Je suis honoré de pouvoir présenter le point de vue du Barreau du Québec devant ce comité. Nous espérons, évidemment, contribuer à votre réflexion.
La perspective du Barreau du Québec en ce qui concerne l'emprisonnement avec sursis est la suivante. Le Barreau du Québec considère que la peine avec sursis, telle qu'elle avait été introduite dans le Code criminel en 1996, constitue un ajout important aux moyens mis à la disposition du système de justice pénale canadien. Elle permet d'atteindre les objectifs liés à l'imposition de la peine et la personnalisation de la sanction, sans mettre en péril la sécurité publique.
Selon nous, l'amendement proposé aurait pour effet de soustraire la sanction, l'emprisonnement avec sursis, aux cas punissables par des peines de moins de 10 ans de prison, et pourrait avoir comme conséquence la mise à l'écart de ce précieux outil.
En éliminant toutes les infractions punissables par des peines de moins de 10 ans, peut-on croire que cette sanction servira réellement d'alternative à l'emprisonnement? Parce que c'est ce dont il s'agit.
Nous pouvons nous interroger sur l'utilité d'une sanction qui s'applique aux cas où un juge arrive à la conclusion qu'il y a lieu d'imposer une peine de 2 ans ou moins. Recevra-t-elle application uniquement lorsque les infractions sont punissables par des peines maximum de 5 ans, 2 ans, 18 mois ou 6 mois? Lorsqu'on pense en termes de peine d'emprisonnement, la tradition canadienne — la loi, la jurisprudence — a toujours indiqué que la peine d'emprisonnement était le dernier moyen auquel on avait recours lorsqu'on était confronté à l'imposition d'une peine à l'endroit d'un délinquant.
Lorsqu'on impose une peine d'emprisonnement, on l'impose parcimonieusement et en faisant attention. Si la peine maximum prévue est de 5 ans et qu'on désire garder cette disposition, recevra-t-elle application? Si un juge arrive à la conclusion qu'une infraction punissable d'un maximum de 5 ans d'emprisonnement mérite une sanction d'emprisonnement, on peut se poser des questions sur la qualité de l'individu qui sera devant la cour. On peut se demander si ce sera un cas d'emprisonnement avec sursis. Nous pensons que cette limitation pourrait avoir des répercussions importantes.
La peine d'emprisonnement avec sursis n'est pas appliquée automatiquement aujourd'hui. Il y a des critères quant à son application : pas de minimum; moins de 2 ans; ne peut mettre en péril la sécurité du public; et elle doit respecter les objectifs.
Les objectifs sont clairement définis par vous, les législateurs. On doit chercher à dénoncer le comportement, dissuader le délinquant et les autres. Donc, l'idée d'envoyer un message à la société est un facteur dont il faut tenir compte aujourd'hui. L'isolation du délinquant, au besoin, est déjà un critère prévu dans la loi.
À mon humble avis et de l'avis des gens du comité, la peine d'emprisonnement avec sursis est un outil important qui favorise la réinsertion sociale. Évidemment, il faut assurer la réparation des torts et sensibiliser le délinquant. Aujourd'hui, les juges doivent tenir compte de ces critères, et à notre avis, ils en tiennent compte.
Les critiques que l'on entend, et qu'on a pu lire dans le document de consultation, soulèvent un aspect surtout, soit le fait que cette disposition peut recevoir application dans des cas graves ou des cas de crime avec violence. À notre avis, ces critiques ne relèvent que d'un seul facteur, dont les juges doivent tenir compte et dont la loi et la jurisprudence considèrent qu'il faut tenir compte.
Lorsqu'on impose une peine, on doit évaluer une série de facteurs relatifs à l'application du sursis, comme je l'ai mentionné plus tôt, ainsi que tous les facteurs relatifs à l'imposition de la peine. On doit considérer tant les facteurs objectifs que subjectifs, tant les facteurs aggravants qu'atténuants.
Il est concevable qu'un crime grave avec violence, ou un crime ayant entraîné des conséquences qu'on peut penser graves, comporte des facteurs subjectifs et objectifs qui méritent une attention particulière lors de l'imposition de la peine. Il se peut que les facteurs positifs dépassent largement et de façon démesurée tout facteur négatif dans le dossier, malgré la culpabilité. La peine avec sursis permet au système judiciaire de traiter ces cas avec humanité, de façon adéquate. Elle permet aux juges d'imposer une sanction qui reflète à la fois la réprobation sociale, le besoin et le désir de réinsérer le délinquant.
Le Barreau du Québec favorise une approche qui fournit plus de moyens à l'administration et à la surveillance de ce type de sanction, et non la limitation de son application. Le Barreau croit en une analyse coûts-bénéfices en fonction de l'information disponible. En effet, nous avons aussi de l'information disponible quant à l'application de cette peine, mais des études restent à faire sur beaucoup d'aspects de son application.
Avec ce que nous avons déjà comme information, nous soutenons que rien ne justifie une modification ayant pour effet d'augmenter le coût. À notre humble avis, cette disposition proposée, cet amendement proposé augmenterait certainement le coût des prisons et de leur fonctionnement. La raison en est qu'on enverrait nécessairement plus de gens dans les prisons, sans la contrepartie, c'est-à-dire les bénéfices. Donc, on augmente les coûts avec certitude sans, en contrepartie, être certain d'en tirer un bénéfice quant à la diminution des crimes, car depuis qu'on applique cette peine, rien n'indique qu'il y a eu une augmentation de la criminalité, une diminution de la protection du public ou une réduction du risque de récidive. Encore là, les études sont inexistantes.
Enfin, cet amendement réduirait la marge de manoeuvre dont disposent les juges en matière d'imposition de la peine. Pour nous, cela est relié à l'indépendance judiciaire. Nous estimons qu'il est important de favoriser une plus grande latitude de la part du judiciaire en matière d'imposition de sanctions.
Je vous remercie.
Au nom des Aboriginal Legal Services of Toronto, nous vous remercions de nous offrir cette occasion de vous présenter notre position sur le projet de loi .
ALST a comparu devant la Cour suprême du Canada à plusieurs reprises sur des questions touchant l'imposition de peines aux délinquants autochtones. Nous sommes aussi très actifs sur le terrain dans divers domaines de la justice. En 1999, nous avons mis sur pied un conseil communautaire, le premier programme de justice réparatrice et autochtone en milieu urbain au Canada. Nous avons aussi participé à la création du tribunal Gladue pour les Autochtones à Toronto. Nos agents rédigent des rapports détaillés de type Gladue à l'intention des juges siégeant à Toronto, à Hamilton, à Brandford et ailleurs dans l'ouest de l'Ontario.
Notre travail a mené à l'imposition de nombreuses peines d'emprisonnement avec sursis dans des cas où l'emprisonnement aurait autrement été certain pour l'accusé.
D'emblée, nous tenons à préciser que, à notre sens, le projet de loi C-9 est rétrograde. Il ne fera qu'aggraver la surreprésentation des Autochtones dans les prisons canadiennes et rendre les collectivités moins sûres.
Pour bien comprendre le contexte, nous rappellerons quelques statistiques. La surreprésentation des Autochtones dans la population carcérale est l'un des enjeux qui a motivé le Parlement à apporter des réformes à la détermination de la peine avec le projet de loi et, plus précisément, la création de l'alinéa 718.2e).
En dépit de toutes les préoccupations exprimées au sujet de la surreprésentation des Autochtones, la situation continue de s'aggraver. De 1997 à 2001, la proportion d'Autochtones dans les prisons du Canada est passée de 15 p. 100 à 20 p. 100. À la fin de l'année financière 2003-2004, sur cinq hommes admis en détention, un était Autochtone et sur trois femmes, une était Autochtone.
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Concernant le projet de loi, nous aimerions soulever cinq questions, liées les unes aux autres, mais que nous aborderons toutefois l'une après l'autre.
Tout d'abord, le projet de loi ratisse trop large. S'il est adopté, le projet de loi s'appliquera notamment au vol qualifié et à l'entrée par effraction dans une maison d'habitation. La plupart des Canadiens croient peut-être que ce sont des infractions particulièrement odieuses, mais, comme les membres du comité le savent, ce n'est pas toujours le cas.
Prenons comme exemple le vol qualifié. Qu'est-ce qu'un vol qualifié? C'est un vol accompagné de violence. Dans certains cas, il s'agit de violence extrême et celui qui commet ce crime doit être incarcéré pour la sécurité publique. Dans d'autres cas, le vol se transforme en vol qualifié parce que le contrevenant pousse ou menace de pousser la victime. La plupart d'entre nous conviendront que ces deux exemples ne sont pas comparables, or, ce sont tous les deux des vols qualifiés.
Il en va de même pour l'entrée par effraction. Sans vouloir minimiser le traumatisme que vivent ceux dont le foyer a fait l'objet d'une entrée par effraction, il y a une différence entre un gang qui commet une invasion de domicile et un toxicomane qui entre dans une maison par une fenêtre ouverte. Certains de nos clients ont été accusés d'entrer par effraction après avoir été trouvés endormis devant la télévision dans le domicile où ils avaient pénétré. Ont-ils commis un crime? Oui. Cette infraction devrait-elle les rendre inadmissibles à une peine d'emprisonnement avec sursis? Non.
La deuxième question que nous voulons aborder est celle de l'augmentation de la discrétion de la poursuite. Bon nombre des infractions visées par le projet de loi sont des infractions mixtes. Si elles sont poursuivies par voie de procédure sommaire, l'emprisonnement avec sursis est possible, alors que si elles sont poursuivies par mise en accusation, il ne l'est pas.
Ce sont les juges et non pas les procureurs de la Couronne qui devraient prendre les décisions relatives à la peine. Il n'y a rien de mal à ce qu'un procureur de la Couronne procède par mise en accusation et réclame une peine d'emprisonnement, mais nous nous objectons à ce qu'on permette à la Couronne d'enlever unilatéralement au juge, et ce, dès le début du processus, la possibilité d'imposer une peine d'emprisonnement avec sursis.
Troisièmement, nous craignons que l'on oblige les juges à choisir entre la probation et l'incarcération. Le projet de loi forcera tout juge qui estime que l'incarcération n'est pas indiquée à choisir une sanction moins susceptible de mener à la réadaptation du délinquant que l'emprisonnement avec sursis. Cela nous paraît illogique. En quoi est-il préférable que le juge puisse choisir entre deux options qui ne lui plaisent pas plutôt qu'entre toute une panoplie de sanctions?
Quatrièmement, nous craignons que cette mesure législative n'aggrave le problème de la surreprésentation des Autochtones. N'oublions pas ce qu'a dit la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Gladue. Au sujet de la surreprésentation des Autochtones, la Cour a déclaré ce qui suit :
Ces constatations exigent qu'on reconnaisse l'ampleur et la gravité du problème et qu'on s'y attaque. Les chiffres sont criants et reflètent ce qu'on peut à bon droit qualifier de crise dans le système canadien de justice pénale. La surreprésentation critique des Autochtones au sein de la population carcérale comme dans le système de justice pénale témoigne d'un problème social attristant et urgent.
La Cour a ensuite ajouté :
Les juges qui prononcent les peines comptent parmi les décideurs qui ont le pouvoir d'influer sur le traitement des délinquants autochtones dans le système de justice. Ce sont eux qui décident le plus directement si un délinquant autochtone ira en prison, ou sil est possible d'envisager des solutions de rechange qui permettront peut-être davantage de restaurer un certain équilibre entre le délinquant, la victime et la collectivité, et de prévenir d'autres crimes.
Le projet de loi empêchera les juges qui prononcent les peines de bien suivre les directives de la Cour suprême du Canada et, du coup, aggravera le problème de la surreprésentation des Autochtones.
Nous avons constaté que les juges savent imposer des peines avec sursis créatives et utiles. Ils savent choisir des peines qui permettent au délinquant d'assumer la responsabilité de ses actes et de prendre les mesures concrètes pour comprendre pourquoi il a eu des démêlés avec la justice. Dans bien des cas, on exige du délinquant qu'il suive un traitement ou un programme particulier qu'on assortit souvent d'autres conditions.
Examinons la surreprésentation des Autochtones d'un point de vue différent. L'incarcération est souvent préconisée parce qu'on estime qu'elle a un effet dissuasif général ou précis. Si l'incarcération était véritablement dissuasive de façon générale, on pourrait s'attendre à ce que la représentation des Autochtones dans les prisons baisse. Après tout, quel Autochtone vivant au Canada ne sait pas que, si on viole la loi, on court le risque d'aller en prison?
Si l'incarcération avait véritablement un effet dissuasif précis, il n'y aurait pas tant d'Autochtones se présentant devant les tribunaux avec un casier judiciaire volumineux comprenant de multiples périodes d'incarcération. Mais c'est ce que nous voyons tous les jours.
Comme le comité l'a entendu dire, les peines d'emprisonnement des délinquants incarcérés dans des établissements provinciaux varient entre deux et trois mois. Or, il ne se produira aucun changement bénéfique chez le délinquant qui passe entre 60 et 90 jours dans un établissement carcéral. Il n'aura accès à aucun programme ni à aucun counselling; il n'y aura aucun effet bénéfique. Pour nos clients, le fait d'être incarcéré à répétition ne fait que conduire à leur institutionnalisation. L'emprisonnement avec sursis peut offrir une lueur d'espoir, l'espoir qu'il puisse changer, alors que l'incarcération ne fait que maintenir le statu quo, qui ne fonctionne pas.
Cinquièmement, nous tenons à faire remarquer que l'élimination de l'emprisonnement avec sursis n'assurerait pas une plus grande sécurité dans les collectivités. Parlons des victimes. Outre le fait qu'ils sont surreprésentés dans les prisons, les Autochtones sont aussi surreprésentés parmi les victimes d'actes criminels. Les Autochtones et les collectivités autochtones sont très conscients du besoin d'initiative pour assurer une plus grande sécurité dans les collectivités. C'est pourquoi les collectivités autochtones sont au premier plan dans les programmes de justice réparatrice.
Ces programmes permettent aux délinquants de se sortir du cercle vicieux de la prison et de la rue en les obligeant à assumer la responsabilité de leurs actes et de leur guérison. Nous avons vu comme les programmes de justice autochtone peuvent entraîner des changements incroyables chez ceux qui avaient de longs casiers judiciaires et qui avaient été incarcérés à maintes reprises. Bien que l'emprisonnement avec sursis ne constitue pas une peine de justice réparatrice, il s'agit souvent d'une peine tout à fait indiquée dans le cas d'une personne qui a besoin de plus de surveillance. Si le recours à ce type de peine est éliminé, les collectivités n'en seront pas plus sûres; au contraire, la sécurité des collectivités tant autochtones que non autochtones sera plus compromise à cause de la présence de délinquants qui auront simplement purgé leur peine et qui, à tout le mieux, ne seront pas pires à leur sortie de prison que lorsqu'ils y sont entrés, mais qui ne seront certainement pas meilleurs qu'ils ne l'étaient.
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Lorsque nous avons des décisions importantes à prendre dans nos collectivités autochtones, les anciens nous rappellent souvent qu'il nous faut penser à la septième génération qui va suivre. Comme le fait remarquer Oren Lyons, gardien de la foi de la Nation Onondaga :
Dans notre façon de vivre et de nous gouverner, chaque fois que nous avons une décision à prendre, nous devons penser à la septième génération qui va suivre. Nous devons nous assurer de laisser aux générations futures un monde qui ne soit pas pire que le nôtre et qui soit même meilleur. Quand nous marchons sur notre mère la terre, nous foulons toujours le sol avec prudence car nous savons que les visages des générations futures qui grandissent sous nos pieds nous regardent. Jamais nous ne les oublions.
Nous savons qu'il est souvent difficile pour les élus, surtout dans un Parlement minoritaire, de penser à ce qui va se passer dans 10 ou 15 ans, sans parler de ce qui va se passer dans sept générations. Mais malheureusement, la tragédie de la surincarcération des Autochtones au Canada peut s'expliquer en partie du moins par le fait que les décideurs, bien souvent, ne tiennent pas du tout compte des conséquences de leurs décisions sur les communautés autochtones. Nous avons si peu l'habitude de penser aux conséquences à long terme de nos décisions que nous sautons aux conclusions et que nous optons pour des solutions à court terme. Même si nous sommes incapables de résoudre un problème, nous voulons donner l'impression de le résoudre.
À notre avis, le projet de loi est un exemple de réaction précipitée et mal avisée à ce que l'on perçoit un certain malaise parmi la population par rapport au fonctionnement du système de justice pénale. Il s'agit d'une solution qui aura un effet disproportionné sur les délinquants autochtones et qui aggravera le problème déjà croissant de la surincarcération des Autochtones, sans pourtant assurer des avantages correspondant sur le plan de la sécurité du public.
Nous exhortons vivement le comité à étudier attentivement le projet de loi et à recommander qu'il ne soit pas adopté. L'emprisonnement avec sursis peut jouer un rôle important pour s'attaquer aux causes profondes de la délinquance. Ce n'est pas une solution magique, mais c'est un outil très utile dans la détermination de la peine. Ce serait un recul important que de priver les magistrats de cet outil dans bon nombre des cas qu'ils sont appelés à juger.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les membres du comité, je tiens, en mon nom et au nom de Richard, à vous dire comme nous sommes heureux de pouvoir vous rencontrer aujourd'hui. Je vous transmets à tous les salutations de notre chef national Phil Fontaine et des membres de l'exécutif de l'Assemblée des Premières nations.
Comme vous le savez, nous avons déposé un document intitulé « Le projet de loi C-9 (condamnation avec sursis) vu dans la perspective des Premières nations », alors nous n'allons pas vraiment entrer dans les détails. Vous avez le document, et nous allons vous en présenter certains des points saillants.
La surreprésentation des membres des premières nations dans le système de justice pénale atteint un niveau qui confine à la crise. Les nombres confirment que la situation est critique. Les adultes autochtones ne représentent que 2,7 p. 100 de la population adulte du Canada, mais ils représentaient 11 p. 100 des admissions aux pénitenciers fédéraux en 1991-1992 et 18 p. 100 en 2002-2003; 29,5 p. 100 de toutes les femmes incarcérées et 18,2 p. 100 de tous les hommes incarcérés au Canada sont autochtones. Tandis que la population des pénitenciers fédéraux Canada a baissé de 12,5 p. 100 de 1996 à 2004, la proportion de membres des premières nations dans cette population carcérale augmentait de 21,7 p. 100. Ce qui est plus alarmant encore, c'est que le nombre de femmes membres des premières nations qui ont été incarcérées a augmenté de 74,2 p. 100 pendant la même période.
Hier, justement, l'enquêteur correctionnel, Howard Sapers, qui est l'ombudsman du gouvernement du Canada, a dit que le système carcéral fédéral a des pratiques qui sont discriminatoires à l'endroit des délinquants autochtones. Il a conclu que Service correctionnel Canada classe régulièrement les détenus membres des premières nations comme présentant un risque plus élevé pour la sécurité que les détenus non autochtones, que les délinquants autochtones doivent purger une plus grande partie de leur peine que les autres détenus avant d'être libérés et qu'ils sont plus susceptibles que les autres détenus de voir leur libération conditionnelle révoquée pour des raisons d'ordre administratif. Nous craignons que le ne fera qu'aggraver ces problèmes. Dans le mémoire que nous avons remis au comité, nous expliquons exactement ce qui nous inquiète.
Nous aimerions aborder quelques questions qui méritent à notre avis une attention particulière. Je vais vous les présenter de manière générale, puis Richard entrera davantage dans le détail en vous présentant nos recommandations.
Parmi les questions qui appellent à une solution, il y en a quatre à notre avis qui méritent une attention particulière.
Il y a tout d'abord la question de la pauvreté. L'écart socio-économique entre les membres des premières nations et les autres Canadiens conduit à la surreprésentation des membres des premières nations dans le système de justice pénale, nous ne pourrons réduire sensiblement cette surreprésentation que si nous nous attaquons à cet écart socio-économique.
Je tiens à vous lire un extrait du rapport d'enquête sur la justice autochtone au Manitoba :
La pauvreté, l'inaccessibilité de l'instruction, le chômage, les conditions de vie médiocres, l'alcoolisme et la violence familiale sont autant de facteurs qui expliquent que les Autochtones aient des démêlés avec la justice. Lorsque des facteurs socio-économiques conduisent à une surreprésentation des membres des premières nations dans le système de justice pénale, il s'agit... de discrimination systémique.
Sur le plan des changements structurels, nous tenons à souligner qu'il y a un autre facteur qui contribue directement et indirectement à la surreprésentation des membres des premières nations dans le système de justice pénale, à savoir le fait que le gouvernement fédéral et les provinces, par leurs lois et leurs politiques, minent les lois et les gouvernements des premières nations.
L'actuel gouvernement minoritaire et le gouvernement minoritaire qui l'a précédé ont été aux prises avec la question des pensionnats ainsi qu'avec le mode alternatif de règlement des conflits, la justice réparatrice, la vérité et la réconciliation, autant de questions qui jouent un rôle fondamental dans ce dont nous discutons ici aujourd'hui. Les deux derniers gouvernements sont arrivés à la conclusion que tous ces éléments sont bons, qu'il faut tâcher de les intégrer dans le système. Au fait, le fondement de la justice réparatrice, c'est la vérité et la réconciliation. C'est un principe important, il semble que les gouvernements en soient venus à en reconnaître l'importance; pourtant, on semble vouloir le contourner dans le cas qui nous occupe, et cela nous inquiète.
Les institutions existantes qui s'occupent de l'administration de la justice au Canada sont souvent des entités inconnues de beaucoup de membres des premières nations. Les obstacles linguistiques et les problèmes qu'ont les Autochtones à s'assurer des services juridiques abordables contribuent à leur surreprésentation devant les tribunaux et, par la suite, dans les prisons et les pénitenciers.
Nous tenons à vous faire remarquer que la Stratégie relative à l'application de la justice autochtone arrive à échéance à la fin du prochain exercice financier, et nous vous demandons, en tant que parlementaires, de veiller à ce qu'elle soit reconduite et que son budget soit renouvelé.
On oublie souvent aussi, et nous avons trouvé cela frustrant quand nous nous sommes préparés à venir témoigner devant votre comité, qu'on manque de données. Nous avons pu vous donner des statistiques, mais pour bien interpréter ces statistiques, il faut des données plus fiables. Nous avons appris que nos homologues fédéraux connaissent la même difficulté. Nous recommandons donc à votre comité d'insister sur la nécessité de faire faire des recherches pour obtenir des informations factuelles avant même d'aller plus loin avec ce projet de loi.
Je cède maintenant la parole à Richard qui vous donnera plus de détails sur nos recommandations.
Merci.
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Merci. Permettez-moi de résumer nos recommandations.
Tout d'abord, nous convenons qu'il est important d'étudier l'incidence des changements proposés dans le projet de loi avant d'adopter ce projet de loi. Il nous apparaît crucial que cette étude se fonde sur des informations factuelles si on veut protéger les premières nations contre d'éventuelles incidences négatives et une discrimination systémique accrue. Il faudrait aussi examiner les conséquences possibles du projet de loi pour les accords d'autonomie gouvernementale qui ont été négociés en toute bonne foi par la Couronne et les gouvernements autochtones. Nous croyons que si une telle étude était faite, on déciderait d'agir autrement.
Nous proposons aussi que l'on modifie les articles 718, 718.2 et 742.1 du Code criminel afin de s'assurer que la peine d'emprisonnement avec sursis et les options de justice réparatrice restent disponibles pour les délinquants autochtones qui commettent une infraction poursuivie par mise en accusation et punissable d'une peine d'emprisonnement de dix ans ou plus, ainsi que pour les infractions punissables d'une peine minimale d'emprisonnement. Selon nous, il est essentiel que les mesures de justice réparatrice et les solutions de rechange à l'incarcération restent disponibles si nous voulons réduire la surreprésentation des Autochtones qu'ont si bien décrite mes collègues.
Nous encourageons aussi le gouvernement du Canada, de façon plus générale, à mener une enquête sur les causes de la surreprésentation des Autochtones et à adopter les recommandations qui découleraient de cette enquête afin d'éliminer toutes les formes de discrimination systémique et de réduire la surreprésentation des Autochtones.
Nous sommes aussi d'avis que, avant d'adopter un projet de loi, le gouvernement du Canada devrait mener une vaste campagne de sensibilisation des Autochtones, surtout auprès des jeunes, concernant les incidences possibles de toute mesure législative.
Nous recommandons encore une fois que soit renouvelée la stratégie en matière de justice applicable aux Autochtones qui pourrait contribuer à atténuer les effets éventuels des modifications législatives.
Nous sommes disposés à discuter longuement de la question des statistiques. C'est un enjeu d'une importance critique et nous avons formulé plusieurs recommandations visant à améliorer la qualité des statistiques et à mieux tirer profit des bases de données provinciales.
Enfin, nous recommandons que cette mesure ne soit pas prise isolément, qu'un plan d'ensemble soit dressé pour améliorer la situation socio-économique des premières nations. C'est essentiel si nous ne voulons pas qu'il en résulte des coûts encore plus grands pour le public canadien. Selon nous, il est préférable de payer pour l'éducation que de payer pour l'incarcération.
Merci.
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Merci de votre question.
D'après les preuves que nous avons, certaines anecdotiques, d'autres plus empiriques —, le soutien de la famille est extrêmement important pour la réinsertion. Si vous êtes loin de votre famille et de votre collectivité, vous êtes moins susceptible de réintégrer facilement votre famille ou votre collectivité après avoir purgé votre peine. Par conséquent, dans certains cas du moins, la probabilité de récidive augmente parce que le contrevenant, à sa sortie de prison, n'a pas été accueilli dans sa famille ou sa collectivité. Celui qu'on envoie à des milliers de kilomètres de chez lui aura peu de contact... sauf peut-être une lettre ou un appel téléphonique de sa famille de temps à autre. Cela nuit grandement à la capacité du délinquant et de la collectivité de faire face à leurs problèmes.
À nos yeux, il est important de parler de la collectivité, car c'est en grande partie de la collectivité que dépend la probabilité que le délinquant se réadapte, réintègre la société, retrouve sans place sa famille et, de façon plus générale, dans la collectivité.
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Comme Marisha l'a indiqué, nous travaillons activement à la formulation de recommandations et de suggestions à l'intention des juges qui imposent la peine. Nous avons de nombreux clients qui ont un casier judiciaire et, dans leur cas, il est pratiquement impossible que le juge les libère. La peine d'emprisonnement avec sursis qui est donc souvent imposée à nos clients, c'est, par exemple, une peine dans le cadre de laquelle le délinquant devra suivre une cure de désintoxication. Nous, nous aidons le client à remplir le formulaire et nous lui donnons l'argent qu'il lui faut pour se rendre jusqu'à la clinique. Ce genre de mesure est très courant.
On impose aussi parfois des conditions très strictes. Certains de nos clients sont assignés à résidence et ils ne passent pas leur temps à regarder la télé. La plupart de nos clients ne vivent pas dans des endroits luxueux. On exige d'eux qu'ils fassent des choses précises. Souvent, le juge exige du délinquant qu'il revienne régulièrement le voir pendant sa peine.
D'après notre expérience, l'emprisonnement avec sursis, ce n'est pas une façon de renvoyer le délinquant chez lui et de permettre au contrevenant de prétendre qu'il purge une peine d'emprisonnement pendant six mois. Si aux yeux du juge, le délinquant ne pose pas de risque, il envisagera la probation comme peine. L'emprisonnement avec sursis, lui, permet d'imposer un traitement ou des soins dans les cas de maladies mentales, par exemple. C'est là le genre de conditions qui accompagnent régulièrement l'emprisonnement avec sursis.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les personnes qui sont devant nous. Vous nous avez apporté un éclairage important au sujet des emprisonnements avec sursis.
Ayant été moi-même avocat en droit criminel pendant près de 25 ans — j'ai pratiqué dans ce domaine de 1996 jusqu'à mon élection, en 2004 —, j'ai plaidé des causes relativement à des emprisonnements avec sursis dans des communautés autochtones, puisque mon comté se situe au nord du Québec. Donc je connais bien les communautés autochtones.
Je suis fasciné par une chose. En fait, vous reprenez un peu ce qui nous a déjà été dit, car vous n'êtes pas les premiers à comparaître devant nous. Donc, il se pourrait que nos questions soient pas mal pointues. En tout cas, la mienne le sera. Je vais adresser ma question aux représentants de Aboriginal Legal Services of Toronto.
J'ai lu votre mémoire, dans lequel vous dites que vous aviez cinq inquiétudes spécifiques par rapport au projet de loi. Une d'entre elles m'intéresse beaucoup. Vous avez dit: « En plusieurs instances, il déplace le pouvoir de décision des peines du juge au procureur de la Couronne ».
Je n'avais pas entendu cela jusqu'à présent et j'aimerais que vous nous expliquiez ce que vous entendez par là.
J'aimerais également savoir si cela s'applique au Québec, ce qui m'éviterait de poser la même question aux membres du Barreau du Québec, et dans les communautés autochtones qui sont un peu plus éloignées des grands centres. Vous semblez être au coeur d'une grande ville, Toronto ou Montréal, alors qu'il y a de petites communautés ailleurs.
Pourriez-vous m'expliquer ce que vous entendez par « il déplace le pouvoir de décision des peines du juge au procureur de la Couronne »?
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Oui, merci de la question.
Comme nous l'avons indiqué, certaines infractions mixtes sont passibles d'une peine d'emprisonnement de plus de 10 ans si elles sont poursuivies par mise en accusation. À l'heure actuelle, c'est la Couronne qui décide de procéder par voie sommaire ou par mise en accusation.
Mais si le était adopté, la Couronne pourrait décider, s'il s'agit d'une infraction mixte, de procéder par mise en accusation. Mais parce que la peine maximale est de plus de 10 ans, l'emprisonnement avec sursis ne sera pas possible, même si la Couronne se satisfaisait d'une peine de prison relativement courte. C'est ce qui nous préoccupe: on laisse à la Couronne le soin de prendre cette décision.
Je tiens à préciser que nous entretenons d'excellentes relations avec le Bureau des procureurs de la Couronne de Toronto, et je ne voudrais pas vous faire croire que les procureurs de la Couronne sont mal intentionnés, mais cela aurait quand même pour effet de permettre à la Couronne d'exclure la peine d'emprisonnement avec sursis au départ en procédant par mise en accusation.
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Si vous le permettez, je préciserai que toute mesure n'offrant aucune possibilité de résolution raisonnable ou négociée favorise nécessairement la multiplication des procès. Je pense qu'on doit comprendre ce principe quand on fait ce genre de chose. Imaginons, par exemple, qu'un individu n'ayant pas d'antécédents judiciaires soit accusé d'avoir commis un crime grave, comme ceux que l'on mentionne ici et qui donnent lieu à une peine de 10 ans ou plus. Même s'il respecte aujourd'hui tous les critères lui permettant d'obtenir une peine avec sursis, s'il est déclaré coupable et qu'il n'y a pour lui aucune autre issue qu'une peine d'emprisonnement, cet individu se verra dans l'impossibilité de discuter.
Pour en revenir à ce que vous demandiez plus tôt, je dirai que lorsqu'un procureur de la Couronne sera confronté à une situation semblable, étant donné que ce sera à sa discrétion et non plus à celle du juge qu'il en incombera ultimement, il est possible qu'il conclue que la seule façon de régler le dossier ou de faire en sorte qu'une peine raisonnable soit imposée soit de poursuivre par voie sommaire. Or, normalement, il s'agirait d'une poursuite pour acte criminel.
Ça donne lieu à la situation inverse. Pourquoi? Parce que l'application rigoureuse de la disposition ferait en sorte qu'on atteigne, dans ce cas précis, un résultat non souhaitable sur le plan humain. Le principe qui sous-tend les sanctions et les peines est qu'on veut punir la personne et non le délit. Il peut arriver, lorsqu'on réduit la marge de manoeuvre des intervenants, surtout celle du juge, qu'on soit forcé d'intenter un procès. Le procureur peut être forcé de trouver une autre accusation pouvant s'appliquer dans les circonstances, de manière à éviter un résultat qui ne serait souhaitable pour personne.
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Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à M. Rudin et à M. Jock.
Vous parlez beaucoup aujourd'hui de la surreprésentation des délinquants autochtones et des conséquences de cette disposition pour les criminels autochtones. Ma question concerne la surreprésentation des victimes autochtones. Si nous devons parler de la surreprésentation des délinquants autochtones dans les collectivités éloignées du Nord et de ce que cela veut dire pour eux — j'ai saisi l'allusion — lorsqu'ils sont incarcérés dans des pénitenciers à différents endroits dans le sud, moi je m'inquiète davantage de ce que cela représente pour les victimes au sein de cette collectivité autochtone qui sont surreprésentées. Il n'est sûrement pas sain qu'il y ait un si grand nombre de tragédies qui déchirent les familles et ébranlent les collectivités.
Je crains que si nous n'agissons pas, si nous acceptons le statu quo d'une surreprésentation de victimes autochtones, nous ne rendons pas service aux collectivités autochtones. Si nous voulons aider les collectivités autochtones, il faut trouver un remède à ce problème. Que pouvons-nous faire? Que nous conseillez-vous? Que peut faire le gouvernement pour contrer la surreprésentation des victimes autochtones?
J'aimerais quelques exemples. On a dit qu'un recours moins fréquent aux peines d'emprisonnement avec sursis ne serait pas bien accueilli. Y a-t-il des infractions mentionnées dans la loi pour lesquelles vous croyez qu'une peine d'emprisonnement avec sursis ne serait pas justifiée? Y a-t-il des éléments du projet de loi avec lesquels vous êtes d'accord?
Par exemple, j'ai regardé la liste des infractions prévues au Code criminel qui seraient touchées par cette mesure. Il y a l'article 155 — inceste. Pouvez-vous imaginer un cas où une peine d'emprisonnement avec sursis serait justifiée dans un cas d'inceste; ou l'article 234 : homicide involontaire coupable; ou l'article 271 : agression sexuelle, ou atteinte à l'intégrité d'une personne; ou l'article 281 : enlèvement d'une personne de moins de 14 ans? Quel message envoyez-vous à quelqu'un, une mère ou un père, une famille, si quelqu'un reçoit une peine avec sursis, si le criminel, dont la culpabilité a été prouvée devant un tribunal, peu être condamné à une peine d'emprisonnement avec sursis? Dans le cas d'un incendie criminel, où quelqu'un a perdu sa maison ou un immeuble ou la propriété pour lequel il avait économisé a été violé et ruiné...?
Alors quel conseil pouvez-vous donner au gouvernement afin de protéger les Autochtones qui sont trop souvent victimes?
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En tout cas, je peux parler de trois de ces exemples précis. Cela ne veut pas dire, bien sûr, que tout contrevenant devrait recevoir une condamnation avec sursis; nous ne disons pas qu'une condamnation avec sursis est appropriée pour n'importe qui. Mais le projet de loi élimine cette option pour tout le monde. Or il y a une série d'affaires — il y a une affaire entendue par la Cour d'appel de l'Ontario avec M et C ou M et A, je peux vous obtenir le... En fait c'était un cas d'inceste. Il a été entendu par la Cour d'appel de l'Ontario qui est très stricte; l'inceste est passible de prison.
Dans l'affaire en question, le contrevenant avait lui-même été molesté et victime de violence sexuelle. Bob a parlé des pensionnats. Il est curieux que le gouvernement reconnaisse les répercussions des pensionnats et dédommage les gens, sans donner la chance de se rétablir aux personnes qui répercutent maintenant sur d'autres les mauvais traitements dont ils ont été victimes dans les pensionnats. Dans l'affaire en question, le contrevenant avait été victime de violence sexuelle et la cour a été frappée par les efforts qu'il avait déployés pour confronter ses problèmes; elle a estimé que, dans son cas, l'emprisonnement n'était pas approprié.
Récemment, nous avons participé à un cas d'homicide involontaire coupable dans une ville du sud de l'Ontario. Une femme dont les parents avaient été pensionnaires a consommé de la boisson et eu une altercation avec sa soeur, sa meilleure amie. Dans le feu de l'action, elle a pris un couteau et a poignardé sa soeur qui, comme c'est souvent le cas, tragiquement, en est morte.
Après six mois de détention avant le procès, elle a comparu en cour, si manifestement rongée de remords, sachant qu'elle avait tué sa soeur, qu'il aurait été difficile de la punir plus durement. Le juge en a été convaincu et la Couronne n'a pas fait appel. Il y a eu une condamnation avec sursis qui exigeait, dans son cas, une détention à domicile et deux cures de désintoxication en résidence dans des établissements spécialisés, la première brève, la seconde plus longue. Est-ce la norme dans tous les cas? Non, mais il s'agissait d'un homicide involontaire coupable pour lequel une condamnation avec sursis était la condamnation la plus appropriée.
Pour ce qui est des incendies criminels, j'ai eu connaissance d'une affaire, dans le nord de l'Ontario, qui est intervenue avant qu'il y ait des condamnations avec sursis. Une famille a quitté son domicile; il y a eu un feu et les enfants sont morts. Là aussi, c'était des gens qui étaient si... plein de remords et trop faibles. La peine que ressentaient ces gens était si poignante que la Couronne, au lieu d'entamer des poursuites judiciaires, a préféré s'en remettre au programme de justice communautaire, qui permettrait à ces gens d'aller au fond des causes de leur acte, aux origines; et qui les aiderait également à se ressourcer, afin de ne plus jamais refaire ces choses.
Ce sont juste trois exemples où des condamnations avec sursis ou des options de ce type ont été appliquées, avec efficacité.
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Je voulais simplement indiquer qu'une infraction est une infraction et que personne ne veut que soient commises des infractions. Quand un avocat argumente devant un juge, il n'argue pas du caractère approprié d'une infraction. Il argue de la façon dont il convient de traiter la personne.
Avant l'introduction de condamnations à servir dans la collectivité, pour le type d'infractions dont vous avez parlé, monsieur Brown, les juges appliquaient parfois des condamnations avec sursis, quand c'était approprié. De nos jours, ces mêmes juges ont un autre outil. Par le passé, ils pouvaient contrôler le contrevenant en infligeant trois années de probation. Maintenant, ils disposent de cinq années: deux ans de condamnation dans la collectivité et trois ans de probation après cela. C'est donc un meilleur outil.
Un juge a aujourd'hui plus de solutions que par le passé dans les cas de contravention où une peine d'emprisonnement était inappropriée. Prise par elle-même, une contravention n'est jamais... Dans l'abstrait, nous pouvons tous juger une infraction absolument abominable. Personne ne la justifierait. Là n'est pas la question.
Mais l'infraction a été commise et on n'y peut rien. Par contre, nous pouvons veiller à ce que la personne ayant commis l'infraction ne recommence pas, veiller à ce que la société soit protégée et faire de cette personne un individu utile à la collectivité et productif. Quelle est la meilleure façon d'y parvenir?
Tout d'abord, je le rappelle officiellement, mon parti invite le gouvernement en place, quel qu'il soit, à poursuivre l'application du Programme de justice autochtone. C'est un programme essentiel. Du reste, il est sous-financé et il devrait être appliqué plus largement. Malgré ses modestes ressources et l'énorme charge de travail des gens qui s'y consacrent, il accomplit une mission extraordinaire et tout à fait nécessaire.
J'aimerais m'adresser à M. Rudin. J'ai visité votre centre de Toronto il y a quelques années. Il y a actuellement trois cours Gladue qui fonctionnent à Toronto, n'est-ce pas? J'aimerais que vous fassiez le point sur le nombre des cours Gladue actuellement en activité au Canada en indiquant si ce nombre a augmenté. Vous présentez également des rapports Gladue à l'extérieur de Toronto pour d'autres districts — vous avez parlé du sud-ouest de l'Ontario.
Certaines personnes ici présentes ne savent pas ce qu'est un rapport Gladue alors peut-être pourriez-vous, pour le compte rendu et pour la gouverne de certains...
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Merci. Je suis heureux de vous répondre.
Il y a trois cours Gladue à Toronto. Ce sont des cours spécialement conçues pour travailler auprès des Autochtones. Elles s'occupent spécifiquement de cautionnement et de prononcé de la sentence. Il n'y a que trois cours Gladue au Canada et il n'en existe pas d'autre. Il y a des cours cries et des cours itinérantes, mais ces trois cours Gladue sont les seules qui existent.
Nous produisons ce que nous appelons des rapports Gladue, car ils sont conçus à la lumière de l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Gladue. Cet arrêt demande aux juges d'envisager des peines de remplacement et pour cela, les juges ont besoin d'information sur les justiciables. Ils veulent connaître leurs antécédents et les facteurs systémiques qui ont pu les amener à commettre un crime; ils doivent également avoir une idée précise des options disponibles en matière de prononcé de la sentence.
Nos collaborateurs qui s'occupent des dossiers Gladue font des entrevues auprès des accusés, des membres de leur famille et de leurs conseillers. C'est un processus très étendu et il faut souvent de 30 à 40 heures pour produire un rapport Gladue. Chaque rapport compte de 10 à 20 pages. Il présente les antécédents de l'accusé ainsi qu'un examen des facteurs systémiques. Par exemple, nous donnons généralement de l'information sur les pensionnats fréquentés par l'accusé, sur le traumatisme intergénérationnel et sur divers éléments qui n'ont pas forcément été portés à la connaissance du juge. Ensuite, le rapport donne des détails très précis sur l'accusé.
Il est très courant que celui-ci présente un problème de toxicomanie. Nous en expliquons l'origine. Compte tenu de son casier judiciaire, le juge est souvent réticent à prononcer une ordonnance de probation. Que l'accusé ait été placé en détention ou qu'il ait fait l'objet d'un cautionnement, nous le faisons admettre dans un centre de traitement. Nous réussissons à convaincre le juge qu'au lieu de l'envoyer en prison, il peut envisager cette option. Dès le lendemain, l'accusé peut prendre un autobus pour se rendre dans le centre de traitement où il a été admis — c'est ce qu'on appelle la date d'admission.
Voilà ce que nous parvenons à faire. Voilà à quoi ressemble un rapport Gladue.
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Je pense, comme le dit la maxime, que c'est lorsqu'il s'agit du crime dans sa pire expression commis par le pire criminel.
[Traduction]
Autrement dit, le crime le plus grave pour le pire délinquant.
[Français]
C'est pourquoi, dans ma présentation, je demandais si on pouvait raisonnablement croire que cette peine serait utile si on l'appliquait uniquement dans les cas d'infractions pouvant entraîner des peines de 5 ans, 2 ans, 18 mois ou 6 mois. Ces peines sont prévues dans le Code criminel.
Si une personne ayant commis une infraction pouvant donner lieu à une peine d'au moins 2 ans comparaît pour la première fois devant un juge, ce dernier, avant d'envoyer une telle personne en prison, va devoir vérifier si des circonstances justifient qu'elle soit isolée de la société. Je peux vous dire que c'est plutôt rare dans le cas de personnes qui comparaissent devant les tribunaux une première, voire une deuxième fois.
Les peines avec sursis sont appliquées dans des cas où les juges estiment qu'une peine d'emprisonnement est requise. Lorsqu'elle est requise pour une première infraction, c'est que cette infraction est grave. On parle ici d'individus sans antécédents judiciaires qui ont commis un délit, mais qui ont le profil d'une personne manifestement réhabilitable. Il arrive même que la personne soit tout à fait réhabilitée, par exemple lorsqu'il s'agit d'une infraction qui n'a été dénoncée que des années plus tard. Ici, on ne parle pas uniquement d'abus sexuel, mais d'autres types de délits également. Dans certains cas, la personne est parfaitement réhabilitée.
La cour est alors en présence d'une personne qui a commis un délit objectivement grave qui, objectivement, devrait donner lieu à une peine d'emprisonnement. Cependant, la peine d'emprisonnement ne se justifie pas dans un tel cas. C'est ce genre de délits dont il est question.
J'ai pris trop de temps, et je m'en excuse, monsieur le président.
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Ma question s'adresse d'abord à M. Battista, du Barreau du Québec; M. Rudin ou la dame qui est ici pourra aussi y répondre ensuite.
Il y a des gangs de rue extrêmement puissants à Montréal, à tel point que Mme Mourani, du Bloc québécois, a publié un livre dénonçant cette situation. Non loin de Montréal, à Kanesatake, on met le feu aux maisons, on fait du trafic de drogue, il y a de la prostitution et des gangs de rue. Nous avons affaire à deux groupes séparés, mais qui opèrent de la même façon. Ces groupes sont soumis — j'espère que vous l'admettez — au Code criminel et, effectivement, ils devraient être sanctionnés. L'ex-ministre ici présent a déjà eu des problèmes avec le groupe de Kanesatake. La Sûreté du Québec a peur d'entrer dans Kanesatake. C'est le premier problème.
La police de Montréal a des problèmes parce que les gangs de rue y sont tellement puissants qu'ils opèrent quasiment au vu et au su de tous. Que font-ils? Des choses parfois très calmes : ils vendent de la drogue et ils font de la prostitution. Ils commettent des crimes qui, à première vue, ne sont pas violents. Pourtant, ces crimes entraînent un problème terrifiant pour toutes les communautés : des jeunes de 14 ou 15 ans qui se prostituent. Depuis sept, huit ou dix ans, même notre ministre de la Justice a fait face à des problèmes. M. Ménard a eu à affronter le pire gang qui soit, celui des motards. Pourtant, ils ne vendaient que de la drogue. C'est doux, de la drogue.
On fait face au même problème, à l'heure actuelle. On a eu la loi dont on parle aujourd'hui. On a donné toutes les chances à tous. Je me demande si, malgré toutes ces chances, on n'est pas retombés dans le même piège 10 ans plus tard. On n'est pas capables de s'en sortir. Il a connu ce problème; on est en train de connaître le même problème. Avez-vous une solution?
Vous dites que l'emprisonnement est parfois une peine excessive. On est tous capables de parler, autour d'une table, de ce qui est excessif. Mais pourriez-vous me dire pourquoi, lorsqu'on accorde un sursis et qu'il n'est pas respecté, on donne une peine d'emprisonnement? Si une peine d'emprisonnement n'est pas la bonne mesure, pourquoi ne redonne-t-on pas un deuxième sursis, puisque c'est si bon? J'essaie de comprendre votre façon de voir. Je la respecte, mais vous comme moi avons un problème dans notre communauté. Si on ne fait pas front commun, on aura bientôt un problème.
Monsieur Battista, qu'est-ce qui est déraisonnable dans ce projet de loi? Que garderiez-vous et qu'enlèveriez-vous?
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Merci, monsieur Petit. Votre question comporte plusieurs aspects.
Vous avez dit que la menace de l'emprisonnement est toujours présente lorsqu'un juge impose une peine avec sursis. Au départ, il faut reconnaître que c'est bel et bien une peine d'emprisonnement qui est imposée. Seul le lieu où sera purgée la peine est différent.
Lorsqu'il y a violation, le législateur de l'époque a prévu que l'incarcération n'était pas automatique. Le juge peut ne rien faire, moduler ou ordonner l'emprisonnement. Il dispose d'une panoplie de possibilités. À cet égard, la loi actuelle accorde encore une certaine latitude pour remédier à une situation donnée, s'il y a lieu.
Une députée a posé une question sur la distinction qu'il faut faire entre le revendeur de rue qui est lui-même ou elle-même accroché à une drogue dure et les gens qui sont mêlés à des sphères plus importantes et plus organisées. Je pense que c'est à cela que vous faites allusion.
Dans les faits, je ne crois pas qu'on impose beaucoup de peines avec sursis. Les personnes qui sont impliquées dans des organisations criminelles structurées, qui ont un passé criminel et qui représentent un quelconque danger pour la société ne peuvent bénéficier d'une peine avec sursis. Si un juge croit qu'un individu fait partie du crime organisé et qu'il continuera, après sa sortie, à agir comme un membre d'un gang organisé et structuré, c'est un motif suffisant pour lui refuser un cautionnement au moment de sa comparution. Cette personne, même présumée innocente, risque de ne pas recouvrer sa liberté.
Dans des cas graves, si un juge estime qu'il y a lieu d'appliquer une peine avec sursis, c'est que l'individu respecte tous les critères et que la meilleure façon de faire en sorte qu'il ne retourne plus dans ce milieu est effectivement d'ordonner une peine avec sursis. Mais je pense que dans les cas que vous décrivez, ces cas seront rares, exceptionnels. Lorsqu'on parle de trafiquants, on a l'image à laquelle le collègue a fait allusion, celle d'à Al Pacino. C'est une image, mais il y a beaucoup d'étapes à franchir pour se rendre jusqu'à ce niveau. Il y a des individus qui parfois se trouvent au mauvais endroit au mauvais moment. Ils ont grandi dans un quartier et ont eu certaines fréquentations. Il faut donc tenir compte de ces réalités.
Vous parlez d'un problème grave, mais il faut adapter les moyens à l'individu qui est traduit devant les tribunaux.
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Merci, monsieur le président. J'ai quelques questions pour M. Battista.
Nous venons de recevoir un mémoire concernant le projet de loi d'André Jodouin et d'autres membres de la communauté universitaire du Québec. Connaissez-vous les personnes suivantes: Julie Desrosiers, professeure de droit à l’Université Laval, Simon Roy, de l'Université de Sherbrooke, Rachel Grondin, de l'Université d'Ottawa, et Anne-Marie Boisvert, doyenne à l'Université de Montréal?
Me Giuseppe Battista Je connais à tout le moins Anne-Marie Boisvert.
M. Brian Murphy: Nous n'avons reçu que ce mémoire et, malheureusement, ils ne témoigneront pas devant ce comité. M. Jodouin a écrit une phrase qui dit — j'ai la version anglaise — que les peines avec sursis sont plus utilisées au Québec que dans les autres parties du pays.
À votre avis, est-ce le cas? Si oui, pourquoi?
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Je remercie vivement chacun des témoins de leurs excellents exposés.
Vous n'ignorez sans doute pas que cela fait quelque temps que nous étudions ce projet de loi, et que nous avons entendu un très grand nombre de témoins aux avis les plus divers. Toutefois, on entend plus souvent ici l'opinion de divers groupes ou organismes qui travaillent dans les milieux dont on entend le plus parler. Ainsi, par exemple, ceux qui appuient ce projet de loi semblent provenir surtout du secteur de l'exécution de la loi. Les agents de police l'appuient, les agents de probation ainsi que ceux des services correctionnels. Quant aux victimes d'actes criminels, elles le soutiennent certainement. En revanche d'autres groupes ne sont pas de leur avis.
Je suis un homme politique, tout comme les autres ici présents, et nous devons décider des mesures à prendre. D'une part, certains sont d'avis qu'il ne faut pas adopter ce projet de loi, d'autre part, d'autres préconisent son adoption en l'applaudissant.
Aux yeux de certains, il s'agit d'une décision politique, mais à mon avis, ce n'est nécessairement pas le cas. Ces dernières années, il y a eu quelques scrutins en succession assez rapide. Or, lorsque je faisais mon porte à porte et que je parlais au public, le sujet qu'on abordait toujours en second lieu, après celui qui préoccupait tout le monde, et pas seulement dans ma circonscription, c'était toujours notre système de justice. Les gens nous disaient en effet Grand Dieu, corrigez notre système de justice. J'ai entendu cela maintes et maintes fois.
Fort de mon expérience de porte à porte, je peux vous dire que le public n'aime pas ce qui se passe dans notre système pénal, mais pas du tout. Je crois que cela se voit dans...oui, ce n'est peut-être pas la norme, mais lorsqu'on entend parler d'un délinquant de 17 ans qui, après avoir commis une agression sexuelle et avoir quasiment violé les petites filles de ses voisins reçoit pour toute sanction une détention à domicile et vit encore dans la maison voisine de celle de ses victimes, eh bien, quel genre de système permettrait ce genre de choses?
Les agents de probation nous parlent du grand nombre de gens qu'ils supervisent qui ont commis des agressions graves contre des petits enfants et qui sont pourtant condamnés à une détention à domicile ou à des services dans la collectivité. Ces gens-là commettent des agressions sexuelles contre des petits enfants, et en dépit de cela, ils sont en liberté. C'est à ce genre de peines à purger dans la population que les gens s'opposent avec plus de véhémence.
Il y a des réserves dans ma circonscription, et les gens se plaignent du fait qu'on permette à des délinquants de revenir dans leurs collectivités malgré les crimes graves qu'ils ont commis. Évidemment, ce n'est pas ainsi dans tous les cas, et à l'instar de bon nombre d'autres personnes, je pense moi aussi qu'il y a de la place pour les peines avec sursis et pour les retours dans la collectivité. Toutefois, parfois ce message est très mal compris, et je vous assure que la population du Canada est vraiment mécontente. Elle veut que les choses changent, et cela est d'ailleurs illustré par les pétitions signées non par quelques-uns mais par des millions, oui littéralement par des millions de personnes et qui nous sont parvenus à la Chambre des communes depuis 1993, depuis que j'y suis. Ces gens se font encore entendre, réclamant que nous resserrions le système de justice, que nous commencions à faire justice dans notre société et que nous cessions d'appuyer un système inefficace.
Voilà donc mon dilemme en tant qu'homme politique. Je ne suis pas en désaccord avec ce que vous avez affirmé, mais je sais que le public qui assume les frais de notre système de justice est mécontent. Aux gens qui me parlent à la porte, je réponds qu'il nous faudra construire beaucoup de prisons, et ils me répliquent de les construire, qu'ils payent cela car ce sont eux les contribuables, alors qu'on les construise et qu'on corrige la situation parce qu'on n'est plus en sécurité à l'extérieur. Les gens se sentent de moins en moins en sécurité dans leur milieu. Et nous savons ce qui se passe dans nos villes et tout ce que cela cause.
Compte tenu de tout cela, estimez-vous que le projet de loi ne cherche pas à réprimer plus fermement la criminalité et à donner davantage aux gens l'espoir que nous allons enfin commencer à les protéger? Ou au contraire, allons-nous continuer sur notre lancée en disant que nous devons fournir ceci et cela et encore prêter flanc aux mêmes perceptions, continuer à recevoir les mêmes pétitions et continuer à les déposer à la Chambre des communes sans répondre aux appels du public? Et je rappelle encore une fois que cette population est constituée de contribuables, de ceux qui payent la note.
Parfois, j'en arrive au point où je ne sais plus que faire. Je comprends le sens de vos propos. Mais à mon avis, cela ne correspond pas à ce que réclame le public. Or ces appels nous viennent même des réserves. Je tiens à le préciser, parce que j'ai souvent entendu ce genre de propos, particulièrement de la part des femmes qui vivent dans les réserves, et qui demandent pourquoi elles sont traitées comme des citoyennes de seconde zone.
Si des Autochtones commettent des crimes, pourquoi est-ce que leur identité devrait leur valoir une considération spéciale en raison de l'article 718 du Code criminel? On nous demande pourquoi nous faisons cela. Si l'auteur du crime avait été un homme blanc, il aurait subi la loi dans toute sa rigueur, alors pourquoi est-ce que nous traitons les Autochtones comme des citoyens et des citoyennes de seconde zone?
Les gens sont insatisfaits de cela, tout à fait insatisfaits, et il faut que nous agissions pour corriger la situation.
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C'est une question à laquelle il n'est pas facile de répondre. Au début de notre exposé, nous avons parlé de discrimination systémique et nous avons indiqué les constatations de l'enquête sur l'administration de la justice au Manitoba en ce qui concerne la discrimination systémique. Lorsque nous avons rencontré le ministre Day, le chef national était présent et a demandé l'appui du ministre Day afin qu'il parle à ses collègues au Cabinet de la question de la pauvreté chez les Autochtones des première nations. Ce sont les questions sous-jacentes, que l'on parle d'un système juridique, d'un système judiciaire, de guérison ou de communauté saine.
Le ministre Day a indiqué que bien des choses qui se produisent sont planifiées et il parlait en particulier de la pauvreté et de la richesse. Il a dit qu'on peut gagner à la loterie, mais que cela est plutôt accidentel et qu'on peut devenir très riche. Ou un ouragan peut ravager une petite collectivité ou un terrain de camping, mais cela est également accidentel. Il s'agit de cas extrêmes de richesse et de pauvreté qui sont les fruits du hasard, mais il a dit que dans l'ensemble la richesse et la pauvreté sont planifiées. La question que nous posons est la suivante, où est le plan? Notre pauvreté s'inscrit-elle dans un plan? Notre pauvreté fait-elle partie des conséquences négatives du projet de loi .
Le député a indiqué que l'on pourrait peut-être envisager une solution intermédiaire quelconque à la peine d'emprisonnement avec sursis et à une peine minimale obligatoire. C'est peut-être la solution. Je l'ignore. Mais nous avons également dit que nous devons faire nos devoirs. Nous avons essayé de trouver des chiffres, nous avons des tonnes de preuves, certaines positives et d'autres très négatives, mais je pense que nous travaillons dans le vide à certains égards. Nous n'avons pas de preuves solides qui indiquent ce que nous devons faire au niveau législatif. Jusqu'à ce que nous ayons ce genre de preuve, je pense que nous pouvons essayer de satisfaire l'opinion publique mais nous nous battons avec une main attachée derrière le dos.
Tout d'abord, je tiens à préciser que notre organisation comporte un volet sur les droits des victimes, donc nous considérons nous aussi que les questions qui intéressent les victimes sont très importantes.
Je ne comprends pas le dilemme auquel vous faites face à certains égards en tant que parlementaires. Je sais bien sûr qu'un grand nombre de gens partagent les préoccupations que vous avez au sujet du système judiciaire. Mais j'ai trouvé intéressant que vous disiez qu'il y a place à la fois pour des peines d'emprisonnement avec sursis et pour l'emprisonnement. C'est ce qui existe à l'heure actuelle. C'est la raison pour laquelle nous ne comprenons pas le projet de loi .
Nous ne sommes absolument pas convaincus que ce projet de loi rendra les collectivités plus sûres. Est-ce qu'il pourrait améliorer le sentiment de sécurité de certains de vos électeurs? Peut-être. Mais pour y parvenir, vous envoyez des personnes en prison, qui ne devraient pas être emprisonnées. Et nous savons qu'un nombre disproportionné de ces personnes se composera d'Autochtones.
Donc, si le Parlement veut donner suite aux véritables préoccupations qui existent à propos de la sécurité publique en adoptant un projet de loi qui ne permettra d'aucune façon de donner suite à ces préoccupations, mais enverra un nombre encore plus grand d'Autochtones en prison tout en n'améliorant pas la sécurité du public, alors faites-le. Mais sachez ce que vous êtes en train de faire. Vous êtes simplement en train de perpétuer une situation qui existe depuis des années.
Si nous tenons à résoudre les problèmes, il nous faut de réelles solutions. À notre avis, ce projet de loi ne permettra malheureusement pas de le faire.
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Le groupe que nous représentons est loin de réclamer l'adoption du . Il ne réclame pas des occasions supplémentaires d'emprisonner les Autochtones. Ce que nous voulons, ce sont des endroits pour permettre à ceux qui ont subi des traumatismes d'entamer leur guérison. Ce que nous voulons, ce sont des collectivités plus sûres.
Vous avez parlé du problème de l'emprisonnement et du fait que les gens veulent se sentir en sécurité. Le problème, c'est que l'emprisonnement n'assure pas la sécurité de la population. Une étude récente faite par le Centre canadien de la statistique juridique indique que les Autochtones qui ont fait de la prison sont beaucoup plus susceptibles de retourner en prison. Ils affichent un taux de récidive plus élevé que les non-Autochtones. Cela indique que cette option ne fonctionne pas. Elle ne rend pas les collectivités plus sûres, parce que le contrevenant sort de prison et récidive. Donc, à moins que nous parvenions à trouver de réels moyens de briser ce cercle, la population ne se sentira pas en sécurité. La façon de briser ce cercle, ce n'est pas de renvoyer les gens dans un endroit qui n'offre pas de solutions efficaces.
J'ai toujours trouvé cela bizarre — même si je ne peux pas m'attendre à ce qu'on y donne suite — mais compte tenu du taux élevé de récidive que nous connaissons... Si je mettais sur pied un programme de services juridiques à l'intention des Autochtones dans le cadre duquel je pouvais garantir que 75 p. 100 ou 80 p. 100 de ceux qui participent à ce programme récidiveraient très rapidement après leur libération, ce programme ne serait pas financé très longtemps. Et si je pouvais dire que par-dessus le marché, s'ils étaient condamnés pour une infraction mineure, par la suite ils commettraient des infractions plus graves, on me retirerait mon financement immédiatement. Pourtant, c'est ce qui se produit dans le système carcéral.
Je ne veux pas dire que l'on doit se débarrasser complètement des prisons, mais nous devons examiner les conséquences qui risquent de se produire lorsque nous réagissons simplement à des préoccupations légitimes de la part de la population en disant que nous allons donner l'impression d'agir et nous allons donner l'impression de sévir.
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Oui, je tâcherai d'être bref.
Il est difficile de parler à des gens que nous représentons. Aujourd'hui je représente le Barreau du Québec. Nous avons deux députés qui sont membres du barreau, et ils ont probablement des vues divergentes sur la question. Il est donc difficile de dire que nous représentons un point de vue unique.
Je fais partie d'un comité qui recrute des avocats qui sont professeurs d'université, avocats de la Couronne, avocats de la défense, et qui exercent le droit dans plusieurs régions de la province. Il y a des gens de Montréal, de Québec et de la province. C'est donc la composition du comité. Donc le Barreau du Québec tient de toute évidence compte des points de vue de ceux qui exercent le droit.
J'oserais dire, très respectueusement, que vous êtes des parlementaires et que de toute évidence vous avez des obligations envers ceux qui vous élisent, et vous avez des obligations envers la population du Canada parce que vous représentez la population du Canada. Mais vous êtes aussi des dirigeants. Certains peuvent réclamer que l'on sévisse contre le crime, mais parallèlement on entend souvent que les prisons sont les universités du crime. Il s'agit aussi d'une réalité.
Lorsque ce projet de loi a été présenté, le Canada faisait partie des pays où le taux d'emprisonnement était le plus élevé. Sommes-nous moins en sécurité aujourd'hui si nous emprisonnons moins de gens? Est-ce que nous nous sommes trompés dans une telle perspective? Est-ce que l'on s'est trompé en se donnant comme objectif de ne pas vouloir faire partie des sociétés où le taux d'emprisonnement est des plus élevés? Je pense que ce sont certaines des questions sur lesquelles il faut se pencher.
Je pense que l'on comprend bien l'argument présenté. Si quelqu'un demandait des subventions au gouvernement et ne produisait pas les résultats escomptés, il serait légitime de la part des députés de dire non et de critiquer et tenir le gouvernement responsable d'avoir financé une telle initiative.
Ce que nous sommes en train de dire, c'est que nous n'avons pas vu d'études en faveur de tels coûts. Les coûts qui découleront de la mise en oeuvre des amendements à la présente loi n'entraîneront aucun avantage réel.
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Merci. Après avoir entendu M. Thompson, je voudrais quand même vous poser une question fondamentale. Ma mise en situation sera beaucoup moins longue que la sienne.
Tout d'abord, je croirais beaucoup plus en ses arguments sur les policiers, les officiers de probation et les victimes qui demandent une mesure s'il appliquait le même raisonnement au contrôle des armes à feu. Les policiers, les victimes, les médecins, bref tout le monde veut garder le registre. Pourtant, veulent l'éliminer. Effectivement, il y a des études. Nous en avons demandé dès que le comité a commencé ses travaux. Je vous lis seulement 10 lignes du long rapport qu'ils nous ont transmis.
Après des décennies d'augmentations plus ou moins soutenues, le Canada a connu des baisses importantes de son taux global de criminalité à partir du début des années 1990. De 1991 à 2004, les crimes communiqués par les services policiers ont chuté d'un peu plus de 22 p. 100, représentant en moyenne une baisse de 1,6 p. 100 par année. La chute de la criminalité fut particulièrement importante pendant les années 1990. De 1991 à 2000 seulement, le taux a fléchi de près de 26 p. 100, représentant une baisse moyenne d'un peu plus de 2 p. 100 par année. La tendance décroissante du taux global de criminalité fut suivie d'une période de stabilité entre 2000 et 2002, puis d'une augmentation notable de 6 p. 100 en 2003, largement imputable à l'accroissement du nombre de crimes contre les biens. Le léger recul de 1 p. 100 enregistré en 2004 semble pour sa part indiquer un retour à la tendance décroissante amorcée au début de la décennie.
Voilà ce qu'on apprend quand on se donne la peine d'aller voir Juristat, ce que peu de gens font. La criminalité est mesurée quotidiennement au Canada grâce aux rapports de police qui sont compilés. La majorité des gens ne le savent pas. Ils prennent connaissance du monde criminel par les journaux qu'ils lisent tous les jours et par la télévision qu'ils écoutent. Et je soupçonne que, dans une large mesure, les anglophones au Canada sont informés sur la criminalité par la télévision américaine, qui rapporte toutes les horreurs qui se produisent aux États-Unis, où le taux d'homicides, rappelons-le, est trois fois celui du Canada. Donc, les gens ont la perception que cela...