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La séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne est ouverte. Nous étudions toujours le projet de loi C-10, Loi modifiant le Code criminel (peines minimales pour les infractions mettant en jeu des armes à feu).
Nous avons aujourd'hui un groupe de témoins éminents dont beaucoup ont déjà comparu devant notre comité. C'est un plaisir de vous accueillr tous.
Nous accueillons Tony Cannavino, de l'Association canadienne des policiers, accompagné de David Griffin. Bonjour, messieurs.
Nous accueillons aussi, à titre personnel, Ian Lee, de l'université Carleton, Lee Stuesser, de Robson Hall, université du Manitoba, et Paul Chartrand, du College of Law de l'université de la Saskatchewan. Merci à tous d'être venus.
Je sais, professeur Lee, que vous souhaitez faire votre exposé en premier, et c'est peut-être une bonne idée. Vous avez préparé un exposé en PowerPoint.
Voulez-vous commencer, professeur?
Je remercie le président et les membres du comité de m'avoir invité aujourd'hui. C'est un grand honneur auquel je suis sensible. J'espère que mon exposé vous intéressera.
J'ai l'intention de vous parler de ce que j'appelle les trois légendes urbaines. J'emploie cette expression pour exprimer la frustration très publique que je ressens à l'égard du ministère de la Justice et du ministère de la Sécurité publique au sujet d'une publication très importante et sérieuse intitulée Journal of Law and Economics.
Je vais vous les présenter très rapidement. La première légende urbaine — et j'ai vu qu'elle a été utilisée par Jeffrey Simpson dans un article du Globe and Mail et par Dan Gardner dans un article du Ottawa Citizen plus tôt cette année — est qu'il il y a une baisse de la criminalité avec violence au Canada. Cela est factuellement et statistiquement faux.
Voici une diapositive présentant des données de Statistique Canada depuis 1962. J'ai choisi 1962 pour une raison. C'est le milieu de la génération du baby-boom. En 1962, j'avais 10 ans. Je me souviens fort bien de cette année-là et de celles qui ont suivi. À l'époque, quand on avait 10, 11 ou 12 ans, on pouvait faire beaucoup de choses qu'on ne peut plus faire aujourd'hui.
C'est de Statistique Canada. Le nombre de crimes avec violence pour 100 000 habitants — nous ne jouons pas ici avec la population absolue — est passé de 221 à 943 en 40 ans, c'est-à-dire durant ma vie, durant la période dont je me souviens.
La deuxième légende urbaine concerne le programme de recherche en droit et économie. Je veux en parler brièvement. Le programme de recherche en droit et économie est basé dans les universités les plus prestigieuses au monde — Stanford, Carnegie-Mellon, Yale, Princeton, Harvard — et a été conçu par un certain Gary Becker qui a obtenu un prix Nobel il y a une dizaine d'années. Quatre prix Nobel ont été décernés dans ce domaine du droit et de l'économie. C'est un domaine de recherche très sérieux et très respecté. Garry Becker a obtenu son prix Nobel spécialement pour ses travaux sur le crime et le châtiment. Les trois autres prix Nobel en droit et économie ne portaient pas spécialement sur ce secteur.
Il y a un chercheur que je cite abondamment et qui s'appelle Steve Levitt. Il a moins de 40 ans et a obtenu un prix très prestigieux, la Médaille Bates, décerné à l'économiste de moins de 40 ans le plus brillant des États-Unis. Il a publié plus de 60 articles sérieux, des articles qu'aucun universitaire ne réussirait à publier durant toute sa vie. En outre, le magazine Time a déclaré cette année qu'il est l'une des 100 personnes les plus influentes au monde. Il a publié dans des revues de criminologie quantitative et il a publié des recherches tout simplement extraordinaires. Comme vous pouvez le voir, je vous ai remis l'un de ses articles.
Si je dis que l'incarcération est la deuxième légende urbaine, avant de passer aux PMO, c'est parce que c'est ma thèse générale. Les PMO — peines minimales obligatoires — ne sont qu'un aspect particulier de l'incarcération. Autrement dit, si l'incarcération ne marche pas, les peines minimales ne marchent pas non plus, par définition, puisqu'elles ne sont qu'un aspect de l'incarcération. Donc, Steve Levitt a analysé et interprété ces données dans une série d'articles publiés dans certaines des revues les plus importantes au monde et il en a tiré certaines conclusions. J'attire notamment votre attention sur le troisième paragraphe : « ...le recours accru à l'incarcération au cours des années 1990 peut expliquer une réduction d'environ un tiers de la baisse de criminalité observée ».
Dans un autre article consacré à la baisse très spectaculaire de la criminalité dans les années 1990, il a présenté quatre explications : l'incarcération, expliquant un tiers de la baisse; la légalisation de l'avortement, pour un tiers aussi; le reflux de l'épidémie de crack, pour 10 p. 100; et, finalement, l'augmentation du nombre de policiers dans la rue.
Cela nous amène au troisième minimum obligatoire. Joanna Shepherd est une jeune chercheure brillante qui enseigne l'économie et enseigne aussi à une faculté de droit. Elle a une double affectation. Elle a entrepris l'étude la plus exhaustive des peines minimales obligatoires, dans le cadre de la Californie, et a conclu qu'elles réduisent les meurtres de 16 p. 100, les voies de fait graves de 12 p. 100, les vols qualifiés de 24 p. 100, les viols de 12 p. 100 et les vols simples de 3 p. 100.
Je saute le passage suivant car je veux être sûr d'avoir assez de temps, pendant mes 10 minutes, pour présenter mes derniers arguments. Ce passage concerne la loi californienne des trois fautes et nous pourrons en parler plus tard. Je dirai simplement pour le moment qu'il y a beaucoup de mythes à ce sujet, l'un d'entre eux étant qu'on peut aller en prison pour un troisième vol de pizza. Ce n'est pas vrai car la première et la deuxième fautes s'appliquent uniquement aux crimes avec violence. La troisième faute peut être n'importe quel acte criminel mais la loi de la troisième faute ne s'applique que si la première et la deuxième fautes sont des actes graves de violence. Voici encore une fois les données. Nous pourrons y revenir.
La Floride a adopté une loi similaire, appelée 10-20-perpétuité, qui est aussi une peine minimale obligatoire. Vous pouvez voir ici les peines de 3 ans, de 10 ans, de 20 ans et de perpétuité. Il s'agit de statistiques provenant du Statistical Analysis Center du gouvernement de la Floride, indiquant une réduction de moitié de la criminalité depuis son entrée en vigueur.
Je passe maintenant au Canada et au rôle changeant du délinquant fédéral canadien. Le SCC, Service correctionnel du Canada, a publié beaucoup de données empiriques au cours des quatre ou cinq dernières années et son commissaire, Keith Coulter, a prononcé plusieurs discours. La raison pour laquelle je tiens à en parler est que le profil du délinquant a changé de manière spectaculaire. Il est beaucoup plus violent aujourd'hui qu'il y a 10, 15 ou 20 ans, et il est incarcéré en moyenne pour des périodes beaucoup plus courtes. Vous voyez ici des statistiques du SCC, ce n'est pas mon interprétation. Voyez les chiffres : près de 50 p. 100 des délinquants ont déjà purgé une peine comme jeune délinquant; 75 p. 100 des détenus actuels sont en prison pour des actes violents; 1 sur 4 a été condamné pour homicide; 1 000 pour meurtre au premier degré; et 1 sur 6 pour association avec un gang criminel.
Ceci ressort des statistiques du Service correctionnel du Canada montrant que 70 p. 100 des détenus fédéraux sont en prison pour avoir commis une infraction avec violence. Voici une statistique très importante — et j'espère que vous l'examinerez attentivement — indiquant la durée moyenne de l'incarcération pour une peine donnée.
Vous dites?
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Ce graphique montre trois peines différentes : une peine de 2 à 3 ans, une peine de 3 à 4 ans, et une peine de 4 à 5 ans. Vous voyez que la période réellement passée en prison est en moyenne 15 mois pour une peine de 2 à 3 ans, et de 18 à 20 mois environ pour une peine de 3 à 4 ans.
Ceci m'amène à ma dernière remarque, fondée sur des données que j'ai tirées de rapports du vérificateur général et à partir desquelles j'ai fait d'autres calculs. Si le délinquant moyen est condamné à une peine de 3 ans dans un établissement fédéral, il n'y passe en réalité que 15 mois selon les données du SCC. Le programme de réadaptation moyen exige 7 mois pour un délinquant de haute intensité ou violent, et il en faut 3 pour se réadapter. Le détenu passe seulement 15 mois dans l'établissement fédéral mais il lui en faut 21 pour se réadapter. Cela veut dire que nous renvoyons dans la population des personnes violentes qui n'ont pas pu se réadapter.
Voici un graphique que vous avez certainement déjà vu. Il s'agit de la désignation de délinquant dangereux et il confirme ce que je disais plus tôt. Le nombre de délinquants déclarés dangereux chaque année est très petit.
Ceci m'amène à la dernière diapositive. Les délinquants violents ont besoin de plus de temps, pas de moins, pour se réadapter. De fait, nous ne leur permettons pas de se réadapter complètement car nous les remettons prématurément en liberté — avant qu'ils soient réadaptés. Le résultat est que notre société est plus dangereuse. La preuve en est fournie par l'augmentation de la criminalité entre 1962 et aujourd'hui, selon Statistique Canada.
Ma conclusion est donc que nous avons besoin de peines minimales obligatoires pour assurer la réadaptation qui, selon bien des gens, est l'objectif de l'incarcération des délinquants violents.
Je vous remercie de votre attention et je répondrai volontiers à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, membres du comité, bonjour.
L'Association canadienne des policiers est heureuse d'avoir l'occasion de présenter ses observations au Comité parlementaire permanent de la justice et des droits de la personne à l'égard du projet de loi .
L'ACP est le porte-parole national de 54 700 membres du personnel policier à l'échelle du Canada. Par l'intermédiaire de ses 170 associations membres, l'effectif de l'ACP comprend du personnel oeuvrant dans les services policiers d'un bout à l'autre du pays, desservant tant les plus petits villages que les grandes agglomérations urbaines au sein de services policiers municipaux et provinciaux, ainsi que dans la GRC, la Police des chemins de fer et la Police des Premières nations.
L'Association canadienne des policiers est reconnue en tant que porte-parole national du personnel policier en matière de réforme du système de justice pénale au Canada. Notre but est de travailler de concert avec les représentants élus de tous les partis afin de réaliser d'importantes réformes qui assureront la sécurité de tous les Canadiens et Canadiennes, y compris ceux et celles qui ont fait serment de protéger nos collectivités.
[Traduction]
La violence urbaine suscite une vive préoccupation au sein de notre Association. Depuis plus d’une décennie, les associations de policiers préconisent la réforme de notre système judiciaire en réclamant plus particulièrement des changements qui fortifieraient les dispositions relatives à la détermination des peines, la détention et la libération conditionnelle de contrevenants violents.
Lors de notre assemblée générale annuelle de 2004, les délégués de l’ACP ont adopté à l’unanimité une résolution invitant le gouvernement fédéral à fournir des fonds supplémentaires pour que des peines d’emprisonnement obligatoire plus sévères et plus adéquates soient infligées aux individus impliqués dans un acte criminel à main armée.
Les récidivistes sont un problème sérieux. Le recours aux peines minimales et la fréquence des récidives ont fait l’objet d’un nombre considérable de débats au sein de votre Comité. Ne vous y méprenez pas : les récidivistes posent un sérieux problème. Les policiers le comprennent intuitivement puisque nous avons affaire à ces « clients fidèles » qui nous reviennent régulièrement.
Les chiffres suivants rendus publics par la brigade des homicides de la police de Toronto pour l’année 2005 en sont la preuve. Sur 32 personnes accusées de meurtre ou d’homicide involontaire en 2006, 14 étaient en liberté sous caution au moment de l’infraction; 13 étaient en probation; 17 faisaient l’objet d’une ordonnance d’interdiction de possession d’une arme à feu. Le système judiciaire de la porte-tambour a échoué en n’arrivant pas à empêcher les récidivistes violents de poursuivre leurs activités criminelles.
Les actes de violence commis avec une arme à feu exigent une approche dénuée de tout sectarisme. Au cours des dernières élections fédérales, les trois grands partis ont tous promis des peines plus sévères pour les crimes commis avec une arme à feu. Le programme du NPD promettait « de majorer la peine obligatoire minimale pour possession, vente ou importation d’armes à feu illégales, dont les armes de poing, les fusils d’assaut et les armes automatiques » et « d’ajouter des peines minimales obligatoires pour les autres infractions liées aux armes », notamment « une peine minimale de quatre années d’emprisonnement pour toutes les infractions liées aux armes, dont la possession d’une arme dissimulée ».
L’ancien Premier ministre Paul Martin promettait d’imposer des peines plus sévères «en déposant de nouveau un projet de loi visant à réprimer les crimes violents et la violence des gangs en doublant les peines minimales obligatoires pour les principaux crimes commis à l’aide d’une arme à feu». L'ex-ministre libéral de la Justice Irwin Cotler a déposé en novembre 2005 le projet de loi sur la violence commise avec une arme à feu. Il prévoyait d'alourdir certaines peines minimales concernant la contrebande, le trafic et la possession d'armes à feu et d'autres armes, et de créer deux nouvelles infractions, soit l'introduction par effraction pour voler une arme à feu et le vol qualifié pour voler une arme à feu.
Lors du dépôt du projet de loi au printemps dernier, la presse canadienne citait la déclaration du Premier ministre McGuinty voulant que « ce projet de loi fasse une véritable différence lorsqu’il s’agit de promouvoir la sécurité de nos familles et de nos communautés ». L’an dernier, le député conservateur Daryl Kramp présentait le projet de loi d’initiative parlementaire qui prévoit de sanctionner certaines infractions graves par une peine supplémentaire lorsqu’il y a eu usage d’une arme à feu.
Un sondage du ministère fédéral de la Justice effectué en mars 2005 par Decima Research confirmait qu’une « écrasante majorité » de Canadiens est en faveur de peines minimales obligatoires d’emprisonnement pour les crimes commis à l’aide d’une arme à feu, dont le vol qualifié à main armée et la négligence criminelle ayant entraîné la mort causée par une arme à feu. Selon l’agence de nouvelles CanWest News, ce sondage mené auprès de 2 343 Canadiens, révélait qu’une proportion de répondants « allant jusqu’à 82 p. 100 était en faveur de peines obligatoires d’emprisonnement pour vol qualifié à main armée, comparativement à 14 p. 100 contre ».
De même, un sondage Ipsos Reid/CanWest Global effectué entre le 30 décembre 2005 et le 2 janvier 2006 auprès de 8 336 électeurs canadiens révélait que 73 p. 100 des répondants étaient en faveur de changer les lois actuelles de sorte que la condamnation pour crime commis avec une arme à feu entraîne une peine obligatoire de 10 années d’emprisonnement sans possibilité de libération conditionnelle ni de mise en liberté anticipée.
De toute évidence, les partis politiques et la population appuient largement des mesures plus sévères pour sanctionner les crimes commis à l’aide d’une arme à feu. Nous exhortons le Parlement d’agir avec célérité en se penchant aussi rapidement que possible sur les dispositions qui jouissent d'un accord général. L’ACP appuie en principe les mesures qui figurent dans le projet de loi C-10, assorties des modifications qui s’imposent.
Bien que l’ACP appuie la grande majorité des propositions figurant du projet de loi C-10, nous avons de sérieuses réserves relativement à un domaine important ayant trait aux propositions portant sur l’usage d’une arme à feu pour perpétrer les crimes suivants : tentative de meurtre, décharger une arme à feu avec une intention particulière, agression sexuelle armée, agression sexuelle grave, enlèvement, prise d’otage, vol qualifié et extorsion.
Le projet de loi C-10 envisage une réponse graduée, de sorte que les contrevenants qui commettent ces crimes avec une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte, ou avec une arme à feu quelconque en ayant un lien avec une organisation criminelle, soient passibles de pénalités graduelles : 5 ans pour une première infraction, 7 ans pour une deuxième et 10 ans à partir de la troisième. Par contre, si l’arme à feu n’est pas utilisée par une personne ayant un lien avec une organisation criminelle, ou encore s’il s’agit d’une arme non prohibée et qui n’est pas à autorisation restreinte, la peine minimale obligatoire n’est que de quatre ans, sans égard au fait qu’il s’agit d’une deuxième ou troisième récidive ou plus.
À notre avis, le traitement différent réservé aux armes d’épaule est malavisé et nous ne parvenons pas à comprendre les raisons pour lequel on veut faire une différence entre les peines en se fondant sur la catégorie d’arme à feu utilisée pour perpétrer un crime très grave. Les policiers découvrent régulièrement ces armes d’épaule lors de saisies, dans des laboratoires clandestins de fabrication de drogues et dans des opérations contre la culture illicite de marijuana. Les carabines et les fusils de chasse deviendront-ils l’arme de prédilection des récidivistes violents? Dans plusieurs situations, une carabine ou un fusil de chasse représente une menace beaucoup plus mortelle qu’une arme de poing, entre les mains d’un criminel.
Par exemple, les projectiles des carabines de gros calibre peuvent transpercer les gilets pare-balles et d’autres matériels de protection. Les fusils de chasse peuvent également s’avérer extrêmement puissants lorsqu’on s’en sert à courte portée. Un exemple tragique en a été donné par le meurtre de la policière Valérie Gignac de Laval, l'automne dernier, assassinée au moyen d'un fusil très puissant à travers un mur. Sur les treize policiers abattus par une arme à feu au cours de la dernière décennie, trois seulement le furent par une arme de poing, c’est-à-dire que 77 p. 100 le furent au moyen d'armes d’épaule, et il est fort peu probable qu’un seul de leurs agresseurs se serait qualifié comme participant ou membre d’une organisation criminelle.
Ce dernier seuil de lien avec une organisation criminelle renferme un autre obstacle que doivent franchir les procureurs pour obtenir une peine obligatoire plus longue. Tout en applaudissant les mesures visant à contrer proactivement les organisations criminelles, nous maintenons que toute personne qui utilise une arme à feu pour perpétrer un crime devrait écoper de la totalité de la peine minimale obligatoire prévue, et plus particulièrement s’il s’agit d’un récidiviste.
La tragédie survenue dernièrement au Collège Dawson de Montréal rend encore plus urgente la nécessité de resserrer les contrôles sur la possession d’armes à feu par des civils au Canada. À notre connaissance, depuis plus de dix ans, aucune nouvelle arme à feu n’a été ajoutée aux catégories d’armes prohibées ou à autorisation restreinte. Pourtant, nombre de nouvelles armes satisfaisant présumément aux critères existants ont été conçues et sont offertes à la vente au Canada. Par conséquent, certaines armes sont vendues légalement mais représentent une importante menace pour la sécurité publique bien qu’elles satisfassent aux critères des armes à feu prohibées ou à autorisation restreinte.
Les vendeurs d’armes à feu comprennent et exploitent ces échappatoires, comme le démontre l’annonce figurant sur le site Web de Wolverine Supplies, du Manitoba. Vous la trouverez dans notre mémoire. Nous maintenons que d’autres mesures doivent être prises pour éliminer les échappatoires en mettant à jour les catégories d’armes à feu prohibées et à autorisation restreinte et en n’oubliant pas de les tenir à jour périodiquement.
[Français]
Pour conclure, je dirai que l'une des préoccupations des policiers et policières, à l'échelle du pays, est de faire cesser la violence. Pour ce faire, il faut d'abord mettre fin au phénomène des portes tournantes dans le système judiciaire canadien. Les policiers et policières du Canada ont perdu confiance en un système qui remet régulièrement les contrevenants violents en circulation dans nos rues. Nous devons faire en sorte que les conséquences soient plus significatives et que des moyens de dissuasion convaincants soient appliqués par notre système judiciaire. Cela commence par des peines plus sévères, une véritable incarcération et des politiques plus rigoureuses d'admissibilité à la libération conditionnelle dans le cas des contrevenants violents. Il nous faut des peines minimales plus sévères pour les contrevenants qui commettent un crime à l'aide d'une arme à feu ou de toute autre arme.
Le projet de loi C-10 constitue une composante positive qui s'inscrit dans une stratégie intégrée visant à combler les lacunes actuelles, plus particulièrement en ce qui a trait aux préoccupations suscitées par la violence qui pourrait être perpétrée au moyen d'une arme à feu. Nous sommes convaincus que ce projet de loi représente un moyen de dissuasion efficace contre les crimes violents commis à l'aide d'une arme à feu et nous souscrivons entièrement au principe voulant qu'on crée des peines minimales obligatoires plus sévères dans le cas d'infractions graves impliquant l'usage d'une arme à feu.
[Traduction]
Nous vous remercions de votre attention et somme prêts à répondre à vos questions.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens d'abord à remercier le comité de m'avoir invité à comparaître cet après-midi. C'est pour moi un honneur et un privilège.
Je ne représente aucune association, aucun lobby, aucun groupe d'intérêt. Je ne suis qu'un simple professeur de droit qui enseigne depuis 20 ans le droit pénal, le droit de la preuve et la tenue des procès. J'espère que mon expérience vous sera utile.
Je voudrais commencer en énonçant deux principes fondamentaux du droit pénal : clarté et justice. La loi doit être claire et elle doit être juste. Dans mon mémoire, j'affirme que le projet de loi C-10 pose deux problèmes touchant respectivement la clarté et la justice, et je formule deux propositions pour le rendre plus clair et plus juste.
Parlons d'abord de la clarté. En fait, mon argument fait suite à ce que le témoin précédent vient de dire. À mon avis, sous sa forme actuelle, le projet de loi est d'une complexité excessive, ce qui le rendra inapplicable. S'il est adopté, il risque fort de créer une échappatoire pour ceux qui utilisent une arme à feu quand ils commettent une infraction. Je souligne que telle est ma préoccupation primordiale : l'usage d'une arme à feu dans l'exécution d'une infraction. Je crois qu'il vous faut tout simplement simplifier le texte en utilisant les termes actuels du Code criminel.
Permettez-moi d'illustrer mon argument avec deux exemples. Prenons le cas d'un criminel accusé d'avoir commis un vol dans un magasin. Il possède un fusil, ce qui n'est pas exceptionnel. Supposons qu'on puisse identifier le coupable, ce qui n'est pas facile mais possible, et qu'on découvre qu'il a un casier judiciaire pour avoir commis des infractions violentes à main armée. Normalement, cela déclencherait la peine minimale obligatoire de sept ans pour une deuxième infraction. Cela arrivera-t-il? Non car, si vous lisez le mécanisme de déclenchement du projet de loi C-10, vous constaterez qu'il exige que l'acte ait été commis avec une arme à autorisation restreinte ou prohibée — ce que n'est pas un fusil — ou que le coupable soit membre d'une organisation criminelle et qu'il ait commis son acte au profit de celle-ci ou sous sa direction. Très franchement, bonne chance. Ce sera très difficile à prouver. Si vous n'y arrivez pas, c'est la peine minimale de quatre ans qui s'appliquera. Vous aurez prouvé qu'il a utilisé le fusil, vous aurez des témoins le confirmant, vous aurez prouvé son identité mais cela ne déclenchera pas l'application du projet de loi.
Prenons un autre exemple. Une femme fait l'objet d'une agression sexuelle commise à l'aide d'une arme à feu. Elle est traumatisée. On lui demande de décrire l'arme mais c'est difficile pour elle. Elle ne saurait dire si c'était un revolver, une carabine, un fusil ou quoi que ce soit d'autre. Elle sait que c'était une arme à feu et elle sait qu'elle a été sexuellement agressée. Nous avons l'ADN désignant le coupable. Nous l'arrêtons et nous pouvons l'identifier. Cela déclenchera-t-il la deuxième ou la troisième infraction, si l'on suppose qu'il a déjà commis d'autres infractions avec violence? Non. La victime ne pouvant dire s'il s'agissait d'une arme prohibée ou à autorisation restreinte, vous devrez essayer de prouver que le coupable était membre d'une organisation criminelle et commettait l'agression sexuelle pour son profit, sous sa direction ou en association avec elle. Encore une fois, bonne chance. Vous n'y arriverez pas.
Prenons un troisième exemple, une fusillade en voiture. Une personne est touchée. Elle marchait dans la rue, une voiture est passée et quelqu'un lui a tiré dessus. On voit que c'était une arme de calibre .22, ce que confirme le laboratoire judiciaire, mais s'agissait-il d'un revolver ou d'une carabine? Si vous ne pouvez pas le prouver, vous ne pouvez pas appliquer la règle de la deuxième ou de la troisième faute. Vous retombez sur la peine résiduelle de quatre ans, ce qui est le cas actuel.
Tel est le dilemme simple que doivent résoudre les membres du comité. Si votre objectif n'est pas de punir ces individus pour avoir commis une deuxième ou une troisième faute, ne tenez pas compte de ce que je viens de dire. Je crois cependant que votre objectif est que ces individus soient sanctionnés pour avoir commis une deuxième ou une troisième infraction, et c'est pourquoi je vous recommande la simplicité.
Dans mon mémoire, je compare le texte du projet de loi C-10 aux dispositions actuelles. Votre préoccupation fondamentale n'est-elle pas la violence à main armée? Si c'est le cas, est-il vraiment important de savoir si le violeur ou le voleur a utilisé un revolver ou une carabine? La réponse est évidente : non.
Considérant ce surcroît de complexité, je vais vous dire ce que feront les procureurs de la Couronne : ils ne porteront aucune accusation en invoquant cette législation pour la récidive simple ou double. Ils réclameront simplement la peine résiduelle. Pourquoi? À cause de la loi du moindre effort.
Vous me donnez, à moi qui suis un ancien avocat de la défense, un argument de défense. Vous me donnez le moyen de négocier pour éviter l'application de la règle de la deuxième ou de la troisième faute car le procureur de la Couronne aura bien du mal à prouver un lien criminel. Mon client aura peut-être été membre d'un gang mais il était pigiste et ça veut dire que la loi ne s'appliquera pas.
J'implore donc votre comité de comprendre que le texte actuel ne pose aucun problème. Il existe depuis plus de 10 ans et, depuis lors, le législateur a imposé des peines minimales pour ces crimes intentionnels, et je vous invite à revenir à la simplicité. Vous constaterez que ça marche. Sous sa forme actuelle, le projet de loi est inutilement complexe, inefficace et, très franchement, crée une échappatoire.
Ma deuxième préoccupation concerne le fait que la loi doit être juste. Quoi qu'on puisse en penser — et je suis sûr qu'on vous l'a déjà dit — la peine minimale obligatoire est un instrument grossier. Elle abolit toute latitude et rend tous les contrevenants passibles du même minimum. Elle s'applique de manière injuste à certaines personnes. D'aucuns diront peut-être que c'est le prix à payer pour avoir la justice, le prix à payer pour avoir utilisé une arme à feu, mais je pense que la plupart des pays ayant établi des peines minimales obligatoires ont compris qu'il faut préserver une certaine latitude.
À mon avis, il y a deux types de crimes qui ne devraient pas faire l'objet du minimum obligatoire, et ce sont la négligence criminelle causant la mort et l'homicide involontaire. Les deux sont actuellement passibles du minimum de quatre ans — et, soit dit en passant, ne font pas partie du projet de loi C-10.
J'invite le comité à envisager d'accorder une latitude pour ce genre d'actes à main armée causant la mort sans intention. Je veux vous donner deux exemples très simples qu'on rencontre assez souvent.
Nous avons ici des représentants de l'association des policiers. Prenons le cas des agents de police, qui sont armés. Supposons qu'un agent de police est impliqué dans une situation bloquée. Il croit entendre un coup de feu. Il panique, sort son arme et tue quelqu'un. Il n'aurait pas dû tirer. Il s'est trompé parce qu'il a paniqué. Il risque fort bien d'être accusé car nous nous attendons à ce que nos agents de police soient bien informés et maîtrisent l'usage de leur arme à feu. Il risque d'être accusé de négligence ayant causé la mort, ce qui le rendrait passible de la peine minimale de quatre ans. Je ne sais pas ce qu'en pensent ces messieurs à ma droite mais je pourrais vous citer des cas correspondant à cette situation.
Voici un autre exemple provenant d'un cas dont je me suis occupé quand j'étais plus jeune. Je m'en souviens fort bien car il n'est pas fréquent qu'on doive défendre une personne vraiment innocente, si vous voulez, et cela m'est resté à l'esprit. Il s'agissait d'une femme qui avait tiré de près sur son mari avec un fusil à deux canons. Je n'étais pas optimiste. Elle a été accusée de meurtre mais, quand nous avons fait enquête, nous avons constaté que son mari l'agressait. Nous avons constaté aussi qu'il était alcoolique et qu'il aimait les armes à feu — il y en avait partout chez lui. Il lui arrivait souvent de prendre un fusil et de menacer sa femme et sa famille. Un jour, elle en a eu assez. Elle a pris un fusil — elle ne savait absolument pas s'il était chargé ou non — et elle s'est mise à le narguer. Puis, d'un seul coup, le coup est parti parce que la détente était très sensible. Quand le premier coup est parti, le deuxième a suivi immédiatement. Elle était catastrophée.
Elle a été trouvée coupable d'homicide. Elle a été accusée de meurtre mais nous avons réussi à ramener ça à un homicide. En fin de compte, le juge lui a infligé une peine avec sursis. Je peux vous dire, membres du comité, que c'était une peine juste et équitable pour cette femme.
Le problème des accusations de négligence criminelle et d'homicide est qu'il s'agit d'accusations très générales pouvant s'appliquer à des personnes causant la mort sans intention. Vous me demanderez ce que cela a à voir avec le projet de loi C-10. Eh bien, si votre comité accordait une certaine latitude exceptionnelle pour ces infractions de négligence criminelle et d'homicide, je pense que ça produirait trois choses. D'abord, ça montrerait que le législateur a décidé d'être ferme mais juste en reconnaissant qu'il peut y avoir des cas où il convient d'être juste sans excès. Ensuite, qu'il a prévu un mécanisme simple pour des personnes comme cette femme que j'ai défendue. À l'heure actuelle, celle-ci aurait beaucoup de mal car elle devrait contester la loi au titre de la Charte ou demander une exemption constitutionnelle. Enfin, et c'est la troisième raison, le législateur aurait fait une différence entre les crimes intentionnels et les autres. Le projet de loi C-10 concerne les crimes intentionnels.
Très franchement, voici ce que serait mon argument. Si le législateur acceptait une certaine latitude pour les crimes non intentionnels, cela renforcerait son argument qu'il ne doit pas y avoir de latitude quand une arme à feu est utilisée pour commettre un crime intentionnellement — tentative de meurtre, vol qualifié, etc. De fait, pour ces types de crimes prévus dans le projet de loi C-10, cela immuniserait votre minimum obligatoire contre toute contestation au titre de la Charte.
Je tiens simplement à dire que, selon moi, c'est dans la grande majorité des cas de personnes tuées non intentionnellement que la peine est disproportionnée.
Voilà, monsieur le président, mes constatations et mes recommandations. Je répondrai volontiers à vos questions.
Merci de votre attention.
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Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Paul Chartrand et j'enseigne le droit au College of Law de l'université de la Saskatchewan.
Je remercie le comité de m'avoir invité. Je suis ici parce que j'ai été invité. Je n'appartiens et n'ai jamais appartenu à aucun parti politique. Les opinions que je vais exprimer sont fondées sur mon expérience personnelle, qui comprend la production de rapports et de recommandations sur la justice pénale, notamment concernant les autochtones. Je peux citer en particulier mon rôle de commissaire de la Commission royale sur les peuples autochtones et, plus récemment, de la Aboriginal Justice Implementation Commission du Manitoba.
Je suis ici parce que le comité m'a invité et que je considère que ma participation est une question de service public.
En tant que législateurs, vous avez le devoir supérieur de protéger la société. Tout ce qu'on peut faire pour rendre notre société plus sûre, notamment en réduisant l'usage des armes à feu, est une bonne chose et doit être fait. Nous déplorons tous l'usage des armes à feu dans l'exécution d'actes criminels. Toutefois, l'imposition des peines et l'application de la justice pénale sont des questions complexes et chargées d'émotion.
Il faut comprendre qu'il n'y a pas de solutions faciles aux problèmes complexes. Je conseille d'ailleurs toujours à mes étudiants de se méfier de ceux qui proposent des solutions simples aux problèmes complexes. Je peux vous donner des exemples du danger que cela pose pour la société.
Je suppose que nous souhaitons tous légiférer de manière à favoriser une société juste et tolérante. Si tel est le cas, est-ce que l'imposition d'une peine minimale obligatoire, avec le projet de loi C-10, est une solution légitime au problème? Je réponds que non.
Deuxième question : est-ce que les peines minimales obligatoires sont efficaces? Encore une fois, la réponse est non.
Permettez-moi de m'expliquer. Ce n'est pas une solution légitime pour les raisons suivantes. Premièrement, cela va à l'encontre du droit constitutionnel. Deuxièmement, cela va à l'évidence à l'encontre des obligations du Canada au titre des traités internationaux sur les droits humains. Je cite à cet égard — et j'y reviendrai pendant la période des questions si nous en avons le temps — la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, en ce qui concerne les autochtones.
Les peines minimales obligatoires ne sont pas conformes à nos principes. Elles portent atteinte aux principes fondamentaux de notre appareil de justice pénale. En fait, peine obligatoire est un oxymore. Après la condamnation, le processus d'imposition d'une peine est destiné à mesurer le degré de blâme. Prenez sept personnes ayant commis la même infraction, vous pourrez avoir sept degrés de blâme différents. Tout ça disparaît avec une peine minimale.
Voici un exemple très simple concernant un autochtone ayant utilisé une carabine et condamné à une peine minimale obligatoire. Il avait utilisé sa carabine pour se défendre contre un gang criminel de sa collectivité. Il n'aimait pas les gangs mais il avait une carabine — c'était une collectivité où l'on chassait — et il était exposé à une peine minimale obligatoire.
Permettez-moi de préciser pourquoi les peines minimales obligatoires ne fonctionnent pas, nonobstant ce que vient de proposer le professeur Ian Lee. Mes arguments reposent essentiellement sur les études que j'ai consultées et sur les informations que j'ai reçues de criminologues, d'avocats et de spécialistes de ce domaine, du Canada et d'autres pays. Je dois dire que je ne connais pas le travail du professeur Lee de la School of Business de Carleton.
Tout d'abord, elles augmentent considérablement les coûts du système. Certes, c'est une solution politique facile parce qu'on n'est pas obligé d'y associer un budget quand on la propose mais elle a des conséquences sur les coûts à long terme. Toutes les statistiques le démontrent. C'est une solution qui coûte extrêmement cher et je pourrais vous donner des précisions à ce sujet pendant la période des questions. En gros, garder quelqu'un en prison coûte 80 000 $ par an. Évidemment, plus on envoie de gens en prison, plus ça coûte cher. Si l'on fixe un minimum et que les juges ne tiennent pas compte de ce que j'ai dit, que c'est un oxymore, ils appliqueront le minimum aux meilleurs contrevenants et tous les autres auront des peines plus lourdes, ce qui augmentera les coûts. C'est inévitable. Ça coûte incroyablement cher.
Deuxièmement, je suppose que l'objectif visé est de créer une société moins dangereuse. Quelqu'un a dit tout à l'heure que nous avons besoin de peines sévères. Nous avons déjà beaucoup d'expérience en la matière. On peut leur couper les mains. On peut les incarcérer à vie. On peut utiliser des pinces pour leur enlever de la chair ou verser du plomb fondu dans leurs plaies, deux exemples de peines sévères infligées à des délinquants autrefois. Ce sont des exemples historiques. Il y a beaucoup de moyens d'être sévère mais ça ne marche pas. Ça engendre une société plus dangereuse.
Généralement, les gens ont tendance à regarder ceux qui vont en prison. Avec des peines minimales, vous les entendrez dire qu'il faut les envoyer en prison. Il faut cependant se demander aussi ce qui se passe derrière les portes de la prison. Au fond, vous dites aux gens d'aller au diable. Vous dites que vous ne voulez plus en entendre parler parce que la prison, c'est l'enfer.
J'affirme qu'il n'y a aucune preuve que des peines plus longues sont nécessaires pour permettre la réadaptation du détenu. Cette idée repose sur le postulat qu'il peut y avoir réadaptation. Au lieu de regarder les gens entrer en prison, je vous invite à regarder ce qui se passe à l'intérieur. Qui en sort? Chaque jour, des criminels entrent en prison mais, chaque jour, d'autres en sortent. Si vous pensez que vous envoyez des personnes dangereuses en prison, pensez à celles qui en sortent. Envoyez un jeune de 20 ans...
Quand vous envisagez d'adopter une loi comme celle-ci, pensez au Canada et aux Canadiens qui vont en prison. Pensez à chaque détenu comme étant votre fils, votre petit-fils ou votre nièce. Ce sont des êtres humains. À la sortie, ce seront des criminels endurcis. En prison, ils seront sodomisés, ils seront drogués à l'héroïne, ils subiront toutes sortes de choses horribles. Ils deviendront plus durs et plus brutaux. Être sévère à l'égard des criminels revient en fait à créer des criminels encore plus endurcis. Il me semble que si la société peut vivre avec les gens qui sortent de prison, elle peut certainement vivre avec la plupart de ceux qu'elle y envoie.
Finalement, je veux dire que les autochtones sont incarcérés... Les statistiques montrent qu'ils sont incarcérés en plus grande proportion que les autres.
Ceci créera une énorme perturbation sociale et de graves problèmes, pas seulement pour les autochtones, leurs familles et leurs collectivités mais aussi pour les provinces. En fait, le gouvernement fédéral transférera une bonne partie des coûts aux provinces, surtout de l'Ouest, comme la Saskatchewan et le Manitoba qui ont de grandes populations autochtones. Je crois que certaines statistiques indiquent que plus de 500 autochtones ont été condamnés à la prison l'an dernier. S'ils étaient assujettis à cette peine minimale obligatoire, ça ferait 500. Multipliez 500 par 80, etc., et vous avez la statistique.
Je voudrais conclure en disant qu'on ne peut résoudre ces problèmes que de manière holistique. Ce qui est holistique est réaliste, même si c'est très difficile. Il faut s'attaquer à la racine du crime. Ce n'est pas facile à justifier politiquement ou à expliquer en 15 secondes à la télévision. Toutes les données démontrent — et j'ai été informé à ce sujet — qu'on peut dire, quand un enfant atteint l'âge de sept ans, s'il ira en prison. Et les Indiens qui deviennent des résidents des réserves ont beaucoup plus de probabilité d'aller en prison qu'à l'université.
Donc, la manière de lutter contre le crime est de lutter contre ses causes profondes en aidant les enfants, en donnant des prestations pour enfants, en aidant les familles, en créant des services communautaires et de loisirs, etc. Je pourrai vous donner des statistiques là-dessus. Le Manitoba Northern Fly-In Sports Camp que la GRC a organisé il y a quelques années en est un exemple. Mais le gouvernement fédéral ne peut pas tout faire seul. Il doit collaborer non seulement avec les provinces mais aussi avec les municipalités.
Il est très facile d'adopter une solution miracle comme les peines minimales mais elles ne sont ni légitimes ni efficaces. Je demande aux membres du comité de ne pas adopter le projet de loi C-10 car il ne débouchera pas sur un Canada plus tolérant et plus juste. Au contraire, il débouchera sur un Canada plus mesquin et plus dur et je ne tiens pas à ce que mes petites-filles vivent dans un Canada plus mesquin et plus dur.
Merci de votre attention.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins.
Professeur Chartrand, je sais que mon collègue, M. Bagnell, aura certainement beaucoup de questions à vous poser et vous m'excuserez donc si je ne vous interroge pas tout de suite.
Quand on discute de ce problème, il me semble que nous avons tous le même objectif : rendre les lois du Canada plus efficaces et rendre nos collectivités plus sûres. C'est quand on cherche le meilleur moyen d'atteindre cet objectif qu'il y a des divergences d'opinion. La semaine dernière, nous avons eu la chance de recueillir le témoignage du chef de la police de Toronto et aussi d'un agent supérieur de la GRC chargé de la sécurité communautaire — le surintendant principal, en fait.
Il y a un thème commun entre ces témoignages et celui de M. Cannavino au nom de l'APC, et je pense que M. Stuesser en a parlé aussi — ce qui nous oblige à réfléchir à d'éventuels amendements un peu plus tard — et il s'agit du fait que différencier les types d'armes à feu n'est pas une solution adéquate. Si l'on veut parler de peines minimales, il semble assez évident qu'il faut envisager les crimes commis avec tous les types d'armes à feu. J'invite les membres du comité, quelle que soit leur allégeance politique, à considérer cela comme l'élément dominant des témoignages.
La grande question que je me pose, et elle découle des témoignages, est qu'il semble manquer un élément fondamental dans tout ce débat — et j'invite M. Lee et les autres membres du sous-comité à bien y réfléchir, monsieur le président. Cet élément est que nous n'avons pas suffisamment d'information sur ce que devient le délinquant une fois qu'il entre en prison ou dans le système.
Je suis très frappé par l'affirmation particulièrement forte de M. Lee — je ne suis pas nécessairement d'accord avec lui là-dessus — qu'il ne peut pas y avoir de réadaptation durant une courte incarcération. Vous n'avez pas indiqué de source à ce sujet mais je suis sûr que vous pourrez nous donner des précisions quand j'aurai terminé cette question. Cela me dit que nous devons nous demander ce que devient le contrevenant une fois qu'il est en prison. Il existe beaucoup d'informations permettant de croire que la prison est l'école du crime, c'est un modèle de réadaptation ou c'est un modèle de criminalisation. Qu'obtenons-nous quand nous envoyons quelqu'un en prison? Qu'espérons-nous obtenir et qu'obtenons-nous en réalité? Il y a là une grosse lacune dans les témoignages.
Je commence donc avec vous, M. Lee. Qu'est-ce qui vous permet de dire que la réadaptation ne peut se faire en un cycle ou deux? Voulez-vous dire que, si la norme était 21 mois, tout le monde sortirait réadapté? Vous savez certainement qu'il y a des études indiquant que certaines personnes ne pourront jamais se réadapter.
La Commission ne jugeait pas l'une des raisons supérieure aux autres. Dans un article qui sera publié le printemps prochain, j'affirme que c'est un choix philosophique que vous, parlementaires, devez faire. Quel principe voulez-vous privilégier? Je n'ai certainement pas la prétention de vous dire lequel.
Dans ce débat et dans toutes les études, on semble accorder une importance extraordinaire à la réadaptation. J'ai donc retenu cette hypothèse car il semble que la réadaptation soit l'objectif primordial du ministère de la justice, comme l'indiquent de nombreux documents publiés sur son site Web au sujet de la sécurité publique et maintes études de criminologues. J'ai donc retenu ce principe.
Pour répondre à votre question, les données que j'ai utilisées se trouvent dans des documents publics du Service correctionnel du Canada. J'attire votre attention sur le document concernant le retour en toute sécurité. J'ai tout ça dans mon ordinateur, y compris quelque 400 articles traitant de cette question générale. Donc, les données proviennent du document sur le retour en toute sécurité et du document statistique général du Service correctionnel.
Ce qui a déclenché ma réflexion — et je vous dis cela aussi de mémoire mais c'est dans cet ordinateur — c'est que le vérificateur général du Canada s'est penché sur cette question en 1994, 1996, 1999 et 2004. C'est une question assez évidente. Si l'on envoie des gens en prison, combien de temps faut-il pour qu'ils se réadaptent, étant donné que ça semble être l'objectif de beaucoup de monde? Donc, les données que j'ai citées viennent de deux ou trois documents. Je pourrais vous donner les références exactes plus tard, si vous voulez.
Le document sur le retour en toute sécurité et le document statistique sont les deux qui me viennent immédiatement à l'esprit.
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Merci, monsieur le président.
Ma première question s'adresse à M. Cannavino, à qui je souhaite la bienvenue.
Au fond, vous conviendrez avec moi que c'est le devoir des législateurs de prendre des décisions sur la base des données les plus probantes et les plus actuelles. Vous vous rappellerez certainement — je ne sais pas si vous étiez président de votre association à ce moment-là, mais vous étiez certainement actif comme policier — qu'en 1995, on avait adopté un projet de loi, le projet de loi , qui, en plus de créer le registre des armes à feu, dont vous êtes un ardent défenseur, ajoutait 10 peines minimales obligatoires dans le cas de 10 infractions. La raison pour laquelle on se prononce en faveur de peines obligatoires, c'est qu'on pense que cela a un effet dissuasif. Périodiquement, il faut évaluer si, oui ou non, cela a un effet dissuasif. Ce n'est pas la seule raison pour laquelle on décide d'imposer pareilles peines, mais cela fait partie de la réflexion.
J'avoue que peu d'études nous ont été présentées par des universitaires, par des scientifiques. Je ne parle pas des groupes d'intérêt. On comprend que ce n'est pas leur travail de le faire et je ne vous demande pas d'entreprendre des études de cette nature aujourd'hui. Cependant, a-t-on porté à votre connaissance une recherche scientifique le moindrement satisfaisante qui donnerait à penser que, depuis 1995 — parlons seulement des armes à feu; il y a une quarantaine de peines minimales obligatoires dans le code, mais parlons seulement de celles qui concernent les armes à feu —, les peines minimales obligatoires, dans un contexte de commission d'infractions avec des armes à feu, ont eu un effet dissuasif? Seriez-vous prêt à partager vos sources?
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Merci beaucoup. Je suis heureux que vous soyez ici.
Je vais vous poser rapidement quatre questions, une à chacun d'entre vous. Veuillez en prendre note et vous pourrez y répondre chacun à votre tour.
Professeur Chartrand, vous dites que ce projet de loi par lequel nous essayons d'incarcérer plus de gens va entraîner une forte augmentation des coûts du système carcéral. Avez-vous déjà calculé ce que coûte le crime lorsque ces gens sont laissés en liberté et qu'ils récidivent? On peut parfois calculer ça en termes financiers. Il ne faut jamais laisser le coût de la criminalité en dehors de l'équation. Pourquoi les gens comme vous n'en parlez pas?
Entrée et sortie — nous savons ce qui se passe quand les détenus entrent en prison puis en sortent. Vous dites qu'ils sont plus dangereux à la sortie. Je vous réponds, monsieur, que ce qui se passe dans les pénitenciers à cause de nos lois trop laxistes ne devrait pas s'y passer. Comment se fait-il que vous ayez en prison des détenus endettés parce qu'ils ne paient pas leur loyer à l'intérieur, ou parce qu'ils boivent trop d'alcool, ou parce qu'ils prennent de la drogue et qu'ils font toutes sortes de choses de ce genre? J'en ai visité beaucoup et je l'ai constaté personnellement. Je pense que ce qui se passe dans les pénitenciers pourrait être beaucoup plus positif que ça ne l'est aujourd'hui. Pouvez-vous répondre à ça?
Finalement, les causes profondes. Je ne voudrais même pas en parler. Certes, il est important de s'attaquer aux causes profondes mais pas au sein de ce comité. Nous parlons de gens qui ont commis des crimes et de la manière dont nous devons réagir. Les causes profondes sont un autre problème, auquel on doit s'attaquer autrement que par le truchement du Comité de la justice.
Je m'adresse maintenant à la commission de la police, que je remercie d'être venue. Je vous remercie d'avoir parlé du nombre de crimes qui sont commis quand ils sont en libération sous caution, en probation ou en libération conditionnelle. Je sais que vous n'avez pas le pouvoir, en tant qu'agents de police, d'arrêter sans mandat quelqu'un qui enfreint à l'évidence les conditions de sa libération. J'aimerais vous demander quel effet cela pourrait avoir, selon vous, pour réduire la criminalité, en plus des dispositions sur la peine du projet de loi C-10.
Professeur Lee, j'apprécie beaucoup vos graphiques. Beaucoup de gens, y compris dans ce comité, ne semblent pas croire que la criminalité a beaucoup augmenté depuis 40 ans. Je suis d'accord avec vous, monsieur. Je suis heureux d'avoir vu ce graphique. Il est extrêmement parlant. Les décisions stupides que nous avons prises au cours des années sont en grande mesure la cause profonde de cette augmentation.
On ne cesse de dire que l'alcool est une cause profonde de la criminalité. Je suis bien d'accord mais c'est bien nous qui disons qu'on peut garder les bars ouverts sept jours par semaine jusqu'à trois heures du matin. Ils se baladent avec des couteaux ou n'importe quoi. « On est au Canada et on a des libertés qu'il faut respecter » et toutes sortes d'âneries comme ça. Ce n'est pas étonnant que nous ayons ce genre de problèmes. Qu'en pensez-vous?
M. Stuesser, je suis moi aussi en faveur d'un système ferme, juste et rapide. C'est ce qu'il y avait autrefois dans l'armée. Je pense que c'était l'un des meilleurs systèmes. Mais j'ai besoin d'une précision. Avez-vous dit que ce projet de loi C-10 est satisfaisant mais que nous avons aussi besoin d'une loi sur les crimes commis non intentionnellement? Je pense que les actes commis accidentellement ou par autodéfense sont déjà prévus dans le Code mais, si je me trompe, dites-le moi.
Voilà mes questions et je vous invite à y répondre dans l'ordre.
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Quelques remarques d'ordre général.
Si vous cherchez des statistiques indiquant que la dissuasion marche, vous n'en trouverez pas. Je pense que toutes les études montrent que l'incidence est minime, au mieux. Ce ne sont donc pas les criminologues ou les sociologues qui doivent s'attaquer au problème étant donné qu'il s'agit ici d'une décision politique qui, idéalement, devrait faire partie d'un ensemble de mesures. Voilà le premier élément.
Je ne mâche pas mes mots à ce sujet car je n'ai encore vu aucune étude concluante indiquant que la dissuasion est efficace. De fait, si les études montrent quelque chose, surtout aux États-Unis, c'est qu'elle ne marche pas. Certes, soyons justes, les États-Unis ont été excessifs, en Californie et ailleurs. Votre projet de loi est beaucoup plus ciblé, si je peux dire. Vous semblez vous concentrer sur les crimes violents et sur l'utilisation des armes à feu, ce qui est beaucoup plus précis que ce que nous avons vu aux États-Unis.
Vous pouvez convoquer tous les experts que vous voulez à ce sujet. L'un vous dira que M. Lee dit ceci mais vous en trouverez dix autres pour dire le contraire. Qu'est-ce que ça vous donnera? Une bataille d'experts.
Ferme, juste et rapide — je suis parfaitement d'accord avec ça. Je viens du Manitoba, une petite province. On pourrait penser qu'il est possible d'y arrêter une personne, de tenir son procès et de régler la question en trois ou quatre mois. Savez-vous combien de temps passe en moyenne au Manitoba entre l'arrestation et le procès? Environ un an ou plus. Et nous sommes une petite province. C'est terrible. Et c'est systémique, n'est-ce pas? C'est à cause de l'appareil judiciaire et des avocats.
À cause des retards, les juges ont des décisions très difficiles à prendre. Ils ont devant eux quelqu'un qui a commis un crime avec violence. Que doivent-ils faire? Lui refuser la libération sous caution? Ça veut dire qu'il passera une année en détention préventive, et c'est pourquoi les juges décident souvent d'accorder la libération, comme la loi le permet. Ensuite, évidemment, la personne commet... Si nous pouvions avoir une décision plus rapide... C'est la réalité. Ça coûte de l'argent et ça en coûtera beaucoup au Manitoba qui est chargé de l'administration de la justice.
Tout ce que je veux dire sur tout ça, c'est que je suis tout à fait d'accord avec vous.
Pour ce qui est de la notion de justice, cependant, voyez ce qui se passe dans le monde de la common law où les peines obligatoires existent depuis longtemps. Savez-vous ce qu'on fait? On fait marche arrière. On accorde maintenant un peu plus de latitude car on a compris que c'est un instrument trop brutal.
Tout ce que j'ai dit dans mon exposé, c'est que je connais deux cas en particulier où il aurait pu y avoir une véritable injustice, et je vous ai donné des cas concrets. C'était un cas de négligence criminelle causant la mort et un cas d'homicide. Ils ne sont pas prévus dans le projet de loi C-10 qui porte sur les crimes intentionnels. Tout ce que je vous dis, c'est que le législateur devrait songer surtout à être ferme et juste. La justice exigerait une certaine latitude au sujet de ces deux crimes.
Je suis réaliste. Je ne vous dis pas qu'il faut accorder cette latitude dans tous les cas. Voilà ma position.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de participer à cette séance.
La démarche du gouvernement a suscité certaines questions. Vous pouvez réagir à tout ce que je vais dire aux témoins. Le rapport de Statistique Canada indique que le taux national d'homicides a augmenté pour la deuxième année de suite en 2005.
M. Lee, vous avez dit que c'est une erreur de croire que la criminalité est en baisse. En fait, selon les dernières statistiques, elle augmente et a atteint en 2005 « son niveau le plus élevé depuis près d'une décennie » et le nombre de meurtres par arme à feu a augmenté pour la troisième année de suite, alors que le gouvernement cherchait de meilleures méthodes pour réprimer la violence à main armée. « L'an dernier, les services de police ont signalé 658 homicides, soit 34 de plus qu'en 2004. Sur ce nombre, 222 ont été commis avec une arme à feu, contre 173 en 2004. La majeure partie de cette augmentation du taux d'homicides s'explique par une forte hausse des homicides commis par des gangs, notamment en Ontario et en Alberta ». En outre, « on croit que 107 homicides ont été commis par des gangs en 2005, 35 de plus qu'en 2004 ». Finalement, selon Statistique Canada, « deux tiers des homicides commis par des gangs l'ont été au moyen d'une arme à feu, généralement une arme de poing ».
Voilà donc certaines des informations de Statistique Canada et c'est la raison pour laquelle nous devons nous concentrer sur la violence des gangs et l'utilisation des armes de poing. Les arguments présentés aujourd'hui sont intéressants, notamment le souci de simplifier le projet de loi et de le rendre le plus efficace possible.
Je voudrais demander à M. Cannavino ou à M. Griffin ce qu'ils pensent de ce grave problème. Le gouvernement veut cibler les criminels. Dans le passé, il semble qu'on se soit efforcé de cibler tout le monde sauf les criminels. On hésite toujours à être plus sévère à l'égard des criminels et je ne demande certainement pas qu'on le soit sans raison mais plutôt pour rétablir une certaine efficacité et un certain équilibre en tenant compte de l'objectif que nous visons tous — la réprobation publique des criminels.
J'entends des gens dans ma circonscription, et je suis sûr que c'est la même chose ailleurs, parler de criminels remis en liberté avant même que la victime sorte de l'hôpital. Il n'y a aucune réprobation quand cela arrive et c'est pourquoi nous essayons d'adopter une démarche très focalisée sur des crimes précis.
En ce qui concerne les armes à feu, nous avons entendu le chef Blair dire qu'il y avait autrefois égalité entre les armes à feu de contrebande et les armes à feu volées mais qu'il y en a aujourd'hui plus ceux qui entrent en contrebande.
Nous voulons aussi nous concentrer sur les vols qualifiés et les vols par effraction qui entraînent le vol d'armes. Vous représentez des policiers de tout le pays, de collectivités grandes et petites. D'aucuns se demandent si ce projet de loi correspond à la réalité rurale. Mon argument est que le problème est grave. Si quelqu'un entre par effraction dans un chalet au Nouveau-Brunswick et vole un fusil, ou entre par effraction dans un appartement de Toronto et vole un fusil, c'est grave. Pouvez-vous commenter sur la réalité urbaine-rurale, puisque vous représentez les deux? Nous avons entendu des représentants de la police urbaine mais je voudrais connaître le point de vue des ruraux sur cette question de vol qualifié et de vol par effraction.
Je vais peut-être me mettre tout le monde à dos mais je veux revenir sur les statistiques. Je ne saurais laisser passer en silence l'affirmation que la criminalité avec violence augmente.
Je comprends le point de vue du professeur Lee. Les données depuis 1962, lorsque Beaver Cleaver est entré dans le monde de la télévision, montrent très clairement que la criminalité a augmenté. Toutefois, le Code criminel a changé, les gens ont changé et beaucoup de choses sociologiques se sont passées.
Quand j'examine les chiffres — j'espère que vous serez d'accord avec moi — je me dis que les choses avaient beaucoup changé en 1990 ou 1992. Les données avaient changé, les statistiques avaient changé. À partir de ce moment-là, au Canada, en Californie et en Floride, la criminalité violente a commencé à diminuer, comme le montrent les graphiques du professeur Lee.
Je crois donc pouvoir dire, en toute sincérité, que la criminalité avec violence diminue depuis 14 ans. J'accepte votre argument si vous remontez à 1962, puisqu'on voit une courbe ascendante à partir de cette année-là, mais la tendance se renverse vers 1992.
Je ne pense pas que nous adoptions aujourd'hui des lois pour les années 50, 60 ou 70. J'aime croire que nous légiférons pour le millénaire et que nous devons donc admettre qu'il y a eu une diminution.
Ai-je correctement décrit la situation, à votre avis?
Ma question s'adresse à M. Lee, à M. Cannavino ou à M. Stuesser.
Quand on veut évaluer un système de justice, il faut savoir comment les autres nous perçoivent. Aux États-Unis, un juge de New York a donné à un criminel condamné pour un assaut grave le choix de passer un an en prison aux États-Unis ou trois ans au Canada. L'individu a choisi trois ans de prison au Canada. C'est clair: c'est parce que nous sommes permissifs. Est-ce par grandeur d'âme? Est-ce une qualité? Je ne le sais pas. Mais, pour l'instant, on a un problème, et c'est la façon dont les gens nous perçoivent.
Lorsqu'un trafiquant de drogue doit atterrir parce qu'on sait qu'il transporte de la drogue, il n'atterrira pas au Vermont. Il fera son possible pour atterrir en Beauce, parce qu'il sait que sa peine sera moins sévère.
Il y a aussi un autre élément qui me fatigue un peu. Le procureur général de l'Ontario, M. Bryant, a comparu devant notre comité. Il semblait être d'accord avec nous, et vous l'avez mentionné dans votre document. Il représente tout de même 16 millions d'habitants sur les 32 millions qui vivent au Canada, soit environ la moitié du Canada. J'imagine qu'il parle au nom d'au moins 50 p. 100 de la population. Ce qui est étrange, c'est que c'est un libéral. Dans sa région, il y a d'autres libéraux fédéraux et des néo-démocrates. J'imagine donc qu'ils doivent se parler, car ils sont à proximité.
Monsieur Cannavino, le projet de loi qu'on veut adopter vise les crimes graves. Cependant, à Montréal — je fais ici allusion aux propos de M. Chartrand —, il y a présentement des gangs de Noirs. C'est la mode. Il y en a d'autres à Toronto. On sait qu'il y aura plus de Noirs en prison, parce qu'ils détiennent le pouvoir dans la région de Montréal.
Selon vous, est-ce la seule justification? M. Chartrand disait tout à l'heure que c'était insensé, parce qu'il y aura davantage de gens de certaines ethnies en prison. J'aimerais savoir si vous croyez que le projet de loi a une couleur ou s'il va plutôt nous aider à régler le problème des gangs qui existe présentement.
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Exactement. C'est l'exception à la règle. On est tous du bon monde, sauf ceux qui ont été arrêtés la semaine passée.
Ce n'est pas un problème seulement à Toronto; c'en est un à Montréal et à Winnipeg. Il y a un problème dans les villes et les villages. On dit que le taux de criminalité est à la baisse. Alors, expliquez-moi pourquoi les citoyens se sentent maintenant moins en sécurité qu'il y a 20 ans.
Il y a 20 ans, quand je marchais dans le Vieux-Montréal, sur la rue Sainte-Catherine, je me sentais très à l'aise. Aujourd'hui, je ne le ferais pas à 11 heures, minuit ou à 1 heure du matin. Je ne le ferais sûrement pas, parce qu'il y a maintenant plus de violence.
Vous avez fait allusion à un événement qui est survenu il n'y pas longtemps, où on a offert à un individu de passer un an en prison aux États-Unis ou trois ans au Canada. Ce n'est pas la seule personne à qui cela est arrivé. Combien y a-t-il de demandes d'extradition de la part de gens qui veulent revenir au pays? Pourquoi veulent-ils revenir au pays? Premièrement, parce que nos prisons ont un peu plus le style d'un hôtel, et deuxièmement, parce que le temps d'incarcération au Canada est beaucoup moins long qu'aux États-Unis.
La preuve, c'est le cas d'un individu qui a été arrêté aux États-Unis et qui a été condamné à 15 ans en prison. Il a été extradé au Canada. Comme son crime n'était pas considéré comme étant un crime violent, il a bénéficié d'une libération après avoir purgé un sixième de sa peine. Un mois après sa sortie, il s'est fait tuer dans un hôtel du centre-ville de Toronto.
Quand j'étais dans l'escouade Carcajou — on a fait beaucoup parler de nous — et qu'on avait affaire à un trafiquant, on espérait qu'il passe par les États-Unis parce qu'on savait que, s'il restait au Canada, cela aurait été une partie de plaisir pour lui et il n'aurait pas été condamné à une peine sévère. Donc, on les faisait accuser aux États-Unis, car on savait qu'ils seraient partis pour 25 ans. Il aurait été impensable qu'ils obtiennent de lourdes peines au Canada.
Vous verrez ce qui va se passer prochainement.
Qu'en est-il de Mom Boucher?
M. Tony Cannavino: On s'est occupé de Mom Boucher. On se l'est farci au Québec. Il avait fait la pluie et le beau temps pendant trop longtemps.
Je suis content que M. Ménard parle du cas de Mom Boucher. Avec des lois sur le gangstérisme plus sévères, c'est ce que nous avons fait et nous nous en sommes servi. Le monsieur en question est là pour longtemps, ad vitam æternam!