HUMA Réunion de comité
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Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 29 novembre 2016
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour à tous.
Nous irons de l'avant assez rapidement. Nous entendrons beaucoup de témoins aujourd'hui et, malheureusement, nous devrons écourter l'audience pour discuter des travaux du Comité et participer aux votes.
J'aimerais donc dès maintenant entrer dans le vif du sujet. En vertu de l'article 108(2) du Règlement et de la motion adoptée par le Comité le lundi 13 juin 2016, nous reprendrons l'étude des stratégies de réduction de la pauvreté. J'aimerais accueillir les nombreuses personnes ici présentes aujourd'hui, y compris celles à qui nous parlerons par téléphone ou par vidéoconférence.
Dans un premier temps, souhaitons la bienvenue à Mme Laura Cattari, de la Hamilton Roundtable for Poverty Reduction. Nous avons M. Alexandre Laurin, directeur de la recherche de l'Institut C.D. Howe, que nous entendrons par vidéoconférence. Nous avons également ici aujourd'hui M. Randy Lewis, ancien... En fait, il n'est pas encore ici. Nous présenterons M. Lewis à son arrivée.
Nous avons également au téléphone aujourd'hui M. George Neepin, directeur général du Conseil tribal de Keewatin. Puis nous avons Mme Valérie Roy, directrice générale du Regroupement québécois des organismes pour le développement de l'employabilité, et M. Kory Wood, président de Kikinaw Energy Services.
Je vous souhaite la bienvenue à tous. Essayons de nous en tenir à des déclarations de sept minutes maximum, s'il-vous-plaît.
Pour commencer, de la Hamilton Roundtable for Poverty Reduction, Laura Cattari. Soyez la bienvenue.
Bonjour monsieur le président, vice-présidents et membres du Comité.
Je m'appelle Laura Cattari et je vais aujourd'hui vous parler au nom de la Hamilton Roundtable for Poverty Reduction. En mai 2005, notre organisation a été convoquée conjointement par la Hamilton Community Foundation et la ville de Hamilton. Cette initiative a été lancée dans un souci de solidarité pour les 20 % de personnes touchées par la pauvreté, un taux qui a des répercussions sur la santé communautaire, le développement économique et social et le bien-être de milliers de résidents.
Depuis, nous avons communiqué avec divers intervenants, tenu de nombreuses consultations, examiné les conclusions tirées de ces rencontres locales sur les problèmes de pauvreté et étudié les exemples de pratiques exemplaires. La Table ronde de Hamilton est devenue un organisme qui aide à promouvoir l'action et le changement communautaire. Nous constatons que la pauvreté est complexe, et qu'il est impossible de s'en tenir à une seule approche panacée contre tous les problèmes de la pauvreté. Par ailleurs, les problèmes liés à la préparation à l'emploi constituent une importante barrière à l'obtention d'un emploi intéressant.
La stabilisation des personnes ne peut être réalisée par des dons, mais par des investissements dans les soins essentiels. Depuis la perte d'emploi à la violence familiale, la pauvreté est souvent le reflet d'une crise dans la vie d'une personne. La lutte contre la pauvreté passe par les problèmes liés aux revenus et aux dépenses dans bien des aspects de la vie quotidienne. Compte tenu de ces facteurs, les recommandations suivantes concernent la sécurité du revenu, les salaires, l'éducation financière, l'emploi, les services de garde, les soins de santé et le logement abordable.
Dans les moments difficiles, nous croyons que le soutien offert aux gens ne devrait pas être une source de traumatisme en soi, mais les contrats à temps partiel et à court terme font en sorte que seulement un travailleur sur cinq est admissible à l'assurance-emploi à Hamilton. Si les personnes qui travaillent au salaire minimum, qui ont des contrats à court terme, qui occupent de nombreux postes à temps partiel ou qui travaillent à des heures irrégulières pouvaient avoir accès à l'assurance-emploi, elles seraient moins stressées et ne seraient pas tenues de se chercher un nouveau logement lorsqu'elles sont au chômage. Par ailleurs, le manque de logement abordable entraîne des conditions de vie si précaire que les gens risquent de perdre leur emploi à la suite d'une série d'incidents malheureux.
Malgré les programmes d'aide du gouvernement fédéral, la pauvreté chez les aînés ne cesse d'augmenter. Actuellement, sur les 75 000 aînés établis à Hamilton, 11 000 vivent dans la pauvreté. Évidemment, ils cherchent des emplois à temps partiel. L'indexation des prestations de retraite, d'invalidité et du survivant par le Régime de pensions du Canada, ou RPC, ne permettent pas de répondre aux besoins en nourriture, en logement et aux besoins de base.
Actuellement, les prestations d'invalidité du RPC sont si peu élevées que les bénéficiaires sont admissibles au Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées, dont les prestations sont bien en deçà du seuil de la pauvreté. Nous encourageons les personnes handicapées à se trouver un emploi qui leur convient, mais nous devons veiller à ce qu'elles le fassent dans des circonstances optimales pour éviter qu'elles ne portent davantage préjudice à leur santé.
Nous demandons une bonification immédiate de toute forme de RPC afin d'éviter de pénaliser les travailleurs à faible revenu. Les membres de notre table ronde croient également que le gouvernement fédéral a un rôle crucial à jouer et doit faire preuve de leadership dans la lutte contre le travail faiblement rémunéré. Il pourrait commencer par augmenter le salaire minimum à 15 $ l'heure, mais il pourrait faire davantage.
Le gouvernement fédéral peut mettre à profit ses politiques d'approvisionnement en incitant les entrepreneurs offrant de faibles salaires à fixer la barre un peu plus haute. Plutôt que d'attribuer des contrats au plus bas soumissionnaire, pourquoi ne pas rechercher l'employeur qui verse le meilleur salaire à ses employés ou l'entrepreneur qui aide à créer une société plus saine?
Quant à l'éducation financière, j'aimerais vous faire part du commentaire d'un travailleur social du bureau de conseiller en crédit du Catholic Family Services de Hamilton. Il m'a dit que « Le problème de la dette n'est pas lié à la planification budgétaire, mais au manque à gagner. Les gens sont économes, mais dès qu'une situation d'urgence surgit, l'endettement vient avec. »
Les discussions des membres de la Table ronde ont plutôt porté sur les prêts sur salaire. Lorsqu'il y a urgence, bien des personnes qui ne savent pas vers qui se tourner recherchent une aide à court terme auprès de l'une des 1 500 sociétés de prêt sur salaire établies un peu partout au Canada. Le besoin financier est souvent à court terme, mais les conséquences de ces emprunts peuvent durer longtemps.
Au cours des 20 dernières années, l'industrie du prêt sur salaire a exploité à outrance le désespoir des gens vivant dans la pauvreté, et plus particulièrement les travailleurs pauvres. Voyez un peu: des frais de 21 $ sur un emprunt de 100 $ peuvent sembler raisonnables, mais ces prêts sont consentis sur une très courte période. Ils sont généralement d'une durée d'au plus deux semaines.
Sur une base annuelle, les taux d'intérêt que les prêteurs demandent approchent les 550 p. 100. De nombreux clients contractent des emprunts de plusieurs centaines, voire de milliers de dollars auprès des prêteurs sur salaire, avant de réaliser ce qui les attend. Nous exhortons le gouvernement fédéral de se pencher à nouveau sur les questions visant la protection du consommateur et de réglementer l'industrie des prêts sur salaire en réintroduisant un taux d'intérêt criminel maximal de 60 %.
Vous voulez intégrer plus de femmes sur le marché du travail? Il faut donc prévoir des dépenses pour la garde des enfants. Seulement 20 % des enfants de zéro à cinq ans ont accès à des services de garde réglementés. À Hamilton, les quartiers hautement prioritaires n'ont même pas de garderies. D'après une recherche entreprise par l'ancienne présidente du conseil scolaire du district de Hamilton-Wentworth dans un quartier situé au nord de Hamilton, 1 755 enfants sont âgés de moins de 12 ans. Et bien, aucun service de garde réglementé n'était disponible dans ce quartier. Des programmes universels de services de garde, avec une attention particulière portée sur l'ouverture de centres dans les secteurs hautement prioritaires, revitaliseraient les quartiers.
Enfin, nous ne pouvons pas ignorer le fait que les travailleurs à faible revenu perdent invariablement leurs emplois à cause de la maladie et que 62 % des travailleurs faiblement rémunérés, à temps partiel ou à contrat n'ont pas accès à des régimes d'assurance privés. Les membres d'un ménage sur quatre ne prennent pas de médicaments d'ordonnance parce qu'ils n'en ont pas les moyens. Un régime universel d'assurance médicaments réduirait le coût des médicaments d'ordonnance et profiterait aux travailleurs qui ont peu accès à des régimes d'assurance privés. Ainsi, ils n'auraient pas à choisir entre le paiement des aliments, de l'hébergement ou des médicaments.
Je vous remercie.
Merci beaucoup.
Nous entendrons maintenant un témoin de l'Institut C.D. Howe. M. Laurin vient de Toronto, en Ontario.
Vous disposez de sept minutes, la parole est à vous.
Merci monsieur le président et membres du Comité. C'est avec plaisir que je participe à ces consultations ce matin.
On m'a invité à parler des répercussions du régime fiscal et de transferts sur les décisions en ce qui a trait au travail chez les familles à faible revenu. Je vais vous présenter un ouvrage que j'ai publié plus tôt cette année intitulé « The High Cost of Getting Ahead: How Effective Tax Rates Affect Work Decisions by Lower-Income Families ». Étant donné ma comparution à très court préavis devant ce Comité, je n'ai pas eu le temps de le faire traduire, mais vous pouvez le consulter sur le site Web de C.D. Howe. En gros, je ne vous parlerai aujourd'hui que de quelques points de ce document.
Premièrement, les programmes de prestations indexées sur le revenu fournissent une aide précieuse aux familles. En revanche, ces mesures peuvent nuire au taux d'imposition réel des soutiens secondaires dans les familles à deux revenus, surtout dans les familles à faible revenu, qui sont alors assujetties à un taux d'imposition plus élevé, ce qui réduit les gains obtenus du travail. Les décideurs doivent être conscients de cet effet lorsqu'ils envisagent de bonifier un système d'aide financière.
Commençons par examiner une année à la fois. Les Canadiens produisent une déclaration de revenus et calculent le montant d'impôt qu'ils doivent aux gouvernements fédéral et provinciaux. Toutefois, la déclaration de revenus sert également à un autre objectif. Elle a pour but de déterminer l'admissibilité des familles à des programmes de prestation comme la l'Allocation canadienne pour enfants, le crédit d'impôt pour la TPS, les programmes provinciaux comme les prestations Trillium de l'Ontario, le programme de solidarité sociale du Québec, et bien d'autres. Il s'agit de paiements versés par les gouvernements aux contribuables.
Afin de déterminer toutes les répercussions du régime fiscal sur le salaire net des ménages, nous devons tenir compte de l'effet combiné du droit aux prestations et de l'impôt. Il n'est pas inhabituel pour les familles au bas de l'échelle des revenus de recevoir davantage en prestations fiscales que ce qu'elles paient en impôt sur le revenu personnel. À mesure que les revenus des familles augmentent, les avantages fiscaux diminuent proportionnellement, et ils se superposent les uns sur les autres, car ces programmes sont nombreux.
La réduction des prestations agit comme une taxe cachée. À la manière d'une taxe ordinaire, elle réduit les gains tirés du travail. Entre la charge fiscale et la perte d'avantages fiscaux, nous pouvons évaluer ce que nous appelons le taux d'imposition réel, et c'est ce que j'ai fait dans le cadre de ma recherche.
J'ai calculé deux différents types de taux. Le premier est une contre-incitation fiscale des travailleurs à gagner un peu plus qu'on appelle taux effectif marginal d'imposition. C'est un taux d'imposition sur chaque dollar de plus gagné. La contre-incitation à participer au marché du travail est mesurée par ce que nous appelons le taux de participation à l'impôt. En principe, il importe que le taux marginal soit élevé, car il affecte les mesures d'incitation aux familles à travailler davantage, par exemple, en faisant du temps supplémentaire ou en exerçant un deuxième emploi. Il importe également que le taux de participation soit élevé, car il a des répercussions sur les mesures d'incitation à chercher du travail tout bonnement.
Rapidement, prenons l'exemple d'une famille biparentale avec deux enfants. La mère se demande si elle devrait aller chercher un revenu supplémentaire. L'un des facteurs dont elle doit tenir compte dans sa décision est le montant qu'elle parviendra à garder après avoir déduit l'impôt sur le revenu et les pertes en avantages fiscaux pour sa famille. Si son revenu familial en 2015 était de 36 000 $ à 42 000 $ et qu'elle habitait en Ontario, elle aurait perdu plus de 70 ¢ sur chaque dollar supplémentaire. Ainsi, le taux effectif marginal d'imposition ou TEMI aurait été de 70 %. Les TEMI pour les familles de travailleurs dépassent généralement 50 ou 60 % lorsque les revenus se situent entre 25 000 $ et 45 000 $. Nous parlons d'un revenu familial. Si l'on examine toutes les familles avec des enfants au Canada, environ une personne sur douze — pour certaines personnes, c'est beaucoup, pour d'autres ce n'est pas tant que ça — a un TEMI qui dépasse 50 %.
Prenons un autre exemple. Cette fois-ci, disons que la mère est actuellement sans emploi, mais elle songe à se trouver un travail qui lui permettra de gagner un peu moins de 30 000 $ par année, soit le salaire moyen d'un soutien secondaire.
Combien de revenus de son travail une famille peut-elle dépenser après avoir tenu compte de l'impôt additionnel qu'elle a versé et de la diminution des avantages fiscaux? Ces sommes ou ce que nous appelons notre taux de participation à l'impôt dépendent du revenu du conjoint. Si le conjoint gagne un revenu relativement faible, soit environ 25 000 $ par année, son taux de participation sera de 50 % ou plus dans 7 provinces canadiennes sur 10.
En 2015, environ un conjoint au foyer sur cinq avait un taux de participation supérieur à 45 %.
Dans les exemples que je vous ai donnés, je tiens compte du taux effectif d'imposition pour les soutiens secondaires et les familles avec enfants, parce que d'après les études empiriques du comportement des travailleurs salariés, les soutiens secondaires des familles et les travailleurs peu qualifiés sont très sensibles aux salaires et aux taux d'imposition. Cela signifie que les TEMI élevés ou les taux de participation d'un conjoint assurant la garde des enfants aura vraisemblablement une répercussion sur les mesures d'incitation à travailler plus longtemps, à chercher du travail à temps partiel ou à réintégrer le marché du travail, ce qui donne lieu à moins d'heures de travail rémunéré par rapport à ce que les gens auraient autrement pu choisir.
Ainsi, en examinant les nouveaux programmes ciblés de soutien au revenu, les décideurs aux niveaux fédéral et provincial devraient porter une attention particulière à l’effet dissuasif qui découle des taux effectifs d'imposition élevés. Ils devraient veiller à ce que tout nouveau programme d'aide financière ne contribue pas à augmenter les taux d'imposition déjà élevés en ajoutant d'autres taux qui ont pour effet d'éliminer les avantages à mesure que le revenu des personnes à faible revenu augmente.
Voilà le message que je veux transmettre: portez simplement attention à ce problème.
Je vous remercie de votre attention et je suis prêt à répondre à vos questions.
Merci beaucoup, monsieur Laurin.
Nous allons maintenant entendre M. George Neepin, directeur exécutif du Conseil tribal de Keewatin.
Vous avez sept minutes, monsieur Neepin.
Bonjour à tous.
Premièrement, j'aimerais également m'excuser de ne pas avoir présenté mes commentaires plus tôt. On m'a demandé de donner un aperçu de notre système d'éducation dans le nord du Manitoba, plus particulièrement en ce qui touche les jeunes qui doivent quitter nos collectivités pour fréquenter l'école. Je pense qu'il s'agirait de ma préoccupation principale pour les 11 collectivités.
Notre conseil tribal est situé dans le nord du Manitoba et comporte 11 Premières Nations membres. Neuf de nos collectivités ne sont accessibles que par avion, et les coûts élevés de transport pour y avoir accès et en sortir limitent les déplacements de bien de nos membres, ce qui rend plus difficile l'accès aux divers services, y compris l'éducation. Nos collectivités font affaire avec le centre urbain le plus près, soit Thompson, au Manitoba, pour de nombreux services comme l'épicerie, l'hôpital et les soins médicaux. Ces services coûtent très cher, mais sont absolument nécessaires dans bon nombre de nos communautés.
J'aimerais porter mon attention sur les jeunes. Nous avons cruellement besoin d'écoles secondaires dans les 11 collectivités autochtones que nous représentons. Dans cinq d'entre elles, les enfants qui fréquentent l'école secondaire doivent partir en pension. Quant au contingent de l'année scolaire 2016-2017, les services aux élèves du Conseil tribal de Keewatin comptaient 95 élèves inscrits au secondaire. Nous devons composer avec des élèves qui sont rentrés chez eux parce qu'ils n'allaient pas en classe ou pour d'autres problèmes personnels.
Le Conseil tribal de Keewatin administre ce que nous appelons le programme de placement dans les maisons privées de jeunes provenant de quatre Premières Nations, soit: Barren Lands, God's Lake Narrows, War Lake et York Factory. Le financement de notre programme de placement dans les maisons privées est limité et n'a pas été bonifié depuis 20 ans. L'argent versé dans ce programme est très limité.
Nous avons de nombreuses demandes des écoles secondaires à chaque année financière et notre conseil tribal a dû faire pression pour obtenir plus de financement pour le placement d'élèves en maison privée. Si l'on avait le temps de comparer les fonds versés au système d'éducation pour les élèves du secondaire à ceux des écoles administrées par les provinces, nous constaterions une énorme différence. Le financement du programme scolaire provincial est bonifié chaque année et il semble que des soins et des services de soutien sont offerts à nos élèves. Lorsque les responsables envoient la facture au ministère des Affaires indiennes, chaque dollar déboursé est remboursé, mais lorsque notre financement vient du ministère, nous obtenons 0,70 $ pour chaque dollar que le gouvernement provincial a donné. Cette situation a un impact considérable sur notre capacité à fournir les services appropriés à nos élèves.
Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas le programme de placement en résidence privée, ce programme s'adresse aux élèves de nos collectivités qui doivent se trouver un lieu de résidence pour l'année scolaire. Comme le fonds n'a pas été augmenté depuis plus de 20 ans, nous essayons de recruter des parents qui offriront ces services à des tarifs d'il y a 25 ans. Les propriétaires de ces maisons privés offrent non seulement un toit, mais aussi de la nourriture. C'est un peu comme si la maison qu'ils ont quittée était remplacée.
Comme je l'ai déjà mentionné, les droits de scolarité ne cessent de grimper, alors que les fonds alloués à ces programmes n'ont jamais été augmentés. Ainsi, les services qui pourraient être offerts à ces élèves pendant leur séjour à l'extérieur sont restreints.
Dans l'ensemble, le montant de l'aide financière est inadéquat. Comme je l'ai mentionné, le financement de nos écoles de bande ne se compare même pas au financement que reçoivent les écoles financées par les provinces.
Comme je l'ai fait remarquer, les montants versés au Conseil tribal de Keewatin pour l'hébergement des élèves doivent être bonifiés afin qu'un plus grand nombre de maisons d'accueil ouvre ses portes à nos élèves qui, bon an mal an, peinent à en trouver. Par conséquent, le taux de rétention dans les maisons privées demeure faible, et c'est pourquoi nous avons si peu d'histoires de réussite. Je pense que si nous pouvions trouver des maisons adéquates pour ces enfants et leur offrir le confort ou à tout le moins quelque chose de comparable à ce qu'ils auraient chez eux, nous aurions davantage d'histoires de réussite.
Les services aux élèves du Conseil tribal de Keewatin continuent d'administrer le programme postsecondaire financé par Affaires autochtones et du Nord Canada (AANC) pour 6 de nos 11 Premières Nations. Donc, six Premières Nations bénéficient du programme postsecondaire, mais d'autres doivent pouvoir également en profiter. Le nombre d'étudiants ne cesse d'augmenter, car ils sont de plus en plus nombreux à vouloir poursuivre une profession de leur choix et de leur rêve. C'est bien de voir que plus de jeunes veulent poursuivre leurs études, mais les niveaux de financement n'ont pas été majorés depuis de nombreuses années maintenant, et nous n'avons pas été en mesure de répondre aux nombreuses demandes de nos collectivités.
Le niveau de financement postsecondaire doit être augmenté considérablement afin que nous puissions diminuer le nombre d'étudiants sur la liste d'attente. Les frais de scolarité ne cessent d'augmenter et cette année les institutions d'enseignement de Winnipeg obligent l'inclusion de laissez-passer d'autobus dans les frais de scolarité.
Actuellement, le Conseil tribal de Keewatin, notre conseil tribal, compte 90 étudiants au niveau postsecondaire dans la province et à l'extérieur. Nous en sommes très heureux, mais nous n'avons pas la capacité de leur offrir des services et le soutien dont ils ont besoin lorsqu'ils vivent en dehors de leur collectivité.
C'est à peu près tout ce que je voulais dire au sujet des étudiants. L'éducation est importante pour nos jeunes et nous devons faire tout notre possible pour les soutenir pendant leur séjour à l'extérieur. Le niveau de soutien qu'on leur fournit peut influencer considérablement leur taux de réussite à l'école. Certains élèves quittent ou doivent quitter le système d'éducation pour diverses raisons.
Comme je l'ai dit, nous faisons tout notre possible pour faire savoir aux gens que le problème ne réside pas dans le fait que les enfants ou les jeunes gens ne veulent pas aller à l'école, mais dans notre capacité à leur donner la possibilité de réussir à l'école. Je vous remercie beaucoup.
Merci beaucoup, monsieur Neepin.
Nous accueillons maintenant M. Randy Lewis qui vient de se joindre à nous. M. Lewis est l'ancien premier vice-président de Walgreens.
Bienvenue monsieur Lewis. Vous avez les sept prochaines minutes.
Merci. Comme vous l'avez mentionné, je suis un ancien premier vice-président de Walgreens. À ce titre, une partie de mes responsabilités consistaient à assurer la chaîne logistique et d'approvisionnement de 20 centres de distribution de nos 8 000 magasins partout aux États-Unis et à Puerto Rico.
En 2003, nous avons commencé à planifier une nouvelle génération de centres de distribution et nous avions deux objectifs: le premier était de devenir l'un des centres les plus efficaces au monde et le deuxième était d'avoir une main-d'oeuvre inclusive, dont le tiers serait composé de personnes handicapées.
Nous voulions instaurer un modèle viable où les personnes handicapées et les personnes sans handicap feraient le même travail, travailleraient côte à côte, recevraient le même salaire et seraient tenues aux mêmes obligations. Nous savions que nous devions instaurer une philosophie de base avec des objectifs cohérents, mais des moyens souples. Par exemple, d'emblée, nous savions que la méthode traditionnelle qui consiste à faire remplir un formulaire de demande pour trouver des candidats qualifiés ne suffirait pas. Donc, nous avons en quelque sorte introduit un processus d'embauche particulier, un court-circuit à l'embauche, pour embaucher les candidats en mesure de démontrer leurs compétences, de manière à éviter certaines des embûches souvent rencontrées dans un processus d'embauche: la correspondance exacte avec notre description d'emploi, l'historique d'emploi continu et l'entrevue pour sélectionner les candidats qui répondent le mieux aux exigences du poste. Nous avons fait appel à des agences de l'extérieur pour nous aider à trouver cette main-d'oeuvre, la former, la préparer et l'aider à faire la transition.
Dans le premier centre, qui a ouvert ses portes en 2007 en Caroline du Sud, 40 % de l’effectif est handicapé. Le deuxième édifice a ouvert trois années plus tard, au Connecticut. Presque 50 % des gens qui y travaillent sont handicapés. Il s'agit des centres les plus efficients de l'histoire de notre entreprise vieille de 100 ans.
Il ne fait aucun doute que nous avons changé des vies. Par exemple, lorsque j'ai été au Connecticut, j'ai rencontré un jeune homme aux prises avec plusieurs crises épileptiques par jour qui m'a dit qu'il avait cherché un emploi pendant 17 ans et qu'il n'avait pas réussi jusque-là. J'ai également rencontré un incroyable gestionnaire en ressources humaines qui souffre de paralysie cérébrale, qui n'a obtenu que des A à l'université et qui a été convoqué à une trentaine d'entrevues en personne, sans obtenir une seule offre d'emploi. Enfin, il y a cet homme d'une cinquantaine d'années aux prises avec une déficience intellectuelle, qui a apporté son premier chèque de paye à la maison et qui a demandé le lendemain à son superviseur: « Pourquoi ma mère a-t-elle pleuré? » On entend une quantité d'histoires du genre. Nous sommes chanceux d'avoir ce personnel, mais si nous nous en étions tenus à notre manière traditionnelle de penser et de procéder, nous n'en aurions pas engagé un seul.
L'impact sur tout notre milieu de travail est incroyable. Nous avons dû apprendre à traiter chaque personne en tant que personne et non en tant que pièce interchangeable. Nous prétendons agir ainsi bien souvent, mais en pratique, nous tombons à court. Nous avons appris que les handicaps sont très relatifs, que nous avons tous subi certaines fêlures profondes et que nous sommes tous semblables, tout en étant différents. En fin de compte, il ne s'agit pas d' « eux », mais bien de « nous ».
Plus important encore, nous avons appris que la satisfaction que nous procure notre propre succès n'a rien de comparable à la joie que nous ressentons lorsque nous contribuons au succès d'une autre personne. Comme me disait un gestionnaire, ici, les gens pensent aux autres avant de penser à eux. C'est un véritable tour de force que de faire en sorte que les gens dans un milieu de travail aient tous des objectifs communs et s'entraident dans l'atteinte de la réussite de chacun.
L'idée s'est répandue. Elle s'est répandue dans les 20 centres et, en quatre ans, nous avons embauché 1 000 personnes handicapées. Nous avons donc ouvert tous ces centres au public afin qu'on puisse constater de visu les résultats d'une approche inclusive de la main-d'oeuvre. Je vous invite également à venir le constater. Des centaines d'entreprises sont venues et nombre d'entre elles ont lancé leurs propres initiatives, comme UPS, Procter & Gamble, Lowe's, Toys“R”us, Marks and Spencer au Royaume-Uni et ainsi de suite.
Lorsque j'ai demandé à ces dirigeants pourquoi ils ont lancé leur propre initiative, il est rare qu'une analyse coût-avantage étaye leurs motifs. Leur version de l'histoire est qu'ils délaissaient un groupe de personnes qui peuvent et qui veulent faire le travail.
Nous avons besoin d'un plus grand nombre de dirigeants et d'entreprises qui montrent la voie à suivre, qui aident à surmonter la crainte de coûts plus élevés, des efforts supplémentaires éventuels, de la baisse de la compétitivité ou de la crainte de faire des erreurs et d'être punis. Nous avons besoin d'aide supplémentaire en tant qu'employeurs, afin de trouver cet effectif et de le soutenir dans sa transition vers le marché du travail.
Il est temps de mettre cette idée à exécution et nous devons faire cette offre aux employeurs, ainsi que l'a fait Don Corleone dans Le Parrain: une offre qu'ils ne peuvent refuser. Nous devons pouvoir dire aux employeurs que s'ils considèrent ne pas avoir accès à un groupe donné avec leurs méthodes actuelles, alors que ce groupe peut et veut faire le travail, et qu'il améliorerait sans doute le milieu de travail, il faudrait qu'ils sachent que nous arriverons à comprendre le travail, à sélectionner l'effectif qui nous semble avoir les compétences nécessaires pour l'exécuter et à soutenir cet effectif tout au long de son parcours.
Je le répète, il est temps de mettre cette idée à exécution et pour les personnes ayant participé à cette initiative, la tâche a été des plus enrichissante.
Merci.
Merci beaucoup monsieur.
Nous avons comme prochain témoin Valérie Roy, directrice générale du Regroupement québécois des organismes pour le développement de l'employabilité.
Vous avez sept minutes, s'il-vous-plaît.
[Français]
Monsieur le président, distingués membres du Comité, je m'appelle Valérie Roy et je suis directrice générale du Regroupement québécois des organismes pour le développement de l'employabilité, le RQuODE. Je tiens d'abord à vous remercier de nous permettre de présenter aujourd'hui les constats et les recommandations de notre regroupement.
Le RQuODE est le plus grand réseau en employabilité au Québec. Ses 89 organismes membres, répartis sur l'ensemble du Québec, se spécialisent en développement de la main-d'oeuvre. Nos membres offrent des services d'emploi à plus de 80 000 personnes chaque année. L'impact sur les communautés est donc substantiel et les programmes que nous mettons en oeuvre ont des retombées significatives sur plusieurs types de clientèle.
Votre étude sur les stratégies de réduction de la pauvreté, qui est reliée à l'éducation, la formation et l'emploi, nous donne l'occasion de mettre en lumière les nombreuses retombées sociales et économiques des programmes d'aide à l'emploi et du développement de carrière, de façon générale. Nous émettons aujourd'hui trois recommandations axées sur la réduction des inégalités, les services offerts aux groupes vulnérables et l'inclusion sociale.
Notre première recommandation concerne la réduction des inégalités économiques. Devant un marché du travail de plus en plus compétitif et mobile, de multiples obstacles se dressent pour les individus en situation de pauvreté et d'exclusion sociale qui souhaitent avoir accès à un emploi et ainsi contribuer au développement économique du Canada. Pourtant, devant la rareté de main-d'oeuvre que connaissent plusieurs secteurs d'activité, l'inclusion socioprofessionnelle des clientèles qui éprouvent des difficultés sur le plan de l'emploi demeure un enjeu fondamental tant pour la société canadienne et les employeurs que pour les individus.
Il a été clairement démontré que les divers programmes d'aide à l'emploi sont grandement profitables à court et à long terme. Selon les données québécoises, toutes les mesures destinées à la clientèle de l'assistance-emploi sont financièrement rentables sur un horizon d'au plus 30 mois. Elles engendrent d'ailleurs, pour l'ensemble de la société, des retombées économiques équivalentes au double des sommes investies sur un horizon de cinq ans. La société peut également se réjouir du fait qu'un plus grand nombre d'individus passent de l'état de prestataire à celui de contribuable.
Mais qu'en est-il des retombées sur les individus?
Une autre étude québécoise conclut que la participation aux mesures actives d’emploi « se traduit, globalement, par une augmentation sensible des revenus d’emploi des prestataires de l’assistance-emploi [...] ». Selon une recherche réalisée par l’Université de Sherbrooke, la mise en mouvement vers l’emploi accentue également le sentiment d’efficacité personnelle et l’estime de soi, tout en favorisant de saines habitudes de vie. La participation à des mesures d’emploi peut également avoir des retombées significatives sur la communauté locale, par exemple en générant un mouvement d’entraînement et en encourageant le développement du pouvoir d'agir. Si le travail donne à l’individu un statut professionnel et lui permet de développer ses habiletés et ses aptitudes, il constitue également le meilleur moyen de se sortir de la pauvreté, à condition que les modalités d’emploi soient favorables.
Ces impacts sont substantiels et démontrent la pertinence de positionner l'employabilité comme une stratégie incontournable pour la réduction de la pauvreté et des inégalités économiques. Nous recommandons, par conséquent, de reconnaître la contribution économique significative des services d'aide à l'emploi et de développement de carrière offerts par des ressources spécialisées partout au Canada. L’élaboration d’un cadre de référence en développement de carrière par l'entremise du Forum des ministres du marché du travail permettrait de favoriser cette reconnaissance et de replacer cet enjeu important au coeur des priorités politiques de tous les ordres gouvernementaux.
Pour la seconde recommandation, j’aimerais vous parler plus particulièrement des services d’aide à l’emploi offerts aux clientèles sous-représentées sur le marché du travail. Comme vous le savez probablement, les communautés autochtones figurent parmi les plus pauvres au Canada. Ce phénomène est notamment lié à leur faible niveau éducationnel, à l’écart salarial par rapport à leurs pairs non autochtones et au coût de la vie exorbitant dans les régions éloignées.
Malgré ces difficultés, la jeune population autochtone est appelée à occuper une part grandissante des emplois disponibles au cours des prochaines années. Depuis 2013, le RQuODE coordonne la prestation de services d’employabilité et de préemployabilité adaptés pour les Inuits au sein de deux centres d’aide à l’emploi basés à Montréal et à Inukjuak, au Nunavik. Les deux centres Ivirtivik contribuent à la réduction de la pauvreté et de ses effets multiplicateurs sur le développement socioéconomique des familles et des communautés nordiques par l’insertion professionnelle des Inuits en favorisant entre autres la persévérance scolaire des jeunes générations, l’autonomie financière et l’acquisition de saines habitudes de vie.
Si le gouvernement canadien souhaite réduire la pauvreté dans les communautés autochtones, il est primordial de favoriser leur participation juste et durable au marché du travail tout en respectant leurs besoins et leur réalité. À cet effet, le modèle d’intervention développé par les centres Ivirtivik, appuyé par la recherche-action menée par notre regroupement, constitue une approche novatrice.
Les statistiques démontrent également que les personnes qui ont des compétences plus faibles ou une scolarisation moins avancée affichent des taux plus élevés de faible revenu. Malgré tout, au cours des dernières années, de nombreux programmes d’emploi fédéraux destinés aux personnes en situation de vulnérabilité ont subi d’importantes coupes budgétaires ou des retards dans le traitement des demandes. Nos organismes nous ont entre autres signalé de très longs délais d’attente pour l’acceptation des demandes de financement pour Connexion compétences. Ce programme a pourtant fait ses preuves pour la mise en mouvement des jeunes éloignés du marché du travail. Le financement adéquat de ces programmes et mesures est primordial pour éviter les coupes de services et favoriser la sortie de la pauvreté de ces clientèles par l’intégration et le maintien en emploi.
Nous recommandons donc d’assurer l’accès à des services d’employabilité et de développement de carrière à tous les individus en situation de vulnérabilité par l'entremise d’un financement accru et d’ententes de transfert plus flexibles avec les provinces et territoires.
Pour la dernière et troisième recommandation, je souhaite vous entretenir de l’emploi comme vecteur d’intégration sociale, en mettant cette fois l’accent sur l’offre, et non la demande.
Si l'emploi était jadis le meilleur moyen de se sortir de la pauvreté, les conditions actuelles du marché du travail ne permettent plus une telle corrélation directe. Compte tenu de la prolifération entre autres du travail atypique, des contrats à durée déterminée, des emplois à la pige et du temps partiel involontaire, beaucoup de travailleuses et travailleurs québécois vivent ou sont à risque de vivre en situation d'exclusion socioéconomique.
En outre, si la qualité de l'emploi au Canada s'est améliorée entre les années 1997 et 2015, la qualité des emplois occupés par les travailleurs peu qualifiés stagne. Il est donc primordial que les travailleurs aient accès à des emplois qui leur permettent de se sortir de la pauvreté et de vivre convenablement.
Les individus en situation de pauvreté sont souvent confrontés à de nombreux préjugés sur le marché du travail, qu'ils bénéficient ou non d'un soutien étatique du revenu. En effet, de nombreux employeurs se montrent réticents à embaucher des personnes qui présentent des obstacles à l'emploi, notamment en raison de leur âge, d'une situation de handicap, d'un manque d'expérience de travail canadienne ou d'un casier judiciaire. En raison de ces barrières, ces individus se retrouvent en situation de pauvreté ou à risque de paupérisation.
Si les organismes en employabilité connaissent et sensibilisent déjà les entreprises de leur région au potentiel de leurs clients, des actions de sensibilisation à l'échelle nationale auraient certainement un effet bénéfique.
Puisque la situation de l'emploi est déterminante pour la réussite des stratégies de lutte contre la pauvreté, nous recommandons d'améliorer la qualité des emplois, notamment par une plus grande responsabilisation et sensibilisation des employeurs.
Je vous remercie de votre écoute.
[Traduction]
Merci beaucoup.
Le dernier témoin, mais non le moindre, monsieur Kory Wood, président de Kikinaw Energy Services
Premièrement, je m'excuse de ne pas avoir de notes. J'ai une entreprise à gérer, et ce n'est pas toujours facile.
J'aimerais vous raconter d'où je viens et comment j'ai réussi à traverser certaines périodes difficiles auxquelles j'ai été confronté. Je viens d'une petite collectivité rurale du nord de la Colombie-Britannique. Beaucoup d'Autochtones vivent dans cette petite ville. Ma mère était crie. Mon père était un Anglais et avant ma naissance il a perdu un pied dans un accident de travail qui s'est produit avant que je ne puisse en garder le moindre souvenir. Mon père et ma mère se sont séparés avant que j'aie l'âge de m'en souvenir également.
Ma mère vient d'un milieu familial passablement dur. Elle a perdu des êtres chers et sa famille était dysfonctionnelle. Ma première expérience en matière de perte et de dysfonctionnement remonte au suicide de mon oncle après qu'il eut été incarcéré pour avoir assassiné son frère, mon autre oncle. Peu de temps après, j'ai vécu la mort d'un autre de mes proches. Ma tante a été au pénitencier fédéral de Kingston après avoir passé quelque temps du côté est du centre-ville de Vancouver. Ce dont j'ai été témoin alors est une expérience que je n'oublierai jamais. Dans notre famille, la pauvreté était un problème secondaire. Ce n'était pas un problème de premier plan. Nous avions déjà notre lot de difficultés qu'il nous fallait surmonter au quotidien. C'était parfois très difficile pour ma mère de garder la famille à flot.
Adolescent, mon frère aîné, qui commençait à avoir des problèmes de consommation excessive de drogues a fait une surdose lorsque j'avais huit ou neuf ans. Encore une fois, on finit par s'attendre à ce genre de situations, mais on sait que ce n'est pas normal. Ces difficultés viennent en quelque sorte de... Je ne sais pas si ce sont les conséquences de la pauvreté, mais -- je suis désolé, les mots me manquent -- on se rend compte qu'il n'y a plus d'issue.
Pour revenir à mon père, il n'était pas en mesure de travailler. Il essayait de vivre avec les quelques 450 $ aux deux semaines que lui versait la Commission des accidents du travail. Par conséquent, les conséquences pour cet homme qui était non seulement aux prises avec un handicap physique, mais également mental... Pour notre famille, je sais que c'était très difficile de s'en sortir avec une mère qui était la plupart du temps sur le bien-être social et un père qui faisait souvent de la prison.
Au cours de mon enfance et de mon adolescence, j'ai pu participer à des sports et à diverses autres activités qui ont largement contribué à me donner confiance et à développer mes habiletés sociales. J'ai pu établir mes propres objectifs, et l'un de ceux-ci consistait à ne pas consommer de drogue. Au début, je voulais tenir jusqu'à 15 ans, puis jusqu'à 16 ans, 19 ans, 20 ans et ainsi de suite. J'ai commencé à établir des objectifs à l'adolescence. Toutefois, je ne dis pas que je n'ai jamais connu de problèmes.
Il y avait beaucoup de difficultés à surmonter, mais lorsque vous essayez de vous libérer de la dépendance... même si je n'en abusais pas personnellement, lorsque vos proches en souffrent, vous en faites partie. Les objectifs que je me suis fixés lorsque j'étais adolescent, à l'âge difficile, m'ont vraiment aidé à éviter l'écueil de la drogue et de l'alcool. Une fois devenu adulte, j'ai commencé à développer d'autres compétences.
J'ai travaillé avec les jeunes Autochtones pendant quatre ans à titre de mentor. J'ai travaillé auprès d'enfants nés avec un handicap et cette expérience m'a vraiment ouvert les yeux. C'est difficile de sortir de la réserve et c'est difficile d'aller à l'école pour une personne en santé qui vient d'une réserve, alors imaginez si vous avez un handicap comme c'est souvent le cas dans les communautés autochtones! Il vaut mieux oublier ça.
Je me suis donné comme objectif d'occuper un poste qui me permettrait de revenir dans les réserves et d'aider les gens qui y vivent. À la fin de la vingtaine, j'ai lancé une petite entreprise qui comptera bientôt plus de 40 employés. L'an prochain, nous aurons un revenu d'environ dix millions de dollars. Cela n'a peut-être rien à voir avec le sujet de la présente discussion, mais ce qui est pertinent, c'est qu'il aurait été facile de suivre la voie de tous les membres de ma famille. J'ai perdu mon frère, qui vivait dans la réserve, en 2006, à cause de ses problèmes de dépendance. J'en ai toujours des séquelles, même à l'âge adulte.
Cependant, les objectifs que je me suis donnés ont énormément contribué à rester sobre et à m'intégrer au monde des affaires. Je sais que si certaines choses s'étaient passées différemment, si je n'avais pas bénéficié de quelques mentors et si certaines personnes n'étaient pas entrées dans ma vie, je serais demeuré dans cette même voie.
Aujourd'hui je suis très fier de ce que je suis devenu et de ce que j'ai pu accomplir. Lorsque de jeunes Autochtones viennent me voir et me disent que je fais partie des personnes qui ont fait une différence pour eux, cela me rend heureux. J'ai quelques bonnes idées, je pense, sur ce qui a fonctionné pour moi et sur ce qui peut produire de bons résultats auprès de certains jeunes Autochtones et non-Autochtones qui travaillent avec nous.
Je suis venu ici pour vous faire part de mon histoire et j'espère avoir apporté des réponses à certaines de vos questions en vous racontant ce qui a bien fonctionné pour moi dans mon milieu.
Monsieur Wood, merci beaucoup pour votre témoignage.
Nous allons amorcer la série de questions d'aujourd'hui avec M. Zimmer.
Merci monsieur le président et merci aux témoins d'avoir bien voulu comparaître.
Je ne vous donnerai pas beaucoup de temps pour respirer, Kory. Je vais immédiatement commencer avec vous.
Quelle histoire inspirante. La difficulté pour nous, et ce que je vais vous demander, monsieur Wood, c'est de trouver le moyen de faire de votre démarche une source d'inspiration pour le Canada. Nous essayons de réduire la pauvreté partout au Canada et lorsque nous entendons un récit comme le vôtre... Il y a de nombreuses réserves au Canada et de nombreux enfants autochtones qui grandissent dans les mêmes conditions et qui réussissent.
J'aimerais simplement vous demander quels conseils vous donneriez aux gens, à la maison ou dans les réserves, qui luttent pour mettre du pain sur la table. Quel serait le meilleur conseil que nous pourrions leur donner en tant que membres du présent comité? Si vous deviez faire une déclaration concernant notre stratégie visant à réduire la pauvreté -- et c'est ce que vous ferez -- que serait-elle? Quel serait votre meilleur conseil à donner? Comment faire en sorte que votre histoire se répète?
Je peux vous parler de trois choses qui ont bien fonctionné pour moi. La première concerne mon beau-père, un Autochtone traditionnel qui est venu habiter chez moi quand j'étais en très bas âge. J'ai fréquenté la suerie régulièrement pendant mon enfance et je mettais en pratique nos valeurs traditionnelles. Mon beau-père a commencé à parler cri à la maison. Cette habitude m'a aidé à me sentir fier de mes origines et à ne pas en avoir honte. Nous parlions souvent des écoles résidentielles à la maison et des conséquences de ces expériences à la fois pour mon beau-père et pour ma mère. Ils n'ont pas directement fréquenté ces écoles, mais les conséquences qu'elles ont eues sur nos proches ont été transmises de génération en génération. Mes frères et soeurs et moi-même en sommes affectés, ainsi que tous les autres membres de ma famille aujourd'hui. Nous y avons été sensibilisés.
Bien sûr, comme je l'ai dit plus tôt, il y a eu ces objectifs que je me suis fixés; certains étaient réalistes, tandis que d'autres me semblaient complètement illusoires à l'époque. D'après moi, l'absence d'objectifs est le principal problème auquel de nombreux jeunes Autochtones sont confrontés actuellement. Personne ne m'a dit que je ne pourrais pas réussir. Personne ne m'a dit que je ne pourrais pas devenir médecin, avocat, homme d'affaires, mais c'est tout comme : à commencer par les enseignants, les membres de la collectivité, les membres du clergé, les policiers, tout le monde.
J'insiste sur l'importance d'avoir des objectifs, même s'ils semblent complètement fous; il faut insister auprès des jeunes afin qu'ils se fixent des objectifs et qu'ils essaient, peu importe la difficulté, de bloquer tous les bruits parasites. Je leur dirais de se donner des objectifs et de faire tout ce qu'ils peuvent pour y arriver. Souvent, les choses finissent par s'arranger d'elles-mêmes.
Je sais que vous avez déjà été travailleur communautaire. Combien d'années avez-vous pratiqué ce métier, pendant environ quatre ans, je pense?
Nous recevons beaucoup de demandes de financement pour différents programmes, que ce soit pour obtenir du nouveau financement ou du financement supplémentaire. Vous avez vu comment ces programmes fonctionnement dans la pratique. Vous êtes maintenant Kory Wood le contribuable. Si vous gagnez 10 millions de dollars par année, vous payez beaucoup d'impôts. Quel conseil donneriez-vous à notre comité? Comment pourrions-nous faire le meilleur usage possible de l'argent des contribuables?
Je n'ai jamais eu le sentiment pendant les quatre années où j'ai travaillé auprès des jeunes Autochtones que l'argent posait problème. J'ai toujours pensé que le financement était amplement suffisant. Le problème, ce n'est pas tant le nombre de possibilités, mais plutôt leur qualité.
Je pense qu'il serait plus avantageux, comme je l'ai dit, d'acquérir des compétences dans l'établissement d'objectifs, d'acquérir des compétences afin de nous enseigner d'où nous venons, où nous sommes et où nous souhaitons aller, non seulement à titre de personnes, mais à titre de peuple.
Ne minimisez pas l'importance des objectifs. Je pense que j'ai encore un petit livre noir où j'ai écrit quelques objectifs. J'écoutais Zig Ziglar autrefois et l'un des conseils qu'il donnait concernait l'établissement d'objectifs. Je suis ici aujourd'hui simplement parce que j'ai noté cinq petits énoncés. Il est étonnant de voir comment les choses peuvent s'aligner lorsque l'on se concentre pour accomplir les objectifs que l'on s'est fixés.
J'aimerais poser une dernière question. Si vous deviez reconnaître une personne qui vous a aidé à changer votre vie -- qui a fait en sorte que Kory Wood comparaît aujourd'hui devant notre comité -- à qui accorderiez-vous le mérite et pourquoi?
Il peut s'agir de deux ou de trois personnes. La parole est à vous.
J'accorderais probablement le mérite à mon beau-père. Comme je l'ai mentionné, c'était un homme traditionnel. Il m'a beaucoup appris et il m'a aidé à me sentir fier de ce que je suis et de l'endroit d'où je viens.
Il y avait également une famille dans ma collectivité. Cette famille de ma localité n'était pas autochtone, mais je me suis lié d'amitié avec leur fils. Ils se sont occupés de moi et ils m'ont aidé à acquérir une certaine stabilité. Ils m'ont ouvert les yeux. Je ne dis pas que c'était un foyer exempt de dysfonctionnement, mais il était relativement normal; c'était une famille solide, avec un homme et une femme qui avaient un travail, une famille qui misait sur l'éducation et d'autres valeurs du même genre. Voilà ce à quoi j'ai été exposé.
Bienvenue à tous nos témoins. Je vous remercie d'être ici.
[Français]
Ma question, qui est assez longue, s'adresse à Mme Roy.
Une représentante de l'organisme Actua qui a comparu devant notre comité nous a dit qu'il était important d'impliquer dans le domaine des nouvelles technologies les jeunes plus défavorisés et ceux vivant dans les réserves afin de leur offrir un chemin pour sortir de la pauvreté. Notre gouvernement a déjà mis en oeuvre l'Allocation canadienne pour enfants, qui vise à sortir 300 000 enfants de la pauvreté.
Afin de réduire encore plus la pauvreté chez nos jeunes, il nous a été suggéré de voir à ce qu'ils acquièrent des compétences adaptées au monde numérique afin qu'ils ne soient pas laissés pour compte. Il en va de même pour nos adultes qui poursuivent des formations continues. Sachant que vous travaillez sur le terrain, j'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
J'aimerais également entendre vos commentaires sur l'idée d'offrir un soutien structuré à la petite enfance. C'est ce que nous avons proposé dans le cadre de notre plateforme lors de la campagne électorale. Cela inclut un soutien aux éducateurs de la petite enfance et un crédit d'impôt lié aux fournitures scolaires. On sait par expérience que certains professeurs — notamment ceux que j'ai moi-même eus — utilisent leur argent personnel pour acheter des fournitures scolaires.
Je vous remercie de votre question.
Je pense en effet que le développement des compétences numériques est très important. En ce qui a trait aux neuf compétences essentielles au Canada, on ne parle plus de compétences informatiques, d'ailleurs, mais bien de littératie numérique. C'est important pour sortir les jeunes de la pauvreté. Cela s'applique aussi à tous les groupes sous-représentés sur le marché du travail, qu'il s'agisse de jeunes en situation d'exclusion sociale, d'Autochtones ou de travailleurs expérimentés qui ont de la difficulté à utiliser des technologies.
Il est important d'investir dans le développement des compétences numériques. Cela peut aider à réduire la fracture numérique entre les citoyens, mais il faut s'assurer que le Canada dispose d'une stratégie sur le numérique.
En 2015, j'ai participé à un symposium international sur les politiques publiques et le développement de carrière qui se tenait aux États-Unis. Or un des constats de la délégation canadienne était qu'il y avait encore aujourd'hui une inégalité due au coût élevé des services Internet, notamment. Il faut donc s'assurer que les gens qui sont en situation de pauvreté peuvent accéder facilement aux services Internet afin de pouvoir utiliser les nouvelles technologies.
Je crois qu'il est très important d'investir dans le développement et l'utilisation de ces technologies. Cela dit, développer les compétences des jeunes ou même des adultes n'implique pas seulement l'utilisation des technologies. Il s'agit également de s'en servir pour bien intégrer la société et le marché du travail. Une mauvaise utilisation des compétences et des outils technologiques peut avoir un effet néfaste sur les jeunes.
Oui, cela peut sortir ces personnes de la pauvreté, mais pour que cela fonctionne bien et soit bien intégré, il faut que le Canada se dote d'une stratégie numérique nationale, qu'il s'agisse du développement des compétences scolaires ou de celles de la main-d'oeuvre.
Pour revenir à ce que vous disiez sur la petite enfance, je pense qu'il est important d'accorder un crédit d'impôt. Il est bon de commencer à développer ces compétences dès la petite enfance parce que, de nos jours, elles sont requises dans toutes les sphères de la vie. L'éducation est nécessaire également.
Trouvez-vous que les éducateurs, surtout dans le domaine de la petite enfance, reçoivent suffisamment de crédits d'impôt et d'autres mesures du genre pour compenser le manque de ressources financières auquel fait face le domaine de l'éducation?
Les organismes en employabilité ne représentent pas les centres de la petite enfance, mais il faudrait effectivement que ces gens disposent de plus de ressources. J'ai souvent entendu dire qu'ils devaient payer certaines choses de leur poche. Il est important qu'ils aient les outils nécessaires, mais il faut également un accompagnement, une stratégie gouvernementale derrière cela. Cela dit, je crois qu'il faudrait plus de crédits d'impôt dans ce domaine.
Merci.
En matière de développement de l'employabilité, utilisez-vous avec la communauté inuite des méthodes qui diffèrent de celles employées en milieu urbain?
Quelles leçons apprises en milieu urbain, par exemple à Laval ou à Montréal, pouvez-vous transposer lorsque vous cherchez à développer l'employabilité au sein des communautés autochtones?
Merci de la question.
Oui, les méthodes que nous utilisons sont différentes. Depuis trois ans que notre organisation travaille avec les communautés autochtones, nous nous sommes aperçu que les outils traditionnels conventionnels de développement de la main-d'oeuvre, les services publics d'emploi, ne fonctionnaient pas, malgré l'impressionnante structure. En fait, il y a beaucoup de services publics très intéressants, au Canada, mais ils ne sont pas adaptés aux particularités. Nous avons donc dû les adapter aux spécificités culturelles des communautés autochtones. Alors, oui, nous devons les adapter quand nous intervenons en milieu urbain. Souvent, quand les gens arrivent en milieu urbain pour se tailler une place sur le marché du travail, ils ont déjà beaucoup de défis à relever. Il y a de nombreux préjugés mutuels à estomper. Il y a aussi la barrière de la langue, surtout au Québec, où le français est exigé en plus de l'anglais.
En fait, nous sommes en train de revoir tous les outils qui existent en ce moment. D'ailleurs, nous allons vous remettre une copie de notre étude à cet égard. Il est très important de s'adapter aux spécificités culturelles. Permettez-moi de vous mentionner qu'il y a 15 ans, nous avions commencé à élaborer des outils d'intégration et de maintien à l'emploi pour les personnes immigrantes. Depuis deux ou trois ans, nous commençons à nous attaquer à cela en ce qui concerne les Autochtones. Il faut changer complètement notre approche.
[Traduction]
Je vous remercie beaucoup.
Je tiens à remercier tous nos témoins de leur témoignage très touchant ici aujourd'hui.
Monsieur Wood, j'aimerais également vous remercier d'avoir partagé ces histoires si personnelles et de nous avoir sensibilisés à la façon dont nous devons apprendre de celles-ci à titre de comité parlementaire afin de formuler nos recommandations.
Mes questions s'adressent à M. Neepin, qui est au téléphone depuis le Manitoba.
Monsieur Neepin, j'aimerais vous remercier de votre présentation au nom du Conseil tribal de Keewatin et des 13 Premières Nations que votre conseil tribal représente. Je souhaitais aborder tout d'abord les points que vous avez mentionné au sujet du soutien aux étudiants de niveau postsecondaire. Je me suis rendue compte que vous y avez fait référence à la fin. Vous avez indiqué qu'il faudrait plus de financement des études postsecondaires et le rôle de ce financement sur les résultats des étudiants en particulier.
Nous savons que le plafond de 2 % qui avait été instauré à la fin des années 1990 continue d'être appliqué. Il s'agit là d'une mesure qui a essentiellement créé un arriéré massif de plus de 10 000 étudiants des Premières Nations partout au pays qui souhaiteraient poursuivre leurs études au niveau postsecondaire, mais qui ne peuvent tout simplement pas en raison du financement inadéquat. Je me demande si vous pourriez nous illustrer comment vous vivez ce manque de financement postsecondaire adéquat. Quels sont les genres d'histoires que vous entendez de la bouche des étudiants de la région du Conseil tribal de Keewatin, et peut-être d'autres régions également, qui ne peuvent profiter d'un financement adéquat des études postsecondaires?
Dans nos collectivités, en bout de compte, ce sont les Premières Nations elles-mêmes qui doivent trouver l'argent pour financer les niveaux d'inefficience. Du moins, c'est ainsi que nous le percevons sur le plan du conseil tribal... Notre conseil tribal a même vu les deux tiers de son financement être réduit il y a deux ans. Nous avons dû tout de même fournir des services essentiels à nos collectivités. Il en va de même pour les étudiants qui se trouvent à l'extérieur de nos collectivités. Les bandes elles-mêmes doivent trouver les ressources pour fournir les services essentiels à nos collectivités.
Il est louable que les jeunes souhaitent fréquenter l'école. En effet, il serait triste si nous n'avions pas une telle demande. Je pense qu'il s'agit d'une bonne chose que beaucoup de jeunes souhaitent poursuivre leurs études, quitter leur collectivité, ceux qui le peuvent, et poursuivre leurs études postsecondaires. Je pense donc qu'il s'agit d'une bonne chose. Comme je l'ai dit, notre incapacité de traiter ces demandes, ou ces attentes, a été frustrante. La liste d'attente... et nous continuons de remettre à plus tard les dossiers d'un grand nombre de ces étudiants. Nous n'avons tout simplement pas été en mesure de répondre à leurs demandes.
Bien sûr, les frais de scolarité continuent d'augmenter et nos niveaux de financement se maintiennent depuis des années. On affecte ainsi notre habileté à fournir les services auxquels ces étudiants s'attendent. Ils se tournent vers d'autres étudiants provenant d'autres régions et qui sont financés, et les deux niveaux de services de soutien ne sont pas du tout comparable.
Je vous remercie de votre réponse.
Je me demandais, monsieur Neepin, si vous pourriez également parler de l'expérience particulière des collectivités isolées sur le plan du sous-financement, étant donné que la majorité des Premières Nations du Conseil tribal de Keewatin sont isolées. Que signifie le manque de financement pour les études de niveau maternel à la 12e année ainsi que les études de niveau postsecondaire pour ces collectivités en particulier?
J'essaie de penser à une façon d'illustrer clairement les différences sur le plan des niveaux de financement des institutions provinciales, en ce qui nous concerne, le Frontier Collegiate. Il s'agit d'écoles gérées par la province ici au Manitoba.
Chez nous, par exemple, dans notre collectivité de Fox Lake, à Gillam, au Manitoba, nos étudiants de niveau secondaire doivent quitter la collectivité et se rendre dans la collectivité voisine de Gillam. C'est là que Frontier exploite son école. Frontier nous facture, par exemple, 1 $, mais nous recevons un financement équivalent peut-être à 60 ¢. Nous sommes encore tenus de payer le dollar, soit le montant que l'école Frontier nous facture pour les étudiants qui fréquentent ses écoles.
Par conséquent, la bande et les collectivités continuent d'accumuler les déficits, et c'est ce que je veux dire lorsque je dis que les services essentiels qui sont requis par ces étudiants doivent être absorbés par quelqu'un quelque part, et c'est habituellement les bandes qui écopent. Le conseil tribal ne peut absorber tous ces coûts parce que nous ne disposons pas du financement requis.
Si quelqu'un compare toute sorte de niveau de service en matière d'éducation, ils peuvent simplement se tourner vers les écoles exploitées par la province et comparer les niveaux de financement actuels de nos collectivités. Vous constaterez ainsi en quoi consiste la différence, et c'est habituellement 60 ¢ par dollar pour le niveau de services qui sont fournis. Fox Lake n'est même pas considérée comme éloignée et isolée lorsque vous la comparez aux 10 autres collectivités que le Conseil tribal de Keewatin sert.
Je souhaite également commencer en remerciant chacun de vous d'être ici aujourd'hui et d'avoir partagé vos histoires, votre expertise et l'engagement que chacun de vous a démontré. Je dois dire que j'ai vécu de nombreuses émotions ce matin alors que nous vous écoutions, et je pense qu'il s'agit d'une très bonne chose, parce que je pense qu'en bout de ligne, nous parviendrons ainsi à proposer des recommandations qui auront un effet et qui seront efficaces.
Malheureusement, je ne dispose que de six minutes; je pourrais prendre des heures. Mes questions s'adresseront donc à Mme Cattari.
Le gouvernement fédéral a investi 112 millions de dollars sur deux ans afin de mettre en oeuvre une stratégie de réduction de la pauvreté, et je sais que Hamilton est à la fine pointe dans le domaine de la minimisation du sans-abrisme. Pouvez-vous partager avec ce Comité ce en quoi, selon vous, consiste la clé de votre succès, en gardant à l'esprit que dans cette portion de l'étude, nous ciblons la formation, l'éducation et l'emploi?
Je vous remercie. Honnêtement, l'un de nos plus importants programmes est une adaptation de « Logement d'abord ». Nous avons constaté que lorsqu'on parvient à stabiliser les gens, la réintroduction à l'emploi se fait plus rapidement. Lorsque vous perdez un emploi et que vous devenez sans-abri, il est très difficile de continuer de chercher du travail afin de se remettre sur ses pieds. À Hamilton, cette mesure a réellement été la clé afin d'aider les hommes.
À l'inverse, si je peux dire, le sans-abrisme des femmes n'a jamais fait l'objet d'une étude aussi exhaustive et a un effet semblable sur l'emploi. Les gens couchent chez des connaissances partout dans la collectivité et il est ainsi plus difficile de juger la portée du sans-abrisme des femmes pour cette raison, mais si nous pouvions avoir un programme ciblé en prenant ce que nous avons appris à Hamilton par l'entremise de « Logement d'abord » et en l'adaptant aux femmes, cela aiderait également.
L'autre complication sur ce plan a trait à la gestion de la violence domestique. Actuellement, chez nous, environ 300 femmes par mois ne sont pas en mesure de fréquenter des refuges destinés aux femmes. Si nous devons étendre ou poursuivre notre travail, je pense qu'il faut s'attarder de façon prioritaire au sort des femmes.
Poursuivons sur ce thème, parce qu'il est lié à la prochaine question que je souhaite poser. Lorsque vous vous tournez vers les femmes, la pauvreté et la lutte des femmes, y a-t-il un groupe particulier de femmes qui partagent certaines caractéristiques et qui sont les plus durement touchées? Vous avez mentionné les services de garde et les femmes avec des enfants. Existe-t-il un groupe particulier, et si oui, que peut faire le gouvernement fédéral afin d'aider à adresser la question des femmes qui luttent avec ces obstacles particuliers?
La prestation fiscale canadienne pour enfants comme elle a été mise en oeuvre a aidé énormément. Nous avons vu nos chiffres augmenter, surtout chez les familles monoparentales, c'est donc fabuleux.
Nous nous tournons vers les mères adolescentes, mais également vers les femmes en instance de séparation et de divorce. Le problème n'est pas que les femmes ne travaillent pas. Je connais quelqu'un qui a demandé de l'aide parce que sa fille gagnait 35 000 $ par année, mais puisqu'elle était en instance de séparation, la belle-mère avait décidé de ne plus dispenser de soins. Puisqu'elle ne pouvait plus obtenir de services de garde, elle avait abouti sur l'aide-sociale. J'ai trouvé cette histoire incroyable, que quelqu'un puisse perdre un poste de gestion dans un magasin parce qu'elle ne pouvait trouver de services de garde.
Les autres collectivités les plus durement touchées sont les minorités visibles, et bien sûr notre collectivité autochtone. Dans ces collectivités, le nombre de personnes aux prises avec la pauvreté est effarant. Il est difficile d'obtenir un placement pour les femmes, spécialement pour les nouvelles arrivantes.
Quelles suggestions pourriez-vous faire afin d'aider les aînés et les personnes handicapées? Nous savons qu'ils sont durement touchés par la pauvreté.
Brièvement, il faudrait revoir le RPC et le SRG simplement parce que les femmes qui deviennent mères prennent une relâche durant leurs années de vie active. Leur RPC est donc toujours plus bas. Lorsque les adolescents cherchent du travail, il devient difficile lorsque les aînés sont ceux qui obtiennent les emplois à temps partiel sur lesquels les étudiants se fiaient habituellement. De plus, je ne pense pas que le montant de base de la prestation d'invalidité du RPC ait changé depuis sa création. Je pense que nous sous-estimons souvent la valeur, tant économique et sociale, de permettre aux personnes handicapées de travailler quelque peu. Lorsque vous vivez une crise en raison d'une maladie ou d'une déficience, et que vous luttez afin de trouver l'argent pour votre loyer et votre nourriture, il est difficile de trouver un emploi.
Je vous remercie monsieur le président.
De nouveau, j'aimerais remercier nos témoins d'être ici aujourd'hui. Il s'agit de témoignages émouvants, spécialement celui de M. Wood et son histoire incroyable. Vous avez tout mon respect.
Monsieur Lewis, j'ai lu avec grand intérêt votre histoire chez Walgreens et puis j'ai pris connaissance de l'initiative NOGWOG que vous mettez sur pied. Votre fils Austin travaille-t-il encore? Où se trouve-t-il maintenant?
Fait étonnant, c'est que l'une des entreprises qui l'a mise en oeuvre s'appelle Meijer. Cette société est exploitée dans six états. Il y a environ deux ans, son PDG m'a appelé et m'a dit qu'ils allaient ouvrir un magasin à la frontière de l'Illinois. Il ignorait si c'était près de chez nous, mais il a dit qu'il aimerait que mon fils soit l'un de ses premiers employés. Ce dernier y travaille depuis maintenant deux ans.
C'est bien que quelqu'un travaille.
La semaine dernière, nous avons entendu le témoignage d'un homme qui est propriétaire de quelques Tim Horton's. Il s'appelle Mark Wafer. Je pense que 46 de ses 250 employés sont des personnes handicapées. Il nous a raconté comment il avait transformé son entreprise de cette façon.
Je souhaitais vous parler de son parcours et de la façon dont vous avez cheminé. Évidemment, nous sommes ici pour trouver des idées novatrices afin de réduire la pauvreté et d'aider notre ministère et notre ministre à élaborer une stratégie nationale de réduction de la pauvreté.
Monsieur Lewis, en ce qui a trait à ce que vous avez fait chez Walgreens, quels ajustements étaient requis dans le milieu de travail afin d'accommoder les personnes handicapées? Comment les avez-vous instaurés? Je reconnais que votre fils, Austin, était la force directrice derrière tout cela, mais comment avez-vous modifié la culture et la structure de Walgreens et y avait-il des initiatives de soutien à l'échelle fédérale?
Pouvez-vous en dire plus à ce sujet? Comment avez-vous mis ce processus en branle?
Lorsque nous avons commencé, nous ne savions rien à ce sujet. Nous ne nous en sommes pas cachés. C'était très important. Toutefois, je le répète, nous avons établi que nous souhaitions être les plus efficients, rentables et inclusifs possibles. Par conséquent, si quelque chose nous barrait la voie, nous adoptions des mesures afin de surmonter les obstacles.
En passant, que nous ont coûté nos mesures d'adaptation? Je conseillerais à tous de ne jamais utiliser le mot « mesure d'adaptation », parce que lorsque nous entendons ce mot, nous, à titre d'employeurs, entendons les mots « coût » et « risque ». Nous les appelons donc des ajustements.
Chaque fois où vous essayez un nouveau programme et que vous souhaitez modifier les procédures, il y a un mot spécial que nous utilisons. Il s'agit du mot « projet pilote ». Par la suite, on peut faire ce que l'on veut.
Notre mesure d'adaptation moyenne était de l'ordre de 15 $ et elle était écrite. Principalement, on tentait d'aider la personne. Nous avions une technologie appelée ATP — pour ask the person ou demander à la personne. Plutôt que de présumer sur la façon dont le travail devrait être accompli, nous leur demandions comment ils l'accompliraient. Par exemple, si nos exigences requéraient que le travail soit exécuté à deux mains, nous n'embauchions jamais une personne dotée d'un seul bras ou d'une seule main. Nous avons appris à dire: « Comment accompliriez-vous le travail? », plutôt que de présumer qu'elle ne sera pas en mesure de le faire parce qu'elle a probablement amplement d'expérience à accomplir une telle tâche.
Nous n'avions pas de fonds pour les mesures d'adaptation. Nous avons simplement réglé les enjeux au fur et à mesure où ils se sont présentés. Je pense que la magie s'est tout simplement produite. Il y a un phénomène à noter au sujet des déficiences. Il s'agit d'un préjugé et d'un parti pris que nous avons, mais il est enveloppé de pitié et d'amour, et nous avons été en mesure d'en faire usage. Avec un tiers de notre effectif, ou 40 % de la main-d'oeuvre, on ne peut avoir de mascottes. Par conséquent, on a ainsi incité les gens à contribuer au succès des autres. Ils ne souhaitaient pas les renvoyer. Donc, ils ont travaillé d'arrache-pied afin de contribuer aux succès des autres. Et, par le fait même, les ornières sont tombées et ils ont ainsi pu voir la personne entière. Par conséquent, les histoires qu'on raconte au travail ne portent pas sur la productivité de notre entreprise, elles portent plutôt sur ce que nous avons fait pour contribuer au succès de Johnny ou de Sarah.
J'aimerais m'interposer.
En ce qui concerne Walgreens, avec tout le respect que je vous dois, il s'agit d'une grosse organisation nationale. Vous en êtes vice-président, je crois, donc vous avez eu une certaine influence hiérarchique en la matière. Il y a beaucoup d'entreprises, certainement à Saint John—Rothesay, la circonscription d'où je viens, qui, à mon avis, serait très intéressées au même type de modèle, mais elles auraient possiblement besoin de soutien du gouvernement.
Pouvez-vous nous aider à trouver des idées potentielles sur la façon dont notre gouvernement fédéral pourrait aider beaucoup de petites entreprises à ouvrir leurs portes afin d'apporter des ajustements pour les personnes handicapées? Par exemple, je connais une histoire touchante au sujet d'un jeune homme qui vient à mon bureau avec ses parents une fois par mois. Il souffre d'autisme et c'est un jeune homme merveilleux. Il a tout simplement de la difficulté à trouver un emploi. De toute façon, je tente d'ouvrir des portes pour lui.
Que pouvons-nous faire à titre de gouvernement fédéral afin d'aider les entreprises à ouvrir ces portes, parce que je pense que les statistiques de chômage chez les personnes handicapées, lorsqu'on tient compte les personnes qui ont abandonné leurs recherches, se chiffrent à environ 75 %. Il s'agit d'un chiffre effarant. Comment le gouvernement fédéral peut-il faire pour atténuer ce problème?
Nous éprouvons le même problème aux États-Unis. Même si quelqu'un décide qu'ils sont ouverts à la possibilité, c'est très rare aux États-Unis que quelqu'un dise: « Je comprendrai vos emplois. Je trouverai la main-d'oeuvre. Je la formerai. Je l'aiderai à se rendre au travail sans qu'il n'y ait de frais supplémentaires pour vous. »
Il y a des organismes oeuvrant dans tous les domaines, mais ils ne collaborent pas ensemble.
C'est ce que quelqu'un doit faire, le gouvernement fédéral doit le faire, afin de dire si vous êtes ouverts à la possibilité, nous ne vous laisserons pas tomber. Toutefois, on doit couvrir absolument tout. Il faut comprendre les emplois, trouver l'effectif, soutenir la sélection et fournir de l'aide en cours d'emploi.
Je vous remercie tous beaucoup.
Monsieur Lewis, je vous remercie beaucoup de votre présence. Nous avons déjà parlé au téléphone à quelques reprises, et lorsque je vous ai demandé d'agir à titre de témoin, j'ai présumé que ce serait par téléconférence. Je suis très heureux et surpris de vous compter parmi nous. Bienvenue au Canada.
En effet, la ville est très belle, tout comme les routes.
Je pense que nous sommes tous énormément inspirés par le succès que vous avez eu chez Walgreens en embauchant plus de 1 000 personnes. J'ai lu votre livre, et mon histoire vécue préférée était celle du parent âgé qui est venu vous voir, vous a serré la main et a dit: « J'aimerais vous remercier parce que je peux maintenant mourir en paix. Je sais que mon fils saura se débrouiller. » C'est le genre d'indépendance que vous avez accordé à des milliers de personnes qui seraient sinon laissées de côté.
Ce que j'attends de vous aujourd'hui, c'est quelque chose comme un manuel d'instruction Ikea sur la façon dont nous pouvons reproduire ce que vous avez chez Walgreens dans l'ensemble du marché de l'emploi canadien. Vous avez dit que la meilleure façon d'y arriver consiste à avoir un groupe qui se rend dans le milieu de travail, qui comprend le travail à accomplir, qui attire les employés handicapés qui selon lui seront en mesure d'accomplir le travail et qui jette le pont entre les deux.
Pouvez-vous élaborer sur les politiques du gouvernement qui facilitent un tel phénomène?
Une telle mesure implique un investissement. Le problème, du moins selon ce que nous avons vécu aux États-Unis, se situe sur le plan de l'organisation des agences.
Tout d'abord, la collectivité des personnes handicapées vit une certaine concurrence, car on l'a divisée. Il y a ceux qui travaillent avec l'autisme, ceux qui travaillent avec les sourds, et ainsi de suite. Ils se perçoivent tous comme des concurrents parce qu'ils croient qu'il s'agit d'un monde de rareté.
Nous avons été chanceux au départ. Nous sommes entrés en contact avec une agence et avons dit: « Nous allons embaucher 200 personnes. » Ils n'avaient jamais placé plus de 13 personnes par année. Nous en avons été surpris. Nous avons donc dit: « Vous devez former une coalition avec tous les autres groupes, parce que nous ne souhaitons pas avoir à négocier avec 14 instances différentes. Vous devez le faire parce que nous ne comprenons pas tout ce qui est en cause. »
Si vous investissez un gros montant d'argent dans la collectivité, comment l'utilisera-t-on? Quelqu'un peut-il le faire comme on souhaite que ce soit fait?
Nous avons été chanceux en Caroline du Nord. Nous avons été chanceux au Connecticut. Toutefois, dans plusieurs autres États, nous avons été moins fortunés. Ce qui surprend toutefois, lorsqu'un employeur s'ouvre à la possibilité... et pour ce faire, on doit lui dire qu'il ne lui coûtera rien de le faire et qu'il ne devra pas devenir expert en matière de handicaps. En effet, pourquoi souhaiterait-il changer s'il devait en assumer les coûts?
Adoptez cet état d'esprit et demandez-vous comment vous êtes organisés afin d'être en mesure d'aborder un employeur de cette façon. Je ne pense pas qu'une telle démarche ait cours. Il s'agit d'un problème que nous éprouvons aux États-Unis, et je soupçonne que vous êtes aux prises avec un tel problème au Canada également.
Ce que j'entends de certaines agences de placement qui effectuent un travail semblable, c'est qu'elles trouvent que les règles de financement gouvernemental sont très normatives.
« Voici comment vous allez accomplir le travail. Voici ce que nous allons vous rembourser. Vous obtenez tel montant pour une photocopieuse, tel montant pour le loyer, tel montant pour le personnel. » Serait-il préférable de passer à un modèle où nous payons ces organisations en fonction des résultats qu'elles obtiennent plutôt que des coûts d'intrants qu'elles engagent?
Nous vivons également ce genre de situation aux États-Unis. On se fonde sur les résultats et non seulement sur... Nous utilisons 90 jours. Les organismes ne sont pas payés à moins que la personne ne travaille pendant 90 jours.
Là où nous éprouvons des problèmes, c'est lorsque les 90 jours viennent à échéance et que la personne perd tout le soutien ponctuel. Nous avons constaté qu'il y a certaines personnes qui réussissent initialement, mais par la suite un incident se produit et un soutien est requis. Nous devons être en mesure d'également obtenir le soutien continu et ponctuel.
Payez-les pour les résultats, certainement pas pour les processus. Je suis tout à fait d'accord avec vous.
Pourrions-nous alors tout simplement dire que nous souhaitons des résultats à plus long terme, que nous paierons en fonction de l'emploi continu du client pendant deux années et non simplement pendant 90 jours?
Ce serait idéal, mais on devra être en mesure de faire toutes ces choses pour trouver les employeurs, soutenir leur formation et aider à leur enseigner le modèle.
Éprouvez-vous le même problème aux États-Unis qu'ici au Canada, en ce qui a trait aux personnes handicapées qui accèdent à la population active, qui commencent à payer des impôts et qui perdent leurs prestations à un tel point qu'ils éprouvent souvent plus d'ennuis que s'ils n'avaient pas travaillé du tout?
Évidemment. Le filet de l'aide sociale est si difficile à pénétrer, qu'ils ont peur de perdre leurs prestations. Dans notre cas, nous payons 17 $ l'heure. Lorsque vous payez un salaire de subsistance, vous aidez les gens à sortir de l'aide sociale, mais en travaillant simplement à temps partiel, des familles entières faisaient face à... Il s'agit d'un enjeu. Nous avons simplement réussi à le gérer.
M. Wafer, de Tim Hortons, a déclaré que sa décision d'embaucher plus de 150 personnes handicapées ne constituait pas un geste de charité. Il s'agissait en réalité d'une décision d'affaires motivée par la volonté de faire des profits.
Diriez-vous également qu'il s'agit d'une décision d'affaires? Pouvez-vous rendre votre entreprise plus efficiente et rentable en incluant des personnes qui par le passé ont été exclues du milieu de travail?
Certainement. Nous ne l'aurions pas fait sinon. Toutes ces grandes entreprises qui l'ont fait ne le font pas par souci de charité. Ils viennent nous voir pour constater de leurs yeux et se rendent compte qu'il ne s'agit pas simplement de quelque chose d'équivalent, il s'agit de quelque chose qui améliore la situation en raison de cet impact culturel.
Je vous remercie beaucoup.
Avant de poursuivre, j'ai une mise à jour pour les membres du Comité. Nous sommes à l'étape du processus des débats pour notre vote ce matin. Les cloches sonneront à 10 h 39 à ce qu'on m'a dit, ce qui signifie que nous réussirons probablement à compléter cette ronde, mais que ce sera tout avant que nous ayons à suspendre le tout afin de régler certaines affaires du Comité.
Nous devrons donc vous presser de conclure, j'en ai bien peur, afin d'accomplir nos travaux avant d'avoir à quitter au son de la cloche.
Sans plus attendre, je cède la parole à M. Sangha.
Je vous remercie, monsieur le président.
Ma question s'adresse à Laura Cattari. Pour nous attaquer à la pauvreté, nous devons gérer l'enjeu sur tous les plans. La définition est très... que nous devons nous attaquer à la pauvreté en tant que grande équipe. À votre avis, que devrions-nous cibler pour améliorer cette stratégie?
Je siège également au sein du groupe de travail sur la réforme en matière de sécurité du revenu de la province. Une certaine partie du matériel que j'ai lu suggère qu'un faible soutien pré-emploi et des idées punitives, comme le fait de forcer la recherche d'emploi, ne fonctionnent pas. Et cette tendance n'a pas changé depuis 20 ans. Ce que nous constatons de plus en plus, c'est que les gens qui obtiennent du soutien à plus long terme se butent à des obstacles que personne ne règle.
En ce qui a trait aux troubles d'apprentissage et aux maladies mentales chroniques qui ne sont peut-être pas aiguës, mais qui ont un impact sur la vie des gens qui ne peuvent se payer les médicaments nécessaires ou qui ne peuvent... Il y a tellement d'obstacles pré-emploi que les gens semblent passer à travers les mailles du filet, pour ainsi dire.
Il y a certains programmes disponibles pour les nouveaux arrivants, principalement l'apprentissage de l'anglais à titre de langue seconde, mais au-delà de ces programmes, l'inclusion sociale qui encourage les personnes à s'engager dans les collectivités et à se sentir chez elles est également importante, afin qu'elles commencent à réseauter comme chacun de nous le fait lorsque nous cherchons un emploi.
Vous avez parlé de la réglementation des sociétés de prêt sur salaire, d'accorder plus de droits aux centres de services de garde, ainsi que de l'assurance privée pour les personnes à faible revenu. Dans toutes ces stratégies, sentez-vous que vous avez des suggestions à nous donner, afin que le Comité puisse s'attaquer à ces aspects et améliorer la situation?
Définitivement. Nous avons besoin de règlements pour arrêter les sociétés de prêt sur salaire d'imposer les taux très élevés et le... — et je vais utiliser ce terme très librement, car il s'agit totalement d'un terme personnel — le piégeage qui y sont associés.
Ils ciblent les collectivités qui ne peuvent se permettre ces prêts.
On en arrive à un point où, même si quelqu'un occupe un emploi adéquat, une si grande partie de son revenu est consacré à le maintenir, qu'on crée ainsi une pauvreté cyclique dans les collectivités. Voilà ce à quoi nous faisons référence lorsque nous suggérons de diminuer les montants d'intérêts et la façon dont ils retravaillent les choses. Même en ce qui concerne plusieurs prêts, il n'y a aucune loi qui arrête les sociétés de prêt sur salaire ou différentes organisations d'accorder plus d'un prêt à la fois à une même personne.
En ce qui concerne les services de garde, le soutien pour l'augmentation du nombre de centres de service de garde communautaires et non privés est vraiment important. Il n'est pas aussi rentable d'établir un centre de services de garde dans les régions à faible revenu. Donc, il est définitivement nécessaire de fournir du soutien.
Je suis désolée, je tente de me rappeler du troisième aspect dont vous avez parlé.
Définitivement, spécialement en ce qui a trait l'assurance-médicaments, nous avons constaté un scénario particulier où une mère monoparentale devient malade et ne peut se payer des antibiotiques. Elle évitera donc de prendre congé parce qu'elle n'a pas de journées de maladie. Même l'inclusion de journées de maladie aiderait la situation. Elle devient si malade qu'elle aboutit à la salle d'urgence avec une pneumonie aiguë, doit prendre deux semaines de congé et se fait congédier. Cette situation rend fou. C'est un cercle perpétuel. Oui, l'assurance-médicaments abordable est vraiment importante.
Laura, vous avez parlé de sensibiliser les collectivités, et vous le mentionnez également sur votre site Web. Vous avez parlé de la violence familiale dans les collectivités et du faible revenu, des contrats à temps partiel, des petits contrats. Ces phénomènes ont tous plus d'impacts sur la pauvreté.
Que suggéreriez-vous au Comité? Quels types de mesures suggéreriez-vous au Comité afin de sensibiliser davantage les collectivités?
D'accord, en ce qui nous concerne, nous parlons énormément à la première personne. Aujourd'hui, nous avons entendu M. Wood parler de son histoire et de l'impact que certains facteurs ont eu sur sa vie. Nous en faisons de même. Nous utilisons les exposés de faits à la première personne. On raconte l'histoire d'un travailleur à faible revenu afin qu'il explique à la collectivité ce qu'il vit. Les gens apprennent davantage en entendant les détails de ce qui n'a pas fonctionné plutôt que lorsqu'on leur présente des chiffres et des tableaux.
J'aimerais également remercier les témoins de leur présence ici.
Je souhaite poser une question au sujet du rôle du désespoir dans la pauvreté.
J'ai écouté avec attention votre récit personnel, monsieur Wood. Votre père, vous avez dit, a perdu son pied lors d'un accident industriel. Puis, il n'a pas pu travailler et a reçu un montant de pension d'invalidité très minimal par l'entremise de l'indemnisation des accidents du travail. Cet accident a eu un effet sur votre famille — désastreux si je peux le dire ainsi. Si quelqu'un n'est pas en mesure de travailler et qu'il n'a pas d'espoir en l'avenir, sa vision de l'espoir est ainsi affectée.
Monsieur Lewis, vous avez également indiqué qu'il y avait des personnes qui avaient tenté de trouver un emploi pendant longtemps, qui avaient suivi une formation, qui étaient qualifiées, mais qui ne sont par parvenues à trouver un emploi et maintenant le désespoir a fait son oeuvre. À quel point est-il important que nous ayons des personnes, des conseillers professionnels, qui encouragent afin d'aider à guider une personne qui a atteint le fond du baril? Elles se sentent prises au piège, n'ont plus d'espoir. M. Wood a abordé ce point. Puis, il y a l'établissement d'objectifs. Il s'agit de personnes qui sont impliquées avec vous, qui vous encouragent à établir des objectifs et qui vous permettent de croire qu'il y a de l'espoir, des possibilités si...
Peut-être monsieur Wood, monsieur Lewis, pourriez-vous commenter à cet effet? En commençant par vous, monsieur Lewis.
Je pense que vous frappez l'enjeu dans le mille. Si je pouvais y faire quelque chose... ce que j'ai observé au fil du temps, c'est que l'avenir est ici, il est simplement inégalement distribué. Je constate différents programmes à différents endroits. Si je pouvais les réunir, cela irait comme suit. Ce que nous devons faire dans le cadre d'un programme de la petite enfance dans le système scolaire, c'est établir les attentes qu'on aura envers l'emploi. Trop de jeunes handicapés se font mettre sous le tapis ou mettre de côté. Donc, on s'attendrait de notre système scolaire de faire d'eux des citoyens pleinement intégrés à l'âge de 25 ans et tout ce que l'on ferait viserait cet objectif.
Il y a des plans d'enseignement individualisés (PEI) au Canada. Au Michigan, il y a un programme appelé le Projet START. Il mobilise les parents qui doivent jouer leur rôle dans le cadre du PEI. Ils doivent subir des tests afin d'acquérir les aptitudes de direction, de prise de décision, de défense des droits... Les parents le font et participent ainsi à la maison.
Nous avons un programme ici en Ontario, à Sarnia, qui commence à 16 ans. La collectivité compte des stages où l'on utilise des étudiants qui retournent aux études collégiales à titre d'encadreurs professionnels. Les jeunes obtiennent de l'expérience, chaque été, pendant huit semaines, entre les âges de 16 à 25 ans. Grâce à cette expérience, 85 % des personnes qui suivent ce programme obtiennent un emploi.
Nous pourrions instaurer ces programmes de stage et puis établir des programmes d'emploi pour le bassin ainsi créé, comme nous l'avons fait. Je pense qu'on couvrirait ainsi l'ensemble de l'enjeu. Toutefois, on doit commencer à un très jeune âge, en visant une pleine intégration à la société. Avec cet état d'esprit, toutes les idées se réunissent.
Vous avez une armée de témoins ici. C'est surprenant; lorsque vous annoncez quelque chose d'important, le monde le met en action.
J'aborderai un point dont je n'avais pas parlé auparavant. Mon père, lorsqu'il ne pouvait subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, s'est tourné vers la revente de la drogue. Il a fait de la prison pour cette raison. Maintenant, il y avait beaucoup d'effets sociaux pour moi à titre d'enfant alors que je grandissais, parce que lorsqu'on vit dans un petit village, tout le monde sait que votre père est un revendeur de drogue, n'est-ce pas?
Lorsqu'il a eu son accident en milieu de travail dans les années 1970, je ne connais pas l'importance qu'on accordait à la santé mentale d'un jeune homme à l'époque. Je pense qu'il s'agit d'une partie très importante du processus de réadaptation. Ma conjointe est ergothérapeute et nous avons beaucoup de discussions à ce sujet. Je pense que la santé mentale est une partie très importante du processus pour les gens qui sont en réadaptation afin de réintégrer le milieu du travail.
On parle beaucoup de l'augmentation du salaire minimum et ainsi de suite. À titre d'employeur, cette mesure m'inquiète, parce que parfois, nos marges sont si minces que nous ne pouvons pas nous permettre d'embaucher des employés. M. Lewis a parlé du fait que ce doit être rentable pour nous et que ce doit être sensé pour notre entreprise afin de pouvoir bien nous sentir au sujet du perfectionnement des ensembles d'aptitudes des gens. J'ignore si poser un pansement sur le problème constitue la solution. Je pense qu'il s'agit du fondement de la question. Tout le monde ne souhaite pas travailler, donc le salaire n'est pas pertinent.
Je vous remercie beaucoup.
Nous céderons maintenant la parole à Mme Ashton pendant trois minutes, je vous prie.
Monsieur Neepin, je souhaite revenir à vous et vous parler d'un des points que vous avez mentionné plus tôt. Vous avez clairement illustré qu'il faut plus de financement pour l'éducation de la maternelle à la 12e année et pour les études postsecondaires. Vous avez également souligné combien les compressions de financement à l'endroit du Conseil tribal de Keewatin — et, bien sûr, pour les conseils tribaux partout au pays — ont gravement limité votre aptitude de soutenir les Premières Nations afin d'assurer l'éducation adéquate de vos jeunes et, évidemment, des adultes souhaitant poursuivre leurs études.
Percevez-vous le besoin d'augmenter le financement des conseils tribaux? Peut-être pourriez-vous fournir votre point de vue à ce sujet pendant le temps qu'il reste.
On a comprimé environ les deux tiers du financement du Conseil tribal de Keewatin. Nous avons été le deuxième conseil tribal le plus durement frappé en ce qui a trait aux compressions. Le Conseil tribal de Prince Albert était le premier; nous étions le deuxième. Il semble que ceux qui étaient les plus touchés étaient ceux qui servaient les collectivités les plus isolées.
Nous n'avons pas été en mesure de fournir du soutien à nos collectivités membres sur le plan de leur aptitude à maintenir leurs finances et leur tenue de dossier. Il y a un besoin évident dans ce domaine. Bien sûr, en ce qui a trait à la gouvernance, nous n'avons pas été en mesure de fournir le soutien dont ils ont besoin.
Notre conseil tribal, comme je l'ai dit, sert huit collectivités éloignées. Nos priorités incluent la prestation de routes praticables en tout temps pour nos collectivités, ce qui réduirait énormément le coût de la vie dans celles-ci. Nombre de leurs membres viennent à Thompson afin d'obtenir des services de base comme les services juridiques et médicaux. Beaucoup de membres de la collectivité doivent se rendre à Thompson parce que nos collectivités ne peuvent maintenir les niveaux de services que nombre de personnes requièrent.
Notre conseil tribal fournit un service essentiel. Nous nous considérons comme un prolongement des bandes sur le plan de l'administration et de la gestion. Sans ce soutien, beaucoup de bandes continueront de connaître des difficultés.
Je vous remercie beaucoup, monsieur.
J'ai bien peur que c'est la fin pour aujourd'hui. J'aimerais saisir l'occasion de remercier tous les témoins qui sont comparus aujourd'hui par vidéoconférence et par téléphone également.
Nous devons passer aux affaires du Comité plutôt rapidement. Je suis désolé si vous sentez que nous vous forçons à quitter, mais c'est bel et bien le cas. Je vous remercie beaucoup d'avoir pris le temps d'être venus ici aujourd'hui.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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