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Bonjour monsieur le président et honorables députés. Je vous remercie de m'avoir offert de vous parler aujourd'hui. Je m'appelle Jamie Liew. Je suis avocate en immigration et en protection des réfugiés et professeure de droit à l'Université d'Ottawa. Je vais vous présenter cette allocution avec Pinky Paglingayen, qui est travailleuse migrante et qui peut vous décrire en personne la situation dans laquelle elle se trouve.
Je reconnais que l'étude que vous avez entreprise est complexe; c'est pourquoi j'ai joint à mes documents une copie du mémoire du Conseil canadien pour les réfugiés. J'appuie pleinement ce mémoire et, en écoutant mon allocution, vous comprendrez que je partage les préoccupations de cet organisme.
Dans mes présentations écrites, je propose six recommandations, mais comme je n'ai pas beaucoup de temps aujourd'hui, je ne vous parlerai que de mes quatre recommandations à long terme. Pour les mettre en contexte, mes recommandations à court terme sont d'éliminer les permis de travail fermés et d'offrir aux travailleurs migrants des permis de travail ouverts ainsi que des services de réinstallation.
Dans le cadre de la vision de réforme de ce programme, je recommande avant tout qu'il vise à établir, pour ces travailleurs, une résidence permanente. Les travailleurs étrangers effectuent les travaux les plus ardus dans notre société, travaux qui assurent le bon fonctionnement de nos collectivités. Ces travailleurs récoltent les fruits que nous mangeons, ils nettoient nos toilettes, ils prennent soin de nos enfants, de nos aînés et de nos patients en fin de vie. Il faudra toujours que quelqu'un accomplisse ces tâches.
Si nous répondons aux besoins du travail à long terme en y affectant des travailleurs « jetables », nous créons dans la société une couche composée de travailleurs qui ont moins de droits que les autres et auxquels nous ne permettons pas de s'intégrer pour participer pleinement à la vie canadienne. Comme ce comité l'a entendu il y a deux semaines, ce programme aide déjà de nombreux Canadiens à obtenir une résidence permanente.
Ma deuxième recommandation est d'éliminer la période maximale de quatre ans de travail au Canada. En limitant la période de travail des travailleurs migrants à quatre ans, puis en les empêchant de retravailler au Canada pendant les quatre années qui suivent, on rend ce programme plus temporaire que jamais. La demande de main-d'oeuvre n'est pas temporaire. Cette règle arrache au Canada des membres de la société que nous avons formés et qui se sont intégrés dans nos collectivités.
Une de mes clientes a consacré quatre années de sa vie comme préposée aux services de soutien à la personne; elle prenait soin de Canadiens qui avaient subi un traumatisme crânien ou qui étaient en fin de vie. Elle a réussi à obtenir un certificat d'infirmière autorisée, mais on l'oblige maintenant, malgré les contributions qu'elle a apportées à notre pays, à abandonner la vie qu'elle a édifiée ici au Canada. Elle est formée, établie, mais jetable.
Ma troisième recommandation est de permettre la réunification des familles.
Les travailleurs étrangers temporaires vivent loin de leur famille pendant quatre ans ou plus. Bien des Canadiens trouvent tout naturel de retrouver leurs enfants à la fin d'une longue journée de travail, mais les travailleurs migrants souffrent du stress, de l'anxiété et de la dépression que cause la séparation de leur famille. En empêchant les maris et les épouses et leurs enfants de vivre avec ces travailleurs, nous leur causons de rudes épreuves, surtout dans le cas des femmes qui doivent organiser à une très grande distance la garde de leurs enfants. Nous les obligeons à regarder de loin leurs enfants grandir.
Enfin, je voudrais recommander que l'on offre des permis de travail aux travailleuses du sexe. Je tiens à souligner que certaines travailleuses migrantes n'ont pas accès à un permis de travail; il serait bon de réexaminer cette situation. Le comité devrait tout particulièrement examiner le fait que les danseuses exotiques et les travailleuses du sexe peuvent être ainsi poussées dans la clandestinité, risquant de se faire exploiter et maltraiter.
La fréquence des descentes de police dans les clubs de strip-tease, dans les salons de massage et dans les agences d'escorte incite les travailleuses migrantes à se cacher pour éviter la déportation. Craignant de se faire déporter, ces femmes ne signalent pas à la police les incidents de violence et d'exploitation dont elles sont témoins. Bien que les services d'application de la loi s'efforcent d'enquêter sur les délits criminels et sur la traite des personnes dans le monde du commerce du sexe, ils n'en protègent pas mieux les travailleuses du sexe migrantes dans cet environnement de travail. Un statut de travailleuses étrangères leur garantirait la protection dont elles ont besoin.
J'invite Pinky Paglingayen à nous faire part de son expérience. Mais avant cela, je voudrais souligner le fait que, désirant partager mon allocution avec un travailleur migrant, j'ai offert à de nombreuses personnes de m'accompagner, dont quelques-uns de mes clients, mais un grand nombre d'entre eux craignaient de le faire même quand je leur garantissais une confidentialité absolue. Alors je tiens à remercier Pinky d'avoir le courage de comparaître devant ce comité pour parler de son expérience.
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Bonjour, mesdames et messieurs. Merci de m'avoir invitée.
Je m'appelle Pinky Paglingayen. Je suis arrivée ici en 2004 des Philippines dans le cadre du programme des aides familiaux résidants. J'ai travaillé dans une famille de quatre personnes à Thornhill, en Ontario. Les membres de cette famille exigeaient que je leur verse 3 000 $ pour m'avoir aidée à venir au Canada. Je pensais que je n'avais pas le choix que de payer. Quelques jours plus tard, ils m'ont mise à la porte. Je me suis sentie volée, abandonnée et complètement seule.
En 2006, j'ai déménagé à Oakville pour travailler dans une autre famille, mais en 2007, mon employeur m'a mise à la porte quand il a appris que j'étais enceinte. Il ne m'a versé ni mon dernier chèque de paie ni une indemnité de congé annuel. J'ai ainsi perdu mon droit à l'assurance-maladie, parce que je n'avais qu'un permis ouvert et que je n'étais pas encore résidente permanente. Je trouvais que l'on ne respectait pas mes droits de travailleuse simplement parce que mon employeur n'aimait pas le fait que j'étais enceinte. J'ai été obligée de partir parce que je ne voulais pas perdre mes chances de rester au Canada et d'obtenir un statut de résidente permanente.
Près de 10 ans plus tard, je me heurte encore aux problèmes auxquels de nombreuses aides familiales et travailleurs étrangers temporaires font face. C'est pourquoi depuis que j'ai obtenu mon statut de résidente permanente, je m'efforce — j'en fais ma mission — de fournir du soutien à d'autres aides familiales et travailleurs étrangers temporaires. Au cours des années, j'ai rencontré des centaines de travailleurs migrants partout au Canada. Leurs expériences sont similaires à la mienne; certains ont eu plus de chance, d'autres beaucoup moins. J'observe la même exploitation de la part des recruteurs qui exigent plus d'argent, les mêmes mauvais traitements et la même exploitation de la part des employeurs. Tous les travailleurs migrants que je connais ne désirent qu'une chose, et c'est qu'on les traite avec un minimum de dignité. Ils veulent les mêmes droits que les autres travailleurs. Ils veulent vivre avec leurs proches. Vous avez maintenant la possibilité de modifier les lois qui régissent les travailleurs migrants. Vous pourriez assurer les pleins droits de résidence permanente à d'autres participants au programme des travailleurs étrangers temporaires. À l'avenir, les travailleurs migrants devraient arriver avec un plein statut de résidents permanents, avec le droit de se réunir à leurs familles et ils devraient jouir des droits réels de la main-d'oeuvre. C'est tout ce que nous demandons pour l'avenir.
Merci beaucoup.
Je m'appelle Casey Vander Ploeg. Je suis directeur des politiques et de la recherche de l'Association nationale des engraisseurs de bovins, l'ANEB. Notre association représente les engraisseurs de bovins de tout le Canada.
Les installations d'alimentation bovine actuelles sont extrêmement complexes; on y utilise tout un éventail de technologies de pointe qui permettent de produire le boeuf le plus abordable, nutritif et salubre au monde. Je remercie le comité de nous avoir invités à présenter notre point de vue sur la main-d'oeuvre et sur le programme des travailleurs étrangers temporaires.
Je vous dirai sans hésitation aucune que le seul grand problème de l'industrie agricole canadienne est la pénurie de main-d'oeuvre. Cette pénurie est chronique, elle touche tous les secteurs de l'industrie et elle est extrêmement grave. Elle nous empêche de soutenir la concurrence et menace notre croissance et nos capacités d'exportation à venir.
L'industrie de l'agriculture souffre du taux de vacances d'emploi le plus élevé de toutes les industries du Canada; il s'élève à 7 %. C'est énorme.
L'industrie de l'agriculture et de l'agroalimentaire génère 8 % du PIB, et l'industrie du boeuf en est le produit phare, le produit le plus précieux. Le Canada compte 10 millions de bovins de boucherie. Nous en transformons environ 3 millions chaque année, ce qui génère des recettes de 10,5 milliards de dollars.
Pour vous donner une idée de l'ampleur de cette industrie, pensons à l'usine de transformation du boeuf de High River, en Alberta. Elle peut transformer jusqu'à 4 000 animaux par jour, produisant 2 millions de livres de boeuf à expédier chaque jour.
Oui, l'agriculture joue un rôle important dans notre économie, et elle pourrait même apporter une plus grande contribution si nous pouvions régler l'énorme problème de la pénurie de main-d'oeuvre.
Ce problème commence par le manque de main-d'oeuvre au parc d'engraissement.
Pour soutenir la concurrence, les engraisseurs de bovins ont besoin de travailleurs fiables, qualifiés et compétents. L'emploi au parc d'engraissement n'est pas saisonnier. Les bovins représentent un investissement de dizaines de millions de dollars, et il faut s'en occuper 24 heures sur 24, 7 jours par semaine, 365 jours par année. Nous ne pouvons pas nous permettre de manquer de main-d'oeuvre, parce qu'elle nuit à la santé et au bien-être de nos animaux.
Malheureusement, il nous est difficile de trouver, d'attirer et de garder un nombre suffisant de travailleurs canadiens, et cela pour de nombreuses raisons. Nos écoles de produisent pas assez de diplômés dotés des compétences requises. Les emplois se situent dans les régions rurales du pays, loin du bassin de travailleurs des régions urbaines. Il faut travailler dans la poussière, dans la saleté, et les tâches sont ardues. On ne s'étonne pas du fait qu'en Alberta, les travailleurs de l'industrie pétrolière et gazière qui perdent leur emploi ne se portent pas candidats pour travailler dans les parcs d'engraissement.
Nous avons toujours engagé en priorité des travailleurs canadiens, et nous continuerons à le faire. Mais malgré nos plus grands efforts, le secteur de l'engraissement ne trouve pas assez de travailleurs canadiens. Il doit se fier toujours plus au programme des travailleurs étrangers temporaires pour compléter ses effectifs.
Nous investissons beaucoup de temps et d'argent pour amener ces travailleurs au Canada. Cependant, nous leur donnons les mêmes salaires qu'aux travailleurs canadiens et nous leur fournissons le logement, le transport et des avantages sociaux. La lourde bureaucratie et les délais du processus ajoutent à notre fardeau, et les modifications récemment apportées au programme rendent l'accès encore plus difficile.
Notre secteur apporte sa contribution. Les engraisseurs d'Alberta Cattle Feeders ont investi des centaines de milliers de dollars en une nouvelle campagne de recrutement. De son côté, le Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture a aussi apporté sa contribution. Vous entendrez son témoignage un peu plus tard. Plus d'une soixantaine d'organismes du secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire appuient le Conseil et son plan d'action sur la main-d'oeuvre en agriculture et en agroalimentaire.
Notre deuxième gros problème a trait à la pénurie de main-d'oeuvre dans les installations de transformation de la viande.
La production de boeuf est une chaîne de valeur complexe. Pour soutenir la concurrence, il faut que tous ses maillons fonctionnent à plein rendement. Les engraisseurs de bovins souffrent de la pénurie de travailleurs dans nos usines de transformation du boeuf. Un peu plus tard, vous entendrez le témoignage de représentants de ce secteur; nous appuyons incontestablement les solutions qu'ils présenteront à votre comité.
La plupart des Canadiens ne veulent pas travailler dans une usine de transformation de la viande. Ils refusent de le faire. Les immigrants et les travailleurs étrangers sont indispensables à l'industrie de la transformation. Jour après jour, les usines de transformation du Canada fonctionnent malgré les centaines de postes de travail vacants; elles cherchent à l'heure actuelle à recruter plus de mille travailleurs. Cette pénurie de main-d'oeuvre empêche les usines canadiennes de soutenir la concurrence. Elle les empêche de profiter des nouveaux débouchés d'exportation comme l'AECG et le PTP.
Nous considérons les difficultés du secteur de la transformation comme étant les nôtres, parce que les usines qui ne pourront pas soutenir la concurrence risquent de devoir fermer leurs portes; pour l'industrie du boeuf, ce serait une catastrophe dont nous ne nous remettrions pas.
J'exhorte donc le comité à envisager les solutions suivantes: nous avons besoin d'un engagement plus intense des gouvernements pour qu'ils reconnaissent nos besoins très particuliers et qu'ils élaborent des programmes qui y répondent efficacement. Nous encourageons votre comité à examiner de près les recommandations du plan d'action sur la main-d'oeuvre d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Nous encourageons le gouvernement à poursuivre sa simplification de l'administration et des échéanciers du programme. Il faut que ce programme réponde aux besoins du secteur de la transformation de la viande afin que toute la chaîne de production du boeuf soit viable et compétitive et que nous ne soyons pas dans l'obligation d'envoyer notre boeuf dans des usines de transformation à l'étranger. Il faut que nous envisagions d'accorder la priorité à des immigrants peu qualifiés afin de mieux répondre à la demande de main-d'oeuvre d'un Canada en pleine évolution. Nous devons garantir aux bons travailleurs étrangers un processus simple d'accession à la résidence permanente, qu'il s'agisse du système d'immigration Entrée expresse ou de quelque autre programme. Nous pourrions aussi envisager de créer un bureau ou un centre unique de spécialisation en agriculture doté d'un personnel bien formé qui effectue rapidement les évaluations de l'incidence potentielle qu'aura l'entrée des travailleurs étrangers sur le marché du travail et qui puisse hâter l'octroi de permis pour ces travailleurs.
En résumé, nous sommes convaincus que le gouvernement fédéral devrait apporter une aide proactive à la résolution de notre pénurie de main-d'oeuvre. Il sera crucial pour cela de faciliter l'accès aux travailleurs étrangers temporaires et au programme qui le régit et même, s'il le faut, de créer un nouveau programme de main-d'oeuvre spécialement pour l'industrie de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
Enfin, n'oublions pas que l'on a fait des exceptions dans le cas de l'industrie des fruits de mer sur la côte Est du Canada. L'industrie de l'agriculture et de l'agroalimentaire fait face à un défi similaire, sinon plus grave. Il est crucial que l'on s'occupe aussi de nos besoins.
Je vous remercie de m'avoir consacré ce temps et d'examiner nos suggestions.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis heureux que vous m'ayez offert de revenir deux semaines après la dernière fois que j'ai comparu devant vous, mais je ne vais pas m'étendre là-dessus.
L'Association des hôtels du Canada représente toute l'industrie de l'hébergement du pays. Nous comptons environ 8 500 hôtels et près de 288 000 employés. L'année dernière, nous avons généré des recettes d'environ 17,5 milliards de dollars.
Quand je me présente devant un comité comme le vôtre, j'aime toujours souligner les recettes fiscales que génère notre industrie. Elles s'élèvent en tout à près de 7,6 milliards de dollars et de cette somme, environ 3,3 milliards de dollars sont versés au gouvernement fédéral. Alors je nous appelle, avec un sourire en coin, l'industrie des bonnes nouvelles. Nous contribuons au paiement de nombreuses factures, et nous n'en demandons pas beaucoup en retour.
Cependant — évidemment qu'il y a toujours un petit « mais » —, partout au Canada, l'industrie de l'hébergement souffre encore d'une grave pénurie de main-d'oeuvre à certains endroits, surtout dans les régions éloignées. Je pense par exemple à un lieu de villégiature de trois à quatre mille chambres près d'un tout petit village. Mon collègue Darren Reader, qui travaille à Banff et à Lake Louise, est ici avec moi, et il pourra confirmer qu'un hôtel comme le Fairmont Banff emploie chaque année près de 400 travailleurs étrangers temporaires parce que la région n'a pas assez d'habitants à recruter.
Nous essayons continuellement d'embaucher autant de Canadiens que possible ainsi que des Autochtones, mais nous faisons tout de même encore face à de graves pénuries.
La réforme de 2014 qui limitait l'embauche à 10 % de l'effectif de l'entreprise et qui tenait compte des taux de chômage et autres s'est soldée par un échec. La plupart des collectivités affichent un taux de chômage de plus de 6 %, mais les hôtels n'étaient pas admissibles. Nous affirmons qu'il faut tenir compte de la demande saisonnière de notre travail. À cause de cela et après les changements que la ministre a fait mettre sur pied en mars de cette année — et nous félicitons le gouvernement et la ministre d'avoir apporté ces changements, car c'était vraiment une bonne initiative —, malgré tout cela, chaque saison nous nous heurtons encore à des problèmes partout au pays. C'est pourquoi il nous faut un programme spécial pour les travailleurs saisonniers de l'hébergement.
J'ai mentionné les mesures que le gouvernement a prises en mars, autres que le seuil de 10 %, et je le répète, nous avons félicité la d'avoir fait cela. Nous sommes heureux que le gouvernement reconnaisse l'aspect saisonnier de notre secteur, et nous voudrions beaucoup qu'il crée un programme spécial pour nous.
En conclusion, il nous faut plus que des mesures provisoires. Il nous faut une solution permanente à la situation dans laquelle nous nous trouvons.
Je sais que la ville de Fort Mac est encore votre priorité, comme elle l'est dans bien des domaines. Permettez-moi de vous dire que nous avons perdu deux hôtels dans cet incendie. Nous avons un besoin immédiat d'au moins 125 travailleurs pour les rouvrir. Quand je parle d'immédiat, c'est immédiat, tout de suite. Nous n'avons pas ces travailleurs; nous ne pouvons pas les avoir.
Enfin, monsieur le président, vous vous demandez probablement combien d'employés embauchés dans le cadre de l'ancien programme travaillent réellement dans des hôtels. Ils sont au nombre d'environ 10 000, dont à peu près 5 000 en Alberta. Il est évident que la situation a changé à cause de différents facteurs. Les 5 000 autres travailleurs, du total d'environ 290 000, ont été répartis un peu partout au pays.
J'ai entendu mon collègue parler de la situation de l'industrie des bovins, et il a ajouté que cette situation est constante, qu'elle dure toute l'année. Eh bien, je vous dirai que dans l'industrie hôtelière, nous ne fermons pas nos portes à moins qu'on nous force à le faire. Alors ce que nous désirons de vous, c'est que vous nous aidiez à garder les portes ouvertes.
Merci beaucoup.
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Je vais avoir beaucoup de peine à répondre.
Pouvez-vous m'imaginer faisant le même travail il y a environ 10 ans? Ces choses se passent encore aujourd'hui. Je suis maintenant conseillère en réinstallation auprès des travailleurs migrants, et jour après jour, je les entends me décrire les mauvais traitements que j'ai subis moi-même. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point cela est difficile, non seulement pour moi, mais surtout pour les travailleuses. Elles élèvent vos enfants ici au Canada, et la plupart d'entre elles ne voient leurs propres enfants que par Skype. C'est tellement difficile, vous savez, qu'elles ne puissent même pas toucher leurs enfants. C'est très difficile. Je suis une mère moi-même, alors je ressens chacune de leurs émotions quand elles se vident le coeur devant moi. C'est très difficile.
Mais ces mauvais traitements ont lieu parce que le permis de travail est lié à un employeur. Je voudrais, si l'on ne peut pas offrir la résidence permanente, que le permis de travail soit ouvert. Comment appelez-vous cela? Le permis se rapporte à une industrie particulière, mais les travailleurs devraient avoir l'autorisation de se déplacer. S'ils subissent de mauvais traitements, ils devraient pouvoir changer d'employeur. Cette modification aiderait probablement beaucoup d'aides familiales.
Le rôle qu'elles jouent ici est très important pour nous. Elles élèvent nos enfants, elles prennent soin de nos aînés. Personne ne veut se charger de ces tâches. Ces femmes acceptent ces fonctions même une fois qu'elles deviennent résidentes permanentes. Elles retournent aux études, reprennent un emploi d'aide familiale ou d'infirmières, elles continuent à prendre soin des gens. Il est très important que nous résolvions les problèmes auxquels elles font face, et surtout que nous mettions fin aux mauvais traitements qu'elles subissent.
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Je ne saurais trouver les mots. Avant de venir ici, j'avais entendu dire que le Canada était très accueillant, que les grèves ouvrières y étaient courantes et que nous jouirions de meilleurs débouchés, mais cela n'a pas été le cas. Ici, nous devons travailler pour obtenir notre résidence permanente et être respectés en tant qu'ouvriers. Au final, un grand nombre d'entre nous, et même certains parmi nous qui ont déjà obtenu leur résidence permanente, sont encore victimes d'abus au travail, car ils choisissent de demeurer aides familiaux.
Je n'arrive pas à l'expliquer, et ce, même si j'enseigne l'histoire de ce type de travail au Canada. Autrefois, ces personnes se voyaient accorder le statut de résident permanent à leur arrivée et jusqu'à ce qu'elles modifient leur pays d'origine, puis leur statut est devenu temporaire, et beaucoup de choses ont changé. J'ai été sidérée, car peu importe d'où nous venons, nous demeurons des humains, nous sommes tout de même des personnes et nous ressentons de l'empathie pour les autres. Pourtant, nos compétences sont dénigrées. Prendre soin de personnes qui ne nous sont pas apparentées n'est pas un travail facile, et pourtant, nous y consacrons notre énergie et nous y investissons nos émotions.
Croyez-le ou non, je me suis déjà occupée d'une personne âgée pendant deux mois seulement, et j'éprouvais une telle compassion pour elle que, lorsqu'elle est décédée, je ne pouvais parler à personne, car j'étais en sanglots. J'aimais cette personne à ce point. Je sentais que j'étais considérée comme un membre de la famille.
Cela dit, dans mon emploi précédent, j'étais considérée comme une étrangère. Pouvez-vous imaginer passer toutes ces heures à attendre, à rester éveillée jusqu'à deux heures du matin au cas où votre employeur vous demanderait de lui faire un massage? Je ne sais pas... J'avais si peur à l'époque. Je ne pouvais même pas appeler mes amis pour leur raconter ce qui m'arrivait. Devant eux, j'essayais de faire comme si de rien n'était pour ne pas les inquiéter, car ils se plaignaient également beaucoup.
C'est très difficile... Je ne comprends pas, je ne comprends tout simplement pas. Le fait que la majorité d'entre nous étions des professionnels dans notre pays, que certains d'entre nous soient même diplômés en physiothérapie et soient retournés aux études une fois ici... Où que vous alliez, c'est la même histoire. Quand les gens voient une personne des Philippines au magasin, ils lui demandent si elle cherche un emploi ou si elle cherche à apprendre un métier. C'est une attitude qui est parfois... Je l'ignore, c'est tout simplement comme cela qu'on nous perçoit. C'est dû au statut que nous avons ici. C'est même arrivé à ma cousine, qui est venue ici en tant que professionnelle. Les gens demandent même aux aides familiaux s'ils veulent travailler pour eux. Si seulement ils savaient.. Je crois que la majorité d'entre nous savaient que le besoin d'aides familiaux au Canada n'était pas une chose temporaire, mais un besoin permanent des familles canadiennes.
Cela dit, je ne sais pas. Je ne sais tout simplement pas. Nous sommes traités de la sorte, et s'il faut changer quoi que ce soit, il faut nous donner une meilleure chance ou une chance plus juste d'être traités avec respect en qualité d'aides familiaux, car sans emploi dans ce domaine... Nous adorons notre travail, certes, mais c'est plus que ça: nous possédons des compétences que nous pouvons mettre au service des familles.
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Merci, monsieur le président.
[Français]
Je remercie le comité de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.
[Traduction]
Je vous ai transmis plus tôt un document de présentation, et j'espère que vous avez eu l'occasion d'y jeter un coup d'oeil. Je ne le passerai pas en revue, mais j'aimerais d'abord vous parler de deux personnes.
La première est Elsy Barahona. Elle vient du Salvador. Elle a eu son premier emploi à l'usine de Maple Leaf Foods, à Brandon, au Manitoba, en novembre 2005, et sa demande a été approuvée au palier provincial en septembre 2006. Elle a obtenu sa résidence permanente en avril 2008.
Elle est venue du Salvador et a d'abord travaillé comme découpeuse de viande. Elle est aujourd'hui superviseure de la production. Elle travaille toujours à l'usine et élève sa famille à Brandon. En fait, elle a connu un tel succès qu'en 2012, nous l'avons chargée d'aller faire du recrutement au Salvador.
L'autre personne exceptionnelle à qui j'ai parlé il y a de cela quelques jours est Liliam Acosta, du Honduras. Elle a été recrutée en décembre 2012. Elle a reçu sa désignation provinciale du Manitoba en 2013 et sa résidence permanente en 2015. Elle a aussi fait ses débuts comme découpeuse de viande à notre usine de transformation du porc, à Brandon. Elle est aujourd'hui administratrice à notre bureau de recrutement international.
La partie que je préfère dans son récit est qu'elle vient tout juste d'épouser un travailleur étranger temporaire d'Ukraine. Si cette histoire ne représente pas le renforcement de la diversité, alors je ne sais pas ce que c'est. Plus tard cette année, elle se rendra au Salvador avec son mari pour lui présenter sa famille, puis elle ira avec lui en Ukraine pour rencontrer la sienne. Quand je lui ai demandé ce que je devais dire au Comité, elle m'a dit de vous dire qu'elle était extrêmement reconnaissante.
Je crois qu'on pourrait compter ces récits par centaines chez le personnel de production de nos usines de l'Ouest canadien. La réalité est que Maple Leaf Foods investit dans la consolidation de notre nation en bâtissant non seulement du capital physique, mais aussi du capital humain. Je crois qu'en combinant ces efforts à l'amélioration des retombées sur le capital naturel, ont parvient essentiellement à la viabilité.
En fait, depuis que nous avons commencé à recourir au Programme des travailleurs étrangers temporaires en 2002, nous avons recruté 2 487 de ces travailleurs et 80 % d'entre eux sont aujourd'hui résidents permanents du Canada. Nous les intégrons à notre entreprise afin qu'ils fassent partie de notre investissement dans ce pays, et nous nous efforçons continuellement de soutenir leur établissement et de cultiver leur attachement au Canada.
Enfin, nous les soutenons de telle sorte qu'ils puissent, à leur tour, contribuer à bâtir l'avenir de l'entreprise, leur nouvelle collectivité et le pays lui-même.
Je me contenterai de mentionner certaines difficultés que pose pour nous la conception du programme, puis je parlerai de l'administration du programme. Je conclurai en faisant quelques remarques sur les possibilités qui s'offrent selon moi au Canada.
En ce qui a trait à la conception du programme, compte tenu du fait que les pénuries de travailleurs touchent tous les degrés de spécialisation, nous devons traiter les travailleurs spécialisés, semi-spécialisés et peu spécialisés de la même manière, cesser d'imposer des seuils de rémunération arbitraires et de faire de la discrimination au titre de la CNP, et revoir les définitions biaisées de ce que nous considérons comme un immigrant valable sur le plan économique.
La durée maximale du séjour, qui est d'un an, devrait être d'au moins deux ans.
Il faudrait aussi abroger la règle de la « durée cumulative » de quatre ans et permettre l'octroi d'un permis de travail ouvert au conjoint du travailleur.
Troisièmement, nous recommandons qu'un travailleur peu spécialisé qui s'est établi ici avec succès puisse faire une demande accélérée de résidence permanente, au moyen, par exemple, du système Entrée express. Comme dans le cas des réfugiés, pourquoi ne pas lier les exigences relatives aux NCLC à la citoyenneté, et non à la résidence permanente; cela soulagerait énormément un grand nombre d'immigrants.
Enfin, bien que cette question ne touche pas particulièrement Maple Leaf Foods, puisque nous avons déjà terminé en bonne partie notre recrutement et notre expansion, surtout à Brandon, nous estimons qu'il serait approprié de revoir les plafonds décroissants de 30, 20 et 10 %, surtout dans les régions rurales qui accusent une pénurie manifeste et prolongée de travailleurs ou lorsqu'une entreprise accroît sa capacité de production et crée des postes supplémentaires. Idéalement, il faudrait réduire le tarif de 1 000 $ par poste imposé au titre de l'EIMT et mettre en place un mécanisme d'appel relatif à l'EIMT de telle sorte que l'on puisse contester les décisions défavorables.
L'administration du programme pose un problème de coordination entre les agences gouvernementales et les ambassades du Canada à l'étranger. EDSC et IRCC devraient être plus proactifs pour ce qui est d'assurer la coordination entre les employeurs, les gouvernements étrangers et les ambassades canadiennes afin qu'ils puissent cerner les recruteurs crédibles et faciliter la sélection de travailleurs fiables. Il y a aussi lieu d'uniformiser l'administration du programme d'une province à l'autre.
Nous suggérons, particulièrement dans le cas de l'industrie agro-alimentaire, que l'on crée un bureau spécial chargé de s'assurer que les membres du personnel sont bien informés et qu'ils peuvent effectuer le traitement des EIMT dans les délais prescrits, ce qui, comme des témoins l'ont mentionné précédemment, constitue un problème majeur, et de veiller au traitement uniforme des demandes.
Nous suggérons également, en fonction d'une approbation cadre, qu'EDSC permette que les travailleurs étrangers soient mutés d'une usine à l'autre au sein d'une entreprise, de sorte que l'on puisse s'adapter aux variations saisonnières de la production, aux difficultés relatives à la négociation des contrats, etc.
Enfin, nous suggérons un véritable durcissement à l'égard des abus, mais il faut soutenir les efforts des employeurs dignes de confiance et présentant une bonne feuille de route, surtout ceux dont les employés sont syndiqués. Il est tout particulièrement urgent que vous examiniez avec soin le Plan d'action sur la main d'oeuvre du Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture, dont un témoin paraîtra justement devant ce Comité plus tard cette semaine.
Pour terminer, monsieur le président, je crois qu'en fin de compte, de grandes possibilités s'offrent à notre pays. Moderniser les politiques en matière de travail et de développement de la main d'oeuvre afin qu'elles soient mieux adaptées à la réalité canadienne et mieux à même de procurer du travail aux Canadiens et aux Canadiennes, de même que les politiques d'immigration au titre desquelles la résidence permanente est octroyée aux migrants spécialisés et non spécialisés peut aider à pallier la dépopulation en milieu rural, à rétablir la viabilité des collectivités rurales et à raviver la croissance et la compétitivité des nombreuses entreprises dans ces collectivités, y compris dans la production animale et la production de produits carnés. Cela peut nous aider à dépendre moins du Programme des travailleurs étrangers temporaires.
Pour conclure, permettez-moi de vous lire un extrait du protocole d'entente conclu par UFCW Canada, Cargill Ltd., Olymel, HyLife Foods et Maple Leaf Foods au moment où la plus récente série de modifications a été apportée au programme par le gouvernement précédent, en 2014.
Voici l'extrait:
Le Programme des travailleurs étrangers temporaires n'a jamais été une solution de rechange cohérente, stratégique ou sensée à ce dont l'économie canadienne a besoin, c'est-à-dire, un régime d'immigration qui permette aux personnes possédant divers degrés de qualification de devenir des résidents permanents et, éventuellement, des citoyens du Canada.
Merci.
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Je tiens à remercier les membres du Comité de m'accorder la possibilité de m'exprimer ici aujourd'hui.
Je m'appelle Vincent Wong, et je suis avocat-conseil à la Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic. C'est une clinique d'aide juridique à vocation communautaire et à but non lucratif qui sert les membres des communautés de l'Asie du Sud-Est à faible revenu qui ne parlent pas anglais dans la région du Grand Toronto.
Nombre de nos clients sont des travailleurs étrangers temporaires, et beaucoup d'entre eux occupent des emplois peu spécialisés. Pour tous ces clients, la langue constitue un obstacle qui les empêche de comprendre et de faire valoir leurs droits. Nous voulons nous assurer aujourd'hui que ces travailleurs soient entendus.
Avant de formuler des recommandations précises, j'aimerais prendre un peu de recul et jeter un coup d'oeil à ce qui se passe chez nos travailleurs étrangers temporaires à une échelle macro-économique.
Le Canada est, depuis longtemps, une nation d'immigrants. Au cours des dernières années, le gouvernement a créé, au moyen de ses politiques en matière d'immigration, un nombre faramineux de résidents temporaires. Par exemple, de 1995 à 2014, le nombre de travailleurs étrangers temporaires a augmenté de 277 %, celui des étudiants internationaux, de 303 %, et celui des participants au Programme de mobilité internationale, de 335 %. Si nous additionnons toutes ces catégories, il s'agit de près d'un million de résidents temporaires pour 2014, et cela ne comprend pas les visiteurs.
Pourtant, tandis que le nombre de résidents temporaires augmente, nous n'observons pas d'augmentation correspondante des demandes de résidence permanente approuvées. Au cours de la même période, le nombre de demandes de résidence permanente approuvées n'a augmenté que de 22 %; celui-ci s'élevait à 260 000 par année en 2014.
Ce que ces données indiquent, c'est que le modèle d'immigration du Canada s'éloigne de la résidence permanente et repose de plus en plus sur une main d'oeuvre étrangère temporaire sans toutefois offrir à cette dernière un accès correspondant à la résidence permanente.
À l'heure actuelle, les travailleurs étrangers temporaires font l'objet d'un abus et d'une exploitation systémiques. Je ne veux pas dire par là que tous les employeurs sont coupables, mais c'est un problème systémique largement documenté... Nous soutenons les autres groupes qui se sont présentés devant le Comité, en particulier ceux qui sont venus nous raconter leur expérience personnelle, et nous comptons sur eux pour jeter un éclairage sur ces problèmes épineux.
En fin de compte, le déséquilibre des pouvoirs résultant de leur statut précaire d'employés temporaires explique pourquoi ces travailleurs continuent d'être exploités. Il est impossible de résoudre ce problème durablement sans en enrayer la cause.
Le gouvernement peut prendre des mesures pour limiter certains des pires abus, mais un retour vers un modèle d'immigration axé sur la résidence permanente pour répondre aux demandes du marché du travail constitue à notre avis la seule façon de résoudre ce problème à long terme. En ce sens, je suis d'accord avec M. McAlpine.
Nous aimerions donc faire six recommandations au Comité.
Nous recommandons d'abord que l'on délaisse le modèle de mise en oeuvre du programme, fondé sur les plaintes, au profit d'un modèle qui soit plus proactif. Le Canada a déjà fait des pas dans cette direction, mais la principale raison qui rend cette mesure nécessaire, outre la peur du congédiement ou de la déportation, est que la durée limitée des permis de travail rend le processus de traitement des plaintes totalement inefficace.
Par exemple, un travailleurs étranger peut voir son visa arriver à échéance bien avant que toute plainte relative à son employeur puisse être traitée et qu'une décision puisse être rendue, et certainement bien avant que toute perception puisse avoir lieu. Les employeurs le savent et sont donc conscients qu'ils peuvent prendre tout leur temps.
Notre deuxième recommandation est d'assouplir les restrictions relatives aux permis de travail, particulièrement celles qui lient un employé à un emploi ou un employeur donné. Ce qui pose problème, encore une fois, c'est que si un employeur sans scrupules sait que ses employés peuvent être déportés s'ils sont mis à pied et qu'ils ne peuvent pas trouver un autre emploi, il peut tirer parti de cette situation avantageuse pour violer en toute impunité les lois relatives à la santé et à la sécurité au travail.
Nous recommandons par conséquent la délivrance de permis de travail ouverts ou la délivrance de permis de travail professionnels ou sectoriels pour réduire les risques d'exploitation.
Notre troisième recommandation est d'éliminer la règle de la « durée cumulative » et de créer une disposition visant à régulariser le statut des travailleurs étrangers temporaires qui se retrouvent sans statut simplement en raison de l'application de cette règle.
Notre quatrième recommandation est d'étendre les services d'établissement et les services de santé aux travailleurs migrants. Les travailleurs étrangers temporaires constituent l'un des groupes les plus marginalisés et les plus exploités de la population. Par conséquent, il faut leur donner accès aux services d'établissement cruciaux offerts aux nouveaux venus, y compris aux services linguistiques et aux services de santé, de sorte qu'ils puissent réellement prendre conscience de leurs droits et s'en prévaloir.
Notre cinquième recommandation, qui est probablement la plus importante, est d'ouvrir des voies vers la résidence permanente pour tous ces travailleurs migrants spécialisés. Bien entendu, il existe déjà un précédent en cette matière, le Programme des aides familiaux. Le travail d'aide familial est la seule profession d'un niveau de qualification C ou D répertoriée dans la CNP qui mène vers la résidence permanente.
Si le Canada reconnaît l'importance du travail des aides familiaux pour la société canadienne et qu'il estime donc juste de leur octroyer un statut, pourquoi alors fermons-nous nos portes aux autres travailleurs, qu'il s'agisse des travailleurs de l'alimentation, des concierges, des commis et des ouvriers agricoles? Considérons-nous que ces travailleurs ne méritent pas le même respect?
Nous recommandons par conséquent que les travailleurs peu spécialisés se voient offrir eux aussi de vraies trajectoires vers la résidence permanente.
Notre dernière recommandation a trait au Programme de mobilité internationale. Il faut véritablement ouvrir la voie vers la résidence permanente pour les participants au Programme de permis de travail post-diplôme. Malheureusement, l'actuel système Entrée express bloque la majorité des titulaires d'un tel permis des candidats à l'immigration au Canada, car ceux-ci font partie du même bassin que les candidats à l'entrée express.
Juste par curiosité, j'ai vérifié les chiffres. Au cours de la dernière sélection des candidats à Entrée express, la note exigée était de 484. J'en ai conclu qu'une personne comme moi — du même âge, titulaire de deux diplômes de l'Université de Toronto, y compris d'une licence en droit, qui obtiendrait probablement les notes maximales en anglais et qui compte deux années d'expérience pertinente —, serait tout de même déportée une fois que son permis de travail est échu.
Je ne cherche pas ici à me vanter. Seulement, si une personne dans ma situation était déportée parce qu'elle ne pouvait obtenir la note voulue, je crois que le Canada perdrait un nombre incroyable de jeunes personnes talentueuses, des personnes qui seraient parfaitement à même de s'établir au Canada et de contribuer à la vie économique, culturelle et sociale du pays. D'un point de vue national, ça n'a tout simplement pas de sens, où que l'on se trouve dans le spectre politique, de refuser l'entrée à ces personnes.
Je vais terminer là-dessus.
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Très certainement, comme d'autres intervenants l'ont mentionné, je crois, le travail agricole n'est pas facile. Le découpage de la viande n'est certainement pas un travail facile, et le maintien en poste est un problème majeur dans l'industrie; cela a toujours été le cas.
Dans notre utilisation réussie du programme et de la transition vers la résidence permanente pour les travailleurs étrangers, nous avons observé que le maintien en poste est bien plus élevé maintenant qu'il ne l'a jamais été dans notre industrie, dans nos usines. Une fois que les travailleurs obtiennent leur résidence permanente, ils peuvent certainement changer d'emploi et travailler pour n'importe quel employeur, mais ils sont très loyaux et savent que l'on a beaucoup investi pour les aider. Ils prennent rapidement leur place dans leur milieu grâce au travail de rayonnement que nous effectuons auprès des communautés et de nos partenaires avec l'aide du syndicat, pour nous assurer qu'ils réussissent leur établissement. En ce sens, les travailleurs s'en tirent gagnants.
En ce sens, c'est une expérience positive pour les travailleurs et pour nous, l'employeur, en raison de leur loyauté, de leur travail rigoureux et du taux de maintien en poste dont nous jouissons, comme je l'ai dit, ainsi que pour la communauté. Il arrive que des petites villes rurales de l'ouest du Canada aux prises avec un problème de dépopulation voient la situation se renverser. C'est exactement ce qui s'est passé à Brandon, au Manitoba.
Dans l'ensemble, l'expérience s'est avérée très positive, et elle est facilitée par la résidence permanente, qui fait en sorte que ces personnes ne sont pas vues comme ayant un statut temporaire.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, j'aimerais d'abord vous remercier de nous donner l'occasion de nous prononcer dans le cadre de cette consultation.
Le Programme des travailleurs étrangers temporaires est un outil essentiel pour l'économie du Grand Montréal. Montréal International agit comme moteur économique du Grand Montréal pour attirer de la richesse en provenance de l'étranger, tout en accélérant la réussite de ses partenaires et de ses clients. Nous attirons des entreprises étrangères, des organisations internationales et des talents stratégiques dans la grande région de Montréal.
Le Grand Montréal n'est pas la seule région métropolitaine qui peut compter sur une telle organisation. La plupart des grandes villes de la planète disposent de telles agences. En effet, 4 000 agences d'attraction d'investissements directs étrangers et de talents se font concurrence sur la planète. À titre indicatif, il n'y en avait que 800 il y a 20 ans. Elles sont essentielles pour la compétitivité, la croissance, la richesse et, bien sûr, l'avenir des métropoles qu'elles représentent.
Depuis sa création, Montréal International a contribué à la venue et à la rétention de plus de 10 000 talents stratégiques internationaux et a attiré des projets d'investissement directs étrangers d'une valeur de 10 milliards de dollars dans le Grand Montréal. Ces projets ont entraîné la création ou le maintien de 52 000 emplois et l'établissement de près de la moitié des quelque 60 organisations internationales présentes dans la métropole.
L'immigration fait inévitablement partie de l'équation lorsque nous rencontrons les investisseurs étrangers. Il s'agit du principal facteur d'attractivité d'investissements étrangers. On nous demande régulièrement si Montréal possède un bassin de talents stratégiques et qualifiés disponibles et si celui-ci est suffisamment vaste. Si ce n'est pas le cas, est-il possible de recruter à l'étranger les travailleurs stratégiques et ceux-ci peuvent-ils occuper un travail rapidement?
La présence de talents stratégiques est au coeur des préoccupations des gens d'affaires et des investisseurs potentiels. Cet atout est d'autant plus central que les secteurs qui sont les moteurs de la création d'emplois du Grand Montréal sont des secteurs de haut savoir qui reposent essentiellement sur les compétences de la main-d'oeuvre.
Le mémoire que nous avons présenté et que nous vous présentons repose sur trois grands principes. En effet, notre système d'immigration doit être en mesure de prendre des décisions rapidement. Il doit être facilement compréhensible pour nos entreprises et doit être prévisible, ce qui veut dire éviter l'arbitraire et de nombreux changements annuellement.
L'immigration ne doit pas être un frein à la croissance économique et à notre capacité d'attirer des investissements étrangers. Bien au contraire, nous devons nous démarquer des autres territoires qui sont, eux aussi, à la recherche de talents stratégiques et nous donner les moyens de nos ambitions. D'ailleurs, il est important de bien faire la différence entre les travailleurs étrangers temporaires qualifiés et ceux qui ne le sont pas. Dans le passé, les deux catégories ont été, à tort, traitées sur un pied d'égalité.
Le Grand Montréal étant bien ancré dans l'économie du savoir, son développement économique passe nécessairement par le développement de ses secteurs de haute technologie. Les entreprises évoluant dans ces secteurs font souvent appel à des travailleurs temporaires étrangers spécialisés pour combler des pénuries de main-d'oeuvre locales et régionales. Pensons notamment aux secteurs des technologies de l'information, du jeu vidéo et des effets visuels, du développement de logiciels, des centres de solution et des services financiers et ainsi de suite. Ces secteurs affichent des taux de croissance se situant jusqu'à 25 % annuellement.
Montréal International accompagne plusieurs de ces entreprises dans leurs démarches de recrutement à l'étranger. La grande majorité des demandes dans lesquelles Montréal International est impliqué sont faites par l'entremise du Processus simplifié pour le traitement des demandes d'étude d'impact sur le marché du travail pour les employeurs du Québec. Ce processus allège les exigences pour une liste de professions qui sont en pénurie ou en forte demande, comme cela a été établi par Emploi-Québec. Jusqu'à présent, ce programme s'est avéré efficace et a permis de réduire les délais d'embauche des entreprises, notamment celles dans les secteurs de pointe de la métropole.
Nous vous encourageons fortement à conserver ce processus simplifié pour le Québec et à vous en inspirer pour le reste du Canada. Il s'agit d'un avantage très concurrentiel pour attirer de l'investissement étranger dans le Grand Montréal et ailleurs au Québec. Les employeurs qui recrutent à l'étranger ont des besoins urgents et nous devons chercher à tout prix à simplifier et à accélérer les démarches. Cela est d'autant plus important que les secteurs stratégiques que sont les effets visuels et les jeux vidéo sont des secteurs où les délais au chapitre de la réalisation des projets sont extrêmement serrés et peuvent entraîner la perte de contrats s'ils ne sont pas respectés.
Les récentes modifications apportées par le gouvernement du Canada au Programme des travailleurs étrangers ont créé beaucoup d'incertitudes et de lourdeur pour les employeurs. Sur le terrain, nous les sentons échaudés et ils se disent mal compris par les autorités.
Au Québec, l'immigration est une compétence partagée. Nous avons déjà communiqué au gouvernement du Québec nos réflexions sur le Programme des travailleurs étrangers temporaires et nous avons établi une liste des recommandations qui sont prioritaires. Elles sont inscrites à la fin de notre mémoire. Elles doivent être considérées et mises en oeuvre rapidement.
Comme je le mentionnais en introduction, notre système d'immigration doit être rapide, prévisible et facilement compréhensible. Il est primordial que les deux gouvernements travaillent main dans la main. Cela nous permettra d'accroître la vitesse de développement des secteurs de pointe de notre économie globale. Nos recommandations portent notamment sur ces points, à savoir réduire les délais rencontrés dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers, abolir le plan de transition exigé pour les professions dont une pénurie est avérée, mettre fin à la lourdeur administrative du programme — que l'on pense à l'absence d'uniformité des décisions et à l'étude des demandes —, et faire connaître le nouveau concept de conformité des employeurs qui est accompagné de lourdes sanctions.
Cette consultation doit aussi être menée en partenariat avec Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, qui est responsable du Programme de mobilité internationale et, ultimement, de l'émission des permis de travail avec l'Agence des services frontaliers du Canada. Nous avons aussi formulé des recommandations à leur intention.
Montréal International est particulièrement conscient de la valeur de la contribution de l'immigration pour le développement économique du Grand Montréal et de l'importance de travailler au positionnement judicieux de Montréal pour attirer des talents stratégiques provenant de toutes les régions du monde.
Vous pouvez être assurés de notre volonté de continuer à collaborer activement avec toutes les instances qui solliciteront notre participation aux réflexions et aux actions touchant l'avenir du développement économique du Grand Montréal.
Je vous remercie beaucoup de votre attention.
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Veuillez prendre vos places.
Je vous souhaite de nouveau la bienvenue.
Du ministère de l'Emploi et du Développement social, nous accueillons aujourd'hui Paul Thompson, sous-ministre adjoint principal, Direction générale des compétences et de l'emploi, et Janet Goulding, directrice générale, Programme des travailleurs étrangers temporaires, Direction générale des compétences et de l'emploi. Et du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, nous accueillons Maia Welbourne, directrice générale, Direction générale de l’immigration, et Robert Judge, directeur, Politiques et programmes à l'intention des résidents temporaires, Direction générale de l'immigration, Politiques stratégiques et de programmes.
C'est toute une carte de visite. Je crois que j'ai fait cette remarque la dernière fois également.
Je vous remercie une fois de plus d'être de retour. J'admets que nous avons été interrompus assez tôt. Nous avons entendu vos remarques liminaires au moment de votre allocution précédente. Si vous le voulez bien, nous passerons immédiatement aux questions.
Commençons par Mark Marawa.