Je vous souhaite la bienvenue à la 21e réunion du Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 1er février 2022, le Comité reprend son étude des sciences au ministère des Pêches et des Océans.
Pour celles et ceux qui participent à la réunion par vidéoconférence, quand vous êtes prêts à parler, cliquez sur l'icône pour activer votre micro, et veuillez parler lentement et distinctement. Quand vous ne parlez pas, votre micro doit être coupé. Pour l'interprétation, vous avez le choix, en bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais et le français. Je rappelle à toutes et à tous que tous les commentaires doivent être adressés au président.
Avant de passer aux témoins, j'aimerais souhaiter la bienvenue à la députée de , que je considère comme une amie.
Madame May, soyez la bienvenue au Comité.
J'aimerais maintenant accueillir nos témoins du jour et leur présenter mes excuses pour ce retard. Il y avait un vote et, bien entendu, un vote a la priorité sur tout le reste sur la Colline. Par ailleurs, je vous informe toutes et tous que nous pouvons prolonger jusqu'à 13 h 30, au plus. Nous ne pouvons pas aller au‑delà, mais cela nous donne un peu plus de temps.
J'aimerais maintenant accueillir nos témoins. Comparaissant à titre personnel, nous avons M. Greig Oldford, candidat au doctorat et scientifique, de l'Université de la Colombie-Britannique. En mode virtuel, nous avons aussi plusieurs témoins: M. Gideon Mordecai, associé en recherche, Institute for the Oceans and Fisheries, Université de la Colombie-Britannique; M. Dominique Robert, professeur et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écologie halieutique, Université du Québec à Rimouski; du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, nous avons M. John Reynolds, président; d'Ecometric Research Inc., nous avons M. Josh Korman, spécialiste des sciences halieutiques; et d'Ocean Networks Canada, nous avons Mme Kathryn Moran, présidente-directrice générale.
Je vais donner la parole à M. Oldford pour ses observations préliminaires. Vous disposez de cinq minutes au plus.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie le Comité de m'avoir invité aujourd'hui. Si j'ai bien compris, je suis ici pour témoigner en tant que scientifique spécialiste des écosystèmes. J'ai des compétences en écologie intégrative et en modélisation par simulation informatique, et je m'intéresse plus particulièrement à la côte Ouest du Canada.
Le ministère des Pêches et des Océans, le MPO, a un cadre scientifique écosystémique. Les sciences des écosystèmes y sont définies comme étant une approche générale de l'étude des relations et des interactions dans les écosystèmes, et ce cadre intègre les résultats scientifiques. Nous accordons la priorité aux relations clés dans la nature et à leurs liens avec les besoins humains et les mesures de gestion, et nous essayons de les comprendre.
Depuis 2018, j'ai le privilège de mener des recherches doctorales à l'Institute for the Oceans and Fisheries de l'Université de la Colombie-Britannique. Ces recherches sont financées en partie par le MPO. Je suis un fonctionnaire engagé à long terme, mais en congé d'études. Je précise qu'en raison de mon absence prolongée du MPO, je ne suis pas au courant des processus et procédures ministériels actuels. Je comparais aujourd'hui à titre personnel, pas en tant que porte-parole du MPO.
Mes recherches sont motivées par un mystère, à savoir le déclin et les taux de survie en mer constamment faibles du saumon du Pacifique dans la mer des Salish depuis les années 1970. Plus particulièrement, j'étudie les causes possibles de la faible survie en mer des saumons cohos et chinooks juvéniles. J'ai créé des modèles de simulation océanographique et écosystémique afin d'intégrer et d'évaluer une série d'hypothèses scientifiques. Ces hypothèses ont été formulées par le projet sur la survie des espèces marines de la mer des Salish, qui est une initiative interdisciplinaire quinquennale.
Le travail interdisciplinaire et les collaborations entre établissements sont essentiels pour les sciences des écosystèmes. Les travaux menés jusqu'ici ont pu l'être grâce aux ressources et aux compétences du laboratoire de modélisation des océans de la planète du professeur Villy Chistensen, de collaborateurs internationaux et de scientifiques du MPO. La Fondation du saumon du Pacifique, le MPO, l'Université de la Colombie-Britannique, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie ainsi qu'Ecopath International apportent leur soutien, et nous avons accès à l'infrastructure informatique haute performance de Calcul Canada.
Le travail d'intégration des données et de la science pour étudier le déclin de la survie en mer est un défi de taille. Comme je le disais, certaines hypothèses clés ont été formulées. Elles comprennent une surabondance de prédateurs; des virus et agents pathogènes; des proies moins abondantes ou de valeur nutritive moindre; des polluants et contaminants industriels; la perte d'habitat; et différents effets liés à l'évolution du régime climatique et aux changements climatiques. Elles sont toutes résumées dans un rapport produit l'an dernier par les scientifiques qui dirigent le projet sur la survie des espèces marines de la mer des Salish.
Je poursuis mes recherches doctorales et je ne les ai pas encore soumises à une évaluation par les pairs, mais je ferai de mon mieux pour répondre aux questions.
Monsieur le président, dans la minute qui me reste, j'aimerais souligner combien il est important, du point de vue des sciences des écosystèmes, de délimiter la portée scientifique, autrement dit d'arriver à des questions soigneusement formulées. Je citerai un texte populaire sur la gestion adaptative des ressources naturelles:
[...] l'étape la plus difficile est celle où l'on décide des éléments de base à prendre en compte. Le plus important à retenir est peut-être l'intérêt qu'il y a à examiner le système généralement et plus en détail qu'il n'a d'abord semblé utile.
Pour progresser dans le domaine des sciences des écosystèmes, il faut « inclure des approches intellectuelles allant de l'approche réductionniste à l'approche holistique ». Il serait donc bon pour une approche écosystémique de la gestion de « ratisser large » dès que possible dans le processus afin d'inclure les connaissances autochtones, les connaissances des pêcheurs, les connaissances locales, la science participative et d'autres sources précieuses. Cela correspond, notamment, au principe d'inclusion des Avis scientifiques pour l’efficacité gouvernementale, ou ASEG.
Pour conclure, ratisser large n'est pas incompatible avec la modélisation scientifique et écologique des écosystèmes. En fait, c'est nécessaire si nous voulons mieux comprendre comment ces systèmes socioécologiques complexes fonctionnent.
Je vous remercie.
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Je vous remercie, monsieur le président, mesdames et messieurs, de m'avoir invité à m'exprimer aujourd'hui.
Je suis écologiste des virus et généticien à l'Université de la Colombie-Britannique. Je travaille avec une équipe de scientifiques de la Fondation du saumon du Pacifique et du MPO. Mes recherches portent essentiellement sur un virus appelé orthoréovirus pisciaire ou, pour faire plus court, RVP.
Je vais vous parler du RVP parce que je pense qu'il illustre certaines des questions posées au Comité à propos des avis scientifiques. En théorie, le MPO est très exigeant en matière d'intégrité scientifique. Cependant, j'ai été témoin de cas frappants où le MPO n'a pas été aussi exigeant dans la gestion du RVP.
L'histoire commence en Norvège à la fin des années 1990. Des foyers d'une nouvelle maladie cardiaque sont apparus dans des élevages de saumon de l'Atlantique, mais ce n'est que plus de 10 ans plus tard que le virus, le RVP, a été découvert et considéré comme la cause possible de maladies. Grâce à certains des travaux de recherche impressionnants menés au MPO, il n'a pas fallu longtemps aux scientifiques pour comprendre que ce virus était également présent en Colombie-Britannique.
En 2011, le laboratoire de Kristi Miller a détecté la présence du RVP dans des saumons chinooks d'élevage qui étaient malades. Ses travaux ont été le premier signe que le RVP présentait peut-être un risque pour le saumon du Pacifique.
Comme l'expliquait récemment le Globe and Mail, le public n'a pas eu vent de ces recherches pendant 10 ans. Si la communauté scientifique avait été informée de ces travaux, il aurait peut-être été possible d'éviter une partie des conséquences du virus pour le saumon en Colombie-Britannique.
Depuis sa découverte, le RVP a été lié à des maladies du saumon dans le monde entier, y compris des maladies semblables à celles décrites dans l'étude bloquée.
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Il y a maintenant des preuves irréfutables que le RVP présente un risque pour le saumon sauvage du Pacifique, et les élevages de saumon amplifient ce risque. Je passerai en revue l'ensemble de ces travaux dans le mémoire que je vous adresserai, mais le message à retenir est que les élevages de saumon sont une source d'infection pour le saumon sauvage et que les infections sont liées à des maladies, à une mauvaise santé et à de faibles taux de survie.
Malgré toutes ces preuves, pour la plupart réunies par les scientifiques du MPO eux-mêmes, le MPO a dans une large mesure agi comme si ces constatations n'existaient pas et conclu que ces élevages posent un risque minimal. En conséquence, le saumon n'a pas été protégé comme il l'aurait dû.
Pendant que l'étude de Mme Miller était cachée, les gestionnaires du MPO encourageaient des scientifiques à travailler avec la salmoniculture afin de saper ses conclusions et de prétendre que le RVP ne cause pas de maladies. Mon évaluation scientifique est que rien dans ces travaux n'élimine la possibilité ou ne nie les preuves existantes que le RVP peut causer des maladies chez le saumon et en cause effectivement.
Il a été montré que le RVP envoyé de Colombie-Britannique en Norvège cause les mêmes types de maladies que dans les élevages en Colombie-Britannique, mais le MPO continue d'ignorer ce résultat depuis l'étude réalisée en Norvège. Pour une raison obscure, le MPO exige que les liens avec les maladies soient prouvés au Canada.
Imaginez si nous utilisions les mêmes critères en médecine humaine. Le virus de la COVID ne serait pas classé comme agent pathogène au Canada, puisque le seul essai de provocation humaine a été réalisé au Royaume-Uni.
L'examen réalisé par le Secrétariat canadien des avis scientifiques, le SCAS, pour le MPO a conclu que le RVP ne peut pas être la cause de maladies parce qu'on le trouve dans des poissons sains et qu'il n'y a pas de mortalité élevée dans les élevages. C'est comme de dire que la COVID ne cause pas de maladies parce que certaines personnes infectées sont asymptomatiques. Des erreurs de raisonnement aussi fondamentales me font redouter que le MPO ne fournit pas de données scientifiques factuelles conformes à ses principes quant à l'intégrité scientifique.
Les données scientifiques du MPO reposent sur un choix d'études en laboratoire financées par l'industrie qui placent la barre haut dans leur définition de ce qui constitue une maladie. Pendant ce temps, les recherches qui trouvent des preuves d'effets nocifs sont ignorées ou étouffées. Cela amène à se demander si des conflits d'intérêts ont pu influencer la conception, l'interprétation et le compte rendu des examens du SCAS.
Un des plus grands spécialistes des pêches au Canada, Jeffrey Hutchings, a posé la question suivante: « Voulons-nous prévenir des maladies ou cherchons-nous à savoir si les épisodes de mortalité répondent aux bonnes définitions? » Cette simple question résume parfaitement comment le MPO a mal géré ce problème en utilisant des définitions restrictives et en ne choisissant que les données qui étayent une certaine version des faits. Le MPO a perdu à plusieurs reprises en justice parce que sa gestion des agents pathogènes dans les élevages est jugée illégale et que ses décisions manquent de transparence.
La réponse des représentants du MPO sera que le processus du SCAS respecte les normes de l'examen par les pairs. Des témoins précédents vous ont parlé des problèmes du processus du SCAS. Par exemple, le groupe peut être dominé par des participants qui ont des liens étroits avec l'industrie. Normalement, en sciences, les examinateurs qui ont un conflit d'intérêts sont exclus, surtout si le conflit est financier. Demanderiez-vous à un fabricant de produits du tabac d'examiner les risques scientifiques relatifs au cancer du poumon?
Les exemples présentés au Comité montrent que les avis scientifiques du MPO ne sont pas toujours exacts, fiables, à jour ou à l'abri de toute ingérence politique ou commerciale. Aucun intérêt particulier ne doit influer sur l'évaluation et le résumé de données scientifiques à l'intention de décideurs. J'estime qu'étant donné surtout les conflits d'intérêts, un organisme scientifique indépendant spécialiste des pêches serait en mesure d'évaluer des données factuelles et c'est la solution que je recommanderais.
Merci beaucoup de m'avoir invité à m'exprimer aujourd'hui.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je me présente brièvement. Je suis professeur et titulaire de la Chaire de recherche en écologie halieutique à l'Université du Québec à Rimouski. Dans le cadre de mon programme de recherche, je collabore régulièrement avec des chercheurs du ministère des Pêches et des Océans, le MPO, dans les régions du Québec, de Terre‑Neuve‑et‑Labrador, des Maritimes et du golfe. J'ai aussi participé à des processus du Secrétariat canadien de consultation scientifique, ou SCCS, dans toutes ces régions. J'ai participé à ces processus en tant que chercheur universitaire, et parfois en tant qu'évaluateur externe. Je considère donc que j'ai une bonne expérience de ce type de processus dans l'Est du Canada pour divers stocks de poissons.
Tout d'abord, j'aimerais saluer la qualité du travail des chercheuses et des chercheurs du MPO, qui, à mon avis, sont hautement qualifiés pour réaliser le travail scientifique dont ils ont le mandat. Lors des processus d'évaluation des stocks, les données sont rigoureusement présentées et les conclusions sont adoptées par consensus et sont généralement fondées sur les données scientifiques disponibles. Cependant, la qualité des données disponibles varie grandement selon les stocks. L'évaluation de certaines espèces historiquement et culturellement importantes, comme la morue franche dans l'Est du Canada, mise sur des données de haute qualité qui proviennent de sources multiples, alors que d'autres stocks, comme ceux d'espèces fourragères, sont pauvres en données, et des mesures de base, comme leur biomasse reproductrice, demeurent parfois inconnues. La qualité des recommandations que peuvent faire les scientifiques dépend donc directement des données disponibles.
Une limitation à la collecte de données suffisantes sur certains stocks a trait à la capacité du MPO à entreprendre de nouveaux relevés. Malgré l'arrivée récente de nouveaux navires côtiers et de nouveaux chalutiers, la flotte de la Garde côtière canadienne, sur laquelle mise le MPO pour ses activités de surveillance, est vieillissante et surutilisée. Elle est nettement insuffisante pour envisager l'ajout de nouveaux relevés majeurs. Ce problème est particulièrement criant dans les régions arctiques, où une augmentation des activités de pêche est pourtant anticipée au cours des prochaines années en raison du réchauffement climatique. Je considère que le MPO a besoin de plateformes de recherche modernes pour mieux accomplir son mandat en évaluation des ressources.
Les changements écosystémiques rapides que nous vivons présentement sous l'effet du réchauffement climatique requièrent par ailleurs la considération de variables écosystémiques dans les évaluations des stocks pour assurer une gestion durable de nos ressources. L'approche écosystémique de la gestion des pêches est d'ailleurs une composante majeure de la nouvelle Loi sur les pêches qui a été adoptée en 2019. La même année, un document de recherche du MPO, publié par le Secrétariat canadien de consultation scientifique, présentait l'état des lieux sur la considération de variables écosystémiques dans les évaluations des stocks. Il s'agit du rapport rédigé en 2019 par Pierre Pepin et ses collaborateurs.
Le rapport a conclu que, sur 178 évaluations de stocks, moins de la moitié considéraient des aspects écosystémiques, même de façon qualitative. Compte tenu de l'ampleur des effets des changements climatiques, il apparaît crucial de considérer les recommandations de ce rapport à court terme. Cependant, trois ans après la publication du rapport, il m'est personnellement difficile de savoir quel genre de plan basé sur les éléments du rapport le MPO a mis en place. Je recommande l'accélération de la mise en œuvre d'une approche écosystémique à la gestion des pêches au Canada.
Un des éléments intéressants de ce rapport a trait à la nécessité de mieux prendre en compte les répercussions sociales et économiques du changement climatique. Pour être plus souples et plus efficaces, les approches de gestion devraient intégrer de manière explicite et scientifique le contexte économique et social des pêcheries, en plus des informations sur la dynamique des stocks. Or cette capacité n'existe pas présentement au sein du ministère. Je recommande donc la participation d'économistes et de sociologues au processus scientifique, en amont des décisions de gestion.
Finalement, comme plusieurs témoins l'ont déjà mentionné au cours de cette étude, je suis en faveur et je recommande la mise en place d'une structure décisionnelle qui comporterait une obligation ministérielle de prendre des décisions qui reflètent les conclusions issues des processus scientifiques d'évaluation des stocks, sans possibilité d'intervention discrétionnaire.
Merci, monsieur le président.
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Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir invité à témoigner devant le comité permanent.
Je vais d'abord parler en tant que professeur de l'Université Simon Fraser, pas au nom du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, le COSEPAC, et à ce titre, je rappellerai brièvement au Comité quelques-unes des difficultés que le MPO rencontre lorsqu'il s'agit de traduire des avis scientifiques en conseils de gestion. Ensuite, je décrirai un autre modèle, une autre façon permettant de mieux faire, fondée sur mes expériences au COSEPAC.
Bien avant de devenir président du COSEPAC, j'ai constaté que les gestionnaires du MPO éprouvaient depuis longtemps des difficultés par rapport aux travaux de recherche de ma propre équipe à l'Université Simon Fraser et à ceux d'autres chercheurs montrant que les poux de mer venant des élevages de saumon causaient des dommages dans les populations de saumons sauvages sur la côte Ouest du Canada. M. Bateman, de la Fondation du saumon du Pacifique, a décrit certains de ces problèmes au Comité la semaine dernière et M. Mordecai vient de vous parler de problèmes similaires avec les effets de virus.
Jusque récemment, la tendance était régulièrement à nier le préjudice causé aux saumons sauvages par les élevages de saumon, ce qui me donne à penser, en tant que biologiste spécialiste du saumon, que les préférences en matière de politique influent sur les avis scientifiques plutôt que l'inverse.
L'autre exemple de difficulté du MPO à générer des avis scientifiques indépendants dont je parlerai très brièvement concerne la truite arc‑en‑ciel anadrome en voie de disparition en Colombie-Britannique. D'autres témoins en ont également déjà parlé au Comité. Je n'entrerai pas dans les détails, mais la principale question est que, quand bien même que le MPO a réuni un groupe de scientifiques fédéraux et provinciaux et des acteurs de l'industrie pour examiner la situation du poisson et son rétablissement potentiel, le conseil donné au ministre à l'issue de cet examen a fait qu'on a moins mis l'accent sur le rôle des prises accessoires de saumon comme menace continue pour la truite arc‑en‑ciel — et je vous rappelle que la gestion des prises accessoires est de la responsabilité du MPO. Voilà encore un exemple où un problème se pose quand il faut traduire en conseils de gestion des avis scientifiques ayant fait l'objet d'un examen des pairs.
Monsieur le président, je mentionne ces deux exemples, comme je l'ai dit, en tant que professeur à l'Université Simon Fraser. Je n'avais aucune idée que j'allais un jour présider le COSEPAC, où j'ai découvert un modèle favorisant une plus grande indépendance et plus de transparence.
Les membres du COSEPAC sont nommés par le ministre de l'Environnement, et nous recevons explicitement pour instruction de fournir des conseils indépendants. Cette indépendance est inscrite dans la Loi sur les espèces en péril et elle est rappelée dans les lettres de nomination ministérielle que nous recevons. Bon nombre des membres, moi compris, sont bénévoles. D'autres apportent une contribution dans le cadre de leur emploi principal comme spécialistes des espèces en voie de disparition employés par les provinces, les territoires et des organismes fédéraux.
Nos rapports de situation sont soumis à trois séries d'examens indépendants approfondis par des pairs, et les réunions où nous décidons du statut d'espèces menacées sont ouvertes aux observateurs. Les résultats de notre travail sont utilisés non seulement par le gouvernement fédéral pour des décisions concernant la protection et le rétablissement prises en vertu de la Loi sur les espèces en péril, mais aussi par un bien plus grand nombre de personnes qui ont en commun un intérêt pour la conservation. Ainsi, en juin 2021, quand le MPO a annoncé la création d'une stratégie pour le saumon du Pacifique dotée de 647 millions de dollars, les conclusions du COSEPAC sur l'état des populations de saumons ont été explicitement mentionnées.
La bonne nouvelle, c'est que j'ai l'immense plaisir, en tant que président du COSEPAC, de dire que nos collaborations avec les scientifiques du MPO sur les rapports de situation relatifs aux espèces aquatiques sont très positives. Deux scientifiques du MPO siègent à notre comité et nous travaillons en étroite collaboration avec eux et avec beaucoup d'autres sur les espèces aquatiques. Les interactions avec le MPO au niveau scientifique sont toujours très positives, et je suis reconnaissant de l'aide et des compétences que le MPO apporte à notre entreprise commune, mais la clé de notre succès est que nous suivons tous une stricte directive qui est de fournir des conseils scientifiques indépendants et neutres en faisant abstraction de nos emplois principaux ou de tout résultat potentiel que d'autres pourraient souhaiter voir.
Monsieur le président, je suis d'avis qu'une directive semblable pourrait s'appliquer des données scientifiques du MPO à la gestion. Plus particulièrement, le MPO pourrait adopter une directive première en vertu de laquelle les objectifs de gestion ne doivent absolument pas influencer la science, et des mécanismes de contrôle pourraient être prévus pour veiller à son application. La gestion scientifique devrait aussi être entièrement transparente et tous les documents utilisés dans le processus décisionnel devraient être à la disposition du public et faire l'objet d'un examen par des pairs extérieurs au MPO.
Je crois que si ces principes de recherche scientifique de tout premier ordre étaient également appliqués à la transparence des décisions de gestion, les résultats en seraient améliorés pour la conservation de la biodiversité aquatique et pour des pêches et une aquaculture durables.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président, de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui.
Je commencerai par me présenter brièvement.
Je suis spécialiste des sciences halieutiques et je dirige une petite société d'experts-conseils à Vancouver. Je suis également professeur associé à l'Université de la Colombie-Britannique. Mes travaux portent essentiellement sur les effets des barrages et de la pêche sur la dynamique de la population de saumons, de truites arc‑en‑ciel et de truites. Je suis l'auteur de sept articles qui ont fait l'objet d'un examen par le Secrétariat canadien des avis scientifiques, le SCAS, ou le Comité d'examen des évaluations scientifiques du Pacifique, le CEESP. J'ai également été examinateur à plusieurs reprises.
Je pense que si j'ai été invité par le Comité, c'est surtout parce que je suis l'auteur principal de l'évaluation du potentiel de rétablissement de la truite arc‑en‑ciel du Fraser intérieur que le SCAS a examinée en 2018 et que M. Reynolds vient de mentionner.
Si j'en crois mon expérience avec le SCAS, le processus d'examen des documents de travail est, en fait, très rigoureux. À ce que j'ai pu constater, les gestionnaires des pêches au MPO ou des parties extérieures n'ont pas fait preuve d'un parti pris non étayé qui a indûment influencé les documents de travail du SCAS ou leurs versions finales.
Cependant, j'ai remarqué une ingérence importante du MPO dans la conversion en rapport d'avis scientifique d'un rapport d'évaluation du potentiel de rétablissement de la truite arc‑en‑ciel du Fraser intérieur. Un rapport d'avis scientifique vise à résumer les principales constatations des documents du SCAS et il sert de document central qui fournit des conseils de gestion.
Notre rapport final sur le rétablissement comprenait deux principales conclusions utiles pour les conseils de gestion. Premièrement, réduire l'abondance de phoques et d'otaries semblait être la meilleure solution pour rétablir les populations de truites arc‑en‑ciel. Le MPO a modifié substantiellement cette conclusion fondamentale lorsqu'il a rédigé le rapport d'avis scientifique. Par exemple, il y déclarait qu'il n'y avait pas consensus quant au lien de causalité entre les deux, c'est‑à‑dire entre les truites arc‑en‑ciel, d'une part, et les phoques et les otaries, d'autre part.
C'est en totale contradiction avec notre rapport final où nous présentions plusieurs éléments de preuve du lien entre les truites arc‑en‑ciel, les phoques et les otaries.
Deuxièmement, le rapport sur le potentiel de rétablissement montrait que les trajectoires prévues des populations de truites arc‑en‑ciel étaient relativement peu sensibles à la réduction des prises accessoires de truites arc‑en‑ciel dans la pêche au saumon parce qu'on estime que les taux de prélèvement actuels de truites arc‑en‑ciel sont relativement faibles, soit environ de 15 à 20 %.
Cependant, étant donné la très vive préoccupation suscitée par la conservation de la truite arc‑en‑ciel du Fraser intérieur, une réduction immédiate de la mortalité due aux prises accessoires est une mesure potentielle logique que le ministre pourrait prendre. Les rédacteurs du rapport d'avis scientifique au MPO ont essayé d'éviter ce résultat potentiel en déclarant que « les dommages admissibles ne doivent pas dépasser les niveaux actuels », ce que nous ne disions nulle part dans notre rapport. Nous disions qu'il fallait, dans la mesure du possible, réduire l'exploitation par rapport aux niveaux actuels.
Il est à noter que la recommandation du rapport d'avis scientifique de maintenir le statu quo en ce qui concerne la prise accessoire de truites arc‑en‑ciel ne cadre pas avec ce que le MPO fait pour protéger les populations de saumons affaiblies. Par exemple, le MPO a répondu à la crise du saumon coho de 1998 en imposant un arrêt des activités de pêche. Un arrêt des activités de pêche pour protéger le saumon rouge du lac Cultus et, plus récemment, le saumon chinook du fleuve Fraser a aussi été imposé. Les décisions du MPO semblent donc prudentes lorsqu'il s'agit de protéger les populations de saumons affaiblies, mais pas lorsqu'il s'agit de protéger celles de truites arc‑en‑ciel.
En résumé, les principales conclusions du rapport d'avis scientifique pour la truite arc‑en‑ciel du Fraser intérieur ne correspondent pas aux principales constatations du rapport final sur le rétablissement potentiel. Le rapport d'avis scientifique gomme l'importance de la prédation par les phoques et les otaries et promeut l'idée que le maintien de la pêche au saumon tel quel suffit. La première modification sur les effets des phoques et des otaries est, selon moi, la plus problématique parce qu'elle présente de manière erronée le principal outil dont nous disposions pour améliorer la situation de la truite arc‑en‑ciel dans le Fraser intérieur et probablement celle des saumons chinook et autres.
Je soulignerai, pour conclure, les difficultés que le MPO et le ministre rencontrent lorsqu'ils doivent faire de difficiles compromis pour la conservation de populations affaiblies par rapport à la pêche au saumon. Étant donné ce compromis, j'ai du mal à comprendre pourquoi le MPO semble tellement hésiter à envisager de réduire les populations de phoques et d'otaries sur la côte sud de la Colombie-Britannique. Je crois que nous avons besoin d'un processus plus transparent qui permette au public d'évaluer la justification des décisions du MPO relatives à la conservation et à la pêche afin de déterminer si ces décisions sont cohérentes et si elles sont également compatibles avec les politiques existantes en ce qui concerne la pêche et la conservation.
Je vous remercie de votre attention et de votre intérêt.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je commencerai par dire que même si l'enseigne derrière moi indique « Nouvelle-Écosse », et que j'aime les trois côtes du Canada, je vous parle depuis le territoire des peuples qui parlent lekwungen, ici, à Victoria, en Colombie-Britannique.
Comme vous l'avez vu, je suis présidente et cheffe de la direction d'Ocean Networks Canada, mais mes antécédents sont en océanographie et génie océanique, et non biologie ou science des écosystèmes.
Ocean Networks Canada exploite des observatoires océaniques câblés de calibre mondial dans les océans Pacifique, Atlantique et Arctique du Canada, et nous recueillons et transmettons des données en temps réel pour la recherche scientifique en matière d'avantages sociétaux et l'industrie.
Grâce à notre système unique de gestion des données, Oceans 3.0, nous recueillons des données de nos observatoires sous toutes leurs formes, en assurons la qualité et les archivons. Nos données sont ouvertes et librement accessibles aux Canadiens et à toute personne dans le monde, ce que je serais heureuse d'expliquer davantage au cours de la période de questions, car je suis d'avis que les données ouvertes, les produits de données et les résultats sont le fondement essentiel de toute décision éclairée en matière de politique et de gestion.
En 16 ans d'activité, Ocean Networks Canada a soutenu plus de 20 000 utilisateurs dans le monde, dont de nombreux scientifiques de Pêches et Océans Canada. Nous hébergeons actuellement 9 000 capteurs, dont beaucoup sont de fabrication canadienne, et Oceans 3.0 a recueilli plus d'un pétaoctet de données, autrement dit, un énorme volume de données.
En tant qu'importante initiative scientifique, nous avons un budget de fonctionnement de quelque 27 millions de dollars par an. Soixante pour cent de ce budget provient de la Fondation canadienne pour l'innovation, par le truchement d'Innovation, Sciences et Développement économique Canada, et 40 % provient de la production de produits et services de données nationaux essentiels, qui aident le gouvernement fédéral à réaliser les mandats ministériels, notamment le mandat du MPO dans le cadre du plan de protection des océans et le mandat de protection des océans dans les zones marines protégées qui seront bientôt élargies.
Par exemple, Ocean Networks Canada exploite un radar côtier à haute fréquence et des microphones sous-marins appelés hydrophones. Ces radars à haute fréquence se trouvent sur la terre ferme et surveillent de vastes zones de surface océanique dans des régions telles que le port de Vancouver, le port de Prince Rupert et le port de Halifax, où l'on fournit aux utilisateurs des données en temps réel sur les courants de surface qui contribuent à la sécurité du système maritime.
Les hydrophones sont des capteurs qui écoutent les bruits sous-marins et sont essentiels pour réduire le bruit et pour comprendre les espèces en péril et leurs habitats, y compris ici, sur la côte Ouest, les épaulards résidents du sud.
Un autre exemple est celui des données de longues séries chronologiques d'Ocean Networks Canada, une contribution scientifique particulièrement importante pour le MPO. Depuis 16 ans, nous saisissons et fournissons des variables océaniques essentielles qui contribuent à fournir des preuves scientifiques des changements et anomalies océaniques causés par le changement climatique. Cela comprend des zones telles que la première zone de protection marine du Canada, la dorsale Endeavour, et une grande partie de la zone d'intérêt actuelle du MPO dans le Pacifique.
Ocean Networks Canada fournit également un soutien en matière de données lors des expéditions scientifiques du MPO, des expéditions dans les zones de protection marine et des activités de sensibilisation et d'engagement des communautés autochtones. L'un des programmes les plus fructueux d'Ocean Networks Canada soutenus par le MPO est notre programme des pêcheurs communautaires. Il s'agit de partenariats avec des collectivités, principalement autochtones, qui recueillent des données à partir de leurs propres navires de passage. Au cours des quatre prochaines années, nous allons étendre ce programme sur tout le littoral canadien, grâce au soutien du MPO, afin de donner à nos collectivités autochtones les moyens de recueillir leurs propres données et de le faire au nom du Canada en tant que gardiens de nos côtes.
L'océan touche de nombreux ministères. Avec la création du plan de protection des océans, c'était peut-être la première fois que le Canada mettait au point un plan quinquennal pluriministériel pour l'océan. Aujourd'hui, cependant, le besoin de collaboration interministérielle dans l'océan Arctique et sur le reste des côtes du Canada s'intensifie, et dans l'océan Arctique en particulier, parce que c'est là que se trouve la plus longue partie de notre littoral, qui est le plus long du monde. Avec les changements extrêmes que cause le climat dans l'océan, la sécurité et la souveraineté de l'Arctique doivent être une priorité absolue pour le MPO et les autres ministères fédéraux.
J'ai une certaine expérience dans ce domaine. Avant de venir en Colombie-Britannique, je travaillais au Bureau de la politique scientifique et technologique de la Maison-Blanche sous l'administration Obama, où j'ai occupé le poste de directrice associée travaillant à de nombreux domaines, dont l'Arctique et les questions de politique climatique.
Au cours de cette période, j'ai contribué à l'élaboration de la première politique nationale américaine sur les océans, à laquelle ont participé de nombreux organismes — plus de 25 ministères et entités. Je crois qu'il est grand temps que le Canada adopte cette approche pour rassembler les actifs de la famille fédérale et en tirer parti, en partenariat avec les exploitants d'infrastructures océaniques comme Ocean Networks Canada et d'autres le long des autres côtes.
Je termine en disant que je serais heureuse de parler davantage de notre force en matière de données, et de la façon dont les données, ouvertes et autres, peuvent aider à prendre des décisions de gestion très riches et solides pour l'océan.
Je vous remercie beaucoup.
Voilà qui conclut les déclarations liminaires des témoins.
Nous allons maintenant passer aux séries de questions des membres du Comité. Je demande aux membres de bien vouloir préciser à qui ils adressent leurs questions afin d'optimiser leur temps. Nous avons six témoins aujourd'hui, et il n'y a rien de pire que de voir tout le monde fixer l'écran ou se regarder les uns les autres.
Nous allons commencer par M. Arnold pour six minutes ou moins.
Je signale que le M. Reynolds doit s'arrêter à 13 heures exactement, alors si vous avez des questions à lui poser, il serait bon de le faire avant cette heure.
Nous avons M. Arnold, pour six minutes ou moins. Allez‑y, monsieur.
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Je vous remercie de cette question.
J'ai couvert la plupart de mes points dans ma déclaration. Je suppose que je me concentre sur les cas où nous avons entendu parler de données scientifiques provenant des scientifiques du MPO eux-mêmes, que ce soit dans le cadre d'un processus du Secrétariat canadien des avis scientifiques, le SCAS, ou d'une communication interne des données scientifiques, et où les données scientifiques ne sont pas prises en compte dans les décisions de gestion.
Nous avons entendu différents exemples de la façon dont, à diverses étapes, il peut y avoir un blocage de l'information. Je pense que c'est là que le Comité doit se concentrer: s'assurer que l'information scientifique puisse parvenir aux décideurs sans ce blocage.
Je laisse du temps à M. Korman.
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Eh bien, il y a eu des recherches importantes depuis cette époque, et vous en avez entendu parler dans le témoignage de Kristi Miller‑Saunders et d'autres. Je pense qu'il y a eu des progrès.
Le problème, c'est que les questions auxquelles ils essaient de répondre sont très difficiles, de sorte qu'en injectant plus d'argent, et même en faisant de la recherche de pointe, il sera très difficile d'établir en fin de compte comment la maladie se transmet des élevages aux poissons sauvages, et comment cela se traduit dans la survie et, en fin de compte, dans les retours de saumon. C'est une question très difficile.
Je pense que des progrès ont été réalisés, mais manifestement pas assez pour prendre des décisions solides et fondées sur des données scientifiques concernant les fermes. Il y a beaucoup d'incertitude quant à leur impact à ce stade. Je crois que cette incertitude va demeurer pendant un certain temps en raison du défi que représentent les questions en cause, malgré la qualité des recherches qui sont effectuées.
J'ai une question pour M. Reynolds.
Dans des études antérieures, il a été mentionné que vous pourriez prendre tous les scientifiques en cause ici les uns après les autres et ils n'arriveraient jamais à une conclusion.
C'est une question cruciale, car nous devons savoir, de votre point de vue, quel type de conseils il est possible de donner à un ministre. Avec toutes les incertitudes et toutes les inconnues, qu'est‑ce qu'un ministre pourrait entendre de la science? Dans le processus décisionnel, s'agirait‑il de lui remettre simplement les données ou de lui faire des recommandations? Qu'est‑ce que cela serait, ou pourrait être, compte tenu de tous les facteurs avec lesquels les scientifiques doivent composer?
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Dans des cas comme celui‑ci, je pense qu'il y a deux choses qui peuvent aider.
La première est que l'on peut adopter le principe de précaution. S'il semble qu'il pourrait y avoir un problème, le principe de précaution veut que l'on suppose qu'il y en a un. Cela ne signifie pas qu'il faut tout arrêter forcément. La recommandation présentée au ministre n'irait peut-être pas aussi loin s'il y a tant d'incertitude qu'il faut se tourner vers le principe de précaution. Nous savons bien que nous ne devrions pas l'utiliser comme une raison pour ne pas agir.
L'autre façon d'aborder la question, cependant, est d'examiner le poids des preuves. Nous le faisons tout le temps dans le domaine des sciences. On peut essayer de rejeter une étude individuelle en disant qu'il ne s'agit que d'une corrélation, par exemple, mais au bout du compte, le nombre d'études de chercheurs indépendants qui vont toutes dans le même sens pourrait devenir écrasant. Le conseil au ministre pourrait être le suivant: « Il y a de l'incertitude dans un problème complexe, mais le poids de la preuve pointe vers ceci, et, par conséquent, voici les possibilités. »
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Je suis entièrement d'accord avec vous.
Je reviens à la question du hareng et du maquereau. En ce moment, nous entendons parler de toutes sortes de drames humains sur le terrain. Je pense que le ministère des Pêches et Océans aurait peut-être avantage à tenir compte non seulement des stocks de poissons, mais aussi de l'humain dans l'exercice des pêches.
Ce serait donc une recommandation prioritaire pour vous, si je comprends bien.
L'autre recommandation serait qu'on équipe davantage les scientifiques d'équipement de base, c'est-à-dire de meilleurs bateaux pour naviguer sur l'Arctique, entre autres. Vous avez aussi souligné cet élément, qui m'intéresse particulièrement.
Pourriez-vous expliquer davantage les lacunes qui existent en ce moment?
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Nous avons beaucoup parlé aujourd'hui d'espèces comme le saumon ou la morue franche, qui sont des espèces sur lesquelles nous avons énormément de données. De grands programmes de recherche existent sur ces espèces, depuis longtemps, parce qu'elles valent cher et elles sont importantes culturellement et économiquement.
Dans l'Est du Canada, les espèces fourragères sont un bon exemple. Il y a de nombreux stocks dont on ne connaît même pas l'abondance. Pour connaître l'abondance d'une espèce fourragère hauturière, on ne peut pas faire autrement que de développer des relevés avec des moyens majeurs. On parle, par exemple, de surveillance acoustique des pêches. On a besoin de navires pour mener à bien cette initiative.
Présentement, la flotte de la Garde côtière est entièrement utilisée pour les relevés existants. Elle est monopolisée. On a de la difficulté à faire réparer les navires lorsqu'il y a des bris, parce qu'on en a toujours besoin. Il y a donc vraiment un problème de ce côté. Si on veut offrir un meilleur conseil scientifique avec une approche écosystémique à la gestion, mais qu'il y a un manque de certaines composantes cruciales de l'écosystème comme les espèces fourragères, on aura de la difficulté à y arriver. Comme on l'a déjà mentionné, on risque de baigner dans l'incertitude. Or, plus il y a d'incertitude, plus on risque de faire des erreurs de gestion.
Je recommande d'étudier des façons d'augmenter la capacité en mer du ministère des Pêches et Océans.
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C'est bien certain que les gens qui connaissent bien la région du sud du golfe du Saint-Laurent savent que la population de phoques gris a beaucoup augmenté. C'est vraiment le principal prédateur présentement dans le système. C'est l'une des grandes raisons pour lesquelles les stocks de poissons de fond et certains stocks de poissons pélagiques vont mal.
Cependant, il ne faut pas oublier les activités de la pêche. On parlait du maquereau, tout à l'heure. C'est un exemple que je connais bien parce que j'ai rédigé ma thèse sur le maquereau à l'époque où les stocks n'étaient pas encore menacés. Depuis au moins une dizaine d'années, les rapports d'évaluation de stocks de Pêches et Océans Canada mentionnent que la pression de la pêche du maquereau est trop forte. Dans les derniers rapports, on parle même de surpêche et on a mis beaucoup de temps avant qu'on en arrive à fermer cette pêche.
Tout à l'heure, on a parlé du modèle indépendant dont M. Reynolds a fait une excellente description. Il faut en arriver à une gestion qui serait plus représentative de la situation actuelle et arrêter de repousser le problème vers l'avant. Cela a fait que, cette année, soudainement, on a arrêté la pêche au maquereau, sans avertissement. C'était la bonne décision à prendre vu l'état du stock, mais je pense qu'il aurait fallu suspendre la pêche au maquereau ou la limiter grandement bien avant.
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Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins d'être ici aujourd'hui, tant en présentiel que virtuellement.
J'aimerais poser ma première question à M. Mordecai. Cela fait maintenant environ un an et demi, je crois, que la ministre précédente, Bernadette Jordan, a décidé de fermer les piscicultures des îles Discovery.
Je sais qu'il y a eu des recherches depuis, en particulier votre article intitulé « Aquaculture mediates global transmission of a viral pathogen to wild salmon », ainsi qu'un article récent de Kelly Batemen.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les recherches que vous avez menées? Je suis curieuse de savoir si, à votre avis, les décisions prises actuellement reposent sur les données scientifiques les plus récentes.
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Je résumerais la science en disant que nous savons que des pathogènes comme le réovirus pisciaire, le RVP, et le
Tenacibaculum sont très courants dans les élevages; nous savons qu'ils sont transmis des fermes piscicoles aux poissons sauvages; et nous commençons à comprendre que dans certains cas — par exemple, avec le RVP, c'est très clair —, ils sont liés à la maladie.
Dans un article plus récent, qui classait tous les différents agents pathogènes et tentait de déterminer si ces agents avaient une incidence sur la survie du saumon coho ou sur son état physique — c'est‑à‑dire sur la santé du poisson —, les deux agents pathogènes que nous avons étudiés sont arrivés en tête: le Tenacibaculum et le RVP, les deux agents pathogènes les plus étroitement liés à la pisciculture.
Je pense que la science montre de plus en plus clairement qu'il y a une incidence, et nous pouvons commencer à étudier cette incidence sur les populations.
La deuxième partie de votre question portait sur le processus d'examen scientifique. J'ai constaté que, depuis la publication de l'article que vous avez mentionné sur le RVP, ces résultats ne sont pas pris en compte. Je ne vois aucune preuve qu'ils sont utilisés dans les travaux scientifiques. Il n'y a pas eu de processus officiel d'examen, et il n'y a pas beaucoup de transparence dans ce qui se passe à l'interne.
Ce que je peux vous dire, c'est que pour un virus comme le RVP et tous les liens avec la maladie que j'ai décrits, le MPO ne le considère toujours pas comme un agent pathogène. Il prend donc des décisions, parfois à l'interne, qui vont à l'encontre du consensus international sur les agents pathogènes comme le RVP.
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Oui. J'aimerais moi aussi revenir sur le dernier commentaire et dire simplement qu'une relation de cause à effet n'est pas nécessaire pour prendre des mesures de précaution.
Ce que vous avez demandé est vrai. À l'échelle internationale, des processus d'examen scientifique intègrent des avis scientifiques indépendants dans la gestion des pêches. Nous voyons des exemples aux États-Unis, dans l'Union européenne, en Australie et en Nouvelle-Zélande, qui comportent cet aspect d'indépendance.
Je dirais que le Canada accuse un retard à l'échelle internationale sous ce rapport. Évidemment, tous ces processus ne sont pas forcément à l'abri de l'ingérence politique, mais la présence d'un organisme indépendant est au moins un pas dans la bonne direction. S'il y a une certaine transparence dans la prise de décisions, il est beaucoup plus facile pour d'autres chercheurs externes d'examiner le processus décisionnel.
En Europe, des groupes d'experts nommés par une commission indépendante pour trois ans donnent des avis scientifiques sur la gestion des pêches. Je pense que cela ressemble au genre d'exemple que M. Reynolds a cité en parlant du COSEPAC.
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Ce serait formidable. Je vous remercie.
Ma prochaine question s'adresse à M. Robert. Vous avez mentionné que la qualité varie d'une espèce à une autre, surtout en ce qui concerne ce que vous avez l'habitude de voir dans le Canada atlantique et les recherches en cours. J'aimerais aborder deux ou trois problèmes.
Lorsqu'il s'agit de poissons pélagiques, il est évidemment très utile d'avoir un sondage acoustique complet de la biomasse. Le moment où vous le faites et la température de l'eau à ce moment, ou la biomasse reproductrice, sont des facteurs très importants. Nous n'avons pas de sondage acoustique pour un certain nombre d'espèces importantes, comme le maquereau de l'Atlantique, dont le ministère vient d'interdire la pêche. L'examen des données scientifiques provenant de l'échantillonnage reproductif effectué par le MPO au cours de la dernière décennie a montré qu'il s'agit en fait d'une eau à 8 °C dans le golfe du Saint-Laurent et non de 10 à 13 °C, une température nécessaire pour le frai. Cela sous-estime la taille potentielle de la biomasse.
Qu'en pensez-vous? Est‑ce que c'est l'un des domaines dans lesquels nous sommes un peu à court en ce qui concerne la qualité des données scientifiques sur l'espèce?
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Merci, monsieur Robert.
Dans le même ordre d'idées, je suis préoccupé par la gestion des stocks de poisson en ce qui concerne les pêcheurs, les travailleurs et les collectivités, car ils dépendent de la prise des bonnes décisions par le gouvernement, par le MPO.
Quelles recommandations nous feriez-vous pour que le gouvernement règle le conflit entre les pêches, les observations locales et les données scientifiques du MPO?
Comme vous venez de le dire, la décision a été mal accueillie, mais d'après les données scientifiques indépendantes que vous avez examinées, le ministère a pris une décision prudente pour la durabilité à long terme de la ressource dont dépendent nos collectivités et nos pêcheurs.
Pouvez-vous commenter?
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Je vous remercie de cette question, car j'aimerais vous parler d'une expérience que nous avons vécue avec le MPO.
Après la publication du rapport de Baum et Fuller intitulé « Canada's Marine Fisheries: Status, Recovery Potential and Pathways » en 2016, les chercheurs du bureau régional du Pacifique du MPO ont collaboré avec nous. Nous avons en fait créé ce que nous avons appelé un « système de rapports scientifiques sur les pêches » qui donne suite aux recommandations formulées dans ce rapport et à certains commentaires que d'autres témoins ont faits ici. En réalité, il fournit des renseignements scientifiques, des données sur la trajectoire des espèces, la valeur économique, les espèces abondantes, les renseignements sur le cycle de vie, la géographie, etc. Il établit aussi des liens avec toutes les données ouvertes, tant au sein du gouvernement fédéral que dans les publications universitaires.
Nous l'avons créé. Parce que nous sommes une entreprise de mégadonnées, nous avons pu mettre cet outil au point. Nous en étions à la phase trois et il n'y a pas eu de mouvement depuis 2018. Nous le voyons comme un outil national qui pourrait commencer à permettre cette transparence. Il commencerait à ressembler à ce que la NOAA américaine fait dans son service des pêches. Ils ont en fait une diffusion très ouverte et transparente de données pour toutes les espèces, appelée Stock SMART. Cela nous permettrait à tous de disposer de cette information, y compris sur le manque de données d'évaluation qui a elle aussi été évoquée ici.
Je pense que cela pourrait être une voie à suivre. Nous serions heureux de travailler à nouveau avec les scientifiques de Pêches et Océans Canada dans tout le pays pour faire progresser cet outil, pour assurer cette transparence, afin que tout le monde saisisse les lacunes dans cette information et les risques que nous courons en prenant ces décisions, tant du côté des sciences sociales que des sciences pures.
Je voudrais aborder aussi le commentaire sur la possibilité de faire participer les pêcheurs eux-mêmes. Il y a un modèle aux États‑Unis appelé Sea Grant qui, en fait, finance à l'échelle régionale les intérêts des pêcheurs, c'est‑à‑dire les travaux scientifiques dont ils ont besoin pour les aider à accroître leurs retombées économiques. Ce pourrait être un modèle à envisager.
Enfin, j'aimerais commenter le fait que nous n'aurons pas beaucoup de navires pour saisir un grand nombre de ces données en haute mer et dans certaines zones côtières et que nous ne faisons pas de progrès dans l'étude de systèmes, de véhicules de surface autonomes, parce que nous ne pouvons plus nous permettre d'exploiter ces navires avec des personnes à bord. C'est l'avenir et ce domaine a évolué au cours des trois dernières années. De nombreuses publications traitent de la façon dont ces véhicules autonomes servent maintenant à l'évaluation des stocks et à la compréhension de l'évolution des espèces en fonction des changements climatiques.
Je vous remercie.
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Je peux tenter de répondre à votre question.
Selon les faits dont nous disposons sur les pinnipèdes de la mer de Salish, leur nombre a augmenté depuis le début des années 1970. Il y avait peut-être quelques milliers de phoques communs, par exemple, et aujourd'hui, il y en a peut-être plus de 40 000. Il y a eu une très forte augmentation.
Cette augmentation s'est produite parallèlement à celle de nombreux autres mammifères marins de la Colombie‑Britannique, comme les épaulards, les lions de mer, les loutres de mer et la baleine à bosse. L'épaulard de Bigg ou les migrateurs de la côte Ouest sont aussi des prédateurs de pinnipèdes, ce qui explique la forte augmentation des individus dans ces groupes.
Vous avez mentionné qu'ils s'attaquent au saumon. Nous savons que les saumons cohos et quinnats juvéniles représentent de 1 % à peut-être 6 % du régime alimentaire du phoque commun. Il y a là un degré d'incertitude. Pour les pinnipèdes de la Colombie‑Britannique, contrairement à la plupart des prédateurs, nous avons une bonne série chronologique de longue durée sur leurs populations.
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Merci beaucoup, monsieur Hanley, de m'avoir cédé un peu de votre temps.
Avec deux minutes et demie, je vais essayer de poser deux questions à deux témoins différents, alors croisons-nous les doigts.
Tout d'abord, madame Moran, les preuves et les recommandations que vous nous avez présentées, en vous appuyant sur votre expérience à la Maison Blanche, comprenaient la suggestion que nous examinions ce que nous pourrions faire de mieux à propos de notre littéral océanique le plus négligé et de l'océan dans l'Arctique. M. Robert a aussi mentionné que les lacunes en matière de données pour les pêcheries de l'Arctique sont assez importantes.
Brièvement, pourriez-vous nous donner un peu plus de détail sur ce que le gouvernement fédéral devrait faire en ce qui concerne l'Arctique, à votre avis?
Mesdames et messieurs, j'ai eu la chance de visiter fréquemment Ocean Networks Canada et c'est hallucinant de voir ce que leur équipement peut faire en matière de détection au fond de l'océan.
Ma question pour M. Mordecai porte sur son commentaire selon lequel un problème de conflit d'intérêts supprime la science au MPO, surtout en ce qui concerne l'orthoréovirus pisciaire et le pou de mer. Nous avons aussi entendu des preuves de suppression de la science concernant la truite arc‑en‑ciel anadrome du Fraser intérieur.
Monsieur Mordecai, vous n'êtes peut-être pas en mesure de faire des hypothèses sur ce sujet, mais que diable, quelle serait la nature du conflit d'intérêts au sein du Ministère qui est censé protéger nos pêches et notre littoral et qui finit par opter pour un processus de fabrication de preuves fondées sur des décisions au lieu de ce que nous voulons, un processus décisionnel fondé sur les preuves?
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Vous avez légèrement dépassé votre temps de parole, mais nous ne vous en tiendrons pas rigueur aujourd'hui.
Nous devons maintenant clore la séance car, bien sûr, M. Zimmer nous a remis un avis de motion que nous devons examiner.
Nous allons remercier nos témoins pour leur participation éclairée au Comité. Ces témoignages et ces renseignements ont été absolument fantastiques. C'était très bien, y compris la partie sur les phoques et le pou de mer.
Je vais donner à nos témoins un moment pour se déconnecter et nous allons passer aux travaux du Comité pour examiner la motion de M. Zimmer.
Je pense que tout le monde s'est déconnecté, monsieur Zimmer, mais je dirai dès le départ qu'étant donné que votre avis de motion n'était pas le sujet du jour…
J'espère que vous avez vu la motion. Nous l'avons envoyée la semaine dernière. Je vais simplement la lire:
Que le Comité demande au directeur parlementaire du budget de préparer une recherche et une analyse comparative des budgets des dépenses pour le ministère des Pêches et des Océans commençant au moins dès 2015‑2016 à 2022‑2023, et que le Comité demande que cette recherche et cette analyse comparative soient soumises au Comité dans un délai de 60 jours à la suite de l'adoption de cette motion.
En fait, l'essentiel de cette motion, mesdames et messieurs, correspond à la pratique habituelle de mon bureau. Nous rencontrons le DPB, surtout dans mon rôle de porte-parole — je suis le porte-parole pour d'autres dossiers — et nous avons simplement une petite conversation avec le DPB. Nous avions posé quelques questions à propos de Pêches et Océans, en ce sens que cette analyse comparative n'a pas été faite, et que je devais venir au Comité simplement pour demander qu'ils fassent leur travail à ce sujet.
Je ne pense pas qu'il y ait là quoi que ce soit qui puisse préoccuper l'un d'entre vous, si ce n'est que de jeter simplement un coup d'oeil sur la nature des dépenses.
Je pense que Mme Barron voulait faire un commentaire, par l'entremise de la présidence.
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Nous avons tous entendu l'amendement et son explication.
Je sais que nous sommes très pressés par le temps pour l'adopter. Je ne vois pas de mains levées pour poursuivre la discussion.
Pouvons-nous voter sur l'amendement, s'il vous plaît? À moins qu'il ne puisse être adopté à l'unanimité, ou avec dissidence, ou...
Tous les pouces sont levés.
(L'amendement est adopté.)
(La motion amendée est adoptée.)
Le président: Les deux sont adoptés à l'unanimité. Excellent. Si cela pouvait être aussi facile pour tous les votes.
Une voix: C'est grâce au président.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Oh, certainement.
Allez‑y, monsieur Arnold.