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Merci, monsieur le président. Je suis heureux de comparaître devant les membres du comité de la justice et comme vous le souhaitez, je vais axer mes commentaires sur la Commission du droit du Canada. Si vous me posez ensuite quelques questions au sujet du traitement des juges, je vous répondrai si je suis en mesure de le faire. Si je ne le suis pas, je prendrai note de vos questions et vous transmettrai plus tard les réponses à vos questions lorsque je posséderai les renseignements que vous souhaitez obtenir.
Comme vous l'avez mentionné, monsieur le président, M. John Sims, le sous-ministre de la Justice et sous-procureur du Canada, m'accompagne aujourd'hui.
Monsieur le président, lorsque j'ai comparu devant le comité en mai dernier, j'ai déclaré que le ministère de la Justice touchait de façon très concrète la vie des citoyens canadiens. Le gouvernement dépense au sein du portefeuille de la Justice plus de 1,4 milliard de dollars par année, ce qui reflète très bien l'importance de sa mission. Cela comprend le ministère de la Justice du Canada, le Service administratif des tribunaux judiciaires, la Cour suprême du Canada et divers tribunaux administratifs et commissions.
L'amélioration du système judiciaire est une des cinq grandes priorités du gouvernement. Nous nous sommes clairement engagés à renforcer la sécurité des villes et des collectivités canadiennes. Parallèlement, le gouvernement a également promis de dépenser les impôts des Canadiens de façon responsable.
Monsieur le président, dans son budget de 2006, le nouveau gouvernement du Canada a promis d'examiner les programmes en cours pour veiller à ce que chaque dollar d'impôt que nous dépensons permette d'obtenir des résultats, d'optimiser les ressources et réponde aux besoins des Canadiens. Le 25 septembre 2006, nous avons rempli cette promesse en annonçant que nous avions trouvé quatre façons de faire des économies pour les Canadiens. Premièrement, en supprimant les programmes qui nous ne permettaient pas d'optimiser les ressources; deuxièmement, en annulant les programmes non essentiels; troisièmement, en réaffectant les fonds inutilisés et enfin, en visant l'efficacité financière.
Le gouvernement a donc supprimé le financement destiné à la Commission du droit du Canada, pour remplir sa promesse. Nous allons ainsi faire économiser à la population canadienne près de 4,2 millions de dollars sur deux ans. Cet argent ira directement au remboursement de la dette.
La Commission du droit du Canada était un organisme fédéral indépendant chargé de la réforme du droit qui conseillait le Parlement sur les façons d'améliorer et de moderniser les lois canadiennes. Cependant, lorsque nous avons examiné les diverses agences du gouvernement, il est apparu que la Commission des droits du Canada n'exerçait aucune activité vraiment unique, ou que d'autres institutions n'étaient pas en mesure d'exercer.
Depuis qu'elle existe, la Commission du droit du Canada a remis au Parlement un certain nombre de rapports, qui ont généralement été préparés à l'initiative de la Commission des droits du Canada, et portaient sur des sujets qu'elle avait choisis. Il y en a eu un sur la justice participative, un sur les sûretés fédérales, un autre sur la sécurité des transactions, un quatrième sur la réforme électorale, un autre sur les relations entre adultes et le rapport le plus récent qui a été déposé en juillet de cette année, portait sur les services de police au Canada. La Commission a également publié un rapport sur les sévisses contre les enfants placés en établissements à la demande du gouvernement. En dix ans — et c'est là un aspect qu'il convient de souligner — soit depuis la création de la Commission du droit du Canada, au cours des neuf années pendant lesquelles un gouvernement libéral a été au pouvoir, le rapport sur les sévisses contre les enfants placés en établissement est le seul rapport qu'ait demandé le gouvernement. Nous sommes donc forcés de constater que c'est le seul rapport qui ait jamais été demandé par le gouvernement. Ces rapports constituent toujours des sources publiques que nous pourrons toujours utiliser si l'occasion se présente.
La Commission du droit du Canada a été structurée de façon à pouvoir utiliser l'expertise des personnes qui travaillent dans leurs domaines de spécialisation. C'est une très petite organisation qui retenait, principalement à contrat, les services d'experts de l'extérieur. Il existe à l'heure actuelle, au Canada, des organismes de recherche indépendants qui examinent, à tous les niveaux, les façons d'améliorer les lois du Canada, à peu près comme le faisait la Commission du droit. Citons les commissions provinciales de réforme du droit, les institutions d'enseignement s'occupant d'élaboration de politiques — par exemple, l'Université d'Ottawa dirige le projet On the Identity Trail, qui associe l'université, le gouvernement, certains acteurs de l'industrie qui s'intéressent aux questions reliées à l'identité et au respect de la vie privée — ainsi que les organismes indépendants non gouvernementaux qui s'intéressent à la réforme du droit, comme l'Association canadienne d'études fiscales ou les organismes sectoriels comme l'Association des banquiers canadiens, les groupes de travail auxquels participent les ministres de la justice fédéral, provinciaux et territoriaux, et enfin, le secteur privé et les services de recherche des ministères fédéraux et provinciaux.
Ces groupes effectuent un travail extrêmement utile en collaboration avec des associations internationales. La plupart de ces organismes interviennent chaque fois qu'une loi est examinée ou mise à jour.
C'est parmi ce même groupe d'experts que la Commission du droit du Canada choisissait ses collaborateurs. Ces mêmes experts continuent d'effectuer des recherches en matière de politiques dans leurs domaines de spécialisation et l'abolition de la commission n'a donc aucunement réduit leur capacité de faire de la recherche.
De plus, je suis convaincu que, si j'avais besoin d'un appui supplémentaire ou de conseils indépendants au-delà de ce que ces organisations apportent déjà dans le cadre des initiatives de réforme du droit, mon propre ministère serait en mesure de mettre sur pied des partenariats avec des personnes choisies en fonction de la tâche à accomplir ou de procéder à des consultations dans ce domaine. Par exemple, mon ministère a récemment procédé à de larges consultations avec le Canadian Forum on Civil Justice, GPI Atlantic, un organisme indépendant d'enseignement et de recherche sans but lucratif, le Dalhousie Health Law Institute et le Département de criminologie de Saint Mary's.
Comme vous le savez tous, le ministère de la Justice a la capacité de faire effectuer par contrat la recherche juridique dont il a besoin. Il existe de nombreux spécialistes de différents secteurs avec qui nous entretenons d'excellentes relations et auxquels nous pouvons nous associer pour examiner les questions de réforme ou procéder à des enquêtes indépendantes dans des domaines juridiques. Il n'est pas nécessaire de financer pendant des dizaines d'années un organisme permanent pour le cas où ce genre de besoin apparaîtrait. Je répète encore une fois qu'en dix ans, le gouvernement n'a demandé qu'une seule fois à cette institution de lui fournir une opinion.
Monsieur le président, je dois vous dire que je suis favorable à la recherche juridique et à la réforme du droit. Je suis également favorable à l'approche adoptée par le gouvernement pour faire des économies, à savoir supprimer les programmes et les services qui peuvent être offerts par d'autres parties. De plus, je suis également favorable à l'idée de consulter la population, un autre service que fournissait la Commission du droit.
La consultation peut prendre des formes très différentes et intervenir à différentes étapes du processus de réforme du droit. Les mécanismes de consultation varient aussi énormément en fonction du sujet à l'étude. Par exemple, le gouvernement a récemment travaillé en étroite collaboration avec les associations de policier pour trouver des façons de mieux protéger les Canadiens, grâce à une réforme législative. Notre approche est axée sur la tâche à accomplir. Grâce à cette approche, nous avons pu aborder rapidement et efficacement les priorités que s'était fixé le gouvernement qui a été élu par les Canadiens l'année dernière. Il est donc clair que nous allons continuer à améliorer nos connaissances sur les questions qui touchent le système de justice et les réformes possibles, en ayant recours à d'autres mécanismes, tout en veillant à ce que les contribuables canadiens en aient pour leur agent.
Le gouvernement n'estime pas nécessaire de financer un organisme qui exécutait principalement sa mission en retenant les services d'autres organismes qu'il chargeait d'effectuer pour lui de la recherche. C'est là un point important qu'il convient de ne pas oublier. La Commission du droit n'avait pas les moyens de faire de la recherche avec ses ressources mais demandait à d'autres experts d'effectuer, par contrat, ce travail pour son compte. Le ministère de la Justice va continuer à renforcer et à préserver les relations directes qu'il entretient avec les personnes et les organismes qui travaillent dans le domaine de l'élaboration de politiques et il n'a pas besoin d'un intermédiaire comme la Commission du droit du Canada pour le faire.
Pour terminer, monsieur le président, je tiens à répéter que notre gouvernement répond aux souhaits des Canadiens et que le ministère de la Justice a participé activement à cette tâche. Nous introduisons des changements dans le système de justice dans le but de rendre plus sûres les rues et les collectivités canadiennes et nous continuons de participer aux efforts déployés pour veiller à ce que les impôts des Canadiens soient dépensés de façon responsable.
Monsieur le président, je serais heureux de répondre à vos questions et à celles des membres du Comité. J'ai hâte d'entendre vos commentaires.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur le ministre. Merci d'être venus et de nous avoir livré votre testimony.
Il est important, en tant que Canadiens, de bien comprendre où se situe ce nouveau gouvernement et je vais jouer cartes sur table pour ce qui est de la politicisation de la Commission du droit. Il semble que la Commission du droit apparaisse et disparaisse selon qu'un gouvernement libéral ou conservateur est au pouvoir. La Commission de réforme du droit était une création libérale à laquelle les Conservateurs de Mulroney ont mis fin, et la Commission du droit était une créature de Chrétien que les Conservateurs ont abolie.
Je vais laisser de côté cet aspect manifestement partisan et vous poser trois questions fondamentales.
Voici la première : Pensez-vous que notre capacité d'être un chef de file, sur le plan international, dans le domaine de la justice est compromise par le fait que, parmi les démocraties occidentales, nous serions maintenant la seule, à l'exception peut-être des États-Unis, à ne pas avoir un organisme indépendant chargé de conseiller le gouvernement?
La deuxième question est centrale. Le travail qu'effectue et qu'a effectué la Commission du droit sera-t-il fait par d'autres? Vous faites remarquer, de façon très juste, que la Commission retenait les services de spécialistes du droit, dont la plupart enseignent dans nos facultés de droit. Je pourrais formuler la question de la façon suivante : avez-vous consulté les doyens des facultés de droit canadiennes pour savoir si nous avons besoin d'un organisme de recherche indépendant qui s'occupe de nombreux domaines juridiques? Je peux vous en citer six sur lesquels la Commission travaillait : la mondialisation, les peuples indigènes, les services de police, etc. Vous en avez mentionné quelques-uns dans vos commentaires. Sommes-nous vraiment sûr que les facultés de droit, qui semblent les seules institutions capables de le faire, aient les moyens d'effectuer cette recherche si elles ne reçoivent aucun financement de la Commission du droit?
Pour les fins de la discussion, je vous dirais que l'ABC ne peut figurer sur la liste des personnes qui pourraient effectuer cette recherche, parce que je suis sûr que vous avez vu la lettre dans laquelle cette association se déclare surprise d'entendre que l'Association du barreau canadien, l'ABC, pourrait remplir ce rôle. Je conteste votre affirmation selon laquelle le ministère de la Justice qui, bien souvent, adopte des lois qui sont ensuite critiquées par les chercheurs indépendants qui travaillent dans divers secteurs... Je doute fort que le ministère de la Justice soit en mesure d'effectuer ce genre de recherche indépendante, car c'est bien de cela qu'il s'agit, de recherche indépendante.
Permettez-moi d'écarter également votre argument massue à savoir qu'en dix ans, le gouvernement n'a demandé qu'une seule étude à la Commission. C'est pourtant là le coeur de la question, n'est-ce pas? La Commission avait pour rôle de fournir des conseils indépendants sur des sujets importants choisis par les meilleurs spécialistes des différents domaines et pas nécessairement des conseils que demanderait le procureur général ou que je demanderais à titre de membre de l'opposition qui siège au Comité de la justice. Les peuples autochtones, un sujet sur lequel mon ami M. Bagnell va revenir, illustrent fort bien cet aspect. Qui va demander que l'on effectue ce genre de recherche? Je suis pas mal sûr que ce ne sera pas l'Association canadienne des études fiscales, ni l'Association des banquiers canadiens. Je vous pose cette question entamer une discussion.
En bref, votre décision d'abolir la Commission du droit risque-t-elle de compromettre notre position sur le plan international? Y a-t-il d'autres institutions qui pourront effectuer le travail qu'elle faisait, lorsqu'on sait que les universités n'ont pas d'argent pour faire de la recherche juridique et enfin, qui effectuerait cette recherche? Pour ce qui est de l'ABC et du gouvernement, l'ABC n'est pas une solution et le gouvernement ne peut pas vraiment faire lui-même de la recherche sur ses propres lois.
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Merci. Je pense que ce sont toutes d'excellentes questions.
Pour ce qui est de l'aspect politique que vous avez mentionné, je dirais qu'il est important. Il reflète une différence d'opinions au sujet de la façon d'obtenir des études indépendantes. Il m'est très souvent arrivé, en qualité de procureur général, de demander qu'on effectue une étude indépendante, qu'on obtienne une opinion juridique indépendante, lorsqu'on pourrait penser que le ministère de la Justice est en situation de conflit d'intérêts. Et cela se fait automatiquement.
Pour ce qui est de savoir si ce travail sera fait par d'autres, j'ai enseigné dans une université à temps partiel pendant huit ans et je l'ai fait, sinon bénévolement, du moins à peu près bénévolement. Les professeurs qui y enseignent — et je crois que cela vaut pour l'ensemble du pays — doivent consacrer un tiers de leur temps à l'enseignement, un tiers de leur temps aux questions communautaires et un tiers de leur temps à faire de la recherche dans leur domaine. Ce sont les contribuables canadiens qui les paient pour effectuer ce travail. Je serais très surpris que cette compression de 4,2 millions de dollars empêche ces professeurs d'effectuer le travail qu'ils sont tenus d'accomplir, que ce soit en vertu des conditions de leur contrats d'enseignement ou de celles de leur statut de professeur permanent. Ils le font régulièrement.
Vous avez mentionné le cas où nous aurions besoin d'une opinion précise. Si nous voulons obtenir une opinion précise, il y a des personnes indépendantes qui peuvent vous la fournir. Je suis d'ailleurs très surpris d'entendre que l'ABC n'est pas en mesure de fournir des opinions indépendantes. Cette association a régulièrement fourni des opinions indépendantes pendant toutes les années où j'ai participé au travail de ce comité. Je n'ai pas toujours approuvé ses opinions, mais je peux dire qu'il s'agissait d'une opinion indépendante qui critiquait les projets de loi du gouvernement. L'ABC joue là un rôle extrêmement important. C'est pourquoi je suis très étonné d'entendre l'ABC déclarer qu'elle n'effectue pas ce genre de recherche, lorsque je pense à toutes les études que l'ABC a publiées. Il faudrait demander à l'ABC pourquoi elle ne tient pas compte de toute la recherche juridique indépendante qu'elle a effectuée, non seulement pour la Chambre des communes, mais d'une façon plus générale, pour la communauté juridique. Ce commentaire de l'ABC me paraît très surprenant. Je ne connais pas exactement le contexte dans lequel cette déclaration a été faite; il est donc possible que l'ABC n'ait pas voulu dire cela.
Je considère que la Commission du droit du Canada n'est qu'un mécanisme administratif qui retient les services de spécialistes pour effectuer de la recherche. Eh bien, je peux vous dire qu'à l'intérieur du ministère de la Justice, il existe des personnes qui sont tout à fait en mesure d'embaucher ces spécialistes. Cela ne veut pas dire que ce sont des avocats du ministère de la Justice qui effectueront le travail. Nous allons continuer, c'est du moins ce que je prévois, à retenir les services de personnes de l'extérieur pour faire ce travail.
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Bon après-midi, monsieur le ministre.
Un philosophe du nom de Valéry disait qu'on reconnaît la grandeur d'un gouvernement au sort qu'il réserve à ses minorités et à la valorisation de la connaissance. Vous comprenez que votre gouvernement ne passera pas à l'histoire avec ce dossier.
Sauf le respect que je vous dois, il n'y a pas de mots pour qualifier combien les politiques de votre gouvernement à l'endroit des minorités — particulièrement des minorités francophones hors Québec — m'inspirent du dégoût, de la répulsion et des haut-le-coeur. Je ne peux pas imaginer qu'un gouvernement abolisse le seul et unique programme qui permettait aux communautés de s'adresser aux tribunaux et j'espère, quand vous irez à l'extérieur pour rencontrer les porte-parole des communautés francophones, qu'ils vous diront combien votre gouvernement a été mesquin et a manqué de vision. Souhaitons que vous payiez très chèrement la suppression de cette capacité de défendre les communautés francophones.
Cela étant dit, je veux parler de la réforme de la commission que vous abolissez. Je trouve votre logique assez particulière. Y a-t-il, dans la fonction publique fédérale, des gens qui peuvent produire des rapports? On n'en doute pas. C'est certainement un point de vue qu'on peut recevoir. La particularité de la commission tient d'abord à sa totale indépendance. Quand il s'agit d'orientation et qu'on implique des fonctionnaires — que ce soit des sous-ministres ou n'importe quelle direction d'un ministère —, cela perd un peu de son indépendance. Vous convenez de cela.
Par ailleurs, ce qui m'étonne dans votre argumentaire, c'est que l'UNESCO nous rappelait qu'à tous les cinq ans, la connaissance et les événements qui se produisent dans le monde doublent. Elle rappelait également combien il est important pour les parlementaires de prendre des décisions dans un environnement où on a accès à des données probantes et concluantes.
Qu'avez-vous tant à reprocher à la commission? Comment pouvez-vous, cet après-midi, nous faire la démonstration qu'il y avait véritablement doublement? J'ai été très content de lire ce que la commission a écrit sur les conjoints de même sexe, sur les Autochtones, et sur la réforme du mode de scrutin et de la vie électorale. L'ensemble des avis qu'elle a produits nous apparaissaient s'inscrire généralement dans les débats d'actualité pour lesquels on s'attend à ce que les parlementaires aient de l'information.
Devons-nous comprendre que pour vous, en tant que parlementaire, la question de l'acuité de la connaissance et la disponibilité de l'information de la part d'un organisme indépendant n'est pas important?
Je termine en vous disant que plusieurs organismes consultatifs donnent des conseils au gouvernement. Abolirez-vous un jour le Conseil national du bien-être social ou le Conseil des aînés, qui donne également de l'information, des orientations et qui publie des avis? La Commission du droit du Canada n'avait pas pour seul mandat de répondre au gouvernement; elle pouvait prendre des initiatives sur des débats d'actualité.
Cela m'apparaît être un geste à courte vue posé par un gouvernement qui ne valorise pas beaucoup la connaissance. Il me semble que c'est manquer singulièrement d'envergure, de hauteur de vue et de générosité que de penser qu'on peut donner des mandats dans la fonction publique. Je vous avoue que j'ai beaucoup de mal à vous suivre.
En ce qui a trait aux francophones hors Québec, je ne pardonnerai jamais le geste mesquin que votre gouvernement a posé. Maintenant, vous ne vous rachetez certainement pas. Ce n'est pas la même chose. Évidemment, c'est beaucoup moins grave d'abolir la commission que les francophones hors Québec.
C'est comme si vous aviez une espèce d'aversion pour tout ce qui est connaissance ou ce qui est susceptible de s'écarter de ce que vous pensez. Compte tenu du fait que la haute fonction publique a analysé votre programme électoral en disant que c'était de la bouillie pour les chats et qu'il ne contenait à peu près rien de bon, vous devriez peut-être laisser un espace à la réflexion. Cela fait aussi partie de la grandeur d'un ministre que d'être capable de se confronter à des points de vue qui ne sont pas directement issus de l'appareil.
Ce geste ne fait pas honneur à votre gouvernement. Il ne montre pas de grandeur dans la façon dont vous dirigez les choses et dans la gouvernance de l'État.
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur le ministre, et merci aussi à M. Sims, d'être venus.
Monsieur le ministre, je suis certain que je n'arriverai pas à vous convaincre du contraire, mais avez-vous la moindre idée de l'importance qu'a l'abolition de ce programme sur l'indépendance? C'est en fait ce qui est en jeu ici.
Permettez-moi de vous présenter un scénario et c'est ce que pensent la plupart des avocats canadiens au sujet du rôle qu'a joué votre gouvernement à l'égard de la commission. Ils estiment que la commission s'est acquittée de son mandat, pour ce qui est de sa stature tant sur le plan national qu'international, en agissant, comme vous le dites, comme un intermédiaire qui fait effectuer des études dans des domaines très divers, comme vient de le dire M. Ménard. La commission s'est bien acquittée de sa mission, si on la compare à ce que font les autres pays, et peut-être même mieux que ne l'ont fait d'autres commissions du droit. Les avocats constatent aujourd'hui que le gouvernement veut choisir les personnes à qui sera confiée la recherche indépendante dont il a besoin. Cette recherche sera maintenant biaisée par le fait que le gouvernement s'est débarrassé de la commission, va lui-même choisir les spécialistes, notamment en fonction de leur idéologie ou de leurs opinions politiques, au lieu de confier à une commission indépendante le soin de choisir à la fois le sujet des études à effectuer et les personnes à qui elles seront confiées.
Résultat final, la plupart des avocats à qui j'ai parlé m'ont dit que ce genre de recherche n'aurait aucune crédibilité. Lorsqu'une étude est demandée par un gouvernement — par le vôtre en particulier — elle est toujours biaisée par des partis pris idéologiques et politiques.
Êtes-vous sensible à cette réaction, du moins dans la communauté juridique, tant parmi les enseignants que les praticiens?
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Je voulais simplement vérifier que je n'avais pas manqué quelque chose dans les commentaires que j'ai faits. Je voulais simplement vérifier cela avec le sous-ministre. Il voudra peut-être faire quelques observations supplémentaires.
Là encore, je pense que le fait est établi — cet organisme indépendant a été invité une seule fois pendant les dix années de son existence à fournir une opinion au gouvernement du Canada. Dans tous les autres cas, la Commission du droit a agi comme elle l'entendait.
Qui a influencé ses choix? Ce n'était pas le gouvernement, ce n'était pas nécessairement les priorités des gouvernements libéraux. Je suis certain que les ministres de la justice précédents se sont adressés au ministère de la Justice dans 99,9 p. 100 des cas pour obtenir des avis juridiques indépendants. C'est à ce ministère qu'ils ont demandé ces avis indépendants. Ce sont les avocats de ce ministère qui leur ont suggéré des idées pour réformer le droit. Je dois vous dire très franchement, que je suis tout à fait convaincu que le ministère de la Justice peut, dans la plupart des cas au moins, fournir une analyse juridique indépendante, et je suis donc tout à fait à l'aise de confier ce genre de travail à des avocats du ministère.
Il y a d'autres situations, et j'ai mentionné le processus de nomination du juge Rothstein, dans lesquelles nous avons estimé qu'il serait préférable de demander à un éminent avocat de l'extérieur de fournir des conseils non seulement au juge Rothstein, comme je l'ai mentionné, mais également au comité. Je me souviens avoir présidé cette séance. Je pense qu'elle s'est tenue dans cette salle même. Les experts nous ont parlé des contraintes et des conventions constitutionnelles associées à ce genre de processus. Nous ne nous sommes pas adressés à la Commission du droit du Canada pour retenir les services de ces experts, même si nous savions que, si le processus n'était pas crédible, l'institution de la Cour suprême du Canada risquait d'être discréditée par le recours à un tel processus.
Est-il possible d'obtenir régulièrement de bonnes opinions juridiques indépendantes, qu'elles soient préparées par des avocats des ministères de la Justice, ou par ceux qui sont embauchés par le ministère de la Justice, ou par des organisations — y compris les commissions provinciales de réforme du droit — par des universités ou par des professeurs d'université? Ces personnes ne sont aucunement tenues de souscrire aux positions adoptées par le gouvernement. Elles sont la possibilité de commenter les mesures législatives, et elles le font souvent.
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Merci, monsieur le ministre et monsieur le sous-ministre, d'être venus.
Je veux commencer par dire, pour que cela figure au compte rendu, comme je l'ai déjà fait et pour être sûr que les gens sachent bien, que je pense que cette suppression est tout à fait répréhensible et qu'elle confirme la tendance qu'a le gouvernement de s'en prendre de différentes façons aux citoyens les plus vulnérables.
Dans ce cas particulier, nous avons entendu des témoins qui ont mentionné les groupes qui avaient bénéficié de ces rapports, les Autochtones, ceux qui vivent très loin d'Ottawa, et qui n'ont guère la possibilité d'étudier ce qui se passe dans ma circonscription — le Conseil des Tlingits de Teslin, le peuple de Carcross/Tagish, qui sont des Tlingits, un peuple du Nord, des travailleurs à faible revenu, comme nous l'avons entendu dire au cours des témoignages précédents. Ce genre de compression n'est donc aucunement justifiée.
Le et le prennent l'exemple de l'Association du Barreau canadien. L'Association du Barreau canadien a déclaré, le 2 novembre : « Une commission du droit indépendante est en mesure d'effectuer une recherche innovatrice et d'adopter une approche pluridisciplinaire à la réforme du droit, en demandant à des spécialistes du droit, des sciences sociales et des sciences humaines d'étudier ces questions d'un point de vue très général. » Nous avons été vraiment surpris d'entendre certains ministres affirmer que l'ABC pouvait remplir ce rôle et de constater que le secrétaire parlementaire répète la même chose aujourd'hui.
Bien sûr, comme le ministre l'a mentionné, cette association coordonne toutes sortes de groupes qui présentent des rapports, et je ne pense pas que le ministre ait répondu à la question de M. Murphy qui demandait si cette abolition allait compromettre notre position sur le plan international. Je peux vous dire que deux personnes ont déclaré à , un expert international, pendant qu'il voyageait à l'étranger peu après que ces décisions aient été prises, que la communauté internationale avait été profondément troublée par cette annonce.
Je pense que le fait que le ministre et le secrétaire parlementaire aient parlé de toutes les bonnes idées qui ont été fournies au gouvernement et aux députés et de la recherche qui a servi à de nombreux citoyens, tous les rapports préparés au cours de ces dix années, et qu'ils aient mentionné que le gouvernement n'en avait demandé qu'un, je crois que c'est là la raison qui justifie le mieux la position du comité. La Commission du droit a donc dû innover. Elle a pour rôle d'améliorer le gouvernement et elle a présenté toutes ces idées, des idées d'actualité et proposé des façons d'agir, ce qui est la raison d'être d'un organisme de ce genre.
Ma première question appelle une réponse très brève. Nous revenons d'une période de questions au cours de laquelle le gouvernement a été vivement critiqué pour ne pas avoir respecté la promesse qu'il avait faite, pendant les élections, de conserver les fiducies de revenu. Pendant la campagne électorale, avez-vous dit aux électeurs que vous alliez supprimer la Commission du droit?
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Parfait. Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, je dois vous dire que le projet de loi a suscité de nombreux commentaires, dont certains ont été présentés devant une instance politique — l'autre chambre. Je veux, tout comme M. Cotler et tous les Canadiens, vous donner la possibilité de déclarer ici aujourd'hui que vous avez le plus grand respect pour la magistrature, le moins que l'on puisse attendre de l'auxiliaire de justice que vous êtes.
J'aimerais vous l'entendre dire, parce que les questions qui vous ont été posées portent sur cet aspect. La presse et l'autre chambre se sont fait l'écho de commentaires concernant les juges libéraux. Les projets de loi et réduisent, comme vous le savez fort bien, le pouvoir discrétionnaire des juges dans certaines circonstances, ce qui pourrait être considéré comme un manque de respect pour le pouvoir judiciaire des juges. En fait, on pourrait dire que le processus qui a été suivi pour la confirmation de la nomination du juge Rothstein a fait des juges un exemple public. Il est vrai que dans ce cas l'expérience a été très positive, mais on pourrait penser qu'elle consiste à faire comparaître les juges en public pour que leur nomination soit approuvée publiquement par des politiciens élus.
Nous avons maintenant le projet de loi , et voilà la préoccupation qu'il soulève. Certaines dispositions du projet de loi C-17, qui soulèvent maintenant moins de réaction de la part de la population, posent des questions qui vont finalement être réglées. Il demeure dans le projet de loi C-17, il y a des aspects qui concernent... disons « la règle de 80 », ou la capacité des juges d'occuper un poste de juge surnuméraire dans certaines provinces. Les juges en chef n'exercent pas un contrôle aussi strict sur les juges surnuméraires que sur les autres juges. Ce projet de loi, s'il est adopté, augmentera le nombre des juges surnuméraires; c'est ce qu'on m'a dit.
J'aimerais que vous répondiez tout d'abord à la question portant sur le respect que vous éprouvez pour les juges. Je veux que vous me disiez, si je peux me permettre de vous le demander, ce que vous allez faire pour que ces juges surnuméraires effectuent leur travail. Allez-vous nommer d'autres juges pour combler les postes vacants? Vous ou votre ministère avez-vous réfléchi au moyen d'amener les juges en chef à utiliser les juges surnuméraires pour faire fonctionner le système? Vous savez fort bien que le nombre des affaires confiées aux tribunaux va encore augmenter. Nous aurons besoin de tous nos juges.
Pour résumer, il s'agit d'une question en deux parties, éprouvez-vous du respect pour les juges et allez-vous consacrer à ce domaine suffisamment de ressources pour que la justice soit rendue?
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Monsieur le président et messieurs les membres du comité, l'Association du Barreau canadien est venue aujourd'hui pour souligner l'immense et unique contribution que le Programme de contestation judiciaire et la Commission du droit du Canada ont apporté à la bonne gouvernance et au processus démocratique du Canada. Je vais prendre quelques minutes du temps qui m'a été attribué pour développer ce thème.
Le Programme de contestation judiciaire a pour mission d'assurer l'accès à la justice dans deux domaines particuliers des droits constitutionnels, les droits linguistiques et les droits à l'égalité. Les tribunaux ont tiré une ligne très nette entre le principe constitutionnel d'accès à la justice et aux tribunaux et le principe de légalité. Comme nous le savons tous, le principe de légalité veut dire que le droit régit les rapports entre les citoyens, que nous avons des droits et des obligations et il veut dire également que le gouvernement est lui-même lié par la loi, et plus particulièrement, que le gouvernement est lié par la loi suprême du pays, la Constitution. En l'absence d'accès aux tribunaux, ces droits ne veulent rien dire et le Programme de contestation judiciaire joue un rôle essentiel dans l'accès aux tribunaux et la mise en oeuvre des droits constitutionnels.
Les tribunaux canadiens ont depuis longtemps reconnu que, pour reprendre les termes de la Cour suprême du Canada, il serait « presque pervers » de demander au gouvernement d'appliquer les lois et aussi de les contester, et c'est pourquoi notre système judiciaire a reconnu la nécessité d'un contentieux d'intérêt public capable de combler ce vide, de remplir ce rôle, d'assumer cette obligation gouvernementale que le gouvernement lui-même ne peut exécuter. Le Programme de contestation judiciaire a grandement facilité le contentieux d'intérêt public dans les domaines relevant de sa mission.
Dans une démocratie constitutionnelle comme le Canada, le contentieux d'intérêt public renforce les valeurs démocratiques et la citoyenneté, et apporte une importante contribution au dialogue démocratique sur les droits et leurs limites. Il est préjudiciable à l'ensemble de la société que les droits constitutionnels soient bafoués.
Pour être utiles, les droits doivent pouvoir être exercés et pourtant sans l'assistance du Programme de contestation judiciaire, de nombreux particuliers et groupes ne pourraient avoir accès aux tribunaux. Les sommes accordées par le Programme de contestation judiciaire ne représentent qu'une fraction du coût réel d'une cause constitutionnelle type. Les particuliers et les groupes financent également ces affaires, les avocats acceptent de réduire leurs honoraires et bien souvent, font leur travail de façon bénévole. Le Programme de contestation judiciaire n'accorde qu'un montant qui ne représente qu'une fraction des frais de l'affaire mais ces montants sont essentiels et sans eux ces droits importants demeureraient le plus souvent de simples garanties théoriques. Sans le financement qu'accorde le Programme de contestation judiciaire, la plupart de ces litiges ne seraient jamais portés devant les tribunaux et les violations constitutionnelles se poursuivraient.
Le Programme de contestation judiciaire a obtenu des résultats spectaculaires, en particulier dans le domaine des droits linguistiques. Depuis presque 30 ans maintenant, ce programme finance des litiges dans ce domaine. Il a ainsi suscité une jurisprudence riche et dynamique qui a donné un sens aux droits des communautés francophones à l'extérieur du Québec ainsi qu'à la communauté anglophone du Québec. Il s'est fait beaucoup de choses et d'excellentes choses dans ce domaine, mais il en reste encore beaucoup à faire. Nous en sommes encore au tout début. Il faut savoir que les droits de la personne évoluent progressivement et qu'il s'agit là d'un processus permanent et continu.
Le Programme de contestation judiciaire a également fait de l'excellent travail dans le financement des causes types touchant les droits à l'égalité. Bien sûr, cela n'a touché qu'une période beaucoup plus courte et il y a, par conséquent, beaucoup plus à faire dans ce secteur.
Je vais maintenant parler de la Commission du droit du Canada. La Commission du droit du Canada a également joué un rôle essentiel pour améliorer l'administration de la justice et renforcer le principe de légalité au Canada par le biais de sa mission qui consiste à renouveler le droit pour qu'il soit toujours pertinent, adapté, efficace, accessible à tous et juste.
Cela fait longtemps que l'ABC est favorable à une Commission du droit fédérale. En fait, nous appuyons officiellement une telle institution depuis 1966. Un gouvernement moderne a besoin d'une telle institution. Il est quelque peu paradoxal que le gouvernement canadien ait aboli la Commission du droit alors qu'il propose au même moment de mettre sur pied des institutions semblables à des pays comme le Bangladesh où la situation économique est beaucoup plus grave qu'au Canada.
La Commission du droit du Canada a apporté sa contribution au dialogue démocratique. Son travail est axé sur la participation. Elle a établi des partenariats avec les institutions, comme les facultés de droit, les forums de politiques publiques, l'ABC et de nombreuses autres organisations. Elle favorise un dialogue ouvert et éclairé ainsi que la participation des citoyens à toutes ses activités. Elle est indépendante des partis mais joue un rôle essentiel dans l'élaboration des politiques et des mesures législatives par le gouvernement.
Il y a un aspect qui est très important et qui n'est pas ressorti très clairement des discussions précédentes que j'ai entendues; c'est le fait que la Commission du droit du Canada établit son programme de recherche en procédant à des consultations et met sur pied des projets à partir de cette consultation publique; elle est ainsi en mesure de définir quels sont les sujets d'actualité qui ne sont pas systématiquement abordés par d'autres institutions. Par définition, elle joue un rôle unique puisqu'elle s'occupe uniquement des sujets qui ne peuvent pas être étudiés de façon appropriée par d'autres institutions. Il ne faudrait pas non plus oublier qu'un représentant du ministère de la Justice siège au conseil consultatif de la Commission du droit du Canada, de sorte que ce ministère a son mot à dire sur les sujets qui sont étudiés par la Commission du droit.
La Commission du droit a adopté une approche très novatrice et pluridisciplinaire à sa recherche. Un ministère très occupé ne peut fonctionner de cette façon sur une base quotidienne.
J'aimerais mentionner en particulier le projet sur les traditions juridiques autochtones, qui en est en fait à ses débuts — ou du moins la première étape de la recherche est terminée — mais la Commission du droit avait prévu de poursuivre les consultations et de compléter ce travail qui vient d'être stoppé abruptement, ce qui est tout à fait regrettable. C'est un projet qui aurait permis de développer et de préciser les traditions juridiques autochtones au Canada et d'étudier la situation très difficile dans laquelle se trouvent ces collectivités et il aurait aidé à renforcer les relations entre Autochtones et non-Autochtones au Canada.
Il est important de comprendre que, même si ce projet ne débouche pas sur des changements législatifs précis, il aura influencé la façon dont fonctionne le pays et que la réforme du droit ne se limite pas à faire adopter un projet de loi ou à formuler des commentaires sur un tel projet; le droit influence la culture ainsi que les institutions qui ne participent pas directement à ce processus.
Nous savons que le ministre de la Justice et d'autres membres du gouvernement ont déclaré que l'ABC pouvait se charger du travail qu'effectuait la Commission du droit. Cela est tout à fait faux. L'ABC n'a pas les moyens d'effectuer ce travail. L'ABC participe aux processus de réforme du droit et fournit le point de vue des professions juridiques sur le droit, l'administration, le principe de légalité mais nous ne sommes pas un institut de recherche. Il est tout à fait irréaliste de penser que nous pourrions combler le vide que laisse la suppression de la Commission du droit du Canada. Notre organisation a une mission tout à fait différente. Nous n'avons pas de fonds à consacrer à une telle tâche et c'est grâce aux efforts bénévoles des membres de l'ABC des avocats qui s'occupent à plein temps d'une pratique privée, que nous pouvons mener à bien cet important travail de réforme du droit. Vous ne pouvez pas nous en demander davantage. Il y a une grande différence entre préparer des commentaires sur un projet de loi et effectuer un travail de fond à long terme visant à réformer le droit.
À notre avis, le ministère de la Justice s'occupe bien sûr aussi de réforme du droit, mais il n'a pas la capacité d'effectuer le genre de travail que fait la Commission du droit du Canada. En fait, je travaillais à temps plein pour l'Association du Barreau canadien en 1992, au moment où la Commission de réforme du droit a été abolie et pendant les cinq ans qui ont précédé la création de la nouvelle commission du droit. Nous travaillions très étroitement avec le ministère de la Justice pour essayer de combler ce vide, mais nous nous sommes tous aperçus que nos deux institutions, même en travaillant ensemble, ne pouvaient y parvenir.
La Commission du droit du Canada joue un rôle unique que ne peut remplir aucune autre organisation, qu'elle soit financée grâce à des fonds publics ou privés. En particulier, il n'existe pas d'organisation indépendante accessible, permanente et qui ait l'envergure nécessaire pour effectuer le travail de la Commission du droit.
Pour terminer, l'ABC aimerait faire remarquer que l'abolition du Programme de contestation judiciaire et celle de la Commission du droit vont compromettre la qualité de la gouvernance au Canada. Tous les Canadiens vont souffrir de l'étroitesse de vue d'un gouvernement qui a décidé de supprimer abruptement ces deux institutions, mais ce sont les membres des groupes défavorisés et des groupes minoritaires qui en ressentiront les conséquences les plus graves. L'abolition de ces deux programmes va aggraver la marginalisation et la précarité de la position de la communauté francophone à l'extérieur du Québec, de la communauté anglophone au Québec, des Autochtones, des femmes, des personnes handicapées, des minorités raciales et des autres groupes vulnérables que protège la Constitution.
L'ABC vous invite à faire tout ce que vous pouvez à titre individuel et comme comité responsable de la justice et des droits de la personne pour redresser le terrible tort qui a été fait.
Merci.
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Oui, monsieur le président.
Je m'appelle Ken Norman. Je suis le trésorier du Programme de contestation judiciaire. Je siège au conseil d'administration du programme à titre de représentant du Conseil des doyens et doyennes des facultés de droit du Canada. Je suis accompagné par notre directeur exécutif, Noël Badiou.
Monsieur le président, messieurs les membres du comité, je vais d'abord vous parler, en me basant sur le mémoire qui vous a été distribué, de l'objet du Programme de contestation judiciaire. Cet objet est l'accès à la justice et la raison d'être de ce fonds est que l'accès à la justice suppose des ressources. C'est pour d'importantes raisons d'ordre civil qu'un certain nombre de programmes de financement du gouvernement ont la même raison d'être, pour ce qui est des litiges. Le Programme de contestation judiciaire n'est qu'un — ou n'était qu'un — de ces programmes.
Il y a un an, une délégation canadienne s'est présentée devant le Comité des droits de l'homme des Nations Unies dans le cadre de l'examen du cinquième rapport du Canada sur le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. S'en tenant uniquement aux contestations constitutionnelles et en laissant de côté les programmes de financement de litiges comme le programme de financement des causes types d'Affaires indiennes et du Nord Canada, ou le Aboriginal Rights Court Challenges Program des Territoires du Nord-Ouest, la délégation canadienne a expliqué les diverses situations dans lesquelles des questions constitutionnelles peuvent être soulevées au cours de litiges financés par le gouvernement.
Elle a proposé des exemples comme l'aide juridique pénale, les causes civiles mettant en causes des intervenants gouvernementaux ou quasi gouvernementaux et des personnes engagées dans les litiges avec des intervenants gouvernementaux en matière de droits et d'accès à la justice. Le rapport du Canada contient la remarque suivante : « Le ministère du Patrimoine canadien finance également le Programme de contestation judiciaire (PCJ), qui accorde de l'aide financière pour des causes judiciaires d'importance nationale visant à clarifier le droit des communautés de langues officielles et les droits à légalité des groupes historiquement défavorisés. » Dans cette perspective, que peut bien signifier, je vous le demande, le commentaire qu'a fait , président du Conseil du Trésor, pour justifier la coupure du financement du Programme de contestation judiciaire le 25 septembre 2006 : « Je ne vois pas pourquoi le gouvernement subventionnerait des avocats pour contester les propres lois du gouvernement devant les tribunaux. »?
Je voudrais vous demander d'annuler cette décision qui vise exclusivement le Programme de contestation judiciaire. Au nom de l'accès à la justice, nous invitons le comité à demander le rétablissement du programme.
Je vais dire maintenant quelques mots de notre histoire et de nos réalisations.
Le programme a été créé en 1978, à la suite d'importantes causes linguistiques portées devant les tribunaux par des particuliers, qui y avaient investi des sommes importantes. Compte tenu du caractère fondamental des droits en question, on s'est rendu compte qu'il fallait créer un programme pour aider les membres des groupes de langues officielles en situation minoritaire à saisir les tribunaux pour obtenir la clarification de leurs droits linguistiques constitutionnels. Il était entendu qu'il fallait instaurer un mécanisme permettant à ces groupes de faire reconnaître leurs droits. Faute de quoi, les membres de ces groupes ne pourraient guère, ou ne pourraient pas, faire reconnaître et respecter leurs droits.
Ensuite, en 1982, lorsque la charte est entrée en vigueur, le mandat du programme a été élargi pour englober les droits linguistiques garantis par la charte. Par la suite, en 1985, avec l'entrée en vigueur des dispositions en matière d'égalité, le mandat du programme a de nouveau été élargi.
Pour résumer, le programme était censé donner accès à la justice aux personnes traditionnellement défavorisées, à celles qui sont le plus susceptibles d'être marginalisées et empêchées de participer pleinement à la société canadienne, aux groupes de langues officielles en situation minoritaire, qui, eux aussi, essaient de revendiquer leur place dans la société canadienne. Sans ce mécanisme d'accès à la justice, les groupes et les personnes tenus à l'écart du pouvoir n'auront plus la possibilité de revendiquer l'égalité et la reconnaissance de leurs droits. On ne peut donc accorder aucune valeur à l'argument selon lequel le Programme de contestation judiciaire aurait failli à sa tâche lorsqu'il a refusé de financer les groupes partisans du statu quo qui intervenaient pour appuyer la position du gouvernement.
Je vais maintenant passer à la question de la valeur et de l'efficacité du programme, puisqu'elle a été soulevée. Lorsqu'il a décidé d'éliminer le Programme de contestation judiciaire, le gouvernement a déclaré que le programme n'était pas rentable. Nous aimerions beaucoup savoir sur quoi il fonde cette affirmation. Les responsables du programme n'ont jamais été informés que celui-ci faisait l'objet d'un examen. Personne n'a jamais contacté le personnel, ni les membres du conseil d'administration, ni ne leur a demandé de renseignements sur le programme. Quelle a donc été la nature de cet examen? Quels en ont été les résultats? Lorsqu'il a annoncé la coupure du programme, le gouvernement n'a pas associé sa décision aux conclusions d'un examen.
Le programme a fait l'objet de deux examens publics et officiels, l'un en 1997 et l'autre en 2003. Je vais mentionner certains aspects de l'évaluation de 2003, la plus récente.
Selon l'évaluation, le programme est administré de façon efficace. On peut également lire dans le rapport : « Les conclusions de l'évaluation montrent également que de nombreuses dimensions des dispositions constitutionnelles visées par le Programme doivent encore être clarifiées. Les données montrent que le processus de clarification est permanent et, selon toute vraisemblance, se poursuivra indéfiniment. »
J'aimerais également inviter les membres du comité à prendre en considération certains autres aspects. Notre programme est modeste mais a une portée nationale. Il est entièrement administré par un petit groupe de huit personnes qui travaillent dans les mêmes locaux situés à Winnipeg au Manitoba. Le budget administratif est relativement réduit, si l'on tient compte de l'importance des enjeux et de l'envergure nationale du programme.
Selon les conditions imposées par le programme en matière d'administration des fonds, les coûts réels des litiges ne sont pas entièrement couverts. Le financement limité qui est accordé permet aux demandeurs d'obtenir la participation d'avocats très aguerris et très compétents qui acceptent de faire une partie du travail à un taux horaire beaucoup plus faible que le taux habituel et une autre partie, gratuitement.
Pour ce qui est de l'impact du programme, notre mémoire mentionne un certain nombre de causes importantes. Il y en a une en particulier que je voudrais mentionner dans le peu de temps dont je dispose; c'est une affaire de l'Île-du-Prince-Édouard, une affaire qui touche les droits linguistiques de la minorité, dans laquelle la Cour suprême du Canada fait un lien entre le volet financement des causes linguistiques et le volet financement des causes en matière d'égalité, ce lien étant le principe de l'égalité réelle. Je cite un passage de l'arrêt Arsenault-Cameron : « L'article 23 reposer sur la prémisse que l'égalité réelle exige que les minorités de langues officielles soient traitées différemment, si nécessaire, suivant leur situation et leurs besoins particuliers, afin de leur assurer un niveau d'éducation équivalent à celui de la majorité de langues officielles. » L'idée d'adaptation est aussi au coeur de l'idée d'égalité reconnue à l'article 15.
Pour ce qui est des affaires concernant l'article 15, contrairement à la perception de certaines personnes, les contestations fondées sur les droits à l'égalité n'ont pas toujours débouché sur des victoires du système juridique. Le financement offert par le programme permet aux défenseurs des droits à l'égalité de porter leurs causes devant les tribunaux dans l'espoir qu'avec le temps, les principes juridiques qu'ils font valoir seront reconnus par les tribunaux. De plus, les questions portées à l'attention des tribunaux peuvent contribuer à accentuer la visibilité de certains enjeux susceptibles de stimuler un débat public et de mener à une réforme législative visant à renforcer les droits de la personne. Le programme fournit aux plus démunis de la société — les groupes défavorisés — un moyen de poursuivre le dialogue, ce qu'ils ne pourraient pas faire autrement.
Permettez-moi de passer à une dernière remarque, qui est que le Programme de contestation judiciaire a été reconnu et apprécié non seulement par le Comité des droits de l'homme des Nations Unies dans le cadre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel j'ai fait référence au début de mon exposé, mais également par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies. En outre, l'ancienne commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Mme Mary Robinson, a exprimé son admiration pour le magnifique travail réalisé dans le cadre du Programme de contestation judiciaire et rappelé le caractère unique de ce programme en déclarant que ce type de programme devrait être adopté par d'autres pays.
Enfin, la charte existe depuis une génération. Les droits constitutionnels continuent toutefois d'évoluer. Il suffit de tourner le regard vers les États-Unis pour constater que les tribunaux continuent d'être saisis de questions constitutionnelles 200 ans après l'adoption du Bill of Rights. Comment douter que l'on ait encore besoin du programme, qui fournit aux Canadiens défavorisés les moyens d'avoir accès à la justice.
Merci.
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Je vous remercie de m'avoir invité ici. Je représente le Centre for Cultural Renewal, qui existe depuis maintenant près de 15 ans. C'est un groupe de réflexion indépendant auquel sont associés des personnes de formations très diverses et dont le personnel est peu nombreux. Nous faisons beaucoup de recherche dans le domaine du pluralisme, pour essayer de définir les principes susceptibles de favoriser l'intégration de tous les Canadiens.
Les commentaires que je vais vous livrer aujourd'hui portent principalement sur l'évolution constitutionnelle et l'aide financière apportée aux plaideurs. Ma recommandation finale au sujet des changements à apporter s'applique aussi bien à la Commission du droit qu'étudie le comité permanent, et dont je n'ai pas parlé dans mes commentaires. Vous recevrez tous un exemplaire de mon mémoire, mais à cause des contraintes de temps, je vais me contenter d'aborder un certain nombre de points essentiels.
Le contentieux constitutionnel est d'utilité publique. La Constitution n'appartient à personne et aucun groupe d'intérêt ne peut contrôler la façon dont la Constitution va changer et évoluer à mesure qu'elle est interprétée par les tribunaux. Dans une société ouverte, l'auto-évaluation et l'autocritique sont de bonnes choses. À cet égard, le fait d'avoir un régime qui permet de vérifier la constitutionnalité des lois est jusqu'à un certain point une excellente chose. De la même façon, le fait d'offrir un soutien financier à ceux qui n'ont pas les moyens d'intenter des poursuites peut également, si cela est fait de manière équitable et appropriée et sous certaines réserves importantes, être une excellente chose.
Je ne suis pas venu ici pour louanger le Programme de contestation judiciaire tel qu'il était, ni pour l'enterrer; je demande simplement votre attention pour que nous puissions analyser ensemble certains principes qui pourraient stimuler l'aide aux litiges constitutionnels. Il me semble qu'il conviendrait de modifier profondément le programme tel qu'il existe actuellement.
Le Programme de contestation judiciaire a bénéficié de conseillers extrêmement compétents et de stratèges brillants. Son dossier parle de lui-même. Nous avons peut-être maintenant l'occasion de réfléchir au genre de programme qui conviendrait le mieux au pays pour l'avenir. Les programmes apparaissent et disparaissent. Ceux que l'on considère comme morts et enterrés peuvent parfois prendre assez rapidement les airs d'un phoenix.
L'incidence de l'annulation du programme suscite des réflexions qui, à mon avis, vont au-delà de la marque qu'a laissée l'ancien programme. Les personnes qui souhaitent le maintien du programme forment l'un des groupes de pression les plus puissants qui existe au Canada aujourd'hui; j'aimerais donc proposer un certain nombre de principes qui, à mon avis, devraient susciter notre intérêt et être pris en compte si l'on souhaite modifier, développer, rénover un programme d'aide financière au contentieux constitutionnel, ce qui est la principale recommandation que je vais vous présenter aujourd'hui.
Pourquoi devrions-nous nous intéresser à l'aide gouvernementale accordée au contentieux constitutionnel et nous soucier de la manière dont cette aide est organisée et les demandes examinées? On affirme souvent, au Canada, que les rapports entre le judiciaire et le législatif relèvent du dialogue. Si cela est vrai, on peut également affirmer, par extension, que les débats judiciaires font eux-mêmes partie de ce dialogue. On peut dire que chaque cause suscite un dialogue et un débat au sujet de la nature de la Constitution et que les diverses causes entretiennent aussi un dialogue.
La société elle-même et le droit qui la régit sont en mode de dialogue. Ce dialogue évolue, en partie en raison des débats et des discussions et des prises de conscience qui sont le lot de notre vie en société. Ainsi, dans les affaires qui portent sur un thème donné, il y a, comme le savent fort bien les stratégistes, des choses nouvelles et un bon stratège choisit avec soin les causes qui lui permettront d'obtenir les résultats souhaités à long terme.
Étant donné que les issues de ces causes touchent tout le monde, il est indispensable de faciliter le plus possible l'accès des citoyens aux tribunaux. L'interprétation qu'a subie la charte au cours d'une période de plus de 20 ans a donné des résultats utiles. L'interprétation est une réalité permanente et notre Constitution est, comme on l'a souvent dit, un arbre vivant. Il est bon de rappeler que les arbres ne poussent pas habituellement seuls. Ce ne sont pas les seules choses qui vivent et deuxièmement, ils dépendent du sol qui les nourrit. L'espace dans lequel vit l'arbre reflète aussi une étape de l'évolution constitutionnelle et est aussi une réalité vivante; si l'on fragilise le sol, on fragilise aussi l'arbre. Les documents constitutionnels demeurent lettre morte si la réalité vécue de la société ne leur donne pas un sens au quotidien.
Le Canada n'est pas la Charte des droits et la Charte des droits n'est pas le Canada. Il faut le dire parce qu'il y a des gens, en fait ils sont assez nombreux, qui semblent penser que l'évolution du Canada doit être fondée sur la Charte, ce qui revient à dire sur la magistrature, ou sur le dialogue entre le législateur et les tribunaux. Il ne faut pas oublier que d'autres dialogues importants sont en cours, comme je l'ai dit il y a un instant, et l'un d'entre eux est le dialogue qu'entretiennent les causes entre elles, et le débat sur les principes que reflète chaque mesure législative.
Je vais maintenant passer aux aspects essentiels de mon mémoire.
Si nous supposons que les tribunaux sont non seulement nécessaires mais également suffisants au maintien de la Constitution, nous présumons trop de l'importance du rôle du droit. C'est là le point central de mes remarques d'aujourd'hui. Pour qu'un programme d'aide au contentieux constitutionnel soit juste, il doit être accessible à tous — non seulement à ceux qui contestent les lois, mais aussi à ceux qui les défendent ou qui s'opposent à un genre particulier de contestation. Par exemple, il peut arriver qu'il n'y ait pas de règle dans un domaine dans lequel un plaideur souhaiterait en avoir, comme c'était le cas pour les affaires de mariage entre personnes de même sexe, qui reposaient sur un fondement particulièrement étroit, la contestation de la définition de la common law.
Si le contentieux constitutionnel touche tous les citoyens, alors ceux qui pourraient avoir besoin d'une aide financière pour intenter des poursuites ne peuvent pas toujours être clairement qualifiés de contestataires et un programme visant à favoriser l'interprétation constitutionnelle devrait donc le faire de façon neutre et ne pas aider uniquement les personnes qui ne représentent qu'un côté des arguments. Les questions constitutionnelles ne sont pas uniquement celles qui sont nouvelles et stimulantes mais elles doivent comprendre aussi les réponses qu'ont déjà apportées le Parlement et les assemblées législatives, tant fédérales que provinciales.
Comme le philosophe canadien Charles Taylor l'a remarqué, les solutions judiciaires se font habituellement aux dépens d'une des deux parties: il faut gagner ou perdre. En particulier, les jugements concernant les droits sont de plus en plus conçus comme des absolus. La tendance à confier aux tribunaux le soin de régler les différends, processus qui est polarisé par l'opposition de groupes d'intérêts rivaux, abolit pratiquement toute possibilité de compromis. Lorsque le contentieux est utilisé de cette façon, il serait normal de se demander quel est le genre d'égalité que nous recherchons, sachant que nous encourageons les plaideurs à agir de cette façon. Que pensons-nous du dialogue interne auquel devraient se livrer les citoyens sur les questions d'actualité? S'adresser aux tribunaux selon le modèle qui accorde le tout au gagnant et qui inquiète Charles Taylor tend bien souvent à accorder la victoire à un seul côté d'un débat qui en comprend deux, ce qui n'est pas la façon d'en arriver à une société civile qui fonctionne de façon harmonieuse.
Je développe dans mon mémoire ce thème de façon plus approfondie que je ne peux le faire en ce moment, mais j'aimerais poser la question suivante. La voici: Comment pouvons-nous nous acquitter le mieux possible de la tâche qui consiste à situer la charte dans les traditions linguistiques, philosophiques, historiques et religieuses appropriées, comme nous le demande la Cour suprême du Canada, si nous ne faisons pas appel à l'apport des gens et des groupes qui sont les mieux en mesure de nous dire en quoi consistent ces traditions? Dans l'une de mes recommandations, je suggère que le contentieux n'est pas la meilleure façon de procéder au genre de réflexion qui convient à ce genre de décision judiciaire, et qu'il faudrait trouver une autre approche.
Les droits constitutionnels sont importants et les tribunaux doivent avoir pour rôle de les défendre, en particulier lorsque l'État agit contre des individus ou des groupes, mais pour les tribunaux, il s'agit là d'un rôle qui est nécessaire mais pas suffisant. Au cours de la première période de la mise en oeuvre du Programme de contestation judiciaire et de l'interprétation de la Charte des droits et libertés, nous avons assisté à l'élaboration d'une jurisprudence, en particulier en matière de droits linguistiques et de droits à l'égalité; je soutiens qu'au cours de la période suivante, il faudra dépasser le cadre contentieux de l'analyse constitutionnelle. Il faudra abandonner le sectarisme nouveau des débats, principalement politique, qui opposent les groupes d'intérêt. Nous y parviendrons en adoptant des mesures de fond qui obligeront les groupes qui s'opposent sur des points fondamentaux à se rencontrer, parce qu'en fin de compte, les citoyens qu'animent des points de vue radicalement opposés doivent néanmoins vivre dans le même pays.
Je vais donc vous présenter mes recommandations.
Premièrement, l'aide devrait viser à faire ressortir le plus possible le bien-fondé des arguments des personnes qui contestent les lois et de celles qui les défendent, étant donné que celles qui attaquent les lois ne sont pas les seules à pouvoir invoquer des arguments constitutionnels.
Deuxièmement, tous les groupes de citoyens doivent avoir confiance dans l'équité d'un programme d'aide au contentieux constitutionnel, en particulier dans l'équité en matière de représentativité. Dans la mesure du possible, il serait normal de faire appel à des gens qui proviennent de groupes différents et nous savons, grâce à l'histoire du contentieux constitutionnel dans ce pays qui se déroule depuis des années, quels sont ces groupes. Ces personnes devraient faire partie des conseils consultatifs, ou prendre les décisions dans un projet comme le Programme de contestation judiciaire; il ne faudrait pas confier cette tâche à un groupe restreint de professeurs de droit ou d'activistes, quelles qu'en puissent être les qualités.
Troisièmement, une fois que les tribunaux ont attribué le statut d'intervenant à des groupes dans une contestation constitutionnelle, l'aide financière appropriée devrait être accordée à toutes les parties en cause, sous réserve peut-être d'une évaluation des ressources. Cela découle de ma première proposition, selon laquelle l'évolution constitutionnelle ne doit pas avoir pour seul but la nouveauté. Ce sont finalement les juges qui décident quels sont les groupes particuliers qui ont un intérêt et un statut de représentant valide dans le contentieux constitutionnel. L'aide financière devrait donc être accessible aux groupes sans but lucratif, aux oeuvres de charité et aux personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes.
Quatrièmement, il faut préciser le rôle du contentieux, de la participation, de l'éducation et de la défense des intérêts par rapport au statut d'organisme de charité. Le Programme de contestation judiciaire a lui-même présenté une poursuite devant la Cour suprême du Canada, poursuite dans laquelle il n'a pas obtenu gain de cause, pour le compte d'un groupe de défense des femmes de la côte ouest. Je connais de nombreux autres groupes pour lesquels l'enregistrement, l'absence d'enregistrement ou la radiation de l'enregistrement en qualité d'organismes de charité, revêt une importance cruciale. Il faudrait se pencher sur cet aspect.
Cinquièmement, et je crois que c'est la recommandation la plus importante, j'estime qu'au lieu d'orienter les fonds gouvernementaux, que ce soit au palier fédéral ou provincial, vers les contestations judiciaires lancées par un petit nombre de personnes, il faudrait envisager de mettre sur pied un forum constitutionnel canadien auquel participeraient tous les intéressés, ce qui profiterait à tous les Canadiens. Des groupes comme ceux qui sont ici aujourd'hui — par exemple, l'ABC — les représentants des facultés de droit, les organisations religieuses, les organisations syndicales, les groupes de défense des droits des Autochtones, les groupes de défense des femmes, les associations de défense des droits linguistiques, ainsi que les représentants des groupes d'activistes dans le domaine de l'orientation sexuelle participeraient à un tel forum constitutionnel.
Seul un forum constitutionnel de ce genre, auquel participeraient les groupes directement intéressés par ces questions, pourrait favoriser le genre d'études et d'analyses fondées sur les principes dont le Canada a besoin. J'explique dans mon mémoire comment nous avons lourdement échoué au sujet du mariage entre personnes de même sexe, comment nous aurions pu faire beaucoup mieux, mais le recours aux tribunaux et le renvoi au sujet du mariage ont restreint ce qui, je l'espère, sera une analyse féconde du rôle de l'État à l'égard du mariage entre personnes de même sexe.
Il y a beaucoup de choses dans mon mémoire. J'ai légèrement dépassé mon temps de parole et je demande à mes collègues de m'en excuser; mais c'étaient mes commentaires.
Merci.
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Comme vous le savez, c'est un moment assez difficile et assez triste pour les droits de la personne, parce qu'on est en présence d'un gouvernement plutôt sans coeur et pas tellement préoccupé par ces questions. C'est un gouvernement qui a résolument choisi de camper à droite et, comme tous les gouvernements de droite, il ne croit pas à l'égalité des chances. C'est la différence entre l'existence d'un programme de contestation judiciaire et son inexistence. Je dis que nous ne céderons pas. Le ministre a beau représenter les francophones dans sa circonscription, mais il n'a pas voulu répondre à mes questions aujourd'hui. On va déposer des motions.
Vous connaissez l'adage démocratique, à savoir que les gouvernements sont parfois aveugles, mais ne sont jamais sourds. Il faut augmenter le volume du bruit. Dans toutes les régions du Canada, je souhaite une caravane de personnalités — j'en parlerai à mon caucus — qui parcourra les communautés francophones pour faire valoir combien ce gouvernement est dangereux pour ceux qui croient à l'égalité des chances pour les francophones.
Je n'ai jamais compris que le Programme de contestation judiciaire comme était un programme qui finançait à 100 p. cent les autorisations d'aller devant les tribunaux. C'est évident. Vous avez des accords de contribution et vous recevez 2,8 millions de dollars par année? J'ai lu dans vos accords de contribution que vous devez réserver 1,8 million de dollars pour les contestations; le reste est pour couvrir d'autres frais. Vous n'avez pas un gros budget, c'est évident. Le principe est le suivant: ce qu'on accepte parce qu'on est des démocrates, ce n'est pas la contestation des lois, c'est de faire définir ce que sont les lois. Il s'agit de faire définir l'ampleur d'un droit. Ce n'est pas parce qu'un droit est circonscrit de façon x en 1996 qu'il ne sera pas appelé à un autre rayonnement et une autre définition en 2001, 2002 et 2003.
Je ne parle pas de l'article 15, mais prenons seulement l'idée de toute la question de la gestion du conseil scolaire, qu'on appelle nos commissions scolaires au Québec. Comment pourrait-on penser que, sans le Programme de contestation judiciaire, il y aurait eu des avancées importantes comme celles que nous avons connues il y a quelques années? Donc, faites-le valoir à ce gouvernement, et je souhaite que les ministériels se mettent en mode écoute et qu'on ait un minimum de sensibilité pour qu'ils puissent encore réaliser qu'il en va de la vitalité de vos communautés. Je sais que ce n'est pas de la survie dont on parle, mais c'est de la vitalité de vos communautés.
Encore une fois, il y a un prix à payer pour avoir un gouvernement de droite. Quand ça va bien, quand on a les moyens de s'adresser aux tribunaux, quand dans la vie on n'a pas de revers de fortune, on n'a pas besoin de l'État. Quand on est majoritaire et qu'on habite en Alberta, en Saskatchewan ou au Manitoba, qu'on est anglo-saxon et qu'on parle la langue de la majorité, on n'a pas besoin des tribunaux. Le programme n'existe pas pour ça.
Je m'excuse au nom du gouvernement d'en avoir un comme celui-là. Plaise à Dieu et aux électeurs que la prochaine fois, ce gouvernement soit congédié comme il le mérite. Toutefois, faites-nous valoir combien sont importants pour la gestion des conseils scolaires les droits que vous défendez et le Programme de contestation judiciaire.