le Centre a ensuite organisé dix tables rondes dans la provinces, et c'est ce qui est important dans notre organisation. Après ces dix tables rondes qui ont permis de parler avec 150 professionnels de première ligne en justice pénale, des victimes d'actes criminels et des survivants, le CCAA a produit le rapport Martin's Hope, qui formule 60 recommandations de modifications, dont 39 s'adressent au gouvernement fédéral.
    Nous couvrons des domaines très variés, dont les suivants: la réforme de la détermination de la peine, les libérations conditionnelles, les lois correctionnelles, les banques de données génétiques, l'âge de protection, la pornographie juvénile et Internet, et les enfants dans l'industrie du sexe.
    L'une de nos recommandations qui portent sur la détermination de la peine concerne les condamnations avec sursis.
    Aux tables rondes qui ont eu lieu dans dix villes ontariennes, des voix très diverses se sont fait entendre, mais il y avait d'importants éléments communs dans les propos, et certains thèmes sont revenus à peu près partout.
    Parmi les plaines dont le système de justice a fait l'objet, la fréquence des peines avec sursis figurait au haut de la liste. Nous soupçonnons que, si le même genre d'enquête était fait auprès de groupes analogues dans d'autres provinces, les plaintes seraient semblables.
    Comme vous le savez tous, les peines d'emprisonnement avec sursis, puisqu'on les appelle ainsi, sont une forme de peine qui a été adoptée en 1996 dans le cadre d'un renouvellement des dispositions sur la détermination de la peine. Il s'agissait d'éviter d'envoyer en prison les auteurs d'infractions mineures. En fait, il a été dit dans le débat sur ces modifications, à l'époque, et je m'en souviens, que cette forme de peine ne devait pas être utilisée pour les infractions graves ou accompagnées de violence. Dix ans de jurisprudence montrent que les choses se sont passées autrement.
    Il faut comprendre que le CCAA appuie l'utilisation ciblée et judicieuse de mesures qui évitent d'emprisonner les auteurs d'infractions peu graves. Il est aussi en faveur de programmes efficaces de justice réparatrice, dans le cadre d'une stratégie globale visant à réduire la récidive et, si possible, à réadapter les délinquants.
    Comme bien d'autres, nous croyons cependant que le recours accru aux condamnations avec sursis pour diverses infractions graves a fait plus que n'importe quoi d'autre pour jeter le discrédit sur le système de justice pénale.
(1550)
    Les juges canadiens ont eu recours couramment aux condamnations avec sursis pour des milliers de délinquants coupables de crimes graves. Leur utilisation est très répandue et l'affaire opposant la reine à Proulx, à la Cour suprême du Canada, a montré clairement qu'aucune présomption n'empêche cette utilisation. Cet usage est consacré de façon permanente.
    Notre régime de détermination de la peine prévoit des ordonnances de probation d'un maximum de trois ans, mais le Parlement a jugé bon d'ajouter cette nouvelle option qui, en principe, se situe entre l'incarcération et la probation.
    Un fait qui n'a pas été abordé dans ce débat sur le C-9 et que, sans doute, beaucoup de vos témoins éluderont, c'est qu'on est loin de la prison, de l'incarcération, lorsqu'un délinquant est condamné avec sursis, ou condamné à l'assignation à résidence, comme on dit souvent. Quiconque est allé au tribunal, et vous êtes nombreux à l'avoir fait, sait bien que, lorsqu'il s'agit de la détermination de la peine, lorsque le délinquant se penche vers son avocat, il ne lui demande pas d'implorer le juge de ne pas le condamner à l'assignation à résidence. Il n'y a pas un délinquant, sauf les récidivistes les plus longuement incarcérés, qui réclament une peine de deux ans moins un jour dans la prison provinciale la plus proche s'il leur est possible de rester chez soi.
    Soyons honnêtes. Cela ne ressemble aucunement à la prison que de rester chez soi à regarder la télévision, à surfer sur Internet en prenant un petit coup de temps en temps, en ayant aussi les permissions de sortir de chez soi lorsque c'est nécessaire. À dire vrai, on a trompé les Canadiens en leur faisant croire que ces condamnations sont une privation de liberté au point qu'on peut parler d'emprisonnement.
    Il faut comprendre aussi que la police n'exerce pas de surveillance, que le service de probation ne va pas rendre visite à ces délinquants. Bien franchement, les collectivités ne savent pas ce que font ces délinquants, et ne savent pas s'ils respectent les conditions établies dans les ordonnances. Ce n'est pas de la justice, et ce n'est pas un moyen de renforcer la sécurité publique.
    Nous avons remarqué dans le résumé législatif qui se trouve sur www.parl.gc.ca qu'il y a eu peu de recherches sur l'efficacité des condamnations avec sursis. Mais il y a une note qui saute aux yeux. Dans une enquête attribuée à Julian Roberts, on signale que le taux d'achèvement réussi des peines avec sursis a été de 63 p. 100 en 2000-2001, alors qu'il était de 78 p. 100 en 1997-1998. On ajoute que le taux d'échec est attribuable aux manquements aux conditions de plus en plus nombreuses imposées aux délinquants plutôt qu'à de nouvelles infractions.
    C'est certainement le cas, mais une question se pose: cela tient-il au fait que de plus en plus de délinquants dangereux et d'auteurs de crimes graves ont reçu une condamnation avec sursis, ces derniers temps? Quoi qu'il en soit, le fait que le taux de réussite le plus récent que nous connaissons soit de seulement 63 p. 100 est étonnant, si on considère que les services de police et de probation ne font pas une surveillance proactive de ces délinquants. En somme, il semble que ces ordonnances ont un taux d'échec très élevé, même s'il n'y a pas de surveillance proactive suivie. À quel point le taux serait-il mauvais s'il y avait des contrôles corrects? C'est extrêmement troublant.
    Quant aux infractions énumérées dans le projet de loi C-9, le rapport Martin's Hope du CCAA appuie la demande des nombreuses organisations qui réclament l'abrogation des dispositions sur les condamnations avec sursis. Nous avons été réconfortés lorsque, récemment, des peines minimales obligatoires ont été adoptées pour diverses infractions sexuelles contre les enfants, avec une abrogation comme résultat net: que les peines avec sursis ne soient plus permises pour ces crimes particulièrement graves commis contre des enfants. Un de mes anciens collègues a comparu au sujet de ce projet de loi.
    Pour ce qui est de la liste des infractions pour lesquelles les condamnations avec sursis seraient interdites par le projet de loi C-9 , le critère étant une peine maximum de dix ans lorsque le ministère public procède par voie de mise en accusation, nous estimons que la barre est assez élevée.
    Bien que notre organisation ait comme mandat de protéger les enfants, nous avons du mal à comprendre le tollé suscité par le fait que certains infractions figurent dans la liste. Le taux des crimes contre les biens a doublé depuis les années 1990 — et il s'agit du taux observé malgré le fait que bien des gens ne se donnent pas la peine de signaler les infractions, puisqu'ils ne font plus confiance au système de justice. De combien le taux serait-il plus élevé si tous ces crimes étaient signalés?
    Pour bien des gens, les crimes en cause, comme les entrées par effraction, les fraudes et même le vol de bétail, ont tous un impact considérable sur des vies. Beaucoup sont traumatisés pour la vie lorsqu'on entre chez eux par effraction, qu'on saccage tout et qu'on vole leurs biens. Les fraudeurs s'en prennent aux personnes vulnérables ou trop confiantes. Souvent, ce sont les personnes âgées qui sont ciblées, et elle en restent brisées, réduites à l'indigence.
(1555)
    Quant au vol de bétail, nous croyons savoir qu'il en a été question au comité. Ce n'est peut-être pas d'un grand intérêt dans les milieux à l'aise d'Ottawa ou dans le chic quartier de Beaches où j'habite, à Toronto, mais pour les éleveurs de la Colombie-Britannique et de l'Alberta qui n'ont pas d'assurance, le problème est grave et leur vie et leurs moyens de subsistance sont en cause.
    Soit dit en passant, quand j'ai traversé la belle région de Chilcotin, en Colombie-Britannique, il y a quelques années, j'ai remarqué un grand panneau qui disait: « Par ici, nous n'appelons pas la GRC pour les vols de bétail. » Je ne favorise pas ce comportement, mais le message est clair: ces gens ont renoncé, ils ne font plus confiance au système de justice pénale; ils prennent les choses en main. Voilà qui ne me semble pas très souhaitable.
    De toute façon, nous pensons que le fait que le ministère public doivent procéder par voie de mise en accusation pour ces infractions mixtes et les possibilités actuelles d'examen accéléré de remise en liberté sous condition, garantissant la libération après le sixième de la peine sur examen de dossier pour certaines infractions n'ont pas placé la barre trop bas pour ceux qui s'inquiètent des appels proposés. En fait, un point nous inquiète dans le projet de loi, et c'est que des infractions commises contre des enfants ne sont pas visées. Ces infractions sont les voies de fait, les voies de fait causant des lésions corporelles et les agressions sexuelles, lorsque le ministère public procède par voie sommaire. Lorsque la victime est un enfant, ce sont des affaires graves, et nous pressons le comité d'envisager un amendement simple pour ajouter ces infractions, lorsque la victime est un enfant.
    Une ou deux questions ont été soulevées. Si une condamnation avec sursis ne plaît pas au ministère public, pourquoi n'interjette-t-il pas appel? Les divisions d'appel, tout comme les cours d'appel, sont surchargées de travail et manquent de personnel. À nos yeux, il s'agit d'une solution tout à fait insatisfaisante. C'est la loi qui semble faire problème, et le Parlement doit intervenir.
    Le projet de loi C-9 nuira-t-il aux initiatives de justice réparatrice? Aucunement. Dans la vaste majorité des cas, les occasions ne manquent pas d'appliquer la justice réparatrice bien avant le stade où un tribunal juge bon d'imposer une période d'emprisonnement à un délinquant. De plus, pour les délinquants qui finissent en prison, nous vous encourageons à insister sur le renforcement des initiatives de justice réparatrice sous garde, à établir un lien entre les réussites et l'obtention d'une libération conditionnelle, au lieu d'accorder celle-ci automatiquement, soit par examen accéléré, soit par libération d'office. Le résultat final est que le délinquant recevrait un double message de dénonciation et de dissuasion à cause de l'incarcération, et que des initiatives efficaces de justice réparatrice seraient liées à l'obtention de la libération conditionnelle.
    La police ou le ministère public pratiqueront-ils la surinculpation pour éviter les peines avec sursis? Là encore, cette hypothèse nous semble peu réaliste. Le ministère public peut modifier les chefs d'inculpation proposés par la police et ne s'en prive pas. Ses avocats décident couramment de la façon de procéder, et le projet de loi C-9 ne les prive pas de cette latitude.
    Je vais conclure en disant que le CCAA aurait préféré une modification plus importante des dispositions du Code sur les condamnations avec sursis, mais qu'il appuie le projet de loi proposé et se félicite de l'orientation choisie par le gouvernement. Je le répète, nous sommes le porte-parole de professionnels de première ligne dans le système de justice, de victimes d'actes criminels et de survivants. De plus, nous croyons que les Canadiens qui travaillent fort et respectent les lois sont dans l'ensemble favorables à ce genre de modification ciblée. Nous n'estimons pas que ce projet de loi obéit à des considérations idéologiques, mais plutôt au souci d'une meilleure sécurité publique et du principe de la proportionnalité dans le système de justice, qui reconnaît l'impact sur les victimes d'actes criminels, les collectivités et la société dans son ensemble.
    Le CCAA est en faveur de l'adoption rapide du projet de loi tel quel et invite le comité à étudier les amendements que nous avons proposés afin que soient pris en considération les voies de faits, les voies de fait causant des lésions corporelles et les agressions sexuelles, dans le cas des infractions mixtes où il est procédé par déclaration sommaire de culpabilité, lorsque la victime est un enfant.
    Merci de nous avoir permis de participer à ce très important processus démocratique.
(1600)
    Merci, monsieur Muise.
    Madame Schurman, vous avez la parole.

[Français]

    Je vous remercie de me donner l'occasion de vous adresser la parole ici aujourd'hui.

[Traduction]

    Je vais imiter ceux qui m'ont précédée et vous expliquer brièvement pourquoi je suis là.
    Je suis criminaliste et j'enseigne la détermination de la peine à Montréal. J'ai étudié le droit à McGill de 1979 jusqu'à l'obtention d'un premier diplôme en 1982 et d'un deuxième en 1983. J'ai été admise au Barreau du Québec en 1984. J'ai donné des cours ou des conférences à l'Université de Montréal, à Concordia, à l'Université McGill, dans le cadre du cours d'admission au Barreau, au Québec, du programme national de justice pénale de la Fédération des professions juridiques du Canada et de la formation d'avocats sur la scène internationale. J'ai notamment travaillé avec nos amis de l'Association du Barreau canadien, où il m'a été donné de présider la Section nationale de droit pénal, ce qui a été un plaisir.
    Vous entendrez le point de vue de gens qui ont beaucoup plus de détails à donner et de choses à dire que moi. Ce que je tiens à faire, c'est poser quelques-unes des questions qui me hantent depuis que j'ai entendu parler du projet de loi C-9 et que je l'ai lu.
    Le projet de loi C-9 me préoccupe grandement, car le régime de détermination de la peine me préoccupe beaucoup, puisque j'y vois les rouages du système de justice pénale. Nous décidons qui a tort et dans quelle mesure. Dans tous nos tribunaux, il s'agit d'une occupation quotidienne, car selon les administrations, de 75 à 90 p. 100 des causes aboutissent à un plaidoyer de culpabilité. Mesdames et messieurs, la détermination de la peine est un élément essentiel de notre système de justice pénale, et elle est très révélatrice de la société canadienne.
    Si l'enjeu ici, ce sont les crimes graves accompagnés de violence, je dirai respectueusement au comité que le projet de loi ne fera pas l'affaire. Il compliquera la justice pénale au Canada et la jettera dans la confusion. Il entraînera des incohérences au niveau des personnes et des administrations.
    Au Canada, nous avons consacré beaucoup de temps et d'énergie à étudier la détermination de la peine: la Commission de réforme du droit, une commission royale sur la détermination de la peine, le rapport des Communes en 1988 intitulé Des responsabilités à assumer. Nous avons dépensé argent, temps et énergie à trouver des solutions pour que les Canadiens soient heureux dans une société sûre, avec une politique qui assure des peines justes. Ces diverses commissions ont abouti à des réformes, en 1994. Il y a eu notamment le projet de loi C-41, qui traitait des objectifs et des principes de la détermination des peines.
    La dénonciation, la dissuasion, bien sûr, mais avec la réadaptation et la proportionnalité. Cette dernière notion est très simple: la peine doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant. Nous ne pouvons pas et nous n'allons pas imposer des peines dans l'abstrait.
    Depuis 1994, nous avons légiféré sur les facteurs aggravants. Nous avons dit que, si le crime est motivé par la haine, la peine doit être plus lourde. Même chose pour la violence contre un conjoint ou un enfant. Ou encore s'il y a abus de pouvoir, abus de confiance ou si une organisation criminelle profite du crime. Tout cela se trouve dans le Code criminel. Nous avons apporté ces précisions petit à petit, au fil des ans, car nous voulons nous assurer que les crimes graves accompagnés de violence ne restent pas impunis. En 2002, pour lutter contre les invasions de domicile, nous avons dit qu'il y avait circonstance aggravante si quelqu'un s'introduisait par effraction dans un foyer en sachant que des gens s'y trouvaient.
    Le loi évolue et définit les facteurs considérés comme aggravants. Comment allons nous évaluer le degré de responsabilité du délinquant? Et la loi a évolué pour tenir compte de solutions rechange efficaces pour remplacer l'incarcération.
(1605)
    Pourquoi ces réformes? On a constaté que le Canada avait un taux d'incarcération extrêmement élevé par rapport aux autres pays occidentaux du Commonwealth. Le Canada se situait à environ 153 pour 100 000 habitants — au deuxième rang, loin derrière les États-Unis qui en étaient à 600 ou 700. Et cela malgré les commissions qui, les unes après les autres, avaient dit que l'incarcération était un moyen brutal et inefficace dans bien des cas.
    Le juge Vancise de la Cour d'appel de la Saskatchewan l'a souligné dans l'affaire MacDonald:
L'emprisonnement n'a pas rempli la fonction de base du système judiciaire canadien que décrivait le rapport du Comité canadien de la réforme pénale et correctionnelle, Justice pénale et correction, un lien à forger: « Il faut protéger la société du crime, d'une manière qui commande le respect du public, tout en évitant de porter inutilement préjudice au contrevenant. »
    Nous devons cette déclaration à l'un des plus éminents juristes au Canada.
    Nombre de ces études confirment également que la durée de la peine n'a pas d'effet dissuasif, que la certitude de l'arrestation et de la condamnation, et non la durée de la peine, sont l'élément de dissuasion le plus important en justice pénale.
    Nos priorités, donc, et ce sont nos priorités à nous tous, sont la sécurité du Canada et le choix ou la conception de peines qui permettent de faire un usage judicieux des fonds publics — il s'agit de notre argent — pour atteindre les objectifs clés des peines, dont la dissuasion et la réadaptation.
    Personne n'est en faveur du crime. Personne n'est insensible au traumatisme d'un couple âgé victime d'entrée par effraction; personne n'est indifférent aux ravages causés par les drogues dans notre société; personne n'accepte les crimes sexuels commis contre des enfants ou des adultes, des garçons ou des filles; personne ne croit que le vol de voiture doit rester impuni. Mais, comme l'a écrit récemment Julian Roberts, criminologue dont il a été question aujourd'hui: « On ne peut décider de la gravité d'une infraction avant qu'elle ne soit commise. »
    Voilà le plus gros problème du projet de loi C-9: il crée arbitrairement une catégorie générale d'infractions pour lesquelles la condamnation à l'emprisonnement avec sursis sera exclue sans qu'on tienne compte en détail de la gravité de l'infraction ni de la responsabilité du délinquant.
    On n'a peut-être pas voulu être arbitraire en ciblant toutes les infractions poursuivies par voie de mise en accusation et passibles d'une peine maximale de dix ans ou plus, mais le résultat est arbitraire. La condamnation à l'emprisonnement avec sursis serait exclue pour un témoignage contradictoire sous serment, si peu importantes puissent être les procédures. La possession non autorisée d'une arme à feu, peu importe les circonstances, au centre-ville de Toronto, par exemple, pourrait faire l'objet d'une condamnation avec sursis.
    Bien des infractions sont passibles d'une peine maximale de dix ans, mais il y a là une gamme très étendue de situations qui sont loin d'être d'une égale gravité. L'homme qui touche le sein d'une adjointe au cours d'une fête de bureau est coupable d'agression sexuelle au même titre que celui qui, comme on disait autrefois, viole la secrétaire de 18 ans dans le parking.
    Tous les cas de conduite en état d'ébriété ou de conduite dangereuse ne sont pas semblables. Le vieil homme qui recule sur l'accotement de la route et tue un motocycliste n'est peut-être pas dans la même catégorie que l'homme ivre mort, insouciant et négligent qui prend le volant et inflige à sa conjointe des blessures graves dont elle souffrira toute sa vie.
    Le degré de préméditation et l'ampleur des pertes ne sont pas les mêmes dans tous les cas de fraude. Perdre 1 000 $ à cause d'une banque, c'est sérieux; mais perdre 100 000 $ des économies de toute une vie, c'est grave aussi.
    Certaines des infractions visées par le projet de loi C-9 peuvent faire l'objet de poursuites par voie de mise en accusation. D'autres sont mixtes. Le ministère public fait le choix. Quel fardeau imposons-nous aux procureurs? Ce sont des salariés de l'État, souvent débordés et épuisés; ils ne sont pas nommés, comme nos juges, avec des garanties d'indépendance et d'impartialité. Doit-il revenir à un procureur de décider si l'accusé a une chance de participer à un programme de réadaptation dans le contexte d'une condamnation avec sursis? Quelles pressions allons-nous faire subir à ces fonctionnaires de justice en éliminant la possibilité de condamnations à l'emprisonnement avec sursis, lorsque la police ou la population réclame l'inculpation la plus grave?
(1610)

[Français]

    Je suis désolée, je parle trop vite, n'est-ce pas?
    Ce n'est pas pour moi, c'est pour les interprètes. Mais vous êtes très bonne.
    Vous êtes très gentil.
    Il serait préférable que vous parliez plus lentement. C'est très bon.

[Traduction]

    Silence, s'il vous plaît.
    Madame Schurman, auriez-vous l'obligeance de conclure, je vous prie?
    Ce n'est pas juste pour les procureurs du ministère public et cela donnerait l'image d'une justice pénale arbitraire et injuste.
    Que dire de l'image de nos juges? Ils ne s'expriment pas souvent en public — j'ignore s'ils sont venus témoigner —, mais ils doivent aussi craindre que le projet de loi C-9 ne lance comme message que nous ne leur faisons pas confiance puisque nous leur retirons toute latitude pour décider de ce qui est nécessaire à la sécurité des Canadiens.
    Devant un délinquant qui mérite une condamnation avec sursis, mais qui a été inculpé par voie de mise en accusation, le juge pourrait être tenté d'imposer une peine trop légère, parce que la prison serait trop cher payé pour le délinquant, compte tenu du degré de gravité de l'infraction. Pourquoi éliminer un outil qui a servi dans 55 000 causes depuis 1996?
    Certes, il y a eu des cas où la condamnation à l'emprisonnement avec sursis ne semblait pas suffisante, et les médias semblent le montrer, mais des études ont montré que, lorsqu'on présente aux Canadiens une bonne information sur les détails d'une affaire, ils sont souvent en désaccord avec la presse et reconnaissent le bien-fondé de la peine. Les juges connaissent toute l'information; ils ont toute la preuve. Il est rare que la preuve soit simple; il ne suffit pas de dire qu'un être méprisable a fait quelque chose de condamnable. Parmi les faits, il a divers facteurs: toxicomanie, difficultés d'apprentissage, maladie mentale, problèmes sociaux, désespoir, problèmes exigeant une thérapie, personnalités complexes qui peuvent tout de même continuer à fonctionner correctement dans la société. Ce sont les juges qui sont les mieux placés pour faire cette évaluation.
    Pourquoi faire disparaître un outil qui n'a pas été inventé ici? L'Europe utilise avec succès depuis longtemps les condamnations à l'emprisonnement avec sursis. Or, les pays d'Europe ont des taux de violence plus faibles que les nôtres ou que ceux de nos amis américains. Nos voisins n'ont jamais essayé les condamnations à l'emprisonnement avec sursis. Voulons-nous vraiment faire comme eux, remplir les prisons sans que cela fasse pour autant diminuer la violence dans la société?
    La condamnation à l'emprisonnement avec sursis, et je termine là-dessus, a apporté au Canada des changements importants que le comité voudrait peut-être connaître. Les juges ont refusé d'appliquer cette peine tant que les services de probation n'ont pas eu le financement nécessaire. Les provinces ont donc fourni ces ressources pour que les condamnations avec sursis soient appliquées. Cette peine a été utilisée lorsque la probation ne suffisait pas. C'est ce que la Cour suprême du Canada a dit. Il ne faut pas confondre. Ce n'est pas la même chose que la probation. Cette peine a été utilisée lorsque la probation ne suffisait pas, mais que moins de deux ans d'emprisonnement étaient suffisants. Voilà les paramètres. Elle n'est pas utilisée pour tous les crimes.
    Devant le comité, on a comparé la condamnation avec sursis à la probation, prétendant que c'était la même chose. Il n'en est rien, mesdames et messieurs. Dans le cas de la condamnation avec sursis, un manquement suivi par un fait qui survient entre-temps est puni par une peine consécutive, et cela est impossible avec une ordonnance de probation. La peine avec sursis est un moyen beaucoup plus sévère, plus ferme qu'on ne le prétend dans certains milieux de faire régner l'ordre public.
(1615)
    Madame Schurman, je vous demande de conclure maintenant.
    D'accord.
    Nous proposons de laisser aux juges le pouvoir de décider, de faire confiance au processus d'appel, de ne pas surcharger les procureurs du ministère public, d'utiliser l'argent qui servirait à bâtir des prisons pour donner une plus meilleure aide juridique aux personnes incarcérées et aider les provinces à mettre en place des programmes de prévention de la récidive. Il faut aider les provinces à utiliser les fonds au lieu de les obliger à l'utiliser pour s'attaquer aux problèmes des familles détruites, du cercle vicieux de l'aide sociale, du nombre disproportionné de jeunes gens qui récidivent. Il y a un meilleur usage à faire de cet argent, au lieu de bâtir des prisons à cause d'une modification législative bien trop englobante.
    Merci, madame Schurman.
    Je rappelle au comité que, malheureusement, M. Mauser doit nous quitter d'ici 5 heures. Certains ont peut-être des questions à lui poser. Par conséquent, je demande aux députés de lui adresser leurs questions. C'est M. Lee qui commence.
    Merci, monsieur le président.
    Je peux sans doute conclure assez rapidement avec M. Mauser, et Mme Barnes pourra peut-être utiliser le reste de mon temps de parole.
    Monsieur Mauser, dans quel domaine enseignez-vous à l'Université Simon Fraser?
    L'éthique et les méthodes quantitatives.
    Quantitatives?
    Les méthodes quantitatives. Ce sont des applications statistiques.
    Très bien. Je présume que c'est votre force, le domaine où vous exceller, votre discipline professionnelle. N'est-ce pas?
    J'ai suivi ma formation professionnelle en psychologie sociale et en méthodes quantitatives, c'est juste.
    Très bien.
    Vous avez pu nous distribuer quelques pages qui illustrent des données, et le greffier l'a confirmé. J'ai la première page sous les yeux. Il me faut un peu d'aide, car je vois deux choses différentes. Je sais que vous avez tout fait pour être exact. J'interprète peut-être mal, mais j'ai l'impression de voir sur la première page deux courbes illustrant des tendances. L'une est marquée CAN, ce qui veut sans doute dire Canada, et la deuxième EU, ce qui désigne soit les États-Unis, soit l'Union européenne. Que faut-il comprendre?
    En anglais, ce sont les États-Unis. Ce pourrait aussi être l'Afrique du Sud, mais ce n'est pas le cas. Ce sont les États-Unis.
    Ce sont donc les États-Unis d'Amérique. Ce graphique montre que le taux des crimes avec violence au Canada vers 2004 ou peut-être en 2003, sur la droite du graphique, à un peu moins de 1 000, tandis que, aux États-Unis, ce taux est d'environ 475.
    C'est juste.
    Vous dites donc que le taux des crimes violents aux États-Unis est inférieur de moitié à celui du Canada?
(1620)
    Ce sont les chiffres apparents. Vous avez raison. Mais pour être le plus clair et franc possible, je dois dire que j'ai utilisé les données statistiques disponibles sur le site américain du FBI et sur celui de Statistique Canada. Ce sont les statistiques officielles.
    Malheureusement, le Canada tient compte dans son taux de criminalité violente de beaucoup plus de crimes que les États-Unis. Les agressions sexuelles forment une catégorie beaucoup plus large ici que là-bas. Et c'est aussi le cas pour les voies de fait en général. Nous avons donc un taux plus élevé parce que nous considérons un plus grand nombre d'actes comme des crimes.
    Si on essaie de comparer des éléments comparables au lieu d'utiliser les définitions de crime violent employées à chaque endroit, on constate que les taux de criminalité violente sont presque identiques, celui des États-Unis étant un peu plus élevé.
    Je dirai peut-être qu'il est regrettable que, dans votre comparaison entre des choses dissemblables plutôt que comparables, vous donniez l'impression que le Canada a un taux deux fois plus élevé que celui des États-Unis. Je vais avoir du mal à utiliser des données statistiques qui ne sont pas assez exactes pour servir à des décisions sur les politiques d'intérêt public, car vous avez déjà expliqué le taux des crimes violents n'est pas deux fois plus élevé au Canada. En fait, les taux sont semblables, ou le nôtre est un peu plus faible que le taux américain.
    Dans les deux graphiques, mon intention était d'attirer l'attention sur les tendances. Au lieu de soumettre les données à de lourdes manipulations, ce que le comité n'aurait pas voulu, je crois, j'ai utilisé les données telles qu'elles viennent de mes sources pour qu'il y ait le moins de contraintes possible. Si vous considérez les données, vous constaterez que la tendance est très stable au Canada, tandis qu'elle est en forte baisse aux États-Unis. Cela se vérifie dans les deux graphiques, et c'était ce que je voulais faire ressortir. J'espère que les députés y voient plus clair.
    C'est plus clair, et je vous en remercie.
    Je présume que la même observation vaut pour le deuxième graphique, qui montre que les tendances du taux des homicides au Canada et aux États-Unis concordent plus ou moins, les deux étant à la baisse.
    Tout à fait juste.
    Toutefois, la tendance américaine est de l'ordre de six à huit homicides pour 100 000 habitants, alors que la courbe du Canada commence à environ 2,4 et baisse à 2,3.
    C'est exact.
    D'accord.
    Le but visé ici n'est pas de comparer les problèmes du racisme et du legs de l'esclavage d'un pays avec ceux d'un pays qui, dans le Commonwealth ou l'ancien Empire britannique, a été le premier à éliminer l'esclavage chez lui.
    Notre pays a probablement ses secrets honteux ou des choses à se reprocher, et j'en suis même sûr, mais je comprends ce que vous voulez dire.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Barnes, voulez-vous...?
    Merci beaucoup.
    Madame Schurman, il y a une partie de votre exposé que vous n'avez pas pu présenter. Y a-t-il dans vos notes des éléments que vous voudriez signaler? Je vais vous donner un peu de temps.
    Simplement la question du coût, pour les provinces, de la construction de prisons et du montant que cela représentera pour elles, et non pour le gouvernement fédéral, car, évidemment, les peines seront limitées à moins de deux ans; les condamnations à l'emprisonnement avec sursis ne s'appliquent que dans ces cas.
    Ce sont des coûts énormes. Mettons que ces peines avec sursis ont été imposées à 55 000 délinquants depuis 1996. Je crois qu'on a dit au comité que 5 784 de ceux à qui cette peine a été imposée en 2003-2004 n'y auraient plus droit aux termes de la nouvelle disposition. Sauf erreur, il a été dit dans les témoignages au comité que certains auraient une ordonnance de probation à la place — une peine moindre, donc — et que d'autres iraient en prison. Mais cela voudrait dire que, même si seulement la moitié d'entre eux sont incarcérés, il faudrait bâtir des prisons pour 2 800 ou 2 900 personnes de plus chaque année.
    Il faut aussi tenir compte des conséquences économiques, car ceux qui sont en prison ne peuvent pas travailler. Des familles sont réduites à l'aide sociale et tombent dans le cycle de la pauvreté. Une bonne partie de ces problèmes sont du ressort de provinces, qui doivent fournir le financement.
    C'est là une des choses que je voulais dire vers la fin de mon intervention. Je craignais d'aller un peu trop vite pour les interprètes et pas assez pour le comité.
    Merci, madame Barnes.
    Monsieur Lemay.

[Français]

    Monsieur Mauser, je veux comprendre quelque chose. Vous avez des statistiques sur les taux d'homicides au Canada par rapport aux États-Unis. Je dois vous informer que l'emprisonnement avec sursis ne s'applique pas dans les cas d'homicide. Il s'applique uniquement pour les crimes qui ne sont pas des homicides, sauf, bien évidemment, dans le cas d'un homicide involontaire, où cela est possible. Quand il s'agit d'un meurtre, d'un meurtre prémédité, du meurtre d'un policier, etc., il ne s'applique pas.
    Avez-vous compilé des chiffres au Canada concernant les échecs des emprisonnements avec sursis depuis l'entrée en vigueur de la loi, en 1996? Avez-vous des chiffres à ce sujet, ou est-ce que vous n'avez pas fait ces compilations?
(1625)

[Traduction]

    Vous demandez bien si j'ai des chiffres sur les crimes autres que les crimes de violence?

[Français]

    Oui. De plus, avez-vous des chiffres concernant les échecs des emprisonnements avec sursis? Avez-vous compilé de tels chiffres?

[Traduction]

    Non, monsieur. Je considère l'efficacité globale de l'incarcération des criminels. C'est dans cette optique que j'ai livré mon témoignage.

[Français]

    D'accord.
    Maître Schurman, je ne reprendrai pas, parce que je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce que vous dites.
    Je voudrais juste soulever un petit point pour mes amis d'en face. Si vous avez siégé à la Commission du droit du Canada, vous avez probablement été l'une des dernières personnes à le faire, car qu'ils viennent de l'abolir. Cela vous donne un aperçu de ce qui se prépare.
    Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que l'un des plus grands principes de droit reconnu par toutes les cours au Canada est bien l'individualisation des sentences?
    Oui, absolument.
    Si le projet de loi C-9 était adopté, croyez-vous que le grand principe, tellement cher à nos cours d'appel, à la Cour suprême et même à la majorité des avocats de ce pays, serait battu en brèche?
    Oui, je suis de cet avis. Il s'agit non seulement de l'individualisation des peines, mais aussi de la discrétion qu'on laisse à nos juges de trouver la peine appropriée en tenant compte de toutes les circonstances entourant l'infraction et de toutes les circonstances personnelles de l'individu qui a commis un crime et qui, souvent, a plaidé coupable. Ce sont deux choses interreliées, si vous voulez, soit l'individualisation de la peine et la discrétion donnée aux juges. Ce sont deux choses essentielles à notre système de droit criminel humain, flexible et qui peut vraiment répondre aux besoins des Canadiens à tous les niveaux.
    Je vous remercie.
     Je m'adresse au représentants de l'Association du Barreau canadien. J'ai lu votre rapport avec grand intérêt, comme je lis d'ailleurs régulièrement ce que nous fait parvenir l'Association du Barreau canadien. À la page 7 du texte français, on peut lire ceci: « Nous suggérons d’examiner avec soin les solutions de rechange suivantes [...] »
    Dois-je comprendre que les objectifs énoncés par le projet de loi C-9 sont, selon vous, inapplicables et que l'on devrait étudier vos trois recommandations? Si oui, comment fait-on cela?

[Traduction]

    Nous vous demandons d'examiner les trois solutions proposées à la page 7 du français et à la page 6 de l'anglais.
     À notre avis, on a l'impression qu'il existe un problème, quelle qu'en soit l'ampleur, de crimes graves accompagnés de violence, mais ce problème ne se pose pas à l'égard de certaines infractions visées par le projet de loi C-9. C'est pourquoi nous avons avancé ces propositions, comme vous dites.
    Si vous voulez un exemple illustrant notre pensée, souvenez-vous que d'autres dispositions du Code criminel énumèrent les infractions auxquelles elles s'appliquent, comme celles qui portent le prélèvement des empreintes génétiques au moment du prononcé de la sentence ou sur les infractions relatives à l'écoute électronique. Les infractions précises sont énumérées et c'est à elles que la disposition s'applique. C'est au fond le même genre de démarche qu'on trouve dans la section à laquelle vous vous reportez.

[Français]

    Au paragraphe 3 de la version anglaise, il est question de

[Traduction]

... « définir précisément ce qu’on entend par “infractions graves accompagnées de violence” ».
(1630)

[Français]

    Qu'entend-on par « infractions graves accompagnées de violence »?
    D'autre part, vous écrivez aussi: « Nous notons que la jurisprudence est en train de développer ce thème en application de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. » On parle donc des jeunes contrevenants.
    Pouvez-vous définir ce qu'on entend par « infractions graves accompagnées de violence »? Avez-vous une définition? Y a-t-il des arrêts, des décisions des cours d'appel — sûrement pas de la Cour suprême, car je le saurais — qui se seraient prononcées? Sinon, nous demandez-vous de définir ce qu'est une infraction grave accompagnée de violence?

[Traduction]

    Il n'y a pas de décisions, vous avez raison sur ce point, ou je suis sûr que vous en êtes tous au courant.
    Quant à la notion d'« infractions graves accompagnées de violence », il est évident qu'il n'en existe pas de définition bien élaborée dans la jurisprudence. On commence seulement à l'élaborer. Bien sûr, et cela se rattache aux autres recommandations qui ont été formulées, le projet de loi peut créer sa propre définition de cette notion et préciser quelles sont les infractions visées, dans le Code criminel, pour exclure toute possibilité de condamnation avec sursis.
    Merci, monsieur Lemay.
    Monsieur Muise, avez-vous des observations à faire sur les échanges qui ont eu lieu jusqu'à maintenant?
    Oui, merci, monsieur. Seulement un ou deux points.
    D'abord, je ne crois pas que le projet de loi C-9 empêche les juges de personnaliser les peines, d'utiliser la latitude qui leur est laissée ou de faire preuve de souplesse. Les juges excellent à vérifier les faits. Ils font une excellente besogne, et les Canadiens leur en sont reconnaissants, mais je crois qu'ils ont perdu de vue le principe de la proportionnalité, et c'est pourquoi le projet de loi C-9 s'impose.
    Reportons-nous aux objectifs et principes de la détermination de la peine, à l'article 718. Mon édition est celle de 2006. J'espère qu'elle est à jour. Il faut que je sois à la hauteur, en présence de l'Association canadienne du Barreau. Le texte dit ceci:
a) dénoncer le comportement illégal;

b) dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions;

c) isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;

d) favoriser la réinsertion sociale des délinquants;

e) assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;

f) susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.
    Si le délinquant reste chez lui et se promène librement, on n'obtient pas ces résultats. Ce n'est pas compliqué. Ce n'est pas un emprisonnement. On ne peut rien y changer; ce sont les termes employés. Ce n'est pas un emprisonnement, mais maintenant, à cause de l'arrêt rendu dans l'affaire Proulx, on accepte la peine avec sursis comme substitut de l'emprisonnement, et cette solution ne convient pas à la vaste majorité des délinquants pour qui elle est appliquée.
    Je n'ai pas apporté de liste des catastrophes du système de justice pénale. Le ministre l'a fait lorsqu'il a comparu. J'aurais pu apporter une liste de 200 cas: des catastrophes, des vies dévastées, des rêves qui ne se réaliseront jamais. Le principe de la proportionnalité n'est pas respecté pour un très grand nombre de ces délinquants.
    Merci.
    Merci, monsieur Muise.
    M. Comartin, du NPD, est parti. Je vais partager son temps de parole entre M. Lee et les conservateurs. Ils n'ont pas encore eu l'occasion de poser des questions.
    Monsieur Lee, je sais que vous avez encore une ou deux questions.
    J'en ai toujours une ou deux. Merci.
    M. Comartin a discuté très brièvement avec moi.
    Une simple précision. M. Mauser a-t-il des données de 2005 sur les homicides au Canada ou aux États-Unis? Il s'agirait des statistiques de 2005.
    J'ai des chiffres préliminaires, mais ils ne s'écartent guère de ceux de 2004, ni dans un sens ni dans l'autre.
    Pourriez-vous nous les donner?
    Je ne les ai pas sur le bout des doigts. J'en ai pris connaissance. Si ma mémoire est fidèle, le taux a augmenté dans les deux pays, mais très légèrement.
    Très bien. Nous verrons s'il y a moyen de trouver ces chiffres, pour peu qu'ils soient pertinents et utiles.
    Je m'adresse maintenant à M. Brooks.
    D'abord, une question en deux parties. Pourriez-vous parler de façon générale de cette impression qu'on a qu'il faut modifier le recours aux peines avec sursis pour les infractions les plus violentes? On a peut-être l'impression que, parfois, certains juges optent trop rapidement pour la peine avec sursis, en fonction de toutes les circonstances particulières — de tous les facteurs signalés par Mme Schurman et d'autres — alors que l'élément de dénonciation de la peine mérite un peu plus d'attention. On semble avoir l'impression, un peu partout au Canada, qu'on pourrait supprimer ces possibilités pour certaines catégories de peines, de façon générale.
    Deuxièmement, avez-vous une ou deux idées sur la façon d'amender le projet de loi pour qu'il concorde mieux avec l'opinion que vous avez énoncée?
(1635)
    De façon générale, il y a toujours lieu de s'interroger sur la différence entre la perception et la réalité des faits, en ce qui concerne les crimes accompagnés de violence et leur traitement par les juges. En effet, comme Mme Schurman l'a fait remarquer, je crois, le simple citoyen qui prend connaissance de tous les faits présentés au juge a souvent une opinion bien différente de celle qui découle des comptes rendus des médias. Bien sûr, il s'agit dans ces situations d'un faible pourcentage des ordonnances de peine avec sursis qui se rapportent à des problèmes particuliers dont nous entendons parler au sujet des délinquants violents, et c'est l'une des raisons qui ont poussé l'ABC à adopter cette position. Nous sommes en présence d'un problème de moindre ampleur que nous pouvons circonscrire et qui ne nécessite pas cette solution générale qui n'est pas sans conséquences négatives.
    Voilà une observation générale qui, je l'espère, répond à votre intervention.
    Quant à la façon d'amender le projet de loi, je répète que l'ABC estime qu'il faut rédiger un texte différent qui définirait les infractions précises pour lesquelles les peines avec sursis sont possibles ou non. Le texte doit être rédigé dans cet esprit, ce qui suppose non pas une nouvelle version de ce qui est proposé, mais un tout nouveau texte inspiré d'un scénario différent.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Monsieur Moore.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins d'avoir pris le temps de comparaître aujourd'hui.
    J'ai une ou deux questions rapides à poser à l'Association du Barreau canadien. J'ai moi aussi remarqué dans votre recommandation que, comme c'est parfois le cas, les difficultés surgissent dans les détails. D'après mon interprétation de votre recommandation, vous admettez que certaines des infractions que nous avons regroupées dans une catégorie pour laquelle les peines avec sursis seraient exclue puissent être énumérées nommément comme celles pour lesquelles une peine avec sursis ne peut être envisagée.
    Je suis d'accord pour dire qu'il y a certainement des cas où le juge ne doit pas opter pour une peine avec sursis. C'est pourquoi j'appuie le projet de loi. Le même point de vue a été exprimé en face; on a dit que la catégorie est trop large. Mais je n'ai pas encore entendu l'opposition dire quelles infractions elle voudrait exclure, parmi celles que nous avons incluses, même parmi les crimes graves accompagnés de violence ou les crimes contre les biens. M. Muise a parlé du vol de bétail dont il a été passablement question au cours de notre débat. On s'est demandé au départ pourquoi viser cette infraction, mais après avoir entendu parler un peu plus des victimes, on se demande plutôt pourquoi pas.
    L'ABC a-t-elle quelques cas à exclure parce que, comme vous le dites dans votre témoignage, un juge a dit que le délinquant ne constitue pas une menace pour la société? En principe, ce semble fort bien: le juge a décidé que tel délinquant n'est pas une menace pour la société, mais c'est à cause de ce qui se passe dans les faits que nous sommes tous ici aujourd'hui et que nous avons proposé ce projet de loi. Il y a des cas où la peine avec sursis est perçue comme une blague. Vous prétendez que, en éliminant les peines avec sursis pour certaines de ces infractions, on jetterait du discrédit sur la justice. Je dirai au contraire que ce discrédit existe déjà, dans ma circonscription comme dans le reste du Canada, à cause des peines avec sursis.
    Qu'en pensez-vous? Y a-t-il un ou deux cas que vous isoleriez et pour lesquels vous diriez qu'il faut exclure les peines avec sursis?
(1640)
    Le projet de loi s'applique à plus d'une centaine d'infractions. Il serait donc difficile de répondre.
    Je ne demande qu'un seul exemple. Donnez-moi un cas, parmi tous ceux qui sont visés par le projet de loi, où le juge ne devrait jamais imposer une peine avec sursis?
    Où il ne devrait jamais y avoir de peine avec sursis?
    C'est cela.
    Je crois qu'il y en un bon nombre dans ma liste.
    À l'heure actuelle, il est possible d'avoir des peines avec sursis pour toutes les infractions que nous visons, et vous avez dit que nous devrions définir dans le Code criminel une catégorie pour cibler seulement les infractions pour lesquelles les juges ne doivent pas envisager les peines avec sursis. Je vous demande, pour éclairer le comité, de donner un seul exemple.
    Bien sûr.
    Je veux avoir l'assurance de répondre à la bonne question. Vous voulez parler des infractions qui ne devraient pas être visées par le projet de loi?
    Non, celles qui doivent l'être.
    Celles qui doivent l'être? Il y en a beaucoup, à commencer par les chiffres les plus bas, comme la trahison, la trahison en temps de guerre, l'intimidation du Parlement, l'incitation à la mutinerie, la sédition, la négligence concernant les explosifs qui entraîne la mort. La liste est longue.
    D'après un coup d'oeil rapide sur ma liste, il y a à peu près tout ce qui est en bas de 100.
    Il ne devrait jamais y avoir de peine avec sursis?
    C'est une position raisonnable.
    Voilà qui est très utile. Merci.
    Monsieur Muise, votre témoignage m'a plu. C'est le genre de chose dont les parlementaires doivent s'occuper. Selon l'Association du Barreau canadien, l'adoption du projet de loi risque de jeter le discrédit sur la justice. Vous dites au contraire que, s'il n'est pas adopté, on continuera de jeter le discrédit sur la justice.
    Pourriez-vous nous parler du point de vue de la victime? Il est très bien d'entendre le point de vue des universitaires, par exemple, mais vous travaillez avec les victimes qui voient les auteurs des crimes commis contre elles purger leur peine dans la collectivité. Je voudrais connaître votre point de vue.
    Merci, monsieur Moore.
    J'ai discuté avec des victimes comme policier en service et aussi pendant les six années que j'ai passées à l'Office des affaires des victimes d'actes criminels, où nous gérions des affaires complexes dans lesquelles des victimes étaient écartées par les intervenants du système de justice. Il y a également mon travail au Canadian Centre for Abuse Awareness, bien sûr. Ces victimes sont exaspérées.
    Bien des gens ne voient pas comment une peine purgée chez soi peut être proportionnelle à la gravité de l'infraction. Ce n'est pas seulement l'opinion des victimes, des survivants ou des professionnels de première ligne de la justice pénale, mais aussi celle des simples citoyens qui travaillent fort, des gens avec qui mon travail à l'organisation me met en contact régulièrement. Quand on leur dit que l'emprisonnement avec sursis est une peine d'emprisonnement, ils n'en reviennent pas; ils ne comprennent pas; cela leur semble illogique. À dire vrai, pour les gens ordinaires, la moyenne des gens, les Canadiens qui travaillent fort, cela ne tient pas debout. Cela ne tient pas debout pour moi non plus, et j'ai travaillé dans le système de justice pendant plus de 30 ans. Certains d'entre vous pensent que je veux m'attaquer au problème à coups de massue, mais je comprends les nuances du système.
    Je reviens en arrière et je répète que les juges excellent à vérifier les faits, mais je crois que, de façon générale, au Canada, ils ne savent plus répondre aux besoins de la collectivité, des victimes d'actes criminels, des Canadiens sur le plan de la justice et de la sécurité de la population.
    Mme Schurman a dit que la prison était un échec. C'est à cause de la façon dont les peines sont infligées au Canada. C'est parce qu'il y a automatiquement libération conditionnelle une fois purgé le sixième de la peine. Cela ne veut rien dire; cela n'apprend rien au délinquant et ne le rend pas responsable. La libération conditionnelle automatique est garantie aux deux tiers de la peine, même pour les crimes les plus graves, les plus violents. C'est la libération d'office. Le délinquant sort de prison même s'il a enfreint 200 fois les règles de l'établissement. Autrement dit, même si vous avez été un mauvais garnement en prison, on vous laisse sortir. Pas plus compliqué.
    On ne fait pas ça avec son fils ou sa fille lorsqu'ils s'écartent du droit chemin. On ne dit pas: « Tu as été exécrable pendant ces deux dernières semaines. La punition de trois semaines que je t'ai donnée, je vais la réduire, parce que tu as été exécrable. » Voilà ce que nous faisons au Canada. Pas étonnant que la prison ait été un échec retentissant.
    Aux États-Unis, pas de surprise non plus. Je comprends que bien des choses ne tournent pas rond au sud de notre frontière, et nous pourrions avoir des heures de débat là-dessus. Mais lorsque les Américains remarquent un petit groupe de délinquants qui commettent un nombre disproportionné de crimes et qu'ils les mettent derrière les verrous, le taux de criminalité diminue, et il diminue radicalement.
    Si nous retenions certains de ces enseignements et les appliquions au Canada, si nous appliquions le projet de loi C-9 sur les peines avec sursis, si nous nous occupions de divers autres problèmes de libération conditionnelle et de détermination de la peine signalés dans notre rapport Martin's Hope, nous pourrions faire baisser le taux de criminalité, améliorer la sécurité publique et — car ce n'est pas incompatible — faciliter la réadaptation des délinquants.
(1645)
    Ai-je le temps de poser une autre brève question?
    Oui, une brève question.
    J'ai trouvé cette remarque frappante parce que, dans tout le système de justice pénale — et je veux m'assurer de bien comprendre —, vous avez dit que, du point de vue de la victime... On nous a beaucoup parlé du délinquant, et je suis très heureux de tout ce qu'on nous a dit sur l'intérêt de la proportionnalité de la peine et sur la réadaptation du délinquant. Ce sont des points de vue très importants. Pour ce qui est du point de vue de la victime, vos tables rondes ont permis de constater que les peines avec sursis sont le principal motif de plainte.
    C'est exact. Cela tient en partie à un certaine incompréhension des difficultés que les juges doivent surmonter, mais il reste qu'on s'est plaint des peines imposées par les juges. Le premier problème, en ce qui concerne la détermination de la peine, c'est qu'on impose à tort des peines avec sursis pour des crimes graves. Ce sont des éléments anecdotiques, je sais, mais c'est ce que nous avons entendu à London, à Toronto, à Orillia, à Windsor, à Belleville, à Sault Ste. Marie, bref dans les dix villes. Les intervenants de première ligne, les victimes d'actes criminels et les survivants ont tous fait entendre le même refrain.
    Merci, monsieur Moore.
    Monsieur Mauser, ne vous pressez pas de partir, si vous pouvez rester encore un instant. Mme Barnes a quelques questions à poser, mais dès qu'elle aura terminé, je vous donnerai une ou deux minutes, si vous avez quelque chose à ajouter avant de partir.
    Madame Barnes.
    Merci beaucoup.
    De ce côté-ci, nous avons toujours dit que nous voulions que soient visées les infractions liées aux organisations terroristes et criminelles et les infractions qui causent un préjudice grave à la personne. Si nous visions ces infractions — et nous pourrions étendre la disposition à des catégories moins importantes —, cela constituerait l'ensemble des infractions visées.
    Monsieur Brooks, il faut comprendre que, quand un projet de loi... Au cours des législatures antérieures, l'ancien gouvernement renvoyait des projets de loi aux comités après la première lecture pour qu'il y ait beaucoup de souplesse à l'égard des amendements. Il y a beaucoup moins de latitude pour amender un projet de loi qui est renvoyé après la deuxième lecture.
    Il n'est pas très juste que mon collègue d'en face, qui est au courant de tout cela, demande au témoin d'indiquer diverses infractions. Comme si nous pouvions proposer des listes, des annexes, alors que, la disposition est conçue de telle façon qu'il doit s'agir plus probablement de catégories. C'est une chose que doivent comprendre les témoins qui viennent nous donner des conseils sur la façon d'amender un projet de loi.
    C'est pourquoi nous avons essayé de... On peut s'y prendre autrement. Par exemple, il y aurait moyen d'amender les articles et de remplacer le critère de dix ans par un critère de 14 ans ou de condamnation à perpétuité. Cela aurait pour effet d'abréger la liste, mais, encore une fois, d'une façon plus arbitraire que ne le serait un classement des infractions par catégorie. Il faut que nous le comprenions.
    De plus, lorsqu'un projet de loi est renvoyé au comité après la deuxième lecture, nous ne pouvons pas ajouter de nouveaux éléments ni adopter par exemple un nouveau principe régissant les peines, car nous ne pouvons apporter ce genre d'amendement au comité après la deuxième lecture.
    Il y a donc moins de latitude qu'on ne le laisse entendre pour apporter de vrais amendements au projet de loi. Il s'agit de trouver un moyen de définir des catégories. Je donne ces précisions pour que les autres témoins qui viendront sachent à quoi s'en tenir et proposent une approche plus ciblée qui serait utile au comité, car nous avons beaucoup de mal avec cette question. Je crois que la méthode proposée maintenant est très arbitraire, pour les raisons que Mme Schurman nous a données.
    Madame Schurman, connaissez-vous bien les études que M. Mauser vous a données. Seriez-vous assez à l'aise pour commenter d'autres études sur les peines trop lourdes? M. Muise a dit dans son témoignage qu'il n'y a ni surinculpation, ni sous-inculpation. Je crois que de nombreuses études ont porté sur ce point. Vous en connaissez probablement certaines.
(1650)
    Il y en a, et j'en connais quelques-unes.
    Je ne me sens pas à l'aise pour commenter les documents déposés par M. Mauser aujourd'hui parce que je ne les ai pas reçus. Je n'ai pas les graphiques dont vous parlez ni quoi que ce soit d'autre.
    Il y a un vrai problème qui surgit au Canada assez régulièrement au sujet de la surinculpation ou de la sous-inculpation, pour toutes sortes de raisons. D'habitude, cela se résume au fait qu'on n'a pas fait reposer la responsabilité sur les épaules de la bonne personne.
    Oui, il y a d'autres études. Je pourrais essayer de vous communiquer de l'information à leur sujet une autre fois, mais je ne saurais en parler aujourd'hui.
    Vous nous avez fait parvenir des documents sur divers points. Le greffier les distribuera à tous. Même chose pour vous, monsieur Brooks. Je dois vous dire que l'étude article par article se fera au cours des prochaines semaines.
    Je voudrais aussi connaître le point de vue de M. Brooks, de Mme Thomson, de Mme Schurman et de M. Muise au sujet des infractions qui doivent être visées. Lorsque le gouvernement libéral précédent a essayé de restreindre les domaines où les peines avec sursis sont possibles, il l'a fait à partir de certaines idées, mais il n'a pas tenu compte des infractions liées aux drogues. Le projet de loi à l'étude, en dehors des infractions mixtes des catégories inférieures — le projet de loi sur les peines avec sursis concernant les drogues —, exclut, même pour les utilisations mineures de drogues très fortes, la possibilité de peines avec sursis. Je voudrais connaître votre opinion à ce sujet.
    J'invite les témoins à donner des réponses précises.
    Essentiellement, les circonstances liées aux infractions concernant les drogues sont tellement variables qu'il est très difficile de dire que des infractions particulières ne peuvent donner lieu à des peines avec sursis. La toxicomanie est une question tellement particulière qu'on a tendance à exclure la possibilité que les infractions fassent l'objet d'une peine avec sursis.
    J'espère que cela répond à la question.
    Merci, madame Barnes.
    Avez-vous des observations à faire, monsieur Muise?
    Merci, madame Barnes.
    Je n'ai pas la liste sous les yeux. Je n'ai pas apporté le résultat des recherches, mais j'en ai pris connaissance et je crois me souvenir qu'il s'agissait d'infractions de trafic et de possession en vue de faire le trafic. S'il y avait des infractions pour simple possession, cela a dû m'échapper. C'est sans doute le genre d'infraction dont vous voudrez peut-être discuter pour revoir les dispositions.
    Selon la formulation actuelle du projet de loi, les infractions mixtes seraient exclues.
    Bien. J'ai cru comprendre qu'il s'agissait surtout d'infractions de trafic ou d'infractions semblables. Vous avez parlé de possession. Je n'ai pas vu cela.
    Madame Schurman.
    Si les critères de preuve de la Cour suprême du Canada sont respectés, même les infractions de trafic conviendraient parfaitement pour l'emprisonnement avec sursis, d'autant plus qu'il y a une foule de gens qui se livrent à un petit trafic, un trafic en petite quantité, dans des petits secteurs où il y a un problème sous-jacent. La peine d'emprisonnement avec sursis permet de traiter une personne qui a un problème de toxicomanie et peut-être de la faire sortir du système de justice pénale.
(1655)
    Merci, madame Schurman.
    Merci, madame Barnes.
    Monsieur Mauser, je sais que vous êtes sur le point de partir. Auriez-vous d'autres observations à faire avant de nous quitter?
    Merci, monsieur le président, de cette dernière occasion d'intervenir.
    Je voudrais réaffirmer que, puisque les Américains ont des taux de crimes violents et d'homicides qui ont tellement diminué, ils doivent appliquer de bonnes solutions. Les recherches que je vous ai présentées montrent qu'il est fort bien prouvé que l'emprisonnement fait diminuer les taux d'homicides et de crimes violents — l'emprisonnement pour tous les crimes graves.
    Bien des détenus sont en prison pour autre chose qu'un homicide ou un crime violent. Il s'agit de l'incarcération dans les prisons d'État et les établissements fédéraux. C'est donc que l'emprisonnement n'est pas un échec. C'est un moyen de protéger la population. Je peux concevoir qu'un juge ou même un défendeur y voie un échec, mais si notre objectif et notre préoccupation sont la protection du public, il se peut fort bien que l'incarcération aide tous les Canadiens.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Mauser. Bon retour en Colombie-Britannique.
    Monsieur Thompson.
    Merci, monsieur le président.
    Au revoir, monsieur Mauser, et merci.
    À tous les autres, merci de vos interventions d'aujourd'hui. Il est agréable de vous accueillir.
    Il est maintenant acquis qu'il n'y a personne ici, quelle que soit son allégeance politique ou sa position sur... Au fond, nous essayons tous de nous rappeler qu'il y a des victimes et qu'elles ont besoin d'aide. Il y a trop de victimes, et il faut que cela cesse.
    C'est la population qui juge de tout ce que nous faisons. Depuis que je siège aux Communes, c'est-à-dire depuis 13 ans, des pétitions totalisant des millions de signatures — pas des milliers — nous demandent de lutter contre le crime. Ces pétitions nous viennent de ceux qui paient la note, qui paient nos salaires, que nous devons servir, et ils ne sont pas satisfaits du système de justice tel que nous le connaissons aujourd'hui.
    Si nous osions faire un sondage, nous n'obtiendrions pas une très haut niveau d'approbation pour notre système de justice, et je ne crois pas qu'un seul d'entre nous en doute. Chose certaine, nous n'aurions pas l'approbation de ceux qui essaient de faire respecter nos lois. J'ai des contacts avec beaucoup de services de police, beaucoup d'agents de la force publique qui sont exaspérés de voir ressortir aussitôt ceux qu'ils confient au système de justice et qu'ils doivent réarrêter à répétition.
    J'observe la situation de près depuis 1993, depuis que je siège aux Communes, et les crimes qui sont à la hausse sont ceux qui sont commis contre des enfants. C'est absolument pitoyable. À Toronto, il a fallu mettre en place des unités pour lutter contre la pornographie juvénile. Vous savez très bien, John, de qui il s'agit et à quel point ils ont dû travailler fort. La pornographie juvénile — et tout ce qui s'y rattache — est devenue une industrie de 1 milliard de dollars. Comment est-ce possible? Je ne crois pas que cela se serait produit si nous avions un bon système de justice solide. C'est un échec. Si le problème atteint ces proportions, c'est que nous laissons tomber nos enfants.
    Considérons le système de justice. Des agriculteurs sont mis en prison parce qu'ils ont vendu leur propre grain. Pas du grain volé. Le leur. Ils vont tout droit en prison et nous sévissons. Le braconnier qui tue un wapiti hors saison va directement en prison. On n'ose pas faire ce genre de chose. Par contre, si on vole du bétail dans ma région... Les éleveurs dressent des panneaux qui disent: Avis aux voleurs de bétail: nous ne faisons pas le 911, nous appelons Smith & Wesson. Lorsqu'un système de justice suscite ce genre de réaction, c'est que la population est mécontente. Nous faisons donc un effort pour lui montrer que nous tenons à faire quelque chose.
    Heureusement, j'ai exercé par le passé une profession qui était au sommet de la liste de popularité. J'étais enseignant et entraîneur, et tout le monde m'aimait. Je vais en politique et je me retrouve soudain tout en bas, au même rang que les vendeurs de voitures d'occasion, les avocats et le reste des politiciens, parce que la population a l'impression que nous avons manqué à notre devoir, que nous y avons manqué lamentablement.
    Je vous dirai à vous tous, et surtout à l'Association du Barreau, que nous tenons à la réadaptation, qu'il faut faire de notre mieux, mais que notre grande préoccupation, ce doit être la victime. Il le faut. Si nous ne montrons pas à la population que nous nous intéressons aux victimes, que c'est notre grande préoccupation lorsque nous faisons des efforts de réadaptation et tout le reste, nous allons sans cesse perdre du terrain. Nous ne pouvons pas laisser les délinquants gagner encore du terrain. Cela suffit. Voilà dans quel esprit il faut voir le projet de loi à l'étude.
    À mon avis, le projet de loi C-9 est une mesure modeste qui va dans le bon sens, si nous voulons rétablir l'équilibre, pour que notre société fasse un peu confiance à ce que nous faisons. Cette confiance n'existe plus, c'est certain. Le projet de loi est un progrès dans le bon sens si nous voulons rétablir cette confiance. Ce n'est pas le fin du fin. Je sais qu'il y a beaucoup à faire.
(1700)
    Je ne souhaite certainement pas la disparition des peines avec sursis. Il y a des cas où c'est la bonne solution. Mais le comité et la Chambre essaient d'y voir le plus clair possible.
    Merci de vos témoignages. Je ne suis pas d'accord avec certains d'entre vous, mais je suis d'accord sur bien des choses que vous avez dites.
    Je n'attends pas de réponse à des questions. Je souhaite simplement que vous pensiez à la population. Nous l'avons beaucoup mécontentée, et nous faisons mieux de commencer à régler le problème. Nous avons besoin de gens comme vous pour nous y aider.
    Merci.
    Merci, monsieur Thompson, de cette dose de réalisme. Je vous en suis reconnaissant.
    J'invoque le Règlement.
    J'allais demander si M. Thompson a reçu une indemnité à titre de témoin pour venir à la séance d'aujourd'hui.
    Très bien. Je retire mon rappel au Règlement.
    Merci, monsieur Lee.
    Monsieur André, excusez-moi de ne pas vous avoir donné votre tour. Vous avez la parole.

[Français]

    Bonjour, monsieur le président.
    Bonjour aux témoins.
    J'aimerais vous faire part rapidement de ma réaction face à certains propos qui ont été tenus ici. Je suis travailleur social de métier. C'est la première fois que je siège au Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Mon premier réflexe est de dire qu'on sait très bien que les conditions sociales des individus influencent beaucoup le taux de criminalité, puisqu'on retrouve beaucoup de gens dans des couches défavorisées, en manque de soutien social. Souvent, il y aura un taux de criminalité plus élevé. Par conséquent, lorsqu'on sabre dans les programmes sociaux — c'est un petit message aux conservateurs —, on augmente par le fait même le taux de criminalité.
    La question s'adresse à M. Muise, et j'aimerais entendre les commentaires de chacun là-dessus. Le projet de loi C-9 allonge la liste d'infractions pour lesquelles un juge ne pourra plus recourir à l'emprisonnement avec sursis, vous le savez autant que moi, même lorsqu'il trouve, à la lumière de tous les faits, qu'il s'agirait de la peine la plus appropriée.
    Monsieur Muise, vous semblez en faveur de cette orientation. Vous êtes d'accord, dans le fond, pour allonger la liste des infractions pour lesquelles on ne pourra pas obtenir une peine d'emprisonnement avec sursis.
    Avez-vous des statistiques, des faits qui vous amènent à tenir ces propos, à dire qu'on doit criminaliser davantage, emprisonner davantage, comme si les lieux d'emprisonnement étaient des lieux de réhabilitation sociale?
    Au Québec, on croit beaucoup à la prévention. On croit aussi à la criminalisation, parce que dans certains cas, c'est la meilleure solution. Cependant, les lieux d'emprisonnement ne sont pas des lieux de réhabilitation sociale. Je ne crois pas qu'emprisonner quelqu'un pendant 10 ans et ne pas lui permettre d'avoir quelquefois l'occasion de se réinsérer dans la société par le moyen de programmes — comme Me Schurman l'indiquait également — soit plus avantageux. Tout l'argent qu'on investira dans les prisons à la suite de ces peines d'emprisonnement plus longues serait, selon moi, mieux investi dans des mesures de réinsertion sociale.
    Y a-t-il des statistiques qui vous amènent à adopter cette position? J'aimerais aussi entendre Me Schurman à ce sujet, de même que les autres.
(1705)

[Traduction]

    Merci, monsieur André. C'est une bonne question.
    Je veux dire d'abord que notre organisme de bienfaisance n'est pas riche, monsieur Lee, mais nous allons assumer les frais de M. Thompson.
    Je crois que la question est déjà réglée.
    Tout le monde ne le sait pas, mais, pendant ma carrière de policier, j'ai beaucoup travaillé avec des universitaires, des travailleurs sociaux et des intervenants des services de première ligne qui essaient d'aider les enfants. J'ai été l'un des membres fondateurs de la première unité des crimes de rue, la première du genre au Canada. C'était une entité communautaire axée à la fois sur l'éducation et l'application de loi. Nous avons travaillé très fort avec les collectivités locales et les écoles pour éviter que les jeunes ne se retrouvent en prison. Nous avons mis beaucoup d'efforts pour qu'ils restent dans le droit chemin. C'était beaucoup de travail. Nous avons parfois réussi, et parfois non. C'est une réalisation dont je tire une grande fierté. C'est maintenant de l'histoire ancienne, mais il est certain que le modèle a essaimé un peu partout au Canada, et il existe maintenant beaucoup d'unités policières semblables.
    Cela dit, il y a aussi tout un lot de gens qui, peu importe les raisons, se sont écartés du droit chemin. Lorsqu'ils sont condamnés à la prison, c'est parce qu'ils ont déjà de lourds antécédents criminels ou qu'ils ont commis un acte plutôt grave.
    D'après mon expérience d'une trentaine d'années dans les tribunaux et à l'extérieur, on ne s'acharne pas sur les délinquants. Les juges font tout pour éviter de les accabler. Je ne vois pas ce genre de modération raisonnable à l'égard du projet de loi C-9. Le Parlement a dit que le critère était une peine de dix ans ou plus. Je présume qu'il a fixé ces maximums... Je sais par exemple que M. Lee et d'autres députés libéraux n'ont pas ménagé leurs efforts, qu'ils ont présenté beaucoup de projets de loi pour relever les peines maximums. Nous en sommes donc là. Je présume que le Parlement a estimé que ces crimes étaient suffisamment graves.
    Les Canadiens ne font plus confiance au système de justice pénale. Cette mesure est une première étape qui va de soi et, comme M. Thompson, je conviens que ce n'est qu'un élément de solution. Nous avons beaucoup de travail à faire sur les lois concernant la libération conditionnelle, et certains de nos autres dangereux...

[Français]

[Traduction]

    Très rapidement, monsieur.

[Français]

    Vous êtes impliqué sur le plan communautaire. Ma question est la suivante: sur quelles statistiques vous êtes-vous basé? Par exemple, ce projet de loi contient un nouveau critère pour les peines maximales de 10 ans et plus, pour un vol de plus de 5 000 $, par exemple. On ne pourra plus donner de peine avec sursis pour ce type d'infraction. Sur quoi vous basez-vous pour dire que si on les condamne à la peine maximale, et non à une peine avec sursis, cela va être plus efficace en termes de réhabilitation?

[Traduction]

    Merci.
    Une abondante documentation, venant surtout des États-Unis, au sud du 49e parallèle, montre clairement et de façon très convaincante que, lorsqu'on cerne les récidivistes, les auteurs de crimes graves, les criminels endurcis et qu'on les enferme le plus longtemps possible, il y a une baisse abrupte, évidente et indéniable du taux de criminalité. Or, ce n'est pas ainsi que fonctionne notre actuel régime de détermination de la peine. Nous n'en sommes pas encore là.
    Ce que je veux dire, au fond, c'est que d'abondantes recherches universitaires montrent que, lorsqu'on emprisonne ces délinquants pour une période prolongée, en général, le taux de criminalité diminue.
(1710)
    Monsieur André, votre temps de parole est terminé. Merci.
    Monsieur Bagnell.
    Je voudrais connaître l'avis de Mme Schurman et de M. Thompson. Le graphique montre que le taux de crimes violents est plus élevé au Canada qu'aux États-Unis. Sans commenter ce graphique, croyez-vous généralement, d'après vos antécédents professionnels et vos connaissances, que la criminalité violente est plus répandue au Canada qu'aux États-Unis?
    Je ne crois pas que le taux de crimes violents soit plus élevé au Canada qu'aux États-Unis.
    Pas du tout. Si cette catégorie de crimes est définie différemment, cela peut expliquer l'anomalie, mais je ne crois pas que notre taux soit plus élevé. Au contraire.
    Je me pose donc des questions sur ce témoignage.
    Voici ma question suivante, qui s'adresse à vous deux. Plusieurs fois aujourd'hui, on a décrit la peine avec sursis comme le fait de rester chez soi à regarder la télévision. Pouvez-vous me dire si c'est à cela qu'elle se résume et comment une peine avec sursis se distingue de l'incarcération et de la probation? Y a-t-il un élément de châtiment?
    Il y a quelques années, lorsque, en Saskatchewan, il a été question d'utiliser l'assignation à résidence en guise de libération sous caution, un juge de la Cour d'appel de la province, Bill Vancise, était très sceptique. Assez pour se soumettre à une expérience afin de voir si c'était vraiment une forme d'incarcération. Il voulait savoir si on avait l'impression d'être en prison ou simplement en liberté chez soi. Il a rédigé un article dont je vous conseille tous la lecture, Home Alone-But Not Forgotten. Le résultat de l'expérience, pour lui, est qu'il avait vraiment l'impression d'être en détention.
    La détention peut être physique, mais elle peut aussi être psychologique. Les restrictions de la liberté sont une forme de détention. C'est pourquoi la Cour suprême du Canada a dit que l'arrestation et la détention peuvent aussi être un état psychologique. C'est un phénomène très réel. En fait, dans nombre de ces cas, il ne suffit pas de rester chez soi à prendre un verre. Non. Dans bien des cas, il y a des conditions très rigoureuses qui disent ce qu'on peut boire ou non, ce qu'on peut faire ou non, mais il y a aussi des motifs très sérieux pour imposer une peine d'emprisonnement avec sursis: le délinquant à un emploi à temps plein et des enfants qui dépendent du salaire gagné; il n'y a aucune raison de plonger toute la famille dans le cycle de la pauvreté; il est plus logique de faire en sorte que le délinquant continue de contribuer à la société.
    Il y a quelques jours, un témoin a expliqué au comité ce qui se passe si le délinquant habite non loin de sa victime. Les conditions imposent des restrictions à cet égard, mais il y a des endroits, des petites localités où les avocats ont fait état d'un effet très marqué sur le délinquant qui ne peut quitter la localité. Il ne peut pas commettre un crime et s'en aller. Il doit tous les jours faire face à des gens qu'il a connus toute sa vie, et cela, en soi, à un effet. Non, la peine avec sursis n'est pas un simple moment de loisir à passer chez soi.
    Il y a deux éléments à considérer. D'abord, une ordonnance d'emprisonnement avec sursis peut imposer un traitement. Le délinquant doit aller suivre son traitement, se rendre sur les lieux, suivre jusqu'au bout certains programmes de traitement. Certains de ces traitements ne peuvent être imposés par une ordonnance de probation. Il faut une ordonnance de peine avec sursis. Le délinquant ne va donc pas rester chez lui à regarder la télévision. Il va devoir aller suivre ses traitements. S'il était en prison, il pourrait rester devant le téléviseur, mais l'ordonnance de sursis ne le permet pas.
    Je voudrais aussi que vous songiez à la comparaison entre la peine avec sursis et l'emprisonnement. Celui qui est condamné à deux ans moins un jour va probablement purger 12 mois de sa peine en prison et il sera ensuite libéré selon des conditions qui sont loin d'être aussi lourdes que celle d'un peine avec sursis. Donc, ou bien le délinquant est assujetti pendant près de deux ans aux conditions rigoureuses de la peine avec sursis, ou bien il regarde la télévision pendant un an et sort ensuite et n'est soumis qu'à quelques conditions. Les délinquants seront très satisfaits de cette dernière solution. Mais la société atteindra ses objectifs grâce à la peine d'emprisonnement avec sursis.
    D'après vous deux, s'il n'y avait pas de peines avec sursis, une conséquence non voulue serait-elle que ces délinquants se retrouveraient dans les rues en probation et recevraient moins de traitements?
(1715)
    C'est très probable.
    Je suis d'accord.
    Merci, monsieur Bagnell.
    Monsieur Petit.

[Français]

    Merci. Je m'adresse à M. John Muise, mais je demanderais aussi l'opinion des deux autres témoins qui sont présents.
    Premièrement, je pratique le droit à Québec depuis une trentaine d'années. J'ai un bureau d'avocats qui travaillent dans le domaine criminel. Je peux vous dire par expérience — je le confirme — que lorsque la Couronne nous offre une peine d'emprisonnement avec sursis, le client l'accepte tout de suite. Personne ne me fera dire le contraire. J'ai assez d'expérience dans le domaine, même si ce n'est pas une expérience policière.
    Je suis maintenant aussi un parlementaire. Je peux donc vous affirmer ceci: on dit que la société n'est pas violente — je reviens aux propos de M. Muise —, mais dans certaines écoles de la province de Québec, il faut la présence de policiers à plein temps, justement parce qu'il y a de la violence.
    Deuxièmement, lorsqu'on parle d'une série de crimes violents, certains ne semblent pas violents à première vue, comme la consommation de drogue. On dit toujours que la pauvre petite personne qui fume un petit joint tous les jours ne fait rien de grave parce qu'il ne s'agit pas de trafic. Toutefois, si un ou deux millions de personnes au Canada fument leur petit joint tous les jours, cela veut dire que la pègre fait de l'argent. On tombe donc dans le crime organisé. Il ne faut donc pas penser que, parce que je fume un petit joint, je n'encourage pas le crime organisé.
    Un autre point de vue nous a été présenté. Monsieur Muise, vous nous parlez beaucoup de crimes violents et, naturellement, j'abonde dans votre sens. On parle de vol de courrier, car on sait qu'il est question du vol de courrier. On a fait toutes sortes de simagrées parce qu'il ne pourra plus y avoir de sentences avec sursis pour le vol de courrier.
    Dans ma province, lorsqu'une personne âgée de 58 ans reçoit une prestation d'invalidité de l'aide sociale, son chèque est de 892 $ par mois. Bien souvent, elle ne réside pas en ville et le facteur lui livre son chèque. Imaginons qu'un bandit lui enlève son chèque, qu'il lui vole son courrier. Je vous jure que ce n'est pas drôle, pour cette dame de 58 ans. Elle doit aller revoir son travailleur social pour se faire émettre un nouveau chèque rapidement. Elle a de la difficulté parce qu'elle est malade. Ce vol de moins de 1 000 $ devient effrayant et pourtant, il ne s'agit que de vol de courrier.
    Nous sommes tous autour de la table et nous essayons depuis le début de travailler pour les prévenus, qui deviennent des condamnés au moment de leur procès, mais nous ne discutons pas des victimes. Les victimes sont importantes pour moi, et c'est à ce sujet que je voudrais vous entendre, monsieur Muise.
    Depuis que l'emprisonnement avec sursis a été rendu possible, en 1996, pourriez-vous me dire s'il y a eu beaucoup de violence avec des armes à feu au Canada? Quel est l'effet de l'emprisonnement avec sursis sur la violence avec des armes à feu?

[Traduction]

    Merci de la question, et merci d'avoir dit clairement que ces délinquants n'essaient pas désespérément d'empêcher leurs avocats d'obtenir des peines d'emprisonnement avec sursis. Cela n'arrive jamais. Je ne veux manquer de respect envers personne, mais c'est presque ridicule, comparé à la prison.
    Personne ne surveille les délinquants. S'ils prennent un verre, personne ne le voit, et s'ils violent les conditions, s'ils vont et viennent à leur guise, les policiers ne surveillent pas, les agents de probation ne viennent pas les voir... Cela dit, est-ce que je suis au courant de recherches sur l'impact des peines avec sursis, sur la hausse du taux de crimes commis avec une arme à feu qu'elles auraient provoquée? Notre organisation ne fait pas de recherches. Et je ne connais pas de recherches là-dessus. Ce que mon organisation et moi, ainsi que les 150 personnes qui ont contribué au rapport Martin's Hope pensent généralement, c'est que tout le régime de détermination de la peine et de libération conditionnelle y est pour beaucoup dans le fait que les délinquants se retrouvent dans la collectivité, et qu'il y a peu d'impact, voire aucun, sur leur réadaptation, leur état de santé et d'intégrité.
    Et jusqu'à ce qu'ils s'aperçoivent... Quelqu'un a lu l'étude. Je vais vous donner un exemple. Pour ce qui est du taux de récidive et de notre conduite actuelle à l'égard des délinquants, pas moins de 43 p. 100 de ceux qui ont purgé une peine d'emprisonnement avaient déjà récidivé et étaient de retour devant les tribunaux dans les deux ans. Cela veut dire qu'ils sortent, qu'ils commettent des actes criminels, qu'ils se font arrêter, comparaissent devant les tribunaux, plaident coupable et sont déclarés coupables. Tout cela, en deux ans.
    Je ne suis pas professeur, mais je présume que, si on extrapole sur huit ou dix ans, on pourra conclure que le taux de récidive est probablement supérieur à 80 p. 100.
    Voilà pourquoi je dis, moi qui ai travaillé en première ligne, que quelque chose ne tourne pas rond dans notre système et qu'il faut trouver une solution. Ce que les intervenants de première ligne, les victimes et les survivants nous ont dit, c'est que les régimes de détermination de la peine et de libération conditionnelle sont deux grandes causes du problème. Et mon expérience me porte à les croire.
    Voilà sans doute une réponse très générale à votre question, monsieur Petit, mais c'est le mieux que je puisse faire aujourd'hui.
(1720)
    Merci, monsieur Petit.
    Parmi les membres en titre — nous avons beaucoup de remplaçants —, M. Brown n'a pas eu l'occasion de poser des questions.
    Vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai une question à poser à M. Muise et à l'Association du Barreau canadien.
    Le témoignage que vous nous avez livré aujourd'hui repose-t-il sur des consultations auprès de membres de votre organisation ou des rencontres avec eux?
    En toute déférence, monsieur Muise, je sais que vous avez fait un rapport en 2004. Sauf erreur, il se fondait sur de nombreuses assemblées publiques. Je voudrais savoir, monsieur Muise, quelle a été l'ampleur de ces consultations pour le rapport de 2004?
    L'Association du Barreau canadien a-t-elle eu la possibilité de faire un sondage postal auprès de ses membres ou de tenir des séances en bonne et due forme à l'occasion d'une de ses conférences sur la question?
    Le Canadian Centre for Abuse Awareness a organisé des réunions dans dix villes ontariennes: Belleville, Hamilton, London, Newmarket, Orillia, Ottawa, Peterborough, Sudbury, Toronto et Windsor. Nous avons invité des participants et d'autres sont venus spontanément. Tous ceux qui le voulaient pouvaient venir. Nous avons eu 150 personnes, dont des professionnels de première ligne en justice pénale, des travailleurs et intervenants sociaux, des victimes d'actes criminels et des survivants.
    Nous avions des preneurs de notes. Nous nous intéressions à la possibilité d'une réforme de la justice pénale. Au fond, nous avons demandé aux participants ce qui ne va pas dans le système. Les thèmes qui sont revenus constamment partout ou presque ont été repris dans le rapport.
    Voici un exemple pour vous aider à comprendre les modalités. Certains ont dit qu'il fallait prendre les empreintes génétiques de tout le monde à la naissance, que ce serait un excellent moyen de lutter contre le crime. Quoi qu'il en soit, cette mesure ne résisterait pas à une contestation fondée sur la Charte, et ce n'est probablement pas la chose à faire, du point de vue des droits de la personne. D'autres, plus informés, ont dit que nous devrions prendre ces empreintes au moment de l'arrestation et les garder secrètes jusqu'à un verdict de culpabilité. Ils ont dit qu'il fallait le faire pendant que le présumé délinquant est sous garde. D'autres pouvaient avoir toutes sortes d'idées sur la question.
    À partir de tout cela, nous avons essayé de formuler des recommandations et, pour chacune d'entre elles, nous avons appliqué deux critères. D'abord, la mesure proposée pourrait-elle résister à une contestation fondée sur la Charte, sachant très bien que cela serait exigé dans chaque cas? Si la réponse était affirmative, si nous le pensions — car nous ne siégeons pas à la Cour suprême... Deuxième critère: la mesure proposée empêcherait-elle l'accusé de présenter une défense juste et vigoureuse? Nous ne cherchons pas à recommander des mesures qui compromettront le droit à un procès juste. Nous ne croyons pas que c'est ce que la sécurité publique et les droits des victimes exigent. Il ne s'agit pas de priver quelqu'un, mais d'améliorer le système. Voilà les deux critères.
    Au terme de plusieurs mois de consultations dans ces dix villes, nous avons élaboré 60 recommandations, dont 39 s'adressent aux autorités fédérales. On peut en prendre connaissance sur notre site, à l'adresse ccfaa.com, et si quelqu'un veut un exemplaire sur papier, je vais vous le poster. Mais si nous le faisons, nous ne pourrons pas payer les dépenses de témoin de M. Thompson. Chacun peut aller les consulter, et je me ferai un plaisir de discuter avec ceux qui le voudront bien après la séance ou plus tard.
(1725)
    Monsieur Brown, avez-vous une autre question brève?
    J'espère simplement obtenir une réponse de l'ABC?
    Monsieur Brooks ou madame Thomson.
    Le mémoire que vous avez sous les yeux a été préparé par la Section de droit pénal. L'exécutif de la section comprend les responsables, qui sont élus, et les présidents de chacune des sections de division — des divisions présentes dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada. À leur tour, ces gens-là consultent leurs membres, et tout est rassemblé pour donner un document comme celui que vous avez sous les yeux. Cette démarche repose sur les principes adoptés au conseil national de l'ABC, son parlement, en quelque sorte.
    Merci, monsieur Brown.
    Monsieur Murphy, nous allons très bientôt mettre un terme à notre réunion, mais vous avez le temps de poser une question.
    Très brièvement, je dirai simplement que j'ai trouvé ma réponse dans le mémoire de l'ABC. J'allais simplement demander poser une question sur la Section de justice pénale, qui n'est pas l'ensemble de l'Association, pour qu'on sache à quoi s'en tenir. Mais c'est très bien. Quelle proportion d'avocats de la défense et de procureurs trouve-t-on à la Section? Je voudrais le savoir. Très rapidement.
    Deuxièmement, à la page 5 de votre mémoire, il y a une affirmation très brève, mais elle doit reposer sur beaucoup d'information que vous pourriez nous donner. Je sais qu'il y a des limites de temps. Voici ce passage:
Dans sa forme, la proposition entraînera inévitablement d'autres procès en raison du nombre inférieur de plaidoyers de culpabilité. Ce facteur seul nuirait à la réputation d'efficacité du système de justice et augmenterait sans nul doute le nombre de demandes de financement de l'aide juridique.
Et on sait qu'il y a déjà des difficultés de ce côté.
    Je sais qu'il y a un problème de temps, mais si vous aviez une information générale sur ces deux grandes affirmations, je serais heureux de la recevoir par la poste. Je ne pense pas que vous puissiez répondre en trois secondes.
    Oui, nous allons vous fournir l'information que nous pouvons avoir sur la proportion de procureurs et d'avocats de la défense.
    Pour l'ensemble des membres de la section, je ne sais pas trop, mais il y a dans l'exécutif un assez bon équilibre entre les deux groupes d'avocats. Certains commencent leur carrière d'un côté et passent ensuite de l'autre côté.
    Merci
    Merci, monsieur Murphy. Il est dommage que nous n'ayons pas plus de temps pour posez d'autres questions du même ordre que les vôtres.
    Je remercie les témoins d'avoir comparu devant le comité. Je crois que nous avons eu de bons échanges. Ils auraient pu se poursuivre, mais, comme dans beaucoup de réunions, nous ne pouvons pas approfondir les choses autant que nous le devrions. Nous avons beaucoup apprécié votre participation.
    Je vais suspendre la séance pendant une trentaine de secondes. Nous avons quelques points à régler avant de retourner à la Chambre. J'invite les membres du comité à rester.
    Les témoins peuvent partir. Merci
    [La séance se poursuit à huis clos.]