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Bonjour à tous. Conformément à l’article 108(2) du Règlement, nous allons poursuivre notre étude sur les stratégies de réduction de la pauvreté.
Nous sommes vraiment ravis de recevoir des représentants de Kuujjuaq à Ottawa aujourd’hui. Comme nombre d’entre vous le savez, nous avons fait de notre mieux pour nous rendre à Kuujjuaq dans le cadre de la partie de notre étude que nous passons en déplacement. Ce n’est pas la météo de là-bas qui nous a empêchés d'y aller, mais bien celle d’ici. Au moment de partir, l’avion était complètement gelé. Nous étions très déçus de ne pas pouvoir nous rendre là-bas. Je sais que nous allons faire de notre mieux pour y aller à l’avenir. Peut-être aurons-nous d’autres études qui nous donneront la possibilité de visiter cette région du pays?
Cependant, je suis ravi de vous accueillir ici aujourd’hui; cela me console.
J’aimerais souligner que Mme Boutin-Sweet est encore une fois ici comme substitut pour représenter le NPD.
Merci et bienvenue.
Nous avons un membre qui participe au Comité pour la première, le député Nicola Di Iorio.
Je tiens à souhaiter la bienvenue à Marie-Christine Vanier, responsable des communications, et à Linda Roy Makiuk, technicienne administrative, à l’Office municipal d’habitation Kativik. Nous accueillons aussi Françoise Bouchard, directrice de la santé publique à la Régie régionale de la santé et des services sociaux Nunavik.
Comme nous n’avons que deux groupes aujourd’hui, je vais permettre aux intervenantes de prononcer des remarques liminaires de 10 minutes. Nous allons d’abord entendre les représentantes de l’Office municipal d’habitation Kativik.
Vous avez la parole pour les 10 prochaines minutes.
Merci de m’avoir invitée.
[Français]
Ullaakkut. Bonjour.
Mon nom est Marie-Christine Vanier, et je suis responsable des communications à l'Office municipal d'habitation Kativik, l'OMHK.
Pour commencer, je vous remercie de nous donner l'occasion de vous présenter un organisme important dans le Nord du Québec, l'Office municipal d'habitation Kativik. C'est un organisme essentiel qui loge la presque totalité des citoyens du Nunavik, les Inuits.
Nous vous attendions et nous étions très heureux de vous accueillir à Kuujjuaq. Nous vous avions même préparé du pain banique, que nous avons mangé à votre santé.
Quand nous parlons d'habitation au Nunavik, vous comprendrez que nous parlons d'habitation sociale.
L'OMHK est un organisme sans but lucratif, dont le principal objectif est d'acquérir et d'administrer des logements pour des personnes ou des familles à revenu faible ou modéré. Il gère et administre un parc immobilier d'habitation sociale de 3 144 unités dans 14 communautés du Nunavik. Dans chacune d'elles, nous avons un bureau local d'habitation, un gérant d'habitation et une équipe d'entretien et de réparation.
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Bonjour. Je m’appelle Linda Roy Makiuk. Je travaille comme technicienne administrative aux services à la clientèle de l’Office municipal d’habitation Kativik. Je suis aussi l’ambassadrice du programme Pivallianiq.
Pendant des milliers d’années, les Inuits du Nunavik ont été des nomades qui vivaient dans des tentes et des igloos. Ils survivaient dans un des climats les plus rudes au monde grâce à leur ingéniosité comme chasseurs, pêcheurs et trappeurs et à leur bon leadership. Ils ont fait ce qu’ils devaient faire pour survivre et prendre soin de leurs familles.
En 1998, l’administration régionale Kativik et le gouvernement du Québec ont signé un accord-cadre concernant la région Kativik, qui comprenait la mise en place d’une structure de gestion du logement qui devait tenir compte de la réalité régionale et qui devait s’appeler l’« Office municipal d’habitation Kativik ». L’enquête de 2015 sur les besoins en logements de l’Office a révélé que 3 912 personnes ou familles vivaient dans 2 884 logements sociaux. Selon Statistique Canada, le Nunavik souffre du pire problème de surpeuplement au Canada.
Parmi les 500 offices d’habitation et plus au Québec, l’Office municipal d’habitation Kativik a été le premier à exercer ses activités à l’échelle régionale. Son conseil d’administration compte jusqu’à sept membres de la région choisis pour représenter les intérêts des municipalités, des locataires et des groupes socioéconomiques. La Société d’habitation du Québec voulait que l’Office soit géré comme n’importe quel autre office d’habitation au Québec, mais il est rapidement devenu évident que l’Office devait être différent à presque tous les égards, car le logement social est différent au Nunavik.
L’Office compte environ 150 employés, dont plus de 75 % sont des Inuits.
Depuis l'an 2000, l’Office a ajouté plus de 1 400 logements à son parc immobilier en raison de divers accords sur le logement avec le Canada et le Québec, ce qui représente un total de 3 144 logements au Nunavik.
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Comme l'a dit Mme Roy Makiuk, le Nunavik est une région particulière. Il y a des réalités particulières et bien différentes du reste du Québec. Il faut constamment en tenir en compte dans nos activités en tant qu'organisme.
Je vais vous donner quelques chiffres en rafale.
La population totale du Nunavik est d'environ 12 000 personnes, dont 90 % sont inuites. La démographie de la région est très différente du reste du Québec. La population y augmente plus vite qu'ailleurs. De 2006 à 2011, le nombre de ménages a augmenté de 11,8 % alors qu'ailleurs au Québec, cette augmentation est de 4,7 %. Par conséquent, même si on ajoute des maisons chaque année, on ne rattrape même pas la croissance démographique.
Le nombre d'enfants au Nunavik est de 3,2 par femme, alors qu'ailleurs au Québec, il est de 1,6. De plus, 70 % de la population est âgée de moins de 35 ans.
En terminant, le coût de la vie au Nunavik est 148 % plus élevé qu'ailleurs au Québec.
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La question de l'habitation au Nunavik touche tout le monde. Tout le monde est concerné. L'OMHK fait face à des défis importants. Je vais en nommer quelques-uns.
Il manque actuellement plus de 1 030 logements pour combler les besoins en habitation. On fait donc face à un problème de surpeuplement des logements avec les problèmes sociaux que cela peut causer.
Le système d'accès au logement n'est plus adapté aux besoins des locataires et à leur réalité. Le système favorise, bien sûr, les moins bien nantis, alors que les jeunes qui ont un travail et une vie personnelle rangée sont défavorisés. C'est un problème et une critique que nous adressent tous les jours des gens que nous croisons dans la rue.
Il n'y a aucune route entre le Sud et le Nord ni entre les communautés. La seule façon de voyager entre les communautés est donc par avion et au gré de mère Nature.
Nous espérons au cours des prochaines années conclure des ententes à plus long terme avec les gouvernements. Cela nous permettrait, entre autres choses, une meilleure planification des projets de construction et une réduction des coûts grâce au plus gros volume d'achat. Nous pourrions commencer la construction des maisons plus tôt dans la saison, préparer les surfaces, les pads, comme on appelle les terrains sur lesquels les maisons sont construites un an d'avance. Les pads auraient donc le temps de se stabiliser après un hiver.
Le réchauffement du sol et la fonte du pergélisol sont encore plus importants chaque année et influencent de plus en plus la stabilité des sols et, par le fait-même, les constructions existantes et à venir. Une planification à plus long terme nous permettrait ainsi de réduire les dépenses reliées aux rénovations des maisons puisque les pads seraient plus stables et causeraient moins de dommages. Une planification à plus long terme nous permettrait aussi de mieux développer, avec les partenaires concernés, l'urbanisation des communautés et d'imaginer et de concevoir des habitations mieux adaptées au mode de vie des Inuits.
Parlons des années à venir. Avec l'arrivée de notre nouvelle directrice générale, Mme Marie-France Brisson, l'OMHK a un nouveau souffle et prend un nouveau tournant. Les principaux objectifs de l'OMHK pour les prochaines années tournent autour d'un même thème, la communication.
Nous voulons améliorer les canaux de communication avec nos locataires, tisser un lien plus solide et plus fiable afin de créer une relation de confiance mutuelle, mais également leur donner une voix au chapitre.
Le service à la clientèle sera notre priorité. Nous voulons aussi créer des liens durables et rebâtir une relation de confiance avec les locataires. Nous allons travailler à rendre plus fluide l'information entre les différents départements de l'OMHK afin d'offrir un service de meilleure qualité.
Nous développerons un projet de grille d'attribution des logements pour mieux répondre aux besoins de la population et pour répondre à leurs demandes.
L'aspect plus humain de l'habitation fera partie de nos préoccupations, afin de construire et de bâtir en tenant compte de l'identité culturelle des Inuits.
Nous prévoyons également l'élaboration d'un plan stratégique pour définir notre plan d'action pour les prochaines années.
Ce sont les grands objectifs qui guideront l'OMHK au cours des prochaines années.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, merci de m’avoir invitée aujourd’hui à vous parler d’une question qui nous importe sur le plan de la santé et qui préoccupe les intervenants de la Régie régionale de la santé et des services sociaux Nunavik depuis de nombreuses années. Mon objectif est de vous faire part d’une décision concernant les questions de santé auxquelles nous sommes confrontés au Nunavik.
La Régie régionale de la santé et des services sociaux Nunavik a été créée à l’issue de la signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois. Notre conseil d’administration compte 14 représentants de 14 collectivités de la région du Nunavik.
Je suis directrice de la santé publique. À titre de médecin hygiéniste, je suis responsable de tous les programmes de promotion, de protection et de prévention. De plus, la Régie est chargée de toute la planification des services sociaux et des services de santé de la région. Nous avons aussi deux hôpitaux au Nunavik: un sur la côte de la baie James et un sur la côte de la baie d’Ungava. Chaque village a une clinique de santé communautaire qui offre des services 24 heures.
Ma déclaration englobera les remarques du M. Watt, qui n’a pas été en mesure de venir aujourd’hui. Pour nous, la crise du logement au Nunavik est problématique. Elle se reflète dans le surpeuplement de nombreuses maisons ainsi que le mauvais état des habitations existantes et le besoin d'y apporter des réparations majeures.
Cette crise du logement a des conséquences pour tous les groupes d’âge au Nunavik: les enfants, les jeunes, les adultes et les aînés. Comme on vous l’a mentionné, la population du Nunavik est très jeune. Environ 40 % des habitants de notre région ont moins de 19 ans.
Cela dit, plus de la moitié de ces jeunes grandissent dans des maisons surpeuplées, et les enfants sont les personnes les plus vulnérables aux conditions de logement inappropriées. Ils sont particulièrement vulnérables aux maladies infectieuses. C'est au Québec qu'on retrouve les taux d’hospitalisation parmi les plus élevés pour des maladies infectieuses chez les enfants de moins de deux ans, et nous ne pouvons pas passer sous silence les problèmes psychosociaux que certains adultes peuvent manifester à la maison et qui ont des répercussions sur nos enfants.
Pour ce qui est de la jeunesse, aujourd’hui, nombre de jeunes Inuits ont migré vers le Sud pour étudier ou travailler, mais ils éprouvent des difficultés lorsqu’ils essaient de revenir. Il n’y a pas de logement pour eux. Cela représente une perte énorme pour les lieux de travail du Nunavik, car nous ne pouvons pas profiter de leur éducation et de leur expérience. Notre objectif est toujours de pouvoir perfectionner les compétences des Inuits dans le domaine des soins de santé pour que, un jour, mon poste n’ait pas à être pourvu par un halunak blanc du Sud. Cette situation empêche d’autres jeunes aussi de poursuivre leurs études dans le Sud, car ils ne sont pas encouragés à le faire.
En revanche, bien des adultes essaient de fuir la situation. Nombreux sont ceux qui déménagent à Montréal et font augmenter la taille de la population de sans-abri dans cette ville. Malheureusement, certains d’entre eux finissent à la rue, car ils sont mal préparés à la vie urbaine.
Les aînés au Nunavik sont les locataires officiels de leur maison, et la pénurie de logements fait souvent en sorte qu’ils doivent partager leur habitation, de leur plein gré ou pas, avec certains de leurs enfants adultes ou petits-enfants s’ils n’ont nulle part où aller. Malheureusement, cela mène parfois à des situations de maltraitance des aînés.
Il existe un ensemble de preuves solides qui démontrent que les circonstances en matière de logement influent sur la santé et le bien-être à la fois de la famille et des particuliers. Je pense que vous avez tous le document d’information que nous avons préparé et résumé. Je vais en parler brièvement aujourd’hui.
Une hausse de l’humidité favorise la formation de moisissure et l’exposition à la moisissure, qui pourrait entraîner, bien sûr, des problèmes d’asthme et d’autres troubles respiratoires. La qualité et la densité des ménages ont des répercussions bien documentées sur la prolifération des maladies infectieuses.
Cependant, le surpeuplement peut aussi avoir une incidence sur la santé mentale et donner lieu, notamment, à des dépressions, au manque de sommeil et à des problèmes familiaux. Dans une situation où les personnes sont déjà vulnérables, le surpeuplement ne fait qu’exacerber les problèmes psychosociaux.
Il existe aussi une association négative entre le surpeuplement et les résultats scolaires. Comment un enfant peut-il faire ses devoirs et se concentrer dans une maison surpeuplée?
Les femmes, les enfants et les aînés qui ont besoin d’autres arrangements sur le plan du logement sont souvent victimes de violence familiale.
Je veux parler précisément d’une question qui nous a gardés, mon équipe et moi, très occupés au cours des dernières années, et c’est le retour de la tuberculose dans le Nord. On observe, à l’heure actuelle, une forte résurgence de cette maladie au Nunavik, et la corrélation entre le logement et cette résurgence est de plus en plus claire.
Premièrement, il y a de plus en plus de données probantes pour appuyer la forte corrélation entre l’incidence de tuberculose et divers déterminants socioéconomiques, y compris la malnutrition, le surpeuplement, la ventilation inadéquate, les mauvaises conditions sanitaires, le faible statut socioéconomique, la pauvreté, l’abus d’alcool et la toxicomanie, les niveaux élevés de stress et le manque d’accès aux soins de santé.
La transmission de la tuberculose se fait le plus fréquemment par contact prolongé avec une personne infectieuse et la vie en milieu fermé avec elle. Les personnes les plus à risque d’exposition à la tuberculose sont celles qui vivent et dorment dans la même maison qu’une personne infectée.
Depuis le début de l'an 2000, l’incidence de tuberculose augmente régulièrement au Nunavik après des décennies de déclin. Nous observons un lien marqué entre la crise du logement à laquelle nous faisons face et la résurgence de la tuberculose dans la région. Elle a rapidement écrasé notre système de soins de santé.
Les efforts que déploie la Régie pour maîtriser les récentes flambées de tuberculose ne suffiront pas si les conditions sociales qui contribuent à la transmission de la maladie ne changent pas. Nous nous trouvons dans une situation endémique où chaque collectivité est actuellement vulnérable à des flambées de tuberculose.
En conclusion, pendant plus d’un siècle, la santé publique au Canada a ciblé les mauvaises conditions sanitaires, le surpeuplement et la ventilation inadéquate pour réduire la transmission des maladies infectieuses. Bien que, de nos jours, la plupart des Canadiens bénéficient de conditions de vie et de logement adéquates, et que les maladies infectieuses comme la tuberculose ont presque disparu dans le Sud du pays, la situation en matière de logement reste critique au Nunavik, ainsi que la situation en ce qui touche la tuberculose en ce moment.
Merci.
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Merci. C’est bon d’être de retour.
Je tiens à remercier nos témoins d’être parmi nous aujourd’hui pour discuter de cet important sujet qu’est la réduction de la pauvreté.
Mon intérêt et ma responsabilité sont de représenter les aînés canadiens tant dans la population générale que dans le Nord. Étant donné que vous représentez le Nord et les questions qui s’y rapportent, je vais axer mes questions sur les défis auxquels font face les aînés dans cette région.
J’ai trouvé intéressant qu’en 2008, l’espérance de vie d’un homme dans le Nord était de 68 ans alors que maintenant, elle a baissé à 64 ans. L’espérance de vie pour la population totale du Canada est de 79 ans, mais dans le Nord, c’est 15 ans de moins. À l’heure actuelle, dans la population générale, une personne sur six est une personne du troisième âge. Dans six ans, ce sera une personne sur cinq, et dans 13 ans, une personne sur quatre. Cependant, dans le Nord, ce sont autant les hommes que les femmes qui ont une espérance de vie plus courte — on s’attend à ce qu’elle soit moins longue et elle l’est dans les faits — et on s’inquiète vraiment du fait que le Canada ne soit pas préparé au vieillissement de sa population.
Quels sont les défis auxquels les aînés sont confrontés dans le Nord? Nous avons entendu parler de maltraitance des aînés, et j’aimerais que vous nous donniez de plus amples détails à ce sujet. En quoi l’accès au logement et la pénurie de logement influent-ils sur les aînés canadiens?
Les logements des aînés canadiens doivent être un peu plus chauds que ceux de la plupart d’entre nous, car ils ne sont pas aussi mobiles et actifs que le reste des gens, alors leurs coûts de chauffage sont énormes. Nous avons entendu parler de tuberculose et d’autres difficultés d’accès et du besoin d’interaction sociale. Si cette interaction comprend la maltraitance des aînés ou si elle se dirige vers cela, c’est très préoccupant.
Pouvez-vous dire au Comité quels sont les effets sur les aînés dans le Nord des initiatives de réduction de la pauvreté et de logement? Quels sont les défis auxquels les aînés canadiens font face dans cette région? Que peut faire le gouvernement fédéral pour aider?
J’adresse mes questions à tous les témoins.
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Vous avez raison de dire que l'espérance de vie dans le Nord est toujours moins élevée que dans le Sud. Il faut considérer que l'espérance de vie dépend de bien des problèmes auxquels font face nos jeunes enfants, car le taux de mortalité infantile est toujours élevé. Il nous reste beaucoup d'avancées à faire sur ce plan.
Avec le changement de style de vie qui s'est opéré au cours, je dirais, des 50 dernières années au Nunavik, nous voyons de plus en plus apparaître, dans nos régions, de maladies chroniques qui n'étaient pas là auparavant. Les changements de style de vie qu'a entraîné la sédentarisation ont créé pour les Inuits des problèmes d'accès aux aliments locaux, tous ces éléments qui étaient très présents dans leur style de vie il y a de nombreuses années et qu'il leur est difficile de trouver aujourd'hui.
À titre d'exemple, si les aînés n'ont pas de membres de la famille qui chassent et leur rapportent des aliments locaux, ils perdent tous les éléments avec lesquels ils ont grandi. Le changement de style de vie influe sur la qualité de vie des aînés, et il leur faut souvent beaucoup s'en remettre à des fils qui peuvent continuer à chasser.
Il est difficile de parler de tout cela sans connaître le contexte de vie dans le Nord. Prenez la chasse, par exemple. L'accès à la nourriture traditionnelle est très difficile en ce moment. Les programmes de soutien aux chasseurs coûtent très cher, et ce ne sont pas toutes les collectivités qui peuvent se le permettre. Alors lorsqu'il est question de la qualité de vie de nos aînés, nous devrions tenir compte de tous ces programmes qui peuvent la rehausser, des choses qui leur tiennent à coeur.
La perte des façons de faire traditionnelles entraîne bien des problèmes — par exemple, l'abus d'alcool. Nous avons parlé des problèmes que nous avons. Vivre dans un ménage où les jeunes ont de la difficulté à trouver des emplois ou à y amener leurs propres valeurs a une incidence sur ses membres, et on exerce souvent des pressions sur les aînés afin qu'ils utilisent leur modeste revenu pour soutenir la grande famille qui se trouve sous leur toit.
Voilà les divers problèmes dont je peux vous faire part. J'ignore si ma collègue aimerait ajouter quelque chose.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, mesdames. Je vous remercie d'être ici.
Il y a quelques années, j'ai eu la chance de voyager au Nunavik avec mon collègue Romeo Saganash. Nous y avons visité cinq villages inuits et un village cri, ce qui m'a permis de voir la situation de mes propres yeux. Cela m'a beaucoup marquée.
Je me souviens de deux maisons que nous avons visitées à Whapmagoostui, dont la salle de bain était noire de moisissures. Il devait y avoir 14 personnes qui habitaient dans cette maison. Comme vous l'avez dit tout à l'heure, c'est difficile pour les enfants d'étudier dans un tel milieu; il n'y a pas de place. Je comprends comment cela peut se passer en ce qui concerne la violence. Il y a des problèmes de santé mentale. Le logement est à la base de bien des choses.
À Salluit, nous avons parlé à une femme qui était la seule chez elle à avoir un salaire. Neuf personnes habitaient chez elle et sa facture d'épicerie était de 1 000 $ par semaine. On ne devient pas riche de cette façon.
Vous avez beaucoup insisté sur le manque de logements. Vous avez dit qu'il y a du rattrapage à faire à cet égard en raison de la croissance démographique. On construit des maisons, mais on n'arrive pas à rattraper le retard parce que la population augmente. Vous avez aussi dit que les jeunes ont plus de difficulté à obtenir un logement.
Combien de temps une personne dont le nom figure sur une liste d'attente va-t-elle attendre avant d'avoir une maison?
C'est ma première question.
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Oui. Cela fait partie du problème parce que nous ne pouvons pas nous procurer tous les matériaux pour construire une maison des années à l'avance et que nous devons attendre que le niveau des glaces permette le transport maritime.
[Français]
Les matériaux sont acheminés par bateau, mais pour ce faire, il faut attendre que les glaces coulent. On peut alors commencer la construction.
Si nous étions en mesure de prévoir des ententes à plus long terme, il y aurait moyen d'économiser. En effet, nous pourrions acheter les matériaux d'avance et commencer la construction plus tôt, sans avoir à attendre l'arrivée des matériaux à la fin de juin ou en juillet. Cela permettrait également de procéder à la construction.
La fonte du pergélisol constitue un problème. Le réchauffement des sols est très évident dans le Grand Nord. Si on n'a la confirmation du budget qu'un an à l'avance, on n'a pas suffisamment de temps pour construire les pads, les faire solidifier durant l'hiver et procéder à la construction par la suite. Par conséquent, lorsqu'on construit sur les pads, les maisons bougent sur le sol. À l'intérieur, les structures se brisent un peu, ce qui nécessite des rénovations et implique nécessairement des coûts.
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Ma question s'adresse à Françoise.
Je soulève cette question, parce que je crois qu'un aspect revient sans cesse dans nos discussions sur les stratégies de réduction de la pauvreté, et c'est que l'élément important pour assurer la réussite d'une personne dans la vie ou l'aider à sortir de la rue ou de la pauvreté — et j'en passe — est de donner un sens à sa vie; cela peut prendre la forme d'un emploi... Cela peut tout simplement être un emploi, une carrière ou une multitude de petites choses.
Je suis tout simplement inquiet au sujet des habitants de Kuujjuaq, parce qu'ils se sont installés au départ dans les régions nordiques du Québec pour survivre en tant que chasseurs-cueilleurs; c'était leur raison d'être. C'était l'endroit où ils habitaient. Bref, quelle peut être la nouvelle raison d'être des habitants du Nord du Québec? J'ai quelques questions en tête. Quelle est la principale industrie à Kuujjuaq? Quel est le taux de chômage? Que constatez-vous? Quelle raison d'être pouvons-nous leur donner?
Il y a des expressions que nous avons déjà utilisées: donner un poisson à quelqu'un le nourrira une journée, mais lui apprendre à pêcher le nourrira toute une vie. Comment pouvons-nous faire la même chose pour les habitants de Kuujjuaq?
Françoise, vous avez la parole.
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Nous savons que l'éducation est l'un des aspects essentiels. Nous savons que la capacité d'acquérir des habiletés et des compétences propres aux emplois déjà dans le Nord... Il y a beaucoup d'emplois dans le Nord; nous ne pouvons pas dire qu'il n'y en a pas. Toutefois, nous devons soutenir la capacité ou les facteurs qui aident les gens à décrocher ces emplois. Il arrive souvent que nous ne leur donnions pas les conditions gagnantes pour ce faire.
Un logement est une condition gagnante à donner aux gens pour avoir un environnement sécuritaire où apprendre. C'est la première étape: un environnement sécuritaire où apprendre pour qu'ils demeurent sur les bancs d'école et qu'ils sachent, s'ils font des études dans le Sud, qu'ils peuvent revenir ici et avoir un endroit où vivre et profiter autant du mode de vie traditionnel que...
Des gens le font et connaissent actuellement du succès. Il y en a, mais ce n'est pas le cas de tout le monde. Ce n'est pas tout le monde qui en a la capacité.
Le défi, c'est que nous devons commencer quelque part. Cela touche tous les domaines. Dans les services de santé, nous savons que la majorité des emplois sont occupés par des personnes provenant du Sud qui viennent travailler dans le Nord. Notre objectif est qu'un jour ces emplois soient occupés par des habitants du Nord. Pour y arriver, nous devons faciliter l'accès à l'éducation et faire preuve de créativité dans la façon de donner cette éducation. Actuellement, pour une personne qui vit et qui a grandi dans une petite collectivité nordique, c'est un énorme changement de se rendre à Montréal pour terminer ses études. C'est radical comme changement. Vous devez essayer de vous mettre à sa place. Admettons que vous avez grandi ici et que nous vous envoyons dans une petite collectivité en Afrique. Nous vous disons: « C'est là que vous devez habiter pour les trois ou quatre prochaines années pour acquérir vos compétences. » Je ne crois pas qu'un grand nombre d'entre nous y resteraient.
Faisons-en plus pour faciliter l'éducation et les programmes dans le Nord qui sont adaptés au Nord. Dans notre processus d'attestation dans le Sud, nous sommes devenus très stricts en prétextant que nous devons nous assurer de la sécurité, des avantages et de tout le reste. Je le comprends. Cependant, nous devons également comprendre que nous pourrions aussi faire preuve d'une certaine flexibilité dans les collectivités pour faciliter les programmes d'éducation dans le Nord. Il y a l'idée d'avoir un collège dans le Nord et des installations où les gens pourraient apprendre dans leur collectivité nordique. Nous devons faire preuve d'une certaine flexibilité en la matière.
Je crois que je peux vous en donner un exemple. Notre point de départ doit être que les gens dans le Nord souhaitent demeurer dans leur collectivité. Ils veulent y grandir, y vivre et y gagner leur vie. Ils souhaitent également profiter de ce qui entre dans leur identité, soit profiter du territoire, s'y rendre et avoir accès à des aliments traditionnels. Cela fait partie de l'identité culturelle, et c'est un filet de sécurité pour la prévention du suicide et la santé mentale. Tout cela en fait partie.
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C'est une bonne question.
Il est certain que l'accès à des logements adaptés pour les aînés qui ont des problèmes de mobilité est un enjeu important.
Nos collectivités sont encore petites, mais elles prennent de l'expansion sans toutefois gagner en densité. Le transport peut ainsi devenir problématique, surtout pour ceux qui ne possèdent pas de véhicule.
Il y a maintenant des autobus communautaires dans certaines localités. Les aînés de ces collectivités peuvent ainsi avoir accès aux services de santé ou se rendre à l'épicerie. Reste quand même qu'ils doivent souvent compter sur leurs proches, pour autant qu'ils soient disponibles.
Je ne sais pas si c'est le genre de questions que vous vous posiez concernant la mobilité, mais je crois qu'il faut en faire davantage relativement au défi que pose l'urbanisation. Comme les problèmes de santé chronique, dont ceux touchant les hanches, sont en pleine croissance, il devient de plus en plus difficile pour plusieurs de se déplacer à pied, surtout en hiver. Ces aînés dépendent énormément des autres pour leurs déplacements, mais aussi du transport public dans les collectivités offrant un tel service.
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Merci, monsieur le président.
Je salue les témoins et les remercie de leur présence et de leur précieuse collaboration.
Nous parlons d'une population de 12 000 personnes ayant un taux élevé de natalité. Il y a lieu de présumer que les cellules familiales sont assez grandes et qu'elles comptent quatre, cinq ou six personnes. De 2 000 à 3 000 maisons ont été construites sur une période de 30 ans. Avec les conditions qu'on nous a décrites, après 30 ans, elles sont devenues désuètes ou sont en très mauvais état.
Avez-vous recensé les meilleures pratiques? Je vais vous dire pourquoi je vous pose cette question. Cela vous laissera le temps d'y penser.
Dans le cadre de mon travail précédent, l'occasion de voyager dans le Nord s'est présentée, mais je n'y suis jamais allé, contrairement à vous. Cependant, quand je voyais des photos, je trouvais que ces maisons étaient totalement inappropriées à la réalité du Nord — elles sont même inappropriées à la réalité du Sud. On peut imaginer la difficulté qu'il y a à adapter quelque chose à la réalité du Nord alors qu'on ne peut même pas l'adapter au Sud. Par contre, il y a des cerveaux d'architecte et d'ingénieur, des artistes, des gens qui font du travail manuel et qui sont très créatifs.
Avez-vous cherché à recenser les meilleures pratiques pour concevoir des habitations mieux adaptées quant à l'architecture, aux matériaux, à l'emplacement et à l'utilisation?