Je vous remercie de nous recevoir. Nous sommes du seul syndicat à être entendu aujourd'hui.
La CSN représente 300 000 membres, incluant 10 000 personnes assujetties aux lois fédérales, dont M. Godin, qui représente les agents correctionnels du Canada.
D'abord, nous voulons saluer ce projet de loi qui vient combler un retard important dans le Code canadien du travail en incluant, finalement, des dispositions sur la prévention du harcèlement dans son sens le plus large et la violence au travail. L'objet du projet de loi est la protection de la santé tant psychologique que physique en incluant des mesures de prévention, mais l'objet de la loi telle que modifiée ne parle que d'accidents, de blessures ou de maladies.
Nous nous inquiétons du fait que, lorsqu'il est question, dans le contenu du projet de loi, de harcèlement et de violence, le législateur ne référera qu'à des questions d'incident. Le fait que ce ne soit pas le même vocabulaire nous pose problème, et c'est l'objet de notre première recommandation: nous souhaitons que la notion d'incident soit ajoutée à l'objet de la loi.
Le projet de loi prévoit aussi que la définition de harcèlement et de violence au travail sera incluse dans un règlement, et cela aussi nous pose problème. Vous savez que la définition de ces termes est le fondement sur lequel la loi va se baser. Le fait de définir ces mots plus tard dans un règlement, lequel pourra être changé selon les aléas politiques de la vie que nous menons, nous pose problème. Nous pensons que la définition de harcèlement, y compris le harcèlement sexuel, devrait vraiment être incluse dans la loi, parce que les règlements découleront de cette définition. Il est donc plus logique de l'avoir dans la loi même.
Par ailleurs, le projet de loi abolit la définition de harcèlement sexuel parce qu'elle sera incluse dans la définition plus large de harcèlement et de violence. C'est formidable, sauf que la définition ne sera dans un règlement que plus tard. Si nous abrogeons la loi avant que les règlements ou l'autre loi ne soient en place, il risque d'y avoir un vide juridique. Nous trouvons très important de le souligner. Dans le contexte actuel, qu'il y ait un vide juridique relativement au harcèlement sexuel dans les lois canadiennes du travail serait un faux pas qu'il faut absolument éviter. C'est pour cela que nous tenions à le mentionner.
Nous avons aussi des remarques à faire sur le règlement interne des plaintes. Je vais donc laisser M. Godin vous en parler.
[Traduction]
Jason, c'est à toi maintenant. Je reviendrai pour la conclusion.
Une de nos grandes préoccupations porte sur la question du processus interne de résolution des plaintes, et le projet de loi y accorde une place importante. Cependant, une plainte pour harcèlement ou violence ne pouvant être résolue entre l'employé et son superviseur devra être renvoyée directement au ministre, et c'est à lui qu'incombera la responsabilité de mener l'enquête.
Le projet de loi empêche les comités d'orientation, les comités en milieu de travail et les représentants de la santé et de la sécurité de participer aux enquêtes sur les incidents de harcèlement et de violence. Ni le ministre ni l'employeur ne peut fournir à ces comités et à ces représentants des informations susceptibles de permettre l'identification d'un personne mêlée à la plainte. De plus, le ministre peut décider de ne pas enquêter s'il juge que la plainte est « futile, frivole ou vexatoire ». Le ministre aura aussi la possibilité de fusionner des enquêtes lorsqu'elles ont trait à un incident de harcèlement ou de violence qui concerne le même employeur et qu'elles portent, pour l'essentiel, sur les mêmes faits qu'une enquête en cours, et ne rendre qu'une seule décision.
Nous avons remarqué qu'aucun mécanisme n'a été prévu pour dénoncer une situation de violence ou de harcèlement impliquant un superviseur. Les comités paritaires sont exclus de toutes les enquêtes relatives aux incidents de harcèlement et de violence et ne peuvent pas obtenir de l'information susceptible d'identifier une personne visée par la plainte. Ce faisant, les employés ne sont pas appelés à s'impliquer dans les enquêtes ou les solutions possibles à la suite d'une plainte de harcèlement ou de violence. Cela envoie le message que la violence et le harcèlement ne sont pas l'affaire de tous les acteurs d'un milieu de travail.
Nous comprenons que cette exclusion vise à permettre aux employés victimes de tels comportements de porter plainte en ayant l'assurance que le traitement de celle-ci se fera dans la plus stricte confidentialité. Selon nous, un meilleur encadrement des comités paritaires, incluant le représentant en santé et sécurité, par un code de déontologie, des règles de pratique et de la formation pouvant faire partie d'un corpus réglementaire subséquent, pourrait permettre d'atteindre cet objectif.
Quant à la possibilité de fusionner des enquêtes, nous avons une réserve. Il faut, en effet, s'assurer d'éliminer les risques de contamination de la preuve d'une plainte à une autre. Le maintien de la confidentialité pourrait s'avérer plus difficile à gérer en contexte de fusion des plaintes.
Voici nos recommandations.
Premièrement, en faisant fond sur la notion de « personne compétente » que nous retrouvons dans le règlement, prévoir un mécanisme permettant aux employés de dénoncer des incidents de violence ou de harcèlement liés à leur supérieur hiérarchique. Les comités d'orientation, les comités locaux ou les représentants en santé et sécurité pourraient avoir comme fonction additionnelle celle de nommer une personne compétente pour les plaintes de cette nature.
Deuxièmement, maintenir l'apport des comités d'orientation, des comités locaux ou des représentants en santé et sécurité dans le cadre des enquêtes. Ces comités paritaires devraient recevoir le contenu de l'enquête de la personne compétente et participer aux enquêtes selon le mode actuellement prévu dans le Code lorsque la plainte suit le mode régulier, c'est-à-dire lorsqu’elle est faite directement au supérieur hiérarchique dans un premier temps.
Troisièmement, comme pour les plaintes visant directement le supérieur hiérarchique, il faut prévoir un mécanisme pour permettre aux employés de déposer une plainte visant un membre des comités d'orientation, un membre des comités locaux ou des représentants en santé et sécurité. La plainte devrait être déposée directement à la personne compétente chargée de faire l'enquête.
Quatrièmement, les comités d'orientation, les comités locaux et les représentants en santé et sécurité devraient bénéficier d'un meilleur encadrement par l'entremise d’une formation sur la violence et le harcèlement ainsi que par les règles de pratique et de déontologie garantissant le respect de la confidentialité des informations reçues dans le cadre des enquêtes.
Cinquièmement, le ministre devrait maintenir des enquêtes séparées pour chaque plainte reçue.
En terminant, je tiens à vous signaler qu'il n'est pas rare que les agents correctionnels se fassent harceler par les détenus sur leur lieu de travail; c'est un autre problème auquel il va falloir remédier. Je sais que certains autres comités en ont parlé.
Merci.
Bonjour. Je suis honorée de témoigner aujourd'hui pour traiter du projet de loi . Je me spécialise dans l'étude scientifique du harcèlement en milieu de travail, m'intéressant notamment à l'intimidation, à l'incivilité et au harcèlement sexuel en milieu de travail depuis 2004. Mon expertise concerne particulièrement les conséquences de ces formes de harcèlement sur les employés et les organisations, ainsi que les stratégies que les employés utilisent pour faire face à la situation. Dernièrement, j'ai commencé à étudier les réactions des témoins à ces formes de harcèlement.
Je félicite le Comité de travailler à un projet de loi qui aidera les victimes et les employeurs à établir un environnement de travail plus empreint de respect.
Mon exposé portera principalement sur quatre points: les définitions, la teneur du Code canadien du travail, les processus de signalement et la formation obligatoire. J'ai également remis un mémoire qui contient des recommandations précises que le Comité pourra étudier.
Le projet de loi vise à couvrir toutes les formes de harcèlement en milieu de travail, qu'elles soient de nature sexuelle ou non.
Lors de la séance du 12 février, au cours de laquelle la a répondu à des questions sur le projet de loi , un certain nombre de questions portaient sur la définition. Je conviens avec la ministre que la définition doit être assez large pour englober le harcèlement sous toutes ses formes. Tout comme elle, je crains que sans une définition claire expliquant ce qui constitue le harcèlement en milieu de travail, les organisations éprouveront de la difficulté à élaborer des politiques et à former adéquatement leurs employés.
Je commencerai donc par traiter du harcèlement sexuel. Dans le domaine des sciences sociales, le harcèlement sexuel comprend trois catégories: la contrainte sexuelle, l'attention sexuelle non sollicitée et le harcèlement fondé sur le sexe. La définition figurant actuellement dans le Code canadien du travail, qui sera abrogée, n'inclut que les deux premières catégories. J'encouragerais le Comité à élaborer une définition qui engloberait les trois catégories.
La contrainte sexuelle est le fait de rendre l'emploi ou la promotion de la victime conditionnel à des faveurs sexuelles, alors que l'attention sexuelle non sollicitée inclut les expressions d'intérêt sexuel non désiré. Pour sa part, le harcèlement fondé sur le sexe fait référence aux comportements verbaux et non verbaux témoignant d'attitudes insultantes, hostiles ou dégradantes à l'égard du sexe de quelqu'un.
On trouve un exemple d'un tel comportement dans la revue Science, où des femmes ayant participé à une expédition géologique en Antarctique ont indiqué que leurs collègues de sexe masculin leur avaient jeté des pierres, lancé des insultes, soufflé des cendres volcaniques dans les yeux et affirmé que les femmes ne devraient pas être géologues sur le terrain.
La contrainte sexuelle et l'attention sexuelle non sollicitée sont des comportements ou des avances sexuels traditionnels, alors que le harcèlement fondé sur le sexe n'est pas de nature sexuelle, puisqu'il consiste à rabaisser les personnes d'un sexe donné.
Les recherches montrent que 89 % des femmes harcelées disent avoir été victimes de harcèlement fondé sur le sexe sans attention sexuelle non sollicitée ou contrainte sexuelle, et que ce genre de harcèlement a sur les victimes des répercussions néfastes semblables à celles des deux autres formes de harcèlement sexuel. En excluant cette forme de harcèlement de la définition de harcèlement sexuel, on ne couvre donc pas la majorité des affaires de harcèlement sexuel.
Sur le plan du harcèlement non sexuel en milieu de travail, les chercheurs ont constaté que toutes les formes de harcèlement psychologique, qu'il s'agisse de légers affronts, de menaces ou de violence physique, ont des effets négatifs considérables sur le bien-être des employés, ainsi que sur les attitudes et le rendement de ces derniers. Je conviens avec la ministre que la définition doit être suffisamment large pour englober toutes les formes de harcèlement, y compris celles qui concernent les frontières spatiales et temporelles traditionnelles en milieu de travail. Dans mon mémoire, je propose des définitions de travail pour le harcèlement sexuel et non sexuel que vous pourrez étudier.
Mon deuxième point porte sur la teneur du Code canadien du travail. Le projet de loi tente d'intégrer le harcèlement et la violence à un code de santé et de sécurité au travail existant. Pour le commun des mortels, le code donne l'impression de porter principalement sur la sécurité physique. Cette dernière est fort importante, bien entendu, mais je pense que le respect en milieu de travail est également important. En intégrant plus complètement le harcèlement et la violence dans le Code canadien du travail, le gouvernement signifierait aux organisations et aux employés fédéraux que la prévention du harcèlement constitue une priorité au Canada. À cette fin, je propose que le Comité remplace le terme « santé et sécurité » par quelque chose comme « santé, sécurité et traitement respectueux » lorsque cette expression convient.
Mon troisième point concerne le signalement. La a expliqué avec justesse que le harcèlement en milieu de travail est en grande partie une question de pouvoir, toutes les formes de harcèlement étant bien plus susceptibles de venir d'une personne en position d'autorité. Quand le harcèlement vient d'une telle personne, il a des effets néfastes bien plus importants sur les victimes que s'il est attribuable à un collègue. En outre, les témoins sont bien moins susceptibles d'intervenir lorsque le harceleur occupe une position d'autorité. En raison du déséquilibre de pouvoir, il est difficile de signaler un problème de harcèlement, car les victimes craignent les représailles, l'incrédulité et l'inaction. Le présent projet de loi règle la question des perceptions d'incrédulité et d'inaction en exigeant la tenue d'une enquête, mais je crains que la peur des représailles n'empêche encore les gens de se manifester.
Les recherches montrent que ceux qui portent plainte pour des affaires de harcèlement en milieu de travail subissent des représailles sévères et que ces dernières sont plus susceptibles de venir d'un supérieur. L'article 127.1 proposé exige que les employés portent d'abord plainte au superviseur. Or, comme c'est souvent ce dernier qui fait du harcèlement, je pense que le projet de loi doit clairement indiquer que si le superviseur est la source de la plainte, les employés peuvent s'adresser directement à la commission des normes du travail.
Je veux enfin indiquer brièvement qu'en cas de récidive, le Code canadien du travail devrait imposer une formation obligatoire sur le milieu de travail respectueux. Puisque le harcèlement en milieu de travail est souvent le fruit de normes culturelles, les organisations qui enfreignent le Code canadien du travail à plusieurs reprises auraient intérêt à suivre une formation sur la civilité. Le Code devrait donc exiger une formation obligatoire en pareil cas.
Je mettrai ici fin à mon propos et répondrai à vos questions avec plaisir. Merci encore d'accomplir cet important travail.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
C'est un honneur pour nous, de CRHA Canada, de témoigner devant votre comité pour l'étude du projet de loi . CRHA Canada est un collectif d'associations en ressources humaines de l'ensemble du Canada. CRHA Canada est le porte-parole national oeuvrant pour la mise en valeur et la promotion des métiers liés aux ressources humaines. En s'appuyant sur des titres dont la crédibilité est solidement établie, CRHA Canada travaille à des questions nationales reliées à la profession et assure de manière proactive le positionnement des enjeux nationaux en matière de ressources humaines sur la scène internationale.
En octobre 2016, le Conseil canadien des associations en ressources humaines, ses neuf associations provinciales et trois associations territoriales constituantes ont opté pour un nouveau nom et instauré un nouveau titre canadien, celui de Conseillers en ressources humaines agréés, ou CRHA. Un seul titre de CRHA atteste la norme de qualité, conformément au modèle adopté par plusieurs autres professions et titres professionnels en ressources humaines dans le monde.
Nos 27 000 membres s'assurent de l'intégration, du développement et du mieux-être des travailleurs, et ils aident les employeurs de toutes les tailles à relever les défis du marché du travail d'aujourd'hui et de demain, défis tels que le vieillissement de la main-d'oeuvre et la nécessité d'attirer des travailleurs qualifiés, les changements technologiques importants et la croissance du fardeau réglementaire. Nous sommes en première ligne pour traiter les plaintes de harcèlement et de violence dans les milieux de travail. À cet égard, nous occupons une place idéale pour aider les parlementaires dans de nombreuses questions stratégiques, notamment la réforme de l'assurance-emploi, l'accès à une formation professionnelle de qualité pour tous les travailleurs canadiens, l'équité salariale et, bien sûr, les éléments touchant le projet de loi C-65.
[Traduction]
L'intimidation, le harcèlement et la violence sexuelle n'ont pas leur place en milieu de travail aujourd'hui; pourtant, dans un sondage mené au nom du gouvernement fédéral, 10 % des répondants ont indiqué que le harcèlement est courant en milieu de travail et 44 % d'entre eux ont affirmé qu'il y a du harcèlement, même s'il n'est pas fréquent. La plupart des répondants admettent que les incidents sont sous-déclarés et que la réaction est souvent inefficace. D'après les données que nous avons recueillies au Québec, 60 % des organisations interrogées ont déclaré avoir reçu des plaintes de harcèlement.
Il est évident que la situation ne peut continuer. Les problèmes sous-jacents à l'intimidation, au harcèlement et à la violence en milieu de travail, notamment les défis auxquels sont confrontées les victimes au cours du processus de plainte, ont des répercussions directes sur la santé mentale, l'absentéisme et la perte de productivité. Le projet de loi ne s'est que trop fait attendre. Dans notre exposé, nous traiterons de trois points principaux: la définition et les implications sur la gestion du rendement, les enquêtes relatives aux plaintes, et la prévention du harcèlement et de la violence grâce à un changement de culture.
Nous voudrions d'abord parler de la définition d'intimidation, de harcèlement et de violence. Nous considérons que le projet de loi devrait définir ce qui constitue de l'intimidation, du harcèlement et de la violence en milieu de travail, et nous sommes enchantés d'apprendre que la se montre disposée à apporter des amendements à ce sujet. Ces définitions devraient fournir clarté et orientation aux employeurs, aux employés et aux tribunaux pour leur permettre de comprendre les intentions du législateur. Ce dernier pourrait s'inspirer de certaines lois provinciales pour le secteur fédéral. Les recommandations du Comité seraient inestimables à cet égard, et nous nous ferions un plaisir de les examiner avant leur adoption.
Conseillers en ressources humaines agréés Canada se préoccupe notamment des questions relatives à la gestion du rendement. Toute définition doit préciser que la gestion du rendement raisonnable ne constitue pas du harcèlement. Un employé peut se sentir anxieux et stressé quand il reçoit les résultats de son évaluation de rendement, un avertissement écrit ou un plan d'amélioration du rendement, ou fait l'objet de mesures disciplinaires progressives. L'anxiété et le stress peuvent évidemment rendre malade, mais un fardeau extrêmement lourd pèserait sur les épaules des employeurs s'ils faisaient l'objet de plaintes pour harcèlement et intimidation alors qu'ils gèrent adéquatement le rendement. À cet égard, nous recommandons que la définition de harcèlement tienne explicitement compte de la gestion du rendement adéquat, et que la référence à la maladie soit liée plus clairement aux questions de harcèlement, de violence et de sécurité en milieu de travail.
Les professionnels des RH s'intéressent aussi particulièrement aux dispositions du projet de loi portant sur les enquêtes.
[Français]
Nous nous inquiétons particulièrement du processus de plainte quand celle-ci est déposée contre le superviseur. En ce moment, le projet de loi n'établit pas clairement qu'il y aura une autre avenue possible pour quelqu'un qui désirerait porter plainte alors que le présumé harceleur serait son superviseur. Or ce mécanisme doit absolument être prévu si l'intention du législateur est de faciliter les dénonciations. Lorsque quelqu'un veut porter plainte, si la première étape consiste à aller voir son superviseur alors que celui-ci ou son propre superviseur est l'objet de la plainte, il est fort probable que le mécanisme de plainte ne sera pas efficace. Cela est particulièrement vrai dans le cas des petites organisations.
Nous vous invitons à clarifier cet aspect et à fournir une solution de rechange pour les cas où la plainte s'adresserait au superviseur ou à l'employeur. Tout processus de dénonciation doit être clair, simple et impartial et tenir compte notamment des gens travaillant pour de petites organisations.
[Traduction]
Nous préconisons fortement que les enquêtes relatives aux plaintes de harcèlement ou de violence soient confiées à une personne compétente. Nous recommandons également que le règlement indique explicitement qui est autorisé à réaliser ces enquêtes. Les questions comme celle de l'équité, de l'impartialité et de la protection de la vie privée sont des éléments cruciaux. Mal effectuées, les enquêtes peuvent causer de lourds dommages en milieu de travail.
Elles doivent donc être menées par des professionnels formés assujettis à un code de déontologie et à des règles de conduite professionnelle, ainsi qu'au secret professionnel dans certains cas.
En ce qui concerne les enquêtes, nous dirons enfin que le règlement devrait préciser ce que devrait inclure le rapport de l'enquêteur. En plus d'indiquer s'il a constaté la présence d'intimidation, de harcèlement ou de violence en milieu de travail, l'enquêteur pourrait — ou, de fait, devrait — formuler des recommandations sur les pratiques devant être modifiées ou adoptées au sein de l'organisation. Le rapport devrait en outre exiger que cette dernière suive les recommandations dans un délai donné. Cette approche permettrait d'indiquer clairement que le gouvernement fédéral souhaite sérieusement s'attaquer à l'intimidation, au harcèlement et à la violence en milieu de travail.
Je passerai maintenant au troisième et dernier point, celui de la prévention.
Le mouvement #MoiAussi a lancé une vaste conversation publique sur l'intimidation, le harcèlement et la violence, faisant en sorte que les gens se sentent plus en sécurité quand vient le temps de déposer une plainte et s'attendent à ce que cette plainte soit traitée. Cependant, chaque fois que cela se produit, les coûts pour les personnes et les entreprises sont élevés et la productivité en pâtit. Nous devons faire mieux.
Un changement de culture s'impose dans les milieux de travail du Canada afin de prévenir l'intimidation, le harcèlement et la violence. Le gouvernement s'est engagé à instaurer des mesures de soutien, sous la forme de sensibilisation sur le harcèlement et la violence, d'outils d'éducation et de formation pour les employés et les employeurs, par exemple, et de soutien direct pour les employeurs qui adoptent des politiques et des processus. Nous sommes impatients de connaître le reste des détails. Nous sommes d'avis que le soutien en matière de formation s'avère nécessaire, surtout chez les petites et moyennes organisations.
Nos membres, à titre de professionnels responsables des politiques, de la formation et de la prévention en matière d'intimidation, de harcèlement et de violence en milieu de travail, savent pertinemment qu'un changement de culture s'impose. Selon nous, les mesures clés suivantes sont nécessaires dans chaque milieu de travail pour favoriser ce changement de culture: il faut communiquer régulièrement avec les employés, veiller à ce que les superviseurs et les gestionnaires appliquent les politiques, prendre des mesures disciplinaires au besoin pour corriger les actes répréhensibles, donner des ateliers de formation et d'éducation pour faciliter le changement d'attitude et de comportement, et, enfin, offrir du soutien et de la formation aux gestionnaires.
En terminant, nous voudrions vous remercier de nouveau de nous avoir invités à participer à ces séances. Nous nous réjouissons à la perspective de travailler avec vous au cours des prochaines étapes.
[Français]
Je vous remercie, monsieur le président.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
La Commission des relations de travail et de l'emploi dans le secteur public fédéral est un tribunal quasi judiciaire indépendant établi en vertu de la loi, qui possède le savoir-faire unique nécessaire à la prestation de ses deux services principaux, soit l'arbitrage et la médiation.
La CRTESPF a été créée le 1er novembre 2014, fruit de la fusion de l'ancienne Commission du travail et de l'emploi et du Tribunal de la dotation de la fonction publique. Dans le secteur public, la Commission et ses prédécesseurs sont responsables de la gestion des relations de travail depuis 50 ans, et de la résolution des questions de dotation depuis plus de 10 ans. Lors de la modernisation de la fonction publique en 2005, la juridiction de la Commission s'est élargie dans le domaine des ressources humaines sur les plans tant de la dotation que des relations de travail.
Fondamentalement, la Commission a pour mission d'appliquer les valeurs de justice canadienne les plus élevées en ce qui concerne les relations de travail, l'arbitrage de griefs et les questions d'emploi et de dotation dans le secteur public, et ce, de manière impartiale et équitable. Elle contribue ainsi à rendre le milieu de travail productif et efficace, et à établir des relations de travail harmonieuses ainsi qu'un milieu d'emploi équitable pour les employeurs, les employés et les agents de négociation de la fonction publique.
La CRTESPF est composée de commissaires neutres et impartiaux, la plupart possédant une expertise et une expérience approfondies acquises en travaillant pour la partie patronale ou les agents de négociation dans les domaines des relations de travail et de la dotation. Comme le stipule la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, ces commissaires sont nommés en fonction de cette expertise, un nombre égal étant nommés, dans la mesure du possible, parmi les personnes recommandées par l'employeur et celles proposées par les agents de négociation. Cependant, qu'ils soient recommandés par l'employeur ou par les agents de négociation, ils ne représentent ni l'un ni l'autre lorsqu'ils agissent à titre de commissaires.
À l'heure actuelle, la CRTESPF est composée d'une présidente, de deux vice-présidents, de sept membres à temps plein et d'un membre à temps partiel. Elle travaille actuellement avec le gouvernement fédéral afin de pourvoir les postes vacants. Un processus de sélection est en cours pour nommer des commissaires à temps plein et à temps partiel.
La CRTESPF est compétente dans plusieurs domaines des relations de travail et de la dotation au sein du secteur public. Plus précisément, elle gère les systèmes relatifs aux conventions collectives et à l'arbitrage de griefs de la fonction publique fédérale et des institutions du Parlement. Elle résout les plaintes relatives aux nominations internes, à la révocation des nominations et aux congédiements, les questions de droits de la personne dans les cas de griefs et de plaintes relevant déjà de ses compétences, ainsi que les plaintes concernant l'équité en matière de paye au sein de la fonction publique fédérale. Elle entend également les plaintes de fonctionnaires relativement aux représailles en application du Code canadien du travail.
Dans le cadre des services de résolution de différends de la Commission, des spécialistes de la médiation et des groupes d'experts aident les parties à résoudre divers conflits et plaintes relatifs aux relations de travail et à la dotation de manière cohérente, réussissant souvent à conclure des accords communs sans devoir tenir d'audience.
En offrant des services d'arbitrage et en tenant des audiences justes et impartiales, la Commission assure la prise de décisions soigneusement réfléchies par un groupe d'experts pour la fonction publique fédérale.
Les décisions prises par ces groupes d'experts s'ajoutent à la jurisprudence croissante dans les domaines de la dotation et des relations de travail. Cette jurisprudence est accessible à tous.
Pendant une période continue de modifications législatives touchant son travail, la Commission s'est penchée sur la manière dont elle pourrait assurer au mieux l'excellence ininterrompue de ses services tout en intégrant ses mandats supplémentaires. Cette approche holistique à l'égard de l'élaboration et de la mise en oeuvre d'une vision renouvelée de l'exécution efficace de son mandat englobe les valeurs d'équité et de transparence des procédures, et inclut un guichet unique aux fins de médiation, d'arbitrage et de conciliation dans le secteur public fédéral.
La Commission s'est donné une orientation claire afin de tenir des audiences justes et de rendre des décisions soigneusement réfléchies, en mettant l'accent sur la résolution de conflits.
Je voudrais maintenant parler du mandat actuel de la Commission aux termes de la Loi sur les relations de travail au Parlement.
Bien que la plupart des affaires dont la Commission est saisie viennent de personnes assujetties à la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, elle possède également une expérience substantielle quant aux affaires touchant les employeurs et les employés du Parlement, puisqu'elle est responsable de la question depuis que les employés du Parlement ont acquis le droit de négocier des conventions collectives au début de 1986. La CRTESPF est l'organe spécialisé dans les relations de travail au Parlement, gérant et appliquant la Partie I de la Loi sur les relations de travail au Parlement, entendant divers conflits de relations de travail, notamment des questions de demande de certification, de plaintes relatives aux pratiques de travail déloyales et de désignation de personnes occupant des postes de gestion ou de confiance. Elle joue également un rôle d'arbitre dans les cas de griefs déposés par des employés du Parlement.
Je voudrais maintenant traiter des répercussions du projet de loi sur le travail de la Commission. La CRTESPF possède une expérience et une expertise pratiques considérables sur le plan des relations de travail et de l'emploi à la fonction publique fédérale et dans les institutions parlementaires. De 1986 à 2000, les fonctionnaires avaient recours à la Commission, qui s'appelait alors Commission des relations de travail dans la fonction publique, pour contester des décisions sur l'« absence de danger » et le refus de travailler. Il ne s'agissait pas d'appels à l'époque, mais ils en avaient la même fonction. Pendant cette période, les employés du Parlement ne disposaient d'aucun recours concernant les questions de santé et de sécurité en vertu de la Partie II du Code canadien du travail.
En 2000, les recours pour les employés des secteurs privé et public ont été transférés au Tribunal de santé et sécurité au travail Canada. À partir de 1986, la Commission a commencé à entendre les affaires de représailles à la fonction publique, ce qu'elle fait encore à ce jour, les plaintes en matière de représailles n'ayant pas été transférées au Tribunal de santé et sécurité au travail Canada en 2000.
La CRTESPF possède également beaucoup d'expérience dans les affaires de harcèlement, s'occupant de la question depuis de nombreuses années. Les affaires de harcèlement aboutissent à la Commission en empruntant diverses voies législatives, comme des griefs pour violation de convention collective, des griefs contre des sanctions disciplinaires, des affaires de droit à une représentation équitable, des questions de pratiques de travail déloyales, et des plaintes en matière de dotation.
En vertu du projet de loi , lequel a reçu la sanction royale en juin 2017, les employés du Parlement pourront faire entendre leurs appels et leurs plaintes en matière de représailles par la CRTESPF. La plupart des membres du personnel politique seront ajoutés aux employés du Parlement et pourront présenter leurs appels et leur plaintes en matière de représailles à la CRTESPF.
En résumé, la Commission, forte d'une expertise et d'une expérience considérables quant aux plaintes en matière de représailles et de santé et sécurité en milieu de travail déposées au titre du Code canadien du travail, conservera son mandat actuel pour les plaintes en matière de représailles des fonctionnaires fédéraux, et assumera un nouveau mandat pour les employés du Parlement, y compris la plupart des membres du personnel politique, afin d'entendre les appels concernant les décisions ministérielles relatives au refus de travail et à l'absence de danger, les appels relatifs aux directives ministérielles concernant les plaintes relatives aux contraventions, et les plaintes en matière de représailles.
Compte tenu de l'expérience substantielle que la Commission possède quant aux questions que je viens d'énumérer, je voudrais conclure en disant que la CRTESPF est dotée de l'expertise nécessaire en matière de résolution de différends pour entendre les appels déposés en vertu de la Partie II du Code canadien du travail, comme elle le faisait avant 2000, et pour élargir son mandat actuel relatif aux plaintes en matière de représailles de la fonction publique aux employés du Parlement.
Merci beaucoup.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
J'ai appris une expression en anglais. J'avais l'habitude de dire « appeler un chat un chat », mais en anglais, on dit « call a spade a spade ».
[Français]
Nous voulons donner du mordant au projet de loi. Nous l'avons appuyé en deuxième lecture et nous en faisons l'étude en comité. Par rapport à d'autres lois, le projet de loi nous semble plein de bonnes intentions, mais on dirait un chat dégriffé.
Ma première question s'adresse à vous, madame Poirier. Vous avez mentionné les petites entreprises. Je vous en parle parce que nous comptons proposer un amendement . Dans le cas que vous avez soulevé, c'est le superviseur qui fait l'objet de la plainte. L'employé n'a peut-être pas le goût d'aller dire à son superviseur qu'il se sent agressé et harcelé et que ça ne marche pas. Vers qui pourrait-il se tourner? C'est la question que nous nous posons et nous aimerions le préciser dans notre amendement. Est-ce qu'il devra se tourner, par exemple, vers le ministère du Travail ou vers la Commission des relations de travail et de l'emploi dans le secteur public fédéral, un peu comme on peut le faire, au provincial, dans les milieux non syndiqués, où l'employé se tourne vers la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail?
J'aimerais entendre ce que vous avez à dire là-dessus, s'il vous plaît.
:
Vous savez certainement quel est le meilleur organisme vers lequel diriger l'employé. Je ne connais pas tous les mécanismes au niveau fédéral, mais c'est important de diriger la personne vers un organisme qui soit impartial. Il faut également que le processus soit simple.
À ma connaissance, au Québec, il est vrai que la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail traite de certains cas. Environ 4 000 plaintes de harcèlement psychologique par année sont traitées par la Commission. Par ailleurs, il y a des mécanismes au sein des organisations pour traiter les mêmes plaintes. Quelqu'un qui subit du harcèlement psychologique peut donc choisir de suivre les avenues qu'offre son organisation ou encore de s'adresser à la Commission.
Au niveau fédéral, pour ce qui est d'un équivalent à la Commission, je ne saurais dire quelle est le meilleur organisme puisque je ne connais pas tous les mécanismes. Par ailleurs, est-ce qu'il serait possible de trouver, au sein même des organisations, un processus impartial et des gens neutres qui peuvent écouter l'employé? En effet, ce dernier ne veut pas aller voir son patron si celui-ci est le harceleur.
L'expérience du Québec est bonne, mais il faut plus de temps pour traiter les plaintes, alors la situation perdure. Il faut trouver des moyens d'y répondre plus rapidement que par l'entremise d'un processus plus bureaucratique.
Il faut comprendre que la partie II du Code canadien du travail porte sur la prévention. Est-ce que les employeurs ou les entreprises devront se doter d'une politique contre le harcèlement? Habituellement, cela fait partie des obligations qui pourraient être imposées par la loi.
Cela pourrait indiquer partiellement vers qui se tourner si c'est notre supérieur ou — j'aime bien l'idée aussi — le supérieur du supérieur qui nous pose problème. Chez nous, dans les milieux où c'est possible, on se tourne vers un comité paritaire. Encore une fois, la partie II touche la prévention. Dès qu'une plainte est déposée, il est souvent trop tard. Déjà, le milieu de travail est touché. La personne qui porte plainte est touchée et la personne contre qui on porte plainte l'est aussi. C'est donc important que le milieu de travail s'en saisisse.
Souvent, dans des cas de harcèlement, de violence ou de difficulté, on va psychologiser et on va dire que c'est une mauvaise personne, qu'elle a de mauvais comportements. Cependant, n'importe quelle personne raisonnable placée dans un climat malsain, dans une entreprise où il y a trop de pression est susceptible de développer des comportements inadéquats. Qui serait donc à même de le dire? Ce sont les personnes qui se trouvent sur place et il faut qu'elles aient une voix. Vous savez, même dans les petites entreprises, il existe des tables patronales-syndicales et, là où il n'y a pas de syndicat, des tables patrons-employés ou des comités d'entreprises. C'est ce que nous proposons.
Nous croyons que ces gens devraient aussi être saisis des problèmes. Plus on fera de la prévention, moins il y a aura de plaintes, moins le processus sera embourbé et, ce qui est le plus important à mon avis, moins il y aura moins d'effets délétères sur les milieux de travail.
Cela s'inscrit peut-être moins dans la partie prévention, mais il y a aussi tout le volet du traitement des plaintes. Une fois que le supérieur hiérarchique reçoit une plainte, ou le comité paritaire si c'est lui qui la reçoit, leurs obligations pourraient aussi être un peu spécifiées dans la loi.
Nous avons parlé des représailles. Il devrait être clairement indiqué que, parmi les devoirs de l'employeur, il y a celui de ne pas exercer de représailles contre les personnes qui font valoir leurs droits, et j'ajouterais, même si la plainte n'est pas nécessairement fondée.
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L'important, c'est que l'employeur ait toujours le droit de gérer les employés.
[Français]
Le droit de gérance demeure important. Par exemple, en tant qu'employeur, j'ai le droit de gérer les échéanciers, et si les échéanciers que je gère sont raisonnables, on ne peut pas dire que je harcèle mon employé. Tout est dans la façon de faire. Si une personne ne satisfait pas aux exigences du poste et qu'on la suspend pour une journée, est-ce du harcèlement?
Depuis 2004, année au cours de laquelle la loi est entrée en vigueur au Québec, il y a eu plusieurs plaintes de cette nature. Les plaintes étaient déposées par un employé insatisfait, par un employé ayant un conflit avec son patron ou par un employé jugeant que son patron lui donnait trop de travail, par exemple.
Il faut vraiment bien gérer la performance, de le faire dans les règles de l'art et de s'assurer qu'on respecte les conditions de travail et le reste. On doit donc demeurer capable de le faire sans se faire dire qu'on harcèle quelqu'un.
Je ne sais pas si je nuance bien mon propos. C'est sûr que si, dans un certain environnement, un employeur suspend son employé pour une journée et le lui apprend en criant, ce sera inacceptable. Par contre, le fait de donner une journée de suspension à l'employé est tout à fait correct, si on a suivi la gradation des sanctions.
Souvent, la saine gestion des ressources est adéquate, mais ce sont les comportements qui peuvent constituer le harcèlement.
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Dans mon mémoire, j'ai donné des exemples précis de ce que vous pourriez utiliser. Je conviens que la définition devrait être large. Manon a abordé brièvement la question de la gestion du rendement et expliqué que certains employés peuvent considérer cette dernière comme du harcèlement. La définition doit effectivement être claire. Cependant, comme quelqu'un l'a déjà fait remarquer, certains comportements, lorsqu'ils se manifestent à maintes reprises ou de manière inappropriée, sont en fait du harcèlement. La différence entre les deux est mince; voilà pourquoi je pense que la définition doit être brève.
Il est, selon moi, très important d'indiquer dans la définition que l'intimidation peut se manifester au-delà des frontières spatiales et temporelles de l'organisation, puisqu'on constate qu'il y a beaucoup d'intimidation entre employés sur les médias sociaux. Nous le voyons sur les sites de recherches. Il arrive donc souvent que l'intimidation ne survienne pas au sein de l'organisation et ne concerne même pas le travail. Ce comportement pourrait se manifester entre des employés en raison de problèmes interpersonnels. Cela ne concerne pas le travail, mais on considère qu'il s'agit toujours d'intimidation. Je pense que la définition doit certainement être large.
En employant des expressions comme « on devrait raisonnablement savoir que ce comportement est malvenu » ou « pour causer du tort » afin d'inclure le caractère raisonnable de la mesure, on conférerait à la définition la portée nécessaire.
Pour ce qui est du harcèlement sexuel, comme je l'ai souligné, je voudrais que la définition englobe trois comportements: l'« attention non sollicitée et non réciproque » ou le « comportement romantique offensant ou attention non désirée », ainsi que la « corruption ou les menaces faisant en sorte que l'emploi ou la promotion d'un employé soit conditionnel à la coopération sexuelle ». Quant au troisième élément, celui des « attitudes insultantes, hostiles ou dégradantes à l'égard du sexe d'un travailleur », lequel ne figure pas dans le Code canadien du travail, il devrait être ajouté, car il s'agit d'un comportement fréquent et très courant. Je pense qu'il serait en quelque sorte couvert par la partie de la loi portant sur la discrimination, mais il serait utile de l'intégrer également à celle qui traite du harcèlement sexuel, compte tenu de sa prévalence.
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Nous vous avons effectivement déjà parlé du harcèlement que nous subissons de la part de nos clients ou des détenus sous notre garde. C'est une autre facette du harcèlement en milieu de travail. En plus du harcèlement de la part de certains superviseurs, ou même du harcèlement entre collègues, que nous tentons de régler par différents mécanismes de médiation, nous devons composer avec la violence de ceux que nous devons prendre en charge. Cela a certainement une incidence immédiate sur le milieu de travail. Vous avez raison, on oublie souvent de parler du harcèlement sexuel que nous subissons de la part des détenus, et on ne réagit pas très promptement face à ces incidents.
Nous avons aussi témoigné devant d'autres comités, par exemple celui de la condition féminine, et nous avons maintes et maintes fois indiqué que le harcèlement ne se produit pas qu'entre collègues, car nous en subissons aussi de la part des détenus. Les employés travaillent alors dans un milieu toxique, stressant. C'est une tout autre forme de harcèlement, et c'est très difficile à gérer. Que faire à l'interne quand cela se produit? Il faut rapidement sévir contre les détenus qui se permettent de faire du harcèlement ou des commentaires à caractère sexuel. Je parle surtout de harcèlement sexuel, parce que c'est souvent ce à quoi sont confrontées les agentes qui travaillent dans un établissement pour hommes, de même que les agents qui travaillent dans un établissement pour femmes.
C'est vrai, notre milieu de travail est un milieu très difficile et unique. Notre syndicat tente d'intervenir et de faire comprendre que c'est inacceptable. Lorsque les commentaires d'un détenu sont particulièrement violents, nous faisons pression sur l'administration pour qu'elle prenne les mesures qui s'imposent. Nous tentons parfois de faire transférer les harceleurs vers un autre établissement, afin de protéger les employés, mais aussi de réduire le stress psychologique que cela suppose. Il en a déjà été question, mais il est important de reconnaître le harcèlement psychologique et de bien le définir. C'est une autre forme de harcèlement psychologique qui est omniprésent dans notre milieu de travail, et on s'attend malheureusement à ce que le personnel puisse endurer ce genre de chose. Par contre, quand il s'agit de cas très graves, nous pressons l'administration d'agir, et nous devons étudier soigneusement les différentes options qui s'offrent à nous pour gérer la situation.
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Il est certain que ce genre de changement de comportement se fait sur des décennies. Nous savons que lorsque nous travaillons sur les comportements humains, il faut beaucoup de temps. C'est vrai que nous avions des politiques et que nous avons offert de la formation. Pour ce qui est des résultats, comparativement à la situation d'il y a 15 ans, j'ose croire qu'il y a eu une amélioration.
Souvent, les politiques et les cadres existaient, mais ce qu'on a clairement constaté avec le mouvement #MeToo, c'est que le processus de dénonciation n'avait pas la qualité, la rigueur, l'impartialité ni la neutralité souhaitées. Nous avions une politique et on nous disait d'en faire part à une personne au sein d'une organisation, mais je ne pense pas que nous nous soyons assurés que ces processus étaient rigoureux et hermétiques. La crainte de porter plainte et la crainte de représailles dans un milieu n'est pas toujours facile à vaincre. C'est évident dans les petits milieux, mais cela peut aussi être le cas dans les grandes organisations. Cela montre que nous avons peut-être fait des pas, mais qu'il faut aller plus loin.
Prenons l'exemple du Québec. Le Québec, en 2004, a donné à l'employeur une obligation de moyens. Ce n'était pas une obligation de résultats. On cherchait à s'assurer que l'environnement était exempt de harcèlement. Toutefois, on n'a jamais défini quelles étaient les attentes de l'employeur relativement à cela. Nous nous rendons compte aujourd'hui qu'il faut être très spécifique en ce qui concerne les attentes des employeurs. Il faut donc avoir une politique et il faut qu'elle contienne différentes options selon la personne contre qui la plainte est formulée. Il faut aussi s'assurer que la personne qui mène l'enquête est vraiment indépendante et compétente.
J'ai vu des enquêtes mal faites causer plus de problèmes que la situation initiale elle-même. Un problème plus petit est devenu très important parce que l'enquêteur n'avait pas fait ses devoirs comme il le faut. C'est sûr qu'on voudrait tous parler de prévention, mais quand on parvient à l'étape de l'enquête, il est un peu trop tard, quelque chose est déjà arrivé. Cependant, si on se dote de mécanismes clairs et si on mène des enquêtes rigoureuses, je fais le pari qu'il y aura de moins en moins de cas de comportements inappropriés, parce que le signal sera clair et parce que les employeurs prendront cela au sérieux et prendront les moyens nécessaires.