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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 056 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 22 mars 2007

[Enregistrement électronique]

(0900)

[Traduction]

    Je déclare ouverte la séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
    Je demande aux membres du comité de prendre place, de même qu'aux témoins, à l'avant de la table.
    Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 30 octobre 2006, nous étudions le projet de loi C-22, Loi modifiant le Code criminel (âge de protection) et la Loi sur le casier judiciaire en conséquence.
    Nous avons une liste de témoins. La GRC comparaîtra, mais n'est pas encore arrivée. Du Service de police de Toronto, nous accueillons Kim Scanlan, sergent d'état-major détective de l'Unité des crimes sexuels. De l'Association canadienne des policiers, nous recevons Tony Cannavino, président, et David Griffin, agent exécutif. De l'Alliance évangélique du Canada, nous avons Doug Cryer, directeur pour la politique publique, et Don Huchinson, avocat général. Nous accueillons aussi Carrie Kohan, défenseure des droits de l'enfant et fondatrice de Mad Mothers Against Pedophiles et cofondatrice de Project Guardian. Bienvenue à tous.
    Nous suivrons l'ordre qui est donné sur l'avis de convocation, en commençant par Mme Kim Scanlan, du Service de police de Toronto.
    Vous avez la parole.
    Merci pour cette occasion de vous parler. Je suis ravie de partager avec vous l'expérience du Service de police de Toronto, particulièrement dans le domaine dont je m'occupe, l'exploitation sexuelle des enfants et la section spéciale des victimes de crimes sexuels. Ces deux secteurs sont responsables des enquêtes et des arrestations liées aux infractions de nature sexuelle commises contre des enfants, y compris les crimes impliquant le recours à Internet et la prostitution de rue. Plus important encore, l'objectif de ces deux services est de trouver, sauver et soutenir les personnes vulnérables, surtout les femmes et les enfants.
    D'emblée, il faut dire clairement que notre appui au projet de loi C-22 haussant l'âge de protection, en le faisant passer de 14 à 16 ans, n'est pas destiné à criminaliser des activités sexuelles consensuelles entre jeunes personnes. Nous appuyons ce projet de loi afin de faciliter le repérage et la mise en accusation d'adultes qui décident d'exploiter sexuellement des jeunes vulnérables de 14 et 15 ans.
    J'aimerais qu'on parle de la façon dont les jeunes de 14 et 15 ans sont vulnérables. Il y a tout d'abord le recours et l'accès accru à Internet. Les jeunes vivent dans le monde d'Internet et y ont des réseaux sociaux, alors que ce n'est pas le cas pour la plupart de leurs parents. Les parents ne sont pas toujours conscients du fait que leurs enfants sont en ligne et ne savent pas à qui ils s'adressent. Ils ne voudraient pas que leurs enfants parlent à des étrangers, mais c'est une chose impossible à éviter sur Internet. Dans un sondage Microsoft-Ipsos Reid publié en janvier dernier, 25 p. 100 des jeunes de 10 à 14 ans affirmaient ne pas craindre de rencontrer une personne à qui ils n'avaient parlé jusque là que virtuellement.
    Les prédateurs sexuels ont une connaissance approfondie des ordinateurs et de la technologie. Ils consacrent énormément de temps à la réalisation de leurs fantasmes, soit d'avoir une relation sexuelle avec une jeune personne. Les prédateurs sexuels ont leur propre réseau et connaissent très bien les techniques de séduction et de leurre. Ces capacités donnent lieu à des abus sexuels et à de l'exploitation.
    La vulnérabilité des jeunes de ce groupe d'âge m'a été clairement démontrée par les agents doubles les plus expérimentés du Canada. Pendant des années, ces agents qui représentent diverses provinces se sont fait passer en ligne pour des jeunes de  12 et 13 ans, et m'ont fait rapport. Dans les salons de clavardage entre pairs, les prédateurs sexuels discutent ouvertement de l'âge du consentement assez bas au Canada. Certains des hommes qui ont été arrêtés pour possession et distribution de pédopornographie ou pour leurre par Internet connaissaient très bien la loi canadienne en matière d'infractions de nature sexuelle. Le Canada est devenu une destination de tourisme sexuel et les pédophiles ont ouvertement cherché des occasions de rencontrer des jeunes adolescents canadiens, garçons et filles, pour avoir des relations sexuelles avec eux.
    Les agents doubles affirment que lorsqu'ils se font passer pour des jeunes de 13 ans, dans 100 p. 100 des cas, les conversations entamées avec eux en viennent très rapidement à porter sur la sexualité. Habituellement, il faut moins d'une minute. Certains prédateurs, croyant avoir affaire à un garçon ou à une fille de 13 ans, ont essayé d'entretenir la relation avec l'agent double pendant des mois, impatients qu'il atteigne l'âge du consentement, soit 14 ans.
    Nous avons aussi procédé à un examen sur deux ans des données d'arrestations pour agression sexuelle du Service de police de Toronto, en nous concentrant sur les contrevenants qui ont été arrêtés en 2005 et en 2006, peu importe la date à laquelle l'infraction avait été commise. Voici les résultats obtenus. Il s'agit d'un total de 1 956 dossiers d'arrestation. Il s'agit du nombre de personnes arrêtées, sans dédoublement. La date des infractions pouvait remonter à 1965. Certains cas historiques ont été présentés. Pour les victimes de moins de 18 ans, 75 p. 100 des contrevenants étaient des adultes, et pour toutes les victimes d'une agression sexuelle, le groupe le plus important était celui des 14 et 15 ans. Je répète, les jeunes de 14 et 15 ans étaient plus souvent victimes d'une agression sexuelle que tout autre groupe d'âge, et si l'on combine ces deux âges, cela représente 10 p. 100 des 1 956 victimes.
(0905)
    Nous le savons, les infractions de nature sexuelle sont rarement signalées à la police, seulement dans 10 à 25 p. 100 des cas. En extrapolant, même à 25 p. 100, pour le nombre de victimes qui ont porté plainte, on peut présumer qu'il y a 1 500 autres victimes à Toronto dont nous ignorons tout, y compris des centaines d'adolescents de 14 et 15 ans.
    L'adoption du projet de loi C-22 signifierait pour les tribunaux que les victimes d'agression sexuelle de 14 et 15 ans n'auraient plus à composer avec la question du consentement; il s'agirait seulement de savoir si un acte sexuel a eu lieu. La responsabilité de l'exploitation sexuelle incombe au contrevenant, et ce changement faciliterait alors les plaintes des victimes.
    Nous nous sommes aussi penchés sur le nombre de personnes portées disparues ou vues pour la dernière fois à Toronto. Juste en 2006, il y a 5 861 déclarations de personnes disparues, cela sans compter les fugueurs à répétition et d'autres personnes qui sont disparues plus d'une fois. Du nombre, les adolescents de 14 ans représentent 10 p. 100 et les jeunes de 15 ans, presque 20 p. 100. En combinant ces deux groupes d'âge, on a 1 700 déclarations de jeunes personnes disparues pour Toronto seulement.
    Il y a donc, en tout temps, dans des villes comme Toronto, des centaines de fugueurs adolescents vulnérables, de 14 et 15 ans. Ils deviennent la proie de prédateurs sexuels qui ne demandent qu'à en profiter. Les membres de gangs de rue et les membres du crime organisé recrutent les adolescents fugueurs pour leurs activités de trafic de stupéfiants et de commerce du sexe.
    Parmi ces jeunes, il y a des adolescents canadiens ou étrangers qui sont bernés ou forcés de devenir des victimes de la traite des personnes. La plupart des jeunes prostitués sont bien cachés, opérant à partir de maisons de débauche que les policiers ont du mal à repérer.
    En faisant passer l'âge du consentement, l'âge de protection, à 16 ans, on pourra mieux protéger les jeunes adolescents qui se trouvent dans des situations de vulnérabilité. Il serait plus difficile d'obtenir qu'ils consentent à des relations sexuelles, et leurs prédateurs devraient envisager les nouvelles conséquences judiciaires.
    J'aimerais faire quelques recommandations qui pourraient nous aider.
    Il faut insister davantage sur la dissuasion, en imposant des peines d'incarcération plus longues, assorties d'interdictions, pour ceux qui choisissent de bafouer nos lois et d'exploiter des enfants.
    Les victimes ont besoin d'une meilleure protection, comme dans les cas de violence conjugale, sous forme de procès accéléré et de protection des témoins. Les victimes ne doivent pas être davantage accablées par leur participation au processus judiciaire.
    Il faut un meilleur financement des unités d'enquête sur l'exploitation des enfants. Un financement direct des services policiers dans ce domaine est toujours nécessaire. Le nombre d'arrestations, le nombre d'identifications et de sauvetages des victimes sont directement proportionnels à l'investissement dans ce secteur.
    Il faut aussi du financement et des ressources pour les organismes communautaires qui donnent un appui aux jeunes avant qu'ils deviennent des victimes mais aussi après qu'ils aient été victimes de sévices ou qu'ils soient devenus toxicomanes.
    Il faut du soutien pour les adolescents, avant et après leur rencontre d'un agresseur éventuel; avant et après leur fugue, qui les fait passer de leur foyer à la rue; avant et après la prostitution comme seul gagne-pain; avant et après le début de la toxicomanie; avant et après la détérioration de leur santé par des maladies transmissibles sexuellement; avant que le suicide semble être la solution. Cela me rappelle l'enquête en cours actuellement à Winnipeg, dans l'affaire de la jeune prostituée Tracia Owen, 14 ans. Il faut aussi du soutien avant leur décès prématuré.
    Il faut aussi du soutien à l'éducation continue. Tout le monde doit être renseigné sur ces questions: la sécurité sur Internet, la sexualité sans risque, les maladies transmissibles, la façon de porter plainte pour agression et les ressources qui sont offertes.
    Les ONG doivent être encouragées à faire tout ce qu'elles peuvent pour protéger nos jeunes. Il ne devrait pas être nécessaire de légiférer pour forcer la collaboration avec la police; cela devrait se faire simplement parce que c'est la chose à faire.
    Le Canada doit être plus proactif lorsqu'il s'agit de protéger des personnes vulnérables, surtout les femmes et les enfants. Nous n'avons pas atteint notre plein potentiel et il faut travailler davantage. Toute forme d'exploitation sexuelle est inacceptable et doit être stoppée, au moyen de toutes les ressources dont nous disposons.
    J'ai moi-même deux jeunes adolescents et je crois que cette loi est particulièrement importante pour m'aider à les protéger. En tant que policière, je crois que l'adoption du projet de loi C-22 sur l'âge de protection est un pas dans la bonne direction et un outil supplémentaire pour les forces de l'ordre, dans le but d'assurer la sécurité des enfants canadiens.
    Merci.
(0910)
    Merci, madame Scanlan.
    Nous passons maintenant à l'Association canadienne des policiers, représentée par M. Tony Cannavino.

[Français]

    Bonjour, mesdames et messieurs.
    L'Association canadienne des policiers est heureuse d'avoir l'occasion de présenter ses observations à l'égard du projet de loi C-22 au Comité parlementaire permanent de la justice et des droits de la personne.
    L'ACP est le porte-parole national de 54 000 membres du personnel policier à la grandeur du Canada. Par l'intermédiaire de nos 170 associations membres, les adhérents à l'ACP comprennent le personnel policier desservant tant les plus petits villages que les grandes agglomérations urbaines au sein de services policiers municipaux et provinciaux, ainsi que des associations de membres de la GRC et des associations de la police des premières nations.
    La protection des enfants du Canada constitue un dossier dont se préoccupent primordialement l'ACP et nos membres. À cet égard, l'ACP préconise depuis fort longtemps que le Parlement majore l'âge de consentement de 14 à 16 ans.
    Le gouvernement avait inclus son engagement de mettre de l'avant ce projet de loi dans son programme en matière de justice lors des dernières élections fédérales, et nous sommes heureux de constater que le gouvernement donne suite à cet engagement. Nous sommes également heureux de constater que tous les autres partis siégeant à la Chambre des communes s'avèrent généralement en faveur des principes contenus dans ce projet de loi.
    Les Canadiens aussi appuient les initiatives visant à majorer l'âge de consentement de 14 à 16 ans. En 2002, un sondage Pollara auprès de la population canadienne révélait que 72 p. 100 des répondants étaient d'accord pour majorer l'âge de consentement de 14 à 16 ans.

[Traduction]

    Le Canada traîne derrière la plupart des pays industrialisés en ce qui a trait à la protection de nos enfants par le biais de dispositions régissant l'âge de consentement. Parmi les pays dont l'âge de consentement est fixé à 16 ans ou plus, mentionnons les suivants: la Belgique, Hong Kong, la Finlande, les Pays-Bas, la Norvège, la Russie, Singapour, l'Ukraine et le Royaume-Uni. L'âge de consentement de 16  ans ou plus est également en vigueur dans la plupart des États aux États-Unis et en Australie. Plusieurs de ces pays prévoient en plus des dispositions relatives à « des personnes d'âge semblable » afin de préciser qu'il s'agit de relations consenties entre jeunes personnes d'âge semblable.
    La croissance d'Internet a sensiblement multiplié les possibilités d'accès à la pornographie juvénile et facilite la tâche aux pédophiles qui tentent de trouver de nouvelles victimes. Malheureusement, en raison des lois canadiennes actuelles, certains prédateurs sexuels étrangers considèrent le Canada comme une destination de tourisme sexuel impliquant des enfants. Les responsables de l'application des lois signalent une augmentation du nombre de pédophiles qui contactent par Internet des jeunes au Canada, en raison de l'âge de consentement si inférieur à celui d'autres pays, et qui se rendent par la suite dans notre pays à des fins sexuelles.
    Ceux qui feraient une proie de nos enfants par le truchement d'Internet ou d'autres moyens comprennent qu'au Canada, une personne plus âgée qui n'est pas en situation de confiance ou d'autorité ne commet aucune infraction en ayant des relations sexuelles avec un enfant de 15 ans.
    Même si les familles canadiennes comptent davantage d'internautes par habitant que tout autre pays au monde, le Canada traîne loin derrière d'autres gouvernements en matière de mesures contre l'exploitation sexuelle des enfants par Internet. Selon une étude menée par l'organisme Jeunes Canadiens dans un monde branché, 99 p. 100 des jeunes affirment avoir utilisé Internet; un enfant sur quatre s'est fait demander un rendez-vous par un étranger; 15 p. 100 de tous les jeunes usagers d'Internet ont donné rendez-vous à au moins une personne dont ils avaient fait la connaissance par Internet et seulement 6 p. 100 d'entre eux étaient accompagnés d'un parent ou d'un autre adulte lors du rendez-vous. Un jeune sur quatre a reçu par Internet de la pornographie en provenance d'un étranger.
    Les policiers sont heureux des modifications introduites dans le projet de loi C-22 qui constituent un autre outil qui contribuera à protéger nos enfants contre l'exploitation sexuelle par des personnes plus âgées. Le projet de loi C-22 transmet un message aux prédateurs, les avertissant que les enfants canadiens ne leur sont plus offerts en proie. Ce projet de loi renforcera la façon dont les policiers enquêtent sur l'exploitation des enfants et munira la police des outils qui s'imposent pour intervenir lorsque des personnes plus âgées essaient d'avoir des activités sexuelles avec des enfants âgés de 14 à 16 ans.
    L'Association canadienne des policiers recommande que le Parlement procède avec célérité à l'adoption du projet de loi C-22, de sorte que les modifications qu'il renferme entrent en vigueur.
    Merci beaucoup.
(0915)
    Merci, monsieur Cannavino.
    Et maintenant, de l'Alliance évangélique du Canada, M. Doug Cryer.
    Merci, monsieur le président et membres du comité.
    Monsieur le président, vous avez aujourd'hui des raisons d'être fier. Je crois que c'est en 1994 que vous avez déposé un projet de loi semblable, pour la première fois, et vous êtes maintenant président du comité qui l'étudie. Rappelons que vous avez été élu en 1993, et que les enfants qui sont nés cette année-là ont maintenant 14 ans. C'est donc un moment important.
    Aux autres membres du comité, je vous remercie de l'appui que je crois que vous donnez à ce projet de loi.
    L'Alliance évangélique du Canada est l'association nationale des chrétiens évangéliques. Nos affiliés sont de 40 confessions et de plus de 75 ministères comme la Billy Graham Evangelistic Association, l'International Justice Mission dont vous avez pour beaucoup rencontré des membres, Vision mondiale Canada et de nombreux autres ministères communautaires qui travaillent directement avec les victimes de sévices durant leur enfance et d'agressions sexuelles. Nous comptons aussi parmi nos membres 35 établissements d'enseignement postsecondaire et plus de 1 100 églises. On estime en général qu'au Canada, il y a plus de 3 millions de Canadiens qui se considèrent comme évangéliques.
    L'AEC défend depuis longtemps la protection des personnes vulnérables, particulièrement des enfants. Nous étions des intervenants devant la Cour suprême dans l'affaire Sharpe et nous avons ainsi contribué à la décision de la cour de maintenir les dispositions du Code criminel du Canada en matière de pornographie juvénile.
    Nous avons présenté des mémoires au Comité permanent de la justice sur le projet de loi C-20 en octobre 2003, en avril 2005 quand le projet de loi a été déposé à la 38e législature sous le numéro C-2, soit la Loi pour la protection des enfants et d'autres personnes vulnérables. Nous avons aussi fait des représentations auprès du ministère de la Justice et du ministre de la Justice au sujet de la pornographie juvénile, de la prostitution juvénile et de l'âge du consentement.
    Notre intérêt pour la protection des enfants découle du mandat biblique de défense des personnes vulnérables. Nous croyons que Dieu a créé toutes les personnes à son image et qu'il aime chacune d'elles. C'est ce qui fonde notre croyance dans la valeur de chaque personne. De ce respect pour la dignité humaine vient notre désir de traiter chaque être humain comme une personne ayant une valeur inhérente, et non comme un objet ou un jouet.
(0920)
    Les enfants comptent parmi les personnes les plus vulnérables de la société. Ils ont besoin de la protection, des conseils et des soins des adultes. Pour cette raison, la loi du Canada et la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, dont le Canada est signataire, définissent un enfant comme étant une personne de moins de 18 ans. La loi du Canada sur la pédopornographie confirme qu'un enfant est toute personne de moins de 18 ans.
    Les enfants sont de petite taille et de nature impressionnable, ce qui les rend plus vulnérables aux mauvais traitements. Les adultes qui maltraitent des enfants abusent de leur confiance. Quand un enfant n'est traité que comme un objet servant à assouvir les désirs sexuels d'un adulte, son identité personnelle s'en trouve compromise. L'Agence de santé publique du Canada, dans son rapport intitulé Adultes ayant survécu à des agressions sexuelles décrit l'expérience d'adultes ayant survécu à des sévices sexuels pendant leur enfance et fait état des dommages que ces mauvais traitements peuvent avoir toute la vie durant.
    L'âge auquel on peut consentir à des activités sexuelles avec un adulte au Canada à l'heure actuelle est peu élevé en comparaison avec les États-Unis et d'autres pays. Cela accroît le risque auquel font face nos enfants. Jusqu'à 1988, il était illégal pour un homme adulte d'avoir des relations sexuelles avec une femme vierge de moins de 16 ans. L'âge de consentement étant maintenant de 14 ans, le Canada est une destination de choix pour ceux qui veulent avoir des relations sexuelles avec des enfants.
    Par conséquent, l'Alliance évangélique du Canada applaudit à l'intention du législateur de vouloir offrir avec le projet de loi C-22 une meilleure protection juridique aux enfants et adolescents canadiens. Nous estimons que le dépôt du projet de loi C-22 traduit un engagement sans équivoque à l'égard de la protection des enfants canadiens contre ceux qui les considèrent comme une proie sexuelle — autant les prédateurs canadiens qu'étrangers.
    À titre de chrétiens et de membres d'une église, nous aspirons à une société sans sexualisation précoce des enfants. Les pasteurs et conseillers de toutes les régions du pays ont souvent eu à conseiller des adolescents ayant vécu des expériences sexuelles précoces et savent personnellement quels dommages cela peut causer.
    Nous sommes fermement convaincus que l'expression sexuelle la meilleure et la plus enrichissante est celle qui est vécue dans le cadre d'une relation conjugale à vie. Nous continuerons de promouvoir le rôle des parents et de leurs communautés spirituelles dans l'enseignement des valeurs qui façonnent la jeunesse, y compris la compréhension de leur identité sexuelle d'un point de vue chrétien.
    Dans un même temps, nous sommes conscients qu'il n'est pas facile pour les enfants de grandir à cette époque-ci et reconnaissons que l'exception de proximité d'âge prévue par le projet de loi guidera les tribunaux en matière de relations sexuelles entre adolescents.
    Certains ont dit craindre que ce projet de loi ne criminalise les relations entre adolescents qui seraient autrement, de leur avis, tout à fait saines et légitimes. Dans un article paru dans le magazine Maclean's du 4 juillet 2006, il est écrit, et je cite:
[...] les critiques craignent que, si cette loi entre en vigueur, on fasse fi de la situation unique et des besoins développementaux particuliers des adolescents.
    On cite ensuite un expert:
 «  [...] Quand il y a une limite arbitraire, on n'a pas la marge de manoeuvre nécessaire pour appliquer la loi de façon adaptée et individuelle », selon Peter Dudding, directeur exécutif de la Ligue pour le bien-être de l'enfance du Canada.
    Or, il faut reconnaître que toutes les lois fédérales et provinciales s'appliquant à un groupe d'âge précis prévoient une limite d'âge arbitraire, qu'il s'agisse d'obtenir son permis de conduire, de consommer de l'alcool ou d'acheter des cigarettes. Ces restrictions sont imposées à ce groupe d'âge parce que la société sait qu'il lui incombe de protéger les enfants. À quel âge a-t-on la maturité nécessaire pour s'engager dans des activités qui pourraient avoir des conséquences permanentes? Outre la question de la maturité, il y a des questions de santé et de sécurité associées à chacune de ces activités et c'est pourquoi il faut avoir un certain âge pour s'y adonner en toute légalité.
    Il importe de noter que Statistique Canada signale que le fait d'avoir ses premières relations sexuelles jeunes augmente le risque de contracter une maladie transmise sexuellement. Ceux qui ont eu des relations sexuelles avant l'âge de 13 ans étaient deux fois plus susceptibles de signaler avoir contracté une MTS que ceux qui avaient eu leur première relation sexuelle plus vieux. Diverses études faites par le gouvernement du Canada ont démontré que le risque accru de contracter une MTS et les autres effets préjudiciables de la sexualisation précoce de nos enfants peuvent avoir des répercussions permanentes; il est donc tout à fait raisonnable que notre société reconnaisse la nécessité d'imposer des limites à l'activité sexuelle des enfants et adolescents. C'est ce que tente de faire le projet de loi.
    On peut juger une société à la façon dont elle traite ses citoyens les plus vénérables. Selon Statistique Canada, en 2003, six agressions sexuelles sur dix signalées à la police impliquaient un enfant ou un adolescent, même si ceux-ci ne représentent que 21 p. 100 de la population. Ces statistiques nous prouvent clairement que notre société doit faire davantage pour protéger ses enfants. Leprojet de loi C-22, en disant « pas touche », concrétise cette protection accrue.
    Récemment, une affaire a fait les manchettes. Un enseignant qui avait été reconnu coupable aux États-Unis d'agression sexuelle d'une adolescente s'est vu offrir le choix entre deux peines: la prison aux États-Unis ou trois ans d'exile au Canada, pays où il est actuellement permis pour un adulte d'avoir une relation avec une adolescente de 15 ans. Manifestement, il faut uniformiser les règles de nos pays frontaliers. En relevant l'âge du consentement à 16 ans, on aura une mesure de protection de plus pour nos enfants.
    Hier, dans le Ottawa Citizen, on rapportait l'arrestation d'un homme de Vanier qui cherchait sur Internet des jeunes filles pour en faire ses victimes. Il a été arrêté après avoir pris des dispositions pour rencontrer une adolescente de 13 ans. Mais que se serait-il passé si cette adolescente avait eu 14 ans.
    Il a déjà été fait allusion au sondage qu'à effectué en mai la firme Pollara sur les opinions des Canadiens sur les lois sur la pédopornographie et l'âge pour consentir à des relations sexuelles et on a constaté que 80 p. 100 des répondants ont dit souhaiter que l'âge du consentement soit au moins de 16 ans.
    Nous nouons l'intention de ce projet de loi, qui est de protéger nos enfants contre les pédophiles adultes et les prédateurs d'adolescents pubescents. Nous vous encourageons fortement à adopter ce projet de loi qui contribuera à faire du Canada un endroit sûr pour les enfants.
    Merci beaucoup.
(0925)
    Merci, messieurs.
    Je cède maintenant la parole à Mme Kohan, défenseure des droits des enfants et fondatrice de MMAP et cofondatrice du Project Guardian.
    À vous la parole, madame Kohan.
    Bonjour. Je m'appelle Carrie Kohan. Je m'occupe de défendre les droits des enfants. J'ai fondé Mad Mothers Against Pedophiles et je suis cofondatrice de Project Guardian.
    À l'occasion de divers projets de loi, j'ai témoigné devant le comité au fil des ans et encore une fois, je remercie votre comité de m'avoir invitée aujourd'hui à exprimer mon point de vue sur cette question.
    J'ai une impression de déjà vu devant le projet de loi C-22, l'âge du consentement. En effet, le 7 octobre 2003, il y a quatre ans, j'ai témoigné devant le comité de la justice sur ce sujet précisément. Il s'agissait du projet de loi C-20, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la preuve au Canada. Il s'agissait d'un projet de loi omnibus qui réunissait la pornographie mettant en cause des enfants sur Internet, le mérite artistique et le soutien aux témoins vulnérables. Chacun de ces sujets était une question très grave et il aurait sans doute mieux valu les traiter individuellement. Néanmoins, ils étaient réunis dans un seul grand projet de loi.
    J'ai alors dit qu'abaisser l'âge du consentement tout en imposant des peines indulgentes, voire aucune peine du tout, aux pédophiles reconnus coupables ferait du Canada un paradis pour pédophiles, ce qui s'est avéré.
    L'organisation EPCAT, dans un rapport de 178 pages diffusé en décembre 2006, affirme que le Canada est devenu en effet une destination de tourisme sexuel impliquant des enfants en raison de l'âge relativement bas du consentement. Si cela ne suffit pas à alerter les membres du comité de la justice, je ne sais pas ce qu'il faut pour vous inciter à apporter des changements et à comprendre dans quelle situation désespérée se trouvent nos enfants par suite de mesures prises par les législateurs pressés qui ne semblaient pas se soucier de leur sécurité.
    En outre, le laxisme des peines infligées aux pédophiles reconnus coupables a contribué à faire de notre pays un paradis pour eux. En octobre 2003, sous le gouvernement précédent, j'ai présenté au comité de la justice des statistiques de 1997 qui démontrent qu'ici, 60 p. 100 des pédophiles reconnus coupables se voient infliger une peine d'emprisonnement et 40 p. 100 des mises en liberté sous condition ou encore des détentions à domicile. Pour les 60 p. 100 qui sont emprisonnés, la peine purgée en moyenne est de six à huit mois. Cela s'explique du fait que le Canada n'inflige pas les peines maximales prévues. Quand c'est le cas, les condamnés très souvent interjettent appel et obtiennent une peine beaucoup plus indulgente.
    Ce n'est pas parce que les juges canadiens refusent d'infliger la peine maximale. Au Canada, ils ne peuvent pas le faire. En effet, à supposer qu'un juge inflige une peine maximale, le pédophile déclaré coupable, ayant interjeté appel, obtiendra sans doute gain de cause et ce sera au détriment des enfants canadiens et de la société dans son ensemble. Ainsi, le juge n'a pas le choix et il doit fonder sa décision sur la jurisprudence, étant donné que notre système juridique est fondé sur le droit civil.
    Prenons le cas d'une déclaration de culpabilité rendue récemment aux États-Unis. Selon le département de la Justice et le Bureau du procureur des États-Unis, le 3 novembre 2006, un homme de 54 ans, James — ou Jimmy — Oliver de West Palm Beach a été déclaré coupable et condamné à 130 ans de prison pour seulement quatre inculpations d'exploitation sexuelle et une inculpation de possession de pédopornographie. Le condamné avait échangé de la pédopornographie en ligne avec un autre homme, notamment une bande vidéo de lui-même dans un acte de fellation avec un enfant prépubertaire dont il avait la garde. Quand la police a saisi les pièces à conviction au domicile de M. Oliver, elle a également trouvé des images de pédopornogaphie sur son ordinateur.
    Le 6 octobre 2006, le grand jury fédéral de West Palm Beach a porté 19 chefs d'accusation de remplacement contre Oliver, l'inculpant pour sept accusations de distribution de pédopornographie et d'une accusation pour avoir reçu de la pédopornographie, chacun des chefs d'accusation exigeant une peine d'emprisonnement minimum obligatoire de cinq ans, jusqu'à concurrence de 20 ans.
    On a également porté contre Oliver deux accusations de pédopornographie à l'endroit d'un mineur dans l'intention de l'inciter ou de le persuader à s'adonner à des activités sexuelles avec lui. Les condamnations en l'occurence entraînent un minimum de cinq à 20 ans d'emprisonnement. On a également porté contre Oliver quatre accusations d'exploitation sexuelle d'un mineur dans l'intention de créer de la pédopornographie, chacune d'entre elles entraînant une peine minimum obligatoire de 15 à 30 ans.
    On a porté contre Oliver quatre accusations parce qu'il avait permis à un mineur dont il avait la garde ou le contrôle de s'adonner à une conduite sexuelle explicite dans le but de créer de la pédopornographie, ce qui entraîne également une peine minimale obligatoire de 15 à 30 ans. Enfin, on a porté contre Oliver une accusation de possession de pédopornographie, ce qui entraîne une peine maximale obligatoire de 10 ans. Au total, la peine de prison infligée à Oliver était de 130 ans.
(0930)
    Le juge américain a également ordonné un dédommagement de 11 142 $ pour couvrir les frais des consultations psychologiques de la victime, de même qu'une cotisation spéciale de 500 $. Le juge a également indiqué qu'aucune peine de prison, aussi longue soit-elle, ne pouvait réparer les dommages sérieux causés à ces enfants.
    Il est évident que les États-Unis d'Amérique ont une politique de tolérance zéro pour ce crime. Comparons maintenant la situation au Canada. Pouvez-vous comprendre pourquoi nous sommes considérés comme l'un des endroits, à l'heure actuelle, où l'on peut venir, violer des enfants et créer de la pornographie juvénile avant de la distribuer? En mai 2006, un homme de Montréal, que l'on ne doit pas nommer en raison de nos lois, a agressé sa fille lorsqu'elle avait entre 24 mois et 4 ans. Il a publié les photographies de ce crime sur Internet. On a également découvert qu'il possédait environ 5 000 photographies et 5 000 vidéos de pornographie infantile sur son ordinateur, dont certaines où l'on voyait de très jeunes enfants et des nourrissons.
    En passant, cela m'amène à vous parler de quelque chose d'autre dont je voudrais discuter plus tard — la question de la prise d'échantillons par les policiers. C'est quelque chose qu'il faut examiner.
    En tout cas, cet homme canadien de 32 ans s'est vu infliger une peine maximale de 15 ans en novembre 2005. Toutefois, son appel a été accueilli devant la Cour d'appel du Québec et sa peine a été réduite, pour passer de 15 à 9 ans. Toutefois, au Canada, neuf ans ne signifie pas vraiment neuf ans; ça signifie entre trois et six ans, sans compter le temps passé en prison.
    Lorsque la Cour d'appel a diminué la peine, le juge Côté a indiqué que les crimes commis par l'homme ne faisaient pas partie des pires agressions sexuelles jamais commises. Il a également mentionné son jeune âge — pas le jeune âge de sa victime, mais son jeune âge à lui. Le tribunal a également mentionné que l'homme n'avait été condamné au criminel qu'à une seule autre reprise, pour avoir agressé sexuellement un autre enfant lorsqu'il avait 17 ans.
    Nous avons donc ici deux crimes semblables. Le pédophile condamné au Canada avait déjà été condamné et possède plus de 1 000 articles de pornographie juvénile et obtient entre cinq et six ans de prison, une prison que les Canadiens surnomment maintenant « Club Fed ». L'autre pédophile, condamné aux États-Unis, a obtenu 130 ans pour pratiquement le même crime, et il n'avait jamais été condamné. Selon vous, à quel endroit les pédophiles préféreraient-ils commettre leurs crimes? Dans un pays où ils pourraient obtenir une peine d'emprisonnement de 130 ans, ou un pays où ils obtiendraient un maximum de trois à six ans? Et, bien entendu, c'est à condition qu'ils se fassent prendre.
    L'ancien comité de la justice du Canada, le solliciteur général, le ministre de la Justice et les premiers ministres que j'ai rencontrés ou avec qui j'ai discuté ces huit dernières années ont en fait placé les enfants canadiens en haut de la liste des cibles des pédophiles. La seule façon de remédier aux lois inefficaces de nos anciens gouvernements, c'est de créer de nouvelles lois qui vont refléter celles de nos voisins, afin que nous ne soyons plus une destination de choix pour les pédophiles.
    Il faut augmenter l'âge de consentement, afin qu'il soit d'au moins 16 ans. En fait, la majorité des Canadiens à qui j'ai parlé, soit un grand nombre, voulaient en réalité que l'âge du consentement soit semblable à celui des États-Unis et d'autres pays, et qu'il atteigne 18 ans. Il faut inclure une clause portant sur les relations entre deux personnes ayant quatre ou cinq ans de différence. Il faut aussi revenir au moins un an en arrière pour tenir compte des relations précédentes entre deux personnes qui ont plus de cinq ans de différence — tout en agissant raisonnablement, bien entendu. Il faut également se conformer aux autres pays démocratiques et mettre en oeuvre des peines minimales de cinq ans, pouvant aller jusqu'à 20 ans, pour les différents crimes liés à la prédation des enfants. Personnellement, j'aimerais voir la loi de l'ange gardien Carrie adopter une échéance progressive pour ce type de peines.
    J'espère que le comité de la justice comprend l'urgence de la situation, et j'espère également que le projet de loi et la sécurité de nos enfants ne deviendront pas un outil de négociation pour les autres partis politiques. Il serait honteux de démontrer que la volonté du parti n'est pas de protéger les enfants du Canada, mais plutôt d'utiliser le projet de loi pour les avantages politiques du parti ou pour réaliser des gains. Peu importe si l'utilisation du projet de loi comme un outil s'inscrit dans les moyens juridiques du parti politique ou non, je demande à tous les partis présents et aux membres du comité d'adopter le projet de loi, d'agir de façon désintéressée et de se comporter comme une union parlementaire pour appuyer la protection des enfants canadiens contre les prédateurs.
    Demandez-vous combien d'enfants sont violés à l'instant même partout au Canada en raison de nos lois ridicules à venir jusqu'à maintenant et du manque apparent de protection pour les enfants canadiens. Et combien de pédophiles s'en tirent avec des peines de détention à domicile pour avoir abusé d'enfants sans défense?
(0935)
    Regardez le rapport de 178 pages. Vous constaterez que c'est une véritable honte nationale. Vous êtes les seuls, vous le comité, à pouvoir faire quelque chose à ce sujet. Veuillez relever immédiatement l'âge de consentement — dès aujourd'hui — et présenter unanimement un nouveau texte législatif créant des peines minimums pour les crimes violents et liés à la pédophilie tels que les quatre crimes violents que nous avons eus à Edmonton, en Alberta, au cours de cette dernière année et dont les victimes furent Shane Rolston, Josh Hunt, Dylan McGillis et, tout dernièrement, cette jeune de 13 ans, Nina Courtepatte. Cette peine sera prononcée demain.
    Il s'agissait de crimes violents, les meurtriers méritent plus que d'être libérés sous caution et la détention à domicile.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame.
    Enfin, j'aimerais souhaiter la bienvenue au représentant de la Gendarmerie royale du Canada, le sergent d'état-major Mike Frizzell, responsable des services stratégiques et du soutien opérationnel, Centre national de coordination contre l'exploitation des enfants. Je crois que nombre d'entre nous ont visité le centre en question.
    Monsieur Frizzell, à vous.
    Je suis désolé d'être arrivé en retard ce matin. Je suis plutôt malchanceux ces jours-ci, et j'espère que cette malchance ne m'a pas suivi dans la salle de comité ce matin.
    Comme vous l'avez dit, je travaille pour le Centre national de coordination contre l'exploitation des enfants. Je suis un membre de la GRC, mais je travaille au centre, qui fait partie de la stratégie nationale pour la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle sur Internet du gouvernement du Canada.
    Chaque jour, mon travail consiste à m'occuper de l'exploitation sexuelle des enfants au Canada et à l'échelle internationale. Une de nos responsabilités en tant que centre national consiste à nous tenir au courant des nouvelles réalités afin d'harmoniser nos activités de prévention et l'application de la loi et d'en assurer l'efficacité. Nous aidons et appuyons les services de police partout au Canada en élaborant de la formation pour les enquêteurs, en recommandant des normes d'enquête et en repérant les obstacles législatifs et autres au maintien de la sécurité des foyers et des collectivités.
    Dans l'exercice de ce rôle, le centre national consulte régulièrement les membres de la collectivité, les agents à la frontière, les travailleurs sociaux et médicaux et les enquêteurs de police qui sont chargés des enquêtes sur l'exploitation sexuelle par Internet. Je peux vous dire que, au cours de ces consultations, on a souvent mentionné que l'on devrait modifier la loi pour relever l'âge de protection lié aux activités sexuelles. Selon notre expérience, nous estimons que l'âge de protection actuel, fixé à 14 ans, entrave considérablement nos efforts en vue de protéger les enfants de 14 ou 15 ans contre l'exploitation sexuelle. Il est toujours préférable de prévenir et de décourager les actes criminels plutôt que de mener une enquête lorsque le mal est fait.
    Nous estimons que la modification à l'étude aujourd'hui aiderait énormément à prévenir et à décourager l'exploitation sexuelle et faciliterait la tenue d'enquêtes sur les cas d'exploitation sexuelle d'enfants canadiens par des adultes.
    Nous sommes d'accord pour dire que le projet de loi ne doit pas criminaliser les activités sexuelles entre adolescents. La loi reconnaît que les adolescents ont le droit d'explorer leur sexualité dans un environnement social sain avec des camarades de leur âge. Le projet de loi laisse entendre que les activités sexuelles entre adolescents sont des questions d'ordre moral et non juridique.
    Le projet de loi est précisément conçu pour protéger les jeunes adolescents contre des adultes prédateurs s'attaquant à des jeunes de 14 et 15 ans qui ont l'air d'adultes, mais qui n'ont pas atteint la maturité affective. Plusieurs lois protectrices en vigueur reconnaissent que le développement de la maturité affective des enfants se poursuit au début de l'adolescence. Les enfants de 14 ans ne sont pas autorisés à voir des films destinés à des adultes, à conduire, à obtenir une carte de crédit, à consommer des boissons alcoolisées, à s'enrôler dans les forces armées ou à signer des documents juridiques; ils peuvent toutefois, selon la loi actuelle, consentir à des rapports sexuels avec une personne beaucoup plus âgée. Ainsi, à l'exception des activités sexuelles, les enfants de moins de 16 ans ne peuvent pas prendre part à des activités comportant des risques évitables.
    Nous savons que certains adultes accordent une attention particulière à l'âge de protection. Nous visitons des sites Web et des bavardoirs qui encouragent les rapports sexuels entre adultes et enfants et qui énumèrent l'âge de consentement des pays de partout dans le monde. Bien entendu, le Canada y figure. Dans un site Web, on définit l'âge de consentement comme étant « l'âge auquel vous pouvez toucher à votre ami spécial sans que ni l'un l'autre n'aient d'ennuis ».
    Ce qui complique le problème, c'est qu'Internet a créé un portail qui permet aux contrevenants sexuels de communiquer avec des enfants dans leurs foyers et leurs écoles, qui étaient auparavant sécuritaires. Selon notre expérience, il y a une abondance d'adultes en ligne, à tout moment de la journée, tentant d'établir des contacts avec un enfant à des fins sexuelles.
    Récemment, lors d'un cours de formation portant sur la leurre par Internet, qui est bien entendu un problème énorme, 20 agents de police sont allés dans des bavardoirs publics pendant une heure. De ces agents qui se faisaient passer pour des enfants, neuf ont reçu des images vidéos en direct prises au moyen d'une caméra Web représentant des personnes qui se masturbaient, et plus de 12 tentatives de leurre ont été relevées. Un grand nombre de ces agents ont été approchés par des adultes qui cherchaient du sexe à peine quelques secondes après s'être connectés.
(0940)
    Le leurre est une source de préoccupation considérable, car Internet protège l'anonymat des contrevenants partout dans le monde et leur permet de communiquer avec de nombreux enfants en même temps sans quitter leur foyer, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'ils établissent un contact et planifient une rencontre. En premier lieu, les contrevenants demandent toujours l'âge, le sexe et l'emplacement de leurs contacts afin d'identifier les cibles viables.
    Comme l'âge de consentement actuel est de 14 ans, les enfants de 13 ans sont souvent la cible des prédateurs. Ceux-ci consacreront plusieurs mois à la préparation d'un enfant en vue d'établir une relation sexuelle légale lorsque l'enfant aura 14 ans. Les enfants utilisent très souvent Internet pour établir des réseaux sociaux, et ce réseautage, ou cette utilisation de l'ordinateur n'est souvent pas supervisée. Les parents ne savent pas ce qui se passe, et vous avez sans doute entendu dire aujourd'hui qu'un sondage récent indique que 25 p. 100 des enfants rencontreront une personne qui les a contactés par Internet sans en parler à quiconque.
    Vous avez également sûrement entendu dire qu'en plus d'enregistrer une hausse du leurre, le Canada est en train d'acquérir une réputation comme destination de tourisme sexuel. Nos enquêteurs ont visité des sites Web où des pédophiles des autres pays perdent la tête lorsqu'ils apprennent que des pédophiles canadiens disposent d'une loi qui leur permet d'avoir des rapports sexuels avec des enfants de 14 ou 15 ans. Récemment, des Européens et des Américains sont allés en Nouvelle-Écosse, en Saskatchewan et même ici à Ottawa, pour avoir des rapports sexuels avec des enfants ayant l'âge de consentement, parce que c'est illégal dans leurs pays.
    Au Canada, l'âge de consentement est l'un des plus bas parmi les pays occidentaux industrialisés. Il est bien connu que le Royaume-Uni, les États-Unis et l'Australie ont pris des mesures énergiques pour combattre l'exploitation des enfants sur Internet. Dans ces pays, l'âge de consentement est d'au moins 16 ans. Bien que le Canada ait montré son engagement à lutter contre ces actes criminels en adoptant des lois sévères, le projet de loi sur l'âge de protection permettra d'harmoniser nos lois à celles de ces pays.
    Une affaire survenue au Québec la semaine dernière met en évidence un autre aspect du problème lié à l'âge de consentement actuel. Une adolescente de 15 ans a rencontré un homme de 50 ans sur Internet. Celui-ci l'a préparée puis a eu des rapports sexuels consensuels avec elle. Ses parents l'ont découvert. Ils se sont tournés vers les policiers pour obtenir de l'aide et ils se sont fâchés lorsqu'ils ont appris que rien ne pouvait être fait. Aucune accusation criminelle ne pouvait être portée. De plus, les policiers n'ont pas pu obtenir de mandat pour saisir son ordinateur afin de déterminer si le contrevenant était en train de préparer d'autres enfants, simplement parce que c'est permis ici.
    Le projet de loi rehaussera l'uniformité des mesures législatives. Dans une affaire survenue récemment en Alberta, un homme adulte a mené une adolescente de 16 ans dans sa chambre d'hôtel et a pris des photos d'exploitation sexuelle. Il a été accusé, à juste titre, de production de pornographie juvénile. Cependant, s'il avait amené une adolescente de 14 ans dans sa chambre et s'il avait eu des rapports sexuels consensuels avec elle, sans les photographier, il n'aurait pu faire l'objet d'accusations.
    Selon mon expérience, acquise lorsque je rencontrais des personnes pour consultation ou lorsque j'étais policier dans la rue, il est arrivé à d'innombrables reprises que des parents me téléphonent pour me dire qu'ils étaient outrés d'apprendre qu'une personne beaucoup plus âgée entretenait une relation avec leur enfant de 14 ou 15 ans. Ils croient, à tort, que les jeunes adolescents sont déjà protégés contre toute personne de cinq ans leur aîné. En fait, les Canadiens croient qu'il est illégal pour un homme de 50 ans d'avoir des rapports sexuels avec une adolescente ou un adolescent de 14 ou 15 ans. Je ne veux pas m'acharner sur les hommes de 50 ans.
    Lors de nos conversations avec des membres du public ou de nos contacts avec les parents et les victimes, les gens sont souvent choqués d'apprendre que ce n'est pas le cas. Une fois qu'on a 14 ans, on est libre. Ce projet de loi reflète de façon plus exacte l'âge de protection qui sera, à notre avis, accepté par les Canadiens, qui croient en fait que cet âge existe déjà. La modification entraînera une augmentation de la charge de travail des policiers, parce que nous pourrons faire quelque chose pour régler ce problème maintenant, mais elle aura une incidence encore plus grande sur les enfants et leur famille, alors ça vaut la peine.
    Si la modification est adoptée, le CNCEE et ses partenaires des services de police et des collectivités travailleront en vue de sensibiliser le public sur la hausse de l'âge de protection au Canada et l'informer que le Canada n'est pas une destination de tourisme sexuel.
    Merci.
(0945)
    Merci beaucoup, monsieur Frizzell.
    Nous allons maintenant passer immédiatement aux questions. Mme Jennings est la première sur la liste.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais, au nom de mon caucus et de tous mes collègues libéraux, remercier tous et chacun d'entre vous d'avoir accepté de venir ici aujourd'hui afin d'exprimer votre appui au projet de loi C-22. Chacun d'entre vous a demandé que ce projet de loi soit adopté le plus rapidement possible.
    Que diriez-vous d'un gouvernement qui, justement, s'est fait offrir par l'opposition officielle, en octobre 2006, d'adopter ce projet de loi en un rien de temps? Une offre à cet égard a été répétée en février 2007 et en mars 2007. Hier, l'opposition officielle, le Parti libéral du Canada, a présenté une motion, dans le cadre de la journée d'opposition dont elle dispose aujourd'hui, qui aurait pour effet, si le gouvernement l'appuyait, que le projet de loi dont nous sommes en train de discuter aujourd'hui, le C-22, soit considéré comme ayant été adopté à toutes les étapes à la Chambre, y inclus à l'étape de la troisième lecture, à la fin de journée aujourd'hui.
    Que diriez-vous d'un gouvernement qui a bloqué l'adoption d'une mesure législative qu'il a lui-même proposée?

[Traduction]

    Madame Jennings, il y a un rappel au Règlement.
    Monsieur Moore.
    C'est ignoble. Nous avons une députée libérale qui a siégé à la Chambre des communes pendant je ne sais combien de temps. Vous aviez treize ans pour faire quelque chose et vous n'avez rien fait. La soi-disant offre que vous avez faite hier a déjà été jugée irrecevable par le Président. Nous ne pourrons donc pas y donner suite.
    Le gouvernement actuel a proposé une législation pour augmenter l'âge de consentement. Je trouve qu'il est incroyablement hypocrite de votre part de dire que nous ralentissons le processus alors que vous avez eu 13 ans pour changer les choses. Vous êtes restés sur vos lauriers pendant 13 années et nous, nous faisons quelque chose.
    Merci, monsieur Moore.
    Madame Jennings, quelle était votre question?
    Le Président a déjà statué sur ce point et l'a jugé irrecevable.
    Que pensez-vous d'un gouvernement auquel le leader en Chambre du Parti libéral et le caucus libéral auraient donné la possibilité d'adopter le projet de loi C-22 en octobre 2006? Il aurait eu l'appui des libéraux pour l'adopter aussi rapidement qu'il le désirait mais a refusé notre offre. Qu'en pensez-vous? Nous nous retrouvons aujourd'hui presque six mois plus tard et le projet de loi est toujours devant la Chambre. Si le gouvernement l'avait voulu, le projet de loi aurait déjà été envoyé au Sénat et serait peut-être même déjà adopté. Que pensez-vous du gouvernement et de sa législation?
(0950)
    M. Petit souhaite faire un rappel au Règlement.

[Français]

    J'invoque le Règlement. Je pense que la députée de Notre-Dame-de-Grâce—Lachine pose une hypothèse. Elle demande à des témoins de juger le gouvernement. À ce compte-là, qu'elle pose donc aussi la question à savoir pourquoi, dans le cas des projets de loi C-9 et C-10, vous l'avez refusé.
    Posez-leur cette question aussi. Vous biaisez la question.

[Traduction]

    Monsieur Petit, c'est une question de débat. Nous n'allons pas en discuter, mais je pense que nous allons demander aux témoins ici présents de répondre. La plupart d'entre eux ont déjà assisté aux travaux de notre comité et y ont même témoigné sur cette question, si bien qu'ils voudraient intervenir, je pense.
    Madame Kohan.
    J'ai comparu devant votre comité au moins trois fois lorsque le Parti libéral était au pouvoir, époque à laquelle nous avons parlé de l'âge de consentement. Nous avons eu l'occasion d'en discuter trois fois.
    À l'époque, j'en ai parlé au solliciteur général Wayne Easter, au ministre Cauchon qui était ministre de la Justice, à Paul Martin, à tous ceux concernés, y compris vous-même, madame...
    M. Toews et M. Nicholson?
    Absolument, M. Toews était d'accord. Par contre, vous ne l'étiez pas, pas plus que le Parti libéral.
    Hier, alors que j'assistais aux audiences du comité, je vous regardais discuter avec le ministre de la Justice. Il était manifeste que vous donneriez votre aval à ce projet de loi, mais vous vouliez quelque chose en retour, n'est-ce pas?
    Il y avait une sorte de... Il a dit que si vous obteniez cela, il y aurait aussi autre chose. Vous avez dit qu'il était de votre droit de l'obtenir. C'est alors que je me suis rendu compte qu'il s'agissait une fois de plus d'un outil de négociation. C'est ce qui s'est passé avec le registre des délinquants sexuels: « donnez-nous le registre des armes à feu et vous pourrez avoir le registre des délinquants sexuels ». Avec le Parti libéral, c'était toujours un outil de négociation lorsqu'il s'agissait des droits des enfants.
    Merci, madame Kohan.
    Je trouve que votre interprétation des faits est très intéressante.
    J'aimerais savoir ce qu'en pense M. Cannavino.

[Français]

    Je ne pensais pas que j'allais assister ce matin à un débat comme si j'étais un élu à la Chambre des communes. Dieu merci, j'essaie d'éviter cela le plus souvent possible. On ne connaît jamais l'avenir, mais disons que ce n'est pas la partie des travaux du Parlement que je trouve intéressante, quoique j'aimerais parfois, lorsque j'écoute les débats, y participer.
    On fait cela depuis des années. Vous avez peut-être constaté que notre présentation de ce matin a été très brève. C'était intentionnel, car nous savions qu'il y avait des représentants d'autres associations qui allaient faire état, en long et en large, de la nécessité et de l'urgence d'adopter ce projet de loi. Vous nous entendez souvent, et nous avons l'impression d'être la locomotive qui remorque tous les dossiers. Alors, sans être étonné, je suis heureux aujourd'hui d'avoir entendu les représentants des différentes associations et des corps policiers.
    Quant à ce qui s'est fait dans le passé, j'ai répété à plusieurs reprises... On pense parfois que je suis un oiseau de malheur, celui qui annonce les mauvais dossiers à venir, qui prédit l'avenir avec pessimisme. Écoutez, il y a moyen de faire quelque chose maintenant. Quant à ce qui s'est fait dans le passé, j'espère toujours qu'un jour, ça va cesser. On a besoin de lois sévères pour protéger nos jeunes. Nos jeunes sont l'avenir. Or, ils sont exploités. Je ne peux pas imaginer que le Canada soit considéré comme un paradis pour les prédateurs sexuels. Je vais même plus loin. Chaque fois que j'accorde une entrevue, je grimpe dans les rideaux: dans le Code criminel, on parle de délinquants sexuels. Délinquants! Ce sont des prédateurs sexuels. Dans la loi, on les appelle des délinquants. Il faut arrêter. Il va falloir, à un moment donné, cesser de dire qu'on ne veut pas ressembler aux Américains, aux États-Unis. Je me fous de la comparaison. Je parle de nos jeunes, des jeunes Canadiens que nous devons protéger. Il est temps d'agir. Il me semble qu'il y a un consensus. Je ne veux pas participer à votre débat afin de déterminer depuis combien de temps, combien de mois, combien d'années ça traîne. J'espère seulement qu'il y aura un consensus au sein du comité actuel pour adopter ce projet de loi rapidement.
    On parle également de l'âge de consentement et de sentences minimales sévères. Il faut envoyer un message à ceux qui pensent que s'ils viennent ici, ils ne s'exposeront pas à des représailles comparables à celles auxquelles ils s'exposeraient s'ils allaient dans certains autres pays, que le Canada peut même être un pays où on leur permettra de purger une sentence dans la communauté. Mme Kohan s'est montrée très explicite à ce sujet: les Américains partaient pour des années. Ils viennent dans les centres commerciaux ici pour y faire du recrutement. Il y a une limite à cela!
    J'entends souvent des commentaires au sujet des gens qui vont en République dominicaine faire des voyages sexuels. C'est bizarre, mais maintenant, dans les autres pays, on parle également des gens qui vont au Canada de la même façon qu'on parle des gens qui vont en République dominicaine. Si c'est pour des voyages sexuels, le Canada fait maintenant partie des destinations. Il est temps que ça cesse.
(0955)

[Traduction]

    Merci, monsieur Cannavino.
    Merci, madame Jennings.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Monsieur Cannavino, je vais poursuivre avec vous, si vous le permettez. Il y a deux aspects à votre mémoire. D'abord, vous soulevez un argument très important quand, à la page 2, vous faites valoir qu'il y a au fond un certain nombre de pays qui ont haussé l'âge du consentement. Ce que je trouve intéressant, c'est que ce n'est pas une question de gauche ou de droite. On peut penser ici à des pays comme les Pays-Bas, la Norvège, la Belgique, qui ont des politiques sociales progressistes. Vous nous faites bien valoir ce matin que la question de l'âge de protection n'en est pas une de gauche ou de droite, mais de sécurité des enfants. Je vous suis reconnaissant d'avoir utilisé cet argument, qui à mon point de vue est très significatif.
    Comme vous le savez, le Bloc québécois est favorable au principe du projet de loi. Ce que je veux comprendre, cependant, c'est quelles sont les lacunes des dispositions qui existent dans le Code criminel concernant le leurre d'enfants. Ces dispositions sont assez contemporaines, vous en convenez. Quelles sont les lacunes et pourquoi n'y a-t-il pas plus d'accusations?
    Je veux aussi des statistiques. Vous conviendrez que, même si nous sommes favorables au projet de loi, lorsque le ministre s'est présenté devant nous hier, par exemple, il n'avait pas beaucoup d'information à nous donner. Je veux bien que l'on adopte le projet de loi le plus rapidement possible, mais c'est notre travail de législateurs de voter sur la base de données probantes et concluantes. Nous ne voulons pas nous en tenir à des généralités.
    Que se passe-t-il pour que le Canada puisse être ce havre d'accueil des gens qui, sur Internet... Le point commun de tous vos témoignages est que la porte d'entrée dans le domaine de l'exploitation sexuelle semble être l'Internet, l'ordinateur. Comment se fait-il que l'on ait des dispositions sur le leurre d'enfants depuis, à ma connaissance, 2002 ou 2001 et qu'on se retrouve dans une situation comme celle que vous décrivez dans votre mémoire?
    Il y a des raisons diverses et plutôt complexes à cela. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on dit qu'il ne suffit pas simplement d'augmenter l'âge. C'est très important d'augmenter l'âge du consentement de 14 à 16 ans, parce que 14 ans est vraiment un âge très bas, auquel les gens sont vulnérables. D'ailleurs, notre policier de la GRC l'a mentionné tout à l'heure: les gens de cet âge sont encore des enfants qui n'ont pas encore atteint la maturité émotionnelle. À 16 ans, il y a une chance que la personne passe à une autre étape de sa vie adolescente où elle peut un peu plus s'affirmer et être plus avertie des dangers qui la guettent. Il y a cette partie.
    Il faut aussi ajouter des peines plus sévères. Évidemment, il faut vraiment que les gens qui viendront quand même essayer de leurrer ces jeunes ne se retrouvent pas devant un système qui les condamnera à des sentences de deux ans d'emprisonnement.
    Quelle est, en ce moment, la sentence prévue, dans le Code criminel, pour le leurre d'enfants, selon vous?
    C'est un maximum, mais il n'y a pas le minimum. L'autre problème que nous visons et que nous expliquons est que dans notre système, on considère que le temps passé derrière les barreaux avant le prononcé de la sentence compte pour le double et même, à certains endroits, pour le triple. Alors, on se retrouve avec quelqu'un qui a écopé d'une sentence de deux ans, de 18 mois, de trois ans, et qui, parce qu'il a dû attendre un an ou un an et demi avant de passer devant la cour, est libéré au lendemain de sa sentence.
    Je suis d'accord avec vous que cela n'a aucun sens.
    Il faut également déterminer le différentiel d'âge qui serait permis. On ne veut pas criminaliser ni judiciariser les relations entre jeunes. Par contre, il faut s'assurer que le différentiel ne soit pas élevé. Disons que la différence d'âge est de cinq ans: qu'une personne de 16 ans soit avec une personne de 20 ou 21 ans, au maximum, c'est encore dans la normalité. Au-delà de cela, on risque qu'il y ait de l'exploitation, compte tenu de la différence de maturité entre les deux personnes. C'est pourquoi on dit dans notre présentation...
(1000)
    Donc, l'aspect leurre d'enfants par Internet n'a pas été très utile par rapport au phénomène que vous nous décrivez. Je suis d'accord pour ajouter de nouvelles dispositions au Code criminel, de changer cela, mais je suis surpris que le phénomène soit aussi vivant sur Internet alors que le leurre d'enfants existe.
    C'est ce qui est le plus facile. D'ailleurs, l'explication a été donnée par monsieur. Allez sur les sites de clavardage et prétendez simplement que vous êtes un jeune; vous devriez tenter l'expérience. Ce qu'il dit est vrai, c'est ahurissant. Quelques secondes après avoir appuyé sur la touche « Enter », vous obtiendrez une réponse, un hit. C'est inimaginable. Alors, c'est certain qu'ils se sentent protégés.
    Premièrement, ils ne se sentent pas à découvert parce qu'ils ne s'identifient pas, il n'y a pas de caméra, les premières étapes sont anonymes. Le leurre, c'est le policier qui doit le faire; il doit tenter de piéger la personne. Alors, c'est un processus à l'envers. Ces gens se sentent libres d'exploiter parce que rien n'est coercitif, les peines ne sont pas sévères, et on cible des enfants de 14 ans. La première chose qu'ils vous diront est qu'ils ne savaient pas qu'elle n'avait que 13 ans. Or, la différence entre 13 ans et 14 ans n'est pas grande; ce sont des enfants.
    Je crois que votre voisine veut intervenir.
    Voulez-vous intervenir sur ce sujet, ou doit-on donner la parole à la GRC?

[Traduction]

    J'aimerais faire une observation sur les peines d'emprisonnement avec sursis. Elles posent un problème de pédophilie. Nous avons tellement de pédophiles qui sont déclarés coupables et reçoivent une peine de détention à domicile. Alors que font-ils? Ils restent dans leur maison, munis d'ordinateurs et ont de nouveau accès à Internet.
    Nous voulons que les peines minimales aillent de pair avec l'augmentation de l'âge de consentement, car c'est la seule façon que nous pourrons lutter contre le fait que nous sommes devenus un havre de pédophiles.

[Français]

    Si une personne est dans la communauté, qu'un juge interdise à un pédophile reconnu d'avoir accès à un ordinateur.

[Traduction]

    Oui, mais alors vous réintégrez un pédophile dans la collectivité et il a accès aux enfants. De plus, cela crée un autre problème car vous aurez besoin d'avoir davantage d'agents de libération conditionnelle et de personnel pour suivre ces personnes. Nous vivons maintenant dans un havre pour pédophiles. Afin de lutter contre ce fait, nous allons devoir sévir contre le crime, car tous les autres le font déjà.
    Rapidement, monsieur Cannavino.

[Français]

    Si on ne met pas des conditions, des sentences minimales, par exemple, je vais vous donner un exemple de ce qui va se produire devant le tribunal. Ce ne sera pas un automatisme, ça dépendra de la bonne volonté du juge présent. Et on en voit de toutes les couleurs! Le plus bel exemple est celui du tueur de Valérie Gignac. Un juge lui avait interdit de posséder une arme à feu pour une période de 10 ans, sauf pendant la période de la chasse. Alors, quand on parle de l'Internet et d'un ordinateur, je vous dirai que ce n'est pas tout le monde qui... Il y en a qui raisonnent, mais il y en a d'autres qui résonnent. Il y a une différence. Certains résonnent comme des tambours.

[Traduction]

    Merci, monsieur Cannavino.
    Monsieur Comartin.
    J'aimerais demander à chacun de vous si le cabinet du ministre ou le ministère de la Justice vous a consultés avant de déposer ce projet de loi à la Chambre?
    Monsieur Cryer, avez-vous été consulté?
    Non, nous n'avons pas été consultés. Cela fait plusieurs années que l'augmentation de l'âge de consentement est une politique importante pour l'AEC.
    Je crois que la police de Toronto a déjà travaillé avec l'ancien ministre de la Justice Toews sur cette question. Pour ma part, je n'ai pas été consultée, du moins pas dernièrement.
    Madame Kohan, je sais que l'on vous a consultée, car vous étiez ici avec le ministre hier.
    Monsieur Cannavino, j'imagine que c'est également le cas pour vous.
    C'est en fait le contraire. Pendant des années, nous avons milité pour que...
    Non. Je parle précisément du projet de loi en question.
    Non. Nous avons milité pendant des années.
    Oui, nous l'avons été.
(1005)
    Merci.
    J'aimerais poser ma question à Mme Kohan et à M. Cannavino.
    De toute évidence, vous militez tous les deux fortement en faveur de l'établissement de peines minimales pour ce type de crime, et vous citez les États-Unis comme un modèle à suivre. J'ai un document sous les yeux qui contient toutes sortes de statistiques qui indiquent que, malgré l'expérience acquise par les États-Unis au cours des 20 dernières années — c'est alors que tout cela a commencé — le taux de criminalité pour ce genre de crime y est en fait plus élevé qu'au Canada.
    Soyons clairs: je crois que vous savez que j'appuie l'augmentation de l'âge de consentement. Comme vous l'avez dit vous-même, madame Kohan, c'est un outil dont nous avons besoin.
    Je vais peut-être vous sembler direct, mais je crois que votre militantisme va trop loin quand il appuie le modèle américain. D'après les statistiques, il existe des modèles en Europe de l'Ouest qui ont connu beaucoup plus de succès dans les efforts déployés pour contrôler ce crime.
    Il faut également prendre en compte la taille de la population. La population de la Californie est aussi importante que celle du Canada. Alors si vous voulez parler de statistiques, vous ne pouvez pas comparer les deux pays, car leurs populations sont différentes.
    Je ne parle pas de chiffres absolus. Je parle de pourcentages et, par habitant, c'est beaucoup plus élevé aux États-Unis, c'est un fait.
    Peut-être qu'on a mis plus d'argent dans les études. Hier, monsieur Comartin, vous citiez en fait des études américaines parce que nous, au Canada, n'avons pas investi dans l'étude de ce crime comme nous aurions dû le faire. Je crois que si nous financions des études convenables, nous serions ahuris de constater à quel point c'est une épidémie au Canada.
    J'ai des chiffres qui indiquent la même chose au Canada. Les chiffres de Juristat existent.
    Monsieur Cannavino, vouliez-vous dire quelque chose?
    Chaque fois que quelqu'un présente des statistiques, je demande quelle méthodologie a été suivie. Combien il y avait d'enquêteurs? Combien de ressources?
    Lorsque nous avons parlé des États-Unis, c'était pour montrer un exemple de peine pour le même genre de crime. Je ne voudrais pas faire de comparaison avec les États-Unis. Toutefois, ce que nous vivons ici, ce que nous voyons, ce que nous entendons et les informations que nous obtenons de nos agents de police qui enquêtent sur ces cas... Si vous allez sur Internet, vous verrez ce que disait cet agent. Vous verrez. On mentionnera que le Canada est un havre pour l'exploitation sexuelle.
    Ma foi, monsieur Cannavino, c'est tout à fait contraire... Si vous compreniez la psychologie de la pédophilie... Le candidat à la victimisation est de plus en plus jeune et non pas de plus en plus âgé. Je dois vous dire que pour ce qui est des statistiques, toutes les informations de l'institut auxquelles a fait allusion Mme Kohan sont tout sauf scientifiques. Rien ne repose sur des sondages ou une analyse statistique; c'est tout empirique.
    Je dois vous dire à l'un et à l'autre, que tant que je serai membre du comité, il n'est pas question que je défende un projet de loi qui repose sur des preuves empiriques. Je veux de véritables données scientifiques, statistiques.
    Ma foi, plutôt que de vous en tenir à des statistiques, vous pourriez peut-être passer un peu de temps...
    Je vous en prie, monsieur Cannavino. J'ai plus d'expérience que vous des questions d'exploitation sexuelle et infantile.
    Merci, monsieur Comartin.
    Vous avez probablement vu beaucoup de ces pédophiles.
    Si vous permettez, monsieur le président, ceci est sérieux. C'est toujours fondé sur des statistiques et des choses de ce genre.
    Je suis tout à fait certain que les services de police vous permettraient d'aller passer une demi-heure à examiner la réalité d'aujourd'hui. Peut-être qu'il y a 20 ans c'était différent, mais l'exploitation sexuelle a beaucoup changé depuis 20 ans. D'accord? Ce que vous avez étudié par le passé a changé.
    Merci, monsieur Cannavino.
    La corruption c'est le fait de corrompre. On ne va pas régler cela par une loi. On pourra par contre le faire en vous donnant les outils, comme on a vu ce qu'a fait la PPO et la ville de Toronto en se dotant des outils technologiques nécessaires.
    Nous avons appris lors de la dernière séance que cela représentait un pas en avant très sérieux.
(1010)
    Qu'arrive-t-il donc quand ces gens sont arrêtés? C'est cela le problème. Qu'arrive-t-il une fois qu'on intervient? Nous n'avons pas l'appui des tribunaux ou, dirais-je en toute déférence, de certains parlementaires quant à la façon de traiter ces prédateurs une fois qu'on les a attrapés.
    Merci, monsieur Comartin.
    M. Comartin a en fait soulevé un point qui me semble tout à fait pertinent en ce sens que nous avons ici des statistiques qui portent sur un crime précis. Au sud de la frontière, la limite d'âge est de deux ans supérieure. Les statistiques sont donc obligatoirement différentes.
    Peut-on effectivement faire de telles comparaisons et a-t-on fait des études sur ce groupe d'âge entre 14 et 16 ans, comme on l'a fait au sud de la frontière puisque l'on a là-bas plus facilement accès aux données des tribunaux qu'ici?
    Sur quoi nous fondons-nous, entre ces âges, pour évaluer la fréquence de ce crime? La police tient-elle un dossier? A-t-on effectué des études?
    M. Frizzell pourrait peut-être répondre à cette question. Je ne sais pas.
    La réalité, c'est que ce n'est pas un crime, c'est la raison pour laquelle il n'y a pas de statistiques.
    Il n'y a rien.
    Y a-t-il toutefois des études?
    Nous n'en avons pas fait. Je ne suis pas recherchiste et je ne sais pas comment on conçoit une étude mais nous indiquons cela comme « assistance, grand public ». Lorsqu'un parent nous téléphone pour nous dire que sa fille de 15 ans sort avec un homme de 40 ans et a emménagé avec lui et qu'ils sont inquiets, nous indiquons: « Assistance, grand public ». Nous allons peut-être parler à la jeune fille, si nous ne sommes pas trop occupés. Mais il n'y a pas de statistiques, malheureusement.
    Très bien. Je vous remercie.
    Monsieur Moore.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je ne demande pas à qui que ce soit de répliquer aux propos que je vais maintenant tenir. Je siège à ce comité depuis maintenant trois ans et ce que j'ai pu constater pendant ce temps... Mes propos ne visent pas M. Murphy qui ne faisait pas partie du comité, mais Mme Jennings, elle, y siège depuis aussi longtemps que moi. Je n'ai jamais rien vu de pareil. Quelle hypocrisie. Je répète que je ne vous demande pas de répliquer à ce que je dis, mais lorsque j'entends des témoignages comme ceux que vous nous avez donnés aujourd'hui, je ne vois pas comment qui que ce soit s'opposerait à ce qu'on porte de 14 à 16 ans l'âge de consentement aux relations sexuelles. Je ne vois vraiment pas comment cela pourrait être possible.
    Nous savons cependant que personne n'a réclamé que cela soit fait par le passé. Cette mesure aurait dû être prise il y a longtemps. Il est tout à fait faux de dire que certains membres du comité avaient déjà proposé que l'âge de consentement aux relations sexuelles soit relevé.
    Il ne s'agit cependant que d'une des mesures qui seraient nécessaires pour régler ce problème. J'en suis conscient. D'autres personnes nous ont déjà dit ce que vous nous avez dit, madame Kohan.
    La preuve anecdotique est légitime. Nous étions tous à Ottawa lorsque quelqu'un du Texas, où l'âge de consentement aux relations sexuelles est de 16 ans, est venu dans l'intention d'avoir des relations sexuelles avec un enfant de 14 ans avec lequel il avait communiqué par Internet. Les parents de cet enfant étaient aussi surpris que nous d'apprendre que la police ne pouvait pas intervenir. Il était impossible de porter des accusations contre cette personne parce que la relation était consensuelle. Ce n'est pas illégal.
    Pour ce qui est du leurre par Internet, nous avons l'occasion avec le projet de loi C-9... Je crois que la détention à domicile ne devrait jamais convenir dans le cas du leurre par Internet, parce que c'est chez eux que ces gens ont accès à l'Internet. S'ils étaient emprisonnés, l'accès à Internet serait réglementé. S'ils sont en liberté, ils auront de nouveau accès à un ordinateur. Par le projet de loi C-9, nous aurions pu éliminer les peines avec sursis dans le cas du leurre par Internet. J'aimerais connaître votre avis en particulier sur la question du leurre par Internet.
    Je vais faire quelques observations et vous pourrez ensuite intervenir.
     Ce qu'on nous dit aujourd'hui sur la rapidité à laquelle une personne... C'est comme si on lançait un hameçon dans un bassin plein de poissons. Ces prédateurs attendent sur Internet qu'un enfant de 13 ans se branche.
    J'ai rencontré un agent de police de ma ville qui m'a raconté des choses très intéressantes. La force policière régionale de Rothesay ne compte que 20 membres, mais elle a dû affecter une personne à la lutte contre l'exploitation des enfants sur Internet. L'agent m'a dit qu'il ne s'écoulait qu'une minute ou deux lorsqu'il prétendait être une jeune fille de 13 ans, ce qu'il fait régulièrement, pour que quelqu'un lui propose d'ouvrir sa caméra Web. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    On nous a aussi présenté d'autres preuves anecdotiques et certains d'entre vous y ont fait allusion. Il est tout à fait inacceptable que le Canada soit vu comme une destination pour le tourisme sexuel impliquant les enfants parce que l'âge de consentement aux relations sexuelles n'est que de 14 ans dans notre pays. Pensez-vous effectivement qu'il y a des gens qui viennent au Canada pour exploiter nos enfants? Compte tenu de ce que vous nous avez dit aujourd'hui, je crois que certains témoins vont dire que nous allons trop loin et qu'il ne convient pas de relever l'âge de consentement aux relations sexuelles.
    Vous semblez tous en faveur du relèvement de l'âge de consentement aux relations sexuelles, mais je peux vous assurer qu'un autre groupe de témoins nous dira que cette mesure n'est pas nécessaire. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
(1015)
    J'ai une unité de 14 membres qui s'occupent exclusivement d'enquêtes sur des affaires d'exploitation d'enfants. Je dois vous dire qu'ils trouvent cela très pénible, mais nous pourrions procéder chaque jour de l'année à l'arrestation d'individus qui s'échangent de la pornographie infantile au Canada.
    En ce qui concerne le leurre d'enfants sur Internet, au moment où nous nous parlons, 20 agents de police de tout le Canada suivent une formation sur la surveillance de ces activités. À la fin de la semaine prochaine, ils se verront tous attribuer des cibles. C'est très facile et très simple.
    Cependant, nous manquons de ressources. Le nombre de personnes qui travaillent dans ce domaine au Canada est forcément limité à l'heure actuelle. Nous sommes déjà heureux d'avoir certains effectifs, et nous n'avons pas de statistiques parce qu'il n'y en avait pas auparavant, mais une fois qu'on arrête quelqu'un pour leurre d'enfant, il faut suivre toute la procédure judiciaire jusqu'à son aboutissement... Nous avons également des difficultés au niveau de la police judiciaire parce que nos techniciens judiciaires sont débordés.
    Nous pourrions procéder à un très grand nombre d'arrestations mais nous n'avons pas les ressources pour en faire davantage, et c'est très malheureux, car si nous avions plus d'effectifs et d'argent, nous arriverions à des biens meilleurs résultats.
    Le témoin a raison de dire qu'il est dangereux de comparer des statistiques sans avoir évalué certains des facteurs en cause. En l'occurence, je pense que si on doublait le nombre d'enquêteurs, on doublerait par le fait même le nombre de mises en accusation pour les infractions déjà reconnues.
    Il serait fort risqué de considérer ces statistiques dans l'absolu pour affirmer qu'au Canada le taux de pédophilie ou le taux d'agression d'enfant est plus faible. Certes, notre taux d'intervention est inférieur, mais cela s'explique par différents facteurs. Nous croyons que le projet de loi C-22 permettrait de remédier à l'un de ces facteurs.
    Madame Scanlan, vous avez dit que les personnes qui travaillent dans ce domaine trouvent cela très éprouvant. C'est un sujet dont j'ai déjà parlé avec un autre policier.
    Madame Kohan, vous avez dit qu'on prépare des échantillons de preuves. Le policier en question m'a dit qu'il voyait ce genre de choses tous les jours. Les membres de notre comité n'ont probablement pas vu ces images pornographiques, si bien que nous avons une idée assez abstraite de ce que l'on trouve sur Internet. Même les juges qui sont saisis de ces affaires ne veulent pas voir toutes les preuves. Ils demandent qu'on leur prépare un échantillon de preuves, mais ils ne veulent pas voir tout ce que les policiers sont obligés de voir.
    Cela cadre bien avec le projet de loi sur l'exploitation sexuelle des enfants. Quelqu'un a tapé dans le mille. Un jeune de 14 ou 15 ans n'a pas à prouver qu'il ou elle n'a pas consenti. Voilà ce que ce projet de loi fera. Il mettra nos jeunes de 14 ou 15 ans à l'abri des prédateurs au Canada ou de ceux qui viennent au Canada pour avoir des relations sexuelles avec des adolescents. Il protège nos jeunes de 14 et 15 ans contre ces individus.
    L'un de vous veut peut-être commenter les effets de ce travail pour les policiers qui doivent voir de telles images chaque jour.
    Nous surveillons étroitement ce genre d'activité. Je pense même que la plupart des corps policiers du Canada commencent à reconnaître que nos membres ont besoin de soutien; voilà pourquoi nous prévoyons dans notre structure de gouvernance des services de soutien psychologique car ces images ou ces sons sont gravés dans leurs mémoires et je pense qu'ils ne les oublient jamais.
    En ce moment, nous essayons de faire en sorte que les juges puissent voir ces images lorsqu'ils sont saisis de telles affaires. Vous avez raison, ils sont très réticents à le faire; ils ne veulent pas voir ces documents mais en règle générale, ceux qui prennent le temps de les voir ou de les écouter rendent de meilleurs jugements et imposent des peines plus justes.
(1020)
    À vous, monsieur Frizzell.
    Je suis policier depuis 17 ans mais je ne travaille dans ce domaine que depuis un an. J'ai passé toute ma carrière dans les services chargés d'enquêter sur des crimes graves. Avant de travailler dans ce domaine, je n'avais aucune idée de l'ampleur de ce problème ni du nombre de prédateurs qui essaient d'exploiter de jeunes enfants ou de jeunes adolescents. Je n'en avais aucune idée.
    Quand vous entendrez d'autres témoins lors des séances futures, vous devriez vous assurer qu'ils ont fait leurs recherches et qu'ils n'adoptent pas un point de vue purement émotif, du genre « cela me touche, donc ça doit être mauvais ». Nous devons prendre ces mesures dans l'intérêt de nos enfants.
    Je vous rappelle qu'il y a un groupe qui suit de très près ce débat et qui espère que vous ne changerez pas l'âge de la protection légale. Je pense qu'il faut garder cela à l'esprit.
    Merci, monsieur Frizzell et monsieur Moore.
    C'est au tour de M. Murphy.
    Merci, monsieur le président.
    Je ne suis pas très familier avec ce dossier. Toutefois, je suis le père de trois fillettes et j'ai fait de la politique municipale pendant douze ans; je comprends donc les façons de faire dans les collectivités. Je comprends les corps policiers. Nous avions un service de police municipal, puis la GRC. J'ai vécu ce changement et je n'avais jamais entendu un agent de police, et encore moins un représentant de la police, dire « les tribunaux ne nous appuient pas ». Je vais examiner la question de plus près de mon côté, en écrivant aux personnes intéressées.
    Il a été question de res gestae en l'occurrence et les choses ont été abordées sous l'angle émotif et dans leur contexte, mais, monsieur Griffin, je ne veux pas que nous perdions du temps — ce que nous semblons avoir fait quelque peu — en parlant de l'aspect politique et des émotions que ce phénomène suscite. Je comprends aisément que cette question provoque beaucoup d'émotion.
    Je pense que, pour la première fois, ce projet de loi prévoit une exemption lorsque l'écart d'âge est de moins de cinq ans. Je pourrais me tromper, mais je pense qu'en raison de cela, il sera très facile d'appuyer ce projet de loi. À mon avis, nous devrions proposer une motion de consensus, ne pas entendre d'autres témoignages et adopter ce projet de loi. Voilà ce que nous devrions faire, quant à moi, et je pourrais proposer une motion dans ce sens, monsieur le président.
    Au sujet des faits, je pense que M. Comartin... En fait, je suis toujours prêt à m'opposer au NPD, mais je crois que M. Comartin a été injustement attaqué parce qu'il a dit qu'il voulait connaître les faits. Or, il semble que c'est le vide total à ce sujet et qu'il n'est pas possible d'obtenir des statistiques.

[Français]

    Je pense qu'il est important de mentionner que dire que le Canada est derrière la plupart des pays industrialisés à ce sujet n'est pas l'exacte vérité parce que la France, l'Italie et l'Allemagne, par exemple, qui sont des pays industrialisés de l'Ouest, ont un âge de consentement et des règles semblables. Nous sommes maintenant dans la moyenne et nous regardons en direction des États-Unis et de l'Australie. C'est bien, mais il est bon de dire la vérité.

[Traduction]

    Bref, nous sommes à mi-chemin. Au début, le Code criminel fixait à douze ans l'âge du consentement, mais les choses évoluent. Voici où nous en sommes aujourd'hui.
    J'aimerais bien avoir de l'information, surtout des témoins qui sont des enquêteurs de la police. On semble nous dire que les dangers vont croissants, et je n'en doute pas.
    Tant que mes fillettes iront sur le site de Club Penguin, je n'ai pas de soucis à me faire. Je n'ai pas d'actions dans Club Penguin, mais je devrais peut-être y songer. Je pense qu'ils prélèvent un certain montant sur ma carte de crédit tous les mois.
    L'Internet et les ordinateurs sont au coeur du problème. En tant que législateurs, que pourrions-nous faire de plus pour sévir contre les coupables, que ce soit sur le plan des télécommunications ou des ressources?
    Vous avez parlé du manque de ressources, et je suis bien au fait de ce problème dans la police. J'ai connu ces difficultés aussi, avec le budget, et je me suis allié à la GRC pour essayer d'augmenter le nombre de patrouilleurs de rue.
    Que pouvons-nous faire pour nous attaquer à la véritable source du problème, c'est-à-dire l'Internet?
    Je pose la question tout d'abord aux représentants de la GRC.
    Permettez-moi de vous féliciter. La Gendarmerie a connu un succès retentissant dernièrement dans la lutte contre ce fléau à l'échelle internationale.
    Il existe actuellement un groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur le cybercrime. Si je ne m'abuse, ce groupe doit présenter un rapport le mois prochain, lequel contiendra tout un ensemble de recommandations et de modifications législatives.
    L'Internet est véritablement la dernière frontière. Il y règne la loi de la jungle. Tout allait bien il y a 10 ans lorsque l'Internet était l'apanage des spécialistes. C'était bien avant que les enfants apprennent comment utiliser un fureteur. Les enfants savent très bien comment établir des réseaux sociaux et comment jouer avec les icones, mais sur le plan affectif, les enfants sont toujours les mêmes.
    L'autoroute de l'information ne comporte aucune règle. Il existe toutes sortes de règles dans notre société pour protéger les enfants, mais l'Internet n'en comporte aucune.
    Comme vous avez posé une question sur le sujet, je me permets de faire remarquer qu'il faut réglementer l'Internet pour qu'on puisse protéger les enfants sur l'autoroute de l'information de la même façon qu'ils le sont sur les véritables autoroutes.
(1025)
    Avez-vous des recommandations de nature législative?
    La Loi sur le leurre par Internet date de trois ans, mais je ne sais pas quels en ont été les résultats. Nous avons entendu quelques témoignages sur le sujet.
    C'est peut-être une question qui se rapporte aux télécommunications plutôt qu'à la justice. Je m'interroge.
    Je ne pense pas que ce soit un problème qui touche seulement aux communications. Je crois que notre témoin a été clair là-dessus.
    Nous attendons le dépôt du rapport. Il sera intéressant de voir ce qu'on y recommandera. Il nous faudra de toute façon protéger nos enfants dans le cadre du Code criminel.
    C'est certainement un élément du casse-tête.
    Il me reste une demi-minute ou tente secondes.
    Madame Scanlan, vous avez la parole.
    Il y a aussi la question de la protection de la vie privée.
    À titre d'exemple, si un enfant fait face à un danger immédiat, il est important que nous ayons l'adresse IP de la personne qui cherche à le leurrer pour que nous puissions lui venir en aide. Or, certains fournisseurs de services Internet nous posent actuellement des difficultés parce qu'ils soutiennent que la loi leur interdit de communiquer ce renseignement à la police. C'est un problème pour nous.
    Nous voulons nous assurer que cette porte demeure ouverte pour que l'on puisse intervenir au besoin.
    Je vous remercie.
    Madame Freeman.

[Français]

    Je veux d'abord vous remercier pour vos présentations. C'était vraiment très intéressant, d'autant plus qu'on a abordé la question sous divers angles, notamment celui de l'information. Je vois ici beaucoup de professionnels, à commencer par M. Hanger, qui a déjà présenté tout ça, Mme Kohan, qui semble bien connaître le Comité de la justice, et M. Comartin, qui en connaît long sur le sujet.
    Pour ma part, je suis nouvellement élue. Je suis un peu comme M. Frizzel, qui disait être très impressionné, depuis un an, par l'ampleur de ce problème. En tant que nouvelle parlementaire, je n'ai pas tout ce bagage et je ne connais pas tous les litiges entre les partis ou toutes les négociations. Je ne suis pas rendue à ce niveau.
    Je suis mère de famille. J'ai un fils de 14 ans. Depuis plusieurs années, je suis membre du Barreau du Québec, donc avocate. Je n'avais jamais pensé que le problème décrit ce matin avait une telle ampleur. Je vois qu'on parle beaucoup d'Internet. On n'a pas parlé des formes d'exploitation que subissaient les filles avant l'avènement d'Internet.
    Pour ce qui est d'Internet, je me pose des questions en tant que mère d'un fils de 14 ans. Je n'en avais jamais parlé au comité, mais ce matin, ces questions me préoccupent de façon personnelle de même qu'en tant que représentante de nombreux commettants, concitoyens et concitoyennes. Comment peut-on protéger nos enfants? Mon fils de 14 ans m'a demandé un nouvel ordinateur pour son anniversaire. Tout ce que j'entends m'amène à me demander si on prévoit offrir de la formation à ce sujet. On en est à se demander comment on va réussir à trouver les prédateurs, mais on sait que cette chasse ne va permettre que d'en trouver une infime partie.
    Ce que j'ai dit hier en guise de préambule devant le ministre de la Justice pourrait se résumer de la façon suivante: Il est bon de criminaliser, d'augmenter l'âge et tout cela, mais ce qui est important, c'est d'éduquer nos enfants. Que prend-on comme mesures? On peut essayer de changer tout le système judiciaire, mais que fait-on pour les protéger?
    Bien des jeunes peuvent naviguer sur Internet beaucoup plus simplement que je ne saurai jamais le faire. Les policiers doivent les informer, les éduquer, n'est-ce pas? Avez-vous des programmes à cet effet? C'est bien beau de faire la chasse aux prédateurs, mais il faut éduquer ces jeunes et leur expliquer ce qu'est la relation d'exploitation, de façon à ce qu'ils ne tombent pas dans ce piège.
    Vous soulevez un point très intéressant, c'est-à-dire l'éducation.
    Mais oui, c'est ce qu'on laisse de côté. Je trouve qu'aujourd'hui, on évacue ce problème.
(1030)
    À mon avis, le fait que vous le souleviez est déjà un début.
    C'est la mère en moi qui parle; ce n'est ni la parlementaire ni l'avocate.
    Les parlementaires ont eux aussi une vie. Ils ne font pas que siéger à la Chambre.
    J'espère bien. Nous avons notre propre bagage.
    L'éducation en milieu scolaire est importante, mais il faut également éduquer les parents. Les jeunes utilisent plus facilement l'ordinateur que leurs parents. À preuve, les parents demandent souvent aux enfants comment naviguer sur Internet.
    Il y a plusieurs moyens à utiliser, et certaines formations en font état. Ce n'est pas une panacée, mais un des moyens consiste à sortir l'ordinateur de la chambre du jeune et à l'installer au salon, par exemple, ou dans une autre pièce accessible à tout le monde, pour empêcher que l'enfant s'isole. C'est quand il est isolé qu'il commence à voyager sur des sites qu'il ne devrait peut-être pas consulter. De cette façon, un adulte peut toujours regarder ce que fait l'enfant.
    Excusez-moi, monsieur Cannavino, mais je vois que vous me donnez un conseil...
    Non, je répète ce qui est dit.
    Je trouve ça très bien, mais je pense qu'on n'a pas recours aux réseaux publics nationaux, par exemple la télévision. J'ai entendu dire que dans le dernier budget, des millions de dollars avaient été alloués par le gouvernement pour combattre ce problème. Est-ce qu'avec ces fonds, on prévoit informer les parents et les enfants par l'entremise de publicités à la télévision? On parle d'un système d'alerte.
    Je suis mère et je sais que comme parent, on pense toujours que le problème ne touche que les autres. On s'imagine que les choses se passent chez le voisin, pas chez soi. Bref, c'est au niveau de la formation, de l'éducation, qu'il y a des lacunes.
    J'espère que cela sera soulevé par les parlementaires. Au moment de l'adoption du projet de loi, vous pourrez y ajouter des volets. Rappelez-vous les campagnes Disons non à la drogue et celle de MADD sur l'alcool au volant. Le Parlement devrait prévoir l'ajout d'une campagne de sensibilisation et d'éducation. Il faut s'assurer que les campagnes de sensibilisation ne soient pas uniquement diffusées à la radio et à la télévision, mais également dans les écoles au moyen de programmes comme Disons non à la drogue. Ces campagnes devraient également comporter un volet qui explique la situation aux adultes.
    M. Moore a fait une suggestion. Après la comparution de tous les témoins, il serait intéressant que vous puissiez aller passer une demi-heure dans l'une des escouades cybersexe. Vous pourrez le faire si vous le demandez. Vous seriez encore plus au fait, malgré les témoignages de tous les intervenants qui ont comparu devant vous. Quand vous sortirez de cette pièce, vous vous direz que jamais vous n'auriez pu imaginer cela.

[Traduction]

    Si vous n'y voyez pas d'inconvénients, je crois que M. Hutchinson voulait aussi intervenir.
    Madame Freeman, je suppose que tout comme moi et nombre de ceux qui se trouvent dans cette salle, vous apprenez quelque chose tous les jours. Je suis père de famille, ministre du culte, j'ai mon certificat de conseiller et je suis avocat. À ce titre, je rencontre beaucoup de gens qui se penchent sur ce dossier mais dans le contexte de l'éducation.
    Les jeunes apprennent à l'école secondaire et parfois même au primaire, qu'ils peuvent participer à des activités sexuelles avec un adulte dès l'âge de 14 ans. C'est ce qu'ils apprennent dans leur cours d'éducation sexuelle en Ontario, qui fait partie du programme d'enseignement. C'est également ce qu'on enseigne dans le cours d'introduction au droit au Canada en Ontario. On leur apprend également que même peut-être dès l'âge de 12 ans, ils peuvent avoir des relations sexuelles en raison de l'exception en ce qui a trait à l'âge rapproché. Le volet éducation, au moins en Ontario, est assuré par le programme d'enseignement provincial.
    À mon avis, si le Parlement augmentait l'âge requis pour consentir à des actes sexuels à 16 ans, cela également serait annoncé dans le programme d'enseignement, ce qui assurerait une plus grande protection à nos enfants, qui peuvent aujourd'hui rentrer à la maison et dire à leurs parents qu'ils n'ont rien à dire sur leurs relations avec une personne de 24 ou 25 ans qui a plus d'argent qu'eux, qui n'ont que 14 ans, et qui se servent de cet argent pour les gâter et les choyer.
    C'est un commentaire intéressant. Cela nous fait sans doute un peu penser à bien d'autres questions, mais il y a d'autres personnes qui désirent intervenir.
    Monsieur Petit, vous avez la parole.
(1035)

[Français]

    Merci d'être venus témoigner devant nous ce matin. Je suis également un jeune député. Cela fait à peine un an que j'ai été élu. Je viens de la région de Québec et je suis conservateur.
    J'admire Mme Scanlan pour son témoignage. Vous venez de la ville de Toronto, qui comprend 22 circonscriptions représentées par 19 libéraux, 3 néo-démocrates et aucun conservateur. Vous vivez dans une région où il est difficile de véhiculer nos idées parce que certains disent que nous sommes des idéalistes. Protéger les enfants n'est pas une idéologie, c'est notre devoir de parents.
    Monsieur Cannavino, vous venez probablement de Montréal. Cette ville est dominée par les libéraux et le Bloc québécois. Il n'y a pas de conservateurs. Vous vivez également sur une terre très difficile à travailler.
    Madame Kohan, je ne sais pas d'où vous venez, mais vous m'avez intrigué relativement à une chose très importante.

[Traduction]

    Un rappel au Règlement.

[Français]

    Je me demande si M. Petit n'est pas en train de faire un discours politique sur les pôles bloquistes ou conservateurs au Québec. Ce n'est pas tellement important pour cette discussion. Ce projet de loi est très sérieux.
    Justement, il est très sérieux. Ma question fait suite à celle de la députée de Notre-Dame-de-Grâce—Lachine.

[Traduction]

    Mais quelle question posez-vous aux témoins?

[Français]

    On vous a demandé plus tôt ce que vous pensiez d'un gouvernement qui n'avait pas fait telle ou telle chose. Que pensez-vous des projets de loi C-9 et C-10? Ce dernier imposait des peines minimales, surtout dans les cas de leurre. Le projet de loi C-10 a été castré, comme l'a dit M. Ménard à la chaîne de télévision CPAC.
    Que pensez-vous du projet de loi C-9 sur les peines avec sursis, qui a été complètement éviscéré? On a deux grands projet de loi. Comment voulez-vous que, même avec le projet de loi C-22...

[Traduction]

    Il y a un autre rappel au Règlement.
    Ce ne sont pas les projets de loi dont nous discutons maintenant.
    Je le sais, mais il appartient au député d'utiliser son temps comme bon lui semble. Si ce n'est pas le sujet qu'on aborde...
    Pardon?
    Je m'excuse de vous avoir interrompu.
    Vous disiez qu'il nous fallait observer la règle de pertinence.
    Oui.
    Mais en l'occurrence, où est la pertinence?
    Monsieur Petit, posez votre question. Il ne vous reste pratiquement plus de temps.

[Français]

    Madame Kohan, vous avez beaucoup insisté sur le fait que vous étiez un peu en désaccord, parce que même avec le projet de loi C-22, il n'y a presque pas de peines avec sursis dans ces cas. Les peines sont trop légères. Vous avez donné beaucoup d'exemples.
    Depuis que je siège au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, dès qu'on nous donne les États-Unis en exemple, on dit de ne pas faire comme les Américains. Mais que faisons-nous? Nos enfants sont-ils différents des enfants américains?
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Vous avez donné plusieurs exemples, et je voudrais que vous vous expliquiez un peu plus à ce sujet.

[Traduction]

    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je crois que M. Petit a fait une remarque inexacte lorsqu'il a dit que chaque fois qu'un projet de loi qui s'inspirait d'un modèle américain était à l'étude, les membres du comité s'y opposaient ,disant qu'on ne peut pas adopter le modèle américain.
    Eh bien, c'est peut-être son opinion, madame Jennings.
    Il semble que le projet de loi C-22, qui ferait passer l'âge requis pour consentir à des actes sexuels de 14 à 16 ans... Des témoins nous ont dit que plusieurs États américains avaient fixé l'âge requis à 16 ans.
    A mon avis ce n'est pas un rappel au Règlement.
    Nous appuyons le projet de loi C-22; cela veut donc dire que nous ne rejetons pas un modèle américain.
    Madame Jennings, ce n'est pas un rappel au Règlement.
    Oh, je m'excuse.
    Les témoins voudraient répondre.
    Bien, quelques questions entrent en jeu.
    Tout d'abord, on entend souvent des comparaisons avec ce qui se passe en Europe. Les frontières des nations européennes sont beaucoup moins longues que celles qui séparent le Canada et les États-Unis. Il est vrai que nous devons tenir compte de la détermination de la peine aux États-Unis, parce que cela a une incidence sur notre propre collectivité. Si nous ne reflétons pas le genre de peines qu'adoptent ou imposent les Américains, nous représenterons le refuge parfait pour les pédophiles. C'est justement la situation que nous vivons aujourd'hui.
    Il faut se rappeler qu'une peine d'emprisonnement de 130 ans est souvent imposée par nos voisins. Au Canada, pour le même crime, le contrevenant se voit imposer une peine d'emprisonnement de trois à cinq ans.
(1040)
    C'est ridicule!
    C'est pourtant les peines qu'on leur inflige.
    Je le sais, mais c'est ridicule.
    Eh bien si jamais, vous savez...
    Mais une peine de 130 ans, c'est ridicule.
    Le fait est que le pédophile sera emprisonné à perpétuité et ne pourra plus jamais causer de tort à un autre enfant. C'est là l'objectif visé.
    Ce genre de situations n'existe pas ici. En ce qui concerne les pédophiles, le système judiciaire encourage la récidive... Par exemple nous n'avons pas les ressources pour appuyer le travail des policiers, par exemple, le prélèvement d'échantillons... En ce qui concerne la pornographie juvénile, s'il ne s'agit pas d'un acte criminel, il faut alors déterminer s'il s'agit d'une infraction criminelle. Il est ridicule que nous n'appuyons pas le système policier comme nous le devrions. Nous ne mettons pas à sa disposition les ressources dont il a besoin, et nous ne considérons pas cette question sérieusement.
    J'ai entendu de nombreux députés ici présents dire qu'ils connaissaient relativement peu de choses à propos de ce genre de crimes et qu'ils n'avaient aucune idée à quel point il est répandu. Le sergent Paul Gillespie, qui était le prédécesseur de Kim, était venu ici présenter en fait des exemples de pornographie juvénile. La participation à cette séance d'information était facultative et un grand nombre de ministres et de députés n'y ont pas assisté.
    J'aimerais demander au Comité de la justice d'inviter Kim à vous faire une présentation pour vous montrer ce à quoi nous avons affaire. Comment pouvons-nous prendre une décision éclairée sans savoir au juste ce à quoi on a affaire? Et oui, les photos sont horribles.
    Lorsque j'ai commencé il y a dix ans, le site cyberaide n'existait pas. Les gens m'envoyaient des exemples de pornographie juvénile qu'ils avaient vus sur Internet et indiquaient que c'est ce que leur fille avait trouvé sur Internet et qu'est-ce que l'on pouvait faire dans une telle situation. Je peux vous dire que dix ans plus tard, j'entends toujours cette petite fille pleurer. Je l'entends encore implorer qu'on lui laisse la vie sauve. Vous devez constater ce avec quoi nous sommes aux prises pour prendre une décision éclairée. C'est donc ce que je vous demanderais de faire.
    Monsieur Cryer.
    J'aimerais faire un rappel au Règlement, monsieur le président.
    Allez-y, monsieur Comartin.
    Simplement pour rétablir les faits, ces documents ont été distribués au Comité de la justice lors de la dernière législature. La plupart d'entre nous en avons pris connaissance.
    Personnellement, j'ai eu l'occasion de prendre connaissance de ce genre de matériel dans le cadre des cas dont je m'occupais il y a une vingtaine ou une trentaine d'années.
    Je vous remercie, monsieur Comartin.
    Je ne crois pas que toutes les personnes ici présentes en aient eu connaissance, toutefois.
    Compte tenu de vos antécédents professionnels, il est évident que vous en avez eu connaissance.
    Très bien, madame Kohan.
    Monsieur Cryer.
    Je reconnais l'importance des aspects judiciaires de cette question, et ils sont très importants, et je comprends ce que l'on est en train de dire. Par ailleurs, je tiens également à rappeler aux membres du comité qu'il s'agit également d'une question de normes communautaires. Nous sommes vraiment en train de parler des enfants selon la définition qu'en donne la Convention des Nations Unies sur le droit des enfants. Il s'agit d'enfants de moins de 18 ans. Nos lois actuelles sur la pornographie traitent des enfants de moins de 18 ans. Tant que nous vivons dans une société qui considère que les jeunes de moins de 18 ans sont des enfants, je pense que toutes les lois que nous établissons devraient rendre compte du fait qu'il s'agit d'enfants et que si nous portons l'âge du consentement sexuel de 14 à 16 ans, il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'enfants.
    Je tiens simplement à rappeler à chacun d'entre nous qu'il ne s'agit pas uniquement de questions judiciaires, mais également de la question plus générale de rehausser la norme communautaire afin que tous les adultes considèrent quiconque a moins de 18 ans comme un enfant et continuent de le traiter comme tel.
    Je vous remercie, monsieur Cryer.
    Monsieur Lee.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    J'ignore pourquoi nous semblons remettre en question ce texte de loi en particulier, puisque la Chambre a déjà adopté le projet de loi, en principe. Donc le travail de notre comité ici est vraiment de tâcher simplement de déterminer si les dispositions du projet de loi sont prêtes à être mises en oeuvre et, d'après ce que je constate, il y a peu d'aspects sur lesquels on ne peut pas s'entendre.
    Au fil des ans, le comité a eu l'occasion de prendre connaissance d'énormément de matériel sur la pornographie juvénile, qui était tout à fait abominable, et nous avons eu l'occasion d'en prendre connaissance plus d'une fois, au cours des dix ou 20 dernières années, et nous avons adopté des lois très rigoureuses en matière de pornographie juvénile. Nous les avons adoptées. En fait, la Cour suprême a annulé l'une d'entre elles, du moins en partie. C'est donc un processus qui existe depuis un certain temps.
    Je n'ai jamais entendu un détective de la section des homicides dire qu'il appréciait vraiment les fruits de son travail. Le milieu de travail ne leur plaît pas. La vie est parfois dure pour ceux qui travaillent dans le domaine du maintien de l'ordre. C'est tout simplement la réalité. La même chose est vraie dans le cas de l'exploitation des enfants. En fait, nous pouvons adopter toutes les lois que nous voulons, y compris celle-ci, mais nous aurons toujours besoin de moyens pour l'appliquer. Nous avons des lois très solides en matière d'homicides. Il n'en demeure pas moins qu'il faut les appliquer, qu'il faut des enquêtes, des poursuites, des condamnations, l'imposition de peines.
    Ce sera donc la même chose, même si nous adoptons cette loi. Cela ne signifie pas qu'il n'y aura plus d'incidents d'exploitation d'enfants.
    Il y a cinq ans, nous avons adopté une loi interdisant le leurre sur Internet. J'ignore d'où vient l'impression selon laquelle il n'existe aucune loi dans ce domaine. M. Frizzell a laissé entendre qu'il s'agit d'un univers complètement nouveau. Il y a cinq ans, le Parlement a réagi et a adopté la loi en question. J'ignore quels en sont les résultats sur le plan statistique, mais la loi a été adoptée. Aujourd'hui, nous en sommes à l'étape de l'application.
    Je veux poser une question à Mme Scanlan. Je suis en train d'examiner certains chiffres concernant la justice. Cette réponse pourrait intéresser le public. Elle concerne l'application de l'article 153 concernant l'exploitation sexuelle des enfants. Selon Juristat, document publié par le Centre canadien de la statistique juridique, 62 p. 100 des accusations portées par la police et les procureurs en vertu de l'article 153, au cours des dix dernières années, ont été retirées ou suspendues — 62 p. 100. Désolé, ce chiffre était de 62 p. 100 l'année dernière, mais a varié entre 51 p. 100 et 62 p. 100.
    Je suis intrigué par ce pourcentage très élevé d'accusations qui ont été retirées en ce qui concerne cette infraction en particulier. Il est très élevé. Habituellement, lorsqu'un cas est porté devant les tribunaux, on envisage que le trois quarts d'entre eux seront entendus — 80 p. 100 d'entre eux et non pas que 62 p. 100 des accusations seront retirées. Dans votre travail, avez-vous eu l'occasion de constater ce pourcentage d'accusations retirées ou suspendues par les procureurs, et dans l'affirmative, quelle en serait la raison?
(1045)
    Je travaille à la section de l'exploitation des enfants seulement depuis juillet, donc je suis là depuis un peu moins d'un an. D'après mon expérience, ce n'est pas la situation que nous constatons à l'heure actuelle à Toronto, particulièrement en ce qui concerne les crimes par Internet. En fait, je crois que notre taux de condamnations par les tribunaux est assez élevé.
     En ce qui concerne les autres domaines pour lesquels d'autres accusations peuvent être portées, si vous examinez qui en sont les victimes, le processus judiciaire est un système accusatoire lorsque l'on demande à des jeunes de témoigner devant les tribunaux, cela pose problèmes. Cela revient une fois de plus à une question de consentement. Était-il consentant? N'était-il pas consentant? Parfois, je pense que le procès permet de deviner leur propre vulnérabilité, et que c'est peut-être une raison qui explique les pourcentages dont vous avez parlé.
    Vous travaillez avec une section spécialisée et dévouée, donc vous possédez de très grandes compétences et faites des enquêtes de qualité. Cela explique sans doute votre taux de réussite.
    Pour ce qui est de votre collaboration avec d'autres organismes de maintien de l'ordre, êtes-vous au courant des lacunes qui existent ailleurs au pays et qui pourraient contribuer au pourcentage élevé d'accusations qui sont retirées ou suspendues?
    Lorsque vous parlez de l'âge de protection, cela va au-delà de l'exploitation des enfants sur Internet. On vise tout type de vulnérabilité ou d'exploitation. Nous sommes en train de parler de jeunes de 14 et 15 ans.
    Je ne suis pas en mesure de vous dire ce qui se passe dans les autres régions du Canada, mais je sais qu'en ce qui concerne l'exploitation des enfants, nous sommes très prudents et collaborons couramment pour nous assurer de ne pas créer de mauvaise jurisprudence et que nos poursuites aboutissent, dans le travail que nous effectuons avec les tribunaux.
    Je vous remercie, monsieur Lee.
    Monsieur Thompson.
    Je tiens à remercier chacun d'entre vous des témoignages que vous nous avez présentés aujourd'hui, mais je tiens également à vous remercier du travail que vous faites pour défendre une cause qui vous tient à coeur. Vous voulez vraiment que l'on prenne des mesures concrètes, cela est évident, et j'apprécie ce genre de conviction et de dévouement.
    J'ai visité le centre en compagnie de Paul Gillespie et certaines des personnes de Toronto. Je sais à quel point il s'agit d'une tâche horrible. Madame Scanlan, je vous demanderais de transmettre ma gratitude la plus sincère à chacun d'entre eux. J'ai peine à imaginer comment ils arrivent à tenir le coup dans des conditions aussi difficiles.
    Je suis là depuis longtemps. Avant l'Internet et tout cela, nous connaissions ce problème avec l'âge du consentement. En tant que directeur d'école, j'ai eu l'occasion de m'occuper de plusieurs incidents de ce type. On ne pouvait rien faire parce que les jeunes avaient 14 et 15 ans et qu'ils étaient consentants. Mais ce que je tiens à signaler, c'est que pratiquement chaque fois que cela s'est produit, ce genre de situation s'est pratiquement toujours terminée de façon tragique. Je songe à cinq cas particuliers, dont trois ont abouti au suicide; un qui s'est terminé par des voies de fait de la part du partenaire plus âgé, qui ont eu des conséquences tragiques, ce soi-disant consentement ayant entraîné des dommages au cerveau irréparables, et dans le dernier cas, la jeune fille s'est retrouvée avec deux enfants avant d'atteindre l'âge de 17 ans, et a été abandonnée.
    Je sais à quel point la situation est grave. Je sais que l'Internet offre de nouveaux moyens aujourd'hui de leurrer les jeunes. Je m'en rends bien compte. Je pourrais aborder certains de ces aspects. Le président et moi-même sommes ici depuis 1993. Je sais personnellement qu'il s'en est pris à tous les ministères de la Justice qui se sont succédés dans le cadre du gouvernement majoritaire de M. Chrétien, afin qu'ils interviennent. Nous avons fait des démarches auprès de chacun d'entre eux. Elles n'ont jamais abouti.
    Le 28 septembre 2005, le député de Lethbridge a présenté le projet de loi  C-313 qui prévoyait précisément ce genre de mesures. Au moment du vote, 99 députés ont voté oui et 167 ont voté non. J'étais estomaqué, parce qu'il ne fait aucun doute dans mon esprit que personne ici présent refuse de prendre des mesures pour protéger ses enfants. Je sais qu'ils veulent les protéger.
    Je respecte M. Comartin, de même que son expérience et sa compétence en ce qui concerne les pédophiles. Personnellement je ne possède aucune de cette expérience ou de ces compétences. Je ne voudrais même pas faire concurrence à M. Comartin dans ce domaine. Et je ne me soucie pas vraiment des statistiques. Vous savez, si cela se produit dans un cas, c'est un cas de trop, et c'est le genre de statistiques auxquelles je me fie.
    Tout ce que je demande, c'est si l'un des membres du groupe a une opinion quant à ce qui empêche ce genre de loi de voir le jour. Je suis ici depuis treize ans et ce genre de loi n'a toujours pas été adoptée. À votre avis, quelle en est la raison?
    Je vous dirais qu'à mon avis, les tribunaux décident que les lois qui sont prises ne sont pas constitutionnelles. Les lois ne résisteraient pas à une contestation en vertu de la charte. Si tel est le cas, nous devons remédier à la situation, parce que cela nous empêche de protéger nos enfants. C'est mon opinion. Pourriez-vous me donner la vôtre?
(1050)
    Je vais commencer à un bout et passer rapidement à l'autre. Il y a un autre député qui veut poser des questions.
    Monsieur Hutchinson: quelle est votre opinion?
    Monsieur Thompson, à mon avis tout ce qui retarde l'adoption d'une telle loi, c'est la décision du Parlement.
    Monsieur Cryer.
    L'AEC n'a pas obtenu tout ce qu'elle voulait dans ce projet de loi, mais elle ne propose aucun autre amendement et recommande que le projet de loi soit adopté.
    Madame Scanlan.
    Je pense que toutes les personnes ici présentes doivent à l'unanimité adopter ce projet de loi. Ce serait une bonne chose.
    Madame Kohan.
    Je suis d'accord. Lorsque nous en avions parlé par le passé, on craignait que cela devienne un problème constitutionnel et que la loi ne soit pas adoptée. J'espère que nous en sommes arrivés à un stade où il semble y avoir consensus sur ce projet de loi.
    J'espère que les juges en auront également la possibilité. Comme je l'ai dit, il y a deux aspects d'une grande importance ici. L'un, c'est l'âge du consentement et l'autre, ce sont les peines minimales.
    Monsieur Cannavino.
    Je n'ai pas grand chose à ajouter à ce que vous avez dit, monsieur Thompson. Je me contenterai de vous demander d'adopter ce projet de loi le plus tôt possible. C'est d'un outil dont nous avons besoin. Bien sûr, il ne mettra pas fin aux agissements de l'ensemble des prédateurs sexuels, mais il nous permettra de disposer de certains outils pour lutter contre eux.
    Certaines personnes considèrent qu'une peine d'emprisonnement de 130 ans, c'est ridicule, mais lorsque vous condamnez quelqu'un à l'emprisonnement à perpétuité et que vous lui permettez de sortir après quelques années, je considère que cela aussi, c'est ridicule. J'aimerais demander à ceux qui pensent de cette façon-là ce qu'ils considèrent être une peine logique à imposer. Nous sommes en train de parler de prédateurs. Il ne faut leur accorder aucun répit.
    Monsieur Griffin.
    Mon côté cynique me porte à dire que nous vous reverrons la prochaine que vous débattrez de ce projet de loi. Mon côté optimiste me pousse à dire que j'espère que vous accomplirez la tâche que l'on attend de vous.
    Monsieur Frizzell.
(1055)
    J'ignore pourquoi il n'a pas été adopté auparavant, mais j'espère de tout coeur qu'il le sera maintenant.
    Je vous remercie.
    Monsieur Brown, vous êtes le dernier intervenant sur la liste.
    Je vous remercie, monsieur Hanger.
    Il est assurément formidable d'entendre aujourd'hui le témoignage de cinq groupes très respectés. J'ai entendu quelqu'un dire qu'il ne s'agissait que de preuves anecdotiques. D'après ce que nous avons entendu de la part de nos électeurs dans nos circonscriptions, et compte tenu du fait que cinq groupes nous disent tous essentiellement la même chose, je dirais que ce projet de loi doit être absolument adopté. Nous devons changer beaucoup plus que les preuves circonstancielles. Les histoires que nous lisons dans les journaux à propos d'horribles incidents ne peuvent à mon avis que nous motiver à améliorer ce projet de loi et témoigne de façon éloquente de la nécessité de le faire.
    J'ai trouvé, madame Kohan, que vous avez fait une observation très éloquente. Vous avez dit que le système judiciaire encourage la récidive et vous avez parlé de refuge pour pédophiles. Cela me fait songer à deux questions que j'aimerais poser de façon générale.
    D'abord, dans quelle mesure à votre avis les personnes qui essaient de violer des enfants font-ils preuve de stratégie? Si quelqu'un vit dans un État voisin du Canada, un État où l'âge de consentement est plus élevé, croyez-vous que cette personne ciblerait en fait des villes canadiennes qui sont plus proches de la frontière? Est-ce que les criminels agissent de cette façon stratégique?
    Et deuxièmement, comme l'ensemble des parlementaires ont essentiellement pour objectif de protéger les enfants, croyez-vous que les mesures que nous sommes en train de prendre ici au Parlement, que ce soit l'élimination de la détention à domicile dans le cas de certains crimes, la volonté d'établir des sentences minimales, ou maintenant la loi dont nous sommes saisis — représentent-elles la voie générale à suivre?
    Pourriez-vous commenter ces deux points, d'abord madame Kohan et ensuite monsieur Cannavino?
    Pour ce qui est des frontières, les pédophiles ont une approche extrêmement méthodique. Ils sont rusés. Ils ciblent les enfants et feront pratiquement tout ce qui est dans les limites du raisonnable pour atteindre cet enfant.
    Si des pédophiles vivent à la frontière du pays et examinent leurs propres lois, en vertu desquelles, comme je l'ai dit, ils pourraient recevoir une peine de 130 ans, tandis qu'il leur suffit de franchir la frontière, et ici les ressources sont moins nombreuses et nos policiers sont beaucoup moins bien équipés que ceux des États-Unis, alors même si les pédophiles se font prendre, ils pourraient écoper d'une peine de cinq ou six ans de prison et il s'agit d'une jolie prison... Les pédophiles ne se posent même pas la question. Ils vont venir ici. Quelle est leur option? Bien entendu qu'ils vont franchir la frontière.
    Pour ce qui est des peines minimales, oui, vous êtes à l'heure actuelle définitivement sur la bonne voie. Vous envisagez d'augmenter l'âge de consentement. Il y a également une rumeur selon laquelle vous envisagez de modifier les peines minimales. Un ombudsman pour les victimes a été présenté. Vous dîtes maintenant les choses que je veux entendre depuis 10 ans. Nous faisons finalement passer les enfants en premier. Les droits collectifs des enfants passent d'abord, avant les droits des pédophiles. Pour moi, c'est comme si le moment était finalement venu. Cela aurait dû être fait il y a longtemps, mais au moins c'est fait maintenant.
    Y a-t-il d'autres commentaires?
    J'aimerais remercier tous les témoins de leur comparution ce matin. Je crois que nous avons eu un échange enrichissant, et je sais gré de votre présence, tout comme tous les membres du comité, j'en suis sûr.
    Je voudrais maintenant donner la parole à monsieur Ménard, qui souhaite invoquer le Règlement.

[Français]

    Monsieur le président, il y a un petit côté contradictoire dans les témoignages qu'on a entendus ce matin. Ce n'est pas moi qui va minimiser l'importance d'adopter le projet de loi, mais on ne peut pas nous dire qu'on a pas de statistiques et, en même temps, nous dire que le Canada est un paradis pour les touristes sexuels.
    J'ai trois demandes de statistiques que je ferai parvenir au service de la recherche, et j'aimerais que cette recherche soit mandatée auprès de Juristat. On vous les fera parvenir par la suite.
    J'aimerais également que la greffière soit mandatée pour relever l'invitation de M. Cannavino. Je n'étais pas membre du précédent comité et j'aimerais que l'on puisse visiter... Comment appelez-vous cela?
    Différentes organisations et différents corps de police les appellent le cybersexe ou l'unité cybersexe. Il y a différents noms, que ce soit à Montréal, à la Sûreté du Québec, à l'OPP, à la GRC, à Toronto ou à Vancouver, etc. Si vous voulez, on peut vous mettre en rapport avec les gens pour vous organiser une rencontre.
(1100)
    C'était mon recours au Règlement, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci, monsieur Ménard.

[Français]

    Je m'excuse, monsieur le président, mais je sais que d'autres parlementaires ont eu accès à plusieurs autres informations. À part cette unité qui peut être visitée, y a-t-il d'autres informations auxquelles vous avez eu accès les autres fois?

[Traduction]

    Oui. Notre comité, peut-être pas directement par le truchement du Comité de la justice, a visité le centre de la GRC. Je crois que grâce à cette suggestion, il serait possible de répondre à certaines des questions portant sur l'aspect cybernétique de la question. Je crois que nous pourrons organiser cela de notre côté.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    À l'heure actuelle, on donne aux agents d'infiltration une formation, tout près du Collège canadien de police. J'ignore si certains des membres du comité peuvent s'en prévaloir. Nous pourrions certainement prendre des dispositions et ils pourraient voir très rapidement, ne serait-ce que dans le domaine du leurre, à quelle vitesse cela peut se produire.
    C'est au centre de formation de la GRC?
    C'est au Collège canadien de la police à l'heure actuelle.
    Ah oui, le Collège canadien de la police.
    Cela se produit-il souvent?
    Oui, il s'agit du cours supérieur sur l'exploitation des enfants par Internet, qui est offert aux agents de police de partout au pays. Il y a donc des représentants provenant de tout le Canada à l'heure actuelle, des agents de police, qui suivent cette formation.
    Nous allons envisager cette possibilité. Merci beaucoup, madame Scanlan.
    Y a-t-il une motion d'ajournement?
    Des voix: J'en fais la proposition.
    Le président: La séance est levée.