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Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis très content d’être ici. Je vous souhaite la bienvenue dans la ville de Toronto — car oui, nous nous trouvons dans la ville de Toronto, même si nous sommes très près de la limite territoriale.
Comme vous l’avez dit, je suis le chef du service de police de Toronto — c’est sans doute évident, vu la manière dont je suis habillé — et j’ai le plaisir de venir vous parler un peu de l’expérience de notre ville en matière de violence armée.
Comme vous le savez sans doute, depuis trois ou quatre ans, et particulièrement au cours de la dernière année, nous avons connu une augmentation de la violence armée dans notre ville. Cette violence a atteint son paroxysme l’année dernière — les médias l’ont d’ailleurs baptisée l’année de l’arme à feu. Au cours de cette période, il y a eu une augmentation de plus de 85 p. 100 du nombre d’homicides commis à l’aide d’armes à feu à Toronto, une hausse considérable du nombre de fusillades et, ce qui est aussi important, une grande inquiétude de la part de nos citoyens quant à la sécurité de nos rues.
La violence que nous avons connue l’année dernière est intimement liée aux activités des gangs criminels de la collectivité, principalement au trafic de drogue. Depuis quelques années, les gangs sont de plus en plus nombreux à utiliser des armes de poing dans la collectivité, ce qui met beaucoup de citoyens en danger.
L’année dernière, plusieurs événements notoires se sont produits dans la ville. Vous en avez sans doute entendu parler, mais laissez-moi tout de même vous en rappeler quelques-uns. En juillet 2005, une fusillade a eu lieu dans une de nos collectivités de logements, au cours de laquelle un enfant de quatre ans a été blessé. L’enfant a reçu quatre balles alors qu’il jouait dans la cours. À une autre occasion, on a tiré sur un jeune homme sur le parvis de l’église où se tenaient les funérailles d’un ami.
L’événement autour duquel il y a eu le plus grand battage médiatique, et qui a causé le plus d’inquiétude dans notre ville, a été la fusillade qui s’est déroulée au coin des rues Yonge et Gould, à 16 h 30, le lendemain de Noël de l’an dernier, un jour où il est de notoriété publique qu’une grande partie de la population de Toronto se trouve à cet endroit. Très peu de citoyens ne se sont pas rendus à la boutique Sam the Record Man, située à cette intersection, le lendemain de Noël.
Un conflit concernant le territoire du trafic de drogue a éclaté entre 12 individus, précisément, et ils ont sortis leurs armes. Des coups de feu ont été échangés sur la rue et quand la fumée s’est dissipée, on a constaté que sept personnes avaient été touchées, dont une adolescente de 15 ans qui magasinait innocemment avec sa mère et qui se retrouvait à présent étendue sur le sol, sans vie.
Nous avons mené une enquête très exhaustive et fait en sorte que les personnes que nous croyons responsables de ce crime soient traduites en justice: elles subissent à l’heure actuelle leur procès. Malheureusement, la blessure que cet événement et les autres ont infligée à notre ville et à notre collectivité ne s’est toujours pas refermée, et l’inquiétude que cette dernière nourrit à l’égard de la violence est bien présente.
Vous avez peut-être lu que cette année, à Toronto, nous avons préparé une intervention efficace contre une partie de la violence commise à l’aide d’armes à feu. Je suis très fier du fait que nous avons mis au point une stratégie qu’on appelle la Stratégie d’intervention contre la violence de Toronto, par l’intermédiaire de laquelle nous avons assigné des centaines de nouvelles ressources policières à la lutte contre la violence. Nous avons adopté une approche active pour l’identification, l’arrestation et l’accusation des délinquants les plus violents afin de les retirer de nos rues et de rendre sûre la collectivité dans laquelle ils sévissaient. Nous avons affecté des policiers en uniforme dans les zones de violence. Si nous avons obtenu un certain succès à cet égard et avons diminué l’incidence de la violence, nous ne l’avons toutefois pas éliminée.
Nous avons envoyé beaucoup de personnes en prison. Nous avons saisi une grande quantité d’armes à feu. Nous avons travaillé très fort avec nos partenaires dans la collectivité afin de rétablir le sentiment de sécurité, de créer des possibilités et de générer de l’espoir au sein des collectivités qui n’en avaient pas, afin que les gens se sachent en sécurité. Comme je l’ai déjà mentionné, nous avons obtenu un certain succès, mais un succès relatif puisque quelques individus continuent de recourir à la violence.
Cette semaine encore, un tireur a fait feu sur la rue Yonge, à quelques coins de rue au sud de l’endroit où Jane Creba a été tuée l’an passé. Quelques heures plus tard, sur la route 401, trois jeunes hommes qui avaient fait un vol à main armée dans un commerce dans la soirée ont tiré sur les policiers qui essayaient de les arrêter. Ces individus sont maintenant incarcérés.
Malheureusement, on continue à se servir d’armes à feu dans notre collectivité. Je crois sincèrement, après avoir lu les dispositions prévues par le projet de loi ... J’ai parlé à mes collègues, et nous sommes très conscients de ce qui se passe non seulement dans notre ville, mais partout au Canada. En tant que président du comité sur le crime organisé de l’Association canadienne des chefs de police et du comité sur le crime organisé de l’Association des chefs de police de l’Ontario, j’ai eu la chance de discuter avec mes collègues en provenance de toutes les villes et de toutes les administrations du pays. Nous sommes témoins, en Ontario et dans les grands centres urbains du Canada, d’une hausse de la violence commise à l’aide d’armes à feu, de la disponibilité accrue des armes à feu et de l’empressement des criminels à s’en servir pour terroriser la collectivité afin de lui imposer leur volonté. Souvent, il s’agit même de jeunes qui possèdent des armes à feu, qui les portent et qui s’en servent pour résoudre des conflits qu’on résolvait auparavant avec un coup de poing, causant ainsi la mort non seulement des individus impliqués, mais également celle de gens innocents qui se trouvaient dans les environs. Il s’agit d’un problème qui continue à alimenter l’inquiétude partout au pays. Je crois sincèrement que pour contrecarrer cette violence, plusieurs mesures doivent être prises. Il n’existe pas de réponse simple à la violence; il n’existe pas qu’une seule réponse.
Nous avons certainement la responsabilité de retirer les délinquants les plus violents des rues. On doit également leur apprendre qu’il y a des conséquences réelles à un comportement criminel. Quand on se promène avec une arme chargée dans ma ville, c’est pour tuer des gens. Quand une personne sort une arme à feu dans la ville de Toronto, elle met ses concitoyens en danger. C’est mon travail de faire comprendre à ces délinquants qu’ils risquent fortement de se faire prendre, mais ils doivent aussi comprendre que, quand ils se feront prendre, ils devront faire face à des conséquences réelles, graves et inévitables. Malheureusement, dans le système actuel, ces conséquences ne constituent pas une certitude et, par conséquent, rien ne dissuade les criminels d’agir.
Nous avons mené cette année une enquête approfondie sur le crime organisé dans le quartier Jamestown, situé pas très loin d’où nous sommes actuellement. C’est un quartier assez petit dans lequel, en 2005, dix meurtres ont été commis à l’aide d’armes de poing. En mai dernier, à la suite de notre enquête, nous avons appréhendé 106 membres du Jamestown Crew: des personnes de cette collectivité liées à des gangs ou au crime organisé. Nous avons réussi à garder les plus violents d’entre eux incarcérés tout l’été.
L’an dernier, il y a eu dix meurtres dans ce quartier; cette année, aucun. L’an dernier, il y a eu plus de 45 fusillades dans ce quartier; cette année, on en compte une poignée seulement. Le changement au sein de cette collectivité a été frappant, et il est dû au fait que nous avons empêché les individus qui la terrorisaient avec leurs gestes violents de continuer à le faire. Détenus, ils ne peuvent aller se promener dans la rue pour s’entre-tuer ou pour tuer d’autres personnes; en conséquence, le quartier Jamestown renaît.
C’est seulement une fois que les coups de feu auront cessé dans le quartier que nous pourrons nous attaquer aux prochaines étapes: le rendre sûr, créer des possibilités, générer de l’espoir et rétablir sa confiance et sa fierté. Ainsi, en retirant des rues les délinquants les plus violents et, surtout, en les en tenant éloignés, nous créons une ouverture qui laisse entrer le positif, de façon à ce que les intervenants des services à la jeunesse, les écoles, les chefs religieux, les dirigeants communautaires, le milieu des affaires et nous tous, ensemble, puissions faire une véritable différence dans ces collectivités. Mais nous ne pourrons le faire tant que les tireurs seront dans nos rues.
Je reste à votre disposition, monsieur, pour répondre à toutes vos questions.
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Comme mes collègues membres de l’Association canadienne des chefs de police et de l’Association des chefs de police de l’Ontario, je suis d’avis que le registre des armes à feu a du mérite. Il fournit des renseignements utiles aux policiers qui leur permettent de faire leur travail de façon un peu plus sécuritaire et de faire en sorte que nos collectivités sont un peu plus sûres.
J’ai consacré beaucoup de temps à traiter avec mes collègues américains sur les questions relatives au contrôle des armes à feu et quand je leur dis que nous possédons un tel registre ici au Canada, ils sont étonnés et envieux de l’information ainsi mise à la disposition des forces de l’ordre. Mais comme je l’ai dit précédemment, dans la réalité les membres de gang qui opèrent dans ma ville n’enregistrent pas leurs armes à feu. Aussi le problème que je rencontre, à savoir des membres de gang qui utilisent des armes de poing pour s’entretuer, ne peut être résolu de façon adéquate par un registre. Le registre a tout de même une valeur. Même s’il ne répond pas aux besoins d’un problème en particulier, cela ne veut pas dire qu’il n’a pas son utilité pour les policiers. C’est ma position sur le sujet du registre.
Nous habitons un immense pays, et dans bon nombre d’endroits et de circonstances la possession d’armes à feu par des particuliers ne pose pas de problème de sécurité publique. De toute évidence, en ce qui concerne le fermier en Saskatchewan ou le chasseur d’ours dans le nord de l’Ontario, je ne m’inquiète pas de l’utilisation responsable de ces armes à feu, tant et aussi longtemps qu’elles ont été acquises de manière légitime, qu’elles sont enregistrées et gardées en lieu sûr. Pour les forces de l’ordre, cela ne pose pas problème. Je suis d’avis que ce qui aiderait à assurer la sécurité de nos collectivités, ce sont des lois habilitantes lorsque nous appréhendons des individus en possession illégale d’armes à feu.
À Toronto, le problème auquel je fais face est directement lié aux armes de poing, car la possession d’armes à feu à des fins criminelles ou la perpétration d’un crime au moyen d’une arme à feu constitue un danger beaucoup plus grand qu’un crime perpétré avec toute autre arme. Cela est attribuable à la portée du dommage pouvant être causé par des armes à feu dans une collectivité. Dans un important centre urbain, si quelqu’un sur la rue Yonge sort une arme à feu et fait feu, il est à peu près certain que des innocents seront pris dans la mêlée.
Nous nous chargerons d’arrêter les coupables et de saisir ces armes à feu, mais dans le scénario que j’estime idéal, il y a de véritables conséquences pour des actes de cette nature. Les individus qui pourraient se procurer des armes à feu hésiteraient à le faire et à mettre la vie d’autres personnes en danger sachant que, s’ils sont pris et quand ils seront pris, ils devront subir de vraies conséquences.
Nous avons fait tout ce que nous pouvions faire à Toronto pour ce qui est de la première partie de ce scénario. Nous avons pris des mesures pour informer les délinquants qu’ils peuvent s’attendre à être appréhendés. Nous commençons à marquer des points à cet égard, mais pour que le message porte fruit, il faut aussi que les délinquants sachent que lorsqu’ils seront pris, ils subiront de vraies conséquences en proportion de leurs actes. Pour l’instant, je ne crois pas que c’est une perception répandue chez les membres de gang ou les délinquants qui mettent en danger la vie d’autres personnes. Je suis d’avis que l’absence d’un tel message nuit aux efforts que nous déployons pour garder la confiance du public.
Pour qu’un service de police soit en mesure de faire son travail, il faut s’assurer de deux choses dans notre relation avec le public. Tout d’abord, le public doit pouvoir compter que nous ferons la bonne chose pour les bonnes raisons. En deuxième lieu, le public doit avoir confiance que nous sommes en mesure de nous attaquer aux problèmes de sécurité publique de manière compétente. C’est de cette façon que nous obtiendrons la confiance du public. Sans eux, nous ne pouvons faire notre travail.
Je suis d’avis que le public a confiance en nous et sait que nous faisons tout en notre pouvoir, mais je ne crois pas qu’il a pleinement confiance que le système de justice pénale est en mesure de s’occuper de façon efficace des délinquants. Je suis d’avis que nous devons leur fournir l’assurance qu’il y aura de vraies conséquences, que ces individus seront appréhendés et que nos collectivités seront à l’abri d’individus qui, au moyen d’armes à feu, s’en prennent à d’autres et mettent la vie de personnes en danger.
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Merci, monsieur le président de cette occasion que vous me donnez de m’adresser au comité.
Je suis certain que le comité de la justice connaît le rôle que le procureur général provincial et ses représentants jouent dans le système de justice pénal. Mais à titre d’information pour ceux qui prennent plaisir à se torturer en lisant le hansard, je précise que le procureur général d’une province est responsable des poursuites en vertu du Code criminel, c’est-à-dire tout ce qui va du vol à l’étalage au meurtre.
Comme vous le savez, les procureurs fédéraux s’occupent des crimes liés aux drogues en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et d’autres infractions. Cependant, en ce qui concerne le crime organisé et les crimes commis avec des armes à feu et le gangstérisme, ce sont les provinces qui sont responsables de la plupart des poursuites, à moins qu’il ne s’agisse spécifiquement d’accusations liées à la drogue.
En Ontario, contrairement au Québec et à la Colombie-Britannique par exemple, il y a une distinction entre qui porte des accusations et qui poursuit. En Colombie-Britannique et au Québec, les accusations sont portées par les procureurs de la Couronne. Ici en Ontario, les accusations sont d’abord portées par les policiers et les représentants provinciaux du procureur général décident ensuite s’ils doivent poursuivre selon qu’il y a une possibilité raisonnable de condamnation ou si c’est dans l’intérêt public.
En Ontario, il y a 900 procureurs de la Couronne qui s’occupent de 500 000 dossiers d’accusations chaque année. La Division du droit criminel en Ontario a donc beaucoup d’expérience, et j’ajouterais qu’elle a aussi acquis passablement d’expertise. Son personnel a eu l’occasion de travailler avec des représentants du ministère fédéral de la Justice sous différents gouvernements et est évidemment très heureux de collaborer avec le ministère de la Justice sous le présent gouvernement.
La province, la municipalité et le gouvernement fédéral ont tous un rôle à jouer dans la lutte au crime mettant en cause des armes à feu. Ce n’est pas seulement la responsabilité d’un seul ordre de gouvernement. Je passer en revue certaines choses que fait la province et ensuite, si vous le permettez monsieur le président, je vais parler du projet de loi — des modifications, des raisons qui justifient des sentences obligatoires et je vais donner des exemples — et ensuite je serai heureux de répondre à vos questions.
La manière dont la province s’occupe de la question des armes à feu et des gangs — la manière de l’Ontario, la manière du gouvernement McGuinty — consiste à dire que nous devons tout faire. Ce n’est pas simplement une question de répression ou de prévention, de dissuasion ou de dénonciation. Il faut recourir à un ensemble de méthodes. Donc, pour la première fois en Ontario, nous avons mis sur pied, pour s’occuper des gangs et des armes à feu, un groupe de travail composé de policiers et de procureurs qui travaillent ensemble littéralement, dans le même édifice et sur le même étage.
Quelques mois après que j’ai eu l’honneur d’être assermenté, un procureur de la Couronne de l’Ontario a, pour la première fois, quitté ses bureaux et emménagé dans les bureaux du chef de police Blair. Je vais vous expliquer le but de ce déménagement et le but de la collaboration entre les procureurs et la police. Comme le chef de police Blair vous l’a dit, il y a des milliers et des milliers de documents d’écoute électronique, parfois plus de 100 000, et souvent dans de nombreuses langues. Habituellement, la majorité des preuves liées aux gangs et aux armes à feu est fondée sur l’écoute électronique. Les exigences établies par la Cour suprême du Canada et conformes à la Charte exigent que l’information soit fournie en temps utile. Les pouvoirs de perquisition et de saisie et le savoir-faire de certaines gangs qui connaissent très bien les lois, a amené l’Ontario à se doter de ce qu’on appelle une justice organisée.
Nous voulons toujours avoir une longueur d’avance sur le crime organisé, non seulement le crime organisé traditionnel, mais aussi le crime organisé des gangs de rue qui sont devenues littéralement des franchises dotées de critères de recrutement et dont le niveau de savoir-faire, dans certains cas — comme le chef Blair l’a dit — qui leur permet, malheureusement, de profiter du fait que les pouvoirs fédéraux et provinciaux sont partagés et de contourner le Code criminel et le système de justice pénale lui-même. C’est pourquoi nous avons institué la justice organisée. Un procureur de la Couronne travaille avec nos agents de police du début à la fin d’une enquête. Grâce à cette collaboration, l’information est fournie en temps utile et tous les aspects de l’enquête, de même que les preuves recueillies, peuvent être utilisés en cour et positives, etc.
La collaboration entre les services a pris de l’ampleur. Il y a maintenant plus de 60 procureurs dans le groupe de travail sur les armes à feu et les gangs. Nous avons mis sur pied un centre des opérations qui entrera en activité en janvier et réunira tous les intervenants sous un même toit, d’où qu’ils viennent, qu’il s’agisse de la GRC, des services de police provinciaux, municipaux et d’application de la loi. Il y a de la place pour les procureurs fédéraux. Il y aura bien sûr des procureurs de l’Ontario et des experts en technologie et en écoute électronique. Rien ne peut remplacer le fait de pouvoir se lever et aller parler à ses collègues au lieu d’être obligé d’aller à l’autre bout de la ville ou même de la province.
Troisièmement, nous avons conclu une entente avec d’autres provinces, le Québec et le Manitoba — simplement en raison de la proximité géographique — pour avoir leur collaboration dans les opérations touchant les armes à feu et les gangs. Il est évident que la lutte à une certaine forme de crime organisé nécessite la collaboration à l’échelle internationale et nationale. Le travail lié à la poursuite fait appel à 10 corps de police ou plus, à différents services de police municipaux, provinciaux et parfois internationaux. Nous nous sommes maintenant assurés de la collaboration entre provinces. Cette collaboration existe depuis de nombreuses années, mais elle ne se faisait pas de façon officielle et n’avait jamais été officialisée. Il n’y a jamais eu d’effort réel pour collaborer pour prendre le crime organisé de vitesse, par exemple en recourant aux mêmes témoignages d’experts. Par exemple, si un expert témoigne dans une province dans une affaire de crime commis à l’aide d’une arme à feu, par exemple au Manitoba, et que nous savons comment ça s’est passé, nous pourrions recourir à cette personne en Ontario. Il n’y a aucune raison pour que ce processus ne soit pas étendu à la grandeur du pays.
Notre gouvernement a engagé de façon accélérée 1 000 agents de police de plus; nous avons aussi mis en place des tribunaux pour crimes majeurs axés sur des procès d’un genre relativement nouveau mettant en cause des douzaines et parfois plus d’une centaine d’accusés à la fois. Ce genre de procès exige des mesures de sécurité particulières. Comme vous pouvez l’imaginer, il faut garder les témoins à part des accusés. Il faut aussi protéger les droits des victimes, d’où la section spéciale réservée aux victimes au centre des opérations. Comme je l’ai déjà dit, la surveillance électronique est au cœur de ces procès; il fallait donc des tribunaux qui puissent en tenir compte; c’est pourquoi nous avons créé ces tribunaux pour crimes majeurs.
J’ai aussi dit que nous devions tout faire. Nous recourons aux lois provinciales, au droit civil, pour saisir et quelquefois confisquer des biens utilisés pour des activités illicites. Hier, nous avons annoncé la saisie d’une fumerie de crack à Hamilton, la deuxième saisie de ce genre que nous effectuons à Hamilton en recourant au droit civil provincial.
Enfin, il y a la prévention. Elle est nécessaire. Le premier ministre de la province a créé un fonds de quelque 45 millions de dollars pour prévenir la criminalité, pour offrir des services dans les collectivités et créer des possibilités afin que les gens n’aient pas à choisir entre faire partie d’un gang et ne rien faire, mais qu’ils disposent plutôt d’activités communautaires.
Bon, j’ai assez parlé de ce que je fais dans la vie. Permettez-moi de vous parler maintenant du projet de loi. Merci de votre patience.
L’Ontario appuie le projet de loi . L’Ontario, au moins depuis que le gouvernement McGuinty est en place, demande l’imposition de sentences minimales obligatoires plus sévères. J’ai écrit à ce sujet au précédent ministre fédéral de la Justice et au ministre actuel, j’ai assisté à plusieurs rencontres fédérales-provinciales-territoriales et j’ai essayé de créer un consensus parmi eux. Nous y sommes arrivés à la rencontre de Whitehorse, dont je vais parler dans quelques minutes.
Nous sommes en faveur de sentences minimales obligatoires.
[Français]
Je suis encouragé par l'engagement du gouvernement fédéral à faire avancer le système de justice.
[Traduction]
Nous considérons les sentences minimales comme faisant partie d’un plus grand ensemble de mesures comme ce que je viens de décrire en parlant du rôle de la province. Ce n’est pas le seul changement que le Parlement doit envisager et qu’il envisage bien sûr.
Je ne sais pas quelle heure il est, mais je pense qu’en ce moment-même, le premier ministre du Canada, le premier ministre de la province et le maire sont en train d’annoncer la réforme de la mise en liberté sous caution.
Comme je l’ai dit, sous l’administration McGuinty, l’Ontario essaie de mettre de l’avant la tolérance zéro envers les crimes commis avec des armes à feu. Nous sommes très déterminés à atteindre cet objectif et à faire tout ce que nous pouvons pour combattre la violence commise avec des armes à feu.
En novembre 2005, lors de la rencontre des ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux de la Justice à Whitehorse, l’Ontario a travaillé de concert avec les autres ministres provinciaux et avec le ministre fédéral de la Justice pour établir un consensus national autour de l’augmentation des peines minimales obligatoires pour les crimes commis avec des armes à feu; ce consensus a été atteint.
Au cours de cette rencontre, l’Ontario a proposé, entre autres choses, la création de deux nouvelles infractions que nous sommes contents de voir intégrées au projet de loi dont il est question aujourd’hui. Les deux nouvelles infractions proposées visent l’introduction par effraction pour voler une arme à feu et le vol qualifié pour s’emparer d’une arme à feu; leur adoption permettra de reconnaître officiellement deux crimes qui sont malheureusement devenus courants à cette époque de violence.
J’ai déjà dit que j’appuyais le projet de loi. Je sais aussi que les comités ont un travail à faire et que parmi les questions sur lesquelles ils se penchent se trouvent les modalités spécifiques des modifications. Je vais donc en parler brièvement.
L’Ontario s’intéresse à l’application des peines minimales obligatoires, à la façon dont elles seront utilisées. La Cour suprême du Canada a confirmé que les peines minimales obligatoires avaient un effet à la hausse, comme l’a confirmé madame le juge Arbour dans l’affaire Morrisey. Je dirais que les peines minimales constituent un plancher et non un plafond, mais le projet de loi, à première vue, n’en tient pas compte actuellement. Je suggère donc qu’un énoncé de principe établissant qu’une peine minimale obligatoire constitue un plancher et non un maximum ferait en sorte que les tribunaux ne considèrent pas une peine minimale obligatoire comme la peine applicable, parce que si elle est considérée comme la peine applicable, ce ne sera plus un minimum, mais ça deviendra plutôt un maximum.
Un énoncé de principe en ce sens permettrait de clarifier ce point pour les tribunaux. Si le ministère de la Justice ou le comité veut que les représentants de l’Ontario formulent cet énoncé de principe, nous serions bien sûrs heureux de le faire.
Je crois que le projet de loi devrait préciser certains points en ce qui concerne la détermination de la peine.
D’abord, il devrait resserrer la période d’interdiction de posséder une arme à feu et des munitions.
Deuxièmement, nous recommandons que le projet de loi donne aux juges qui prononcent la peine le pouvoir d’allonger les périodes d’inadmissibilité à la libération conditionnelle pour toutes les condamnations pour des infractions perpétrées avec arme à feu.
Troisièmement, nous recommandons que le projet de loi soit lié à l’article 92 du Code criminel — quiconque a en sa possession une arme à feu sachant qu’il n’est pas titulaire d’un permis qui l’y autorise — pour que soit imposée une peine d’emprisonnement minimale obligatoire pour une première infraction.
Quatrièmement, nous recommandons que le projet de loi prévoie une peine d’emprisonnement minimale obligatoire en vertu de l’article 94 pour possession non autorisée d’arme à feu dans un véhicule automobile.
En ce qui concerne ces deux infractions qui, semble-t-il, soulèvent une certaine controverse, le raisonnement est le suivant. Si vous montez dans une voiture avec une arme à feu, vous devez savoir que si la police vous arrête, vous serez emprisonné. J’imagine le danger que représente pour un policier le fait d’arrêter quelqu’un qui a une arme à feu dans son véhicule. Si on n’impose pas de peine d’emprisonnement minimale obligatoire dans un cas semblable, 1) on n’envoie pas le bon message et 2) on ne condamne pas cette infraction de la façon dont on devrait le faire.
Le même raisonnement s’applique, je crois, à la possession d’une arme à feu, sachant qu’elle est non autorisée; dans ce cas aussi il devrait y avoir une peine minimale obligatoire s’il s’agit d’une première infraction. Plus précisément, s’il s’agit d’une personne se trouvant dans un lieu public avec une arme à feu et sachant qu’elle est non autorisée. Je ne parle pas ici d’un chasseur. Je parle d’une personne dans un lieu public ayant en sa possession une arme et sachant qu’elle est non autorisée. Il faut que les gens sachent que s’ils sortent de chez eux ou d’un autre endroit avec une arme à feu et qu’ils se font prendre, ils iront en prison.
Je crois que ces idées sont tout à fait conformes aux principes et à l’esprit du projet de loi. Les mettre à exécution enverrait un message clair de réprobation aux membres de gangs qui portent des armes sans autorisation.
J’aimerais aussi parler de la question des ressources et rappeler ce qui s’est dit à ce sujet à la rencontre des ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux de la Justice. Comme vous le savez, nous avons déjà accru le nombre de procureurs en Ontario, et cette augmentation est entièrement financée par le trésor provincial. Nous avons aussi nommé plus de juges à la Cour de justice de l’Ontario que dans toute autre période de trois ans de toute l’histoire de la province. Il y a eu plus de 60 nouvelles nominations à la Cour de justice de l’Ontario ces trois dernières années — SOIXANTE, c’est beaucoup. Nous avons fait ça pour augmenter la capacité du système de justice pénale. Nous avons aussi ajouté 1 000 nouveaux agents de police et nous avons mis sur pied le centre provincial des opérations. Ces changements s’inscrivent dans le fonds de 51 millions de dollars consacré au développement du système de justice pénal annoncé en janvier dernier par le premier ministre, le chef de police Blair et le directeur de la police provinciale de l’Ontario. Il s’agit du plus important développement du système de justice pénal effectué d’un seul coup que la province n’a jamais connu. Je pense qu’on peut donc dire que nous faisons notre part en Ontario.
Il va sans dire qu’en vertu de ce projet de loi, les accusés feraient face à des peines plus importantes. Cela aura un effet sur le système de justice pénal; c’est normal. Par le passé, le gouvernement fédéral a aidé les provinces à financer les mesures législatives qu’il a adoptées, surtout quand un projet de loi entraînait le même genre de pression que celui-ci. Une demande en ce sens a été faite au gouvernement fédéral par tous les ministres provinciaux et territoriaux de la Justice à la rencontre de l’automne dernier à Terre-Neuve. À mon avis, le gouvernement fédéral devrait aider les provinces à mettre en œuvre ses propres mesures législatives comme il l’a toujours fait jusqu’à maintenant.
Je veux maintenant parler des peines minimales obligatoires. Je soutiens respectueusement que le débat sur les peines minimales obligatoires ne mène nulle part. Il existe déjà des peines minimales obligatoires au Canada, notamment pour les crimes liés aux armes à feu. Il reste à déterminer de quels crimes il s’agit et quelle devrait être l’augmentation de la peine minimale obligatoire dans ces cas?
L’objectif est de rendre incapables de nuire les personnes reconnues coupables de crimes mettant en cause des armes à feu, les personnes qui se sont révélées dangereuses. Ces personnes ont entre les mains l’arme la plus dangereuse aux yeux du public — une arme à feu — et il faut donc les rendre incapables de nuire.
La réprobation est bien sûr une autre question.
Le chef de police a déjà parlé de la dissuasion; j’aimerais me faire l’écho de ses observations. La dissuasion fonctionne avec certaines personnes, mais pas avec tout le monde. Si la dissuasion était le seul but de la peine minimale obligatoire dans le cas d’un meurtre, on pourrait avancer que certaines personnes ne seront jamais dissuadées par une telle sentence. Mais bien sûr, c’est vrai pour certains, mais pas pour d’autres. La raison pour laquelle nous avons actuellement un certain genre de peine dans les cas de meurtre est en partie à cause de la réprobation du Parlement. Les mêmes principes devraient s’appliquer dans le cas des crimes commis avec des armes à feu.
Permettez-moi de donner quelques exemples de...
Le comité vous souhaite la bienvenue.
Je me souviens qu’au mois de novembre de l’année dernière, l’ancien ministre de la Justice est venu à Toronto. Je pense que vous étiez là d’ailleurs au moment de l’annonce et que vous aviez très bien accueilli le projet de loi.
Pour ceux qui n’étaient pas présents, je rappelle que l’introduction par effraction pour voler une arme à feu et le vol qualifié pour s’emparer d’une arme à feu faisaient partie du projet de loi. Le gouvernement de l’époque était nettement en faveur du projet de loi.
De plus, comme vous l’avez mentionné monsieur le ministre, le Code criminel compte environ 42 cas de peines minimales.
J’ai contribué à étayer les arguments qui entourent la question des armes à feu et j’ai travaillé à ce projet de loi pendant mon mandat.
Juste avant de terminer sa présentation, le chef de police a parlé de l’impression de sécurité que ressentent les gens. Cette impression est au cœur du débat. La population veut se sentir en sécurité. En Ontario seulement, près de 500 000 accusations sont portées. Si l’on reporte ce chiffre à l’échelle du pays...
De quoi parlent les journaux? Ils parlent d’actes de violence très graves. Ces articles faussent la perception qu’ont les gens de l’importance du problème. Ça ne concorde pas avec nos statistiques sur la justice pénale.
Je tiens à rectifier un point. Quand l’actuel ministre de la Justice est venu témoigner l’autre jour devant le comité, il a dit que les libéraux voulaient doubler les peines minimales obligatoires et les faire passer de quatre à huit ans. Notre projet de loi prévoyait plutôt de nouvelles infractions pour lesquelles les peines minimales passaient d’un à deux ans. Je veux corriger ces perceptions erronées.
Il y a des peines minimales obligatoires qui, si elles étaient prévues dans un projet de loi bien conçu, pourraient être appuyées par les libéraux. La façon dont ce projet de loi est conçu soulève des problèmes.
Vous avez assisté aux débats portant sur la différence entre les armes d’épaule et les armes de poing. Ce ne sont que des différences idéologiques. Il n’existe pas de preuve à l’appui de ces idées. Le ministre ne nous a présenté aucune preuve ni aucune documentation à ce sujet. Nous essayons d’établir une analogie basée sur des preuves. Nous sommes aussi restreints à juste titre par les principes de la peine énoncés à l’article 718 du Code criminel. Le Code criminel renferme six principes qui régissent le prononcé de la peine et non pas seulement les deux que l’on mentionne toujours.
Je rappelle que nous avions affecté 50 millions de dollars à la lutte aux crimes commis avec des armes à feu et aux gangs. Il s’agissait d’un programme de lutte communautaire. À elle seule, la ville de Toronto avait reçu 1 million de dollars pour l’aider dans ses projets de lutte contre la violence. Ce sont des exemples des projets globaux dont le chef de police a parlé et qu’il appuie. Nous savons que vous y avez aussi participé avec le gouvernement de l’époque.
J’en arrive maintenant aux deux questions qui me concernent et qui vous intéressent directement. Dans les prisons, c’est le gouvernement fédéral qui assume les dépenses d’incarcération, mais en tant que procureur général de la province et qu’administrateur des cours de justice, ces questions vous concernent. Elles ont été soulevées à plusieurs reprises déjà et même encore aujourd’hui.
L’une de ces questions a trait à l’aide juridique. Vous avez déjà un déficit de 10 millions de dollars à ce chapitre. Quand les gens viennent témoigner devant nous et évoquent ce sujet, ils nous disent que seuls les accusés qui risquent l’incarcération y ont droit. Hier, comme certains d’entre vous, j’ai lu un document au sujet de la limite par personne en Ontario.
Je vais maintenant conclure, monsieur le Ministre, et je vais garder du temps pour parler du cas Askov. Les peines minimales obligatoires telles qu’elles sont prévues dans ces projets de loi vont avoir un effet dès le premier chef d’accusation. L’effet ne se fera pas seulement sentir la troisième fois qu’un accusé se présente en cour, quand il fait face à une peine vraiment... mais tout au long du processus. On nous dit qu’il y aura plus de procès. Vous avez déjà des problèmes dans l’affaire Askov.
Il ne s’agit pas seulement de vous bien sûr. Je parle de l’administration de la justice en général.
Je veux que vous examiniez ces questions et je veux vous donner la possibilité de le faire. J’aimerais aussi que vous étudiiez la question du registre des armes à feu.
Je ne sais pas exactement qui a décidé de m’inviter à témoigner devant vous, mais je sais que ce n’est pas en raison de mes réalisations dans le domaine des mathématiques. Je suis aussi avocat au sein du cabinet Roach, Schwartz and Associates à Toronto et j’occupe également le poste de professeur auxiliaire de droit à la faculté de droit de l’Université de Toronto. J’ai un intérêt plus direct dans ces questions que l’autre titre pourrait laisser croire.
J’aimerais vous présenter des points généraux que vous trouverez sûrement utiles dans l’examen de ce projet de loi. Le premier point que je veux vous présenter est que, de façon générale, le droit pénal devrait être stable, dans la mesure du possible, et ne devrait pas être modifié sauf pour de bonnes raisons. Les raisons pour modifier le droit pénal devraient très bonnes et, selon moi, les raisons qui ont motivé l’élaboration de ce projet de loi ne sont pas bonnes.
Quelqu’un a demandé au procureur général de l’Ontario, M. Bryant, de présenter des preuves qui appuieraient la nécessité de ce projet de loi. J’espère que vous continuerez de poser cette question avec insistance. En effet, quelles sont les raisons motivant ce projet de loi? Et bien, le projet de loi inclut certains « Attendu que » et, avec un peu de chance, le préambule du projet de loi répondra à cette question. En effet, le premier paragraphe du préambule se lit ainsi: « Attendu que les Canadiens ont droit à la paix, à la liberté et à la sécurité ». Personne ne va réfuter ce fait.
Le deuxième paragraphe indique que le nombre de crimes commis avec une arme est à la hausse. Cette affirmation devrait faire l’objet d’une preuve. Il faudrait l’examiner. C’est peut-être vrai, mais il faudrait le vérifier. Diverses sortes de crimes sont parfois à la hausse et parfois à la baisse.
Ensuite, le projet de loi indique que nous voulons promouvoir les valeurs de la Charte canadienne des droits et libertés. C’est bien, mais ensuite, il est écrit :
Attendu qu’au nombre de ces mesures figurent des mesures législatives visant à imposer des peines minimales plus sévères à ceux qui commettent des infractions graves ou répétées mettant en jeu des armes à feu;
La suite des idées n’est pas tout à fait logique. Il semble manquer quelques paragraphes pour en arriver à cette conclusion, par exemple : « Attendu qu’il existe un problème dans la détermination de la peine à l’égard des infractions mettant en cause des armes à feu... » Est-ce qu’il existe des preuves à cet égard? Les juges ne considèrent-ils pas déjà dangereuses les infractions mettant en cause les armes à feu? Est-ce qu’il est prouvé qu’ils n’imposent pas de peines suffisamment lourdes aux personnes qui commettent ces infractions?
Ensuite, on s’attendrait à obtenir des preuves que des peines alourdies tendent à dissuader les délinquants, et nous savons que la plupart des études menées par les criminologues présentent des conclusions contraires. Les personnes qui commettent des crimes ne pensent pas aux peines. Elles envisagent la possibilité de se faire appréhender, et cette possibilité peut les dissuader de commettre un crime, mais elles ne pensent pas que vu qu’il ne s’agit, pour l’instant, que d’une peine de six mois, elles vont commettre le crime, mais si la peine passe à un an, elles ne le commettront pas. Aucun délinquant ne pense de cette manière, les études l’ont démontré.
Donc, qu’est-ce qui se passe? Lorsque ce projet de loi a été présenté au mois de mai, le ministre de la Justice a parlé de s’attaquer au crime et de restaurer la confiance du public dans le système de justice, etc. Il semble y avoir des questions politiques en cause, et beaucoup de gens croient qu’il est populaire de promouvoir l’idée de peines plus sévères. Ce sujet ne fait pas l’unanimité. Il a même fait l’objet d’une étude. Cette étude indique qu’il ne s’agit pas d’un choix aussi populaire que certains peuvent le penser. Il semble que les politiciens de tous les partis sont de cet avis.
Je vous demande donc d’examiner les raisons et d’examiner des preuves avant de changer l’état actuel du droit. Le problème lié aux peines minimales obligatoires est qu’elles portent atteinte au pouvoir discrétionnaire des juges d’imposer des peines proportionnelles. Dans quelle mesure elles portent atteinte dépend si la peine minimale est élevée et de la nature de la peine. Mais toute peine minimale obligatoire, comme l’affaire Latimer nous a tous démontré, par exemple, même dans les cas de meurtre, peut causer des problèmes dans des dossiers précis. La gravité des problèmes varie selon les circonstances. Il ne faut pas modifier l’état du droit sans bonne raison. Comme tout le monde le sait, nous avons la Charte des droits et libertés, et celle-ci limite la capacité du Parlement d’imposer une peine. Une peine doit respecter les dispositions de la Charte. L’article 12 de la Charte protège les personnes contre les peines cruelles ou inusitées. Comme vous le savez, parfois, les peines minimales ont passé l’examen en vertu de cette disposition et parfois non.
Ce que la Cour suprême affirme... Bien entendu, la Cour suprême s’en remet souvent au Parlement, dans une certaine mesure. Donc, si les juges décident d’intervenir au sujet d’une telle loi, de l’annuler, ils vont décider que les peines sont outrageusement disproportionnées. C’est ce que la jurisprudence démontre, les décisions Morrisey et Latimer, et bien d’autres. Si la peine est outrageusement disproportionnée par rapport à l’infraction commise, il s’agit alors d’une peine cruelle et inusitée, et la disposition devrait être annulée. Voulez-vous des peines qui sont seulement disproportionnées, et non outrageusement disproportionnées? Pourquoi désirez-vous des peines disproportionnées? C’est le cas lorsqu’il existe une peine minimale. Vous allez, dans certains cas au moins, imposer des peines disproportionnées. Si les juges sont d’avis que les peines sont outrageusement disproportionnées, les dispositions de la loi seront invalidées. Personne ne sait si les tribunaux décideront d’annuler les dispositions du Personne ne peut vous donner avec certitude une vision du futur à ce sujet. Tout cela dépend des litiges précis, des faits précis de ces litiges, et ainsi de suite.
Une chose est certaine. Vous pouvez vous attendre à plusieurs contestations fondées sur la Charte à ce sujet. Il y en aura énormément. Beaucoup de temps, d’énergie et de ressources y seront consacrés.
Il est facile de concevoir d’un cas hypothétique dans lequel les peines minimales seraient outrageusement disproportionnelles à l’infraction commise. Vous avez parlé, il y a quelques minutes, d’introduction par effraction dans des chalets. Un jeune de 19 ans qui, de façon générale, a un bon comportement, s’introduit par effraction dans un chalet, sous l’influence de ses amis. Ils mettent la main sur un sac et s’enfuient. Dans le sac, il y avait un fusil de chasse. Est-ce que ce jeune sera condamné d’une peine minimale obligatoire d’un an? Si le jeune est aussi correct que le jeune que j’ai à l’esprit, cette peine sera disproportionnelle. Ensuite, ce jeune, s’il a les moyens de le faire, contestera sa peine, ce qui donnera lieu à une cause fondée sur la Charte. Mais pourquoi adopter ce projet de loi au départ? Dans un tel dossier, le juge ne devrait-il pas pouvoir décider d’imposer une peine d’emprisonnement avec sursis? Voulez-vous vraiment incarcérer ce jeune pendant un an?
Comme je l’ai déjà dit, il existe bon nombre d’études qui démontrent que la gravité de la peine ne dissuade pas les délinquants. Par exemple, à l’Université de Toronto, il y a un criminologue reconnu nommé Anthony Doob. Je suis certain que ceux parmi vous qui s’intéressent à cette question reconnaissent son nom. Il a mené une étude en 2003 dans ce domaine, et les résultats correspondent aux résultats de nombreuses autres études.
Si vous voulez traiter les causes sous-jacentes de la criminalité, faites-le. Il y a des problèmes à régler. Par exemple, à Toronto, bon nombre de jeunes âgés de 19 ou 20 ans croient qu’il vaut mieux pour leur avenir de se joindre à une bande et de vendre de la drogue que d’essayer de trouver un bon emploi, parce qu’ils ne voient pas les possibilités des bons emplois, mais les possibilités de faire partie d’une bande sont juste sous leurs yeux.
Les résultats d’études de plus grande ampleur sur ce sujet pourraient démontrer que les peines minimales obligatoires aident à réduire le taux de criminalité. Il faudrait tout particulièrement examiner de plus près les questions liées aux drogues. Je vous demande... Cela ne fait pas partie du présent projet de loi, mais, dans un sens, le sujet est connexe, parce qu’un bon nombre d’infractions mettant en cause des armes à feu sont liées au trafic de drogues. Nous savons tous que dans les films des années 1930, les gangsters s’entretuaient à cause de la prohibition de l’alcool. Plusieurs fusillades à Toronto sont motivées par les guerres des bandes pour leur territoire de vente de drogues. Selon moi, si vous voulez vraiment réduire les actes criminels dans ce domaine, il faut chercher d’autres moyens.
Ce projet de loi va coûter extrêmement cher. Il y a les coûts liés à la présente audience, par exemple, de même que les coûts liés aux contestations fondées sur la Charte qu’entraîneront ces modifications au cours des prochaines années. De plus, le projet de loi causera des problèmes pour ce qui est d’obtenir des déclarations de culpabilité. Un avocat ne recommandera pas à une personne de plaider coupable à une accusation si cette personne sera condamnée à une peine minimale de trois ans, ou de cinq ans. Nous assisterons à une augmentation du nombre de procès et à une baisse du nombre de plaidoyers de culpabilité.
Ensuite, la façon particulière dont le projet de loi est structuré donnera lieu à de nombreuses incongruités. Dans le cas des infractions consécutives, comme vous le savez, divers moyens permettent d’imposer des peines plus élevées. Mais le terme « consécutif » est défini en fonction de la date de la condamnation et non de la date de la perpétration de l’infraction. Donc, si une personne commet deux infractions passibles de peines minimales, il faudra manigancer pour établir quelle infraction devrait être instruite en premier, parce que certaines infractions entraînent des peines plus graves que d’autres lorsqu’il s’agit de la deuxième infraction. Ce sujet est abordé dans le présent document d’information. Vous y trouverez un exemple.
Vous devriez y penser. Voulez-vous vraiment introduire ce désordre dans le Code criminel?
Par exemple, cela signifierait que si une personne a importé illégalement une arme à feu et a ensuite commis une introduction par effraction pour voler une arme à feu, mais qu’elle a été reconnue coupable de l’introduction par effraction en premier, l’importation deviendront la deuxième infraction. Par conséquent, la personne serait condamnée à une peine minimale de cinq ans, mais si elle était condamnée pour l’autre infraction en premier, la peine minimale serait de trois ans. Supposons qu’elle a commis ses infractions dans l’espace de deux semaines — ce qui arrive parfois en réalité — tout cela crée une confusion. Voici un exemple des problèmes qui se présenteront quotidiennement devant les tribunaux si ce projet de loi est adopté.
Selon moi, vous devriez retourner en arrière et effectuer des études sérieuses sur toutes ces questions. Il n’y a pas d’empressement. Vous n’êtes pas obligé d’adopter ce projet de loi cette semaine. Les seules raisons de l’adopter cette semaine ou la semaine prochaine sont des raisons politiques. Si vous voulez examiner la situation sérieusement, vous devez mener des études sérieuses sur les conséquences des peines minimales et les autres possibilités de réduire l’usage des armes à feu.
Voici mes arguments à ce sujet. Ils sont très différents des positions présentées par les partis politiques, mais j’espère que vous en tiendrez compte s’ils peuvent vous être utiles.
:
La Cour suprême du Canada a tranché en faveur de la peine minimale actuelle de quatre ans pour un acte commis avec une arme à feu et souligné l’insouciance déréglée ou téméraire dont avait fait preuve le contrevenant par l’utilisation d’une arme à feu.
De plus, il ne faut pas oublier que la règle de la peine minimale qui augmente avec le nombre de récidives ne concerne que les infractions citées dans le projet de loi. Le projet de loi ne vise pas les autres crimes. Il traite des cas où un contrevenant persiste dans la possession illégale et l’utilisation d’armes à feu. Autrement dit, il vise les délinquants, et en particulier les récidivistes, qui font le choix d’avoir en leur possession, d’acquérir ou d’utiliser des armes à feu illégalement.
Si le Canada juge qu’il doit obliger ses citoyens à respecter des règles strictes en matière de permis, d’entreposage et de possession d’armes à feu, il ne peut pas ne pas faire preuve de la même rigueur à l’égard des personnes qui choisissent de brandir une arme à feu dans un but criminel. Si on veut protéger les Canadiens, à notre avis, ces deux mesures ne vont pas l’une sans l’autre.
Bien que sachions que cette idée est contestée, nous irions jusqu’à dire que, moyennant une formulation choisie avec soin — et nous croyons que c’est le cas de ce projet de loi —, l’établissement de peines minimales d’emprisonnement est généralement conforme au principe fondamental selon lequel la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant.
Les articles 718 et 718.1 du Code criminel — auxquels vous avez fait référence — énoncent les principes de détermination de la peine que doit suivre le tribunal. Le tribunal jouit d’une marge de manœuvre appréciable lorsqu’il doit pondérer des principes souvent très hétérogènes. Bien que de nombreux juges sachent intuitivement trouver le bon équilibre, au fil des ans, il est arrivé que le Parlement intervienne pour modifier des dispositions législatives relatives à la détermination de la peine, aux libérations conditionnelles et aux mesures qui suivent la détermination de la peine en réponse aux préoccupations exprimées par la société au sujet de la sécurité publique et de la justice en particulier.
Il est tout à fait approprié pour le Parlement d’orienter les tribunaux par la législation. Il l’a d’ailleurs fait très récemment en ce qui concerne les peines minimales liées à certaines infractions commises contre les enfants, dans le projet de loi , et auparavant pour certaines infractions graves avec usage d’arme à feu. La société a exprimé son aversion particulière pour certains genres de crimes, généralement les crimes violents, et si les élus sont à l’écoute du peuple, ils vont donner suite à ces expressions de dégoût. Nous croyons que c’est justement ce que ferait le Parlement en adoptant ces dispositions sur la peine minimale obligatoire.
Quelle est l’incidence des peines minimales sur la criminalité? Comme l’indique clairement le résumé de la Bibliothèque du Parlement, les résultats des études concernant l’effet dissuasif des peines minimales et de l’augmentation du taux d’incarcération ainsi que leur incidence sur les taux de récidive ne concordent pas toujours entre eux. Comme on dit, on peut faire dire ce qu’on veut aux statistiques.
Plutôt que de nous interroger sur l’effet dissuasif des dispositions proposées — et, quant à moi, j’abonde dans le sens du chef Blair et du procureur général Bryant sur cette question —, nous partons du principe qu’en ciblant les récidivistes les plus violents — et c’est le cas des gens qui utilisent ou ont en possession des armes à feu à des fins illégales — pour les mettre sous les verrous pendant un certain temps, on agit directement sur le taux de criminalité. En effet, on sait qu’un très petit nombre de délinquants sont responsables d’un nombre disproportionné d’infractions. Cet axiome s’applique aux récidivistes qui utilisent des armes à feu pour commettre leurs crimes.
Si on regarde ce qui se passe chez nos voisins du sud, il faut admettre qu’ils ont parfois exagéré un peu — on pense tout de suite au principe des « trois prises » appliqué en Californie à tous les crimes, y compris le vol de pizzas —, mais il faut admettre que le resserrement des mesures prises à l’encontre des crimes violents, de l’autre côté de la frontière, coïncide avec une baisse du taux de crimes violent plus prononcée que celle que l’on a connu au Canada dans la même période. Diverses études effectuées par des criminologues états-uniens, dont Marvell et Moody ainsi que Kovandzic, confirment la réduction des taux d’homicides et de crimes violents.
C’est une simple question de neutralisation. Combien de vols qualifiés peut-on commettre quand on est derrière les barreaux? Si on cible les contrevenants les plus dangereux, et c’est ce que fait ce projet de loi à notre avis, on obtiendra des résultats.
Les crimes violents sont-ils en hausse au Canada? Quand on regarde les statistiques, on ne peut pas nier que chacun prend souvent seulement ce qui fait son affaire, et cela est vrai des deux côtés. Même les criminologues, les avocats, les professeurs de droit et les autres universitaires qui ne ratent jamais une occasion de vous rappeler qu’il faut s’en tenir aux faits et respecter les règles de l’art invoquent parfois des augmentations ou des diminutions à court terme pour prouver leur point de vue. Ces procédés sont aussi trompeurs qu’inconvenants; certains parleraient même carrément de malhonnêteté.
Je crois que le greffier vous a remis une page de Juristat. Dans la colonne du milieu, regardez le taux des crimes violents. Comme vous le savez, il est exprimé par 100 000 habitants. Si on remonte à 1962, on voit qu’il se chiffrait alors à 221 par 100 000 habitants et qu’il est ensuite passé à 1 084 en 1992 pour descendre tranquillement à un peu moins de 1 000 durant les neuf dernières années. Je soutiens ici que ces chiffres font état d’une augmentation faramineuse sous tous rapports, et que la lente diminution des 12 dernières années n’enlève rien au fait que nous vivons une situation infiniment plus préoccupante que dans le bon vieux temps des années 60.
Le CCAA n’a pas accès aux chiffres à long terme pour les infractions commise avec des armes à feu en particulier, mais il n’y a pas de doute, à notre avis, que la courbe serait la même ou que l’augmentation serait même supérieure à celle des crimes violents. Nous encourageons le comité à obtenir les chiffres à long terme de la part du ministère de la Justice pour les infractions liées aux armes à feu. De plus, la proportion des crimes violents par rapport au taux de criminalité générale est en hausse sur la même période.
Au sujet de la prolifération des armes à feu à Toronto au cours des 30 dernières années: je sais que le chef Blair en a parlé beaucoup et que mon expérience est empirique, mais j’aimerais vous en dire un mot. Nous croyons en effet que le phénomène que nous observons n’est pas propre à Toronto. J’ai été un témoin privilégié de ce phénomène en tant qu’agent du Service de police de Toronto depuis 1976 jusqu’à ma retraite, que j’ai prise cette année. Dans les premiers temps, il était extrêmement rare, même dans les secteurs les plus animés du centre-ville, qu’un délinquant arrêté soit en possession d’une arme de poing illégale ou d’une arme semi-automatique. Même dans les groupes les mieux organisés de narcotrafiquants, les membres n’avaient pas en leur possession ce genre d’arme à feu. Je le sais, parce que j’ai travaillé dans l’escouade des stupéfiants, j’ai fait des centaines de transactions et j’ai défoncé des centaines de portes entre 1982 et 1986. Il était rare que nous saisissions une arme de poing. Les agents de police, qu’ils soient en uniforme, en civil ou en mission d’infiltration, se trouvaient rarement en présence de ce genre d’arme.
Les choses ont changé à la fin des années 80, lorsque a commencé le commerce du crack — la cocaïne épurée —, et cela s’est poursuivi au début des années 90 et par la suite avec la prolifération des gangs de rue à l’américaine, qui s’organisent généralement plus ou moins en groupes ethniques, et commettent maintenant des crimes pour délimiter leur territoire et faire de l’argent. On en voit clairement les résultats dans les quartiers défavorisés et dans les rues surpeuplées du centre-ville. Dès qu’un gang estime qu’on lui a manqué de respect, on règle ça à coups de fusil, parfois carrément sans sortir de voiture, alors que, comme le disait le chef Blair, autrefois, on se contentait d’un coup de poing sur le nez. Des résidences sont vandalisées, souvent choisies au hasard. Aucun vendeur de crack qui se respecte ne sort de chez lui sans son fidèle pistolet Glock ou son 9 millimètres. Et c’est ainsi que des communautés entières sont marginalisées et vivent dans la peur.
Nous avons un nouveau vocabulaire pour décrire les crimes violents et brutaux, et les statistiques de Juristat que je vous ai fournies reflètent cette réalité. Nous ne sommes plus à l’époque de Bobino ni du constable Polycarpe.
Pour revenir au projet de loi, je crois que le Comité fait un travail important.
:
Notre examen des modifications nous laisse croire que les conditions et les principes suivants y sont respectés et en garantissent le caractère constitutionnel. Il est toujours possible de recourir à la procédure sommaire pour les infractions pour lesquelles c’était déjà permis. La peine minimale ne se met à augmenter que lorsque le contrevenant a déjà été condamné pour ces crimes commis avec une arme à feu, ni plus ni moins. Nous croyons que cette augmentation de la peine est proportionnée et appropriée. Si le contrevenant n’a commis aucune des infractions en cause sur une période de 10 ans, la progression ne s’applique plus. Enfin, les lois excessivement indulgentes qui existent actuellement en matière de libération conditionnelle, y compris la libération d’office après les deux tiers de la peine — sauf pour la plus infime minorité des détenus dangereux — sont toujours là.
Voici nos suggestions précises au sujet des modifications proposées. Comme le sommaire législatif l’indique, on ne sait pas exactement pourquoi le projet de loi ne traite pas l’homicide involontaire coupable et la négligence criminelle causant la mort sur le même pied que les huit autres infractions graves mettant en jeu des armes à feu. « Cela est d’autant plus vrai, peut-on lire dans le sommaire, qu’il est tenu compte des condamnations antérieures pour ces deux infractions afin de déterminer la peine à l’égard des huit autres infractions. » Nous recommandons que ces deux infractions soient incluses dans la liste des crimes les plus graves donnant lieu à des peines pouvant atteindre 10 ans.
De plus, pour poursuivre dans la ligne de ce que disait Mme Barnes, on ne voit pas non plus exactement pourquoi les peines de cinq ans s’appliqueraient seulement aux crimes commis avec une arme prohibée ou à autorisation restreinte et non aux crimes commis avec une arme à feu ordinaire. Nous vous suggérons de modifier cet article pour y inclure simplement les armes à feu ordinaires, en plus des armes prohibées et à autorisation restreinte, afin que la peine soit de cinq ans dans tous les cas, comme dans les cas ayant trait au crime organisé. C’est une simple petite correction: on a déjà quatre ans, il s’agit de porter la peine à cinq.
Pour ce qui est des deux nouvelles infractions, je dois dire que je suis souvent sceptique quand je vois qu’on crée de nouvelles infractions portant sur un acte déjà interdit par le code pénal. C’est un procédé qui ressemble à l’augmentation des peines minimales en ce sens qu’il a pour but de donner l’impression qu’on ne fera pas de quartier. Mais la plupart du temps, la réalité est toute autre.
Mais en l’occurrence, comme le chef Blair et M. Bryant, nous appuyons la création de ces deux nouvelles infractions. Nous connaissons les conséquences de ces cambriolages, de ces entrées par effraction, de ces vols qualifiés. Comme on leur associe des peines minimales croissantes, nous croyons que ce sont des ajouts appropriés. C’est pourquoi nous les appuyons.
Le meilleur moyen de mettre tout cela en perspective consiste à prendre un des articles proposés et de voir comment il s’appliquerait dans un cas concret. Un criminel tire sur quelqu’un avec une arme de poing et est déclaré coupable de tentative de meurtre parce qu’il a presque tué sa victime. Il écope de la peine minimale, soit cinq ans. Il sort de prison et commet le même crime, ou un des neuf autres crimes graves, toujours avec une arme à feu. Autrement dit, il a presque tué quelqu’un encore une fois. Cette fois, le minimum est de sept ans. Il sort de prison et recommence. N’oublions pas qu’il faut que ce soit le même crime, ou un des neuf autres crimes graves. Cette fois, il écopera d’au moins 10 ans.
Compte tenu des lois en matière de libération conditionnelle, qui sont excessivement indulgentes pour ce genre d’individu, dont le casier judiciaire est presque certainement lourdement chargé de diverses autres condamnations, parle-t-on de peines vraiment inconsidérées compte tenu de la gravité de l’infraction? Nous vous demandons de réfléchir à cette question.
Enfin, nous sommes encouragés par les commentaires du député de Winnipeg—Centre, M. Patrick Martin, qui a vu sa communauté ravagée par les crimes commis avec des armes à feu et qui reconnaît que cette loi de sécurité publique contribuera à régler ce problème de plus en plus grave.
De plus, nous nous félicitons des déclarations publiques d’au moins deux des trois partis d’opposition, qui se sont prononcés en faveur d’une sévérité accrue des peines minimales durant la dernière campagne électorale. Nous espérons que ces positions n’ont pas changé depuis.
Nous vous encourageons à examiner les deux modifications mineures que nous vous recommandons au sujet de l’article portant sur les crimes les plus graves. Quoi qu’il en soit, avec ou sans ces modifications, le CCAA est en faveur de l’adoption rapide de ce projet de loi, et il espère que tous les partis collaboreront pour le faire adopter par la Chambre des communes et par le Sénat.
Merci.
[Traduction]
Je vais parler en français.
[Français]
Je suis heureux d'entendre le professeur Rosenthal, que je ne connaissais pas. Je dois dire que vos deux témoignages ont suscité chez moi deux réflexions. La première est que la Cour suprême, de façon générale, a permis l'imposition de peines minimales obligatoires, sauf dans l'arrêt Smith. La Charte canadienne des droits et libertés est entrée en vigueur en 1982, l'arrêt Smith a été rendu en 1987, et là, un test a été fait. Pour qu'une peine soit invalidée en vertu de l'article 12 de la Charte des droits et libertés, il faut deux caractéristiques. La première, c'est que la peine doit être incompatible avec la dignité humaine, et la deuxième, c'est qu'elle doit être exagérément proportionnée. Dans la définition d'une peine exagérément proportionnée, on tient compte des effets de la peine, des caractéristiques du délinquant et des circonstances dans lesquelles le crime été perpétré.
Ce n'est pas tellement la contestation judiciaire qui me fait peur. Je ne pense pas que les peines vont être invalidées, parce que dans les cas de Morrissey, Gold, Latimer et beaucoup d'autres décisions, la cour a été extrêmement révérencieuse face au travail des députés. Le problème, c'est que je ne crois pas à l'efficacité d'une peine minimale obligatoire. Le gouvernement a été incapable de déposer une seule étude qui prouve qu'il y a un lien entre l'effet dissuasif et les récidives.
Allons-y de façon logique. En 1995, on adopte un projet de loi. Il prévoit 10 peines minimales obligatoires dans le cas d'infractions commises avec des armes à feu. Depuis, ou bien les peines commises avec des armes à feu ont augmenté, ou bien elles ont diminué. Mais dans un cas comme dans l'autre, cela a quelque chose à voir avec la loi qu'on a adopté en 1995. Le Centre canadien de la statistique juridique est venu nous dire hier que de façon générale, au Canada, les crimes commis avec les armes à feu n'ont pas augmenté. D'ailleurs, c'est ce que révèlent les statistiques.
Quand on étudie les statistiques sur les crimes commis avec violence, on voit bien que, de manière absolue et de manière relative, leur nombre a baissé, exception faite de deux endroits au Canada, où le nombre de crimes commis avec des armes à feu a augmenté : Toronto et Vancouver. Est-ce préoccupant? Oui, ce l'est et c'est pourquoi j'ai tenté tout à l'heure de savoir, avec le chef de police et le solliciteur général, ce qu'on peut faire pour régler des situations très spécifiques. Ce serait merveilleux si on pouvait se dire, comme législateurs, qu'il y a une solution miracle: augmenter les peines minimales obligatoires. Mais ce n'est pas la solution. En tout cas, il n'est pas évident, sur la base de données scientifiques, que ce soit la solution.
Ce qu'il faut essayer de voir, c'est comment on essaie de travailler, par exemple, face aux gangs de rue. C'est évident que le phénomène des gangs de rue est préoccupant. C'est préoccupant aussi à Montréal, mais pourquoi des jeunes s'engagent-ils dans des gangs de rue? Cela peut avoir quelque chose à voir avec des conditions de pauvreté, de désespoir et aussi avec le fait que certains jeunes sont irrécupérables. On n'est pas naïf non plus.
J'aimerais vous entendre à ce sujet. Monsieur Rosenthal, si vous voulez réagir je serai très heureux, mais je pense que c'est surtout John qu'il faut interpeller. Avez-vous des données qui nous permettent de penser que les peines minimales obligatoires ont un effet dissuasif? Il faut s'appuyer sur des recherches un peu scientifiques; cela ne peut pas naître de l'impression ou de l'intuition. On ne peut pas adopter des lois ainsi, sinon en rétablissant la peine de mort. La meilleure façon de neutraliser les délinquants, c'est la peine de mort. Alors, quand on dit qu'il faut, pour les neutraliser, des peines minimales obligatoires, je pense que c'est un argument faux.
:
Merci à vous deux de vous être déplacés pour nous aujourd’hui.
Monsieur Muise, les témoins qui se présentent devant nous mentionnent de temps à autre la réalité des victimes. J’entends tellement de témoins venir s’adresser au comité… on jurerait que, quand il y a un crime, il n’y a qu’une personne en cause, et que c’est le criminel. J’en ai vraiment soupé de ces positions ridicules selon lesquelles il faudrait éviter à tout prix de prononcer des peines cruelles et inusitées à l’encontre du criminel et qu’il faut surveiller ce qu’on fait à ces individus, car on pourrait découvrir que le traitement qui leur est réservé est cruel et inusité selon la Charte canadienne des droits et libertés.
Et pourtant, monsieur Muise, je me souviens d’un garçon de 18 ans qui était en 12e année et qui a attaqué une fille de 15 ans à mon école. Il l’a agressée sexuellement — gravement. Le tribunal, dans sa sagesse, a décidé qu’il valait mieux laisser ce jeune continuer d’aller à l’école et terminer sa scolarité, et il lui a accordé une condamnation avec sursis. Je crois que c’était une peine extrêmement cruelle et inusitée pour cette fille de 15 ans de laisser ce garçon de 18 ans revenir à son école.
Une bande de jeunes désœuvrés, une apple dumpling gang, comme on disait dans ma campagne, a cambriolé la Banque de Montréal. Un jeune de 17 ans et deux jeunes de 19 ans ont décidé que ce serait une bonne idée de mettre la main sur des armes à feu. Ils en ont trouvé quelque part. Dans ma ville natale de 2 500 personnes, ils ont fait un hold-up à la Banque de Montréal. Ils avaient très bien planifié leur affaire, en passant. Ils avaient deux petites amies qui avaient mis le feu aux deux extrémités de la ville pour éparpiller les forces policières et le service des incendies.
Il y avait quatre préposés au guichet, deux ou trois personnes qui s’occupaient du crédit, etc., en tout six ou sept personnes, y compris le directeur, qui ont été absolument terrorisés pendant au moins 15 minutes avant que ces jeunes gens, qui tremblaient comme des feuilles parce que c’était la première fois qu’ils accomplissaient un tel forfait, réussissent à sortir de l’établissement avec leur magot. Ils avaient des bas sur leur tête; vraiment, ils faisaient tout dans les formes.
Pouvez-vous vous imaginez, monsieur Muise, ce qu’a pensé la population de cette petite ville lorsque, environ six semaines plus tard, on a vu ces trois individus se promener librement dans la rue? Qui a pensé à la peine cruelle et inusitée qui était ainsi infligée aux victimes de ces individus? Pas tout le monde, apparemment.
Ce que je comprends des interventions des témoins que nous avons entendus, c’est qu’il serait sage de laisser le garçon de 18 ans finir sa scolarité et qu’il faudrait éviter les châtiments trop sévères à la première infraction. J’en ai vraiment jusque-là de ce discours.
Donc, merci, monsieur Muise, de revenir régulièrement sur le point de vue des victimes.
J’ai été même surpris d’entendre mentionner l’option des peines consécutives. J’attends depuis longtemps de voir des peines consécutives dans ce pays. Moi, il me semble que si on tue onze personnes, on pourrait mériter onze peines d’emprisonnement à perpétuité, purgées consécutivement et non simultanément.
Un jour, je suis allé en cour, et devinez quoi? J’ai vu deux personnes obtenir des peines consécutives, et je suis presque tombé en bas de ma chaise. Ces personnes avaient passé des céréales en contrebande à la frontière des États-Unis deux fois, et elles ont reçu deux peines, et elles étaient consécutives : « On va leur montrer, à ces agriculteurs, à vendre leurs propres produits par deux fois. Peines consécutives! »
Vous voyez comment la société réagit quand ce genre d’événement se produit… Je sais qu’ils ne sont pas nombreux, mais ils font du bruit. De plus en plus, lorsque ce genre d’événement se produit, comme le lendemain de Noël à Toronto, ça augmente, il y a un tollé. Et il n’y a pas un d’entre nous qui n’a pas été élu avec l’intention de venir ici pour mettre un terme à ce genre de problème. C’est le cas de tout le monde ici. Tout le monde.
Une voix: Exact.
M. Myron Thompson: Si on pense à la campagne électorale, il suffit de jeter un coup d’œil sur le projet de loi pour voir s’il y a eu un changement d’attitude, et je crois que vous serez d’accord pour dire qu’il y en a effectivement eu un.
J’apprécie votre témoignage. Je veux seulement dire à quel point j’apprécie les gens qui prennent fait et cause pour les victimes. Ce n’est pas pour commenter ce que le témoin de l’autre parti… Ce n’est pas un commentaire en ce sens. Je sais que cet homme a probablement à peu près le même âge que moi et qu’il voit ce qui se passe dans notre pays depuis longtemps et qu’il est sûrement très sensible aux malheurs des victimes. J’en suis convaincu, surtout s’il a des petits-enfants, etc. Nous voulons tous les protéger.
Je veux vous remercier, monsieur Muise, d’avoir abordé la question du point du vue du public qui réclame que l’on commence enfin à protéger les victimes dans ce pays, et j’applaudis vos propos. Et oui, je vais vous envoyer ma facture pour les miens.
Merci.
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J’apprécierais, en effet. Merci.
Encore une fois, je vous renverrai aux études qui ont été faites chez nos voisins du sud au sujet des effets de la neutralisation à long terme, et non de la dissuasion. Quel est le lien entre ces observations et ce qu’on voit ici, au Canada? Il y a toute une gamme de piliers législatifs qu’il reste à mettre en place avant que nous puissions espérer assister à une baisse aussi marquée. Nous n’y sommes pas encore, de ce côté-ci de la frontière. Ce projet de loi sur les peines minimales obligatoires constitue un excellent pas dans la bonne direction, mais ce n’est pas suffisant. Il faut procéder à un examen et à une révision en règle de nos lois sur les libérations conditionnelles et sur les libérations d’office, et il faut se pencher sur le régime encadrant les délinquants à contrôler, les délinquants dangereux et les délinquants présentant un risque élevé de récidive qui sont libérés en vertu de l’article 810. Il y a toute une gamme de mesures à prendre. Mais si nous faisons tout cela, y compris instaurer des peines minimales pour les crimes commis avec une arme à feu, nous allons voir que le nombre de crimes violents va diminuer.
Par ailleurs, je connais bien l’affaire à laquelle le ministre Bryant a fait référence, mais les milieux policiers ont vu défiler des dizaines et des dizaines de cas similaires. Est-ce que j’en ai apporté une liste avec moi? Non. Mais le genre de personnes qui ont commis des crimes violents et qui sont en liberté grâce à une condamnation avec sursis, le genre de situations où le ministère public, avec raison à mon avis, réclame 10 ans alors que la personne s’en sort avec deux ans, deux ans à peine à l’ombre puis libération… Je crois qu’il se passe bien des choses, et cela se passe tous les jours dans notre pays.
C’est exactement pourquoi, pour abonder dans le sens de ce qu’a dit M. Thompson, deux de mes amis… l’un d’entre eux a été victime d’une effraction à sa résidence. Et, non, il ne cultivait pas de mari… C’était un citoyen honnête et tranquille chez qui des gens sont entrés avec des armes à feu pour le menacer parce qu’ils voulaient faire une invasion de domicile. Or, il était en voyage à l’étranger. Un autre de mes amis, que j’essaie de convaincre de témoigner, s’est fait tirer dessus par un vendeur de crack. Et, non, il n’était pas acheteur. J’espère convaincre ces deux personnes de venir témoigner à Ottawa. Si je peux les convaincre, je suis sûr que le comité sera prêt à entendre la voix de ces victimes, car moi, j’ai entendu des victimes pendant plus de 30 ans comme policier, dont six au Bureau des victimes d’actes criminels. En fait, j’ai formulé des conseils à l’intention de plusieurs procureurs généraux, dont M. Bryant.
Je crois qu’il est extrêmement important d’entendre les victimes. Je crois qu’il faut retrouver le sens des proportions. Je ne crois pas, si je me fonde sur les preuves objectives que j’ai présentées au sujet de la neutralisation — j’ai fait mention de plusieurs études, j’ai fourni des graphiques et j’ai parlé de ces questions dans cette perspective — que c’est incompatible avec le respect rigoureux de la Charte ni avec le droit de l’accusé à une défense solide et équitable. Je n’irais jamais prétendre qu’il faudrait abolir ces droits de l’accusé pour améliorer la justice et la sécurité publique.
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Merci beaucoup de m’avoir donné l’occasion de me présenter devant vous. D’après ce que je comprends, on m’accorde dix minutes, mais je n’aurai probablement pas besoin d’autant de temps.
La plupart des grandes critiques formulées à l’égard de ce projet de loi ont déjà été exprimées, probablement ce matin aussi bien que dans les résumés législatifs. Il est plutôt décourageant de constater que les problèmes sont posés de façon si lucides, et qu’on procède tout de même à l’étude de ce projet de loi. Il semble en effet que les résultats de recherches effectuées sur une période considérable, dans divers pays et dans des États distincts, soient plus ou moins rejetés du revers de la main. C’est pourquoi j’aimerais faire état de six points qu’il ne faut pas oublier, d’après moi, dans l’étude de ce projet de loi.
Premièrement, pour répondre au ministre Toews, qui a dit que les universitaires critiquaient le projet de loi sans le connaître, je suis consciente que ce projet de loi se distingue sous plusieurs aspects du modèle des trois prises qui existe aux États-Unis. En fait, cette loi s’applique uniquement à certaines infractions liées aux armes à feu, et c’est tant mieux. Mais il n’en trahit pas moins toujours un parti pris arbitraire qui consiste à faire dépendre le châtiment de l’ordre des déclarations de culpabilité et qui s’appuie sur la prétention sans fondement selon laquelle cette approche d’intransigeance supposée envers les criminels améliorera la sécurité de la population.
Pour conserver l’analogie populaire avec le base-ball, le ministre a raison: ce projet de loi n’est pas un projet des « trois prises ». Quand on regarde le résumé portant sur les peines minimales prévues dans le , on constate que pour certaines infractions, on a prévu non pas trois prises, mais deux seulement. Au base-ball, il arrive parfois que la deuxième prise donne lieu à une fausse balle qui sera malheureusement attrapée par un adversaire vigilant. On voit qu’il existe plusieurs exemples dans lesquels la deuxième prise peut aggraver la peine. Le trafic ou la possession pour trafic donne lieu à une peine de trois ans la première fois, et de cinq ans la deuxième. La modification d’une arme à feu donne aussi lieu à trois ans, puis à cinq ans. Ce sont des deuxièmes prises.
On prétend que ce projet de loi a un but de dissuasion; or ce texte contredit le principe même de l’effet dissuasif particulier, car il ne semble garantir nulle part que les déclarations de culpabilité qui seront comptées seront assez espacées pour donner au délinquant la chance de s’amender; autrement dit, on ne se donne pas la chance de faire jouer un effet dissuasif particulier après la première condamnation. Les avocats parlent du principe de Coke, selon lequel la deuxième infraction, ainsi que la peine qui y est associée, ne doit pas suivre de trop près la première infraction, donc la première condamnation.
Si nous croyons vraiment à la dissuasion et à la réadaptation, en toute justice, il faut laisser au délinquant l’occasion de s’amender avant d’aggraver ses peines. Le résumé parlementaire nous donne l’exemple d’une personne qui commet deux actes criminels avec une arme à feu. On y explique que peu importe l’ordre dans lequel les crimes ont été commis, c’est l’ordre des déclarations de culpabilité qui compte. Cette approche est particulièrement troublante pour les infractions liées à des organisations criminelles, car dans ces cas, la peine peut s’avérer extrêmement sévère, peut-être spécialement pour les jeunes qui ne sont pas traités comme des adultes. La première infraction donne lieu à une peine de cinq ans, la deuxième, de sept ans, et la troisième, de dix, alors que, dans les faits, il se peut que les actes criminels aient été commis pratiquement en même temps.
Troisièmement, ce projet de loi permet aux avocats de jouer avec la procédure pour « programmer » les condamnations afin de pouvoir réserver la peine la plus longue pour la deuxième infraction. Comme on peut le lire, encore une fois, dans le résumé, supposons qu’une personne commet deux infractions, disons simultanément ou à deux moments très rapprochés. Dans l’exemple qu’on donne, on parle de l’importation illégale d’une arme à feu et d’une entrée par effraction pour voler une arme à feu. On pourrait décider d’intenter rapidement les poursuites pour l’entrée par effraction afin que la deuxième infraction donne lieu à la peine d’emprisonnement la plus longue, soit cinq ans plutôt que trois ans. Je sais que les avocats sont habitués de se livrer à ce genre de jeu pour contourner les lois sur la peine minimale en cas de deuxième infraction pour conduite en état d’ébriété ou pour les jeux de hasard. Ce sera la même chose, mais dans un autre cadre, cette fois au détriment de toute tentative sérieuse de réadaptation.
Évidemment, en raison de mon expérience au Centre Nathanson, je suis particulièrement préoccupée par les liens entre ce projet de loi et les lois sur les organisations criminelles. L’application des lois qui portent sur les organisations criminelles est vague et générale, et maintenant, on relie ces lois à cette nouvelle loi. Oui, même si elle a résisté à certaines contestations, la nouvelle infraction de « participation », en particulier aux activités d’un gang, est extrêmement générale. Comme vous le savez, le ministère public n’est pas obligé d’établir que cette participation a effectivement accru la capacité du gang de commettre un acte. Le ministère public n’a même pas besoin d’établir que le gang a effectivement commis un acte criminel. Le ministère public n’a même pas besoin d’établir que l’accusé était au courant de l’acte auquel il a peut-être contribué, et le ministère public n’a pas besoin d’établir que l’accusé connaissait l’identité de quiconque fait partie du gang.
Maintenant, si nous prenons une personne accusée de « participation aux activités d’un gang » et si nous appliquons le projet de loi qui nous occupe, toujours sans oublier tout ce que le ministère public n’est pas obligé d’établir, une personne pourrait être accusée et déclarée coupable d’avoir participé aux activités d’un gang ayant utilisé des armes à feu prohibées ou à autorisation restreinte et écoper, dans le cas d’une première infraction, de cinq ans, dans le cas d’une deuxième infraction, de sept ans, et la troisième fois, de dix ans de prison.
Ce que je remarque, c’est que, selon toute apparence, on adopte des lois pour régler des cas particuliers ayant une grande visibilité, généralement lorsqu’il y a un enjeu politique, et on fait comme si cela allait régler le problème en question. Mais ensuite, ces lois intègrent le tronc commun de notre système de justice. C’est à cause des Hell’s Angels que l’on a adopté une loi antigang, et maintenant, les gangs de rue sont traitées comme des organisations criminelles. Il ne nous reste plus qu’à nous demander qui sont les suivants sur la liste?
Le premier élément, c’est le principe selon lequel on doit en avoir pour notre argent, et je crois que c’est justifié, compte tenu de la loi sur le contrôle des armes à feu. Nous savons déjà que les mégaprocès sont en train de noyer le système de justice. Si le système de justice réussit à surnager, c’est uniquement grâce aux négociations de plaidoyer et à l’abandon des chefs d’accusation. Les journaux d’hier annonçaient une nouvelle que nous connaissions déjà: l’aide juridique est en train de crouler sous le poids des mégaprocès des gangs. On nous dit qu’une personne célibataire qui gagne 16 000 $ n’a pas droit à l’aide juridique. Et cette loi encouragera la multiplication des mégaprocès, des procès affreusement longs, qui ont pour objet d’essayer de démontrer que l’organisation en cause était une organisation criminelle. Et des suspects n’ayant pas les moyens de se défendre devront faire face à ces accusations graves si on pense aux peines qu’ils encourront.
Les négociations de plaidoyer peuvent jouer dans deux sens, ce qui, d’ailleurs, ne contribue pas vraiment au principe de l’égalité devant la loi. On pourrait y recourir moins souvent. Ainsi, il y aura plus de procès, plus de demandes d’aide juridique, et plus de condamnations à la prison. On pourrait aussi y recourir davantage: le ministère public pourrait alors abandonner le deuxième chef d’accusation en échange d’une possibilité de peine supérieure à la peine minimale pour la première infraction. Quoi qu’il en soit, vous voyez ce que je veux dire, on sera en présence de tout sauf de l’uniformité qui, on peut le supposer, sous-tend la réflexion qui est à l’origine de ce projet de loi.
Finalement, quelle serait la solution? La loi ne traite que de peines minimales obligatoires, dont le seul but est de circonscrire la marge de manœuvre des juges et qui auront pour effet d’inciter les avocats à jouer aux petits jeux dont je viens de parler. Il y a toujours un plafond, et les juges peuvent toujours infliger des peines sévères, et ils ne s’en privent pas. Personne, nulle part, sauf peut-être aux États-Unis, ne croit que la prison est une solution au problème de la criminalité. Encore une fois, dans la documentation qui accompagne le projet de loi, on reconnaît que celui-ci entraînera la nécessité de construire des prisons.
Ce que je pense, c’est que nous devrions nous intéresser de plus près aux études qui sont faites à Toronto et ailleurs. Il faut miser sur les ressources et sur la collaboration avec les milieux qui sont aux prises avec des actes de violence liés aux armes à feu.
Les ressources doivent être consacrées à chercher sérieusement à comprendre ce que représentent ces armes à feu pour les hommes — car ce sont généralement des hommes — qui les utilisent. Les fonds destinés à construire des prisons tout en enrichissant des entreprises privées doivent plutôt être retournés aux communautés. Il faut se concentrer sur les activités policières, car la police se montre déjà très efficace pour rendre nos communautés plus sûres, sans avoir besoin de ce genre de loi.
Merci beaucoup.
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Merci beaucoup, monsieur.
Membres du comité, le Conseil canadien des avocats de la défense vous est très reconnaissant pour cette invitation. Nous nous sommes présentés devant vous à plusieurs occasions au fil des ans, et je voulais vous dire, au nom de notre organisme, qu’à notre avis, votre comité, le comité de la justice et des droits de la personne, est probablement le comité parlementaire le plus important à l’œuvre actuellement à Ottawa. Nous ne disons pas cela seulement parce que nous sommes des avocats de la défense. Nous disons cela parce que votre mandat est impressionnant.
Voici notre position: le gouvernement s’emploie à déposer plusieurs projets de loi, et ces projets de loi sont peut-être justifiés, mais il a omis de consulter. Traditionnellement, lorsque l’on conçoit un projet de loi, on passe par une longue démarche de consultation approfondie auprès des universitaires, des policiers — pas seulement des services de police municipaux et provinciaux, mais aussi de la GRC — et de tous les intéressés, y compris, et parfois de manière toute particulière, les victimes. En toute déférence, nous tenons à souligner que ce ne fut pas le cas pour ce projet de loi en particulier, ni pour d’autres projets de loi au sujet desquels nous vous avons déjà fait part de nos observations ou au sujet desquels nous prévoyons être invités à témoigner à nouveau devant vous.
Ce qui arrive ici, c’est que, sans vouloir vous manquer de respect, le gouvernement se décharge sur le comité , et le comité doit étudier des projets de loi, convoquer des personnes, et faire un travail qui aurait dû être fait avant normalement. Je ne sais pas si c’est parce que le gouvernement est pressé d’adopter ses lois. Je ne sais pas si c’est parce que c’est un gouvernement minoritaire. Mais le résultat, c’est que les travaux du comité deviennent très importants car les décisions que prendra le comité dureront pour nous beaucoup plus longtemps que n’importe quel membre de ce comité, que n’importe quel des témoignages que vous aurez entendus, que le premier ministre, que le ministre de la Justice. Vous êtes en train d’étudier un texte qui aura force de loi pendant longtemps.
Alors ce que nous vous disons — et nous le pensons sérieusement —, c’est que vous devez avoir le courage, peu importe le parti auquel vous appartenez, de dire que vous n’êtes pas convaincus que ce projet de loi changera vraiment les choses, et de ne pas laisser libre cours au jeu politique, car vous êtes en train de changer les lois du processus démocratique. Donc, si vous n’êtes pas convaincus — et je ne vois pas comment vous pourriez l’être pour le moment — que vous en avez entendu suffisamment sur les tenants et aboutissants du dossier, que vous avez pris connaissance des coûts, que vous avez tenu une vaste consultation, vous ne pouvez pas adopter ce projet de loi, cela dit en toute déférence.
Il est très important, avec tout le respect que je vous dois, de mettre de côté les aspects politiques de ce dossier. Nous savons que ce projet de loi n’est pas sans rapport avec une tuerie horrible qui a eu lieu il y a deux ans le lendemain de Noël. Certes, tous les partis ont énoncé la même position à l’époque, mais tous les partis ne se sont pas prononcés en faveur d’une absence de consultation, et c’est pourquoi vos audiences doivent constituer des consultations. Et nous vous demandons de poursuivre ces consultations.
Les peines minimales ont un effet bien précis. Elles mettent le délinquant en prison. D’accord, peut-être que ce délinquant ne pourra pas récidiver pendant le temps qu’il sera incarcéré. Évidemment, on présume ici qu’il récidivera s’il est remis en liberté. C’est un facteur que les tribunaux prennent en considération dans la détermination de la peine, car on sait que si vous mettez le contrevenant en prison — d’autres vous l’ont dit avant moi ce matin, et probablement d’autres personnes aussi —, vous n’avez plus d’argent pour le traitement dont aura besoin cette personne. La justice pénale ne repose pas sur l’isolement, or les peines minimales ont pour seul effet d’isoler le contrevenant. Il y a bien des manières d’envoyer un message en réponse à ce qui peut être perçu comme un problème dans les grandes villes ou ailleurs.
J’aimerais ajouter quelque chose avant de conclure sur ce point. Les mesures que l’on prend contre les armes à feu et les gangs, contre les problèmes de la grande ville, elles ne sont pas pertinentes dans les Territoires du Nord-Ouest. Elles ne sont pas pertinentes dans le nord de la Saskatchewan. Elles ne sont pas pertinentes au Manitoba. Pourtant, quand vous imposez des peines minimales, vous les imposez à tout le monde.
James Mahon, notre représentant à Yellowknife, m’a envoyé ce message et m’a demandé de vous le lire :
Il y a une autre conséquence dont il faut tenir compte, à savoir l’effet disproportionné que la détention peut avoir sur certains groupes démographiques. Cet aspect a été pris en compte dans l’arrêt Gladue de la Cour suprême du Canada. Ce problème est particulièrement évident chez les Autochtones du Nord. Une personne des Territoires du Nord-Ouest qui est condamnée au pénitencier sera envoyée dans un établissement fédéral du sud du Canada. Le contrevenant qui se retrouve ainsi « dans le Sud » perd à peu près tout contact avec sa famille. Bien des familles n’ont tout simplement pas les moyens d’aller visiter une personne détenue dans le sud du Canada. La liaison aérienne Yellowknife-Edmonton coûte dans les quatre chiffres, ce qui rend toute visite impossible, surtout pour les personnes qui ont des moyens limités ou qui vivent dans en région isolée. Dans le Sud, les distances sont plus courtes, et les prisonniers ne sont pas ainsi complètement coupés de leur famille.
Il ne faut pas oublier qu’on trouve dans les territoires des programmes adaptés culturellement à la réalité des contrevenants autochtones. En envoyant ces derniers dans des établissements du Sud, on les prive de ces ressources dans la plupart des cas. Sauf pour la capitale, Yellowknife, il n’y a que des petits villages, la plupart comptant moins de 1 000 âmes, dont une grande proportion est autochtone. En envoyant ces personnes dans des pénitenciers du Sud sans égard pour leur situation particulière, on renonce à tout espoir de réinsertion et on fait comme si le châtiment était la finalité première du système de justice pénale.
Nous avons reçu des commentaires similaires du Manitoba, du Nouveau-Brunswick, de la Saskatchewan et de l’Alberta.
J’aimerais conclure en disant que nous n’appuyons pas ce projet de loi. Nous croyons que si vous preniez le temps de l’étudier attentivement, vous ne l’adopteriez pas.
Cependant, c’est vous qui êtes les législateurs. Si, dans votre sagesse, vous jugez que ce projet de loi doit être adopté, nous pouvons vous aider à prendre les mesures nécessaires pour veiller au respect de l’application régulière de la loi. Nous ne prétendons pas savoir si ce projet de loi doit être adopté ou non. Cela relève de vous.
Si vous décidez de l’adopter, le Conseil canadien des avocats de la défense suggère qu’on y ajoute une disposition d’exception. Dans les principes de la détermination de la peine établis à l’article 718, on peut lire ce qui suit au paragraphe 718.3(2) :
Lorsqu’une disposition prescrit une peine à l’égard d’une infraction, la peine à infliger est, sous réserve des restrictions contenues dans la disposition, laissée à l’appréciation du tribunal qui condamne l’auteur de l’infraction, mais nulle peine n’est une peine minimale à moins qu’elle ne soit déclarée telle.
Nous vous demandons d’envisager plutôt la formulation suivante :
Nonobstant toute peine minimale prescrite, exception faite de la trahison et du meurtre, la Cour doit, avant de déterminer la peine applicable à l’accusé, se demander si la peine minimale est nécessaire au regard de l’intérêt public, des besoins de la collectivité et de l’intérêt de l’accusé, compte tenu de toutes les circonstances.
Si vous croyez que ce projet de loi doit être adopté, et si vous y ajoutez cette disposition d’exception, vous respectez la magistrature. Premièrement, vous envoyez votre message en édictant des peines minimales, mais vous respectez le juge en tant que magistrat. Vous respectez l’intérêt du public. Vous respectez les besoins particuliers de la communauté conformément à l’arrêt Gladue, nos Autochtones du Canada, et évidemment, vous respectez l’intérêt particulier de l’accusé.
Cette disposition d’exception vous permettra de répondre à une bonne part des critiques qui vous sont adressées. Elle reconnaît la disparité régionale. Ce projet de loi ne s’appliquera pas seulement dans les grandes villes. Cette disposition envoie un message au juge, mais elle lui permet aussi de faire son travail. Elle permet de tenir compte des particularités du milieu.
Merci beaucoup.
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Je me préparais à parler beaucoup plus vite, mais finalement, je vais pouvoir parler lentement pour qu’on me comprenne.
Je suis moi aussi administrateur provincial de l’Association des avocats criminalistes. Cette association regroupe un peu plus de 1 000 avocats de l’Ontario. Je représente l’association au Conseil canadien des avocats de la défense, et à ce titre, je suis membre du conseil d'administration de ce dernier. L’Association des avocats criminalistes de l’Ontario a aussi présenté son propre mémoire au comité , et je vous le recommande.
Je pratique le droit comme avocat de la défense depuis 25 ans dans la ville de London, et j’ai plaidé auprès de toutes les instances judiciaires en Ontario. Le point de vue que je vous présente aujourd’hui est celui d’une personne qui connaît bien la pratique du droit pénal dans cette province. J’ai représenté des personnes accusées — parfois acquittées, parfois condamnées — de crimes commis avec une arme à feu, et les commentaires que je vais exprimer sont inspirés de cette expérience.
J’abonde évidemment dans le sens de ce qu’a dit M. Trudell, mais j’ai aussi regardé le projet de loi en fonction de ma propre expérience, et il y a un certain nombre de choses sur lesquelles j’aimerais attirer votre attention, et quelques questions que j’aimerais vous poser. C’est une déformation professionnelle: un avocat de la défense, ça pose des questions. Ma première question est la suivante: pourquoi? Pourquoi cette loi? Qu’est-ce qu’on essaie de faire avec cette loi?
Eh bien, à première vue, ce qu’on essaie de faire, c’est de prendre au sérieux les crimes graves. C’est ce qu’on nous répète constamment depuis un certain temps. Mais est-ce que c’est ce que la loi fait vraiment? Essayons de voir un peu en profondeur.
Pourquoi le nombre de crimes commis avec des armes à feu a-t-il augmenté, si tant est qu’il a effectivement augmenté? Pourquoi les crimes commis avec une arme à feu représentent-ils un problème auquel il faut s’attaquer? Cette loi répond-elle à ces questions? À mon humble avis, non.
Je représente des personnes qui sont accusées d’avoir commis des crimes avec des armes à feu, et quand je les regarde dans les yeux, que ce soit à travers les barreaux d’une cellule ou de l’autre côté de mon bureau, je me pose toujours la question suivante : pourquoi cette personne a-t-elle commis ce crime, si elle est effectivement coupable? Pourquoi l’accuse-t-on de ce crime? Qu’est-ce qui se passe, exactement? C’est le genre de question de fond qu’il faut se poser si on veut se donner un projet de loi qui assure la sécurité de la population.
Il y a des degrés de criminalité, même pour les crimes commis avec une arme à feu, et il y a des causes profondes à cet état de fait. On n’en tient pas compte dans le projet de loi. Tant que ce ne sera pas fait, à mon humble avis, tout ce que l’adoption du projet de loi va faire, c’est donner à la population un faux sentiment de sécurité. Il faut d’abord comprendre ce qui pousse le délinquant sur la voie du crime.
Faisons un saut de 30 ans en arrière. Il semble qu’il n’y avait pas autant de crimes commis avec des armes à feu à l’époque qu’aujourd’hui au Canada. Nous avions le même Code criminel, et c’était un Code criminel sans peine minimale obligatoire. Au milieu des années 1990, le gouvernement libéral a instauré des peines minimales de quatre ans pour les vols qualifiés et de un an pour la possession de certaines armes à feu. Or le problème perdure. Ma question est toujours la même: pourquoi?
Autrement dit, nous aurions peut-être avantage à nous demander ce que nous pourrions faire non seulement pour punir les criminels mais aussi pour enrayer le crime à la base. Il faut se pencher sur les problèmes de pauvreté, de scolarisation, d’aide sociale. C’est peut-être une tâche trop ambitieuse pour un simple comité, et c’est une tâche beaucoup plus coûteuse pour un parlement. En effet, ça coûte cher d’instaurer des programmes de justice sociale, des programmes de lutte contre la pauvreté, des programmes de scolarisation. Pour mettre un terme à ce fléau, il faut se demander comment il se fait que les enfants de notre société en viennent à considérer qu’il peut être acceptable de commettre des actes de violence avec une arme à feu.
Il n’y a pas si longtemps, il était socialement acceptable de fumer, dans notre pays. Il existe encore des fumeurs, mais pour enrayer le tabagisme, on n’a pas eu besoin de punir les fumeurs : on a plutôt choisi de rendre le tabagisme socialement inacceptable.
Le nombre de cas de conduite en état d’ébriété a diminué. Dans ce cas, les châtiments sont plus sévères, mais si vous regardez autour de vous, vous savez qu’une des raisons qui explique cette baisse, évidemment, c’est qu’il est devenu socialement inacceptable d’être cette personne qui prend le volant et pourrait tuer quelqu’un.
Donc, nous devons nous poser la question suivante — et je n’ai pas la réponse: qu’est-ce qui rend les armes à feu si attrayantes? Ce n’est pas le fait que le Code criminel soit indulgent. Mes clients ne commettent pas ce genre de crimes parce qu’ils croient qu’ils ne seront pas punis. Ils ne pensent pas à cela. Ils pensent au risque de se faire pincer… Vous avez déjà entendu cette idée de la part d’autres personnes venues témoigner devant vous ou d’autres personnes, mais la dissuasion la plus efficace vient de la peur de se faire arrêter, et non de la sévérité de la peine.
Donc, ce que je dis, c’est que le simple fait d’imposer une peine minimale et de croire arbitrairement qu’il suffirait peut-être de fixer les peines à cinq ans, sept ans et dix ans pour enrayer le crime, c’est une croyance qui ne repose sur aucune preuve concrète.
Même si vous adoptez le projet de loi pour cette raison, vous ne vous attaquez pas à la cause profonde de cet horrible incident du lendemain de Noël à Toronto. Il ne s’est pas produit parce que quelqu’un a dit : « Comme on se montre indulgents à l’égard des criminels, je vais en profiter pour aller tirer dans les rues. » Je crois que quelqu’un serait extrêmement naïf de croire que c’est la cause ou le corollaire et que l’imposition d’une peine plus sévère aura un effet, au cas où quelqu’un ne songe pas aux conséquences de la perpétration d’un crime. Nous devons comprendre pourquoi ces jeunes gens étaient ou n’étaient pas là, à quoi ils ont pensé et pourquoi c’était acceptable pour eux. Pourquoi la violence mettant en jeu des armes à feu est-elle tolérée? Quelle en est la cause profonde? C’est la question capitale qui exige que nous menions les consultations et est aujourd’hui à l’étude.
Je souligne deux points à l’appui de ma position. Premièrement, vous connaissez tous New York, naturellement. Il y a de nombreuses années, je crois qu’aucun d’entre nous n’aurait songé à s’aventurer sur Times Square dans la soirée. Maintenant, Times Square est peut-être l’un des endroits les plus sûrs aux États-Unis. Pourquoi? Ce n’est pas à cause de l’imposition de peines minimales obligatoires. C’est parce que la présence policière sur Times Square a été très renforcée. Il y a des policiers à tous les cent pieds et un poste de police.
C’est la crainte d’être pris et la présence des policiers qui dissuadent de commettre un crime dans ce cas. Je le signale parce que cela montre encore une fois que c’est la détection du crime qui est importante.
J’attire votre attention sur l’article 230 du projet de loi, qui a trait au meurtre et qui pourrait poser un problème. Ce projet de loi crée la nouvelle infraction de l’introduction par effraction pour voler une arme à feu. Selon le projet de loi, l’homicide coupable est un meurtre lorsque la mort d’un être humain résulte de la perpétration d’autres infractions, dont celle-ci. Une autre de ces infractions est le vol qualifié dont il est question à l’article 343 du Code criminel.
Je crois que le comité doit se rendre compte qu’il y a plusieurs années, dans l’arrêt Vaillancourt, la Cour suprême du Canada a invalidé le vol qualifié comme pouvant constituer un meurtre imputé. Par conséquent, je suis d’avis et je soutiens que la disposition sur l’introduction par effraction pour voler une arme à feu subira probablement le même sort. Qu’est-ce que cela veut dire? Cela signifie que, comme l’a mentionné M. Trudell, si on avait tenu les consultations que nous suggérons, quelqu’un aurait pu signaler que cet article est probablement inconstitutionnel à sa face même en ce qui concerne ces deux dispositions, dont l’une a déjà été invalidée.
Franchement, il semble y avoir eu un manque de rigueur dans la rédaction de ce projet de loi. Tout d’abord, il n’était pas nécessaire d’inclure cette disposition. Nous avons déjà exprimé notre position selon laquelle il aurait fallu tenir des consultations avant de proposer de telles dispositions…
Nous sommes des avocats de la défense au pénal. Nous défendons des gens accusés de crimes. Mais nous sommes également des citoyens de notre pays. Nous avons une famille, un foyer et des biens. Nous sommes intéressés à ce que le Canada soit un pays sûr. Nous sommes ici pour y contribuer. Le message que nous vous adressons aujourd’hui est que nous demeurons prêts à le faire, mais vous ne rendrez pas les rues plus sûres en adoptant le projet de loi .
Vous devez consulter davantage. Vous devez étudier les causes profondes de la criminalité. C’est de cela qu’il vous faut vous occuper.
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Je pourrais peut-être ajouter quelque chose.
Un des problèmes actuels du système de justice pénale est qu’en ajoutant ce type de peines minimales à certaines dispositions, le système devient plus complexe et plus rigoureux. Il y a 15 ou 20 ans, nous n’étions pas habitués aux mégaprocès. C’est une nouvelle réalité et le système de justice pénale doit déterminer comment gérer la situation à la façon d’une entreprise.
Je crois que le comité directeur sur l’efficacité et l’accès en matière de justice a examiné la question des mégaprocès et du système de première ligne. Mais il faut réfléchir davantage à la façon de gérer ces procès avant leur instruction par les tribunaux, plutôt qu’attendre après pour y mettre un frein. Tous les intervenants doivent donc retourner en arrière et examiner les répercussions de ces mégaprocès.
Quelquefois, les avocats de la défense sont critiqués parce qu’ils prennent trop de temps, mais c’est une autre question. Songez à ce qui s’est produit hier à Montréal. Combien de personnes ont été arrêtées — environ 70? C’est un fardeau pour les contribuables. Franchement, je suis certain que parmi les accusations déposées, certaines avaient trait à l’utilisation d’armes à feu. Le système reçoit un coup lorsque des accusations sont déposées à la suite d’une enquête de pareille envergure.
Actuellement, le système de justice pénale subit des pressions très fortes et c’est une des raisons pour lesquelles je vous exhorte à examiner s’il n’y a pas lieu d’amender ce projet de loi, car il ne fera qu’ajouter aux pressions exercées sur le système de justice. Ce projet de loi donnera aux poursuivants le pouvoir discrétionnaire de procéder par déclaration sommaire de culpabilité pour éviter l’imposition de la peine minimale. Faites comparaître des poursuivants dans cette salle de réunion, pas le procureur général. Demandez aux poursuivants s’ils veulent disposer de ce pouvoir discrétionnaire.
Je vous soumets respectueusement que c’est une erreur et qu’ils n’en veulent pas. En définitive, ce sont les policiers et les poursuivants qui vont vraiment décider ce qui se produira. Or, notre système n’est pas structuré pour que cela se produise. Les poursuivants ne perdent jamais et ne gagnent jamais; ce sont des agents du système de justice. Avant de secouer le système en adoptant de nouvelles dispositions qui semblent refléter ce dont le public a besoin ou ce que le public veut, nous devons vraiment déterminer si ces dispositions s’accordent avec l’ensemble du système.
Je sympathise vraiment avec les victimes qui se trouvent coincées dans cette situation. Néanmoins, nous devons être francs avec elles. Nous devons leur dire qu’il n’y a pas de solutions rapides. Si 50 victimes disent « je veux que les peines soient plus sévères, je veux une justice vengeresse », vous pouvez trouver 25 autres victimes qui diront « je veux une justice réparatrice ». C’est dans cette direction que le Canada se dirige.
Ce sont des questions complexes qui comportent plusieurs aspects. C’est pourquoi je reviens sur ce que j’ai déjà dit. Ce n’est pas pour faire votre éloge. Vous avez un travail difficile à accomplir, car ce que vous déciderez au sujet de ce projet de loi aura des effets sur mes enfants et vos enfants pendant longtemps.
Je m’adresse surtout à M. Rady, mais vous pouvez tous mettre votre grain de sel.
Tout d’abord, je veux rappeler à M. Rady que c’est vrai que l’ajout de policiers à New York a réduit considérablement la criminalité, mais derrière cela, il y avait la doctrine de la fenêtre brisée. Les autorités et les législateurs ont pris la décision que si vous brisez une fenêtre, vous allez en prison. Si vous faites des graffitis sur le mur, on vous ramasse et on vous jette en prison. Cette décision nécessitait plus de policiers, les deux allaient assez bien de pair, et c’est un endroit très sûr. Nous oublions le fait qu’une décision a été prise concernant ce qu’il fallait faire.
En ce qui concerne les causes profondes, je vous dirais que nous en avons beaucoup discuté et que nous avons entendu énormément de choses à ce sujet. Quand j’ai été élu pour la première fois en 1993, je me suis assis avec Allan Rock et nous nous sommes assez bien entendus pendant un bon moment. Nous avions l’habitude de parler beaucoup des causes profondes.
Oui, je suis d’accord que nous devons nous attaquer aux causes profondes. Nous avions l’habitude d’établir nos listes. J’étais assis aujourd’hui après que vous ayez fait votre présentation sur les causes profondes dans laquelle vous avez parlé de la pauvreté, puis je me suis souvenu de mon grand-père qui me disait que les Années folles, dans les années 1920, avaient été une période terrible pour la criminalité et pourtant, le problème s’était vraiment estompé au cours de la grande dépression. Parlant de pauvreté, il y avait beaucoup moins de crimes que pendant les Années folles. Quel lien cela a-t-il avec notre conversation, je ne sais pas.
Puis nous avons parlé de Hollywood et de la violence dans les films et de la WWF — mon Dieu, avez-vous vu les combats extrêmes à la télévision dernièrement? C’est violent. Dans toutes ces choses, il y a peut-être une cause.
Nous savons que la drogue existe. On m’a dit à maintes reprises que la population des pénitenciers baisserait radicalement si ce n’était de l’alcool et pourtant, nous avons pris des décisions faisant en sorte que nos bars devraient rester ouverts sept jours sur sept plutôt que seulement six et qu’ils devraient rester ouverts jusqu’à 3 heures ou 4 heures du matin au lieu de fermer à 11 heures ou minuit le soir. Toutes ces décisions sont des causes profondes.
La pédopornographie est partout. Elle empoisonne encore plus les esprits malades. Elle les pousse à mettre en scène leurs fantasmes et des choses catastrophiques se produisent. C’est une cause profonde.
Pourtant, chaque fois que nous essayons de faire quelque chose à ce sujet, nous voyons les cours prendre des décisions différentes qui nuisent à cet effort, comme dans l’affaire John Sharpe. Elle a eu tout un effet et je crois honnêtement que nous avons travaillé fort avec les libéraux pour faire quelque chose contre la pédopornographie. Cette décision a fait en sorte qu’il était pratiquement impossible d’agir à ce sujet.
Pouvez-vous imaginer ce qu’on va faire à propos de l’alcool? Rétablir la prohibition? Ça ne fonctionne pas, on nous l’a répété des centaines de millions de fois. Il y a toujours une autre cause profonde difficile à régler.
Quand vous épluchez toutes les causes profondes... Je ne peux absolument pas m’expliquer une cause profonde qui justifierait qu’un humain prenne une arme à feu pour mettre en danger, menacer ou porter préjudice à la vie d’un citoyen de ce pays. Je ne peux trouver une cause profonde et pourtant, nous insistons sur la façon dont nous devons nous attaquer aux causes profondes.
M. Trudell a mentionné que les décisions sont prises pour des raisons politiques et je serais d’accord que c’est souvent le cas. Nous étions tous là sur la scène en janvier et nous avons dit que nous allions faire quelque chose à propos de la criminalité et de ces armes à feu, nous devons le faire et nous allons le faire. Voilà, nous avons été élus et nous sommes maintenant ici à essayer de faire quelque chose à ce sujet, parce que je ne peux pas trouver de cause profonde ou de justification pour prendre une arme à feu et blesser des gens, nous devons créer une quelconque législation pour nous occuper de ceux qui choisissent de le faire.
Arrive ainsi le — je n’ai entendu aucune autre solution qui m’apparaît plus logique — parce que maintenant, nous avons un texte législatif qui vise ce que je sais être une cause profonde, c’est-à-dire le criminel. Voilà, les criminels sont vraiment une grande partie de la cause profonde de la criminalité.
Occupons-nous-en, c’est ce que nous avons à faire en tant que législateurs.
Cependant, pour en parler en termes de « nous devrons nous attaquer aux causes profondes », mon Dieu, je pourrais vous en énumérer toute une liste. Nous avons essayé de le faire. Ça ne fonctionne pas. Nous avons essayé de protéger les victimes quand il est question de pornographie, quand il est question de liberté d’expression, quand il est question de la liberté de pouvoir exploiter un bar et de présenter à la télévision ce que vous voulez et d’écouter tout le hard rock que vous voulez quand vous le voulez. Nous savons que cela a été une cause.
Je crois que nous faisons vraiment fausse route à ce sujet, parce que je ne peux simplement rien trouver qui justifie de prendre une arme à feu et de blesser des gens.
Bonjour. Hello.
Je m’appelle Fiona Sampson. Je suis la directrice des litiges au FAEJ, le Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes.
Je suis ici aujourd’hui pour vous parler, j’ai cru comprendre, pendant dix brèves minutes. J’ai trois points importants à faire, je vais donc entrer immédiatement dans le vif du sujet.
Je veux commencer en vous parlant un peu du FAEJ puis je résumerai les trois principales raisons pour lesquelles le FAEJ s’oppose à l’adoption du .
Le FAEJ, le Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes, est un organisme national sans but lucratif voué à la promotion des droits à l’égalité des femmes au Canada. Principalement, nous le faisons en invoquant l’article 15 de la Charte et les garanties d’égalité qu’il renferme.
Au cœur de notre mandat est l’interprétation, endossée par la Cour suprême du Canada, selon laquelle l’article 15 oblige le gouvernement fédéral à la fois à protéger les droits garantis contre la discrimination et les droits à l’égalité prévus dans l’article 15 et à faire la promotion ce ces droits.
Quant aux trois principales raisons pour lesquelles le FAEJ s’oppose à la mise en œuvre et à l’adoption du , lesquelles, en fait, sont exposées dans les mémoires que nous avons fait parvenir au Comité de la justice, et je crois comprendre que vous ne les avez probablement pas devant vous parce qu’ils n’ont pas encore été traduits, vous pouvez les attendre avec impatience — ils s’en viennent — la première raison pour laquelle le FAEJ s’oppose au projet de loi C-10, c’est que ce projet de loi ne fait rien pour réduire la violence faite aux femmes. Si l’objet du projet de loi C-10 consiste à réduire la violence, il n’y parvient pas à l’égard des femmes.
Les femmes sont victimes de violence à cause de leur condition sociale, économique et politique inégale au Canada, une condition qui découle de leur réification, de leur impuissance, de leur dévalorisation, qui découlent toutes de leur condition de citoyennes de deuxième classe qui nous laisse vulnérable à la violence. C’est la cause de la violence contre les femmes. Le projet de loi C-10 et les peines minimales obligatoires relatives aux armes à feu ne font rien pour réduire cette source de violence contre les femmes.
Bien sûr, le FAEJ est en faveur de la réduction de la violence et de la criminalité, mais ce qui se produit avec le projet de loi C-10 et les peines minimales obligatoires rattachées aux armes à feu, c’est qu’elles arrivent trop tard pour être d’un réel secours aux femmes. Les peines sont imposées après le fait. Elles ne font rien pour prévenir la violence et elles arrivent à un moment où les femmes ont déjà été victimes de violence; elles n’ont donc véritablement aucune utilité.
Bien sûr, les femmes et le FAEJ sont conscientes de la violence qui est associée aux armes à feu et nous nous y opposons. Il y a un lien intrinsèque entre la violence mettant en jeu des armes à feu et la masculinité et la violence faite aux femmes, et c’est évident quand vous jetez simplement un coup d’œil aux statistiques : 85 p. 100 des armes à feu au Canada appartiennent à des hommes et 30 p. 100 des victimes d’armes à feu au Canada sont des femmes. C’est quelque chose qui préoccupe et afflige le FAEF et le FAEF est en faveur du contrôle des armes à feu pour régler cette préoccupation et nous sommes en faveur des mesures qui retirent les armes à feu de la circulation, mais le fait de rattacher des peines minimales obligatoires aux armes à feu ne règle pas ce problème.
Notre deuxième point principal concernant notre opposition au est principalement lié au désavantage qui est associé au projet de loi C-10 et, nous le prédisons, un désavantage qui sera ressenti à cause de la mise en application du projet de loi C-10.
Le projet de loi C-10 est un exemple classique de l’échec du gouvernement fédéral, si le projet de loi était adopté, de protéger et promouvoir vraiment les droits à l’égalité, l’obligation même que la Cour suprême a reconnue que l’article 15 de la Charte conférait au gouvernement fédéral.
Ce qui arrive vraiment avec quelque chose comme le projet de loi C-10 et l’imposition de peines minimales obligatoires assorties aux armes à feu, c’est le fait qu’ils ciblent des groupes déjà défavorisés. Si je puis attirer votre attention à... Eh bien, vous n’avez pas encore les mémoires, mais vous les aurez bientôt. Le Rapport de la Commission sur le racisme systémique dans le système de justice pénale de l’Ontario a révélé que les Noirs sont déjà surreprésentés parmi les détenus ayant été accusés de possession d’armes, alors nous savons qu’en ciblant les crimes mettant en cause des armes à feu en rattachant des peines obligatoires à ces crimes en particulier, le projet de loi visera des Noirs de façon disproportionnée.
Le projet de loi touchera également les Autochtones de façon disproportionnée. Nous savons déjà que les Autochtones sont représentés de façon disproportionnée dans le système de justice pénale et dans les prisons, ils seront donc encore plus désavantagés si le était adopté, en particulier l’article du projet de loi C-10 qui lie l’imposition de peines obligatoires aux personnes qui ont déjà commis des infractions. Si vous allez à la note en bas de page 18 du mémoire du FAEJ, nous avons toute une liste de sources primaires et secondaires à votre disposition pour étayer ce point. Donc la preuve est là.
Parfois, les promoteurs des peines minimales obligatoires y voient une forme d’égalité et sur un plan, il est possible d’y voir une forme d’égalité. C’est ce que nous appelons l’égalité formelle; le projet de loi s’applique également à toutes les personnes. Un autre exemple d’égalité formelle est visible dans une situation où vous avez un bâtiment qui a été conçu de manière à n’être accessible qu’en empruntant des escaliers. Les architectes de ce dessin qu’il est également accessible à tous, que tout le monde peut y entrer, qu’on n’empêche personne d’y entrer. Il n’y a aucune affiche disant que certains groupes sont exclus mais si vous êtes dans un fauteuil roulant, vous êtes essentiellement exclu. Donc, en apparence, il est accessible à tous, mais dans les faits, ce n’est pas le cas.
C’est une théorie similaire que vous pouvez appliquer aux peines minimales obligatoires. Elles ont l’apparence d’être applicables à tous et elles ont l’apparence d’être équitables, mais en fait, ce qui se produit, c’est que parce qu’elles ciblent des personnes qui sont déjà prédisposées au désavantage, qui sont déjà surcriminalisées, elles entraînent un nouveau désavantage et, comme le FAEJ l’affirmerait, de la discrimination. Donc, c’est un problème.
L’autre raison pour laquelle le projet de loi peut être interprété comme étant injuste plutôt qu’équitable est le racisme préexistant qui, nous le savons, guide et caractérise le système de justice pénale au Canada. Toutes les instances judiciaires, les commissions royales, les enquêtes de justice, les recherches indépendantes et les recherches universitaires — nous les avons toutes — fournissent des preuves que le système de justice pénale au Canada est caractérisé par le racisme et les peines minimales obligatoires rattachées aux armes à feu perpétuent cet état des choses. C’est donc un autre problème et une autre raison pour laquelle le FAEJ s’oppose à la mise en œuvre du projet de loi .
En fait, le problème avec le projet de loi , c’est qu’il ne fait rien pour promouvoir ou protéger l’égalité. Il ne fait que perpétuer le désavantage et l’inégalité et il cible vraiment et individualise le problème au lieu de s’attaquer aux causes sociales du problème.
C’est le troisième point que le FAEJ souhaiterait faire passer à l’égard de notre opposition au projet de loi . En vérité, selon le FAEJ, ce qui serait de beaucoup préférable aux mesures punitives rattachées au projet de loi C-10, ce sont des mesures préventives et l’examen des causes sociales de la violence et de la criminalité et des actes criminels mettant en jeu des armes à feu, en particulier. Plus particulièrement, nous appuierions des mesures qui favoriseraient le développement des collectivités et l’augmentation des possibilités d’éducation et d’emploi et l’amélioration des programmes de développement communautaires qui créeraient des possibilités pour les personnes déjà désavantagées.
Ce sont définitivement des solutions à long terme. Ce ne sont définitivement pas des bricolages rapides et ce ne sont pas des solutions faciles à vendre. Elles ne font pas gagner des votes de la même façon qu’un bricolage rapide comme les peines minimales obligatoires rattachées aux armes à feu peuvent acheter des votes. Cependant, elles sont vraiment beaucoup plus efficaces, elles sont beaucoup plus à long terme et elles ont un effet réel de promotion et de protection de l’égalité pour les personnes défavorisées. C’est pourquoi le FAEJ appuie cette approche plutôt que l’approche de mesures punitives qui sous-tend les peines minimales obligatoires.
Pour conclure, je voudrais simplement lire une citation de Helene Dumont, tirée de l’article qu’elle a publié dans le Osgoode Hall Law Journal en 2001 et qui saisit vraiment la position du FAEJ sur le projet de loi . La citation figure sur la page couverture de notre mémoire, vous aurez donc la chance de l’apprécier par vous-même. Helene Dumont écrit :
Comment nos lois pénales peuvent-elles mieux prendre en compte la préoccupation du public pour la sécurité tout en satisfaisant à son désir d’une société démocratique basée sur la paix, la liberté, la tolérance et la justice? Pour accomplir cet objectif, les législateurs et le public canadien dans son ensemble devraient essayer d’appliquer davantage la raison que la peur lors de l’élaboration du droit pénal — l’infrastructure de la sécurité. Ils doivent reconnaître le pouvoir symbolique et politique des lois pénales et déterminer l’efficacité de chaque mesure punitive pour ce qui est d’assurer la sécurité personnelle et publique. Enfin, les législateurs doivent opter pour les solutions qui produiront une société paisible, libre, tolérante et juste. [TRADUCTION]
Donc, sous réserve des questions que vous pourriez avoir, ce sont là nos arguments.
:
Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité.
Une fois encore, merci de m’avoir invité. Comme je l’ai dit à Mme Diotte, je suis très reconnaissant que vous ayez fait la moitié du chemin, en venant à l’aéroport de Toronto puisque la dernière fois, j’ai dû faire tout le trajet jusqu’à Ottawa.
Bien entendu, à l’AJO, nous ne formulons pas de position officielle sur les mérites ou d’autres aspects du projet de loi. Je suis ici pour répondre aux deux questions du comité formulées par Mme MacKay, si j’ai bien compris. Premièrement, je parlerai des effets anticipés sur les coûts relatifs à l’aide juridique si ce projet de loi était adopté et mis en application. Deuxièmement, je ferai quelques brèves remarques de haut niveau sur la situation financière générale de l’AJO. Le moment est opportun, puisque nous avons fait parler de nous cette semaine.
J’ai assisté à presque tous les débats de la journée et j’ai entendu le chef Blair et le procureur général ce matin. Je veux d’abord vous rappeler deux remarques qu’ils ont formulées ce matin.
Le chef Blair a longuement parlé des poursuites relatives aux armes à feu, aux gangs et à d’autres projets et des effets qu’elles ont dans la ville de Toronto. Il a insisté sur le fait que ces poursuites ont une incidence sur toutes les composantes du système de justice. Il a mentionné qu’elles imposent des demandes énormes à Aide juridique Ontario et je veux confirmer la véracité de cette affirmation.
Deuxièmement, quand le ministre a parlé, il a appuyé ce projet de loi et il a dit à deux occasions que nous devons tout faire. Aide juridique Ontario seconde cette affirmation. Nous croyons que tout faire comprend assurer la défense de ces accusations, ce qui bien entendu est le droit légal et le droit garanti par la Charte des accusés pauvres qui font face à ces accusations. Je veux confirmer l’affirmation du ministre selon laquelle la défense de ces accusations est suffisamment financée.
Ce que nous constatons à l’aide juridique, c’est que toutes les initiatives en matière de justice créent de nouvelles pressions en faveur de policiers plus nombreux, de peines d’emprisonnement plus nombreuses, de peines d’emprisonnement plus longues, d’enquêtes plus nombreuses au moyen de l’écoute électronique et de peines minimales obligatoires plus nombreuses. Tout ceci fait augmenter les coûts pour Aide juridique Ontario et, en fait, pour tous les régimes d’aide juridique au pays.
Quand ce projet de loi a été présenté pour la première fois à Aide juridique Ontario, nous avons tenté, de concert avec des fonctionnaires du ministère du Procureur général, de calculer les répercussions probables sur nos coûts. Au meilleur de notre connaissance, nous évaluons que ce projet de loi augmentera les coûts à Aide juridique Ontario d’environ 382 000 $ par an. Ce chiffre est fondé sur des données objectives et une analyse professionnelle. Le consensus des responsables du régime d’aide juridique et du ministère est que les peines plus sévères et, en particulier, les peines minimales obligatoires, multiplieront les procès.
En 2005-2006, les cours de l’Ontario, et en particulier la Cour de justice de l’Ontario, soit l’instance provinciale où toutes les poursuites pénales commencent, ont été saisies de 2 346 accusations relatives aux armes à feu. Fait intéressant à souligner, les accusations de cette nature comportent déjà un taux de procès très élevé, en ce sens que 17 p. 100 seulement des accusés faisant face à ces accusations plaident coupable. Cela signifie qu’en 2005-2006, il y a eu environ 400 plaidoyers de culpabilité. Nous sommes arrivés au consensus qu’environ les trois quarts de ces dossiers iront probablement en procès lorsque l’accusé est exposé à des peines minimales obligatoires. De plus, entre 2004-2005 et 2005-2006, nous avons constaté que les accusations relatives aux armes à feu ont augmenté d’environ 19 p. 100 dans le système judiciaire d’Ontario.
Donc, pour ces calculs, nous avons supposé qu’il y aurait encore une augmentation de 19 p. 100 en 2006-2007, ce qui signifierait que si le projet de loi était en vigueur, il y aurait 356 accusations de plus à traiter par procès par année en Ontario. Cela signifie 170 nouveaux procès parce qu’en moyenne, dans le système judiciaire, chaque prévenu fait face à deux accusations. Vous prenez donc le nombre d’accusations et vous le divisez par deux pour obtenir le nombre de personnes qui subiront un procès.
Pour ces catégories d’infractions, environ 94 p. 100 des accusés reçoivent un certificat d’aide juridique. Pour ces 178 personnes faisant face à ces accusations, 167 d’entre elles sont susceptibles d’avoir doit à l’aide juridique. D’après nos données sur les coûts et les instances judiciaires, en moyenne, nous prévoyons qu’il y aura quatre jours de procès par affaire à quatre heures par jour, plus sept heures de temps de préparation, donc 25 heures de plus en tout par dossier.
Au total, ce sont 25 heures fois 167 procès fois 83,10 $ l’heure, le taux moyen de l’aide juridique, pour un coût estimatif total de 346 900 $. Dans ces calculs, il est normal d’ajouter un facteur pour les frais d’administration. À Aide juridique Ontario, ce facteur est 10 p. 100 ce qui donne un total d’un peu moins de 382 000 $. Nous espérons que le ministre de la Justice gardera ce chiffre en tête quand viendra le moment de renouveler l’accord fédéral-provincial de partage des coûts pour l’aide juridique en matière pénale, parce que des chiffres de ce genre seront répétés dans l’ensemble du pays.
On m’a aussi demandé de formuler des observations sur les pressions financières auxquelles Aide juridique Ontario est confrontée. D’après les conversations que j’ai eues avec des collègues des quatre coins du pays, je sais que tous les régimes d’aide juridique sont confrontés à des pressions financières, mais à Aide juridique Ontario en particulier, nous sommes actuellement confrontés à des pressions très sévères.
Dans l’immédiat, vous avez peut-être eu connaissance de communiqués de presse indiquant qu’en date de la fin du premier semestre de l’année, Aide juridique Ontario avait dépassé son budget de 10 millions de dollars pour le programme de certificats, le programme qui comprend la couverture en matière pénale. Je peux vous dire que notre analyse de cette situation révèle qu’elle est causée en grande partie par les pressions liées aux armes à feu et aux gangs, ainsi qu'aux poursuites dans le cadre des projets dont vous avez entendu parler ce matin. En fait, nous prévoyons que si nous ne faisons rien, le coût pour l’aide juridique pourrait être jusqu’à 10 millions de dollars plus élevé que le budget prévu pour la partie de notre programme de certificat réservée aux causes d’envergure.
Cette année, le budget de ce programme est de 19 millions de dollars. Pour l'instant, il semble que nous dépenserons 25 millions de dollars et, si nous n'avions pris aucune mesure à ce chapitre, nos dépenses pourraient atteindre 29 ou 30 millions de dollars cette année. Cela représente une pression de l'ordre de 10 millions de dollars pour l'exercice en cours. C'est la situation à court terme.
À long terme, nous subissons des pressions constantes liées au nombre de dossiers de droit pénal et de droit de la famille. Notre demande est déterminée par le nombre de personnes qui entrent en contact avec le système judiciaire. Les niveaux d’activités dans les cours criminelles augmentent de façon générale dans l’ensemble de la province.
Les nouvelles instances criminelles sont passées de 540 000 nouvelles accusations en 2003-2004 à 580 000 en 2005-2006 et la hausse se poursuit cette année, en grande partie à cause de l’embauche de 1 000 nouveaux policiers dans l’ensemble de la province. Cela signifie que les certificats en matière pénale sont passés de moins de 61 000 certificats il y a deux ans à 65 500 certificats dans la même période l’an dernier et cette pression demeure intense.
Nous fonctionnons avec un budget limité. Nous avons un nombre ciblé de certificats que nous sommes autorisés à délivrer chaque année. Les augmentations et les pressions dans le domaine du droit pénal limitent notre capacité à satisfaire aux demandes dans d’autres domaines de droit assujettis à des certificats, en particulier en droit de la famille.
Le nombre de poursuites devant les tribunaux de la famille augmente et ont augmenté, par exemple, de 6 p. 100 entre 2004-2005 et 2005-2006, ce qui ajoute aux pressions qui s’exercent dans le programme de certificat. Pour composer avec cette situation, nos taux de refus dans le domaine du droit de la famille, c’est-à-dire le pourcentage de demandeurs d’aide juridique en matière familiale, s’établit maintenant à 35 p. 100 des demandeurs.
De plus, nous sommes confrontés à des niveaux de recettes variables et l’an prochain, nous prévoyons une réduction des recettes provenant de la Fondation du droit par suite de la modification des taux d’intérêt et de l’activité économique. Nous prévoyons que la diminution sera de l’ordre de 8 millions de dollars à 10 millions de dollars.
Depuis quelques années, le financement de base d’AJO n’a pas augmenté. Nous avons absorbé 44 millions de dollars de coûts liés à l’inflation et aux augmentations salariales avec le même financement de base. Toutefois, comme le procureur général l’a dit ce matin, AJO a obtenu une augmentation de 25 millions de dollars de son budget au cours des quatre dernières années, mais il s’agit en fait de fonds liés à des augmentations spécifiques dans le programme des avocats de service pour financer l’ouverture de trois bureaux de droit criminel et pour financer les hausses de taux qui ont été approuvées en 2002 et 2003.
AJO n’a plus de réserves ni d’économies. Nous sommes donc au bord d’un précipice assez raide, sous l’impulsion des poursuites liées aux armes à feu, aux gangs et à d’autres projets. Ce projet de loi aggravera les pressions financières auxquelles nous sommes confrontés et nous espérons que le Parlement en prendra bonne note et approuvera l’augmentation du financement destiné aux accords fédéraux-provinciaux de partage des coûts en matière pénale.
Donc, pour me résumer, nous faisons face à des pressions à court terme, à l’augmentation de la demande à long terme, sans augmentation du financement de base et avec des recettes variables. C’est une situation difficile
Je vous remercie.
Je m’excuse à nouveau de mon retard. Je présente également des excuses au nom de Marisha Roman, notre vice-présidente, avec laquelle j’étais à Ottawa le mois dernier. Elle aurait tant voulu être ici aujourd’hui, mais, frappée par la grippe ce matin, elle a dû quitter son travail et a été incapable de se présenter ici.
Nous sommes honorés de comparaître encore une fois devant le comité permanent de la justice et des droits de la personne. Comme notre dernière comparution remonte à un mois seulement, nous vous épargnons les détails sur notre organisation croyant qu’ils sont encore frais dans votre mémoire. Nous voulons tout d’abord remercier les membres du comité pour l’attention qu’ils ont accordée à notre exposé sur le projet de loi .
Nous sommes ici aujourd’hui pour discuter du projet de loi , qui modifie le Code criminel. Avant de formuler des remarques sur les modifications, nous croyons qu’il est important d’aborder la tendance inquiétante à vouloir de plus en plus infliger des peines minimales dans le cas d’infractions prévues par le Code criminel.
Cette tendance n’a pas commencé avec le présent gouvernement. Le projet de loi , adopté par la législature précédente, établissait des peines minimales pour 11 délits sexuels. Parfois, il s’agit de peines d’emprisonnement de seulement 14 jours. L’imposition de peines minimales aurait pour seul motif, semble-t-il, d’épargner aux juges l’examen d’une condamnation avec sursis. Peut-on vraiment croire que des peines minimales de 14 à 90 jours ont un effet dissuasif sur le crime ou modifient le comportement des contrevenants durant leur emprisonnement?
Au cours de notre entretien avec le comité de la justice le mois dernier, nous avons parlé de la capacité qu’ont les juges d’élaborer une condamnation avec sursis s’attaquant aux racines du comportement fautif sans compromettre la sécurité de la collectivité. En fait, une condamnation avec sursis, bien pensée, accroît la sécurité publique. Malheureusement, plus les juges ont recours aux peines minimales, moins il y a de place pour les condamnations avec sursis.
Nous voulons soulever quatre préoccupations concernant le projet de loi et proposer une modification. Nos préoccupations sont les suivantes: premièrement, nous croyons que le traitement des infractions mixtes dans ce projet de loi est inconstitutionnel; deuxièmement, trop de peines minimales débutent par un emprisonnement; troisièmement, il n’y a pas lieu de croire que les peines minimales ont un effet dissuasif sur le crime; quatrièmement et dernièrement, le projet de loi aura pour effet d’accroître la représentation déjà élevée de détenus autochtones dans la population carcérale. La modification que nous recommandons est la suivante: qu’il soit permis aux juges de ne pas infliger de peine minimale dans des circonstances exceptionnelles.
Commençons par nos préoccupations.
Au moment de notre dernière comparution, nous avions fait remarquer que l’une des lacunes du projet de loi est qu’il permet à la Couronne de décider si un contrevenant est passible d’un emprisonnement avec sursis, selon qu’elle choisit de procéder par voie sommaire ou par mise en accusation. Cette lacune est plus marquée dans le projet de loi . Plusieurs infractions prévues par le projet de loi C-10 constituent des infractions mixtes. Aucune peine minimale ne s’applique si la Couronne choisit de procéder par voie sommaire. Des peines minimales s’appliquent si la Couronne procède par mise en accusation. Parfois, le plancher des peines minimales est de trois ans d’emprisonnement.
Par exemple, un contrevenant primaire accusé de possession non autorisée d’armes à feu prohibées ou à autorisation retreinte ayant été trouvées chargées ou à proximité de munitions peut être l’objet de n’importe quelle peine substitutive si la Couronne choisit de procéder par voie sommaire, mais il se verra infliger la peine minimale de trois ans d’emprisonnement si la Couronne décide, comme elle peut le faire à sa seule discrétion, de procéder par mise en accusation.
Pareille disposition confère à la Couronne beaucoup de pouvoir arbitraire. Cette disposition laisse sérieusement à penser qu’elle porte atteinte à la protection prévue dans la Charte des droits et libertés contre toutes peines cruelles ou inusitées. Nous prendrons part à toute contestation de la constitutionnalité de cette disposition du projet de loi .
Deuxièmement, nous nous inquiétons du nombre croissant de peines minimales dont le plancher est de trois ans d’emprisonnement. Si certaines personnes, pour des motifs de sécurité publique, doivent être condamnées à un emprisonnement, ce projet de loi étend trop le filet. Ne vous bercez pas d’illusion : une peine de trois ans d’emprisonnement risque peu d’apporter des changements favorables chez les contrevenants. Les responsables de Service correctionnel Canada en Ontario nous ont révélé que les personnes condamnées à deux ou trois ans d’emprisonnement ne sont admissibles à aucun programme substantiel durant leur détention.
Ce projet de loi permettra l’incarcération de personnes qui ont auparavant eu peu de démêlés, voire aucuns, avec le système de justice pénale. Incarcérées avec les contrevenants les plus dangereux du Canada, ces personnes pourront apprendre de nouvelles compétences, mais pas de celles que nous souhaiterions, malheureusement.
Il faut nous montrer réalistes sur ce qu’il advient des personnes envoyées en prison. La plupart du temps, elles en ressortent pires qu’avant.
Troisièmement, au cœur de ce projet de loi se cache la conviction que les peines minimales dissuadent les personnes de commettre des crimes. Comme la plus grande partie de ce projet de loi vise l’augmentation des peines minimales d’infractions déjà assujetties à pareilles peines, on peut présumer en théorie que des peines minimales supérieures comporteraient un effet dissuasif supérieur. Le problème fondamental de cette théorie, c’est qu’aucune preuve ne l’étaye. Selon des études menées par les éminents criminologues britanniques Andrew Ashworth et Andrew von Hirsch, c’est la crainte d’être pris en flagrant délit et non celle d’être puni qui exerce un effet dissuasif en matière de justice pénale.
La peine prévue pour un meurtre au premier degré est l’emprisonnement à vie avec libération conditionnelle après 25 ans, mais, malgré cette peine minimale obligatoire des plus sévères, le Canada a été la scène de beaucoup de violence et de décès causés par balle l’an dernier. Si la peine minimale obligatoire de 25 ans n’a exercé aucun effet dissuasif sur les personnes qui commettent des crimes graves mettant en jeu des armes à feu, pourquoi devrait-on s’attendre à ce que des peines plus courtes y parviennent?
Notre dernière préoccupation à propos de ce projet de loi touche la surreprésentation autochtone. Il ne faut jamais oublier que de mettre l’accent sur les peines comme méthode de dissuasion comporte d’importantes répercussions sur les Autochtones. Comme nous l’avons souligné le mois dernier, bien qu’ils ne constituent que trois pour cent de la population du Canada, les Autochtones représentent 22 p. 100 des détenus canadiens. Plus que quiconque, les Autochtones savent très bien que commettre un crime entraîne un séjour en prison, mais cela n’a pas empêché l’augmentation de la proportion des Autochtones dans la population carcérale. Cette situation s’explique en grande partie du fait que les infractions autochtones ne sont pas le fruit du crime organisé, mais plutôt d’une réaction irréfléchie à des pressions immédiates. La toxicomanie, la violence interpersonnelle, le désespoir et les séquelles des pratiques gouvernementales comme les pensionnats et les adoptions massives sont autant de pistes importantes expliquant pourquoi les Autochtones commettent des crimes. Cela n’excuse pas pour autant leurs crimes, mais il nous faut comprendre que la menace de peines minimales ne s’attaquera nullement aux racines des infractions autochtones. Cette menace ne fera qu’augmenter le nombre d’Autochtones condamnés à un emprisonnement et leur durée d’emprisonnement.
Pourquoi les Canadiens devraient-ils se soucier que nos prisons sont en train de devenir des réserves autochtones? Après tout, pourquoi devrions-nous exempter les Autochtones criminels de la prison, qui est la peine la plus sévère prévue par le système de justice pénale?
Pour répondre à ces questions, il s’avère utile de se reporter à la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Gladue pour y lire ce qu’elle pense de la surreprésentation autochtone :
Ces constatations exigent qu’on reconnaisse l’ampleur et la gravité du problème, et qu’on s’y attaque. Les chiffres sont criants et reflètent ce qu’on peut à bon droit qualifier de crise dans le système canadien de justice pénale. La surreprésentation critique des autochtones au sein de la population carcérale comme dans le système de justice pénale témoigne d’un problème social attristant et urgent.
La surreprésentation autochtone témoigne de l’échec du système de justice pénale dans sa tentative de s’attaquer aux racines des infractions autochtones. L’alinéa 718.2e) et l’arrêt Gladue n’ont pas permis de faire cesser l’emprisonnement d’Autochtones.
L’alinéa 718.2e) et l’arrêt Gladue font ressortir la nécessité de restreindre le recours à l’incarcération pour tous. En fait, ce sont surtout les personnes non autochtones qui ont bénéficié de ces initiatives. Selon une étude de Julian Roberts et de Ron Melchers, de 1997 à 2001, le taux d’incarcération autochtone s’est accru de 3 p. 100 alors que le taux d’incarcération non autochtone a régressé de 27 p. 100. L’examen des répercussions des modifications apportées aux peines prévues par la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents fait ressortir des résultats analogues. En dépit des remontrances prévues dans la loi, les juges doivent chercher des solutions de rechange pour les contrevenants autochtones. Ce sont les taux d’incarcération de non-autochtones qui régressent le plus.
Soyez assurés que nous ne réclamons pas l’emprisonnement d’un plus grand nombre de personnes non autochtones, mais il est vital que vous sachiez que la prise de mesures favorisant un système de justice pénale plus punitif frappera de manière disproportionnée les Autochtones.
La prison s’est révélée particulièrement inefficace à résoudre les problèmes sociaux à l’origine des infractions autochtones. L’allongement des séjours en prison se révélera aussi inefficace.
Ces préoccupations mènent à la modification que nous recommandons d’apporter au projet de loi. Nous recommandons que le projet de loi permette aux juges de ne pas imposer de peine minimale dans des circonstances exceptionnelles. Pareille disposition contribuera beaucoup à apaiser les objections quant à l’inconstitutionnalité du projet de loi et permettrait aux juges d’envisager d’autres peines, comme celles prévues à l’alinéa 718.2e) du Code criminel, là où l’imposition d’une peine minimale serait clairement injuste eu égard aux circonstances.
Depuis presque 20 ans, les commissions royales d’enquête, les enquêtes judiciaires, les comités parlementaires et les décisions de toutes les instances des cours du Canada réclament le règlement des problèmes de surreprésentation autochtone. Chaque fois que nous faisons un timide pas vers l’avant, des obstacles considérables nous ramènent à la case départ. Malheureusement, le projet de loi C-10 est un autre exemple de grave recul.
Nous pressons le comité de ne pas préconiser l’imposition de peines minimales. Si nous voulons vraiment rendre nos collectivités plus sûres, nous ne devons pas nous borner à emprisonner des gens. Nous devons nous assurer d’établir dans les collectivités des programmes qui s’attaquent aux racines des comportements criminels. Nous devons établir dans les établissements correctionnels des programmes qui font de même.
Merci beaucoup.
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Je remercie les témoins de leur présence.
Notre journée a été très chargée et les témoignages, nombreux, les idées ne manquent pas. Je veux vraiment me concentrer sur ce que fait ce projet de loi et non sur ce qu’il ne fait pas.
Aujourd’hui, nous avons entendu les témoignages de la police, de procureurs généraux, d’autres groupes intéressés, de vous et d’avocats de la défense. Évidemment, le système de justice pénale comporte d’autres aspects. Nous avons entendu M. Biggar nous dire qu’il y a les coûts, et nous en sommes conscients. Le ministre de la Justice a obtenu la prolongation du financement actuel de l’aide juridique. C’est là un point que soulèvent évidemment les provinces et un aspect de notre système de justice pénale. Ensuite, Mme Sampson a mentionné que ce projet de loi ne fait rien pour ce qui est de réduire la vulnérabilité, de promouvoir l’équité, de mettre fin à l’oppression, et ainsi de suite.
Parlons de ce que fait le projet de loi. Ce projet de loi vise à nous assurer que les personnes trouvées coupables d’une tentative de meurtre à l’aide d’une arme à feu, de la décharge d’une arme à feu avec l’intention de blesser, d’une agression sexuelle grave, d’un enlèvement, d’une prise d’otage, d’un vol ou d’une extorsion purgent une peine minimale en prison. Elle ne modifie pas la durée maximale de leur peine, mais elle permet au Parlement de faire passer le message que certaines personnes n’ont pas été dûment condamnées par le passé. Nous voulons montrer l’orientation que nous comptons prendre comme principaux législateurs au Canada, nos convictions.
Évidemment, diverses circonstances s’appliquent. Nous avons entendu des exemples de zones rurales par opposition à ceux de zones urbaines, et ainsi de suite. Cependant, quant à ce que fait le projet de loi, nous avons entendu quelques témoignages selon lesquels certains ne croient nullement à l’imposition de peines minimales obligatoires. Certains crimes mettant en jeu des armes à feu sont déjà passibles de peines minimales obligatoires. Sommes-nous tous ici présents en train de dire qu’aucun crime ne devrait être passible d’une peine minimale obligatoire?
Je sais que vous n’allez pas formuler un commentaire direct à ce sujet, monsieur Biggar, et je comprends votre situation. Vous êtes assujetti à des contraintes financières et il vous faut vendre votre salade. Le seul commentaire que j’exprimerai à ce sujet — et je répondrai à votre question avant de revenir à la première — c’est que cela coûte de l’argent, bien entendu. Ce projet de loi réduira les coûts dans certains secteurs et les fera augmenter ailleurs. Toutefois, en bornant notre débat aux coûts, nous perdons de vue que nous essayons de sauver des vies. Aujourd’hui, des témoins nous ont dit qu’on peut sauver des vies et réduire la violence commise avec des armes à feu par l’emprisonnement d’un petit nombre de personnes commettant des crimes graves. C’est ce que nous a dit le chef de la police de Toronto aujourd’hui.
J’ai donc aimé votre commentaire, monsieur Biggar, selon lequel cet enjeu ne se résume pas à des considérations de coût.
Aux autres, je pose la question suivante: Croyez-vous qu’on devrait imposer des peines minimales en toutes circonstances?
Je vais faire un court préambule. Je vais ensuite m'adresser à M. Biggar et peut-être aussi à M. Rudin et Mme Sampson.
D'abord, je dois absolument m'inscrire en faux contre cette affirmation voulant que le Code criminel soit biaisé et raciste. Je voudrais savoir sur quoi vous vous fondez pour faire une telle affirmation. Je suis député depuis à peine neuf mois, mais je vais quand même défendre mes amis de l'extérieur, c'est à dire du Parti libéral, du Bloc québécois et du NPD. Ils ont travaillé pendant 10 ou 15 ans au Code criminel, et je ne pense pas qu'ils aient créé des dispositions racistes ou biaisées.
Ma première question s'adresse à M. Biggar.
L'aide juridique de l'Ontario jouit de conditions vraiment exceptionnelles. En effet, vous travaillez sur une base horaire, tandis qu'au Québec, il s'agit d'un mandat. Vous savez sans doute qu'il y a eu un mégaprocès au Centre judiciaire Gouin, près de Montréal. Sur les 36 accusés membres des Hells Angels, 19 ont demandé à se prévaloir de l'aide juridique. Ce travail était si peu rémunéré que les avocats ont dû faire une demande spéciale pour être payés, ce qui n'aurait jamais pu se produire en Ontario, étant donné que vous êtes payés à l'heure et que les choses vont assez rondement pour vous.
Vous dites que ça risque de coûter plus cher, mais lorsqu'une accusation est portée, il s'agit très souvent d'un individu incarcéré, et les services d'un avocat sont fournis lors de la comparution. L'aide juridique du Québec procède aussi de cette façon. Lorsque la preuve est divulguée, vous avez le droit d'en prendre connaissance, et si vous voyez qu'il n'y pas de droit, vous pouvez refuser de continuer à exécuter le mandat. Je ne sais pas comment vous procédez en Ontario, mais vous semblez laisser aller les choses beaucoup plus facilement qu'au Québec.
Ma deuxième question s'adresse à M. Rudin, à qui je vais dire bonjour encore une fois, étant donné que nous nous sommes vus à deux reprises déjà.
Vous dites que les Autochtones sont surreprésentés dans les prisons du Canada, entre autres en Saskatchewan.
À Montréal, tous les gangs de rue sont constituées d'Haïtiens. À un moment ou l'autre, ils vont se faire arrêter, ce qui fait qu'il y aura plus de Noirs en prison. En fait, c'est déjà le cas. Est-ce que, parce que ce sont eux qui forment les gangs de rue, notre système est raciste? C'est sur ce point que j'essaie d'attirer votre attention. Les Noirs de Montréal sont de bonnes personnes. Certains d'entre eux sont même d'excellentes personnes. Il reste qu'aujourd'hui, ce sont eux qui forment les gangs de rue. Je ne dis pas que ce sera le cas dans 20 ans. En Europe, dans certaines prisons, on parle de black wings, étant donné qu'il n'y a que des Noirs qui les occupent.
J'essaie de faire un parallèle avec ce que vous avez dit plus tôt concernant la surreprésentation autochtone dans les prisons. Au Nunavut, la capitale compte 3 800 habitants. Imaginons qu'un individu fasse comme les Blancs, en l'occurrence qu'il menace sa femme d'une arme lors d'une dispute, que la GRC vienne le chercher, et ainsi de suite. La prison municipale va le garder, mais par la suite, s'il est condamné, cet individu va devoir séjourner dans une prison fédérale. Il sera alors à 3 000 kilomètres de chez lui. Je vous le dis: je compatis avec vous à cet égard.
Mais changeriez-vous d'idée s'il y avait une prison fédérale au Nunavut, directement à côté de l'endroit où demeure cet individu? Est-ce que c'est une question de distance? À deux ou trois reprises, on nous a dit que le fait d'expédier ces condamnés à 3 000 kilomètres de chez eux n'avait aucun sens. Comme vous l'avez dit, des groupes s'organisent en prison, et si on veut vivre, il faut faire partie de ces groupes.
Je vous ai parlé de la surreprésentation des Noirs à Montréal, qui est une grande ville, et de votre propre problème de surreprésentation. Est-ce que ça implique que ce projet de loi pourrait être non fonctionnel, raciste, biaisé ou autre? Je veux entendre votre opinion parce que nous devons prendre position à ce sujet.