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Bonjour. Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 27 février 2019 et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 28 février 2019, le Comité reprend son étude sur la précarité de l'emploi au Canada. Je vais vous présenter les excellents témoins que nous entendrons aujourd'hui.
Premièrement, du Réseau canadien pour le revenu garanti, nous accueillons Sheila Regehr, présidente.
Par vidéoconférence de Vancouver, nous avons Parisa Mahboubi, analyste principal de la politique au bureau de Toronto de l'Institut C.D. Howe.
De la Chambre de commerce du Canada, nous avons Leah Nord, directrice, Politiques des compétences et immigration.
Du Congrès du travail du Canada, nous recevons Chris Roberts, directeur national, Politiques sociales et économiques.
Par vidéoconférence également, nous entendrons Colin Busby, directeur de recherche à l'Institut de recherche en politiques publiques, qui est à Montréal.
Bienvenue à vous tous.
Nous allons passer aux déclarations liminaires.
Pour commencer, nous allons écouter Sheila Regehr, du Réseau canadien pour le revenu garanti. Vous avez les sept prochaines minutes.
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Je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de comparaître devant le Comité. Nous vous transmettrons un mémoire très prochainement. Aujourd'hui, étant donné que mon temps est limité, j'aimerais vous parler de quatre points essentiels. Je vais faire un peu d'histoire, puis je veux parler essentiellement de l'effet des emplois précaires sur les gens.
La première chose que je veux dire, c'est que je suis tout de suite allée consulter le dictionnaire. D'après ce que j'ai lu, la précarité englobe l'incertitude, le manque de sécurité et de contrôle, et les dangers possibles. Je pense que les dangers possibles sont l'élément qui est vraiment important, et pour les gens, ce sont des choses comme la perte de revenus et les problèmes de santé, mais d'un point de vue plus général, cela inclut également des choses comme l'éclatement des bulles de crédit ou l'agitation sociale. Ce sont de véritables menaces.
La deuxième chose que je veux dire, c'est que le Comité parle d'emploi. Je suis très pointilleuse sur l'utilisation des termes « emploi » et « travail ». Tout travail est précaire dans une certaine mesure. On ne peut pas séparer les nouvelles formes de travail rémunéré des circonstances générales qui ont une incidence sur la sécurité, par exemple, la maternité, l'invalidité, les conditions météorologiques ou la malchance. Cependant, pour le précariat grandissant, les distinctions s'estompent de plus en plus en ce qui concerne les relations employeur-employés et l'activité économique rémunérée et non rémunérée, que ce soit lié ou non au marché.
La troisième chose, c'est par conséquent que les définitions et les indicateurs de la précarité doivent tenir compte de mes deux premiers points pour garantir l'efficacité des solutions stratégiques, par exemple les indicateurs du temps consacré à du travail rémunéré et non rémunéré ainsi que l'éducation et la formation, et l'incidence des politiques de sécurité du revenu comme les prestations pour enfants et les crédits d'impôt, et non pas tenir seulement compte des indicateurs relatifs à l'emploi.
La quatrième chose, c'est qu'en raison de la précarité croissante de l'emploi, il est urgent d'offrir à d'autres personnes les formes de revenu de base qui ne sont pas liées à l'emploi et que certains Canadiens reçoivent déjà — je présume que c'est la raison pour laquelle j'ai été invitée.
Je vais faire une brève incursion du côté du contexte historique. Nous savons tous que le changement technologique est un facteur clé de la précarité du travail — pensez à Uber, rendu possible par les téléphones intelligents —, mais cela fait partie d'un enjeu plus vaste. J'ai une citation à propos de ce vaste enjeu, décrit comme étant « le déséquilibre grave et qui s'en va croissant entre notre capacité de créer la richesse grâce à notre formidable pouvoir de production et l'incapacité de millions de familles de consommer cette abondance, faute d'avoir le pouvoir d'achat nécessaire ». Cette phrase a été prononcée en 1955 par un dirigeant syndical qui s'adressait à un comité comme celui-ci. Très peu de choses ont changé, mais ce qu'il faut retenir aujourd'hui de cette époque, c'est que les gouvernements ont réagi fermement au cours des années suivantes en adoptant des politiques publiques visant à répondre aux préoccupations de cette nature qu'ils voyaient émerger, notamment l'assurance-emploi et les prêts étudiants, qui viennent encore en aide à la population aujourd'hui.
Le problème aujourd'hui, c'est que le changement s'accélère et que nos progrès se sont arrêtés, érodés, et qu'il y a même une régression dans certains cas. Les progrès n'ont tout simplement pas suivi les nouvelles réalités. J'ai quelques exemples. Il est plus difficile d'obtenir de l'assurance-emploi alors qu'il est plus difficile de trouver des emplois stables. De nombreuses personnes font du travail ou des tâches rémunérés, sans avantages ni protections. Bien des gens gèrent leur manque d'argent en s'endettant. L'aide sociale demeure dérisoire et punitive alors que nous continuons d'accorder des allégements fiscaux aux riches.
Mon dernier point est un exemple important, car il trace la voie de l'avenir, d'après moi. Une des choses vraiment positives que nous avons faites au Canada est le revenu garanti qui existe depuis des années pour les aînés et les enfants, et qui a efficacement contribué à améliorer la sécurité des personnes et à stimuler l'économie. Cependant, des personnes sont exclues. Ces personnes sont vulnérables à la précarité et à la pauvreté. Nous avons entre autres l'Allocation canadienne pour les travailleurs, qui est utile, mais dont les montants et l'étendue ne suffisent pas.
J'aimerais maintenant parler des effets sur les gens. Je veux le faire en me penchant sur la façon dont les gens qui vivent de façon précaire réagissent quand la situation change et qu'ils ont plus de sécurité.
Les exemples que je vais vous donner sont tirés d'un rapport intitulé Signposts to Success, dans lequel le Réseau canadien pour le revenu garanti a présenté les réponses à un sondage sur le projet pilote de l'Ontario portant sur le revenu de base. Cela nous a donné une base de données que personne d'autre n'a. Nous avons mené notre sondage et obtenu 400 réponses. J'aimerais mettre en évidence trois grands éléments qui vous montrent le type d'effet qu'une sécurité accrue produit sur les personnes.
La santé mentale était l'élément le plus important. Selon le sondage initial réalisé par le gouvernement auprès de tous les participants à leur inscription, près de 81 % ont déclaré souffrir d'une détresse psychologique modérée ou sévère. Ce sont 80 % des personnes inscrites à ce programme: des personnes qui travaillent pour gagner leur vie et qui en arrachent, et des personnes qui vivent de l'aide sociale.
Quand nous avons sondé ces personnes plusieurs mois après le début du versement du revenu de base, 88 % des bénéficiaires ont dit ressentir moins de stress et d'anxiété et se sentir plus confiants. Nous avons des tonnes d'exemples, mais il y avait entre autres la réduction et même l'élimination des médicaments. Ils arrivaient à mieux contrôler leur état par leur alimentation, l'exercice et les contacts sociaux. Ils ont pu alors faire des choses comme retourner aux études, trouver un emploi ou décrocher un meilleur emploi. Les résultats étaient semblables concernant la santé et la sécurité alimentaire en général. L'une des choses qui importent, c'est qu'ils ont mentionné, encore une fois, des choses comme la réduction des médicaments, mais qu'ils ont aussi indiqué être plus alertes et plus capables de s'adonner à des activités qui leur étaient impossibles avant.
Le dernier aspect que je veux mettre en évidence est le travail. C'est l'élément dont tout le monde parle, quand il est question de revenu garanti et que nous craignons que ce soit une désincitation au travail. C'est un peu un mythe. Dans notre étude, nous avons constaté que c'est tout le contraire. Selon les résultats du sondage initial, la plupart des personnes qui étaient employées estimaient occuper des emplois qui ne menaient à rien et n'offraient pas de possibilités d'avancement. Notre sondage démontre que les personnes bénéficiant de la sécurité du revenu garanti sont retournées aux études, ont amélioré leurs compétences, ont décroché de meilleurs emplois et ont été en mesure de faire le plein d'essence ou d'acheter des billets d'autobus. Chacun s'est amélioré d'une manière ou d'une autre.
Je pense bien que pour moi, au bout du compte, la sécurité que procure un revenu de base a pour effet de réduire la précarité. Cela améliore les vies et donne à chacun l'accès à des options que les programmes liés uniquement à l'emploi ne peuvent pas offrir. Le gouvernement fédéral a déclaré qu'il a l'intention d'aller dans le sens d'un programme de revenu de base, et nous appuyons pleinement cette orientation comme solution au travail précaire et à de nombreux autres phénomènes.
Merci.
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Merci beaucoup. Je suis ravie d'avoir l'occasion de m'adresser à vous au sujet de la précarité de l'emploi au Canada.
Les résultats des particuliers sur le marché du travail du point de vue de la qualité des emplois et de la rémunération sont des déterminants clés du niveau de vie. La préférence va traditionnellement aux emplois à temps plein qui sont jugés stables et qui donnent accès à des avantages sociaux. À l'opposé, les emplois précaires sont souvent mal rémunérés, relativement peu sûrs, instables et incertains.
Plusieurs types d'emplois non traditionnels peuvent avoir les caractéristiques associées à la précarité, notamment les postes temporaires, comme le travail pour une période déterminée ou à contrat, le travail occasionnel ou saisonnier, le travail à temps partiel, le travail à temps plein dans de multiples emplois et le travail indépendant non constitué.
Même si les postes permanents à temps plein demeurent la norme au Canada, et que la proportion des emplois précaires par rapport au total des emplois est demeurée relativement stable depuis 1997, à 34 % environ, il se produit en ce moment sur le marché du travail des changements alarmants qui exigent une attention spéciale.
Premièrement, si la stabilité et la proportion des emplois précaires demeurent stables, cela signifie quand même que le nombre absolu de travailleurs en situation précaire augmente: la hausse a effectivement été de 1,5 million de 1997 à 2018.
Deuxièmement, les emplois à temps plein, mais temporaires, ont augmenté de 63 % depuis 1997, ce qui dépasse nettement l'augmentation de 36 % du nombre total d'emplois.
Bien que les emplois pour une période déterminée et les emplois contractuels à plein temps ou à temps partiel aient toujours formé la plus grande partie des emplois temporaires, il y a eu un virage plus prononcé vers le travail contractuel au fil du temps. Précisons que le nombre de Canadiens occupant ces types d'emplois a presque doublé, ce qui fait que la proportion des emplois temporaires qui sont contractuels est passée de 46 % en 1997 à 53 % en 2018.
Le groupe des industries de services est celui qui connaît la plus forte croissance au Canada. La ventilation des emplois temporaires au sein de ces industries montre non seulement que la plus grande part des employés temporaires travaillent dans le secteur des industries de services, mais aussi que ce secteur a connu la plus forte croissance du nombre d'emplois temporaires disponibles. Par conséquent, la proportion des employés temporaires au sein des industries de services a grimpé de 76 % en 1997 à 83 % en 2018.
La tendance vers une augmentation du nombre d'emplois à temps partiel, particulièrement dans les industries de services, est une autre dimension de l'augmentation des emplois précaires. Le travail à temps partiel a aussi augmenté de 32 % depuis 1997, bien que la part qu'il occupe n'ait presque pas changé, et il représente 45 % de tous les emplois précaires et 15 % du nombre total d'emplois en 2018.
La bonne nouvelle, c'est que le nombre de travailleurs à temps partiel involontaires s'est mis à diminuer. Le pourcentage de travailleurs à temps partiel qui préféreraient travailler à temps plein était de 22 % en 2018, ce qui représente une diminution par rapport aux 28 % de 2010.
En effet, bien que les tendances relatives à la précarité de l'emploi soient principalement attribuables à la mondialisation, aux progrès technologiques, à la transition vers les services et à la souplesse qui est nécessaire en affaires, les Canadiens sont de plus en plus nombreux à souhaiter des modalités de travail flexibles. Plus particulièrement, les changements démographiques comme le vieillissement, l'augmentation de la participation des femmes au marché du travail et l'importance accordée aux études supérieures jouent un rôle important à cet égard.
Par exemple, les aînés canadiens qui vivent généralement plus longtemps et en meilleure santé contribuent dans une grande mesure à la croissance des emplois à temps partiel et du travail temporaire. Pour certaines personnes, le travail temporaire a également servi de tremplin vers un emploi permanent à temps plein.
Cependant, la faible rémunération et l'incertitude quant à l'emploi ont des effets négatifs sur le désir de dépenser et de former une famille, d'acheter une maison et de faire des économies en vue de la retraite. Les leçons qui ont été tirées des approches adoptées dans certains pays européens concernant les emplois précaires et révélées dans une étude de l'Institut C.D. Howe réalisée en 2016 par Colin Busby et Ramya Muthukumaran montrent que le Canada devrait cesser de porter son attention, en matière de travail, sur des mesures législatives rigides qui ont pour effet d'empêcher la création d'emplois pour plutôt envisager des politiques qui offrent un soutien approprié aux travailleurs dont les emplois sont précaires.
Les options stratégiques qui permettent de mieux répondre à l'insécurité du revenu et de l'emploi liée aux emplois précaires améliorent l'admissibilité à l'assurance-emploi grâce à l'adoption de critères plus équilibrés en cette matière, tant à l'échelle régionale que pour les travailleurs qui occupent des emplois non traditionnels; cela garantit aussi que les travailleurs qui ont des emplois précaires utilisent la nouvelle Allocation canadienne pour la formation.
Les politiques susmentionnées peuvent offrir aux décideurs des façons de limiter les difficultés auxquelles les travailleurs qui occupent des emplois précaires font face et de garantir des résultats dynamiques sur le marché du travail.
Je vous remercie de votre attention. Je serai ravie de répondre à vos questions.
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Merci. C'est pour moi un plaisir d'être ici aujourd'hui.
La Chambre de commerce du Canada est le porte-parole des entreprises canadiennes. Notre réseau compte, partout au pays, plus de 450 chambres de commerce qui représentent 200 000 entreprises. Nous avons plus de 100 entreprises membres et autant d'associations membres.
La numérisation, l'automatisation, l'industrie 4.0 et l'intelligence artificielle sont toutes des préoccupations de premier ordre pour les particuliers, les organisations, les entreprises et les gouvernements à l'échelle du pays, et la Chambre de commerce du Canada ne fait pas exception. Par exemple, pendant la dernière année, nous avons entre autres publié un rapport intitulé Compétences pour un futur automatisé, qui se penche sur les effets de l'automatisation sur la main-d'œuvre, les compétences et la formation qu'il faudra aux gens pour travailler dans un univers numérique, et les façons de faciliter cette formation.
Notre assemblée générale annuelle qui s'est tenue à Thunder Bay, notre dîner de dirigeants qui a eu lieu à Saint John's et le sommet économique de l'Ontario ont tous mis l'accent sur les difficultés concernant les compétences et sur la main-d'œuvre de l'avenir. De plus, ce mois-ci et le mois dernier, c'est-à-dire en mars et avril 2019, nous avons organisé une série de tables rondes sur l'intelligence artificielle. Le 16 avril, à Montréal, notre séance sur l'intelligence artificielle et la main-d'œuvre va non seulement explorer le talent spécialisé qu'il faut au pays, mais aussi examiner les façons de faciliter l'intégration de la main-d'œuvre en général, les utilisateurs de l'intelligence artificielle et les compétences requises à cette fin. L'enjeu de l'avenir du travail est ce qui nous réunit ici aujourd'hui et ce qui nous motive à définir le travail précaire et à en cerner les effets sur la société canadienne.
Il y a une nouvelle réalité dans le paysage actuel de la main-d'œuvre canadienne; elle s'est amorcée au tournant du siècle et s'est accélérée depuis. Cela saute aux yeux et c'est très simple: elle est révolue l'époque où les Canadiens, après avoir fréquenté l'école secondaire et peut-être une institution postsecondaire, trouvaient un emploi au sein d'une entreprise et y restaient pendant toute leur vie, jusqu'à la retraite, à 65 ans, avec un salaire et des avantages sociaux.
Nous ne savons pas exactement ce que tout cela signifie. De plus en plus, selon ce que nous apprennent les données et la recherche, les employés à temps plein ou les employés de la fonction publique peuvent avoir l'impression d'être dans une situation précaire ou vivre de l'insécurité. En même temps, les travailleurs contractuels ou à temps partiels ne sont pas nécessairement vulnérables. Il est possible, en fait, qu'ils aient personnellement fait le choix éclairé d'adopter cette nouvelle économie à la demande.
De plus, par exemple, selon les résultats d'une enquête de la BMO sur la gestion de la richesse qui a été publiée en janvier 2018, la raison la plus souvent donnée par les travailleurs autonomes pour expliquer leur statut était le choix personnel, dans une proportion de 60 %, ou le désir de relever un nouveau défi ou de réaliser un changement, dans une proportion de 49 %. La BMO a aussi fait valoir que les personnes qui participent à l'économie à la demande vont du col bleu traditionnel au professionnel des TI, en passant par l'ingénieur, le comptable et le professionnel des RH.
Compte tenu de la façon dont l'avenir du travail évolue dans la nouvelle économie, beaucoup de choses demeurent nébuleuses. J'aimerais parler de trois choses que la Chambre de commerce du Canada estime claires.
Pour commencer, tout n'est pas triste et désolant. Il y a des possibilités, du potentiel et des occasions. En décembre 2018, j'ai mené une série d'entrevues avec des influenceurs et des leaders d'opinion du réseau de la Chambre de commerce.
Je vais vous citer certaines des conclusions. La discussion sur l'intelligence artificielle dans le marché du travail est bienvenue et importante, mais nous devons reconnaître que la technologie n'en est encore qu'à ses débuts et qu'elle est très peu connue. La perturbation est inévitable, et on reconnaît que les spéculations relatives à des pertes d'emplois massives persistent dans les médias et sur le marché; cependant, parmi les personnes interrogées, le sentiment qui dominait était que le marché du travail évoluerait et s'adapterait, même si on s'attendait à des effets sur les emplois.
Deuxièmement, dans ce contexte en évolution, nous devons nous méfier des données et de leurs incidences. Vous avez entendu des témoignages, déjà, qui se reflètent dans la littérature et la recherche, concernant la perspective qualitative qui est nécessaire pour que les chiffres aient un sens véritable et juste. Vous avez aussi entendu qu'il est vraiment problématique de déterminer la façon de le faire. D'ici à ce que nous puissions cerner les difficultés liées à l'économie à la demande, en particulier dans le secteur privé sous réglementation fédérale, nous ne devrions pas nous précipiter sur des solutions axées sur des programmes.
Troisièmement, ce que nous devons faire, c'est de préparer les Canadiens, tous les Canadiens, dans toutes les régions du pays — de tous les âges, sexes, domaines et antécédents — afin qu'ils réussissent.
Comment y arriver ? La Chambre de commerce du Canada a des recommandations à présenter au gouvernement fédéral dans deux grandes catégories.
Tout d'abord, en se concentrant sur l'avenir du travail, le gouvernement devrait mettre l'accent sur les compétences. Comme les membres de votre comité l'ont entendu à plusieurs reprises au cours de la dernière année, la Chambre de commerce du Canada, ses membres et son réseau d'un bout à l'autre du pays ont adopté une série de résolutions et de recommandations stratégiques visant à élaborer un programme de compétences pour la main-d'oeuvre du XXIe siècle. Essentiellement, il s'agit d'élaborer un cadre national global de compétences, rapidement suivi d'une analyse des lacunes et de la prévision des besoins futurs. Il faudra également promouvoir et élaborer une ou plusieurs évaluations axées sur les compétences. Le gouvernement du Canada peut faire preuve de leadership dans ce domaine en mettant en oeuvre de telles évaluations au sein de la fonction publique fédérale. Notre troisième recommandation est de faciliter l'éducation et la formation correspondantes et nécessaires et de favoriser un changement de culture vers l'apprentissage continu.
Ces résolutions et recommandations sont faciles à formuler, mais elles sont énormément plus difficiles à mettre en oeuvre. Cependant, elles sont essentielles à la réussite. Le gouvernement du Canada devrait mettre l'accent sur des initiatives de ce type, en partenariat avec tous les paliers de gouvernement, le secteur des affaires, le secteur de l'éducation et tous les intervenants concernés par les compétences.
En tenant compte de mes commentaires précédents sur la mise en oeuvre de programmes sans enjeux précis, la Chambre de commerce du Canada aimerait formuler des recommandations liées aux programmes du gouvernement du Canada dans trois domaines, soit l'avenir du travail, la main-d'oeuvre canadienne et les notions liées au travail précaire.
La première recommandation concerne le programme d'assurance-emploi. La Chambre de commerce du Canada réclame depuis longtemps un examen du programme d'assurance-emploi du Canada, surtout en ce qui concerne les ratios de cotisation et les programmes financés par l'assurance-emploi. Je le répète aujourd'hui, et j'ajoute qu'un examen approfondi du programme permettrait de déterminer la meilleure façon d'appuyer la main-d'oeuvre canadienne au cours du présent siècle et de l'aider à faire face aux fluctuations du marché du travail. La Chambre de commerce du Canada appuie l'idée d'examiner comment le programme d'assurance-emploi et d'autres programmes de soutien du revenu peuvent être combinés efficacement à la formation professionnelle et aux services d'emploi.
Cet examen tiendrait aussi compte de l'Allocation canadienne pour la formation qui a été proposée dans le budget de 2019. On n'a pas encore déterminé clairement les répercussions que pourraient subir les petites, moyennes et grandes entreprises qui devront offrir ces quatre semaines de soutien. La réduction des cotisations d'assurance-emploi pour les petites entreprises peut aider à compenser les coûts, mais la structure du programme n'a pas encore été précisée, et on se demande également quels cours et programmes seront admissibles et s'ils correspondront aux besoins des entreprises. Il est donc essentiel de consulter les employeurs à cet égard.
Mon temps est presque écoulé.
Nous avons également formulé des commentaires sur la transférabilité des prestations. On a beaucoup parlé des prestations qui seront transférables et de la façon dont cela pourrait fonctionner. Nous avons mis sur pied un groupe de travail dont les membres répondront au groupe d'experts qui a été créé sur les enjeux liés à la main-d'oeuvre. Des recommandations sont à venir. Nous vous encourageons à faire preuve d'une grande prudence, car il y a des problèmes de coûts et de faisabilité au niveau de l'administration.
Nous avons également formulé des commentaires sur la notion d'un régime national d'assurance-médicaments et nous appuyons un concept qui comble les lacunes. Je peux remettre un mémoire de position aux personnes intéressées.
En terminant, j'aimerais remercier les membres du comité de m'avoir donné l'occasion de comparaître aujourd'hui et d'insister sur l'importance d'inclure le secteur des affaires dans ces discussions. La Chambre de commerce et ses membres sont des partenaires disposés à collaborer et à participer à des consultations.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant votre comité pour parler de ce sujet important.
Le Congrès du travail du Canada se prononce sur des enjeux nationaux au nom de trois millions de travailleurs canadiens syndiqués. Il regroupe plus de 50 syndicats nationaux et internationaux, 12 fédérations du travail provinciales et territoriales et plus de 100 conseils du travail d'un bout à l'autre du pays.
La question du travail précaire revêt une importance vitale pour les syndicats et les travailleurs canadiens. Nous aimerions féliciter le député de Sault Ste. Marie d'avoir proposé cette motion et d'avoir joué un rôle dans le lancement de cette importante étude.
Mardi dernier, les membres du Comité ont entendu le témoignage éloquent d'Allyson Schmidt, qui a parlé non seulement du stress et des difficultés que cause la précarité d'emploi sur le plan personnel, mais aussi de l'inefficacité économique et de l'énorme gaspillage qui découlent de l'incapacité d'une personne qui possède de tels talents et un tel potentiel de trouver un emploi stable et satisfaisant qui utilise pleinement ses compétences.
Ce type de problème lié au marché du travail est présent partout au Canada. En effet, la précarité d'emploi touche beaucoup plus de travailleurs et est beaucoup plus répandue que de nombreuses personnes le comprennent ou veulent bien l'admettre. Les salaires peu élevés, l'instabilité des emplois et des revenus, l'accès limité aux protections offertes par les normes du travail et d'autres manifestations de l'insécurité liée au marché du travail touchent des millions de travailleurs dans notre pays.
Le projet de recherche Poverty and Employment Precarity in Southern Ontario — qu'on appelle PEPSO —, une initiative de Centraide et de la McMaster University, a conclu qu'en 2011, 20 % des travailleurs de la région du Grand Toronto occupaient un emploi précaire. De plus, la situation d'emploi de 20 % des autres travailleurs présentait au moins certaines des caractéristiques liées à l'emploi précaire.
L'Examen portant sur l'évolution des milieux de travail en Ontario, mené en 2017, a conclu que les travailleurs vulnérables qui occupaient un emploi précaire représentaient près du tiers des travailleurs ontariens en 2014. À eux seuls, les emplois atypiques représentaient plus du quart de la main-d'oeuvre de la province. Dans cette catégorie d'emploi, on retrouve notamment les employés temporaires, par exemple les employés à durée déterminée et les employés contractuels, saisonniers et occasionnels, les travailleurs autonomes non constitués en société sans aide rémunérée, les employés à temps partiel imposé et les titulaires de plusieurs emplois dont l'emploi principal paie moins que le salaire médian.
Toutefois, à notre avis, l'emploi précaire ne devrait pas être réduit aux emplois atypiques ou temporaires. Même si les emplois atypiques et les emplois précaires se chevauchent dans une grande mesure, tous les emplois temporaires ou atypiques ne peuvent être considérés comme étant des emplois précaires. En effet, certains travailleurs occupant un emploi atypique sont des professionnels hautement spécialisés avec un emploi contractuel qui offre un salaire très élevé, et ils ne sont donc pas en situation précaire.
D'un autre côté, certains travailleurs ont un emploi typique qui présente des caractéristiques liées à la précarité. On devrait donc comprendre que la précarité d'emploi ne touche pas seulement les emplois incertains ou temporaires, mais également les emplois à temps plein peu rémunérés qui n'offrent pas de régime de retraite, d'avantages sociaux ou de protections adéquates liées aux normes du travail.
C'est la raison pour laquelle l'Examen portant sur l'évolution des milieux de travail en Ontario a attiré l'attention sur la nécessité de se concentrer sur les travailleurs vulnérables occupant un emploi précaire à l'avenir. Il a souligné que la vulnérabilité et l'impuissance au travail et sur le marché du travail, ainsi que l'augmentation des risques sur le plan physique et financier, représentaient des caractéristiques importantes de la précarité d'emploi.
Il est important de noter que cette approche attire l'attention sur les façons par lesquelles les risques et les coûts liés à l'emploi ont progressivement été transférés aux travailleurs individuels, sur la façon dont la contraction des régimes de retraite et la réduction de l'accès aux prestations ultérieures à la retraite ont transféré les risques liés à la retraite aux travailleurs individuels, et sur la façon dont l'accès de plus en plus réduit aux prestations d'assurance-emploi a affaibli les protections contre le chômage et a augmenté les coûts entraînés par la perte d'un emploi. Il attire aussi l'attention sur la façon dont la baisse des investissements effectués par les employeurs dans la formation et le perfectionnement en milieu de travail a fait augmenter les risques liés à la désuétude des compétences et au chômage attribuables à l'automatisation pour les travailleurs individuels, sur la façon dont les changements apportés à la rémunération des travailleurs ont augmenté les risques que courent ces derniers lorsqu'ils se blessent ou tombent malades au travail, etc.
Voici donc les recommandations que nous formulons au Comité.
À notre avis, le Comité devrait recommander au gouvernement du Canada de collaborer avec les universités, les syndicats, les employeurs et d'autres parties intéressées en vue d'élaborer une définition de la précarité d'emploi et d'améliorer la collecte de données qui serviront aux efforts visant à réduire la précarité d'emploi.
En particulier, le gouvernement devrait produire de meilleurs renseignements sur le marché du travail en ce qui concerne l'incidence différentielle de la précarité d'emploi sur les femmes, les peuples autochtones, les travailleurs racialisés, les nouveaux arrivants au Canada, les jeunes, et les personnes handicapées.
Le gouvernement devrait élaborer des mesures de la précarité qui peuvent être suivies au fil du temps et qui permettent d'évaluer les efforts qu'il déploie pour réduire la précarité.
À titre d'employeur, et par voie législative et réglementaire, le gouvernement fédéral peut prendre des mesures immédiates pour réduire la précarité d'emploi et favoriser les bons emplois dans le secteur public fédéral et le secteur privé.
Il peut continuer à renforcer les normes du travail pour les travailleurs dans les industries sous réglementation fédérale.
Il peut réduire la mesure dans laquelle la fonction publique a recours à la sous-traitance et aux agences de placement temporaire.
Il peut s'attaquer à la vulnérabilité particulière des travailleurs migrants au Canada, surtout les travailleurs migrants des volets des emplois agricoles et des emplois à rémunération peu élevée du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Il peut aussi proposer de régulariser le statut des travailleurs sans papiers au Canada, qui vivent et travaillent dans des circonstances particulièrement précaires.
Il peut notamment améliorer l'accès aux prestations d'assurance-emploi et augmenter le taux de remplacement.
Il peut prendre des mesures pour éliminer les obstacles à la syndicalisation et améliorer l'accès des travailleurs à la négociation collective.
Enfin, les responsables des politiques budgétaires et monétaires peuvent accorder une plus grande priorité aux efforts concrets en vue de réaliser le plein emploi au Canada.
Merci beaucoup. J'ai hâte de répondre aux questions des membres du Comité.
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J'aimerais remercier le président et les membres du Comité de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui pour discuter d'un enjeu important, à savoir comment nous pouvons mieux définir et mesurer la précarité d'emploi, afin de contribuer à l'élaboration et à l'évaluation de politiques qui permettront de régler ce problème.
J'aimerais consacrer la première moitié de mon exposé à la présentation d'options qui permettraient de formuler une définition plus normalisée de la précarité d'emploi. Ensuite, pendant la deuxième moitié, je parlerai des raisons pour lesquelles il est important de définir la précarité d'emploi, car une telle définition engendre, et d'une certaine façon prédétermine, des interventions stratégiques.
L'incertitude économique préoccupe de nombreux Canadiens. On comprend de plus en plus que les avantages découlant de la croissance économique des dernières années ne sont pas distribués équitablement entre tous les travailleurs. Par conséquent, un grand nombre d'entre eux se sentent exclus des avantages liés au progrès économique. Manifestement, les pressions exercées par le progrès économique — le développement technologique et sa facilitation par la mondialisation — ont eu des répercussions importantes sur le marché du travail et sur les insécurités au travail.
Pourtant, il ne faut pas oublier que nous avons établi les fondements de notre filet de sécurité sociale et de nos lois en matière de normes du travail à une époque très différente de la nôtre. En effet, la plupart des lois, des règlements et des institutions liés au travail, même s'ils ont été légèrement modifiés au fil des années, ont été mis en oeuvre dans les années 1970 et 1980, à une époque où il existait de nombreuses grandes entreprises — surtout dans le secteur de la fabrication — et où ces entreprises étaient la source principale d'emplois à temps plein et à l'année. De plus, la plupart des travailleurs étaient des hommes.
Les grands employeurs de cette époque étaient souvent protégés par des tarifs et faisaient face à une concurrence limitée. De plus, la couverture syndicale était beaucoup plus étendue. Toutefois, de nos jours, la concurrence est plus importante, le nombre de petits employeurs est plus élevé, il y a plus de services et, évidemment, un plus grand nombre de femmes font partie de la population active.
Lorsqu'on ajoute l'anxiété des travailleurs au sujet des nouvelles technologies et de la possibilité qu'elles les remplacent au travail, il n'est pas difficile de comprendre pourquoi un si grand nombre de Canadiens ressentent un malaise économique.
Même si la documentation universitaire et stratégique n'offre pas une définition cohérente de la précarité d'emploi, on retrouve des thèmes communs. Sur le plan conceptuel, la notion de « précarité d'emploi » vise à exprimer l'incertitude et la vulnérabilité des travailleurs face à leur emploi. Cette définition générale englobe l'incertitude relative à l'emploi, par exemple la possibilité d'un congédiement futur, la prédictibilité ou l'absence de prédictibilité, par exemple en ce qui concerne l'horaire de travail, et les salaires peu élevés ou l'accès réduit aux avantages sociaux et aux prestations.
Statistique Canada assure le suivi de ce qu'on appelle les emplois atypiques, par exemple les emplois temporaires à temps partiel, dont le témoin précédent a déjà parlé. Les travailleurs en situation précaire sont souvent liés aux résultats de ces données en raison de leur disponibilité.
Toutefois, étant donné que certains travailleurs occupant un emploi atypique peuvent être bien rémunérés, parfois en raison de la précarité de leur emploi, on a commencé à se concentrer davantage sur les travailleurs à salaire peu élevé lorsqu'il s'agit de la précarité d'emploi, peu importe le type d'emploi qu'ils occupent. Des témoins précédents l'ont mentionné et je tiens à le répéter, car après tout, certains emplois à temps plein et à l'année sont plutôt précaires. Il se peut que les travailleurs aient peu d'occasions d'avancement professionnel et de protections syndicales, et ils ne profitent peut-être pas d'un régime d’assurance-maladie complémentaire qui leur donnerait un meilleur accès aux médicaments sur ordonnance, d'un régime de santé buccodentaire ou d'autres prestations d’assurance-maladie complémentaires.
Dans le cadre de nos efforts pour trouver une façon plus précise et harmonisée de mesurer la précarité d'emploi, comme vient de le mentionner le témoin précédent, j'ajouterais qu'il faut déterminer si des groupes précis de travailleurs sont potentiellement plus touchés par la précarité d'emploi au fil du temps. Il peut s'agir des femmes, des groupes racialisés, des nouveaux immigrants, des travailleurs dans le domaine des services aux jeunes, des personnes handicapées, etc.
Je me ferais aussi l'écho du point qu'a fait valoir Parisa, c'est-à-dire que le fait de connaître le nombre total de travailleurs en situation précaire d'une année à l'autre ne fournit qu'une partie des renseignements que nous devons connaître à titre de responsables des politiques. Nous devons savoir si les périodes de précarité d'emploi se prolongent ou non, s'il s'agit d'un phénomène plutôt temporaire ou non, et si ces périodes débouchent sur des possibilités d'emploi plus permanent, à temps plein et bien rémunéré.
Encore une fois, on a souvent fait valoir ce point, mais je le répète, car il est important. Dans le cadre de l'Examen portant sur l'évolution des milieux de travail en Ontario qui a été mené en 2017, on a eu recours à deux définitions de précarité d'emploi qui étaient surtout axées sur les salaires peu élevés comme variable sous-jacente. C'est une décision méthodologique que j'appuie fortement et, comme Chris l'a déjà mentionné, par l'entremise de l'une ou l'autre de ces définitions, on a conclu qu'on pouvait placer le tiers des travailleurs ontariens dans la catégorie des travailleurs en situation précaire.
Nous devons toutefois faire attention à la façon dont nous définissons la précarité, car cela a une incidence sur l'élaboration des politiques. Lorsqu'il s'agit d'améliorer le soutien aux travailleurs et leur sécurité, qu'essayons-nous de leur offrir: la sécurité d'emploi, la sécurité du revenu ou une combinaison des deux? Si notre définition de la précarité concerne surtout la sécurité d'emploi, nous pourrions nous concentrer davantage sur les enjeux liés à la législation du travail comme l'embauche et le congédiement, ainsi que sur les règles régissant les indemnités de départ. Mais si la sécurité du revenu est notre objectif principal, nous pourrions nous concentrer davantage sur le filet de sécurité sociale en l'absence de sécurité d'emploi. Cependant, il est plus probable que nous tentions d'atteindre l'équilibre entre ces deux notions.
Voici, très rapidement, un exemple de notre définition du travail précaire. La définition peut influer sur notre analyse des interventions au moyen de politiques. Récemment, Statistique Canada a publié une recherche intitulée Évaluation de la qualité des emplois au Canada: une approche multidimensionnelle, qui examine six éléments de la précarité de l'emploi, que j'énumère très rapidement: le revenu et les avantages sociaux, les possibilités d'avancement comme les occasions d'avancement professionnel, l'intensité du travail, l'autonomie dans le travail et dans le lieu de travail, les occasions de formation et ainsi de suite.
Les résultats de cette étude ont éclairé les enjeux plus complexes de la précarité. Ils montrent de grandes différences dans la précarité au travail entre les secteurs, mais, également, à l'intérieur de secteurs bien précis. Les données révèlent aussi d'importantes conséquences relativement au sexe, le travail des femmes étant plus souvent précaire, ainsi que la précarité accrue des emplois des jeunes et de ceux qui travaillent à temps partiel.
Pour réfléchir rapidement, à partir d'un résultat de cette étude, à l'influence possible de ces constatations sur les interventions de la politique, prenons celui selon lequel les grandes entreprises, beaucoup plus que les petites, ont tendance à offrir des emplois de qualité bien payés. Qu'est-ce que ça signifie pour nous? Que notre régime fiscal devrait cesser de favoriser les petites entreprises? Ou, à l'opposé, que nous devrions ne plus nous soucier de la concentration croissante du marché entre les entreprises et des lois antitrusts, si ça se traduit par plus d'emplois stables et bien payés pour certains?
Je n'ai pas la réponse à ces questions et je ne veux pas faire de suppositions, mais je tiens à souligner l'imbrication du problème du travail précaire avec le climat de concurrence dans lequel évoluent les entreprises canadiennes. Je pense que c'était l'objectif de la motion du député selon laquelle une définition commune du travail précaire « permettra d'opter pour la préservation, de mettre en place des stratégies de soutien et de saisir les opportunités d'innovation, tant dans le secteur public que dans le privé ». On devine, sous-jacentes partout, une tension entre la vulnérabilité et l'incertitude qu'affrontent les travailleurs et nos options pour les résorber. Il y a aussi le climat des affaires favorables à la concurrence que nous encourageons et qui exige d'accorder aux entreprises la souplesse nécessaire pour prendre des décisions opérationnelles, embaucher du personnel et acquérir des immobilisations.
Ce qui, dans notre quête de solutions à la précarité de l'emploi et au maintien d'une économie innovante, revient à ceci: même si les efforts visant à mieux définir et à mieux suivre le travail précaire sont une tâche fédérale inestimable que, sans doute, Statistique Canada devrait entreprendre, l'ignorance de la tension et des pressions inévitables qu'affrontent les travailleurs et les entreprises et l'ignorance de la nécessité de trouver des solutions de compromis à ces problèmes signifient que nous risquerons d'éprouver des difficultés à élaborer des interventions par la politique.
Sur ce point, et je termine bientôt, le besoin de solutions de gouvernance qui rassemble des groupes tripartites — entreprises, syndicats et organismes gouvernementaux — devrait être un élément essentiel de notre façon de faire progresser la politique.
Je tiens à conclure en affirmant que je favorise une définition normalisée du travail précaire, qui accorde le plus d'importance à l'incertitude des revenus. Je crois en effet que c'est à la base de la plupart des problèmes de sécurité économique, sans égard à la nature du travail et parce que ça permettrait aussi d'appuyer la gamme la plus étendue d'éventuelles réactions sur le plan de la politique.
Sur ce point, nous devrions nous efforcer de préconiser, contre l'emploi précaire, le bon dosage, qui soit aussi plus moderne, de lois sur le travail, de programmes de sécurité des revenus et de programmes qui encouragent le travail et la transition entre les emplois.
Merci.