:
Je vous prie de m'excuser. Je vais aller plus lentement.
Mes observations porteront sur la question suivante: l'incarcération des délinquants violents ou qui ont commis des crimes graves est-il un moyen efficace de protéger le public?
Mon interprétation des recherches en criminologie m'incite à dire que l'emprisonnement de ces délinquants est un moyen efficace, que l'augmentation du nombre de délinquants derrière les barreaux fait diminuer les taux de criminalité violente. L'effet est particulièrement marqué pour les taux d'homicide. Ces recherches confirment qu'il est sage d'emprisonner les auteurs de crimes graves, c'est-à-dire les crimes punissables de peines d'emprisonnement de dix ans ou plus.
Il y a des Canadiens qui ont des préjugés contre tout ce qui est américain, mais en rejetant les recherches américaines parce qu'elles sont américaines, nous risquons de laisser de côté des solutions capables de régler efficacement des problèmes graves au Canada. J'estime donc que les Canadiens responsables doivent étudier les politiques des États-Unis en matière de justice pour imiter leurs réussites et éviter leurs écueils. Comme leur pays est beaucoup plus grand que le nôtre, les Américains ont une banque d'information plus étendue et riche que la nôtre qui nous permet d'apprendre.
Les faits révèlent que les taux de criminalité violente ont diminué plus rapidement aux États-Unis qu'au Canada. J'ai fait distribuer des graphiques qui illustrent mon propos. Entre 1992 et 2004, par exemple, le taux global de criminalité violente a fléchi de 38 p. 100 aux États-Unis, mais de seulement 13 p. 100 au Canada. Cette forte baisse est encore plus évidente pour les taux d'homicide, car, pendant la même période, il a diminué de 41 p. 100 aux États-Unis et de seulement 26 p. 100 au Canada.
Depuis dix ans, des criminologues étudient avec une certaine attention cette évolution tout à fait imprévue. Les résultats sont en train de devenir plus clairs. Il y a des centaines d'études. Je vais me limiter aux plus importantes.
Les recherches de Marvel et Moody, qui sont parmi les criminologues les plus respectés du monde, sont particulièrement éclairantes. Dans leurs études par séries chronologiques, ils ont obtenu de solides résultats au niveau national confirmant que l'accroissement des populations carcérales est lié de façon convaincante à la réduction des taux de criminalité violente.
Les recherches que Marvel et Moody ont faites en 1997 montrent que toute augmentation de 10 p. 100 de la population carcérale fait diminuer le taux d'homicide de 13 p. 100. Il va sans dire que, dans leurs études, les auteurs tiennent compte de nombreux autres facteurs comme l'inflation, le chômage, les tendances démographiques et de facteurs socioéconomiques très variés.
Marvel et Moody ont observé des relations analogues, mais moins marquées pour les voies de fait et les vols. Ils se demandent si cette relation statistique plus faible ne tiendrait pas probablement à la moins bonne qualité des données sur les arrestations pour des crimes autres que les homicides.
Les résultats de Marvel et Moody sont très solides, et leurs conclusions ont été confirmées par d'autres chercheurs. Il vaut la peine de signaler une étude, celle de Kovandzic et de ses collègues, réalisée en 2004. Ces chercheurs ont non seulement confirmé les premières conclusions de Marvel et Moody, mais aussi étudié les effets sur les taux de criminalité violente lorsque les délinquants sortent de prison. Ils n'ont découvert aucune preuve de relation significative entre les libérations et les taux d'homicide.
Bien des chercheurs ont fait remarquer que les prisons coûtent cher. C'est vrai, mais il y a une question plus importante que celle des coûts: qui, en fin de compte, subit les coûts du crime? Oui, les prisons coûtent plus cher aux contribuables que la probation ou la détention à domicile, mais les coûts de la violence criminelle sont payés par les victimes: leurs vies sont anéanties, la vie d'un mari, d'une femme, d'un enfant est emportée par la violence criminelle.
Lorsque les auteurs de crimes graves échappent à des peines de prison conséquentes, ils ont toute liberté de commettre d'autres crimes de violence. Des Canadiens en paient le prix.
Prenons un seul exemple, celui de Jane Creba, tuée à Toronto le lendemain de Noël, l'an dernier. Elle serait peut-être toujours en vie si le gouvernement précédent avait agi pour garder les auteurs de crimes graves plus longtemps derrière les barreaux. Les médias font souvent état d'autres cas de décisions douteuses dans la détermination des peines.
Les recherches, aux États-Unis comme au Canada donnent à penser que les membres des minorités sont plus souvent victimes de crimes violents que ne le sont leurs concitoyens. Il en découle que l'augmentation des peines de prison sera un moyen particulièrement efficace de réduire les taux de victimisation dans les minorités. Au Canada, les victimes autochtones portent de façon disproportionnée le coût des crimes violents. Les Autochtones seront donc parmi les principaux bénéficiaires d'un programme qui vise à incarcérer les auteurs de crimes graves.
Avant de conclure, quelques mots sur la tendance, chez certains, à refuser de croire les études statistiques qui ne confirment pas leurs convictions. Ils appuient cette position sur une affirmation cynique voulant que les statisticiens puissent obtenir tous les résultats qu'ils veulent en sollicitant les données.
Ce cynisme justifie la paresse et l'ignorance. Il est certain que des menteurs et des sophistes se servent des statistiques. Les menteurs font aussi un mauvais usage des mots, mais cela ne veut pas dire qu'il faut renoncer au langage.
Je conclurai que, malgré ce que vous diront des groupes d'intérêts qui choisissent les données qui leur conviennent, les recherches criminologiques sont très claires: les peines d'emprisonnement plus longues pour punir les crimes graves ou violents ont compté pour beaucoup dans la diminution marquée de la criminalité violente aux États-Unis. Ces résultats étayent la logique qui sous-tend le projet de loi C-9: il faut incarcérer les prévenus reconnus coupables de crimes graves.
Merci de votre attention.
:
Merci, monsieur le président.
En ce moment, les peines avec sursis sont appliquées aux délinquants que, selon la décision d'un juge, il n'est pas utile d'emprisonner pour les réadapter ou pour protéger la société. Le projet de loi C-9 aura pour effet de faire emprisonner certains de ces délinquants. Sans que la société en soit plus sûre, il y aura plus de délinquants en prison, et, lorsqu'ils en sortiront, le risque pour la collectivité pourrait être plus grave. Voilà pourquoi l'ABC n'appuie pas le projet de loi C-9, mais elle présente un mémoire qui reconnaît l'importance des crimes graves accompagnés de violence.
D'abord, il est clair que les ordonnances de condamnation avec sursis ont leur place dans l'éventail des peines. Elles ont été utiles pour toutes sortes de problèmes et de peines. Il est avantageux pour la société que le délinquant garde un emploi et reste avec sa famille; c'est tellement évident qu'on ne peut le contester. Pourtant, ces ordonnances sont contraignantes pour les délinquants. Ils trouveraient peut-être plus facile de purger une peine de prison plus courte, suivie d'une libération conditionnelle.
La critique des condamnations avec sursis est souvent axée sur la nature de l'infraction, mais il ne faut pas oublier que ces décisions reposent sur de nombreux facteurs, et pas seulement sur la nature de l'infraction. Il est tenu compte des circonstances de l'infraction et du délinquant même. Toute loi doit tenir compte de la multitude de facteurs à considérer pour imposer une peine juste. C'est pourquoi l'ABC préconise un « outil plus précis », comme il est dit à la page 4 de la version anglaise et à la page 5 de la version française de notre mémoire.
Comme les peines avec sursis offrent une solution intermédiaire fort nécessaire entre la prison et la probation, tout projet de loi qui restreint le recours à ces peine doit le faire avec modération. Le projet de loi C-9 utilise les peines maximales prévues par le Code criminel comme critère pour autoriser ou non les condamnations avec sursis. Ce critère est imparfait pour deux raisons: il est trop général, et il ne repose pas sur un principe cohérent.
Il est trop général parce qu'il englobera des infractions pour lesquelles il n'y a pas de raison d'écarter la condamnation avec sursis, au moins comme possibilité. L'utilisation non autorisée d'un ordinateur ou un méfait causant des dommages de plus de 5 000 $ sont des cas où il vaut mieux laisser au juge la possibilité d'imposer une condamnation avec sursis. Il n'est pas cohérent non plus d'utiliser les peines maximales comme critère, car elles n'ont jamais été conçues pour constituer une ligne de démarcation aussi nette.
Le régime actuel de détermination des peines laisse passablement de latitude aux juges. Et il convient qu'ils aient cette latitude pour pouvoir tenir compte des circonstances extrêmement variables de l'infraction. Ils ont la compétence, ils écoutent les deux parties et ils prennent les décisions difficiles que, en fin de compte, il faut prendre. Si la latitude laissée aux juges est limitée, par quoi sera-t-elle remplacée?
Le projet de loi C-9 propose une solution uniforme pour tous les cas, et cela ne peut pas utilement remplacer la latitude dont les juges disposent. Encore une fois, ce n'est pas un outil précis. Un exemple suffira à le montrer
Nous savons que les condamnations avec sursis sont utilisées à des degrés divers dans les provinces. Il est clair que les juges des différentes provinces ont fait usage de la latitude qui leur est donnée pour se prononcer sur ce dont leur collectivité a besoin. Le projet de loi C-9 éliminera ce régime et les différences entre régions seront oblitérées pour plus d'une centaine d'infractions.
Dans sa version actuelle, le projet de loi C-9 ne respecte pas le principe de proportionnalité de la peine à la gravité de l'infraction. Ce principe suscite le respect de la loi. Pour beaucoup d'infractions, le projet de loi C-9 fait disparaître cette proportionnalité qui permet de tenir compte de la personne et des circonstances en cause.
Je vous demande de réfléchir à la façon dont le projet de loi C-9 s'appliquera. Prenons l'exemple d'une personne condamnée pour contrefaçon d'un billet de 20 $. Aux termes du projet de loi, la condamnation avec sursis serait exclue.
Dans leurs motifs, les juges pourraient fort bien dire que, normalement, ils n'enverraient pas le délinquant en prison, qu'il n'y a aucun intérêt à le priver de son emploi et de sa famille, mais que le Parlement ne leur laisse pas le choix. Un juge pourrait fort bien dire que tel délinquant ne devrait pas aller en prison, ce qui est un gaspillage de l'argent du contribuable, mais qu'il ne peut faire autrement. Voilà pourquoi nous écrivons aux pages 4 et 5, respectivement, des versions anglaise et française de notre mémoire, que cette approche peut favoriser un manque de respect pour la loi. Nous disons qu'appliquer les principes de la proportionnalité et de la modération, ce n'est pas être conciliant avec le crime. C'est le combattre intelligemment.
Le crime grave accompagné de violence est un problème important. Ce problème est limité et facile à cerner, et voilà ce qui rend inutile une mesure d'application aussi large que ce que le projet de loi C-9 prévoit. Il est reconnu dans notre mémoire que le problème des condamnations avec sursis peut être réglé par voie législative, et nous proposons trois solutions, qui se trouvent aux pages 6 et 7 respectivement des versions anglaise et française.
Permettez-moi de conclure en disant que, selon nous, le projet de loi C-9 enverra en prison des gens qui ne devraient pas y être. Loin d'améliorer la sécurité du public, il risque d'accroître le taux de récidive et de rendre nos collectivités moins sûres. Une loi plus précise peut régler les problèmes des infractions graves, mais le projet de loi C-9 n'est pas cette loi précise.
Merci.
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Merci, monsieur Hanger.
Merci aux membres du comité de nous permettre de comparaître pour parler du projet de loi C-9.
Je dois vous dire un mot de nous. J'ai pris récemment ma retraite du service de police de Toronto, où j'ai travaillé 30 ans. À mon départ, j'étais sergent-détective et ma dernière affectation a été celle de responsable de la section de la gestion des affaires majeures et de la section des données génétiques rétroactives de l'escouade des homicides.
Auparavant, j'ai été détaché pendant six ans auprès de l'Office des affaires des victimes d'actes criminels de l'Ontario, qui a conseillé divers procureurs généraux au sujet de la sécurité publique et des problèmes des victimes.
Depuis plusieurs années, je suis bénévole au CCAA et, à ma retraite, j'ai pris le poste à temps plein de directeur de la sécurité publique.
Le Canadian Centre for Abuse Awareness existe depuis 1993. Il ne vit que de dons. Il n'accepte aucun financement de l'État.
L'organisme sensibilise l'opinion aux vrais coûts de la négligence en aidant les enfants victimes de mauvais traitements.
L'organisme a son siège à Newmarket, en Ontario, au nord de Toronto et il est animé par un groupe déterminé composé d'un personnel et de bénévoles qui appuient 70 organismes partenaires dont les missions sont diverses: réaliser le rêve d'un enfant, aider les victimes et les adultes qui ont survécu aux agressions, préparer des programmes et des ressources en prévention de la maltraitance ou, plus récemment, préconiser publiquement des modifications législatives.
Le CCAA tient à mettre fin à la maltraitance des enfants.
Nous avons aussi un rapport, Martin's Hope, ainsi nommé en l'honneur de Martin Kruze, premier survivant qui ait eu le courage de parler et de révéler le scandale des agressions sexuelles contre des enfants au Maple Leaf Gardens
Dans son cas, le coupable a été condamné pour de nombreux crimes d'agression sexuelle contre des enfants. Seulement quatre jours après qu'un des accusés, un certain Gordon Stuckless, eut été condamné à seulement deux ans moins un jour, Martin, tragiquement, s'est enlevé la vie. Ce fut trop tard pour Martin, mais la peine de M. Stuckless a été portée à cinq ans à l'étape de l'appel.
Pour le CCAA, ce fut un tournant. Le Centre a ensuite organisé dix tables rondes dans la provinces, et c'est ce qui est important dans notre organisation. Après ces dix tables rondes qui ont permis de parler avec 150 professionnels de première ligne en justice pénale, des victimes d'actes criminels et des survivants, le CCAA a produit le rapport Martin's Hope, qui formule 60 recommandations de modifications, dont 39 s'adressent au gouvernement fédéral.
Nous couvrons des domaines très variés, dont les suivants: la réforme de la détermination de la peine, les libérations conditionnelles, les lois correctionnelles, les banques de données génétiques, l'âge de protection, la pornographie juvénile et Internet, et les enfants dans l'industrie du sexe.
L'une de nos recommandations qui portent sur la détermination de la peine concerne les condamnations avec sursis.
Aux tables rondes qui ont eu lieu dans dix villes ontariennes, des voix très diverses se sont fait entendre, mais il y avait d'importants éléments communs dans les propos, et certains thèmes sont revenus à peu près partout.
Parmi les plaines dont le système de justice a fait l'objet, la fréquence des peines avec sursis figurait au haut de la liste. Nous soupçonnons que, si le même genre d'enquête était fait auprès de groupes analogues dans d'autres provinces, les plaintes seraient semblables.
Comme vous le savez tous, les peines d'emprisonnement avec sursis, puisqu'on les appelle ainsi, sont une forme de peine qui a été adoptée en 1996 dans le cadre d'un renouvellement des dispositions sur la détermination de la peine. Il s'agissait d'éviter d'envoyer en prison les auteurs d'infractions mineures. En fait, il a été dit dans le débat sur ces modifications, à l'époque, et je m'en souviens, que cette forme de peine ne devait pas être utilisée pour les infractions graves ou accompagnées de violence. Dix ans de jurisprudence montrent que les choses se sont passées autrement.
Il faut comprendre que le CCAA appuie l'utilisation ciblée et judicieuse de mesures qui évitent d'emprisonner les auteurs d'infractions peu graves. Il est aussi en faveur de programmes efficaces de justice réparatrice, dans le cadre d'une stratégie globale visant à réduire la récidive et, si possible, à réadapter les délinquants.
Comme bien d'autres, nous croyons cependant que le recours accru aux condamnations avec sursis pour diverses infractions graves a fait plus que n'importe quoi d'autre pour jeter le discrédit sur le système de justice pénale.
Les juges canadiens ont eu recours couramment aux condamnations avec sursis pour des milliers de délinquants coupables de crimes graves. Leur utilisation est très répandue et l'affaire opposant la reine à Proulx, à la Cour suprême du Canada, a montré clairement qu'aucune présomption n'empêche cette utilisation. Cet usage est consacré de façon permanente.
Notre régime de détermination de la peine prévoit des ordonnances de probation d'un maximum de trois ans, mais le Parlement a jugé bon d'ajouter cette nouvelle option qui, en principe, se situe entre l'incarcération et la probation.
Un fait qui n'a pas été abordé dans ce débat sur le C-9 et que, sans doute, beaucoup de vos témoins éluderont, c'est qu'on est loin de la prison, de l'incarcération, lorsqu'un délinquant est condamné avec sursis, ou condamné à l'assignation à résidence, comme on dit souvent. Quiconque est allé au tribunal, et vous êtes nombreux à l'avoir fait, sait bien que, lorsqu'il s'agit de la détermination de la peine, lorsque le délinquant se penche vers son avocat, il ne lui demande pas d'implorer le juge de ne pas le condamner à l'assignation à résidence. Il n'y a pas un délinquant, sauf les récidivistes les plus longuement incarcérés, qui réclament une peine de deux ans moins un jour dans la prison provinciale la plus proche s'il leur est possible de rester chez soi.
Soyons honnêtes. Cela ne ressemble aucunement à la prison que de rester chez soi à regarder la télévision, à surfer sur Internet en prenant un petit coup de temps en temps, en ayant aussi les permissions de sortir de chez soi lorsque c'est nécessaire. À dire vrai, on a trompé les Canadiens en leur faisant croire que ces condamnations sont une privation de liberté au point qu'on peut parler d'emprisonnement.
Il faut comprendre aussi que la police n'exerce pas de surveillance, que le service de probation ne va pas rendre visite à ces délinquants. Bien franchement, les collectivités ne savent pas ce que font ces délinquants, et ne savent pas s'ils respectent les conditions établies dans les ordonnances. Ce n'est pas de la justice, et ce n'est pas un moyen de renforcer la sécurité publique.
Nous avons remarqué dans le résumé législatif qui se trouve sur www.parl.gc.ca qu'il y a eu peu de recherches sur l'efficacité des condamnations avec sursis. Mais il y a une note qui saute aux yeux. Dans une enquête attribuée à Julian Roberts, on signale que le taux d'achèvement réussi des peines avec sursis a été de 63 p. 100 en 2000-2001, alors qu'il était de 78 p. 100 en 1997-1998. On ajoute que le taux d'échec est attribuable aux manquements aux conditions de plus en plus nombreuses imposées aux délinquants plutôt qu'à de nouvelles infractions.
C'est certainement le cas, mais une question se pose: cela tient-il au fait que de plus en plus de délinquants dangereux et d'auteurs de crimes graves ont reçu une condamnation avec sursis, ces derniers temps? Quoi qu'il en soit, le fait que le taux de réussite le plus récent que nous connaissons soit de seulement 63 p. 100 est étonnant, si on considère que les services de police et de probation ne font pas une surveillance proactive de ces délinquants. En somme, il semble que ces ordonnances ont un taux d'échec très élevé, même s'il n'y a pas de surveillance proactive suivie. À quel point le taux serait-il mauvais s'il y avait des contrôles corrects? C'est extrêmement troublant.
Quant aux infractions énumérées dans le projet de loi C-9, le rapport Martin's Hope du CCAA appuie la demande des nombreuses organisations qui réclament l'abrogation des dispositions sur les condamnations avec sursis. Nous avons été réconfortés lorsque, récemment, des peines minimales obligatoires ont été adoptées pour diverses infractions sexuelles contre les enfants, avec une abrogation comme résultat net: que les peines avec sursis ne soient plus permises pour ces crimes particulièrement graves commis contre des enfants. Un de mes anciens collègues a comparu au sujet de ce projet de loi.
Pour ce qui est de la liste des infractions pour lesquelles les condamnations avec sursis seraient interdites par le projet de loi C-9 , le critère étant une peine maximum de dix ans lorsque le ministère public procède par voie de mise en accusation, nous estimons que la barre est assez élevée.
Bien que notre organisation ait comme mandat de protéger les enfants, nous avons du mal à comprendre le tollé suscité par le fait que certains infractions figurent dans la liste. Le taux des crimes contre les biens a doublé depuis les années 1990 — et il s'agit du taux observé malgré le fait que bien des gens ne se donnent pas la peine de signaler les infractions, puisqu'ils ne font plus confiance au système de justice. De combien le taux serait-il plus élevé si tous ces crimes étaient signalés?
Pour bien des gens, les crimes en cause, comme les entrées par effraction, les fraudes et même le vol de bétail, ont tous un impact considérable sur des vies. Beaucoup sont traumatisés pour la vie lorsqu'on entre chez eux par effraction, qu'on saccage tout et qu'on vole leurs biens. Les fraudeurs s'en prennent aux personnes vulnérables ou trop confiantes. Souvent, ce sont les personnes âgées qui sont ciblées, et elle en restent brisées, réduites à l'indigence.
Quant au vol de bétail, nous croyons savoir qu'il en a été question au comité. Ce n'est peut-être pas d'un grand intérêt dans les milieux à l'aise d'Ottawa ou dans le chic quartier de Beaches où j'habite, à Toronto, mais pour les éleveurs de la Colombie-Britannique et de l'Alberta qui n'ont pas d'assurance, le problème est grave et leur vie et leurs moyens de subsistance sont en cause.
Soit dit en passant, quand j'ai traversé la belle région de Chilcotin, en Colombie-Britannique, il y a quelques années, j'ai remarqué un grand panneau qui disait: « Par ici, nous n'appelons pas la GRC pour les vols de bétail. » Je ne favorise pas ce comportement, mais le message est clair: ces gens ont renoncé, ils ne font plus confiance au système de justice pénale; ils prennent les choses en main. Voilà qui ne me semble pas très souhaitable.
De toute façon, nous pensons que le fait que le ministère public doivent procéder par voie de mise en accusation pour ces infractions mixtes et les possibilités actuelles d'examen accéléré de remise en liberté sous condition, garantissant la libération après le sixième de la peine sur examen de dossier pour certaines infractions n'ont pas placé la barre trop bas pour ceux qui s'inquiètent des appels proposés. En fait, un point nous inquiète dans le projet de loi, et c'est que des infractions commises contre des enfants ne sont pas visées. Ces infractions sont les voies de fait, les voies de fait causant des lésions corporelles et les agressions sexuelles, lorsque le ministère public procède par voie sommaire. Lorsque la victime est un enfant, ce sont des affaires graves, et nous pressons le comité d'envisager un amendement simple pour ajouter ces infractions, lorsque la victime est un enfant.
Une ou deux questions ont été soulevées. Si une condamnation avec sursis ne plaît pas au ministère public, pourquoi n'interjette-t-il pas appel? Les divisions d'appel, tout comme les cours d'appel, sont surchargées de travail et manquent de personnel. À nos yeux, il s'agit d'une solution tout à fait insatisfaisante. C'est la loi qui semble faire problème, et le Parlement doit intervenir.
Le projet de loi C-9 nuira-t-il aux initiatives de justice réparatrice? Aucunement. Dans la vaste majorité des cas, les occasions ne manquent pas d'appliquer la justice réparatrice bien avant le stade où un tribunal juge bon d'imposer une période d'emprisonnement à un délinquant. De plus, pour les délinquants qui finissent en prison, nous vous encourageons à insister sur le renforcement des initiatives de justice réparatrice sous garde, à établir un lien entre les réussites et l'obtention d'une libération conditionnelle, au lieu d'accorder celle-ci automatiquement, soit par examen accéléré, soit par libération d'office. Le résultat final est que le délinquant recevrait un double message de dénonciation et de dissuasion à cause de l'incarcération, et que des initiatives efficaces de justice réparatrice seraient liées à l'obtention de la libération conditionnelle.
La police ou le ministère public pratiqueront-ils la surinculpation pour éviter les peines avec sursis? Là encore, cette hypothèse nous semble peu réaliste. Le ministère public peut modifier les chefs d'inculpation proposés par la police et ne s'en prive pas. Ses avocats décident couramment de la façon de procéder, et le projet de loi C-9 ne les prive pas de cette latitude.
Je vais conclure en disant que le CCAA aurait préféré une modification plus importante des dispositions du Code sur les condamnations avec sursis, mais qu'il appuie le projet de loi proposé et se félicite de l'orientation choisie par le gouvernement. Je le répète, nous sommes le porte-parole de professionnels de première ligne dans le système de justice, de victimes d'actes criminels et de survivants. De plus, nous croyons que les Canadiens qui travaillent fort et respectent les lois sont dans l'ensemble favorables à ce genre de modification ciblée. Nous n'estimons pas que ce projet de loi obéit à des considérations idéologiques, mais plutôt au souci d'une meilleure sécurité publique et du principe de la proportionnalité dans le système de justice, qui reconnaît l'impact sur les victimes d'actes criminels, les collectivités et la société dans son ensemble.
Le CCAA est en faveur de l'adoption rapide du projet de loi tel quel et invite le comité à étudier les amendements que nous avons proposés afin que soient pris en considération les voies de faits, les voies de fait causant des lésions corporelles et les agressions sexuelles, dans le cas des infractions mixtes où il est procédé par déclaration sommaire de culpabilité, lorsque la victime est un enfant.
Merci de nous avoir permis de participer à ce très important processus démocratique.
:
Bonjour, mesdames et messieurs.
[Français]
Je vous remercie de me donner l'occasion de vous adresser la parole ici aujourd'hui.
[Traduction]
Je vais imiter ceux qui m'ont précédée et vous expliquer brièvement pourquoi je suis là.
Je suis criminaliste et j'enseigne la détermination de la peine à Montréal. J'ai étudié le droit à McGill de 1979 jusqu'à l'obtention d'un premier diplôme en 1982 et d'un deuxième en 1983. J'ai été admise au Barreau du Québec en 1984. J'ai donné des cours ou des conférences à l'Université de Montréal, à Concordia, à l'Université McGill, dans le cadre du cours d'admission au Barreau, au Québec, du programme national de justice pénale de la Fédération des professions juridiques du Canada et de la formation d'avocats sur la scène internationale. J'ai notamment travaillé avec nos amis de l'Association du Barreau canadien, où il m'a été donné de présider la Section nationale de droit pénal, ce qui a été un plaisir.
Vous entendrez le point de vue de gens qui ont beaucoup plus de détails à donner et de choses à dire que moi. Ce que je tiens à faire, c'est poser quelques-unes des questions qui me hantent depuis que j'ai entendu parler du projet de loi C-9 et que je l'ai lu.
Le projet de loi C-9 me préoccupe grandement, car le régime de détermination de la peine me préoccupe beaucoup, puisque j'y vois les rouages du système de justice pénale. Nous décidons qui a tort et dans quelle mesure. Dans tous nos tribunaux, il s'agit d'une occupation quotidienne, car selon les administrations, de 75 à 90 p. 100 des causes aboutissent à un plaidoyer de culpabilité. Mesdames et messieurs, la détermination de la peine est un élément essentiel de notre système de justice pénale, et elle est très révélatrice de la société canadienne.
Si l'enjeu ici, ce sont les crimes graves accompagnés de violence, je dirai respectueusement au comité que le projet de loi ne fera pas l'affaire. Il compliquera la justice pénale au Canada et la jettera dans la confusion. Il entraînera des incohérences au niveau des personnes et des administrations.
Au Canada, nous avons consacré beaucoup de temps et d'énergie à étudier la détermination de la peine: la Commission de réforme du droit, une commission royale sur la détermination de la peine, le rapport des Communes en 1988 intitulé Des responsabilités à assumer. Nous avons dépensé argent, temps et énergie à trouver des solutions pour que les Canadiens soient heureux dans une société sûre, avec une politique qui assure des peines justes. Ces diverses commissions ont abouti à des réformes, en 1994. Il y a eu notamment le projet de loi C-41, qui traitait des objectifs et des principes de la détermination des peines.
La dénonciation, la dissuasion, bien sûr, mais avec la réadaptation et la proportionnalité. Cette dernière notion est très simple: la peine doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant. Nous ne pouvons pas et nous n'allons pas imposer des peines dans l'abstrait.
Depuis 1994, nous avons légiféré sur les facteurs aggravants. Nous avons dit que, si le crime est motivé par la haine, la peine doit être plus lourde. Même chose pour la violence contre un conjoint ou un enfant. Ou encore s'il y a abus de pouvoir, abus de confiance ou si une organisation criminelle profite du crime. Tout cela se trouve dans le Code criminel. Nous avons apporté ces précisions petit à petit, au fil des ans, car nous voulons nous assurer que les crimes graves accompagnés de violence ne restent pas impunis. En 2002, pour lutter contre les invasions de domicile, nous avons dit qu'il y avait circonstance aggravante si quelqu'un s'introduisait par effraction dans un foyer en sachant que des gens s'y trouvaient.
Le loi évolue et définit les facteurs considérés comme aggravants. Comment allons nous évaluer le degré de responsabilité du délinquant? Et la loi a évolué pour tenir compte de solutions rechange efficaces pour remplacer l'incarcération.
Pourquoi ces réformes? On a constaté que le Canada avait un taux d'incarcération extrêmement élevé par rapport aux autres pays occidentaux du Commonwealth. Le Canada se situait à environ 153 pour 100 000 habitants — au deuxième rang, loin derrière les États-Unis qui en étaient à 600 ou 700. Et cela malgré les commissions qui, les unes après les autres, avaient dit que l'incarcération était un moyen brutal et inefficace dans bien des cas.
Le juge Vancise de la Cour d'appel de la Saskatchewan l'a souligné dans l'affaire MacDonald:
L'emprisonnement n'a pas rempli la fonction de base du système judiciaire canadien que décrivait le rapport du Comité canadien de la réforme pénale et correctionnelle, Justice pénale et correction, un lien à forger: « Il faut protéger la société du crime, d'une manière qui commande le respect du public, tout en évitant de porter inutilement préjudice au contrevenant. »
Nous devons cette déclaration à l'un des plus éminents juristes au Canada.
Nombre de ces études confirment également que la durée de la peine n'a pas d'effet dissuasif, que la certitude de l'arrestation et de la condamnation, et non la durée de la peine, sont l'élément de dissuasion le plus important en justice pénale.
Nos priorités, donc, et ce sont nos priorités à nous tous, sont la sécurité du Canada et le choix ou la conception de peines qui permettent de faire un usage judicieux des fonds publics — il s'agit de notre argent — pour atteindre les objectifs clés des peines, dont la dissuasion et la réadaptation.
Personne n'est en faveur du crime. Personne n'est insensible au traumatisme d'un couple âgé victime d'entrée par effraction; personne n'est indifférent aux ravages causés par les drogues dans notre société; personne n'accepte les crimes sexuels commis contre des enfants ou des adultes, des garçons ou des filles; personne ne croit que le vol de voiture doit rester impuni. Mais, comme l'a écrit récemment Julian Roberts, criminologue dont il a été question aujourd'hui: « On ne peut décider de la gravité d'une infraction avant qu'elle ne soit commise. »
Voilà le plus gros problème du projet de loi C-9: il crée arbitrairement une catégorie générale d'infractions pour lesquelles la condamnation à l'emprisonnement avec sursis sera exclue sans qu'on tienne compte en détail de la gravité de l'infraction ni de la responsabilité du délinquant.
On n'a peut-être pas voulu être arbitraire en ciblant toutes les infractions poursuivies par voie de mise en accusation et passibles d'une peine maximale de dix ans ou plus, mais le résultat est arbitraire. La condamnation à l'emprisonnement avec sursis serait exclue pour un témoignage contradictoire sous serment, si peu importantes puissent être les procédures. La possession non autorisée d'une arme à feu, peu importe les circonstances, au centre-ville de Toronto, par exemple, pourrait faire l'objet d'une condamnation avec sursis.
Bien des infractions sont passibles d'une peine maximale de dix ans, mais il y a là une gamme très étendue de situations qui sont loin d'être d'une égale gravité. L'homme qui touche le sein d'une adjointe au cours d'une fête de bureau est coupable d'agression sexuelle au même titre que celui qui, comme on disait autrefois, viole la secrétaire de 18 ans dans le parking.
Tous les cas de conduite en état d'ébriété ou de conduite dangereuse ne sont pas semblables. Le vieil homme qui recule sur l'accotement de la route et tue un motocycliste n'est peut-être pas dans la même catégorie que l'homme ivre mort, insouciant et négligent qui prend le volant et inflige à sa conjointe des blessures graves dont elle souffrira toute sa vie.
Le degré de préméditation et l'ampleur des pertes ne sont pas les mêmes dans tous les cas de fraude. Perdre 1 000 $ à cause d'une banque, c'est sérieux; mais perdre 100 000 $ des économies de toute une vie, c'est grave aussi.
Certaines des infractions visées par le projet de loi C-9 peuvent faire l'objet de poursuites par voie de mise en accusation. D'autres sont mixtes. Le ministère public fait le choix. Quel fardeau imposons-nous aux procureurs? Ce sont des salariés de l'État, souvent débordés et épuisés; ils ne sont pas nommés, comme nos juges, avec des garanties d'indépendance et d'impartialité. Doit-il revenir à un procureur de décider si l'accusé a une chance de participer à un programme de réadaptation dans le contexte d'une condamnation avec sursis? Quelles pressions allons-nous faire subir à ces fonctionnaires de justice en éliminant la possibilité de condamnations à l'emprisonnement avec sursis, lorsque la police ou la population réclame l'inculpation la plus grave?
[Français]
Je suis désolée, je parle trop vite, n'est-ce pas?
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Ce n'est pas juste pour les procureurs du ministère public et cela donnerait l'image d'une justice pénale arbitraire et injuste.
Que dire de l'image de nos juges? Ils ne s'expriment pas souvent en public — j'ignore s'ils sont venus témoigner —, mais ils doivent aussi craindre que le projet de loi C-9 ne lance comme message que nous ne leur faisons pas confiance puisque nous leur retirons toute latitude pour décider de ce qui est nécessaire à la sécurité des Canadiens.
Devant un délinquant qui mérite une condamnation avec sursis, mais qui a été inculpé par voie de mise en accusation, le juge pourrait être tenté d'imposer une peine trop légère, parce que la prison serait trop cher payé pour le délinquant, compte tenu du degré de gravité de l'infraction. Pourquoi éliminer un outil qui a servi dans 55 000 causes depuis 1996?
Certes, il y a eu des cas où la condamnation à l'emprisonnement avec sursis ne semblait pas suffisante, et les médias semblent le montrer, mais des études ont montré que, lorsqu'on présente aux Canadiens une bonne information sur les détails d'une affaire, ils sont souvent en désaccord avec la presse et reconnaissent le bien-fondé de la peine. Les juges connaissent toute l'information; ils ont toute la preuve. Il est rare que la preuve soit simple; il ne suffit pas de dire qu'un être méprisable a fait quelque chose de condamnable. Parmi les faits, il a divers facteurs: toxicomanie, difficultés d'apprentissage, maladie mentale, problèmes sociaux, désespoir, problèmes exigeant une thérapie, personnalités complexes qui peuvent tout de même continuer à fonctionner correctement dans la société. Ce sont les juges qui sont les mieux placés pour faire cette évaluation.
Pourquoi faire disparaître un outil qui n'a pas été inventé ici? L'Europe utilise avec succès depuis longtemps les condamnations à l'emprisonnement avec sursis. Or, les pays d'Europe ont des taux de violence plus faibles que les nôtres ou que ceux de nos amis américains. Nos voisins n'ont jamais essayé les condamnations à l'emprisonnement avec sursis. Voulons-nous vraiment faire comme eux, remplir les prisons sans que cela fasse pour autant diminuer la violence dans la société?
La condamnation à l'emprisonnement avec sursis, et je termine là-dessus, a apporté au Canada des changements importants que le comité voudrait peut-être connaître. Les juges ont refusé d'appliquer cette peine tant que les services de probation n'ont pas eu le financement nécessaire. Les provinces ont donc fourni ces ressources pour que les condamnations avec sursis soient appliquées. Cette peine a été utilisée lorsque la probation ne suffisait pas. C'est ce que la Cour suprême du Canada a dit. Il ne faut pas confondre. Ce n'est pas la même chose que la probation. Cette peine a été utilisée lorsque la probation ne suffisait pas, mais que moins de deux ans d'emprisonnement étaient suffisants. Voilà les paramètres. Elle n'est pas utilisée pour tous les crimes.
Devant le comité, on a comparé la condamnation avec sursis à la probation, prétendant que c'était la même chose. Il n'en est rien, mesdames et messieurs. Dans le cas de la condamnation avec sursis, un manquement suivi par un fait qui survient entre-temps est puni par une peine consécutive, et cela est impossible avec une ordonnance de probation. La peine avec sursis est un moyen beaucoup plus sévère, plus ferme qu'on ne le prétend dans certains milieux de faire régner l'ordre public.
J'ai discuté avec des victimes comme policier en service et aussi pendant les six années que j'ai passées à l'Office des affaires des victimes d'actes criminels, où nous gérions des affaires complexes dans lesquelles des victimes étaient écartées par les intervenants du système de justice. Il y a également mon travail au Canadian Centre for Abuse Awareness, bien sûr. Ces victimes sont exaspérées.
Bien des gens ne voient pas comment une peine purgée chez soi peut être proportionnelle à la gravité de l'infraction. Ce n'est pas seulement l'opinion des victimes, des survivants ou des professionnels de première ligne de la justice pénale, mais aussi celle des simples citoyens qui travaillent fort, des gens avec qui mon travail à l'organisation me met en contact régulièrement. Quand on leur dit que l'emprisonnement avec sursis est une peine d'emprisonnement, ils n'en reviennent pas; ils ne comprennent pas; cela leur semble illogique. À dire vrai, pour les gens ordinaires, la moyenne des gens, les Canadiens qui travaillent fort, cela ne tient pas debout. Cela ne tient pas debout pour moi non plus, et j'ai travaillé dans le système de justice pendant plus de 30 ans. Certains d'entre vous pensent que je veux m'attaquer au problème à coups de massue, mais je comprends les nuances du système.
Je reviens en arrière et je répète que les juges excellent à vérifier les faits, mais je crois que, de façon générale, au Canada, ils ne savent plus répondre aux besoins de la collectivité, des victimes d'actes criminels, des Canadiens sur le plan de la justice et de la sécurité de la population.
Mme Schurman a dit que la prison était un échec. C'est à cause de la façon dont les peines sont infligées au Canada. C'est parce qu'il y a automatiquement libération conditionnelle une fois purgé le sixième de la peine. Cela ne veut rien dire; cela n'apprend rien au délinquant et ne le rend pas responsable. La libération conditionnelle automatique est garantie aux deux tiers de la peine, même pour les crimes les plus graves, les plus violents. C'est la libération d'office. Le délinquant sort de prison même s'il a enfreint 200 fois les règles de l'établissement. Autrement dit, même si vous avez été un mauvais garnement en prison, on vous laisse sortir. Pas plus compliqué.
On ne fait pas ça avec son fils ou sa fille lorsqu'ils s'écartent du droit chemin. On ne dit pas: « Tu as été exécrable pendant ces deux dernières semaines. La punition de trois semaines que je t'ai donnée, je vais la réduire, parce que tu as été exécrable. » Voilà ce que nous faisons au Canada. Pas étonnant que la prison ait été un échec retentissant.
Aux États-Unis, pas de surprise non plus. Je comprends que bien des choses ne tournent pas rond au sud de notre frontière, et nous pourrions avoir des heures de débat là-dessus. Mais lorsque les Américains remarquent un petit groupe de délinquants qui commettent un nombre disproportionné de crimes et qu'ils les mettent derrière les verrous, le taux de criminalité diminue, et il diminue radicalement.
Si nous retenions certains de ces enseignements et les appliquions au Canada, si nous appliquions le projet de loi C-9 sur les peines avec sursis, si nous nous occupions de divers autres problèmes de libération conditionnelle et de détermination de la peine signalés dans notre rapport Martin's Hope, nous pourrions faire baisser le taux de criminalité, améliorer la sécurité publique et — car ce n'est pas incompatible — faciliter la réadaptation des délinquants.
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Merci, monsieur le président.
Au revoir, monsieur Mauser, et merci.
À tous les autres, merci de vos interventions d'aujourd'hui. Il est agréable de vous accueillir.
Il est maintenant acquis qu'il n'y a personne ici, quelle que soit son allégeance politique ou sa position sur... Au fond, nous essayons tous de nous rappeler qu'il y a des victimes et qu'elles ont besoin d'aide. Il y a trop de victimes, et il faut que cela cesse.
C'est la population qui juge de tout ce que nous faisons. Depuis que je siège aux Communes, c'est-à-dire depuis 13 ans, des pétitions totalisant des millions de signatures — pas des milliers — nous demandent de lutter contre le crime. Ces pétitions nous viennent de ceux qui paient la note, qui paient nos salaires, que nous devons servir, et ils ne sont pas satisfaits du système de justice tel que nous le connaissons aujourd'hui.
Si nous osions faire un sondage, nous n'obtiendrions pas une très haut niveau d'approbation pour notre système de justice, et je ne crois pas qu'un seul d'entre nous en doute. Chose certaine, nous n'aurions pas l'approbation de ceux qui essaient de faire respecter nos lois. J'ai des contacts avec beaucoup de services de police, beaucoup d'agents de la force publique qui sont exaspérés de voir ressortir aussitôt ceux qu'ils confient au système de justice et qu'ils doivent réarrêter à répétition.
J'observe la situation de près depuis 1993, depuis que je siège aux Communes, et les crimes qui sont à la hausse sont ceux qui sont commis contre des enfants. C'est absolument pitoyable. À Toronto, il a fallu mettre en place des unités pour lutter contre la pornographie juvénile. Vous savez très bien, John, de qui il s'agit et à quel point ils ont dû travailler fort. La pornographie juvénile — et tout ce qui s'y rattache — est devenue une industrie de 1 milliard de dollars. Comment est-ce possible? Je ne crois pas que cela se serait produit si nous avions un bon système de justice solide. C'est un échec. Si le problème atteint ces proportions, c'est que nous laissons tomber nos enfants.
Considérons le système de justice. Des agriculteurs sont mis en prison parce qu'ils ont vendu leur propre grain. Pas du grain volé. Le leur. Ils vont tout droit en prison et nous sévissons. Le braconnier qui tue un wapiti hors saison va directement en prison. On n'ose pas faire ce genre de chose. Par contre, si on vole du bétail dans ma région... Les éleveurs dressent des panneaux qui disent: Avis aux voleurs de bétail: nous ne faisons pas le 911, nous appelons Smith & Wesson. Lorsqu'un système de justice suscite ce genre de réaction, c'est que la population est mécontente. Nous faisons donc un effort pour lui montrer que nous tenons à faire quelque chose.
Heureusement, j'ai exercé par le passé une profession qui était au sommet de la liste de popularité. J'étais enseignant et entraîneur, et tout le monde m'aimait. Je vais en politique et je me retrouve soudain tout en bas, au même rang que les vendeurs de voitures d'occasion, les avocats et le reste des politiciens, parce que la population a l'impression que nous avons manqué à notre devoir, que nous y avons manqué lamentablement.
Je vous dirai à vous tous, et surtout à l'Association du Barreau, que nous tenons à la réadaptation, qu'il faut faire de notre mieux, mais que notre grande préoccupation, ce doit être la victime. Il le faut. Si nous ne montrons pas à la population que nous nous intéressons aux victimes, que c'est notre grande préoccupation lorsque nous faisons des efforts de réadaptation et tout le reste, nous allons sans cesse perdre du terrain. Nous ne pouvons pas laisser les délinquants gagner encore du terrain. Cela suffit. Voilà dans quel esprit il faut voir le projet de loi à l'étude.
À mon avis, le projet de loi C-9 est une mesure modeste qui va dans le bon sens, si nous voulons rétablir l'équilibre, pour que notre société fasse un peu confiance à ce que nous faisons. Cette confiance n'existe plus, c'est certain. Le projet de loi est un progrès dans le bon sens si nous voulons rétablir cette confiance. Ce n'est pas le fin du fin. Je sais qu'il y a beaucoup à faire.
Je ne souhaite certainement pas la disparition des peines avec sursis. Il y a des cas où c'est la bonne solution. Mais le comité et la Chambre essaient d'y voir le plus clair possible.
Merci de vos témoignages. Je ne suis pas d'accord avec certains d'entre vous, mais je suis d'accord sur bien des choses que vous avez dites.
Je n'attends pas de réponse à des questions. Je souhaite simplement que vous pensiez à la population. Nous l'avons beaucoup mécontentée, et nous faisons mieux de commencer à régler le problème. Nous avons besoin de gens comme vous pour nous y aider.
Merci.
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Merci. Je m'adresse à M. John Muise, mais je demanderais aussi l'opinion des deux autres témoins qui sont présents.
Premièrement, je pratique le droit à Québec depuis une trentaine d'années. J'ai un bureau d'avocats qui travaillent dans le domaine criminel. Je peux vous dire par expérience — je le confirme — que lorsque la Couronne nous offre une peine d'emprisonnement avec sursis, le client l'accepte tout de suite. Personne ne me fera dire le contraire. J'ai assez d'expérience dans le domaine, même si ce n'est pas une expérience policière.
Je suis maintenant aussi un parlementaire. Je peux donc vous affirmer ceci: on dit que la société n'est pas violente — je reviens aux propos de M. Muise —, mais dans certaines écoles de la province de Québec, il faut la présence de policiers à plein temps, justement parce qu'il y a de la violence.
Deuxièmement, lorsqu'on parle d'une série de crimes violents, certains ne semblent pas violents à première vue, comme la consommation de drogue. On dit toujours que la pauvre petite personne qui fume un petit joint tous les jours ne fait rien de grave parce qu'il ne s'agit pas de trafic. Toutefois, si un ou deux millions de personnes au Canada fument leur petit joint tous les jours, cela veut dire que la pègre fait de l'argent. On tombe donc dans le crime organisé. Il ne faut donc pas penser que, parce que je fume un petit joint, je n'encourage pas le crime organisé.
Un autre point de vue nous a été présenté. Monsieur Muise, vous nous parlez beaucoup de crimes violents et, naturellement, j'abonde dans votre sens. On parle de vol de courrier, car on sait qu'il est question du vol de courrier. On a fait toutes sortes de simagrées parce qu'il ne pourra plus y avoir de sentences avec sursis pour le vol de courrier.
Dans ma province, lorsqu'une personne âgée de 58 ans reçoit une prestation d'invalidité de l'aide sociale, son chèque est de 892 $ par mois. Bien souvent, elle ne réside pas en ville et le facteur lui livre son chèque. Imaginons qu'un bandit lui enlève son chèque, qu'il lui vole son courrier. Je vous jure que ce n'est pas drôle, pour cette dame de 58 ans. Elle doit aller revoir son travailleur social pour se faire émettre un nouveau chèque rapidement. Elle a de la difficulté parce qu'elle est malade. Ce vol de moins de 1 000 $ devient effrayant et pourtant, il ne s'agit que de vol de courrier.
Nous sommes tous autour de la table et nous essayons depuis le début de travailler pour les prévenus, qui deviennent des condamnés au moment de leur procès, mais nous ne discutons pas des victimes. Les victimes sont importantes pour moi, et c'est à ce sujet que je voudrais vous entendre, monsieur Muise.
Depuis que l'emprisonnement avec sursis a été rendu possible, en 1996, pourriez-vous me dire s'il y a eu beaucoup de violence avec des armes à feu au Canada? Quel est l'effet de l'emprisonnement avec sursis sur la violence avec des armes à feu?