Bienvenue à tous. Nous allons commencer sans tarder.
Avant de nous mettre au travail, j'aimerais souhaiter officiellement un bon retour à Julie, notre greffière, après une brève absence. Bon retour, vous nous avez manqué.
Je voudrais lire rapidement un énoncé qui mettra en contexte ce que nous allons faire aujourd'hui.
Le texte concerne l'étude article par article d'un projet de loi par un comité. Il y a beaucoup de nouveaux venus dans la salle, moi y compris, alors je vous demande un peu de patience. J'aimerais dire quelques mots aux membres du Comité sur la façon dont les comités procèdent à l'étude article par article d'un projet de loi.
Comme son nom l'indique, cet exercice sert à examiner, dans l'ordre, tous les articles d'un projet de loi. Je vais mettre en délibération chaque article, un par un, et chacun peut faire l'objet d'un débat avant d'être mis aux voix. Si un amendement est proposé à l'article en question, je vais donner la parole au député qui le propose, qui peut l'expliquer s'il le désire. L'amendement peut alors être débattu.
L'amendement est mis aux voix lorsqu'aucun autre député ne désire prendre la parole. Les amendements sont examinés dans l'ordre où ils apparaissent dans la liasse que les membres ont reçue du greffier. Lorsque des amendements sont corrélatifs, ils sont mis aux voix ensemble.
Les amendements doivent être rédigés correctement sur le plan juridique, mais ils doivent aussi être conformes à la procédure. La présidence peut être amenée à juger un amendement irrecevable s'il contrevient au principe du projet de loi ou s'il en dépasse la portée — le principe et la portée ayant été adoptés en même temps que le projet de loi par la Chambre, à l'étape de la deuxième lecture — ou si l'amendement empiète sur l'initiative financière de la Couronne. Si vous voulez éliminer complètement un article du projet de loi, vous devez voter contre l'article lorsqu'il est mis aux voix, plutôt que proposer un amendement pour le supprimer.
Comme il s'agit d'une première expérience pour plusieurs nouveaux députés, la présidence procédera lentement, de manière à ce que tous puissent bien suivre les délibérations. Le Comité peut décider, pendant l'exercice, de ne pas mettre immédiatement un article aux voix. Cet article sera alors mis de côté, et le Comité y reviendra plus tard.
Comme nous l'avons déjà indiqué, le Comité examinera la série d'amendements dans l'ordre où ils apparaissent et les mettra aux voix un par un, à moins qu'il s'agisse d'amendements corrélatifs, qui sont traités ensemble.
Chaque amendement porte, dans le coin supérieur droit, un numéro qui indique quel parti l'a présenté. Pour qu'un amendement soit proposé, un appuyeur n'est pas requis.
Une fois qu'un amendement a été proposé, il faut le consentement unanime de tous les membres du Comité pour le retirer.
Pendant le débat sur l'amendement, les députés peuvent proposer des sous-amendements. Ceux-ci n'ont pas besoin d'être approuvés par le député qui a proposé l'amendement.
Un seul sous-amendement peut être examiné à la fois, et le sous-amendement ne peut pas être modifié. Lorsqu'un amendement fait l'objet d'un sous-amendement, c'est le sous-amendement qui est mis aux voix en premier. Un autre sous-amendement peut alors être proposé, ou le Comité peut revenir à l'amendement principal et le mettre aux voix.
Une fois que tous les articles ont été mis aux voix, le Comité tient un vote sur le titre et le projet de loi proprement dit. Le Comité doit également donner un ordre de réimpression du projet de loi pour que la Chambre dispose d'une version à jour lors de l'étape du rapport. Enfin, le Comité doit demander à la présidence de faire rapport du projet de loi à la Chambre. Ce rapport contient uniquement le texte des amendements adoptés, le cas échéant, et une indication des articles supprimés, s'il y a lieu.
Je remercie les députés de leur attention et je souhaite au Comité une étude article par article productive du projet de loi .
Je tiens à ajouter qu'aucun amendement n'a été soumis avant vendredi dernier.
Monsieur Zimmer.
Toutes mes excuses, monsieur le président. C'est une période très occupée de l'année pour notre conseil d'administration et nous venions d'approuver le document quand je l'ai envoyé. Nous sommes au milieu de la saison de pêche du homard et tout le monde a un horaire fort chargé. Néanmoins, cela n'empêche personne de prendre quelques notes et je suis certain que vous aurez quelques questions à poser. Avant tout, je tiens à vous remercier de nous donner l'occasion de présenter notre point de vue au Comité.
Je veux vous donner un bref aperçu de ce qu'est la Prince Edward Island Fishermen's Association. Nous représentons près de 1 270 pêcheurs de la province. Les principales espèces pêchées par nos membres sont le homard, le thon, le hareng, le maquereau, le flétan et d'autres espèces du genre.
Bien que l'Île-du-Prince-Édouard soit relativement petite, l'association a divisé le territoire en six secteurs qui élisent leurs propres dirigeants. Deux membres de chacune des associations locales siègent au conseil d'administration de l'association provinciale, qui est composé de 12 directeurs et d'un président.
Nous pensons qu'il est utile de signaler au Comité que bon nombre de nos membres bénéficient du programme d'assurance-emploi destiné aux pêcheurs. Nous voulons apporter des précisions et expliquer comment fonctionne ce programme. Bien des Canadiens ne savent pas que ce programme, bien qu'il soit un peu plus souple que d'autres, comporte une disposition de recouvrement des prestations. Une fois que le revenu net atteint le seuil de 39 000 $, la disposition prévoit qu'il faut commencer à rembourser toute prestation versée jusqu'à ce point. À l'échelle nationale, les pêcheurs représentent moins de 1 % des prestataires d'assurance-emploi, ce qui est bien peu dans l'ensemble.
J'estime aussi qu'il convient de préciser qu'en raison du décalage entre les saisons de pêches, bon nombre de nos membres pêchent une espèce, puis doivent attendre plusieurs semaines avant de passer à l'espèce suivante. Il n'est donc pas rare qu'ils laissent une demande d'assurance-emploi active. Selon la façon d'analyser les données, celles-ci peuvent être artificiellement élevées par rapport au nombre de personnes qui reçoivent des prestations. Les gens pensent souvent que, si une demande est active, la personne reçoit des prestations pendant toute la période, mais cela n'est pas nécessairement le cas.
Selon les catégories de prestataires d'assurance-emploi les plus récentes, les pêcheurs sont classés parmi les prestataires fréquents. Cela signifie qu'ils ont présenté trois demandes ou plus et reçu plus de 60 semaines de prestations pour pêcheurs au cours des cinq dernières années. Un grand nombre de nos pêcheurs entrent dans cette catégorie.
Nous tenons également à signaler au Comité que certains changements récents ont des répercussions sur les membres d'équipage. La pêche que nous pratiquons étant liée aux conditions météorologiques, il est difficile de prévoir la durée de la saison. Certaines années, nous pouvons pêcher et gagner un revenu pendant un plus grand nombre de semaines, mais, à cause du mauvais temps, il y a des années où ce n'est pas possible. Il en sera toujours ainsi tant et aussi longtemps qu'il y aura de la pêche sauvage.
Il y a un changement qui a été apporté tout récemment... Il est arrivé que des gens trouvent un autre emploi, puis reviennent à la pêche. Les équipages qui travaillent à l'arrière des bateaux doivent être composés de gens hautement qualifiés, car c'est un métier très dangereux. Bien que de nombreuses mesures de protection soient mises en place quand on forme un équipage, il est essentiel, dans la mesure du possible, d'assurer la continuité à l'arrière du bateau. Jusqu'à tout récemment, les capitaines membres de notre association commençaient à avoir beaucoup de difficulté à recruter des employés qualifiés pour travailler à l'arrière des bateaux et à conserver ces employés. Cette tendance s'est quelque peu atténuée cette année, mais seulement en raison du malencontreux ralentissement économique en Alberta. Le Comité pourrait envisager une réforme qui permettrait aux travailleurs d'occuper un bon emploi bien rémunéré, sans être pénalisés pour autant.
La situation s'améliore pour les capitaines depuis quelques années, car un plus grand nombre de travailleurs leur reviennent, ce qui n'a pas été le cas pendant longtemps, et ce, jusqu'à il y a deux ou trois ans. Il arrive souvent que des capitaines embauchent des parents dans leur équipage. Par conséquent, il y a des cas où deux personnes d'un même ménage touchent des prestations d'assurance-emploi, mais elles jouent un rôle actif dans la flotte et elles y travaillent.
La dernière chose que je veux dire au sujet de l'incidence sur les équipages, c'est qu'il y a une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. Selon nous, le fait que le régime d'assurance-emploi soit devenu moins souple est un facteur qui a contribué à cette pénurie d'employés à l'arrière des bateaux.
Mes prochaines remarques concernent les répercussions de l'ensemble des changements apportés à l'assurance-emploi.
L'une d'entre elles porte sur le Tribunal de la sécurité sociale qui est maintenant entièrement fonctionnel si je ne me trompe pas.
Le Conseil arbitral a cessé ses activités en 2013. Il avait pour objectif de réduire considérablement les coûts administratifs ainsi que le nombre d'appels. À ma connaissance, le tribunal qui l'a remplacé est formé de 74 membres à temps plein qui sont nommés et qui jugent les appels relatifs aux demandes du RPC et de la Sécurité de la vieillesse, en plus de ceux concernant les demandes d'assurance-emploi. Le Conseil, quant à lui, comptait près de 1 000 employés à l'échelle locale.
Puisque le Tribunal de la sécurité sociale est maintenant en place depuis quelques années, le moment est peut-être bien choisi pour évaluer son efficacité. Je crois savoir qu'il est difficile d'obtenir la révision d'un dossier, ce qui pourrait contribuer en partie à la diminution significative du nombre d'appels.
Pour revenir aux pêcheurs, auparavant, les demandes de prestations pour pêcheurs et les demandes de prestations régulières étaient évaluées séparément pendant l'année. Parmi les changements apportés, il y a une nouvelle disposition qui prévoit qu'une demande doit être épuisée avant que l'autre puisse commencer, ce qui crée souvent beaucoup de paperasse inutile. Les prestations d'assurance-emploi pour pêcheurs comportent certaines nuances, mais les prestations régulières font parfois partie du programme elles aussi. Cette question mériterait bien d'être étudiée afin de simplifier les opérations.
À l'Île-du-Prince-Édouard, 11 % des travailleurs sont des travailleurs saisonniers. J'ouvre une parenthèse à ce sujet et je tiens à souligner que certaines modifications apportées récemment limitent la capacité de ces travailleurs à gagner un revenu additionnel ou à passer à un emploi mieux rémunéré, comme je l'ai mentionné plus tôt. C'est une question que le Comité voudra peut-être examiner de plus près.
Dans certaines régions du Canada, un programme qui a été abandonné il y a plusieurs années accordait cinq semaines supplémentaires de prestations aux travailleurs saisonniers. Du point de vue des pêcheurs, c'était un programme extrêmement utile qui dépannait les travailleurs jusqu'au début de la saison suivante, quand ils pouvaient reprendre leur emploi saisonnier. C'était aussi très avantageux pour de nombreuses usines parce cela favorisait le retour d'une main-d'oeuvre très qualifiée.
J'ai parlé de l'abandon du programme de cinq semaines et des avantages qu'il représentait pour les flottes de même que pour les usines. Nous tenons également à signaler certains changements apportés pour ce qui est du travail en période de prestation, mesures qui semblent punitives indépendamment du type de prestations reçues. Auparavant, quand le prestataire gagnait plus de 75 $ par semaine ou 40 % de ses prestations hebdomadaires, les prestations étaient assujetties à la récupération. Maintenant, les sommes récupérées augmentent à partir du moment où le prestataire gagne plus de 50 % de ses prestations. Nous voulons encourager les gens à saisir l'occasion de gagner un revenu additionnel et nous estimons que ce changement est plus nuisible qu'autre chose.
D'après les normes de service de l'assurance-emploi — tirées de la documentation du gouvernement —, le délai de traitement des demandes doit être le même peu importe la façon de présenter la demande — par la poste, en ligne ou en personne — et les prestations doivent être versées dans les 20 jours suivant la présentation de la demande.
Nous tenons à signaler que, selon nous, le régime d'assurance-emploi pour pêcheurs semble être très efficace et que le délai de traitement d'une semaine proposé récemment est un changement très positif.
La dernière chose que je veux dire dans le cadre de notre présentation, c'est que la pêche est une industrie sous réglementation fédérale. Malheureusement, la gestion de plusieurs espèces par le MPO est déficiente, ce qui a rendu les capitaines et les équipages plus dépendants du filet de sécurité que représente l'assurance-emploi.
La Prince Edward Island Fishermen's Association collabore avec le gouvernement fédéral pour accroître l'efficacité et le rendement financier des pêches. Je suis heureux d'annoncer qu'il y a eu d'excellents progrès au cours des dernières années et que l'industrie de la pêche a commencé à retrouver une certaine vigueur économique.
Je terminerai avec les quelques remarques suivantes. Bien des gens ne sont pas conscients qu'il ne suffit pas de démarrer le bateau, de le mettre à l'eau et de s'en aller pêcher. La pêche est une activité qui exige un grand travail de préparation pour fabriquer les casiers, vérifier les filets, vérifier les moteurs et tout le reste. Même si la durée comme telle de certaines saisons de pêche est assez courte, il faut beaucoup de temps pour s'y préparer.
Il y a quelques années, nous avons reçu une lettre de Ressources humaines et Développement social Canada rédigée par Louis Beauséjour, le directeur général de l'époque. Elle était adressée au président de la Southern Kings and Queens Fishermen's Association. J'aimerais en lire un extrait:
Par ailleurs, contrairement aux chômeurs qui reçoivent des prestations régulières, les pêcheurs ont le droit de présenter deux demandes par année et de recevoir des prestations pendant un maximum de 26 semaines chaque fois. C’est une mesure que le gouvernement a prise pour tenir compte de la nature unique du travail dans l’industrie de la pêche où l’on retrouve deux saisons de pêche, soit une l’été et l’autre l’hiver.
Je pense que cet extrait illustre parfaitement le caractère unique de l'industrie de la pêche et les difficultés qui y sont propres. Je voulais vous faire part des différences relatives au fonctionnement du régime qui s'applique aux pêcheurs.
Voilà qui conclut ce que nous voulions dire au Comité. Merci.
:
Monsieur le président, membres du Comité, bon après-midi.
Je m'appelle Judith Andrew. Je suis commissaire représentant les employeurs à la Commission de l'assurance-emploi du Canada.
[Traduction]
Je suis ravie d'avoir l'occasion de comparaître devant vous pour la première fois dans le cadre de la présente étude sur l'assurance-emploi. Je suis accompagnée de Charles Côté, qui est conseiller en politiques à mon bureau.
La Commission de l'assurance-emploi du Canada célèbre ses 75 ans à titre d'organisme de surveillance tripartite du régime d'assurance-emploi. Je suis fière de représenter de façon impartiale les intérêts des employeurs au sein de la Commission, aux côtés de la commissaire Donnely, qui représente les travailleurs, d'Ian Shugard, vice-président de la CAEC et sous-ministre pour une semaine encore si je ne m'abuse, et de Louise Levonian, vice-présidente de la Commission qui occupera bientôt le poste de sous-ministre. Tous mes collègues ont récemment comparu devant le Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées.
Un résumé du mandat de la CAEC et du rôle de commissaire indépendant se trouve dans la trousse d'information qui vous a été remise. Il s'agit d'une trousse très complète.
Bien que la CAEC ne soit pas très connue, surtout parce que les activités liées à l'assurance-emploi ont été déléguées au ministère, la Commission conserve d'importantes responsabilités directes et continue de surveiller le régime à de nombreux égards, notamment pour la préparation d'un rapport annuel présenté au Parlement qui s'appuie sur les recherches réalisées par la Commission à propos du fonctionnement du régime.
Je vais aborder aujourd'hui les thèmes que le Comité a choisi d'inclure dans son étude en février: premièrement, les conséquences des récentes réformes du programme d'assurance-emploi, y compris de brèves remarques sur les réformes les plus récentes prévues dans le budget; deuxièmement, l'examen de l'actuel faible taux d'accès à l'assurance-emploi; troisièmement, les conséquences des récentes réformes du processus d'appel en matière d'assurance-emploi.
Je parlerai aussi des engagements électoraux du gouvernement en ce qui concerne les finances de l'assurance-emploi et la responsabilité financière du régime.
Pour commencer, je veux attirer votre attention sur un document de la trousse qui traite des principes directeurs à suivre en matière d'assurance-emploi, intitulé Guiding Principles for Employment Insurance from Employers. Il se trouve en haut à droite dans la trousse. Ce document a été créé par des groupes d'employeurs au début de mon mandat à titre de commissaire et les principes qui y figurent continuent d'orienter mon travail. Par exemple, dans la préface, il est question de fixer des normes élevées en matière de prestation de services, ce qui m'a incitée à continuer d'exercer des pressions pour réclamer que des études sur les services offerts aux Canadiens et des rapports plus complets à cet égard soient inclus dans le chapitre 4 du Rapport de contrôle et d'évaluation de l'assurance-emploi, qui a récemment été présenté au Parlement par votre collègue, le secrétaire parlementaire Rodger Cuzner.
Je passe maintenant à l'initiative Jumeler les Canadiens et Canadiennes aux emplois disponibles, qui a été mise en place par le gouvernement précédent et qui définissait les responsabilités des chômeurs en matière de recherche d'emploi.
Cette initiative exigeait des prestataires d'assurance-emploi qu'ils entreprennent une recherche d'emploi active et qu'ils élargissent les paramètres de recherche au fil du temps, en fonction de la catégorie dont ils faisaient partie. Ces changements, détaillés et assez compliqués, étaient parfois déformés et souvent mal compris. En définitive, les changements prévus dans le cadre de cette initiative ont été considérés particulièrement punitifs pour les prestataires, qui étaient habitués à recourir régulièrement à l'assurance-emploi comme soutien de revenu, souvent entre les saisons de travail. Les employeurs des prestataires partageaient parfois ce point de vue. Toutefois, en dépit des craintes exprimées très ouvertement, bien peu de prestataires ont été exclus du régime en raison des changements prévus par cette initiative.
Je sais que certains chercheurs vous ont présenté des nombres très faibles à ce sujet.
Selon une étude récente de l'OCDE, il convient de souligner que, dans le monde, le Canada fait partie des pays où les mesures en la matière sont les moins rigoureuses. Généralement, les pays qui offrent un régime d'assurance-emploi généreux et facile d'accès ont également des mesures actives de retour au travail pour équilibrer les choses. Au Canada, selon ce qu'on me dit, et je sais que le Comité en a entendu parler, au moins un groupe d'employeurs dispose de statistiques sur les demandes de mises à pied formulées par des employés, dans une proportion d'environ un employé sur quatre ou sur cinq. Cette réalité présente sous un jour nouveau la responsabilité de veiller à ce que les prestataires d'assurance-emploi qui ont été mis à pied cherchent activement un emploi.
Dans le contexte de notre régime, qui dispose de la généreuse somme additionnelle de 2 milliards de dollars par année, et compte tenu de l'annulation des changements prévus par l'initiative Jumeler les Canadiens et Canadiennes aux emplois disponibles, il est important de veiller à ne pas envoyer un message ambigu aux chômeurs quant à la nécessité de chercher un emploi pendant qu'ils touchent des prestations. Le ministère doit continuer d'organiser des rencontres avec les nouveaux prestataires pour attirer leur attention sur leurs responsabilités au sein du régime ainsi que pour mener des entrevues d'admissibilité continue lorsque la situation le justifie.
Les employeurs n'arrivent toujours pas à comprendre pourquoi les prestataires ne sont pas tenus d'inscrire leurs paramètres de recherche dans le Guichet emplois, ce qui permettrait aux chercheurs d'emploi de recevoir par voie électronique des offres pouvant les intéresser. Du point de vue des employeurs, qui font actuellement face à une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée ainsi qu'à des difficultés croissantes en raison des tendances démographiques, il est incompréhensible que l'utilisation de service national d'emploi financé par les cotisants à l'assurance-emploi — à savoir le Guichet emplois — ne soit pas promue de cette façon.
Notre bulletin de mars 2016 traite des points de vue de l’employeur sur chacune des mesures annoncées en matière d’AE et autres mesures connexes, telles que la formation financée par le régime d’assurance-emploi et l’information sur le marché du travail. Certaines mesures pourraient causer aux employeurs des difficultés supplémentaires au niveau des salaires et de l’administration, notamment la réduction du délai de carence, qui entraîne le changement des prestations, et les marges de manoeuvre accordées entourant les prestations spéciales.
Pour en revenir aux principes directeurs, il faut noter que les prestations spéciales associées aux événements de la vie par rapport aux situations en milieu de travail — maternité, situation parentale, maladie, soins de compassion, maladie grave des enfants, etc.— représentent près d’un tiers, soit 31 % aujourd’hui, des coûts des avantages sociaux dans un système tripartite où les employeurs assument 7/12 des coûts, les employés 5/12 et le gouvernement aucun.
S’agissant d’un autre aspect de votre étude actuelle, soit l’examen des faibles taux d’admissibilité à l’assurance-emploi et leurs causes, j’aimerais attirer votre attention sur l’analyse pertinente dont fait état le rapport de contrôle et d’évaluation du régime (voir le diagramme à la page 44, au chapitre II du rapport). Pour la dernière année où nous avons des données disponibles, soit en 2014, le sondage de Statistique Canada fait ressortir le nombre de 1,26 million de chômeurs, dont 482 600 — soit 38 % — étaient admissibles aux prestations. Vous savez probablement que ce pourcentage a donné lieu à une critique sévère du régime, mais avant de sauter aux conclusions, il faut examiner la situation de plus près.
La différence entre le nombre total de chômeurs et celui de ceux qui sont admissibles aux prestations peut s’expliquer de diverses façons. Un groupe, qui est composé de ceux qui n’ont pas d’emploi assurable, à savoir les travailleurs autonomes et les membres de la famille non payés, représente environ 50 000 personnes. Un deuxième groupe comprend les personnes qui n’ont pas travaillé l’année précédente — et parmi eux beaucoup n’ont jamais travaillé. Un troisième groupe est composé de ceux qui n’ont pas de cessation d’emploi valide à faire valoir, autrement dit ceux qui ont volontairement démissionné. Un quatrième groupe est composé de ceux qui n’ont pas travaillé pendant un nombre suffisant d’heures pour être admissibles.
Bref, l’assurance-emploi a des critères d’admissibilité, comme n’importe quel autre programme d’assurance ou en fait, n’importe quel autre programme. Même l’aide sociale a des critères. Les gens qui n’ont pas travaillé pendant longtemps, ceux qui n’ont jamais travaillé, ceux qui n’ont pas travaillé assez longtemps ou qui ont quitté leur emploi volontairement ne répondent tout simplement pas aux critères d’admissibilité de l’assurance-emploi.
Le chiffre de 38 % pourrait laisser entendre que les gens qui n’ont jamais travaillé, qui n’ont pas travaillé au cours de l’année précédente, qui ont démissionné, etc. ont droit aux prestations au même titre que ceux qui ont travaillé assez longtemps et ont cotisé, mais ont perdu leur emploi sans que ce ne soit de leur faute. Les employeurs n’acceptent pas ce genre de raisonnement et je ne crois pas que les employés qui travaillent dur l’acceptent non plus.
Je ferai quelques brefs commentaires concernant les conséquences que les réformes de l’ancien gouvernement ont apportées aux appels. Aux termes de ces réformes, l’ancien système d’appel bien ancré et bien rodé avait été démantelé pour laisser place au Tribunal de la sécurité sociale, qui englobait les appels liés, non seulement à l’assurance-emploi, mais aussi à la Sécurité de la vieillesse et au Régime de pensions du Canada.
On pensait certainement que la réorganisation des systèmes d’appel serait plus efficace d’un point de vue des coûts et autres, un peu comme le regroupement, au sein d’une seule instance, des divers services offerts aux Canadiens ou des services d’approvisionnement des ministères. Il me semble qu’au lieu d’accepter aveuglément les soi-disant avantages de telles mesures, les gouvernements auraient intérêt à analyser soigneusement la situation avant et après les améliorations attendues.
En prenant connaissance du changement prévu aux termes du budget de 2012, les commissaires ont diligemment démantelé le vieux système d’appel de l’assurance-emploi pour assurer la transition la plus harmonieuse possible avec le nouveau Tribunal de la sécurité sociale. Ensuite, nous avons travaillé d’arrache-pied pour faire en sorte que les mesures rendues par ce tribunal concernant les appels au titre de l’assurance-emploi soient rapportées de façon aussi détaillée dans les rapports de contrôle et d’évaluation qu’ils l’étaient dans le cadre des tribunaux précédents.
Au plan financier, j’ai personnellement essayé de prouver que l’assurance-emploi n’assume que sa juste part des coûts d’appel, en tenant compte du fait que le Tribunal de la sécurité sociale avait été, à l’origine, doté d’effectifs pour traiter un nombre beaucoup plus élevé d’appels au titre de l’assurance-emploi qu’il n’y en a eu réellement. Cela s’explique par le fait que le nouveau réexamen obligatoire mis sur pied à Service Canada, selon lequel l’agent devait téléphoner au client pour lui expliquer en termes simples les raisons de la décision, a heureusement entraîné beaucoup moins d’appels que prévu au Tribunal de la sécurité sociale.
Ce qui m’amène au dernier point, le budget de l’assurance-emploi.
Selon les Comptes publics du Canada, en 2014-2015, les recettes totales de l’assurance-emploi s’élevaient à 23 milliards de dollars, par rapport à des dépenses de 19,7 milliards, pour un excédent de 3,3 milliards. Cet excédent dépassait celui des années précédentes, avec un compte des opérations d’un demi-milliard de dollars.
Le Comité sait peut-être que juste avant la récession, l’excédent cumulatif de 57 milliards de dollars du compte de l’assurance-emploi avait été ramené à zéro. Comme il s’agit d’un compte national qui comprend d’autres recettes générales du gouvernement, celui-ci avait été utilisé par les précédents gouvernements pour des priorités qui n’avaient rien à voir avec l’assurance-emploi. Comme il n’y avait plus de coussin lors de la dernière récession, le compte est devenu largement déficitaire, et employeurs et employés ont été mis à contribution pour le combler. On est finalement revenu à un excédent.
Voilà pourquoi l’engagement électoral qui avait été pris de réserver les fonds de l’assurance-emploi exclusivement aux prestations et programmes d’assurance-emploi est si important pour les employeurs. Ces derniers ne veulent absolument pas que se répète l’histoire des 57 milliards de dollars de leurs contributions et de celles de leurs employés utilisées à d’autres fins que l’assurance-emploi, sans jamais avoir été remboursés.
En conséquence et de façon bien compréhensible, je surveille de très près, en ma qualité de commissaire représentant les employeurs, non seulement le solde du compte, mais aussi les sommes retirées pour l’assurance-emploi, ce qui est complexe.
J’aurais finalement une observation à faire sur les crédits d’impôt qui nous concernent, je veux parler du crédit pour l’embauche de jeunes travailleurs et du crédit pour l’emploi visant les petites entreprises, que propose le gouvernement.
Pour 2016, le taux de cotisation à l'assurance-emploi de l’employé — selon la terminologie utilisée par les employés — est de 1,88 $. L’employeur paie 1,4 fois ce montant, soit 2,63 $ pour 100 $, jusqu’à concurrence du revenu maximum assurable. Le total pour un emploi donné est assez élevé, à plus de 4,5 %.
Le passage, en 2017, à un mécanisme assurant l’équilibre sur une période de sept ans avec un taux ajusté semble être une bonne nouvelle, puisqu’on prévoit une baisse du taux à 1,61 $, soit un taux inférieur au taux de 1,65 $ qui avait été promis dans la plateforme électorale. Mais étant donné le crédit pour l’emploi visant les petites entreprises, qui représente un allégement de 275 millions de dollars par an — selon le chiffre cité dans le budget de 2015 —, le taux effectif payé par 90 % des petites entreprises est de 2,24 $. À moins que quelque chose ne soit fait, la soi-disant réduction prévue se traduira par une augmentation de facto pour la petite entreprise.
À l’avenir, il sera donc très important pour le gouvernement d’orienter les incitatifs fiscaux, tels que les crédits d’impôt pour l’embauche — surtout des jeunes — et pour la formation vers le secteur des affaires, qui a un bon bilan dans les deux domaines.
Monsieur le président, je serai heureuse de répondre, si je le peux, aux questions du Comité.
:
J'ai naturellement tendance à parler rapidement. Je vais essayer de ralentir. Je ne dispose que de 10 minutes; je veux essayer d'en dire le plus possible.
Une étude du directeur parlementaire du budget a révélé que le taux d'accès à l'assurance-emploi était de 38 %. Cela a sonné l'alarme. Comme le disait ma prédécesseur, on déplorait cette réduction de l'accessibilité au régime depuis des années.
En fait, nous croyons qu'il faut apporter des améliorations substantielles au régime. Il faut non seulement abolir les récents changements, du moins une bonne partie d'entre eux, mais également procéder à des améliorations, surtout en matière d'accès au régime.
Ma présentation va comporter trois volets. Tout d'abord, il sera question de l'abrogation des récents changements. Ensuite, je vais vous parler des mesures à prendre pour améliorer l'accessibilité. Finalement, si j'ai le temps, j'aimerais parler de bonification du régime.
En ce qui a trait à la réforme de l'assurance-emploi, deux changements, principalement, ont eu de graves conséquences: il y a la nouvelle définition de ce qu'est un emploi convenable et il y a des changements concernant le mode de contestation des décisions de la Commission de l'assurance-emploi.
Pour ce qui est de l'emploi convenable, en effet, on a recensé peu de cas d'exclusion pour refus d'emploi convenable. Dans les faits, peu de gens se sont fait refuser des prestations pour ces raisons, mais nous croyons que les manifestations et les contestations qu'il y a eu au sujet de ces changements ont fait en sorte que les mesures d'exclusion n'ont pas été appliquées de façon aussi stricte. J'ai l'impression que, dans ce contexte, on a donné la directive d'appliquer ces dispositions du règlement de façon plus restreinte ou moins sévère.
Également, cette définition a pu entraîner une modification des comportements des chômeurs et chômeuses. En effet, le fait de déposer une demande de prestations peut devenir problématique. D'une part, on a vu qu'il y avait beaucoup de problèmes liés à la réforme. D'autre part, chaque demande est comptabilisée, ce qui fait en sorte qu'un chômeur peut passer d'une catégorie à une autre, avec le traitement que cela implique.
Nous demandons donc au gouvernement du Canada d'abroger cela et de restaurer, à l'article 27 de la Loi sur l'assurance-emploi, la définition qui était en vigueur avant 2012. La nouvelle définition, à notre avis, porte atteinte à des droits fondamentaux, dont le droit à la liberté de choisir son travail, le droit à une protection en cas de chômage et le droit à la sécurité sociale. Nous considérons que cette définition touche particulièrement certaines catégories de travailleurs. Pensons entre autres aux femmes, aux travailleurs précaires, aux immigrants, aux travailleurs saisonniers et aux jeunes.
C'est tout pour cet élément.
En ce qui a trait au mode de contestation des décisions de la Commission de l'assurance-emploi, nous demandons d'abolir le Tribunal de la sécurité sociale du Canada. En effet, non seulement il entraîne des retards démesurés, mais son mode de fonctionnement lui-même cause des dénis de justice. Nous avons été à même de constater des problèmes liés au Tribunal de la sécurité sociale du Canada en ce qui a trait au mode de contestation. Par conséquent, nous demandons le retrait de la révision administrative obligatoire. À l'époque, la révision administrative auprès de la Commission de l'assurance-emploi était facultative. On pouvait passer directement au conseil arbitral, alors que maintenant il faut absolument passer par la révision administrative. Cela allonge les retards, y compris pour ceux qui devront néanmoins passer à la division générale et à la division d'appel par la suite.
Par ailleurs, il n'y a pas de limite de temps pour rendre une décision. Les délais sont démesurés. Des gens ont parfois dû attendre un an avant d'être entendus. Par la suite, étant donné qu'il n'y a aucune échéance pour rendre la décision, il peut s'écouler des mois avant que la décision ne soit transmise au chômeur.
Le rejet sommaire est un problème majeur. En effet, les personnes ne sont pas nécessairement entendues. Il se peut donc que, à l'étude du dossier, leur demande et la permission d'en appeler à la division d'appel soient simplement rejetées. En fait, c'est l'appel de plein droit et en personne qui est perdu. Nous observons vraiment une marginalisation de l'audience en personne au profit d'une audience par visioconférence ou au téléphone, ce qui est problématique pour certains.
Nous avons constaté aussi que le nombre d'appels a chuté de 85 %. En fait, seuls 15 % des chômeurs dont le dossier fait l'objet d'une révision administrative et qui obtiennent un résultat négatif passent à l'étape suivante, soit le Tribunal de la sécurité sociale. Selon nous, cela défavorise les chômeurs et les décourage de faire valoir leur droit aux prestations. C'est donc problématique.
La réforme a aussi mené à la non-reconduction d'un projet pilote dans le cadre duquel cinq semaines étaient ajoutées dans certaines régions économiquement défavorisées. Nous demandons de revenir à ce projet pilote qui n'a pas été reconduit, et donc aux cinq semaines supplémentaires accordées aux régions économiquement défavorisées. Ici, je parle également de celles qui en bénéficiaient à l'époque, et non pas seulement des nouvelles qui ont été déterminées dans le budget.
Je ne sais pas si vous connaissez ce qu'on appelle le trou noir, soit la période entre la fin des prestations et le retour de la saison de travail. Cette période est caractérisée par une absence complète de revenu, dans certains cas.
Je vais traiter rapidement des autres recommandations.
Nous demandons un seuil d'admissibilité unique de 350 heures ou de 13 semaines. Il s'agit d'une mesure hybride qui faciliterait l'accessibilité au régime et qui tiendrait compte de la restructuration du marché du travail.
Selon nous, il faudrait abolir les exclusions de plus de six semaines. Nous nous opposons toujours à la mesure de 1993 faisant en sorte qu'un départ volontaire ou une inconduite entraîne une exclusion totale du régime. Nous voudrions qu'il s'agisse d'une exclusion maximale de six semaines dans tous les cas, ce qui permettrait de respecter le droit fondamental à une protection en cas de chômage. Une mesure punitive s'appliquerait malgré tout, mais de façon peut-être plus raisonnable, lorsque des comportements seraient jugés non conformes, par exemple le refus d'un emploi convenable, le départ volontaire ou l'inconduite. Nous croyons que la mesure des six semaines est assez dissuasive.
Nous demandons également que le taux de prestation soit augmenté à 70 % et qu'il soit calculé en fonction des 12 meilleures semaines. Cela peut paraître beaucoup, mais comme je l'ai mentionné plus tôt, une étude du directeur parlementaire du budget datée d'octobre 2014 démontre que, si on n'avait pas baissé le taux de cotisation, qu'on l'avait laissé tel quel, le régime aurait pu hausser le taux de prestations à 68 %. C'est donc dire que 70 % est un pourcentage assez réaliste. Comme la caisse génère des surplus, il serait possible, sans augmenter le fardeau des employeurs, du moins à court terme, de hausser le taux de prestations.
À notre avis, un minimum de 35 semaines de prestations est également souhaitable. Cela constitue, selon nous, une durée tout de même raisonnable qui permet de faire face aux multiples défis posés par la recherche d'emploi. Ceux-ci varient d'une personne à l'autre, selon de multiples facteurs. Je pense qu'on peut prendre cela en compte. Parallèlement, nous ne considérons pas que le taux de chômage régional est une mesure adéquate pour déterminer, entre autres, le nombre de semaines de prestations ou l'accès à des prestations.
Merci.