:
Puisque l'horloge indique 8 h 46, je déclare la séance ouverte.
Bonjour à tous. Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 13 juin 2016, le Comité reprend son étude sur les stratégies de réduction de la pauvreté.
Nous nous penchons actuellement sur le premier thème de l'étude, soit les programmes fédéraux de soutien au revenu et à l'épargne. Il s'agit de la cinquième et dernière réunion sur ce thème particulier.
Nous accueillons aujourd'hui M. Ian Lee, professeur agrégé de l'Université Carleton.
Bienvenue.
De l'organisme Canada sans pauvreté, nous entendrons Harriett McLachlan, présidente du conseil d'administration et Leilani Farha, directrice générale.
Bienvenue à toutes les deux.
Je pense que nous avons encore quelques difficultés techniques, mais nous espérons pouvoir être très bientôt en contact avec Kendra Milne, directrice, Réforme du droit, au Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes, FAEJ, de la côte Ouest qui nous parlera par vidéoconférence depuis Vancouver, en Colombie-Britannique.
Afin de ne pas perdre de temps, nous allons commencer dès maintenant en demandant aux témoins de présenter leurs observations d'ouverture.
Pouvez-vous limiter vos observations à sept minutes? Si vous voulez, je pourrai vous faire signe lorsqu'il vous restera une minute.
Nous allons commencer par M. Ian Lee, professeur agrégé à l'Université Carleton.
Bienvenue, monsieur.
Je remercie le Comité de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui, étant donné que le sujet m'intéresse de manière tout à fait personnelle. En 1971, il y a exactement 45 ans cette année, j'ai arrêté mes études en 12e année et on peut véritablement dire que j'ai vécu sous le seuil de la pauvreté lorsque je travaillais; je suis resté dans la même situation jusqu'à ce que je retourne à l'école comme étudiant adulte, deux ou trois ans plus tard.
Pour commencer, permettez-moi de me présenter. Comme vous l'avez mentionné, je suis professeur agrégé permanent à la Sprott School de l'Université Carleton où j'enseigne la stratégie commerciale et la politique publique. Deuxièmement, je ne suis ni membre ni donateur d'aucun parti politique. Troisièmement, je ne suis pas un lobbyiste enregistré en vertu de la Loi concernant le lobbying. Je ne représente personne à part moi-même. Quatrièmement, j'ai enseigné une centaine de fois dans les pays en développement du monde entier depuis 1991.
Les observations que je vais vous présenter aujourd'hui s'inspirent d'une méta-analyse, un article évalué par mes pairs, rédigé par moi-même et Vijay Jog, professeur et chancelier de l'école Sprott, au sujet du système public canadien de revenu de retraite. Cet article a été publié dans le Journal of Public Finance and Management. Je m'inspire également d'un autre article évalué par mes pairs que j'ai moi-même écrit et publié cette année dans How Ottawa Spends qui s'intéresse aux questions de politique et aux enjeux verticaux des débats entourant la réforme du RPC. Je vais en parler un peu plus longuement et présenter des commentaires d'ordre général à ce sujet.
Enfin, je vais m'inspirer également d'un texte publié en page éditoriale il y a deux ans dans l'Ottawa Business Journal, sous le titre « The Benefits of a Lower Minimum Wage ».
Étant donné que je suis toujours très rigoureux et factuel et que je m'appuie sur les données de Statistique Canada, de l'OCDE et de ses sections gouvernementales, je tiens à fournir des données empiriques sur la richesse, les revenus et la pauvreté au Canada. Je tiens à le faire parce que je juge que la population est aujourd'hui mal informée et qu'elle entretient des quiproquos concernant la pauvreté au Canada, en raison de ce que je qualifie de manière un peu facétieuse de « trumpismes », des déclarations à l'emporte-pièce qui n'ont aucune base empirique.
J'ai en main toutes les données de base que je fournirai par la suite au Comité. Je dispose des données d'origine de Statistique Canada, de l'OCDE, etc.
Contrairement aux croyances générales, on n'assiste pas actuellement à une explosion de la pauvreté au Canada. La pauvreté existe, elle est bien réelle, mais elle n'explose pas, elle n'atteint pas des sommets sans précédent. Les inégalités de revenu ne connaissent pas une hausse phénoménale au Canada. J'ai les statistiques de l'OCDE à ce sujet. Selon Statistique Canada, les revenus au Canada ne sont pas stagnants.
Tout d'abord, les données globales concernant les revenus au Canada doivent être placées dans un contexte comparatif. Chaque année, mes étudiants sont tout simplement étonnés lorsque je replace ces données en contexte. Le contexte est celui de 2011, car il y a toujours un délai lorsqu'on utilise les données de l'OCDE. Le PIB moyen du Canada par habitant, soit notre revenu par habitant exprimé en dollars américains, puisque l'OCDE convertit toutes ces données en dollars américains pour faciliter les comparaisons entre les pays, était de 44 000 $. La moyenne de l'Union européenne à cette époque s'élevait à 36 000 $ américains. Il s'agit de l'Europe des 28. Dans la zone euro, la moyenne s'élevait à 38 000 $. La moyenne globale de l'OCDE se chiffrait à 38 900 $. Par conséquent, le Canada se situe dans la moyenne, affichant 20 % de plus que l'Union européenne qui, nous le savons, est une zone comptant parmi les plus riches du monde.
Quant aux taux de pauvreté au Canada, nous constatons qu'ils se situent à leur niveau le plus bas de toute l'histoire du Canada, soit à environ 8,8 %. Depuis que je suis de ce monde, depuis les années 1960 à aujourd'hui, la pauvreté a diminué. Cela ne veut pas dire qu'elle ait disparu, car, bien entendu, elle existe toujours et il y a encore beaucoup à faire, mais elle n'augmente certainement pas.
Parlons maintenant de l'inégalité; le Canada se situe au dessous de la moyenne de l'OCDE. On n'en parle jamais. On a l'impression d'atteindre des sommets et de dépasser tous les autres pays. Ce n'est tout simplement pas vrai. Quand on examine la pauvreté extrême au Canada, on découvre ce que nous savons tous, c'est qu'elle est en régression depuis les années 1960. Que l'on utilise le seuil de faible revenu ou la mesure de faible revenu pour les ménages ou les personnes seules, on constate qu'elle est en baisse.
Une fois encore, selon les données de l'OCDE, le Canada affiche les taux les plus faibles du monde entier dans le secteur de la pauvreté des personnes âgées. Seule une poignée d'autres pays ont des taux inférieurs aux nôtres.
Le message le plus important qui ressort de mes recherches sur le système de revenu de retraite est que le Canada et les autres pays de l'OCDE entrent dans un monde nouveau où la croissance économique sera considérablement réduite en raison du vieillissement de la population. Cela nous mènera inexorablement vers une diminution des recettes fiscales, comme le va nous le dire cet après-midi. Nous ne pouvons plus nous permettre de dilapider les ressources publiques rares dans des politiques frivoles telles que l'universalité.
Notre méta-analyse des études consacrées au système de revenu de retraite canadien montre immédiatement que le Canada affiche les taux les plus bas de pauvreté chez les personnes âgées par comparaison aux données mondiales de l'OCDE sur les pensions. En outre, des chercheurs canadiens tels que M. Milligan, professeur à UBC, Jack Mintz de Calgary et même Bob Baldwin du Congrès du travail du Canada s'entendent pour dire qu'environ 80 % des Canadiens toujours actifs sont en fait prêts à prendre leur retraite et que le problème ne se situe pas dans les deux quintiles inférieurs, mais dans le quintile moyen-supérieur. Cela appelle une solution ciblée et non pas une politique universelle valable pour tous.
En terminant, le second message que je livre au Canada sera probablement très différent de celui de la plupart des témoins qui viendront ici demander que l'on dépense plus pour résoudre notre problème. Je tiens d'abord à préciser que je ne comparais pas devant votre Comité pour demander d'augmenter le financement de mon groupe d'intérêts ou celui des universités. Absolument pas.
Au contraire, j'espère que le Comité pourra réfléchir aux diverses façons d'augmenter la tarte économique en restructurant les politiques, par exemple en éliminant les barrières protectionnistes comme l'a préconisé le Comité consultatif au , plutôt que de redistribuer tout simplement la tarte, ce qui reviendrait à modifier la disposition des fauteuils sur le pont du Titanic dans ce meilleur des mondes qui connaîtra une décroissance nette de l'économie.
Merci.
:
Je vous remercie d'avoir invité Canada sans pauvreté à prendre part à cette importante étude des stratégies de réduction de la pauvreté.
Canada sans pauvreté est un organisme à but non lucratif inscrit auprès du gouvernement fédéral, ayant pour objectif d'éradiquer la pauvreté au Canada. Depuis la création de notre organisme national antipauvreté en 1971, nous avons été administrés par des personnes qui ont fait directement l'expérience de la pauvreté, soit au cours de leur enfance, soit en tant qu'adultes. Cette expérience vécue de la pauvreté imprègne tous les aspects de notre travail.
Je suis présidente de CSP et j'ai vécu presque toute ma vie dans la pauvreté. Je suis accompagnée de la directrice générale de CSP Leilani Farha qui est également rapporteure spéciale des Nations unies sur le droit à un logement convenable.
J'ai témoigné à plusieurs reprises devant divers comités et pourtant, la pauvreté existe toujours. Canada sans pauvreté peut fournir toutes les statistiques dont vous avez besoin pour comprendre la persistance de la pauvreté, de l'itinérance et de la faim au Canada, pays qui se situe au 10e rang du monde en matière de PIB, et qui consacre de 5 à 6 % de son PIB à la réduction de la pauvreté.
Ce matin, permettez-moi de vous dire que ces statistiques sont trompeuses. Je suis devenue pauvre lorsque j'ai quitté ma famille de classe moyenne à cause des mauvais traitements que j'y recevais. C'était en 1978 et j'avais 16 ans. Dans ma famille, les enfants étaient battus depuis qu'ils étaient en bas-âge et j'ai été agressée sexuellement par mon père depuis l'âge de neuf ans, jusqu'à ce que je quitte le foyer familial. Ces expériences m'ont beaucoup marquée et ont eu un effet dévastateur. Petit à petit, je me suis débrouillée comme j'ai pu et j'ai fini par me marier. Malheureusement, mon mari était aussi un abuseur et j'ai suivi le schéma familier que connaissent les personnes au destin brisé. Par la suite, j'ai élevé seule mes trois enfants.
Aujourd'hui, je suis éduquée, j'ai une maîtrise et je travaille depuis plus de 20 ans dans mon domaine. En tant que mère de famille monoparentale, j'ai été confrontée à de nombreux obstacles et j'ai vécu dans des conditions déplorables. J'ai dû faire des choix difficiles, placée devant la douloureuse alternative de ne pas savoir si je devais payer ma note d'électricité ou garder cet argent pour acheter de la nourriture. Évidemment, il était hors de question d'économiser pour l'avenir. Je n'avais pas ma propre chambre. Il y avait des rats dans notre logement, dans ma cuisine et même dans le lit des enfants. Je n'avais pas les moyens de vivre dans un logement plus décent.
Ma pauvreté a duré longtemps. Elle n'a pas diminué depuis que j'ai quitté la maison en 1978. Si cette histoire est personnelle, les racines de la pauvreté sont systémiques et touchent 4,9 millions d'autres personnes qui vivent dans la pauvreté. À plusieurs reprises, des membres des divers partis politiques m'ont dit directement qu'ils voulaient lutter contre la pauvreté, et je les crois.
Je vous prie de comprendre que ma pauvreté est une violation de mes droits de personne humaine.
Les organes de traités des Nations unies ont récemment fait savoir au Canada qu'il ne respectait pas ses obligations internationales en matière des droits de la personne en ce qui a trait aux normes de vie convenables, y compris le droit à l'alimentation et au logement. Les conséquences de la pauvreté, de l'itinérance et de la faim sont graves. Imaginez qu'à Hamilton, en Ontario, on a constaté une différence de 21 ans entre l'espérance de vie des habitants les plus pauvres et celle des plus riches de la ville. En janvier 2015, deux sans-abri sont morts de froid et de pauvreté, faute de disposer d'un logement convenable, à Toronto, en Ontario.
Je m'appelle Leilani Farha, je suis la directrice générale de Canada sans pauvreté et rapporteure spéciale des Nations unies sur le droit à un logement convenable.
Je vais reprendre là où Harriett s'est arrêtée, soit à l'idée que la pauvreté est une violation des droits de la personne et je vais tenter d'exposer et d'expliquer ce concept.
Mon point de départ et je pense aussi celui de toutes les personnes réunies dans cette salle, c'est que la pauvreté est une violation des droits de la personne. De fait, votre Comité, dans une existence antérieure, a déjà fait ce lien — et je peux vous en fournir la référence — tandis que le Comité du Sénat, dans son étude intitulée « Pauvreté, logement et itinérance », est parvenu également à cette conclusion et a présenté cette recommandation pour aller de l'avant.
Comme l'a dit Harriett, les Nations unies ont indiqué à plusieurs reprises que le Canada doit se doter d'une stratégie nationale de réduction de la pauvreté fondée sur les droits de la personne.
Je vais me servir de cette notion comme point de départ et la prendre comme donnée de base. C'est pour deux raisons que les droits de la personne sont cités comme des éléments importants pour la réduction de la pauvreté au pays.
Premièrement, il est reconnu qu'il s'agit d'une violation des droits de la personne et que cela exige une correction axée sur les droits de la personne. C'est la logique même.
À mon sens, il y a une autre raison, à savoir que l'approche politique ponctuelle que nous avons adoptée jusqu'à présent n'a pas donné de résultats. On peut convenir que la pauvreté n'augmente pas, mais elle perdure. C'est un problème au Canada depuis très longtemps, trop longtemps pour un pays aussi riche que le nôtre.
On propose une approche susceptible de produire de meilleurs résultats et c'est l'approche fondée sur les droits de la personne. Puisque je parle des droits de la personne et que je suis rapporteure spéciale des Nations unies, vous commencez à vous faire tout un cinéma: Genève, croissants chauds, café et belles idées en l'air. En fait, une approche fondée sur les droits de la personne, c'est une façon de gouverner. C'est une façon de faire du commerce et je peux vous indiquer les caractéristiques de l'approche de réduction de la pauvreté fondée sur les droits de la personne.
Premièrement, c'est une approche holistique qui s'applique à l'échelle de tout un gouvernement, de sorte qu'elle ne concerne pas uniquement telle politique sociale ou tel programme de logement ou telle prestation pour enfant, mais l'ensemble des actions du gouvernement. Il faut prendre en compte les décisions prises dans le secteur des finances, dans celui de la défense et de la sécurité et examiner quelle est leur incidence sur la pauvreté au pays.
Les autres caractéristiques sont assez simples. Une stratégie de réduction de la pauvreté devrait faire référence explicitement aux obligations internationales en matière des droits de la personne. Pour l'élaboration, la surveillance et la mise en oeuvre d'une telle stratégie, il faudrait faire appel à des gens comme Harriett et d'autres personnes qui ont connu la pauvreté. Il faudrait définir des calendriers et des buts mesurables. Il faudrait que la stratégie soit une priorité budgétaire. La mise en oeuvre de la stratégie devrait comporter des mécanismes de surveillance et de compte rendu, ainsi que des mécanismes de revue. Il faudrait aussi prévoir un mécanisme de réclamation pour que les ayants droit puissent se faire entendre.
À mon avis, ce sont là des recommandations assez pratiques, simples et faciles à mettre en oeuvre.
Je vais terminer ici. Dans le cadre de ma mission de rapporteure spéciale, j'ai eu l'occasion de voyager dans le monde entier et de rencontrer des représentants de gouvernements et de ministères dans des pays développés et en développement. Une des deux plus grandes craintes que soulève l'approche de réduction de la pauvreté, de l'itinérance et du logement inadéquat fondée sur les droits de la personne est qu'elle sera beaucoup trop coûteuse et que nous n'en avons pas les moyens. En vertu du droit international sur les droits de la personne, il s'agit d'une norme de caractère raisonnable. Il s'agit d'une norme visant à utiliser le maximum des ressources disponibles. C'est une norme de réalisation progressive. Nous n'allons pas trouver une solution à l'itinérance du jour au lendemain. Il s'agit de mettre en place les mesures nécessaires pour éradiquer l'itinérance peu à peu, en utilisant les ressources dont peut disposer une nation riche.
L'autre grande crainte concerne le mécanisme permettant de faire valoir les droits, qui est pourtant essentiel. En effet, dès lors que nous estimons que nous avons des droits humains, nous devons être en mesure de les faire valoir. C'est un principe du droit international des droits de la personne. Ici, au Canada, nous avons la Charte des droits et libertés. Je peux invoquer cette charte si ma liberté d'expression est brimée ou me paraît limitée. Nous avons peur qu'en reconnaissant que la pauvreté est une violation des droits de la personne, 4,9 millions de pauvres vont venir frapper à notre porte.
Ce n'est pas ce qui se passe dans d'autres pays. Quand une nation adopte une culture de protection des droits de la personne, les gens savent que leurs droits seront respectés et ils n'ont pas à les revendiquer, étant donné qu'ils sont pleinement reconnus.
Je vais m'arrêter ici. Merci.
:
Merci beaucoup et merci aussi de m'avoir invitée à témoigner aujourd'hui. Comme vous l'avez dit je suis de Vancouver et je vous parle depuis les terres non cédées des Salish de la côte, en particulier les peuples Squamish, Musquean et Tsleil-Waututh.
Comme vous l'avez dit dans votre mot de présentation, je travaille au FAEJ côte Ouest, un organisme à but non lucratif qui se donne pour mission d'atteindre l'égalité en modifiant les schémas historiques de discrimination contre les femmes en entreprenant des procédures, par la réforme du droit et grâce à l'éducation juridique du public. Nous avons accumulé des compétences particulières qui font en sorte que nous connaissons bien l'impact que peuvent avoir la pauvreté et l'insécurité économiques sur les droits des femmes.
Avant de travailler au FAEJ côte Ouest, j'ai été pendant huit ans au service d'un autre organisme juridique à but non lucratif de Vancouver où j'offrais des services juridiques à des milliers de personnes vivant dans la pauvreté et j'ai travaillé également sur les changements systémiques du droit et des politiques concernant les enjeux de la sécurité du revenu et de la sécurité du logement en Colombie-Britannique.
Les observations que je vais vous présenter aujourd'hui s'appuient sur mon expérience d'intervention directe auprès des femmes. J'aimerais parler brièvement de deux sujets qui se rapportent à la pauvreté chez les femmes et de son incidence sur les droits de la personne. Je vais ensuite présenter quelques propositions d'action fédérale visant à s'attaquer sérieusement à la pauvreté chez les femmes au Canada et donc à appuyer leur droit à l'égalité.
La première dimension que j'aimerais explorer est le rôle des femmes qui consiste à s'occuper de la famille et de l'impact que ce rôle peut avoir sur leur sécurité économique. Selon moi, ce rôle de dispensatrices des soins est intimement lié à leur expérience de la pauvreté. Nous savons que les femmes continuent à prodiguer la grande majorité des soins non rémunérés aux enfants. En l'absence d'un service de garde approprié et abordable, ce rôle menace gravement leur sécurité économique.
Nous savons qu'au Canada, les femmes ont des revenus annuels à temps plein inférieurs à ceux des hommes. Cet écart demeure sensiblement le même ou augmente légèrement, mais s'avère particulièrement grave pour les femmes autochtones, handicapées et racialisées. Lorsque les familles avec enfants, quel que soit leur revenu, ont du mal à trouver un service de garde ou n'ont pas les moyens de se l'offrir, elles renoncent souvent à l'emploi le moins bien rémunéré de l'un des parents, souvent la femme, pour pallier au manque de service de garde ou pour en réduire les coûts.
Cela explique que les femmes occupent de manière disproportionnée des emplois payés au salaire minimum, à temps partiel et précaires, ce qui fait que leur revenu global d'emploi est nettement inférieur à celui des hommes et plus bas que ne l'indique la simple comparaison des gains annuels à temps plein. Dans le cas des femmes qui vivent en couple avec enfant, cela signifie qu'elles sont de plus en plus dépendantes financièrement de leur conjoint, même si les deux parents préféreraient une relation plus égalitaire. Une telle situation risque de plonger les femmes dans la pauvreté en cas de rupture du lien conjugal.
Dans le cas des femmes monoparentales, nous savons que le coût des services de garde est souvent un obstacle insurmontable à l'emploi, étant donné que les coûts sont si élevés qu'elles ne peuvent pas de façon réaliste avoir des revenus suffisants pour payer de tels services de garde, en plus de veiller aux autres besoins incontournables. Beaucoup de femmes sont contraintes de faire appel au programme d'aide au revenu et vivent dans une extrême pauvreté parce que l'aide est insuffisante ou parce qu'elles vivent d'autres formes de dépendance financière.
Les femmes qui s'occupent de leur famille souffrent d'insécurité financière tout au long de leur vie. Leur revenu d'emploi étant moindre, elles accumulent moins de gains admissibles et économisent moins en vue de leur retraite. Elles continuent de manière disproportionnée à vivre dans la pauvreté plus tard au cours de leur vie. Le scénario est de plus en plus problématique pour les femmes âgées qui s'occupent de leurs petits-enfants ou d'autres enfants, situation que l'on rencontre souvent, en particulier dans les communautés autochtones, étant donné que les régimes de prestations pour les adultes âgés ne tiennent pas compte de ce type de soins.
La pauvreté chez les femmes est intimement liée à leur rôle de dispensatrices de soins. Cela révèle une discrimination structurelle et nuit à leurs droits à l'égalité. Toute stratégie de réduction de la pauvreté qui vise à venir en aide aux femmes doit absolument tenir compte de cette réalité.
Le deuxième point que j'aimerais commenter porte sur le lien entre la pauvreté chez les femmes et leur exposition à la violence, en particulier dans une relation. Comme je l'ai déjà mentionné, les femmes en couple qui s'occupent de leur famille sont souvent dépendantes financièrement de leur conjoint, en raison de leur rôle de dispensatrices non rémunérées. Cette dépendance financière entraîne un déséquilibre du pouvoir qui, nous le savons, augmente les risques d'être victime de violence. Par ailleurs, il est extrêmement difficile pour elles de quitter un agresseur parce qu'elles rencontrent d'énormes obstacles pour assurer leur sécurité et leur indépendance.
L'expérience de la pauvreté est différente pour les femmes que pour les hommes. Par exemple, même si elles courent plus de risques de vivre dans la pauvreté et dans des logements précaires, les femmes sont nettement sous-représentées parmi les sans-abri. La vie dans la rue et dans les refuges est souvent dangereuse pour les femmes et, parce qu'elles ne souhaitent pas exposer leurs enfants à de telles situations, la grande pauvreté et le dénuement dans lesquels elles vivent prennent une forme différente. Elles doivent souvent demander l'hospitalité à des amis ou elles dépendent d'autres personnes pour trouver un logement temporaire. Pour beaucoup de femmes, cela signifie entrer dans des relations qu'elles ne choisiraient pas en d'autres circonstances, simplement pour avoir un toit et pour protéger leurs enfants. Là encore, ces types de relations comportent de profonds déséquilibres du pouvoir et un risque d'exploitation et placent les femmes devant un risque accru de violence, en plus de compromettre leur sécurité et leur dignité.
Enfin, j'aimerais présenter quelques suggestions d'initiatives que le gouvernement fédéral pourrait prendre pour s'attaquer efficacement à la pauvreté chez les femmes au Canada et pour consolider du fait même leurs droits à l'égalité et leurs droits humains.
Tout d'abord, le gouvernement fédéral peut et doit jouer un rôle de leader en appliquant une stratégie nationale complète de réduction de la pauvreté qui ne se contente pas d'expédients et qui se penche sur les diverses causes de la pauvreté et leurs remèdes de manière inclusive et interconnectée, à travers le prisme des droits de la personne. Les enjeux relèvent souvent de compétences constitutionnelles mixtes ou uniquement provinciales, mais le gouvernement fédéral peut et devrait utiliser des fonds réservés ou conditionnels pour s'assurer de s'attaquer sérieusement à la pauvreté dans toutes les régions du pays. Un tel leadership doit s'exercer de manière transparente avec la participation des collectivités, des experts et d'autres intervenants.
Deuxièmement, le gouvernement fédéral peut appliquer le prisme des droits de la personne dans la stratégie nationale de réduction de la pauvreté et, en particulier le prisme de l'égalité des genres afin de passer en revue les lois et politiques fédérales existantes et nouvelles afin de déterminer leur incidence sur l'égalité et la sécurité économique des femmes. Par exemple, on assiste actuellement à de nombreux développements dans toutes sortes de domaines tels que la réforme des prestations du congé parental prévues par l'assurance-emploi, le programme national de garderie et d'éducation préscolaire ou la stratégie nationale de logement, qui ne semblent pas tenir compte du paradigme des droits de la personne en particulier, ni des impacts sur les femmes, malgré le fait que nous n'ignorons pas que toutes ces questions sont d'une importance cruciale pour la sécurité économique et l'égalité des femmes.
Par ailleurs, la législation existante comme la Loi sur le divorce, les prestations fédérales pour personnes âgées et beaucoup d'autres initiatives ont des implications graves pour la sécurité économique des femmes. C'est en développant un cadre d'examen basé sur les droits que l'on pourra établir un plan permettant de soutenir financièrement la sécurité de toutes les femmes, car la sécurité revêt une importance cruciale pour leur dignité et leur égalité.
Merci. Je serai heureuse de répondre aux questions que vous voudrez bien me poser.
:
Je partage votre point de vue, étant donné que la recherche évaluée par nos pairs est très claire à ce sujet. M. Milligan, professeur à UBC, a publié de nombreux documents sur les facteurs qui découragent le retour au travail. Le professeur Mintz de l'Université de Calgary en a fait de même, ainsi que mon collègue de l'Université d'Ottawa, le professeur Ross Finnie qui a publié beaucoup d'études sur le sujet. Nous parlons de cet enjeu de politique publique et nous en discutons pratiquement depuis que j'ai commencé mes études supérieures, au début des années 1980. Il est clair que les dispositions de récupération du paiement d'assistance constituent des obstacles au retour au travail des bénéficiaires. Mais j'aimerais aller même au-delà de votre question, si vous le permettez, puisque c'est un de mes sujets favoris...
Mes collègues ont présenté ici d'intéressants arguments et d'excellentes suggestions, mais ce ne sont que les symptômes. Le véritable mal est, selon moi — qui en ai fait l'expérience, comme vous le savez, puisque j'ai abandonné mes études pour y revenir plus tard — que la pauvreté est incroyablement associée à de faibles niveaux d'éducation. Je l'ai déjà mentionné à des chercheurs qui luttent contre la pauvreté et cela ne leur a pas du tout fait plaisir. Selon les données dont je dispose, il existe un lien incroyable. J'en parle tous les ans au mois de septembre et au mois de janvier, à l'occasion du premier cours que je donne à mes étudiants.
En passant, les données sont détenues par deux organismes différents. Le premier s'appelle le United States Census Bureau et l'autre Statistique Canada. Ces données montrent que les personnes à faible revenu qui vivent dans la pauvreté sont en grande majorité des personnes qui ont de faibles niveaux d'éducation. Je ne dis pas que le lien est parfait et vérifiable pour tous les individus, mais c'est une constatation étonnante. Ross Finnie, que beaucoup considèrent vraiment comme un chercheur progressiste, est parvenu à une conclusion très semblable. C'est pourquoi, nous devrions nous efforcer de cibler les chômeurs chroniques ou les personnes dont les compétences ne sont plus utiles, afin de leur offrir des programmes de recyclage.
Les partisans de Trump sont des personnes qui ne peuvent trouver leur place dans l'économie. C'est pourquoi nous devons offrir de nouvelles formations aux personnes qui ne peuvent pas trouver du travail. Pour ces personnes, la seule solution est le recyclage et toujours le recyclage. La pauvreté est incroyablement liée aux faibles niveaux d'éducation et j'en suis la preuve par A plus B. Je ne serais certainement pas devenu professeur si je n'avais pas repris mes études après avoir décroché en 12e année. Je pense que c'est très clair pour nous tous ici rassemblés.
:
Je vous remercie pour cette question.
Il y a beaucoup de choses que peuvent faire les gouvernements — j'utilise le pluriel parce que, bien entendu, le logement relève de diverses compétences telles que le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les administrations municipales. Ils peuvent faire beaucoup pour améliorer les conditions de logement des Canadiens les plus démunis.
Par exemple, nous savons qu'il faut construire plus de logements sociaux. C'est le point de départ. Selon moi, cela devrait être une vision à long terme. Ce n'est pas quelque chose qui va se produire du jour au lendemain et ce n'est pas une solution immédiate.
Je pense que nous devons commencer à réglementer les marchés et le secteur immobilier. C'est une suggestion qui peut paraître peu séduisante. Je crois qu'il est difficile de faire cette suggestion quand le logement est considéré comme une marchandise.
Vancouver et la Colombie-Britannique ont commencé à aller dans cette direction en vue de trouver une solution à la crise du logement qui touche la classe moyenne et les personnes aux revenus les plus faibles. Ce sont des décisions audacieuses, mais je ne suis pas certaine qu'elles seront suffisantes. Je crois que nous avons besoin d'une stratégie nationale du logement fondée sur les droits de la personne. Je sais que le gouvernement y réfléchit. Selon moi, nous devons nous attaquer immédiatement à l'itinérance car c'est une question urgente qui devrait être considérée comme prioritaire.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins d'aujourd'hui qui nous ont présenté d'excellents exposés.
Madame McLachlan, madame Farha et madame Milne, je tiens à vous remercier pour les exposés que vous avez présentés. Vous vivez quotidiennement ce genre de situations et vous les connaissez vraiment de l'intérieur.
Ma question concerne l'alignement des politiques gouvernementales et s'adresse d'abord à vous, madame McLachlan et madame Farha. Votre organisme s'est beaucoup intéressé à l'absence d'une stratégie de réduction de la pauvreté relevant du gouvernement fédéral, ce qui a pour conséquence de faire porter le fardeau par les provinces et les municipalités.
J'aimerais vous demander de parler de l'importance d'harmoniser les stratégies du gouvernement fédéral, des provinces, des municipalités, des dirigeants communautaires et des organismes du secteur privé en vue de réduire la pauvreté. J'aimerais également entendre les idées que vous avez à proposer dans ce domaine.
:
Je vous remercie pour cette question.
En effet, il est absolument essentiel d'établir une certaine coordination dans le respect des compétences fédérales et des compétences provinciales. Mais il est clair que nous devrions à tout le moins nous efforcer d'appliquer des normes nationales. Je pense que le gouvernement fédéral devrait jouer un véritable rôle de leader et ne pas se contenter de féliciter les provinces qui, à l'exception de la Colombie-Britannique et des territoires, ont pris des mesures pour réduire la pauvreté, ce qui est remarquable. Pourtant, il manque un cadre national ou des principes directeurs qui, à mon sens, seraient essentiels pour que ce droit soit respecté dans tout le pays, tout en tenant compte, bien entendu, des différences régionales et provinciales.
Je pense que c'est sous l'angle des droits de la personne que le gouvernement national pourrait donner le ton. Le gouvernement fédéral pourrait proposer un cadre universel applicable à toutes les autres stratégies, provinciales, territoriales et même municipales qui disposeraient ainsi de balises, de repères en matière de droits de la personne. Cela permettrait d'éviter que les provinces, les territoires et les municipalités soient livrés à eux-mêmes pour gérer individuellement la situation. Il suffirait d'affirmer que le gouvernement national doit se conformer à ses obligations internationales en matière des droits de la personne et que pour s'assurer que ces obligations soient respectées par tous, les provinces, les territoires et les municipalités doivent appliquer certains critères pour la protection des droits de la personne. Bien entendu, il faudrait fournir aux provinces, aux territoires et aux municipalités les ressources nécessaires pour qu'ils soient en mesure de respecter ces critères.
Cela me paraît être une voie intéressante. Il ne fait aucun doute que le fédéralisme est un système compliqué, mais je pense qu'une stratégie doit pouvoir absorber les complications. Lorsque je fais un tour d'horizon du pays, je découvre des formules vraiment intéressantes au niveau municipal et de la créativité au niveau local, parce que ces intervenants connaissent bien les problèmes de la pauvreté, de l'itinérance et des logements inadéquats, des conditions de travail inhumaines, etc. Je crois qu'il est important de cultiver cette créativité et de la faire prospérer partout au pays.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie l'ensemble des témoins. Je pense qu'ils nous démontrent tous l'importance du leadership dont doit faire preuve le fédéral, notamment en ce qui concerne la pauvreté chez les Autochtones, mais aussi l'importance du travail conjoint avec les organismes communautaires qui sont sur le terrain, les municipalités et les provinces. Mme Milne l'a d'ailleurs souligné.
On parle des services de garde, des soignants et de la violence, mais aussi de l'éducation, qui est de compétence provinciale. L'éducation, qu'il faut aborder dans divers programmes, est importante, mais qu'on soit un enfant ou un adulte, il est difficile de réussir à l'école quand on y arrive le ventre vide, qu'on déménage plusieurs fois par année et que son entourage fait face à des problèmes de perte d'emploi ou de santé mentale.
Ma première question s'adresse à Mme McLachlan.
J'aimerais vous remercier pour le témoignage que vous nous avez livré. Vous avez démontré la profondeur de votre engagement, mais vous avez aussi insisté pour que, dans le cadre de l'étude sur la pauvreté que réalise ce comité, notre analyse ne soit pas fondée sur des individus, du fait que cela donne nécessairement lieu à des jugements inappropriés. Vous avez fait valoir que nous devrions adopter une approche systémique à l'égard de la pauvreté.
Dans ce premier domaine d'étude, nous abordons l'ensemble des programmes de sécurité du revenu. Si je comprends bien, il faut d'abord camper la question des droits.
Une façon de le faire serait-elle d'inscrire le critère de la condition sociale dans la Loi canadienne sur les droits de la personne?
Le droit international humanitaire demande aux États de mettre en oeuvre les droits économiques et sociaux de manière progressive, c'est-à-dire petit à petit. Les gouvernements ne peuvent pas prendre leurs aises et mettre les pieds sur la table. Ils doivent comprendre qu'il faut procéder de manière progressive et utiliser le maximum des ressources disponibles.
Dans un pays aussi riche que le Canada, il nous arrive parfois de connaître la pauvreté. Par rapport à la prospérité que nous avons connue par le passé, nous pouvons peut-être nous considérer comme pauvres, par comparaison à d'autres pays. Notre PIB se situe au 10e rang des pays les plus riches du monde. Cela signifie que nous ne nous en sortons pas si mal.
Compte tenu de cette richesse, nous devons utiliser au maximum nos ressources disponibles. Cette notion peut signifier l'argent dont on dispose, mais aussi l'argent qui pourrait être disponible et qui ne l'est pas. Quel taux d'imposition utilisons-nous? Qui est imposé et à quel taux? Les sociétés sont-elles imposées?
L'assiette fiscale elle-même peut être modifiée. Les Nations unies n'ont pas l'intention de régenter les États. Elles leur demandent simplement d'examiner toutes leurs sources potentielles de financement. Voilà ce que l'on entend par ressources maximales disponibles.
Les gouvernements devraient se demander s'ils respectent ce critère. Le Canada pourrait répliquer en disant: « Saviez-vous que nous consacrons beaucoup de crédits aux dépenses sociales, mais nous n'en avons pas pour notre argent et peut-être que nous devrions faire les choses différemment. » Il serait tout à fait légitime pour le gouvernement d'adopter une telle position, mais, bien entendu, il devrait pouvoir la défendre.
Les gens croient toujours qu'il faut dépenser des sommes énormes pour faire respecter les droits sociaux et économiques. Ce n'est pas vraiment le cas. Les Nations unies préconisent des dépenses raisonnables à l'échelle des ressources maximales disponibles et en tenant compte de toutes les exigences auxquelles un pays doit répondre. Il n'est pas question d'éliminer tous les fonds consacrés à la sécurité ou à la défense et de les rediriger vers le domaine social et économique. Le respect des droits internationaux de la personne n'en exige pas tant, mais demande plutôt des mises de fonds raisonnables.
Évidemment, un État doit faire face à de nombreuses demandes qui entrent en concurrence. Au Canada, 4,9 millions de personnes vivent dans la pauvreté et on dénombre environ 235 000 personnes sans abri chaque année. Pour un pays aussi riche que le Canada, c'est beaucoup.
Je voyage beaucoup dans le monde et je peux vous dire que ces chiffres sont très élevés comparativement à notre richesse et compte tenu de notre population relativement faible.
:
Merci pour votre question.
Selon moi, les solutions efficaces sont les solutions globales. Il y a toujours quelqu'un qui est oublié lorsqu'on applique une politique fragmentée ou ciblée; ce type de politique aura des répercussions sur un autre aspect de la vie de cette personne. Par exemple, une personne pauvre peut recevoir de l'aide pour le logement, mais il est tout à fait possible qu'une autre partie de sa vie soit touchée, et il en va de même pour tout le pays. Il y a des gens qui sont laissés pour compte. La plupart des stratégies de réduction de la pauvreté sont axées sur les familles avec enfants, mais pas sur les célibataires sans enfants, ni les personnes âgées de 55 à 65 ans, par exemple.
Les solutions doivent être globales. Elles doivent toucher toute la population, car nous avons tous des droits humains et des droits au logement, à la nourriture, à la sécurité et à de l'eau potable et propre, etc. Les solutions doivent être globales et non pas fragmentées ou ciblées. Il faut tenir compte de l'ensemble de la situation.
Je remercie les témoins pour les exposés qu'ils nous ont présentés aujourd'hui.
Madame Farha, je comprends le commentaire que vous avez fait au sujet de l'approche fondée sur les droits de la personne. Je suis intéressée par ce que vous avez dit au sujet des 4,9 millions de personnes. Vous avez dit que ces 4,9 millions de personnes ne vont pas venir frapper à la porte. Pourtant, en tant qu'avocate, c'est quelque chose qui me préoccupe.
Je ne vous demande pas de me répondre immédiatement, mais peut-être auriez-vous l'amabilité d'indiquer dans les documents que vous allez remettre au Comité quels sont les autres pays concernés et pourquoi cela ne s'est pas produit de cette manière? Malheureusement, je ne dispose que de six minutes et j'ai tant de sujets à aborder. Votre contribution est très précieuse.
J'aimerais avoir une réponse très brève de 20 secondes peut-être sur le lien qui existe entre l'éducation et la pauvreté. M. Lee y a fait allusion. Pouvez-vous m'expliquer en 20 ou 30 secondes quel est le lien que vous voyez entre l'éducation et la pauvreté? Est-ce que votre vision est la même?
:
Merci de votre réponse et félicitations. C'est extraordinaire.
Je vais maintenant adresser mes questions à Mme Milne.
Les deux domaines sur lesquelles je veux me pencher concernent le soin des enfants et la circulation de l'argent — cette dernière vue à travers le prisme du genre. Je vous laisse le soin de décider comment vous y prendre pour répondre au mieux à cette question pendant les quatre minutes dont vous disposez.
Je sais que vous avez beaucoup écrit sur les lacunes en matière de services de garde abordables qui constituent un obstacle insurmontable pour les femmes. Que peut-on retenir des différents programmes de garderie abordables et autres programmes mis en place dans les provinces? Je sais qu'il existe un programme en Colombie-Britannique. Qu'est-ce qui fonctionne et qu'est-ce qui ne fonctionne pas?
Deuxièmement, à propos de la circulation de l'argent, nous savons que la pauvreté touche les femmes de manière disproportionnée au Canada. Pouvez-vous nous parler de la nature sexospécifique des fonds et de l'affectation des ressources et comment cela contribue à renforcer la pauvreté chez les femmes?
:
Volontiers. Ce sont des questions qui méritent d'être posées, mais auxquelles il est difficile de répondre en quatre minutes.
Pour ce qui est de la garde d'enfants, je peux évoquer la situation en Colombie-Britannique. C'est un bon exemple de ce qui se fait en ce domaine. Dans cette province, la garde d'enfants est, en gros, laissée au secteur privé, et demeure largement inabordable même pour les familles à revenu intermédiaire. Le coût médian de la garde d'enfants varie actuellement entre 1 200 et 1 300 $ par mois. C'est, après le logement, la plus grosse dépense des familles. Les femmes avec qui je me suis entretenue m'ont fait comprendre les conséquences que cette dépense entraîne pour leur sécurité financière. Le régime de subvention ciblée mis en place par la province ne répond pas aux besoins des familles.
La Colombie-Britannique a instauré un système censé rendre la garde d'enfants abordable. Or, ce système ne donne pas les résultats voulus, car les subventions ne sont pas adaptées au coût croissant de la garde d'enfants. La subvention est tout à fait insuffisante, même celle accordée aux personnes les plus démunies. Par exemple, une personne qui est seule à élever un enfant et qui, avec l'aide au revenu, touche environ 900 $ par mois, aura néanmoins, même avec la subvention, à payer de 300 à 400 $ pour la garde de son enfant. C'est tout simplement inabordable. J'ajoute que les seuils d'admissibilité sont plafonnés à un taux beaucoup trop bas. Le seuil de revenu prévu pour l'octroi d'une subvention ne donne pas les résultats voulus. D'après moi, cela est en grande partie dû au fait que l'on s'attaque au problème de manière parcellaire.
Il me faut cependant signaler un programme tout récemment mis en place par la Colombie-Britannique. Il s'agit, là encore, d'un programme ponctuel qui semble, néanmoins, prometteur. Il s'agit de l'initiative en faveur des chefs de famille monoparentale touchant une aide au revenu. Ce régime d'aide au revenu assume l'intégralité des coûts de garde d'enfants ainsi que les frais de scolarité d'un programme pédagogique de 12 mois. Si, après 12 mois, le parent parvient à trouver un emploi, le système continue à assumer intégralement, sans plafonnement, les frais de garde d'enfants pour les 12 mois qui suivent. C'est reconnaître que les frais de garde d'enfants sont un des principaux obstacles empêchant les familles monoparentales d'échapper à la pauvreté. Si l'on veut effectivement aider ces familles à obtenir une formation complémentaire et à retrouver le chemin de l'indépendance, il est essentiel de prendre en charge l'intégralité des frais de garde d'enfants.
Disons, de manière générale, qu'avec une affectation des crédits qui ne tient pas compte de la situation particulière des femmes, la tendance est de financer des projets spécifiques tels que les refuges pour sans-abri. Or, si c'est quelque chose de manifestement nécessaire, cette manière d'affecter les crédits ne répond pas aux besoins particuliers des femmes et ne répond notamment pas à ce qu'on pourrait appeler la féminisation de la pauvreté. Je sais qu'il s'agit là d'un objectif à long terme, et que plusieurs ont rappelé qu'il faut bien s'y attaquer de manière progressive, mais il nous faut, d'après moi, prendre un peu de recul par rapport à ces mesures ponctuelles. Il nous faut, en effet, réfléchir aux obligations à long terme que nous imposent les droits de la personne, et adopter un plan de longue haleine susceptible de nous rapprocher de ces objectifs. Il conviendrait notamment de réfléchir à nouveau aux transferts fédéraux et, éventuellement, les assortir de conditions qui, par une affectation des crédits axée sur les droits de la personne et prenant en compte la différence de situation entre hommes et femmes, permettrait de répondre plus particulièrement aux besoins des femmes vivant dans la pauvreté.
:
D'après moi, lorsqu'on envisage d'adopter de nouvelles politiques, une nouvelle feuille de route, il y a lieu de se pencher sur les racines mêmes de la pauvreté. Les causes du dénuement sont en effet complexes. C'est parfois une question d'éducation. Chez de nombreuses femmes, cela peut provenir d'un manque de soins. D'autres peuvent être atteintes d'un handicap. Ce peut également être le résultat d'une discrimination systémique contre les immigrantes ou les femmes appartenant à certaines minorités raciales. Je ne dis pas que ce sera facile, mais il nous faut, je crois, prendre un peu de recul et réfléchir aux origines de la pauvreté.
C'est ainsi, par exemple, que lorsque nous songeons à modifier les modalités du congé parental de l'AE, il nous faut prendre en compte la spécificité des genres. Or, les modifications envisagées font actuellement l'objet de consultations qui ne tiennent aucunement compte du fait qu'à 90 % ce sont des femmes qui bénéficient de ce congé. Nous ne réfléchissons pas, par exemple, aux effets à long terme d'un allongement des congés, et nous ne cherchons pas à savoir si, en raison d'une plus longue absence du monde du travail, cela ne contribue pas, à terme, à l'insécurité économique des femmes. Nous ne prenons pas en compte ce genre de choses.
Quant au domaine d'action relevant des autorités provinciales, l'essentiel me paraît être d'envisager les choses dans l'optique des droits de la personne et du genre, et, éventuellement, d'assortir l'octroi de crédits fédéraux de certaines conditions incitant les provinces à respecter leurs obligations en matière de droits de la personne, et à concevoir des programmes qui répondent véritablement aux besoins des personnes vivant dans la pauvreté.
:
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier nos témoins.
C'est à vous, monsieur Lee, que je voudrais adresser ma première question. J'ai consulté le site Internet de Canada Sans Pauvreté — je suis en train de lire un document en même temps que j'écoute — et je lis ceci: On s'aperçoit, lorsqu'on comprend les obstacles dus à des causes systémiques, que la pauvreté ne peut pas être uniquement éliminée par une stratégie de l'emploi. Il y a, en outre, un document appelé Dignité pour touTEs : la campagne pour un Canada sans pauvreté.
Il nous faudrait, selon vous, accroître très sensiblement nos efforts en matière de formation. Je m'entretenais tout à l'heure avec mon collègue et je dois dire qu'à certaines époques j'ai moi-même vécu dans la pauvreté. Dans les années 1980, la situation était en effet extrêmement difficile. Il y a des gens qui ont perdu leur maison. Ma famille s'est, à l'époque, essentiellement nourrie de saucisses, de haricots et de Kraft Dinner. Nous avons vécu des moments très difficiles. J'avais à l'époque des employés, et mon devoir, en tant qu'employeur, était de continuer à leur verser leur salaire même si, moi, je ne touchais rien.
Nous avons traversé des années difficiles — je crois que les taux d'intérêt dépassaient alors 20 %, mais nous avons survécu grâce à nos efforts. J'ai suivi une formation complémentaire, et je me suis recyclé en fonction de l'évolution de l'économie. Mes anciennes compétences ne correspondaient plus aux besoins du marché et je me suis adapté en conséquence.
Madame McLachlan nous a dit que, malgré une maîtrise, elle a vécu dans la pauvreté. Pourriez-vous nous parler un peu de l'importance de la reconversion professionnelle, qui aide à s'adapter aux évolutions du marché de l'emploi?
:
Permettez-moi de répondre. Je me fonde, en ce qui me concerne, sur des macrostatistiques et non sur des données anecdotiques. Il y a, naturellement, toujours des exceptions par rapport à la norme statistique. Si le fait qu'il y ait, à Toronto, ce fameux chauffeur de taxi qui possède un doctorat en littérature anglaise... Je ne l'ai jamais rencontré, mais je ne doute pas qu'il existe. Cela ne réfute aucunement, cependant, l'idée de la parfaite corrélation entre l'éducation postsecondaire... Les données recueillies par Statistique Canada au cours des 50 dernières années le confirment.
Chaque année supplémentaire d'études postsecondaires amène une augmentation du revenu. La corrélation est entière pour ce qui est des études postsecondaires. Je précise que par études postsecondaires, on ne veut pas seulement dire études universitaires. Il y a, en effet, les collèges, les universités et l'enseignement technique. Je dis cela au cas où on penserait que les chiffres sont biaisés en faveur des études universitaires, ce qui n'est pas du tout le cas.
Les données sont parfaitement claires et j'ajoute que les chiffres américains vont dans le même sens. Si j'évoque le cas des États-Unis, c'est simplement parce que nous habitons un même continent et que, à l'exception importante du Québec, il s'agit essentiellement d'une population anglophone. Nos deux pays sont tous deux des pays de common law ayant essentiellement le même climat, la même géographie, le même système juridique et le même système économique. Leurs données sont à peu près identiques aux nôtres.
Ainsi, chaque année supplémentaire d'études postsecondaires amène une augmentation de revenu et une baisse du taux de chômage. Il ne s'agit pas de la tendance d'une seule année, mais de quelque chose qui s'avère depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, c'est-à-dire depuis 75 ans. Il s'agit du « long terme », pour reprendre le fameux mot de Keynes.
Personne ne met en doute l'importance de l'éducation. Je n'ai pas dit que c'est la seule solution possible et je n'en fais pas une panacée, mais c'est quelque chose d'extrêmement important.
Deuxièmement, pour revenir à votre question, j'ai toujours cru à ce que je vous ai dit tout à l'heure. Je pense, cependant, que cela devient encore plus vrai que cela ne l'était dans les années 1970 et 1980, étant donné l'énorme transformation que traversent actuellement les économies des pays occidentaux, ainsi que nous en sommes tous conscients. J'appelle cela la numérisation de l'économie.
Tous les ans, je dis à mes étudiants que je m'adresse à un public acquis d'avance. En effet, mes étudiants sont tous en quatrième année, donc très près de passer leur diplôme. Ils sont donc là, en quatrième année d'études en commerce, et je leur dis bien d'avertir leurs frères, leurs soeurs, leurs parents et leurs cousins, enfin tous ceux qui seraient tentés de se moquer de l'éducation — dans certains milieux, en effet, il est de bon ton de se moquer de l'éducation postsecondaire — ceux qui ne suivraient pas de scolarité au-delà de la 8e, de la 10e ou de la 12e année, seront pauvres jusqu'à la fin de leurs jours.
Il y a, évidemment, toujours des exceptions, quelqu'un qui a décroché de l'enseignement secondaire et qui a su créer une entreprise qui lui a rapporté des millions. Il y a donc, bien sûr, des exceptions, mais, sur le plan statistique, c'est rare. C'est pourquoi nous basons nos conclusions sur ces ensembles de données, des données agrégées. J'insiste bien sur le fait que dans la nouvelle économie, il va falloir non pas moins d'études, mais plus d'études. Ne l'oublions pas.
Si nous souhaitons discuter sérieusement des moyens de réduire la pauvreté, il faut saisir l'importance essentielle de l'éducation. Je n'entends pas seulement par cela les études universitaires. Il y a, en effet, également les collèges qui, je le précise, font un travail formidable. J'hésite un peu à le dire, mais les collèges font vraisemblablement un meilleur travail que les universités. Et puis, bien sûr, il y a l'enseignement technique.
On ne peut tout simplement pas éluder la question si l'on veut arriver à supprimer les obstacles. Je ne parle pas seulement là des obstacles évoqués par M. Poilievre. Je reconnais qu'ils existent. On en est conscient depuis 50 ou 60 ans. Cela fait longtemps que l'on en discute à l'occasion des budgets fédéraux. Mais j'entends par obstacles ceux qui empêchent la personne inscrite à l'aide sociale ou à l'assurance-chômage de reprendre ses études.
D'après moi, il conviendrait même de dire à ces personnes qui touchent l'aide sociale ou l'assurance-chômage qu'elles n'auront droit à ces prestations qu'à condition, justement, de reprendre leurs études. Il convient de revoir entièrement notre système actuel puisque nous savons désormais que la nouvelle économie a besoin de gens ayant une formation beaucoup plus poussée qu'auparavant. En effet, dans l'économie de 1968 ou de 1981, celui qui avait poussé ses études jusqu'à la 8e année pouvait néanmoins se faire une bonne situation. Or, ce n'est malheureusement plus le cas.
Tout débat sur la pauvreté doit prendre pour point de départ le problème de l'enseignement. Sans cela c'est pur verbiage, car rien n'est possible sans recyclage professionnel. Nous vivons dans une économie avancée, c'est-à-dire complexe, qui n'a pas besoin de gens n'ayant pas les aptitudes ou la formation nécessaires. Ces personnes sont condamnées au chômage ou à une vie d'emplois précaires aux marges de la société.
:
Je tiens à vous remercier tous des excellents exposés que vous nous avez présentés.
Je suis, depuis le début, attaché à l'idée de mesurabilité. On a parlé des SFR et des MFR et, selon un de nos intervenants, 85 % des Canadiens seraient prêts à prendre leur retraite.
Je voudrais savoir, madame Farha et madame Milne, s'il y a, selon vous, de meilleurs moyens de mesurer la pauvreté, car c'est essentiellement de cela qu'il s'agit. Il se peut que, selon certains critères, il y ait au Canada cinq millions de pauvres. Il se peut, par contre, que leur nombre soit beaucoup plus élevé, mais il se peut aussi qu'il y en ait moins. Comment devrait-on, d'après vous, mesurer la pauvreté?
Je vais vous demander, madame Farha, de répondre en premier. Nous passerons ensuite à Mme Milne.
Pour être parfaitement honnête, je ne partage pas votre préoccupation à cet égard. La MFR est une mesure qui se défend, une mesure internationale qui me paraît utile.
À dire vrai, je n'ai jamais été partisan d'un seuil de pauvreté. Nous avons une assez bonne idée de la situation et, lorsque les chiffres sont aussi élevés qu'ils le sont actuellement, nous savons pertinemment qu'il y a un problème. Je ne m'inquiète donc pas tellement de la manière dont nous mesurons l'ampleur du phénomène.
Il est important de le mesurer, je ne conteste aucunement cela, mais j'estime que ce n'est pas le plus important. La MFR répond d'après moi aux besoins.
Je ne sais pas si Mme Milne est du même avis. J'aimerais bien savoir ce qu'elle en pense.
:
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier nos témoins.
Je voudrais commencer par un commentaire. Les représentants de Canada sans pauvreté ont évoqué bon nombre de solutions, nous disant que leurs recommandations n'entraîneraient pas nécessairement de nouvelles dépenses. Or, tout programme, quel qu'il soit, coûte de l'argent et ceux qui en font les frais sont souvent les contribuables les moins nantis. Un témoin a tout à l'heure proposé de doubler le RPC. Une telle mesure coûterait, à elle seule, 6 000 $ par an aux personnes qui cotisent à ce régime de pension. Je dis bien 6 000 $ par personne, soit, pour un couple, environ 13 000 $ de plus par an. Je parle là de sommes déduites avant impôt.
Madame McLachlan a commencé par dire que nous comptons parmi les pays les plus riches. En fait, le pays doit 636 milliards de dollars, soit 80 millions de dollars par jour et environ 17 000 $ par Canadien. Encore une fois, ceux qui en font les frais sont les Canadiens les moins nantis.
Vous avez dit, monsieur Lee, quelque chose qui me préoccupe beaucoup, et c'est que nous traversons actuellement une phase de faible croissance économique. Dans les années 1980, peut-être vers la fin de la décennie... Je viens du nord de la Colombie-Britannique, une région riche en ressources naturelles, pétrolières, gazières et forestières. Je sais qu'il nous faut trouver des solutions qui ne vont pas nécessairement entraîner de nouvelles dépenses, et cela nous amène à poser la question de l'efficacité.
Quels devraient être, selon vous, monsieur Lee, les éléments d'une stratégie de réduction de la pauvreté? La plupart des programmes dont nous avons parlé aujourd'hui vont, il est clair, coûter cher au contribuable.
:
Permettez-moi d'abord de dire qu'il y a une différence frappante entre ce que disent, dans l'ensemble, les personnes qui comparaissent devant votre Comité, et ce que le , M. Morneau, va vous dire cet après-midi. Ce n'est pas moi, mais lui qui vous dira que les recettes de l'État sont en baisse et non en augmentation. Les personnes qui prennent la parole devant le Comité prônent une augmentation des dépenses, alors même que les recettes de l'État sont en baisse. C'est ce que j'entends par le décalage entre les conseils qui ressortent de ces auditions, et la réalité économique dont doit tenir compte M. Morneau. Or, cette réalité n'est pas appelée à changer.
Je voudrais, très rapidement, ajouter quelque chose qui mérite d'être retenu. Un nombre très considérable d'études — sans aller jusqu'à dire qu'il y en a des douzaines — d'études très sérieuses émanant de sources qui font autorité telles que le FMI, l'OCDE, la Réserve fédérale américaine, la Banque du Canada, le ministère canadien des Finances, démontrent que le vieillissement... Or, la seule question qui se pose est celle de savoir de combien le vieillissement réduit le taux de développement économique? Il ne fait aucun doute, en effet, que cela entraîne un ralentissement du développement. Selon certains, il s'agirait de 1 %, d'autres disent plutôt 1,5 %, et d'autres encore 2 %. Nous savons que nous ne retrouverons pas les taux de développement des années 1970, 1980, 1990, ni même ceux de la première décennie du XXIe siècle. L'époque d'une croissance annuelle du PIB de 4 ou de 5 % est révolue. Le PIB augmentera désormais de 1 ou de 2 % par an. La seule question est de savoir, comme je l'ai dit à la fin de mon exposé, si nous allons pouvoir accroître la richesse nationale afin, justement, de diminuer l'impact du vieillissement sur notre économie.
Je ne suis pas défaitiste. Je ne dis pas « On est fichu, il n'y a rien à faire ». Je dis, au contraire, qu'il y a des choses que nous pourrions faire, mais je ne suis pas d'accord avec les vieilles recettes du keynésianisme, selon lesquelles il suffirait d'actionner la planche à billets et d'ouvrir les vannes budgétaires. Le Comité consultatif du ministre des Finances a indiqué la voie à suivre: l'immigration économique, les infrastructures, une banque destinée au financement des infrastructures, et ainsi de suite. Ce sont là des choses que nous pouvons effectivement faire. Nous pourrions également réduire les obstacles aux échanges interprovinciaux, ce qui augmenterait les revenus. À chaque fois qu'il est question d'augmentation des revenus, les députés devraient rappeler que cela entraînerait une augmentation des recettes budgétaires des gouvernements fédéral et provinciaux, car c'est effectivement le cas.
Il ne s'agit donc pas d'augmenter le montant des crédits affectés aux programmes de lutte contre la pauvreté, mais de nous attaquer au problème véritable qui est, d'après moi, une insuffisante employabilité. J'ajoute que les solutions proposées coûteraient très cher et que le ministre des Finances ne va, par conséquent, pas pouvoir les retenir. D'après moi, aucun ministre des Finances n'accepterait d'augmenter dans de telles proportions les crédits affectés au RPC ou aux transferts sociaux. Il faut voir les choses telles qu'elles sont.
Comme je le disais tout à l'heure, il y a des choses que nous pouvons faire afin d'accroître la richesse du pays, ce qui veut dire que nous aurons alors davantage d'argent à consacrer à la santé et aux politiques sociales.
:
Je vous remercie de me poser la question.
Je voudrais dire ceci au sujet du budget et de la pauvreté. Si je vous disais que 235 000 personnes sont actuellement torturées au Canada, me répondriez-vous que, oui, c'est effectivement le cas, mais nous n'avons tout simplement pas, financièrement, les moyens d'intervenir. Non. Nous serions d'accord qu'il s'agit d'une question qui met en cause les droits de la personne, et qu'il nous faut donc nous attaquer au problème. Or, c'est justement l'argument que nous défendons. Les 235 000 personnes que je viens d'évoquer vivent dans un pays qui, selon la Banque mondiale, a le dixième PIB du monde. C'est pourquoi nous pouvons affirmer que nous faisons face, au Canada, à une crise des droits de la personne et que nous allons devoir la résoudre. On ne peut pas se contenter de dire que nous n'en avons pas les moyens. Même en période de conflit, à l'occasion d'une catastrophe naturelle, dans des pays qui n'ont pas — mais qui n'en ont vraiment pas du tout — on s'attend à ce que les droits de la personne soient respectés.
Certains souhaiteraient une définition plus précise, mais les mesures actuelles suffisent à décrire la situation. Une personne parvient-elle à joindre les deux bouts? Il n'est pas nécessaire d'entrer dans une foule de considérations techniques. C'est en effet quelque chose de relativement simple. La mesure du panier de consommation dont Mme Milne nous parlait plus tôt est une bonne mesure à retenir en raison de sa spécificité régionale. Si vous n'avez pas assez d'argent pour payer votre loyer — et nous savons pertinemment que la rareté des logements abordables soulève au Canada un très sérieux problème — ou si vous n'avez pas assez d'argent pour acheter de quoi vous nourrir — il n'est pas question là de caviar et de jus d'orange haut de gamme, mais de produits essentiels — on peut dire que vous n'avez pas de quoi subvenir à vos besoins. N'oublions pas qu'au Canada le chauffage entraîne, lui aussi, de lourdes dépenses.
Il existe, d'ailleurs, en matière de pauvreté, des normes internationales. Ce sont des normes de vie adéquate en matière de logement, d'alimentation, d'eau et de services sanitaires. Sachez qu'au regard de ces normes, le Canada manque actuellement à ses obligations envers les personnes les plus démunies. En ce qui concerne les populations autochtones, nous restons en-deçà des normes sur tous les plans, logement, alimentation, eau potable et services sanitaires.
Il existe dans ce domaine des lignes directrices, et les définitions sont faciles à comprendre, dans la mesure, bien sûr, où vous situez votre réflexion dans une approche contextuelle.
J'ai trouvé très intéressant ce que Mme Farha a dit au sujet de la pauvreté envisagée du point de vue des droits de la personne. S'il nous faut, en effet, envisager la question sous l'angle des droits, on ne peut pas pour cela négliger la question des libertés.
Or, une des libertés dont on ne parle généralement pas, bien qu'elle soit l'une des plus importantes, c'est la liberté économique, la liberté de gagner sa vie, de jouir des fruits de son travail, de se libérer du besoin, et de vivre dans la dignité.
Cela étant, je voudrais que nos témoins nous expliquent comment l'atteinte que le gouvernement porte aux libertés économiques sont elles-mêmes des facteurs de pauvreté.
Selon certains de nos témoins, le logement est inabordable. Je me trouvais, il y a près d'un an, à Belleville, où je me suis entretenu avec un monsieur italien d'un âge assez avancé. Ce monsieur était en train de transformer une grande maison de l'époque victorienne en cinq ou sept logements abordables, et cela sans la moindre aide du gouvernement. Or, dans le cadre de ce projet, ce qui lui coûtait le plus cher ce n'était ni les matériaux, ni la main-d'oeuvre, mais la paperasserie. C'était les retards que lui imposait le gouvernement.
C'est un parfait exemple de transfert de richesse. Vous prenez une belle demeure, qui aurait dans le passé abrité un millionnaire, et vous la transformez en logements loués 500 ou 600 $ par mois. Or, non seulement le gouvernement n'accorde aucune aide à ce genre de projet, mais il y fait obstacle. Je crois savoir que le monsieur en question n'est toujours pas au bout de ses peines — je lui ai parlé il y a plus d'un an.
Mme McLachlan nous a dit combien il lui est difficile de régler sa facture d'électricité. En Ontario, où j'habite, les factures d'électricité ont plus que doublé, le gouvernement ayant décidé de subventionner les banques d'affaires et les initiés en augmentant le prix de l'électricité. Cela permet à beaucoup de gens qui n'en ont pourtant pas besoin, de gagner beaucoup d'argent. De nombreuses personnes, en effet, ne disposent que d'un revenu fixe. Elles parviennent difficilement à joindre les deux bouts et ne parviennent pas à régler leur facture d'électricité. Il y a par ailleurs, nous dit-on, des personnes qui, ne pouvant pas trouver d'emploi, doivent recourir à l'aide sociale. Mais, alors, pourquoi augmenter les impôts des employeurs éventuels?
Je me demande en outre si nous ne pourrions pas parler des politiques gouvernementales qui contribuent parfois, elles aussi, à la pauvreté. Pourquoi, en effet, ne pas parler aussi de cela au lieu de parler uniquement de la manière dont le gouvernement devrait s'attaquer à la pauvreté. C'est un peu comme le médecin qui fournit l'antidote au poison qu'il vient d'administrer. Ne vaudrait-il pas mieux faire en sorte pour que, dès le départ, le poison ne soit pas administré?
Que pouvez-vous nous dire de la manière dont le gouvernement sape nos libertés économiques, après quoi il entend venir à la rescousse et résoudre les problèmes qu'il a lui-même créés?
Je vous remercie de vos observations et de la question qui m'est posée.
Je tiens d'abord à préciser que la liberté économique n'est pas reconnue en tant que droit de la personne.
Le Canada a signé et ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que toute une série d'autres conventions relatives à certains groupes tels que les personnes atteintes d'une invalidité, les femmes, etc. Selon ces traités signés par le Canada, chacun a le droit à un niveau de vie suffisant, une nourriture, un vêtement et un logement suffisant. Les droits ainsi reconnus comprennent désormais l'eau et les services sanitaires.
Il n'y a donc pas, à proprement parler, de droit à la liberté économique, mais je vais néanmoins tenter de vous répondre...
:
Mais ses effets se prolongent dans le temps.
Ce que je trouve intéressant dans tout cela, c'est que si nous retenons une approche axée sur les droits de la personne, et réfléchissons à ce que vous avez dit des gens qui souhaitent se lancer dans la construction de logements abordables, si l'on peut dire, et qui en sont empêchés par le manque de programmes gouvernementaux... J'estime, en effet, que dans ce secteur-là, on manque de moyens et que le gouvernement ne facilite pas les choses à quelqu'un comme votre ami italien. C'est, d'après moi, quelque chose que nous devrions effectivement étudier.
Mais c'est justement à cela que permet d'aboutir l'approche axée sur les droits de la personne, étant donné qu'elle nous porte à nous demander si nous faisons bien ce que nous devrions faire pour que les gens les plus démunis puissent se payer un logement. Nous savons que les Canadiens ne vont pas tous pouvoir accéder à la propriété. C'est un fait. Les gens n'ont même pas les moyens d'effectuer le paiement initial. Le gros de la population peut très bien se satisfaire d'un logement pris en location, mais de nos jours, personne ne construit plus de logements locatifs. Pourquoi? C'est en raison du manque d'incitatifs, et d'une procédure trop lourde et problématique.
L'approche axée sur les droits de la personne nous porte, justement, à poser les questions que vous venez d'évoquer. Quelles sont les causes de la pauvreté au Canada? Quels en sont les principaux facteurs? La question des factures d'électricité mérite, elle aussi, d'être posée. Elle va de pair avec la question des logements abordables. Le droit international des droits de l'homme prévoit en effet la prestation des services de base à un prix abordable. Cela comprend notamment l'électricité. La question qui se pose au regard des droits de la personne est « Qu'allons-nous faire vu que de nombreuses personnes pauvres n'arrivent pas à régler leur facture d'électricité? » C'est le premier pas dans la recherche de solutions.
:
Merci, monsieur le président.
Ma première question s'adresse à Mme McLachlan.
Vous avez dit que les personnes faisant partie de groupes dans l'intérêt desquels vous invoquez les droits de la personne, c'est-à-dire les immigrants, les familles monoparentales, les personnes seules, et les femmes âgées, peut-être aussi, les personnes ayant une invalidité, ont un revenu deux fois inférieur à celui de la population en général.
Comment faire pour que les programmes fédéraux de réduction de la pauvreté atteignent leurs objectifs? Vous avez parlé d'une approche globale. Pourriez-vous nous faire part de quelques idées novatrices quant à la manière de réduire la pauvreté?
Ma question suivante s'adresse au professeur Lee.
Monsieur le professeur, vous nous avez dit tout à l'heure que, dans un premier temps, vous aviez renoncé à l'école, et puis qu'après la cinquième, vous y étiez retourné. Or, vous êtes maintenant professeur d'université, avec vos propres étudiants. J'imagine que l'expérience que vous leur relatez doit leur servir d'exemple. Vous avez, en effet, accompli beaucoup.
Vous proposez d'encourager les gens à trouver à nouveau du travail, ou à parfaire leur éducation. Quelles seraient, d'après vous, les mesures qui permettraient non pas d'obliger, mais d'encourager les gens à renouer avec un emploi ou à reprendre leurs études?
:
C'est une excellente question, car elle peut être abordée sous divers angles.
J'admets que le domaine de l'éducation relève des compétences provinciales. Je suis conscient que les universités notamment tiennent leur financement des provinces et non du gouvernement fédéral, du moins pas directement. C'est la province qui fixe les frais de scolarité qui alimentent nos budgets.
Je m'inspire en cela de mon collègue le professeur Ross Finnie, de l'Université d'Ottawa. Il convient, en effet, de considérer à part les chômeurs de longue durée, dont une partie des communautés autochtones. Je dis cela parce que ces chômeurs constituent une ressource inexploitée. Je ne parle pas des jeunes de 16 ou 17 ans, mais de gens de 25 ou 30 ans qui n'entretiennent guère de liens avec le monde du travail. Ils n'ont jamais entamé une carrière ou trouvé un emploi durable. C'est une catégorie qui, d'après moi, doit retenir particulièrement notre attention.
On pourrait intervenir dans le cadre de ce que j'ai appelé jusqu'ici DRHC, c'est-à-dire Développement des ressources humaines Canada. Je sais que ce ministère s'appelle maintenant autre chose, mais je ne me souviens pas de son nouveau nom. On pourrait, en effet, dans le cadre de ce ministère et d'Emploi Canada, instaurer des programmes à l'intention des chômeurs de longue durée. Cela se ferait, j'imagine, de concert avec les provinces, et viserait également les personnes touchant l'aide sociale.
Je peux dire, en employant un terme propre à la langue des affaires, que le retour sur investissement serait très élevé. Les mathématiciens pourraient vous dire, je crois, qu'il existe entre la pauvreté et le chômage de longue date, une très forte corrélation. Or, si l'on parvient à leur assurer la formation nécessaire... Je ne pense pas, en effet, qu'ils aient opté pour la pauvreté. Je ne pense pas que ce soit de plein gré qu'ils se retrouvent dans une telle situation.
J'ai étudié les chiffres et je vous les remettrai en fin de séance. Il s'agit de données émanant de Statistique Canada et du U.S. Census Bureau. Ces chiffres démontrent une très forte corrélation entre le revenu et le niveau d'instruction. La corrélation n'est pas absolue, mais elle est très forte. Moins vous êtes instruit, et plus vous avez de chances de vous retrouver pauvre. C'est une question de probabilités.
Il y a, au sein des organes de l'ONU chargés des droits de l'homme, plusieurs comités qui veillent à ce que le Canada respecte les obligations qui lui incombent en vertu du droit international relatif aux droits de l'homme. C'est précisément de cela que sont chargés ces organes composés d'experts indépendants. Ces personnalités indépendantes, spécialistes des droits de la personne, ne parlent au nom d'aucun État en particulier.
Or, de nombreux comités se sont récemment penchés sur la situation des droits de la personne au Canada, et tous semblent s'entendre sur le problème de la pauvreté. Qu'il s'agisse du comité chargé de la situation des femmes, ou du comité des droits économiques, sociaux et culturels, ou encore du comité appelé à se pencher sur la situation de l'enfance, ou celui chargé d'étudier la situation en matière de discrimination raciale, les divers organes des Nations unies oeuvrant dans le domaine des droits de la personne sont tous d'avis que le Canada n'honore pas ses obligations en matière de droits de l'homme.
Ces comités travaillent de manière très pragmatique. À l'issue de leur examen — à la fois écrit et oral — ils émettent des recommandations. Vous pourriez, en tant que comité, en prendre connaissance, les interpréter en fonction des considérations propres à l'étude que vous menez actuellement, et les incorporer à vos délibérations.
Il s'agit de recommandations très concrètes. On y lit, par exemple, que le barème de l'aide sociale est trop faible, et qu'il devrait être relevé, car il ne donne pas aux gens les moyens de pourvoir à leurs besoins.
J'insiste bien sur le fait que les droits de la personne fournissent un cadre d'analyse pratique, et le Comité aurait selon moi tout avantage à étudier ces recommandations. CSP se fera un plaisir de vous en transmettre un exemplaire.
Madame Farha, je voudrais revenir un peu sur la réponse que vous avez donnée à ma dernière question sur ce que le gouvernement pourrait faire. Vous avez dit, en réponse à certaines des questions qui vous étaient posées, que le gouvernement fédéral devrait non pas assortir les transferts de conditions restrictives, mais tout de même subordonner l'octroi des prestations à certaines conditions. C'est effectivement quelque chose que le gouvernement fédéral pourrait faire. On pourrait, à cet égard, s'inspirer des discussions qui ont lieu au sujet des soins de santé, mais, encore une fois, il ne s'agit pas nécessairement d'augmenter les dépenses, mais de s'entendre afin de mieux employer les ressources disponibles.
Comment pourrions-nous, d'après vous, nous aligner davantage sur ce que font les gouvernements provinciaux?
:
Il y aurait, en effet, beaucoup à faire à cet égard, et je ne pense pas que nous ayons suffisamment étudié ce que le gouvernement fédéral pourrait faire pour conditionner dans une certaine mesure l'octroi des prestations.
Il se fait déjà aux États-Unis quelque chose qu'on ne pourrait pas, selon certains, envisager au Canada. Permettez-moi néanmoins de vous en dire un mot, car il est toujours bon d'examiner les choses sans a priori.
Aux États-Unis, les États obtiennent du gouvernement fédéral des crédits au logement. Le montant accordé à chaque État est calculé selon un système de points. Les logements sont en outre classés en fonction des tranches de revenu. Les États qui ont décriminalisé l'errance obtiennent des points en plus. En effet, les États qui ont eu le courage de ne plus mettre en prison les sans-abri obtiennent plus de points, et donc davantage d'argent.
Je ne veux pas dire que nous éprouvons ici le même problème, mais cela pourrait inciter les provinces et territoires à augmenter le salaire minimum afin d'en faire, effectivement, un salaire de subsistance, et à fixer l'aide sociale à un taux plus réaliste. Cela peut paraître inacceptable aux yeux de certains, mais je pense qu'on pourrait au moins en discuter.
De mon point de vue, voyez-vous, du point de vue des droits de la personne, le fédéralisme pose un problème car les provinces, territoires et municipalités ont, eux aussi, des obligations découlant des droits de la personne. Or, il leur est, faute de moyens, impossible d'honorer leurs obligations en ce domaine. Il devrait donc s'instaurer, entre le gouvernement fédéral, les provinces, les territoires et les municipalités, une sorte de relation symbiotique dans le cadre de laquelle chacun préciserait le montant des ressources qu'il lui faut pour respecter les obligations qui lui incombent au regard des droits de la personne. La question mérite d'être débattue et ce serait, d'après moi, au gouvernement fédéral d'en prendre l'initiative.
Je souhaite, avant de commencer, apporter une précision et faire une observation. Nous ne sommes pas ici pour trouver de nouveaux moyens de noyer le problème sous l'argent. Si nous avons entrepris cette étude avec autant de sérieux, si nous y consacrons tant de temps, c'est afin de trouver des moyens efficaces et novateurs d'améliorer la situation. C'est bien pour cela que nos témoins ont pris la parole aujourd'hui. Je tenais simplement à le préciser.
J'estime devoir en outre faire une observation au sujet de ce que vous avez dit tout à l'heure, monsieur Lee. J'ai passé 20 ans à travailler auprès des élèves d'une école secondaire. Il faut bien reconnaître que l'université, ou le collège n'est pas pour tout le monde. J'ai travaillé auprès de jeunes pour qui ce n'était pas possible, soit par manque d'intérêt, soit par manque de capacités. Notre Comité doit donc également se pencher sur leur cas afin qu'ils puissent, eux aussi, néanmoins réussir. Je me suis senti tenue de le dire.
Ma question s'adresse à vous trois, madame Farha, madame McLachlan et madame Milne. Elle touche à ce que nous savons des causes de la pauvreté. Nous nous penchons sur la situation de certaines catégories de personnes telles que les femmes, les groupes autochtones, ou les personnes atteintes d'une invalidité. Avons-nous les connaissances nécessaires pour bien comprendre ce qu'il en est. Les données nécessaires existent-elles déjà, ou faudrait-il effectuer de nouvelles recherches?
Vous êtes toutes partisanes d'une approche centrée sur les droits de la personne. Pourriez-vous, en quelques mots, nous dire pourquoi cette approche vous paraît la meilleure?
:
Je vais essayer d'être brève.
Commençons par le problème des ressources, car il est essentiel. Personne n'a évoqué les économies que nous réaliserions si nous nous attaquions vraiment à la pauvreté. Permettez-moi de vous citer un chiffre. L'entretien d'un sans-abri coûte environ 55 000 $ par an, alors que ça ne coûterait que 37 000 $ si l'intéressé était correctement logé. Ce simple exemple revêt une grande importance car c'est le genre de chose qui nous permettrait effectivement d'économiser.
Pourquoi défendons-nous une approche centrée sur les droits de la personne? Nous avons discuté des causes de la pauvreté qui frappent 4,9 millions de personnes. Or, l'importance du chiffre porte à penser qu'il s'agit d'un problème systémique. Ce n'est pas simplement qu'il y a 4,9 millions de personnes paresseuses, ou 4,9 millions de personnes qui ont quitté l'école et qui ne savent pas trop comment reprendre leurs études. Il s'agit d'un problème pluridimensionnel, d'un problème systémique.
Or, l'approche centrée sur les droits de la personne permet, justement, d'aborder ce type de problème. Lorsqu'on examine la situation dans les diverses régions du pays, on voit bien qu'il s'agit essentiellement d'une question relevant des droits de la personne. C'est une question d'inégalité, souvent de discrimination. C'est une question d'insuffisance de logements décents. Ce sont toutes des questions ayant trait aux droits de la personne. Elles relèvent toutes du droit international relatif aux droits de l'homme.
Il me paraît donc juste d'aborder les problèmes de droits de la personne avec les moyens propres à ce domaine. Nous n'hésiterions pas à appliquer la Charte à un problème concernant la liberté d'expression. On penserait, en effet, que la Charte doit s'appliquer puisque c'est une question qui en relève. C'est par conséquent au regard de ces droits que nous devons formuler nos politiques et envisager nos problèmes, voire notre législation.