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Je me suis fait instruire. J'ai terminé mon diplôme en droit. J'ai écrit mon dernier examen. D'ailleurs, j'attends vos félicitations.
Monsieur le président, il s'agit d'une motion que je souhaiterais soumettre au comité et voir adoptée à l'unanimité. Je serais, je vous le répète, très blessé si jamais le comité était divisé à ce sujet. Je veux préciser deux choses. D'abord, contrairement à ce que dit M. Lee, ça ne concerne pas les juges. On comprend bien que ce n'est pas à nous de décider si les juges nommés en Colombie-Britannique doivent être bilingues. Mais pour les postes stratégiques, qui demandent d'être porte-parole, de faire des arbitrages et de servir l'ensemble des concitoyens, nous nous attendons bien sûr à ce que les gens fonctionnent adéquatement dans les deux langues.
Je crois que le gouvernement a pris une fâcheuse habitude. Ce que je dis au sujet des juges ne devrait évidemment pas s'appliquer aux juges de la Cour suprême. Or, quelle n'a pas été notre déception quand nous avons appris que l'ancien professeur de l'ancien ministre de la Justice Vic Toews avait été nommé juge à la Cour suprême alors qu'il ne connaissait pas le français. Le gouvernement a même récidivé en nommant un ombudsman des victimes d'actes criminels anglophone unilingue. On ne remet pas en cause sa compétence, c'est certain, mais il est unilingue.
Je pense qu'il est de notre devoir, comme comité, d'établir clairement que pour les postes stratégiques, nous nous attendons à ce que les candidats connaissent les deux langues. Il ne suffit pas qu'ils veuillent apprendre la deuxième langue, ils doivent connaître les deux. Quelle serait votre réaction, monsieur le président, si dans le cadre d'une nomination, les candidats n'étaient que des francophones unilingues? Je pense que vous n'accepteriez pas la chose. Pourtant, la ministre du Patrimoine canadien ne parle pas français. C'est le cas également de plusieurs secrétaires parlementaires. Il y a eu une dégradation. Maintenant, quand on appelle les cabinets de ministres, tomber sur quelqu'un qui parle français est presque un privilège.
Il faut mettre fin à cette tendance. Je m'attends donc à ce que la motion soit adoptée à l'unanimité. Je sais que ma collègue a déjà manifesté son appui et je l'en remercie. C'est très frustrant pour les francophones de constater que le statut de leur langue n'est pas respecté.
Je m'arrête ici, mais je m'attends à un vote unanime.
Je vous remercie d'être parmi nous.
J'ai étudié la motion de M. Ménard. Celui-ci m'a fait travailler toute la fin de semaine, de sorte que je n'ai pas eu le temps d'assister à votre congrès, naturellement. Tout en acceptant les propos de M. Ménard concernant la dualité linguistique du Canada, je me suis dit qu'il faudrait d'abord s'assurer de la recevabilité de cette motion. J'ai fait faire une recherche par les analystes de la Bibliothèque du Parlement, qui ont détecté un problème.
L'article 15 de la Charte est la référence de base pour tout motif de discrimination. Au Canada, cette dernière peut avoir comme motif l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques. L'alinéa 7c) des Lois révisées du Yukon et l'article 10 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne sont les seuls à parler de la langue. C'est donc en vertu de ces deux lois que la langue pourrait être considérée comme un motif de discrimination advenant une nomination. Ce n'est pas le cas de la Charte canadienne, qui nous régit.
On a néanmoins vérifié si des causes pourraient faire en sorte que la motion de M. Ménard soit recevable sur le plan juridique. On s'est penchés sur le mot « notamment », qui est utilisé dans la Charte, et vérifié si des motifs analogues pourraient rendre cette motion, par ailleurs très bonne, acceptable en termes juridiques. Les motifs analogues reconnus par les tribunaux sont différents de ceux que je viens d'énumérer. Il s'agit de la citoyenneté, de l'état matrimonial, de l'orientation sexuelle et du lieu de résidence.
Après avoir fait cette vérification, j'ai dû pousser la chose un peu plus loin et vérifier si des décisions avaient été rendues. À ce jour au Canada, aucune décision ne nous permettrait d'accepter le libellé de la motion de M. Ménard. En fait, si nous parlions de façon générale des employés de la fonction publique, il y aurait peut-être une difficulté. En effet, les emplois sont indiqués comme étant bilingues, étant donné qu'il n'est pas possible de recourir à des interprètes dans le cas de gens devant faire affaire directement avec le public. Il ne peut pas toujours y avoir un interprète au comptoir de l'immigration. Ça donnerait lieu à un dédoublement de personnel partout au Canada, peu importe la province.
Je me suis ensuite demandé si la loi comportait des exclusions. Pour ce qui est de l'ombudsman, M. Sullivan, je me suis demandé à quelle loi ces gens étaient assujettis et quels étaient les critères. J'ai découvert qu'il s'agissait des Conditions d'emploi et avantages sociaux particuliers aux personnes nommées par le gouverneur en conseil à des postes à temps plein. Il y a donc la Loi sur l'emploi dans la fonction publique du Canada et les dispositions qui, par l'entremise du gouverneur en conseil, touchent les postes de sous-ministre en montant. Or, dans le cas de ces derniers, les règles concernant les langues officielles ne s'appliquent pas. J'aurais accepté telle quelle la position de M. Ménard, mais ce problème fait obstacle.
Naturellement, je me suis dit qu'il y avait peut-être un petit détail de la loi qui réglerait la chose. J'ai vérifié les règlements de la loi dont nous venons de parler, mais je n'ai pas été en mesure de trouver quoi que ce soit. On parle de langues officielles au paragraphe 4 de cette loi ou réglementation, mais il n'y a pas d'échappatoire.
Le seul échappatoire que j'ai trouvé, ce sont les libéraux qui l'ont offert en 2005. Ils étaient trop aux prises avec des conflits. En mai 2005, M. Rodriguez était président du Comité des langues officielles. Ce comité a fait un rapport qui contenait la recommandation 13 suivante:
Le Comité recommande au Bureau du conseil privé d’exiger que les personnes nommées à des postes de sous-ministre satisfassent aux exigences CBC dans la seconde langue officielle.
La lettre « C » représente le niveau supérieur de compréhension écrite, la lettre « B », le niveau intermédiaire pour les communications écrites, et la lettre « C » correspond au niveau supérieur pour l'interaction orale dans la seconde langue officielle. Les libéraux ont fait cette recommandation, mais ne l'ont pas mise en vigueur. Ils avaient le temps de le faire car en mai 2005, on n'était pas encore en période électorale. Ils ont laissé la recommandation en suspens, comme ils ont l'habitude de le faire pour certaines choses.
Au bout du compte, la motion ne fonctionne pas. On ne peut demander à un gouvernement, quelle que soit sa nature, de faire une chose qui n'est pas prévue par les règles, y compris celles instaurées par les libéraux en 1968 lors de l'adoption de la Loi sur les langues officielles. Le malheur n'est pas récent, il remonte à 1968. Les libéraux ont adopté une loi, mais ils n'ont pas tout prévu. Ils ont eu 30 ans pour le faire, mais ils ne l'ont pas fait.
Je comprends et je soutiens l'esprit de la motion de M. Ménard, mais je ne peux pas la soutenir dans sa forme actuelle. On ne peut pas exiger quelque chose qui contrevient aux règles. On ne peut pas non plus exiger de ne pas procéder à une nomination. C'est un pouvoir régalien, c'est le pouvoir du roi, c'est le pouvoir du gouvernement. On ne peut pas lui demander de ne pas procéder à telle ou telle chose. Le gouvernement est maître et il répond de ses actes devant la population.
Voilà pour le fond. Pour ce qui est de la forme, il y a un autre élément que vous devrez aussi considérer. Je n'ose pas trop me prononcer sur la motion en anglais, ne connaissant pas assez bien la langue de Shakespeare, mais j'ai lu attentivement la motion en français, qui dit ceci:
II est proposé que, par l'entremise du président, Ie Comité écrive au ministre de la Justice afin de lui demander de ne procéder à aucune nomination de personnes qui n'aient pas une connaissance fonctionnelle du français.
On ne peut pas dire « qui n'aient pas une connaissance fonctionnelle du français ». Si on adopte une motion en fonction des langues officielles, elle doit tenir compte des deux langues et non d'une seule. Si nous prétendons avoir une égalité, nous devons l'exiger dans les deux langues, c'est-à-dire: « n'aient pas une connaissance fonctionnelle des langues officielles » et non uniquement « du français ».
Concernant la forme, je ferai remarquer à M. Ménard que la Loi sur les langues officielles ne s'applique pas au Québec. Elle s'applique dans toutes les autres provinces, sauf au Québec, parce que nous nous en sommes exclus.
Cela voudrait dire que si, au Québec, nous nommions, en vertu de la Charte québécoise, une personne unilingue anglophone, nous ne pourrions même pas, selon nos propres lois, lui dire de ne pas siéger ou de ne pas être en nomination, parce que le critère de langue au Québec est un critère discriminatoire. Donc, si je nommais une personne qui ne connaît que la langue anglaise, je ne pourrais pas la discriminer. C'est une forme.
Avant d'imposer quelque chose à quelqu'un dans tout le Canada, il faudrait savoir si cela s'adresse d'abord à ma province. Je vous dis non. Je pense que vous ne devriez pas accepter le fond. Je recommande que l'esprit de la motion de M. Ménard soit respecté — je considère qu'il est très bon en la matière —, mais la forme et l'utilisation de cette motion ne devraient pas être acceptées.
C'est mon opinion. Je ne peux pas vous en dire plus, car je n'ai pas étudié cette question plus que cela. Merci.
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Monsieur le président, je ne ferai pas la même chose que le ministre Cannon a faite hier. C'est comme si je n'étais jamais parti de ce comité. Je trouve ironique que ceux qui parlent contre cette motion soient des gens du Québec. Je trouve cela très ironique, pour ne pas dire autre chose, avec tout le respect que j'ai pour mon collègue d'en face.
J'ai quelques années de pratique derrière moi. Il m'apparaît que la loi 101 du Québec, qui était la loi sur les langues officielles du Québec, a été charcutée à plusieurs reprises par la Cour suprême, qui a dit essentiellement — et je respecte et respecterai toujours les honorables juges de la Cour suprême — qu'on doit tout faire pour que les deux langues officielles du Canada soient respectées dans les endroits où elle doit l'être. Il m'apparaît essentiel et vital que le directeur du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien qui est nommé à Iqaluit parle anglais. C'est possible: on pourrait comprendre qu'il ne parle pas le français et qu'il ne le comprenne pas. Mais lorsqu'on nomme un commissaire qui devra s'occuper d'aider les victimes d'actes criminels au Canada — à ce que je sache, le Québec, hélas! en fait encore partie —, on ne devrait même pas se poser la question à savoir si cette personne doit parler français. Pour moi, c'est essentiel. C'est un poste essentiel. Quelle crédibilité cette personne aura-t-elle au Québec? Aucune, monsieur le président.
La motion de mon collègue, je l'ai lue aussi. Mon collègue qui a fait des travaux toute la fin de semaine a oublié d'aller lire une loi très importante, la Loi canadienne sur les droits de la personne. Je l'inviterais à aller la lire, parce que nous, au Comité des affaires autochtones et du Grand Nord, l'étudions actuellement. Je pense que cette motion pourrait s'appliquer dans ce cas.
L'amendement m'apparaît intéressant également. Je voterai en faveur de cet amendement et, bien évidemment, en faveur de la motion. J'invite mes collègues d'en face qui s'apprêteraient à voter contre cette motion à réfléchir, à penser deux fois au message qu'ils livreront, qu'ils laisseront à ceux qui les écoutent en français et qui nous écoutent en français aujourd'hui, des deux côtés de la rivière.
À ce moment-ci, monsieur le président, on a enlevé beaucoup de choses aux francophones; on se prépare à leur en enlever encore beaucoup. Je vous invite à la prudence, mes collègues, parce qu'il y a un bout à étirer l'élastique. Mon collègue d'en face a beau avoir fait toutes les recherches qui s'imposent, il y a un point essentiel, vital à retenir, c'est qu'on est en train de desservir les francophones partout au Canada par des nominations stratégiques importantes. Imaginez demain matin ce que ce sera! Le commissaire aux langues officielles parlera-t-il uniquement l'anglais ou uniquement le français?
Je suis d'accord avec mon collègue — c'est la seule chose que je vais lui céder — que ça vaut pour les deux langues officielles. Je n'accepterais pas que quelqu'un soit nommé dans des hautes fonctions au Canada et qu'il ne parle pas l'anglais. Mais vous savez très bien, maître Petit, que cela n'arrivera jamais. Nommez-moi un seul haut fonctionnaire au Canada qui ne parle que le français. Cependant, je peux vous en nommer 10, 20, 30 qui ne parlent que l'anglais. Je pourrais vous en nommer au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, que je connais beaucoup mieux, qui ne parlent que l'anglais, qui sont au Québec et qui desservent des populations autochtones au Québec qui ne parlent que le français.
On doit arrêter de tourner autour du pot. Cette motion et l'amendement devraient être acceptés et adoptés à l'unanimité. Sinon, je vous invite à regarder ce qui se passera au Québec au cours des prochains jours en réaction à une telle motion, qui démontrera encore une fois que la langue française est une langue de second ordre.
Merci, monsieur le président.
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Il semble que les rappels au Règlement le soient rarement.
Monsieur le président, notre pays a débattu de cette question il y a déjà un moment. Le Parlement a débattu de cette question. Les comités parlementaires en ont aussi débattu, et les députés également. À bien des égards, nous réinventons la roue. Nous n'avons pas à réinventer la roue. Ces principes figurent déjà dans la Loi sur les langues officielles et dans la Constitution.
On pourrait faire valoir que le gouvernement a fait des nominations dont on pourrait croire qu'elles ne respectent pas l'esprit ou les exigences de la Loi sur les langues officielles. Je ne crois toutefois pas que nous devions consacrer beaucoup de temps à ce sujet. Le Parlement a débattu de cette question pratiquement jusqu'à ce que mort s'ensuive, tout comme le pays. La question a été résolue. Nous avons réussi à résoudre la question. La solution ne fait peut-être pas l'unanimité parmi les députés ici présents, mais j'estime que le pays et le Parlement en sont satisfaits.
En ce qui concerne la motion comme telle, j'aurais préféré qu'elle fasse mention des deux langues officielles. Le préambule dit: « Attendu que le respect de la langue française dont animer tous les ministres », etc. En fait, c'est le respect des deux langues qui devrait tous nous animer. Je propose donc que le préambule soit modifié de façon à parler plutôt des deux langues officielles. Par souci de cohérence, je devrais aussi proposer de modifier le corps de la motion, qui ne fait mention que du français, mais comme la motion découle de la nomination de deux personnes qui sont censément unilingues anglophones, il est logique que la motion ne parle que du français.
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Monsieur le président, j'ai trois commentaires à faire. D'abord, je veux rappeler à M. Petit qu'il a confondu plusieurs concepts juridiques, qui ont pourtant leur autonomie. L'article 15, qui concerne le droit à ne pas vivre de la discrimination ou, plus exactement, le droit à l'égalité des chances, a été inclus dans la Charte en 1982 mais est entré en vigueur en 1985.
Ma motion ne parle pas de discrimination. Je n'ai pas compris comment M. Petit a pu nous faire un plaidoyer selon lequel on ne peut pas adopter la motion parce que les motifs interdits de discrimination de la Charte canadienne des droits de la personne ne réfèrent pas à la langue. Ce n'est pas de discrimination ou de non-discrimination dont il est question ici. Ce dont il est question, c'est qu'en vertu de la Loi sur les langues officielles, les gens nommés à des postes stratégiques suffisamment importants au sein de la fonction publique fédérale doivent être, au premier titre de leurs qualifications, fonctionnels dans les deux langues.
Je trouve pour le moins malhonnête intellectuellement qu'on puisse donner à penser que le problème se pose avec la même acuité dans les deux langues. Il n'y a aucun député autour de cette table, dût-il être unilingue anglophone, qui pourrait nous donner un exemple de nomination de francophones qui ne parlent pas anglais.
Je veux vous rappeler qu'au premier caucus du Bloc québécois — mon collègue M. Lemay n'était pas là —, quand on a été élus en 1993, la première chose que nous a demandée notre chef Lucien Bouchard a été d'apprendre l'anglais. Le réflexe des francophones, dans une très large proportion, est d'apprendre l'anglais.
Monsieur le président, il est assez incroyable de voir des gens qui sont au Parlement depuis 13, 15 ou 20 ans ne jamais s'être donné la peine d'apprendre le français. On ne peut pas, évidemment, obliger des gens qui sont élus de façon démocratique à être bilingues. Cependant, quand on est au service des citoyens, qu'on est nommé, on n'est pas dans un processus démocratique. On est payé par des fonds publics et on doit rendre des services. C'est la moindre des choses que de respecter les francophones et de parler leur langue.
Ce n'est pas une question liée à l'article 15, et je ne comprends même pas qu'on ait à en débattre. Cela devrait aller de soi que les gens qui sont nommés à des postes stratégiques parlent français.
J'étais membre de ce comité quand Marshall Rothstein, un ancien professeur de l'Université du Manitoba, a été nommé par le ministre de la Justice Vic Toews. L'argument de la compétence est fallacieux et malhonnête. Le fait que les gens sont compétents dans leur domaine ne peut les exempter de connaître le français.
Comment un gouvernement peut-il avoir été à ce point insensible et avoir nommé à la Cour suprême un juge qui ne connaît pas le français? Il a été nommé par un ministre qui lui-même ne connaît pas le français. On ne parle pas d'un juge de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, où il y a plus de gens qui parlent le cantonnais que le français, mais d'un juge de la Cour suprême du Canada. Le français est si peu important pour ce gouvernement que le premier ministre a choisi de nommer une ministre du Patrimoine qui ne parle pas français. Quand on appelle au cabinet d'un ministre et qu'on demande à être servi en français, on se fait parler en « franglais ». Et la liste pourrait s'allonger.
Je trouverais odieux qu'on n'adopte pas cette motion. Tous les subterfuges et les arguties qu'on pourrait trouver pour dénaturer la motion ne changeront rien au fait que si on respecte le français dans ce pays qu'est le Canada, on s'attend à ce que les gens qui occupent des postes stratégiques connaissent le français.
Si le comité n'adopte pas cette motion, le Bloc québécois changera son rapport au comité.
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Monsieur le président, je me permets de prendre la parole même si je ne suis pas membre de ce comité et si je ne connais pas toutes les répercussions juridiques de la motion. Du point de vue pratique, les arguments avancés par Mme Jennings et M. Lee m'ont convaincu.
Premièrement, nous savons qu'il y a des précédents et des lois qui existent depuis bien des décennies, et nous avons élaboré une position qui est conforme à la loi, ainsi que l'a expliqué Mme Jennings, à savoir que, dans l'esprit de la Loi sur les langues officielles, tout ce que nous faisons en matière de dualité linguistique doit respecter à la fois l'esprit et l'intention de la loi.
J'ai l'impression que cette discussion s'éternise inutilement. Il est bon, de temps en temps, de réfléchir à l'essence de notre fédéralisme et de notre pays, mais si nous voulons aujourd'hui créer une nouvelle loi... ce n'est pas, de toute façon, l'intention de la motion. La motion est en fait très générale. Elle demande au comité de présenter une requête au ministre. On ne lui ordonne pas de faire quoi que ce soit. On lui demande, dans les nominations qu'il fera dorénavant, de respecter la convention qui veut que les titulaires de ces postes stratégiques aient une connaissance pratique des deux langues officielles. Il me semble que le comité devrait être disposé à appuyer la motion telle qu'elle a été modifiée par Mme Jennings.
Je ne suis qu'on profane et j'assiste à une réunion de ce comité pour la première fois, mais je peux vous transmettre le sentiment du Canadien moyen. Je crois que les Canadiens seraient d'accord avec M. Lee pour dire que nous ne faisons pas ici oeuvre de pionnier. Nous ne faisons que respecter la convention si nous appuyons l'amendement de Mme Jennings. À moins qu'un membre du comité... et je félicite M. Petit de son analyse que j'ai trouvée intéressante. Je le remercie d'avoir consacré tant de temps à ces recherches pendant le week-end. Mais même son argument n'allait pas à l'encontre de l'esprit, du ton, de la teneur et de l'objectif de la motion, sauf tout le respect que je lui dois.
Je crois que nous devrions passer au vote. J'ai dit ce que j'avais à dire. J'appuierai la motion de Mme Jennings pour les raisons que je viens d'énoncer.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je propose cinq amendements qui modifient les quatre articles suivants. Ce n'est pas moi qui ai pensé à ces amendements, mais bien les témoins qui les ont suggérés. Ce ne sont que de petites modifications.
Essentiellement, ces cinq amendements visent à préciser les dispositions garantissant aux témoins un traitement juste dans sa langue officielle. J'expliquerai chaque amendement séparément, mais j'aimerais savoir ce que les témoins en pensent. Mes collègues pourront alors prendre position.
Le premier amendement vise à ajouter le mot « peut »; c'est la seule différence. L'article disait auparavant que, si les témoins parlent différentes langues, on doit tenir un procès bilingue. Mais un procès bilingue n'est peut-être pas la solution la plus juste dans tous les cas; d'ailleurs, ce n'est pas toujours possible. Il se peut qu'il n'y ait pas de procureurs de la Couronne ni de juges bilingues, ou cela pourrait porter préjudice aux témoins que la majeure partie du procès se tienne dans une autre langue. Par conséquent, je propose que, plutôt que de prévoir un procès bilingue quand les témoins parlent des langues différentes, l'on dise que le procès « peut » être bilingue, car il pourrait être plus pratique ou plus juste de tenir deux procès, chacun dans une langue. C'est ce qu'ont suggéré deux témoins.
J'aimerais savoir ce que les fonctionnaires en pensent.
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Cela fait partie de la jurisprudence depuis 1995. Cela a fait l'objet d'une demande de pourvoi à la Cour suprême, qui a été refusée. Cela représente l'état du droit depuis 1995 et c'est ce que nous avons dit aux provinces, qu'il s'agit de l'état du droit et qu'il s'agit simplement d'une précision des lois existantes et que l'adoption de ce projet de loi ne comporte donc aucun coût supplémentaire, parce que les coûts sont déjà prévus, si l'on peut dire, dans les dispositions actuelles du code. On évite ainsi le risque de plaidoiries longues et coûteuses, d'ailleurs plutôt rares, quant à l'interprétation du code; on éviter le risque que ce genre de débats se répète constamment devant les tribunaux provinciaux. C'est pourquoi nous proposons d'éclaircir les dispositions actuelles.
C'est pourquoi nous avons indiqué aux provinces que l'intention visée était d'éclaircir les dispositions actuelles. Tous ceux qui auraient voulu contester le bien-fondé des dispositions actuelles en auraient eu l'occasion. Personne ne l'a fait; donc, selon mon évaluation de la situation, les provinces ont reconnu qu'il s'agissait d'une exigence qui existait déjà dans le code et que les coûts supplémentaires seraient relativement faibles.
Nous n'avons aucune indication de la part des provinces qu'elles s'opposeraient au libellé initial des amendements au code. Lorsque nous modifions cette mesure pour qu'elle devienne automatique, il s'agit alors d'une question distincte.
Je tiens également à signaler, sans vouloir lancer un autre débat, que la Loi sur les langues officielles prévoit des dispositions similaires qui, elles aussi, depuis 1988, comportent la notion de demande, afin de permettre à la partie non gouvernementale qui affronte les représentants de l'État devant un tribunal fédéral d'obtenir une copie des actes introductifs d'instance sur demande.
Par conséquent, l'approche que nous avons adoptée dans le cadre de l'amendement initial est cohérente, tout comme l'est la jurisprudence.
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Je n'avais pas terminé mon intervention, monsieur le président.
Comme je l'ai déjà dit — et je m'adresse au reste du comité —, tout avocat qui examinera, une fois qu'il sera adopté, cet article du code autorisant une telle demande, présentera celle-ci. Omettre de le faire friserait l'incompétence, au moment de demander le procès. Donc, cela se fera de toute façon.
J'aimerais faire un autre commentaire au sujet de ce qu'a dit M. Tremblay à propos de la Loi sur les langues officielles. Vous avez raison dans ce cas-là de demander que les documents soient traduits. Mais ce qui est en péril ici est différent. Nous parlons de la liberté de la personne dans bien des cas, dans le cadre de ces affaires pénales, et à mon avis, il faudrait reconnaître le droit d'avoir accès à ce document, compte tenu du risque supplémentaire que vous courrez, par opposition à plusieurs autres documents que vous demanderiez en vertu de la Loi sur les langues officielles, comme d'autres documents provenant de la fonction publique.
Cependant, on ne compare pas nécessairement des éléments comparables mais plutôt des pommes à des oranges. Il est beaucoup plus important de remettre ces documents automatiquement que de les obtenir en vertu des autres dispositions de la Loi sur les langues officielles.
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Je n'ai pas l'intention d'appuyer l'amendement pour trois raisons, et j'accepte qu'à première vue ce qu'il propose semble assez raisonnable.
Mais je dirai tout d'abord que la liasse d'amendements proposés pour le projet de loi est le résultat des ententes et des discussions avec les provinces. L'amendement particulier qui est maintenant proposé s'écarte de ce qui a été convenu dans le cadre de ces discussions et n'y est pas conforme.
Deuxièmement, le libellé de cette disposition impose directement ou indirectement un fardeau procédural automatique au procureur. Il s'agit d'un élément nouveau. Auparavant, ou selon la liasse d'amendements qui ont été proposés, un procureur était obligé de répondre si on lui en faisait la demande, mais l'amendement proposé par M. Bagnell confère un caractère automatique à cette procédure, un caractère obligatoire, et si cette procédure n'est pas respectée, les accusations seront rejetées. Je pense qu'il faut examiner soigneusement cette procédure avant de l'imposer.
Troisièmement, nous essayons de corriger un problème qui, selon les lois actuelles, n'existaient pas. À en croire les témoignages que nous avons entendus, nos tribunaux, tant sur le plan criminel que sur le plan des langues officielles, ont déclaré que le mécanisme de demande proposé par le projet de loi, et non par l'amendement, constitue une solution satisfaisante au défi que représente à l'heure actuelle partout au pays l'existence des deux langues dans le processus pénal.
J'hésite à imposer ce nouveau point de référence procédural et juridique sans consulter les principaux intéressés. Je laisserai de côté la question des coûts. Ils peuvent être insignifiants, mais croyez-moi, si vous êtes obligés automatiquement de suivre une procédure chaque fois que l'on invoque l'article 530 — dans chaque affaire sans exception — et si vous perdez votre affaire pour ne pas avoir suivi cette procédure correctement, eh bien, pour l'instant, je n'ai pas l'intention qu'on en arrive là.
Je vous remercie.
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Il y a deux aspects dont il faut tenir compte. L'intention du projet de loi en ce qui concerne ces dispositions n'est pas de changer quoi que ce soit dans le passage qui exige que le juge « parle ». Nous n'y avons apporté aucun changement. Cela remonte à 1988: le juge « parle »; le poursuivant « parle ». Donc, vous avez des objections à cet égard, et j'y reviendrai. Nous n'avons pas changé cet aspect.
L'objet du projet de loi est de préciser que cette disposition voulant que le juge parle la langue de l'accusé s'applique également avec les ajustements nécessaires dans le cadre de procès bilingues. Cela peut signifier que le juge doit parler les deux langues officielles. C'est donc le sens général du projet de loi.
Quant à la question de savoir si le juge ou le poursuivant doit en fait utiliser la langue de l'accusé ou utiliser les deux langues officielles lorsque cela est ordonné, je dirais tout d'abord qu'il s'agit à notre avis d'une précision inutile, parce que c'est la façon dont la jurisprudence a interprété les dispositions actuelles du code, à savoir que, lorsque le code indique que le juge « parle », cela signifie en fait que le juge et le procureur doivent effectivement utiliser la langue officielle de l'accusé.
Par ailleurs, je tiens à faire une mise en garde à l'intention des députés, car il me semble que le libellé de la motion réduirait en fait le droit de l'accusé tel qu'il est interprété à l'heure actuelle en vertu du code. Je m'explique: à l'heure actuelle, en ce qui concerne le libellé qui indique que le juge utilisera la langue de l'accusé, il y a, dans la jurisprudence en vigueur en Ontario, la récente affaire Potvin devant la Cour d'appel de l'Ontario. Madame le juge Charron — c'était son titre — a indiqué que cela signifiait que le juge serait en fait tenu d'utiliser la langue de l'accusé tout au long du procès. Qu'il s'adresse aux témoins, qu'il s'adresse à la Couronne, qu'il s'adresse à l'accusé, le juge devait en fait utiliser la langue de l'accusé tout au long du procès — d'où la légère nuance que nous avons apportée à la situation en prévoyant dans le projet de loi des circonstances exceptionnelles dans lesquelles le juge pourrait contre-interroger le témoin dans une langue autre que celle de l'accusé.
En ajoutant les mots, « utilise la même langue officielle que l'accusé lorsqu'il s'adresse à celui-ci », nous considérons que cela rétrécit en fait la portée des dispositions actuelles et certainement notre interprétation des dispositions de la loi, tant celles qui s'appliquent au juge à l'alinéa 530.1d) du Code criminel, que celles qui s'appliquent à la Couronne ou au poursuivant à l'alinéa 530.1e).