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Je vous remercie, monsieur le président.
Je suis heureux d’être de retour ici. J’avais promis hier à M. Ménard que je reviendrais, et me voici.
J’ai le plaisir de présenter deux de mes fonctionnaires, Mme Julie Besner et M. Donald Piragoff. Ils me seconderont à l’égard de quelques points techniques.
Monsieur le président, membres du comité, je suis heureux que le comité amorce son examen du projet de loi qui vise à protéger la sécurité publique en s’attaquant aux problèmes des armes à feu et des gangs. Ce projet de loi fait partie de l’engagement de notre gouvernement de prendre des mesures pour protéger les Canadiens et rendre nos rues plus sûres.
En voyageant aux quatre coins du Canada et en discutant de ces mesures et d’autres mesures de justice pénale, j’ai été frappé par les appels en faveur de mesures de lutte contre la criminalité mettant en jeu des armes à feu. Des mères, des chefs de police et des procureurs généraux nous ont dit clairement que nous devions prendre des mesures pour nous attaquer à cette criminalité dans nos rues. Le projet de loi C-10 imposera des peines minimales obligatoires nettement plus sévères pour des infractions graves ou des récidives mettant en jeu les armes à feu d’une façon à la fois mesurée et explicitement adaptée au problème qu’il vise à régler. Il créera également deux infractions visant explicitement le vol d’armes à feu lors d’un vol qualifié et lors d’introductions par effraction dans des résidences et dans d’autres endroits.
Le projet de loi vise à renforcer le régime actuel de peines minimales pour certaines infractions mettant en jeu des armes à feu. Actuellement, des peines minimales obligatoires de quatre ans s’appliquent à dix infractions différentes liées à l’utilisation d’armes à feu. Pour d’autres actes criminels au cours desquels une arme à feu est utilisée, une peine minimale consécutive d’un an s’applique lors d’une première infraction; une peine de trois ans s’applique lors d’une deuxième infraction. Une poignée d’autres infractions mettant en jeu des armes à feu, mais non leur utilisation comme telle, sont actuellement assorties de peines minimales d’un an seulement, par exemple pointer une arme à feu et faire la contrebande d’armes à feu.
Le projet de loi est une mesure ciblée qui vise les membres de gangs qui utilisent des armes à feu pour commettre leurs actes criminels et les individus qui utiliseraient des armes à feu à autorisation restreinte pour menacer des Canadiens et Canadiennes. Il s’agit d’une réponse directe au fléau des actes criminels commis avec des armes de poing avec lequel notre pays est aux prises, en particulier dans nos villes. Le projet de loi vise le nombre restreint de personnes qui commettent ces actes criminels et il fera en sorte qu’ils s’exposeront à des peines importantes pour leurs actes.
Le projet de loi vise à étendre l’application de la loi en vigueur en prévoyant un régime de peines minimales obligatoires progressives. La peine applicable augmentera s’il y a récidive, comme c’est le cas pour les infractions de conduite avec facultés affaiblies. Cependant, comme l’éventail des infractions mettant en jeu des armes à feu est considérablement plus grand que celui des infractions de conduite avec facultés affaiblies, des régimes de peines progressives différents sont nécessaires.
Le projet de loi propose trois régimes différents de peines progressives que je vous décrirai en détail dans un moment mais j’aimerais d’abord m’étendre sur la nature du problème auquel le gouvernement s’attaque avec ce projet de loi.
Depuis les trente dernières années, les catégories d’armes à feu employées dans la perpétration d’actes criminels ou découvertes au cours d’enquêtes criminelles ont considérablement changé. Des policiers et en particulier ceux qui s’occupent de faire respecter la loi à l’égard des armes à feu m’ont dit qu’ils voient de plus en plus d’armes de poing illégales, en particulier dans le contexte de la violence des gangs et du trafic de stupéfiants. Il s’agit d’un changement radical par rapport aux années 1970 et 1980, alors que les armes à feu employées dans des actes criminels, en particulier dans des homicides, étaient surtout des armes d’épaule.
Les statistiques disponibles de Statistique Canada appuient ce que les policiers nous disent. Nous avons transmis ces statistiques au greffier du comité. Les chiffres montrent que ces dernières années, les armes de poing sont devenues l’arme de choix dans les actes criminels mettant en jeu des armes à feu et qu’elles sont utilisées dans environ les trois quarts des crimes de violence mettant en jeu des armes à feu.
Le projet de loi cible les infractions graves et les récidives mettant en jeu des armes à feu. Quand vous examinerez les infractions visées par ces régimes de peines minimales obligatoires, vous verrez que ce sont toutes des infractions graves mettant en jeu des armes à feu. Ces propositions couvrent les infractions liées aux armes à feu qui se rapportent habituellement à la conduite criminelle la plus grave. Nous pourrions dire que ce que nous faisons dans le projet de loi C-10, c’est codifier des facteurs aggravants précis dont les cours devront tenir compte en imposant des peines aux personnes trouvées coupables de ces infractions graves mettant en jeu des armes à feu. Nous avons proposé des peines minimales plus sévères de cinq ans pour une première infraction, de sept ans pour une deuxième infraction et de dix ans pour une troisième infraction.
Il y a huit infractions graves liées à l’utilisation d’armes à feu: tentative de meurtre, déchargement volontaire d’une arme à feu dans l’intention de blesser une personne ou de prévenir une arrestation, agression sexuelle armée, agression sexuelle grave, enlèvement, prise d’otage, vol qualifié et extorsion. Le régime de peines plus lourdes pour ces infractions ne s’appliquera que si l’un ou l’autre de deux facteurs aggravants est présent.
Le premier facteur aggravant est le lien avec une organisation criminelle. Cela comprendrait les gangs de rue si ils sont composés de trois personnes ou plus ayant l’intention de commettre des infractions graves pour en tirer des gains matériels, peu importe la catégorie d’arme à feu employée. Il est donc important de se rappeler que le régime s’applique à toutes les catégories d’armes à feu employées dans le contexte de l’activité d’un gang et de l’activité criminelle en question.
Le deuxième facteur est l’emploi d’une arme à feu à autorisation restreinte ou prohibée. Comme vous le savez, ces armes sont des armes de poing, des armes automatiques ou des armes d’épaule qui ont été modifiées d’une quelconque façon.
J’aimerais prendre un moment pour clarifier une ou deux choses à propos de ce dernier point parce que je remarque qu’il semble avoir créé un peu de confusion au cours du débat en deuxième lecture. Le projet de loi ne propose pas d’imposer des peines minimales obligatoires plus lourdes uniquement lorsque des armes à feu à autorisation restreinte ou prohibées sont en jeu. Il est vrai que c’est un facteur aggravant particulier qui déclenchera l’imposition des peines minimales obligatoires plus lourdes pour les huit crimes graves ciblés par ce projet de loi.
Cependant, l’autre facteur aggravant qui s’applique à ces infractions, à savoir si l’infraction a été perpétrée en rapport avec une organisation ou un gang criminel n’exige pas que l’arme à feu employée au cours de l’infraction soit une arme à feu à autorisation restreinte ou prohibée. Il pourrait s’agir de n’importe quelle arme à feu, y compris une arme d’épaule sans restriction si cette arme d’épaule est employée dans le cadre des activités d’un gang criminel. Un membre d’un gang qui utilise une arme à feu, peu importe la catégorie, pour servir ses fins criminelles sera assujetti au régime des peines minimales obligatoires prévu dans le présent projet de loi.
Je veux également préciser que les infractions graves soi-disant sans utilisation, que je décrirai dans un moment, ne font pas de distinction en fonction de la catégorie d’armes à feu, sauf dans un cas lorsque la distinction existe déjà comme élément essentiel de l’infraction. Nous avons inclus le facteur aggravant explicite de l’utilisation d’une arme à feu à autorisation restreinte ou prohibée dans la perpétration d’infractions graves parce qu’il est directement lié à la nature des actes criminels auxquels nous nous attaquons.
Comme je l’ai déjà expliqué, ce projet de loi est le résultat de la popularité grandissante des armes de poing chez les gangs de rue et les trafiquants de stupéfiants. Le projet de loi définit une condamnation antérieure comme une condamnation survenue dans les dix dernières années, abstraction faite du temps passé en détention. Autrement dit, si une personne a été trouvée coupable de l’utilisation d’une arme à feu dans la perpétration d’une infraction au cours des dix années précédant sa condamnation pour l’infraction dont la cour est saisie, cela comptera comme une condamnation antérieure. En calculant les dix ans, la cour exclura le temps passé en détention. Si le contrevenant a eu une condamnation précédente dans la période de dix ans, cela déclenchera l’application du régime des peines minimales obligatoires renforcé.
Par conséquent, par exemple, une personne condamnée pour un vol qualifié commis avec une arme de poing et qui a deux condamnations préalables pour une infraction semblable au cours des dix dernières années se verra imposer une peine minimale obligatoire de dix ans. La ou les condamnations antérieures pourraient également concerner une autre infraction liée à l’utilisation d’une arme à feu, par exemple une tentative de meurtre avec une arme à feu.
Nous proposons également dans le projet de loi des peines minimales obligatoires plus lourdes pour d’autres infractions graves mettant en jeu des armes à feu mais au cours desquelles les armes à feu ne sont pas utilisées. Les peines minimales progressives dans le cas des infractions graves non liées à l’utilisation ne visent que les récidives mettant en jeu des armes à feu. Le régime progressif prévoit trois ans pour une première infraction et cinq ans pour une deuxième infraction et les suivantes pour les infractions graves non liées à l’utilisation que voici.
Premièrement, la possession d’une arme à feu chargée, à autorisation restreinte ou prohibée. C’est un problème que les policiers ont explicitement porté à mon attention, c’est-à-dire la prévalence et en particulier dans les grandes villes comme Toronto et la présence de ces armes à feu chargées dans des véhicules automobiles en particulier.
Nous avons ensuite le trafic d’armes à feu, la possession aux fins de trafic, la fabrication d’une arme à feu automatique, la contrebande d’armes à feu et une nouvelle infraction de vol qualifié en vue de voler une arme à feu. Par exemple, une personne se livrant à la fourniture d’armes de poing illégales et trouvée coupable d’une infraction de trafic d’armes à feu ferait face à une peine obligatoire de trois ans d’emprisonnement. Si l’accusé a déjà été condamné pour possession illégale d’une arme à feu à autorisation restreinte accompagnée de munitions, il ferait face à une peine minimale obligatoire de cinq ans.
Un régime de peines minimales progressives en trois étapes d’un an pour une première infraction, de trois ans pour une deuxième infraction et de cinq ans pour une troisième infraction ou une infraction subséquente s’appliquera aux infractions suivantes: possession d’une arme à feu obtenue par un acte criminel, possession d’une arme à feu à l’encontre d’une ordonnance judiciaire, une nouvelle infraction d’introduction par effraction en vue de voler une arme à feu et l’infraction d’utiliser une arme à feu ou une réplique d’arme à feu dans la perpétration d’autres actes criminels. Par exemple une personne trouvée coupable d’introduction par effraction dans des chalets en vue de voler des armes à feu pouvant être écoulées dans la rue ferait face au minimum à un an d’emprisonnement et si cette personne a des antécédents judiciaires de trafic d’armes à feu, disons deux condamnations dans les dix dernières années, elle se verrait alors imposer une peine minimale obligatoire de cinq ans.
Ces peines visent directement la fourniture d’armes de poing et d’armes à autorisation restreinte aux éléments criminels dans nos rues. Elles représentent une réponse proportionnelle et nécessaire au problème des armes de poing auquel nous sommes confrontés et elles ciblent l’activité de fourniture illégale d’armes à feu. En ce qui concerne les infractions non liées à l’utilisation, il est important de signaler que les condamnations antérieures au cours des dix dernières années, abstraction faite du temps passé en détention pour des infractions liées ou non à l’utilisation d’armes à feu, déclenchera le régime de peines minimales obligatoires plus lourdes applicables aux récidives.
Nous avons plusieurs raisons de proposer deux régimes de peines différents pour les infractions non liées à l’utilisation. En premier lieu, plusieurs de ces infractions peuvent couvrir une gamme assez vaste de conduites criminelles comportant différents degrés de gravité. En deuxième lieu, pour ce qui est de la possession d’une arme à feu à l’encontre d’une ordonnance judiciaire, cette infraction n’est pas assortie actuellement d’une peine minimale obligatoire, mais le projet de loi prévoit une modification à cet effet. Par ailleurs, l’article 85, qui crée l’infraction de possession d’une arme à feu ou d’une réplique d’arme à feu dans la perpétration d’un acte criminel comme un vol qualifié, est actuellement assorti d’une peine minimale obligatoire d’un an pour une première infraction et de trois ans pour une deuxième infraction. Ces peines minimales obligatoires sont maintenues compte tenu que les cours sont déjà tenues d’imposer ces peines obligatoires consécutivement aux peines imposées pour l’infraction principale. Toutefois, une peine minimale de cinq ans est proposée pour une troisième infraction ou une infraction subséquente.
Le projet de loi propose également de créer deux infractions, l’introduction par effraction en vue de voler une arme à feu et le vol qualifié en vue de voler une arme à feu. Ces modifications qui se rapportent explicitement aux armes à feu visent à prendre en compte la nature plus grave de ces infractions lorsque l’accusé cherche à obtenir des armes à feu illégales, que ce soit pour son propre usage ou pour alimenter le commerce illicite des armes à feu. Ces propositions prévoient aussi des peines minimales progressivement plus lourdes en accord avec le régime de peines global pour les armes à feu graves mettant en jeu des armes à feu que nous proposons dans ce projet de loi.
Avant de conclure, j’aimerais aborder des considérations constitutionnelles. Étant donné que le projet de loi traite de peines d’emprisonnement, il soulève des points à considérer en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. L’article 12 de la Charte dit que chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels ou inusités. Les cours canadiennes ont souvent eu à se prononcer sur la validité constitutionnelle des peines minimales obligatoires d’emprisonnement prévues actuellement dans le Code criminel et en particulier les nombreuses peines minimales qui s’appliquent aux infractions mettant en jeu des armes à feu. En statuant sur ces dispositions, les cours ont reconnu que le Parlement a le droit de prendre des mesures appropriées pour s’attaquer au problème pressant des crimes liés aux armes à feu. En proposant la nouvelle gamme de peines pour certaines infractions mettant en jeu des armes à feu, nous avons pris en compte les principes de détermination de la peine actuellement prévus dans le Code criminel.
Le Code stipule en guise de principe fondamental du régime canadien de détermination de la peine qu’une sentence doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du contrevenant. Il stipule également que l’objet de la détermination de la peine consiste à imposer des sanctions aux contrevenants qui sont justes et qui contribuent au respect du droit et au maintien d’une société juste, paisible et sûre.
Par conséquent, les objectifs de la détermination de la peine consistent à dénoncer les conduites contraires à la loi, à dissuader le contrevenant et d’autres personnes de commettre des infractions et de mettre les contrevenants à l’écart de la société au besoin. Les sentences doivent aussi contribuer à la réhabilitation des contrevenants, les amener à accepter la responsabilité de leurs actes et à réparer le préjudice qu’ils ont causé à leurs victimes ou à la société.
La façon dont les peines minimales obligatoires les plus lourdes s’appliqueront vise à garantir qu’elles n’entraînent pas des peines nettement exagérées. Les peines les plus lourdes de dix ans pour l’utilisation d’une arme à feu et de cinq ans pour les infractions sans utilisation ne sont réservées qu’aux récidivistes qui ont déjà eu une condamnation relative aux armes à feu. Si un contrevenant a des antécédents pertinents et récents de perpétration d’infractions mettant en jeu des armes à feu, c’est-à-dire au cours des dix dernières années, il n’est pas déraisonnable de veiller à ce que la cour qui doit infliger la peine accorde la priorité aux objectifs spécifiques de dissuasion, de dénonciation et de retrait de la société des contrevenants ayant commis des actes criminels graves.
Même si la tendance générale en matière d’infractions liées aux armes à feu est à la baisse, le Canada n’a pas encore réussi à faire des progrès importants en ce qui concerne les armes à feu et les gangs. Avec le projet de loi C-10, nous visons à renverser la tendance récente d’utilisation et de possession d’armes à feu illégales par les gangs de rue. En ciblant explicitement les infractions graves mettant en jeu des armes à feu et les récidivistes ou les criminels organisés et en prenant en compte les catégories d’armes à feu qu’ils utilisent, le projet de loi C-10 se concentre sur le problème qu’il tente de régler.
Ce projet de loi offre aux policiers et aux procureurs les outils dont ils ont dit avoir besoin pour garantir que les infractions graves mettant en jeu des armes à feu donnent lieu à des sanctions sévères, en particulier lorsqu’elles sont le fait de gangs de rue.
Je vous remercie beaucoup.
Merci monsieur le ministre de revenir nous voir aujourd’hui. Vous avez la couenne dure.
Pour vous permettre de vous préparer pendant que je fais mon préambule, sachez que ma première question portera sur les Autochtones et j’aimerais que vous répondiez à cette question particulière.
Je dirai d’abord que même si nous ne sommes pas contre le principe des peines obligatoires — nous en avons déjà créé plusieurs à l’égard des crimes mettant en jeu des armes à feu — nous sommes définitivement contre ce projet de loi pour plusieurs raisons, dont quelques-unes ont été exprimées par l’estimé ex-ministre de la Justice, Irwin Cotler. En premier lieu, nous verrions une hausse spectaculaire de l’incarcération d’Autochtones dans ce pays. La preuve abondante présentée par des experts lors de divers renvois à la Chambre montre que ces peines ne donnent rien. N’importe quel journaliste ou n’importe qui ici qui veut des détails à ce sujet devrait se reporter aux délibérations du 12 juin 2006, page 2225. Je n’en citerai ici qu’un passage: « Michael Tonry, dans Crime & Justice: A Review of Research publié en 1992 par les presses de l’Université de Chicago, a dit que les peines obligatoires sont un échec depuis au moins trois cents ans ».
Dans mon discours sur cette page, je continue en expliquant que même la preuve présentée par le ministre prouve exactement le contraire, que cela ne fonctionne pas et le ministre, heureusement — j’en suis très heureux — dit dans les premiers dix mots qu’il cherche à protéger la sécurité publique. Cependant, si vous parcourez mon discours à la Chambre, je donne dix raisons pour lesquelles ce projet réduirait en fait la sécurité publique.
Ma première question concerne donc les Autochtones. Comme je l’ai dit, nous sommes tous d’accord que les Autochtones représentent déjà une part démesurée de la population de notre système carcéral. Cette proposition augmenterait radicalement le taux. Cela aggraverait le problème et cela peut même être contraire au principe de la détermination de la peine, énoncé à l’alinéa 718.2e) du Code, qui prévoit l’examen de toutes les sanctions substitutives applicables aux délinquants autochtones, eu égard à leur situation et à leur condition.
Si vous rendez ces peines obligatoires, le juge n’a donc pas la possibilité d’examiner ces options, ce qui est contraire aux principes établis dans le Code criminel. J’aimerais demander au ministre de nous faire part de ses commentaires à ce sujet. Nous enlevons au juge la capacité d’appliquer ce principe du Code criminel.
Que va-t-il faire et que va faire son ministère pour réduire ce problème — sur lequel je suis sûr que tous les partis s’entendent — de la proportion démesurée d’Autochtones incarcérés au Canada?
J’ai étudié la proposition libérale visant à imposer une peine obligatoire d’emprisonnement de huit ans pour la première infraction. D’après moi, c’est disproportionné. Nous avons essayé de suivre la suggestion du NPD dans son programme électoral, d’après laquelle chaque infraction commise à l’aide d’armes à feu entraînerait l’imposition d’une peine minimale obligatoire de quatre ans au moins. Nous avons essayé d’établir une distinction entre le non-usage et l’usage et de prévoir des peines proportionnelles.
Au lieu de la peine obligatoire de huit ans que les libéraux voulaient, nous disons que nous avons décidé de prévoir une peine de cinq ans pour la première infraction, une peine de sept ans pour la deuxième infraction — encore une fois une année de moins que celle prévue par les libéraux — et une peine minimale obligatoire de dix ans seulement après la troisième infraction. Plutôt que d’adopter l’approche libérale qui rappelle un éléphant dans un magasin de porcelaine — d’après moi, elle ne tient pas compte de certaines questions constitutionnelles — nous voulions que les peines soient proportionnelles, dénoncent le comportement et dissuadent de l’adopter, mais ne mettent pas en danger le projet de loi comme les libéraux voulaient faire.
Dans le cas du NPD, j’ai étudié sa proposition d’une peine minimale obligatoire de quatre ans pour la première infraction. Encore une fois, ils n’établissaient pas de distinction entre les adultes et les jeunes. Nous avons décidé que dans le cas de certaines infractions, ce serait trop sévère. Nous avons donc prévu une peine de trois ans pour la contrebande et le commerce illicite, par opposition à la peine de quatre ans que le NPD voulait. Ce sont des peines d’un an, de trois ans et de cinq ans, par opposition à la peine uniforme de quatre ans que le NPD voulait proposer.
Si vous examinez le projet de loi que nous proposons, non seulement son application n’est pas systématique, mais il cherche très précisément à résoudre le problème relevé, celui des gangs qui utilisent des armes à feu en rapport avec les drogues et d’autres situations.
Nous avons entendu parler de nombreuses situations graves. Récemment, un policier a été abattu à Windsor dans des circonstances très déplorables. Si vous tenez compte des faits rapportés dans le journal, vous constaterez que notre projet de loi vise précisément les activités de ce type — pourvu que les faits rapportés soient exacts.
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Au cours de mes entretiens non seulement avec l’Association de police de l’agglomération de Toronto, mais également avec le chef de police de Toronto, ils m’ont exprimé leur appui non seulement à l’égard du projet de loi C-10, mais également à l’égard du projet de loi C-9 que l’opposition a malheureusement vidé de son contenu.
En ce qui concerne la sévérité accrue des peines, nous croyons que cela a une importance égale aux services de police. Vous ne pouvez avoir l’un sans l’autre. Il est inutile d’adopter simplement des lois rigoureuses s’il n’y a pas de services de police. L’été dernier, les policiers de Toronto ont accompli un travail exceptionnel, ciblé et très difficile. Je crois que vous devriez inviter le chef de police pour qu’il vous parle de l’utilisation de ses ressources afin d’arrêter ces individus. Les policiers m’ont raconté des histoires incroyables sur le nombre de policiers dont ils ont besoin.
Ils ont beaucoup investi dans la présence policière, mais si les peines imposées ne sont pas appropriées, le phénomène de la porte tournante se répète constamment. Ils font état des nombreuses tueries et des nombreuses fusillades à Toronto commises par des détenus libérés sous caution. Les chiffres sont tout simplement stupéfiants. Cela vous montre donc encore une fois que le fait de mettre ces individus hors d’état de nuire sauvera vraiment des vies, même si cela ne les dissuadera pas de recommencer lorsqu’ils seront libérés.
Nous avons donc cherché à écouter les policiers… Par exemple, un problème croissant est celui de l’arme à feu chargée ou à autorisation restreinte dans un véhicule, la simple possession. Chaque policier qui s’approche d’une voiture doit maintenant présumer qu’il s’y trouve une arme à feu chargée. C’est une situation intolérable qui ne se serait jamais produite…
Je me souviens qu’en 1977, j’étais poursuivant. À deux heures du matin sur la grand-route 1, un policier a arrêté une voiture, la porte s’est ouverte et l’arme de poing est tombée. C’était alors une situation exceptionnelle. Maintenant, ils présument que cela se produira.
Les armes de poing sont déposées sous le siège du conducteur. Trois ou quatre membres du gang se trouvent dans la voiture et il est très difficile de prouver la possession. Nous croyons que si vous vous déplacez avec une arme de poing chargée dans votre voiture, cela devrait entraîner de lourdes conséquences.
Selon le NPD, dans une situation de ce type la peine imposée devrait être de quatre ans et je dis oui, imposons une peine de quatre ans. Mais ce n’est pas ce que nous avons fait; nous avons plutôt prévu une peine de trois ans.
Encore une fois, je ne suis pas d’accord avec ce que les libéraux ont fait. Par exemple, il ne me semble pas que l’imposition d’une peine de huit ans à un Autochtone qui a utilisé une arme d’épaule ait du sens. La mesure doit être proportionnelle. Je rejette donc l’approche libérale qui augmenterait sans nécessité le nombre de détenus d’un certain type, alors que je crois qu’il est possible de les dissuader autrement qu’en utilisant cette approche.
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C’est vraiment une bonne chose de se préoccuper des victimes. C’est la meilleure façon de traiter le problème de la criminalité, c’est ce qu’il faut faire.
En ce qui concerne les gangs, avant les élections, l’an dernier, j’ai visité des pénitenciers et je me suis informé sur le nombre de détenus appartenant à des gangs ainsi que sur leurs activités. Après les élections, j’ai continué de m’intéresser de très près à cette question jusqu’à la rentrée parlementaire en avril. Mais j’ai rencontré les personnes responsables de la surveillance des activités de gangs dans les pénitenciers. J’ai aussi rencontré des membres de ces gangs. J’ai vu des Posse, des Bandidos, des Warriors, des gangs asiatiques, des bandes de motards. Il y en avait de toutes les sortes.
Il y a une chose qui m’a un peu surpris, c’est que dans tous les gangs, il y avait des gens de tous les groupes sociaux. Autrement dit, dans les gangs indiens, pour ainsi dire, il n’y avait pas que des Autochtones. Il y avait des personnes d’autres races, parce que, au fond, tout ça est une question d’argent.
J’ai eu des conversations intéressantes avec eux, monsieur le ministre, au sujet de ce qui se passerait si on mettait un terme à leurs activités. J’ai trouvé triste de les entendre me répondre qu’ils n’avaient pas trop de quoi être inquiets pour l’instant, qu’il ne pouvait pas leur arriver grand-chose. « C’est sûr que certains d’entre nous se sont retrouvés en-dedans pour la vie, mais c’est une conséquence normale quand on a tué quelqu’un. » Mais il y a bien d’autres choses à dire. Ce sont des gens qui essaient vraiment de changer de vie et qui veulent faire quelque chose.
Je leur ai demandé ce qu’ils pensaient du registre. Ils m’ont répondu en riant: « Personne ne vous a dit comment ça marche dans les gangs? On n’enregistre pas nos armes. » Non, effectivement, personne ne m’avait jamais dit ça. Mais je m’en doutais. Ils ont ajouté: « Pourquoi est-ce que vous ne rendez pas les lois plus sévères? Pourquoi est-ce que vous ne construisez pas plus de prisons, si c’est ça qu’il faut? Il y a plein de membres de gangs en liberté, et il faut les isoler. » Voilà les mots mêmes prononcés par des personnes qui ont été condamnées et qui écoulent maintenant leurs jours dans des pénitenciers. Ce sont les membres mêmes des gangs qui nous disent: « C’est rendu hors de proportion. Quand je suis entré là-dedans, je ne pensais pas que ça se développerait à ce point-là, mais ça n’arrête pas d’empirer. »
C’est pourquoi je vous félicite pour cette loi, parce qu’elle n’est pas molle envers les criminels. J’en ai plus qu’assez d’entendre parler du registre, qui n’a pas sauvé une seule vie à ma connaissance. Pas une seule! Il faut faire quelque chose pour protéger les innocents, les victimes, et je vous applaudis parce que c’est ce que vous faites. Je crois que c’est ce que ce projet de loi va faire.
C’est ce que j’avais à dire.
J’ai une question, c’est au sujet de Mayerthorpe. Je n’oublierai jamais le drame de Mayerthorpe. C’est un des pires que nous ayons vus au Canada: quatre policiers y ont laissé leur peau. Connaissez-vous le grand responsable de cet acte, le criminel en cause? Si ce genre de loi avait été en place, quelles sont les probabilités que cette personne aurait pu commettre ce genre de crime?
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Je suis d’accord pour dire que l’affaire de Mayerthorpe a été un drame horrible. En fait, c’était plus qu’un drame, c’était un crime. Je préfère toujours appeler un crime un crime au lieu de parler de drame. Un drame, pour moi, c’est plus ou moins quelque chose qu’on ne peut pas prévenir, et je préfère voir dans ces actes des crimes commis de sang froid.
Je ne sais pas quels étaient les antécédents de cet individu. Je ne peux qu’être d’accord avec M. Comartin pour dire que les cas de récidive sont assez rares pour ce genre de crime, mais n’est-ce que pas eux que l’on devrait cibler, les récidivistes qui reviennent toujours et qui utilisent des armes à feu pour blesser leurs concitoyens et blesser les policiers qui sortent dans la rue tous les jours pour nous permettre de vivre nos vies? Je ne sais pas s’il avait un casier judiciaire.
Il est évident que si cet individu avait survécu, il aurait été accusé de meurtre au premier degré. C’est sont les libéraux qui ont instauré la peine minimale de 25 ans pour les meurtres au premier degré, et je suis d’accord avec cette mesure: l’emprisonnement à perpétuité pour les personnes déclarées coupables de meurtre au premier degré.
Dans ce cas en particulier, si l’individu s’en était sorti vivant, et supposons que les policiers n’auraient pas été tués, qu’ils auraient été plutôt blessés, il aurait alors certainement été possible de le poursuivre en vertu des dispositions pénales sur les délinquants dangereux. Depuis l’arrêt de 2003, le nombre de requêtes visant des délinquants dangereux a fondu de moitié au pays. Il est passé d’environ 25 par année — car on parle ici de gens vraiment dangereux — à une douzaine. Donc, ce que nous essayons de faire avec notre législation sur les délinquants dangereux, c’est de restaurer la loi dans l’état où elle était avant cet arrêt de la Cour suprême pour que les 12 ou 13 individus qu’on laisse maintenant courir soient repris dans les mailles de la justice et que la population soit protégée. C’est ce que nous essayons de faire.
Allons-nous mettre la main au collet de tous les délinquants dangereux? Non. Mais nous pourrons obtenir des résultats nettement plus satisfaisants. Entre autres grâce aux peines d’emprisonnement minimales. Entre autres aussi grâce à la présence policière. Entre autres aussi, et c’est un aspect auquel je crois profondément en passant, grâce à l’organisation d’activités pour les jeunes, qui auront pour effet de réduire l’attrait et l’emprise des gangs sur eux. C’est un aspect très important, et c’est pourquoi je suis fier des efforts de mon gouvernement sur ce plan.
Donc, on ne peut pas dire que ce projet de loi est une panacée. Ce n’est pas une panacée. Il faut une approche globale pour lutter contre la criminalité.
Je suis fier d’appartenir à un gouvernement qui favorise la déjudiciarisation. Je suis fier des programmes de la Stratégie de justice applicable aux Autochtones auxquels contribue mon ministère. Mais il ne faut jamais oublier qu’avec tout l’argent qu’on consacre aux programmes sociaux, aux programmes éducatifs, au programmes communautaires, si on laisse dans la rue les individus qui se promènent avec des armes et de la drogue, quelles sont les chances de la génération suivante, qui se fera recruter à huit, neuf, dix, onze, douze ans? Si on laisse ces individus dans la circulation, quelles sont les chances de voir ces jeunes s’en sortir?
C'est donc aussi une façon de donner une chance au jeune, car lui aussi est une victime, quand il est tenté par la vie des gangs à un jeune âge. J’ai vu ce phénomène au cours des quinze dernières années dans des endroits comme Winnipeg, en particulier, qui est la ville que je connais le mieux. Le genre de criminalité de gangs que nous connaissons aujourd’hui n’existait pas en 1990. En 1991, il y a eu une explosion de criminalité de gangs. Il faut trouver des outils appropriés. La déjudiciarisation en est un, mais la présence policière aussi — il faut donc donner aux services de police les moyens d’agir — et troisièmement, il y a les peines d’emprisonnement minimales obligatoires pour ceux qui ne veulent rien entendre.
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Réglons d’abord cette question sur le fanatisme au ministère de la Justice. Quand je suis arrivé au ministère de la Justice, il y a eu un dialogue très intéressant. Nous avons eu un dialogue extraordinaire sur le moyen le plus efficace de réaliser les promesses formulées par notre parti pendant les élections.
Par exemple, vous remarquerez que nous avions promis que la peine infligée pour une infraction liée aux armes à feu serait de dix ans. Alors nous nous sommes penchés sur cette question, et nous nous sommes demandé si c’était une réponse proportionnée. C’est ce que dit le ministère. Ce qui peut être justifié, c’est que… et c’est eux qui ont élaboré le programme pour nous, de sorte que ce n’est qu’à une troisième infraction que la peine minimale obligatoire de dix ans sera applicable.
J’ai aussi entendu ce que les libéraux ont dit pendant les élections. Alors je me suis dit, un libéral parle de huit ans, voyons voir ce qu’on peut faire avec ça. Nous avons entendu M. Comartin pendant les élections, ou son parti, du moins, parler d’un minimum de quatre ans. Alors nous avons mis tout cela ensemble et nous nous sommes demandé ce qui constituerait une réponse proportionnée. Donc, j’ai eu un dialogue très fructueux avec le ministère.
Je peux vous dire que ce n’est pas moi qui ai rédigé le projet de loi que vous avez devant vous. Ce texte est le fruit d’un long dialogue avec le Ministère, et avec des groupes d’intérêt de tout le pays.
Maintenant, au sujet de votre suggestion de demander aux Autochtones ce qu’ils pensent du projet de loi... ce projet de loi ne cible pas les Autochtones. L’Association canadienne des policiers, pour citer cet exemple, comprend de nombreuses organisations autochtones, des organisations policières. Or, elle appuie sans réserve ce genre de projet de loi, et je suis sûr que les agents de police ont été consultés.
Nous voudrions aussi faire remarquer que le projet de loi ne vise pas le genre de cas cité par M. Bagnell, le cas d’une personne qui en blesse une autre avec son fusil de chasse. Par exemple, si vous avez un type qui revient bredouille de la chasse au canard et qui dévalise une boutique en se servant de sa carabine, il n’écopera pas de la peine d’emprisonnement minimale, sauf de celle qui existe déjà et qui a été instaurée, si je ne m’abuse, par votre gouvernement: la peine minimale de quatre ans.
Donc, ce qu’il faut retenir, c’est que ce projet de loi ne change rien aux principes de détermination de la peine. Ce qu’il fait, c’est qu’il cible les activités des gangs et l’utilisation des armes à feu dans ce contexte, et par conséquent, nous croyons que c’est une réponse proportionnée. C’est une réponse proportionnée à un problème très grave.
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J’ai mené de vastes consultations sur cette question, et en particulier sur les peines associées à la stratégie en matière de drogue. Par exemple, dans une ville comme Vancouver, une personne sur treize va en prison pour trafic de drogue. Dans le reste de la Colombie-Britannique, c’est généralement une sur sept. Et cela... la situation évolue.
Les gens m’ont fait part de leurs préoccupations, par exemple, au sujet des laboratoires de méthamphétamines, et du danger qu’ils représentent pour les pompiers qui arrivent sur les lieux d’une explosion, ouvrent la porte et son étouffés par des émanations toxiques. Ces laboratoires représentent des risques d’incendie. D’après ce qu’on m’a dit, dans la grande région de Vancouver, un incendie résidentiel sur huit est causé par un laboratoire de production de drogue. C’est très dangereux dans un quartier.
J’ai visité ces quartiers, et ce sont loin d’être des quartiers défavorisés. On parle de maisons qui coûtent entre un demi-million et un million de dollars. Et ces individus s’en sortent avec une amende, que la plupart d’entre eux considèrent plus ou moins comme une taxe d’affaires. Si la maison brûle, ils ont perdu un million de dollars, mais ils ne tardent pas à s’en trouver une autre et à tout recommencer.
Dans une rue où je suis allé dans la région de Coquitlam, sur les vingt-cinq maisons de la rue, huit abritaient des cultures de marijuana, ou des laboratoires de méthamphétamines ou des laboratoires de MDMA. Je ne suis pas trop au fait de la différence, mais je sais que ce sont toutes des drogues illégales et très dangereuses. La quantité de boues toxiques qui est évacuée de ces maisons — huit sur vingt-cinq dans une seule rue — pour contaminer les égouts est ahurissante.
Ce que les citoyens réclament, ce que la police réclame, ce que les organisations réclament, c’est une peine de prison minimale obligatoire pour certains types d’infractions liées à la drogue. C’est ça, qu’ils réclament.
Mon ministère, de concert avec Santé Canada et d’autres partenaires, est en train de développer cette stratégie nationale en matière de drogues. Encore une fois, je tiens à rappeler que ce projet de loi ne touche qu’un aspect de cette stratégie nationale. Certaines des mesures qui m’ont été proposées — les cures de désintoxication, la collaboration avec les autorités provinciales pour ouvrir des lits, etc. — en font aussi partie.
Donc, je peux vous dire que nos ministères travaillent sur ce dossier et que nous proposerons à terme une stratégie nationale efficace.