Bienvenue à la réunion no 67 du Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes. Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 20 juin 2022, le Comité reprend son étude de la propriété étrangère et de la concentration des permis de pêche et des quotas aux mains de certaines entreprises. La réunion se déroulera en format hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 juin 2022.
Avant de passer aux délibérations, je vous rappelle que vous devez adresser vos commentaires à la présidence.
Accueillons à présent le premier groupe de témoins.
Nous avons Mme Tasha Sutcliffe, conseillère principale en politique pour le programme des pêches à Ecotrust Canada. Ensuite, de la United Fishermen and Allied Workers' Union, nous recevons M. Kyle Louis, vice-président, et Emily Orr, déléguée syndicale.
Je vous remercie d'être venus comparaître aujourd'hui. Chaque groupe disposera de cinq minutes pour sa déclaration liminaire.
J'inviterais Mme Sutcliffe à prononcer sa déclaration.
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Merci de m'avoir invitée à témoigner devant le Comité.
Je suis une entrepreneuse indépendante, mais je comparais aujourd'hui à titre de conseillère principale en politique à Ecotrust Canada. Je travaille aussi avec les Premières Nations côtières pour soutenir le développement de la pêche communautaire. Le concept de pêche communautaire est un élément clé de l'Accord de réconciliation sur les ressources halieutiques dont vous a parlé lundi M. Kariya.
Moi qui soutiens les pêcheurs et les communautés de pêcheurs depuis 27 ans, je suis d'avis que la gestion des pêches comme ressource renouvelable peut très bien se faire en fonction d'objectifs environnementaux, sociaux, culturels et économiques. Le principal obstacle qui nous empêche d'y arriver est la politique sur les permis.
C'est la troisième fois que je témoigne sur le sujet. Mon premier témoignage a eu lieu au début de 2019. Je remercie le Comité de poursuivre son étude sur la question et de continuer à soutenir les peuples et les communautés côtières.
En préparation à ma comparution d'aujourd'hui, j'ai relu les rapports sur les permis. Je me suis demandé pourquoi nous devions encore démontrer au gouvernement l'existence de propriété étrangère et de concentration des permis et des quotas aux mains de certaines entreprises dans le secteur des pêches de la Colombie-Britannique. Nous savons que ces deux phénomènes existent. Le sujet fait couler beaucoup d'encre. Nous savons que des entreprises sont liées à des sociétés mères étrangères et que des multinationales continuent, encore aujourd'hui, à acheter de petits exploitants locaux pour consolider et contrôler l'approvisionnement. Nous savons également que des acheteurs étrangers effectuent des opérations en espèces pour éviter l'impôt ou commettre des infractions encore pires et que des permis et des installations de déchargement appartiennent à des intérêts étrangers, dont certains sont liés à des groupes connus pour leurs activités de blanchiment d'argent, comme les Big Circle Boys. Nous sommes au courant également de l'intégration verticale des chaînes d'approvisionnement, du contrôle collusoire des marchés sans aucune transparence, ainsi que des chèques en blanc remis à des courtiers pour que ceux-ci surenchérissent sur les opérateurs locaux qui tentent d'intégrer le circuit.
Nous connaissons ces phénomènes, et plus encore. Nous en voyons des preuves tangibles et savons que les personnes qui travaillent dans l'industrie se taisent par crainte de représailles.
Le plus problématique, c'est de ne pas savoir qui sont les titulaires de permis et des quotas en Colombie-Britannique. Nous ne savons pas d'où viennent les titulaires, car n'importe qui peut acheter un permis ou un quota ou encore signer une entente pour déléguer à un tiers, moyennant n'importe quelle somme, l'utilisation des droits conférés par le permis et le quota. Ces renseignements ne sont pas conservés. Nous ne savons pas vraiment qui empoche les retombées de l'accès aux pêches en Colombie-Britannique. L'enquête sur les bénéficiaires effectifs ne nous fournira aucune réponse à ce chapitre, car elle ne demande pas aux titulaires de permis s'ils sont les propriétaires dudit permis. En Colombie-Britannique, les titulaires de permis en sont rarement les propriétaires.
Le MPO a exposé les mesures de protection contre la propriété étrangère mises en place dans le Canada atlantique. La Colombie-Britannique n'établit aucune limite pour les transformateurs, les intérêts étrangers ou les entreprises qui veulent devenir propriétaires de permis. La province n'a même pas essayé de mettre de l'ordre dans le fouillis que constitue le suivi de la propriété des quotas.
Aujourd'hui, je veux souligner que le nœud du problème n'est pas la propriété étrangère ou la concentration des permis aux mains de certaines entreprises. Je ne souhaite surtout pas alimenter la discrimination envers les Asiatiques ou envers tout autre groupe. Je veux au premier chef m'assurer que l'industrie de la pêche fonctionne comme elle le devrait et que ses retombées reviennent aux pêcheurs en mer et aux communautés côtières. Je veux redonner aux Premières Nations un accès aux pêches, leur permettre de revitaliser leurs flottilles et soutenir les valeurs sociales de la Colombie-Britannique et du Canada. Si le système actuel rendait déjà ces avantages accessibles aux pêcheurs, aux Premières Nations et aux communautés côtières, je ne serais pas ici à plaider pour que les choses changent.
En fait, le régime actuel nuit carrément à ces parties prenantes. Les pêcheries ferment, les bons équipages de pêche sont extrêmement difficiles à trouver, les capitaines courent des risques énormes et essaient tant bien que mal de rentabiliser leurs opérations pendant la saison. J'ajouterais que les nouveaux pêcheurs n'ont pas les moyens de s'intégrer à l'industrie. Ils se font de toute façon très rares. Nous perdons nos flottilles et les recettes tirées des poissons que nous débarquons nous glissent entre les doigts en grande partie parce que nous ne contrôlons plus l'accès.
Il faut parler des effets négatifs incontestables de la politique actuelle, qui fait que la valeur des poissons au débarquement ne se rend pas aux pêcheurs et à leur entreprise, dont la viabilité est en péril vu le manque de stabilité et sécurité.
Pourquoi? Eh bien, de plus en plus de pêcheurs qui ont leur propre entreprise louent leur accès au lieu d'en devenir les propriétaires. D'une année à l'autre, ils doivent courir des risques et prendre en charge les coûts de la pêche sans avoir de garantie en matière d'accès et de prix.
Pourquoi? Les permis et les quotas de pêche sont hors de portée, pas seulement parce que les pêcheurs ne peuvent pas obtenir les capitaux nécessaires, mais aussi parce que les revenus de la pêche de toute une vie ne leur permettraient pas de rembourser ces sommes.
Pourquoi les coûts sont-ils si élevés? Il y a plusieurs explications, à commencer par le fait qu'il n'y a pas de politique sur la séparation des flottilles ou sur les propriétaires-exploitants. N'importe qui peut acheter un permis.
Pourquoi alors certains achètent-ils un permis si le rendement du capital investi est inférieur au coût du permis? C'est parce que leurs recettes ne proviennent pas seulement du rendement du capital investi. Ceux qui sont riches, qui se trouvent plus haut dans la chaîne de valeur et qui ont accès aux marchés des pêches, ces gens-là peuvent payer plus cher pour un permis. Ceux qui contrôlent une part suffisante des approvisionnements peuvent exercer un contrôle sur la chaîne de valeur, ou pire encore, se livrent à des activités malveillantes qui rendent le permis encore plus lucratif. Cette situation se perpétue, car même les personnes qui ne veulent pas investir gros dans des droits d'accès doivent entrer dans le système pour rester concurrentielles.
Le manque de surveillance et de contrôle de l'achat et de l'exploitation des permis et des quotas de pêche en Colombie-Britannique a pour effet d'écraser notre flottille, d'éliminer les propriétaires-exploitants viables et de contraindre les petits exploitants terrestres à se regrouper et à accumuler eux-mêmes des droits d'accès à grands frais.
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Bonjour. Je m'appelle Emily Orr. Je suis la déléguée syndicale de la United Fishermen and Allied Workers' Union, ou Unifor.
J'aimerais remercier le Comité de mener cette étude extrêmement importante. Nous vous sommes très reconnaissants de vos efforts.
Comme vous le savez, dans la région du Pacifique, aucune politique sur les permis n'est établie pour restreindre l'accès aux pêches par des intérêts étrangers et pour limiter la concentration des permis et des quotas aux mains de certaines entreprises. Cette lacune a des effets sur les pêcheurs propriétaires-exploitants indépendants canadiens. Ne pouvant plus soutenir la concurrence, ces derniers sont de plus en plus forcés de quitter le secteur des pêches de la côte Ouest du Canada.
Les retombées économiques de la pêche commerciale devraient revenir aux pêcheurs et aux exploitants qui prennent les risques, ainsi qu'aux communautés côtières voisines. Les économies côtières connaissent un marasme économique, car les investisseurs étrangers récoltent impunément une part croissante de ces retombées.
L'atteinte des objectifs de réconciliation liés à l'accès aux pêches est compromise à cause de la concurrence créée par les investissements étrangers et la concentration des permis et des quotas aux mains de certaines entreprises. La sécurité alimentaire au pays est un aspect qui est sciemment négligé.
Une politique sur les propriétaires-exploitants a pourtant été établie sur la côte Est. Le Comité entendra ultérieurement M. Rick Williams, qui fera une comparaison entre la côte Est et la côte Ouest au moyen de statistiques convaincantes sur les revenus des pêcheurs et la conjoncture économique de l'industrie.
Lors de l'annonce de la politique du MPO sur la Préservation de l'indépendance de la flottille de pêche côtière dans l'Atlantique canadien en 2007, la ministre Gail Shea avait fait la déclaration suivante:
L'objectif de la politique sur la Préservation de l'indépendance de la flottille de pêche côtière dans l'Atlantique canadien est de renforcer les politiques sur le propriétaire-exploitant et sur la séparation des flottilles pour s'assurer que les pêcheurs côtiers demeurent indépendants et que les privilèges découlant des permis de pêche profitent aux pêcheurs et aux collectivités côtières.
Les objectifs de la politique établis par le MPO sont:
réaffirmer l'importance du maintien d'une flottille indépendante et rentable;
renforcer l'application des politiques sur le propriétaire-exploitant et sur la séparation des flottilles;
garantir que les privilèges découlant des permis de pêche profitent aux pêcheurs et aux collectivités côtières;
aider les pêcheurs à conserver le contrôle de leurs entreprises de pêche.
Nous voudrions établir les mêmes objectifs sur la côte Ouest. La question est de savoir pourquoi une politique sur le propriétaire-exploitant n'a pas encore été élaborée pour cette région.
Cette année, Unifor a lancé une pétition parlementaire pour demander à la ministre d'interdire immédiatement tout transfert de permis et de quotas de pêche commerciale à des intérêts étrangers ou à des bénéficiaires effectifs non canadiens. Cette pétition reprend la recommandation no 2 du rapport du Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, intitulé Les pêches sur la côte Ouest: partager les risques et les retombées, puisque le ministère n'a pris jusqu'à présent aucune mesure tangible pour y donner suite.
En 2018, la moitié des 60 millions de dollars ayant servi à l'achat de permis et de quotas avaient été dépensés par des investisseurs étrangers. Six titulaires de permis possédaient plus de cinquante permis chacun, et 1,2 % des propriétaires de quotas détenaient plus de 50 % du poids des quotas.
Le MPO a dit que l'enquête sur les bénéficiaires effectifs était une mesure prise pour répondre à ceux qui réclamaient des changements dans les politiques et que cette enquête était essentielle pour mieux comprendre l'ampleur du problème lié à la propriété étrangère et aux bénéficiaires effectifs. L'enquête visait les titulaires, et non pas les propriétaires, de permis. En fait, cette nuance sémantique invalide les résultats de l'enquête, car les concepts de titulaire de permis et de propriétaire de permis désignent deux statuts distincts. Cette distinction est au cœur du problème.
Je suis une pêcheuse de deuxième génération. Après avoir appris à naviguer toute seule et après 12 ans en mer, je n'ai pas pu acheter le permis de pêche de mes parents. Le permis a été vendu à un transformateur à Vancouver et le bateau se trouve maintenant en Alaska.
Lorsque j'étais coordinatrice des pêches pour les entreprises de pêche commerciale membres de l'Initiative des pêches commerciales intégrées du Pacifique, j'étais responsable de la délivrance des permis et des quotas pour les nations. Dix fois sur dix, les entreprises faisaient de la surenchère sur les pêcheurs indépendants, ce qui a fait augmenter de presque 50 % les prix de location de permis.
Un des pêcheurs avec qui je travaille, qui a fait cela toute sa vie, voudrait prendre sa retraite et vendre son bateau et son permis. La première offre a été faite par une société le jour même où il a mis son bateau en vente.
Un autre pêcheur avec qui je travaille pratique la pêche à la palourde royale, qui se fait en plongée dans des conditions dangereuses. Même s'il assume 100 % des risques physiques et 100 % des coûts liés à l'embarcation et à l'équipage, il ne reçoit que 22 % de la valeur au débarquement de la récolte.
Ces situations ne sont pas uniques. Elles sont plutôt devenues la norme.
Je témoigne aujourd'hui au nom des pêcheurs qui aspirent encore au statut de propriétaires-exploitants, ainsi qu'au nom des communautés côtières dont la survie dépend des pêches, des Britanno-Colombiens qui se préoccupent de la sécurité alimentaire au pays et des Canadiens, qui méritent une meilleure gestion de cette ressource halieutique qui nous appartient à tous.
Merci.
Nous passons à présent aux séries de questions. Je rappelle aux membres du Comité que nous devons absolument nous arrêter à 18 heures aujourd'hui.
Avec la permission du Comité, pour bien répartir le temps de parole, nous allons consacrer 45 minutes à chaque groupe de témoins. Au lieu de segments habituels de six minutes, de cinq minutes et de deux minutes et demie, je vais allouer quatre minutes à chaque député pour que tout le monde ait l'occasion de poser ses questions.
Si le Comité est d'accord, nous allons procéder de la sorte. Si nous n'avons pas l'unanimité, nous aurons les segments de six minutes habituels jusqu'à ce que le temps soit écoulé.
Un député: Nous sommes d'accord.
Le président: Très bien.
Monsieur Arnold, je vous laisse commencer. Vous avez quatre minutes.
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Merci, monsieur Hardie.
Il est impossible de répondre à cette question en quelques minutes. Les valeurs des communautés côtières découlent en bonne partie des communautés prospères de pêcheurs. Il y a les infrastructures qui soutiennent la santé et le bien-être des communautés côtières, notamment les ports et les quais, mais aussi les gens qui fournissent un savoir-faire comme les mécaniciens. Je pourrais en dire beaucoup également sur les valeurs sociales et culturelles liées à l'alimentation, qui sont axées — à n'en pas douter dans le cas des Premières Nations — sur la relation et la capacité d'interagir avec les ressources marines environnantes, de même que sur la compréhension et la bonne gestion de ces ressources.
Mon travail implique les compétences nécessaires pour entretenir des bateaux. Les habiletés permettant d'accéder aux aliments traditionnels sont elles aussi essentielles à l'entretien des flottilles. Je vais fournir les informations à ce sujet dans un mémoire que je vais soumettre au Comité, car il me faudrait bien plus que les quelques minutes qui me restent pour bien décrire la situation et y faire justice.
Je voudrais prendre une minute, si quelqu'un veut bien m'en céder une, pour mentionner que notre collègue, M. Louis, est un pêcheur commercial. Il a une expérience très pertinente à vous raconter, mais il n'a pas eu l'occasion de témoigner. Je pense qu'il a préparé quelque chose. Je serais prête à lui céder mon temps de parole et à transmettre mes réponses plus tard dans un mémoire, si c'est possible.
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Merci beaucoup, madame Desbiens.
Tout d'abord, je tiens à reconnaître que nous nous trouvons dans le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe.
Je m'appelle Kyle Louis. Je suis vice-président de la United Fishermen and Allied Workers' Union, ou Unifor. Je suis également un pêcheur.
J'aimerais remercier le Comité pour le temps et les efforts qu'il consacre à cette étude sur l'industrie de la pêche, dont l'importance n'est plus à discuter.
Je suis un pêcheur de quatrième génération. Selon moi, la propriété étrangère et l'absence de politiques sur les propriétaires-exploitants ont des effets palpables. Ma présence parmi vous aujourd'hui en dit long. L'ouverture de la pêche à la crevette aura lieu dans quatre jours en Colombie-Britannique et je n'ai toujours pas de permis.
Au cas où vous vous demanderiez pourquoi j'en suis là, je vais vous brosser un tableau de la situation que certains pêcheurs, dont moi, doivent affronter.
J'ai contracté un prêt pour modifier mon bateau afin de l'adapter à la pêche à la crevette et au saumon. J'ai fait une demande de permis au moyen d'un processus qui me permettait de présenter une autre soumission si quelqu'un surenchérissait. Une soumission de 140 % supérieure à la mienne a été présentée. En outre, le soumissionnaire était un investisseur étranger qui, soudainement, avait décidé d'acquérir le plus de permis et de produits possible.
Le permis en question faisait partie du programme Initiative des pêches commerciales intégrées du Nord, qui a été mis sur pied pour accroître les capacités autochtones dans le secteur de la pêche commerciale. Malheureusement, aucune politique du MPO ne garantit aux pêcheurs commerciaux autochtones un accès prioritaire à des prix de location raisonnables. Les personnes comme moi qui ne sont pas en mesure de faire concurrence aux gros joueurs pour la location de permis doivent donc se faire financer par des sociétés au taux de location et finissent par consacrer la majeure partie de la valeur de leurs prises au remboursement de ces sommes.
Il me faut concurrencer ces entreprises pour acheter mon permis, ce que je ne suis pas en mesure de faire. La location est ma seule option. Les coûts de fonctionnement d'une entreprise de pêche commerciale sont élevés. La plupart de ces coûts et des risques financiers doivent en outre être payés à l'avance. Une entreprise n'est pas viable financièrement si son propriétaire rapporte à la maison seulement 20 % de la valeur de ses prises avant impôt.
Je vous ai livré un aperçu des difficultés que doivent surmonter bon nombre de pêcheurs indépendants de la Colombie-Britannique, dont moi.
Je vous remercie encore de votre temps et de l'attention que vous portez à ces questions.
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Encore une fois, je pense qu'il faut établir une distinction entre la notion d'investissements étrangers et la notion de propriété étrangère et de contrôle de l'accès aux pêches, car ce sont deux choses totalement différentes qui n'ont pas du tout les mêmes répercussions.
En Colombie-Britannique, des entreprises rattachées à des investissements étrangers ou à des propriétaires étrangers sont de très bonnes joueuses et partenaires de l'industrie des pêches. Je dirais même qu'elles sont de bonnes citoyennes dans les communautés où elles mènent leurs activités. Par contre, d'autres cas sont moins reluisants. Cela dépend vraiment du modèle d'entreprise.
Le problème en ce moment, c'est que ces investissements faits par de grandes sociétés pénètrent dans l'industrie et prennent le contrôle de l'accès aux ressources et de toute la chaîne d'approvisionnement sous forme d'intégration verticale. L'argent qui reste dans les communautés ne laisse à ces dernières que peu de possibilités de croissance et peu de latitude pour innover sur le plan de l'utilisation des ressources. La situation est néfaste non seulement en Colombie-Britannique, mais partout où ces conditions existent.
Je ne veux pas dire que... Je ne dis pas qu'il faut écarter les entreprises, les investissements et les investissements étrangers, car tout cela crée également de belles occasions. Je pense seulement qu'il faut examiner la politique pour déterminer quels sont ses effets les plus délétères.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins d'être ici aujourd'hui.
Madame Sutcliffe, madame Orr, monsieur Louis, je suis heureuse de vous voir tous les trois. J'aurais aimé que vous soyez ici en personne, mais je vous remercie de vous être joints à nous.
Madame Sutcliffe, ma première question est pour vous.
Je me demande si vous pouvez en dire plus long à ce sujet. Nous avons tous entendu le ministère des Pêches et des Océans dire que la Colombie-Britannique est nécessairement différente de la côte Est puisque l'élaboration de la politique repose sur des objectifs de conservation. Je me demande si vous pouvez en dire plus à ce sujet et quelle est votre réponse à cette affirmation.
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Oui, et merci de poser la question.
Je dois dire que très peu de choses me frustrent plus que cette affirmation que nous entendons sans cesse, à l'exception peut-être de l'analogie d'une omelette.
Je pense que nous ne devons pas oublier que le problème que nous avons à propos du contrôle de l'accès à nos ressources halieutiques ne change rien à notre capacité d'atteindre nos objectifs de conservation. Nous ne parlons même pas de la souplesse qui pourrait être nécessaire à certains endroits pour que les pêcheurs puissent faire des échanges entre eux, pour répondre par exemple aux besoins relatifs aux prises accessoires. Nous parlons des personnes qui détiennent et contrôlent les permis et les quotas. On peut encore établir des limites et des contrôles en ce qui a trait aux permis et aux quotas, atteindre tous ces objectifs de conservation et offrir toute la souplesse nécessaire relativement aux échanges de prises accessoires et pour toutes les autres choses dont les gens parlent, comme l'utilisation d'excellents systèmes de surveillance.
Il n'est pas nécessaire de toucher à la moindre de ces choses lorsque nous affirmons ne pas vouloir de concentration des entreprises en matière de permis et de quotas. C'est une fausse dichotomie, et j'espère vraiment que les gens du ministère vont cesser de tenir ces propos.
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En effet. Je pense que c'est une solution complexe que nous devons envisager.
Premièrement, il faut mettre fin à la propriété étrangère. Deuxièmement, il faut séparer les flottilles. Troisièmement, il faut élaborer une politique du propriétaire-exploitant.
Sur la côte Est, on a accordé sept années pour faire la transition. C'était entre 2007 et 2014. Ces sept années devaient donner aux investisseurs le temps nécessaire pour céder leurs permis.
Nous pensons qu'il y a deux manières différentes de procéder. Le gouvernement, c'est‑à‑dire le ministère de Pêches et des Océans, pourrait peut-être récupérer ces permis afin de les redistribuer à des propriétaires-exploitants indépendants. L'autre modèle est une sorte de marché ouvert: les permis seraient revendus par les personnes qui les possèdent à des propriétaires-exploitants indépendants comme on le fait actuellement, mais d'ici une date butoir afin de permettre aux pêcheurs de salon de céder leur permis.
Je pense qu'une commission provinciale des prêts serait très utile à cette fin en Colombie-Britannique. La Colombie-Britannique et l'Alberta sont les seules provinces à ne pas en avoir une au Canada. Ce genre de programme de prêts, à l'échelle provinciale, aide les propriétaires-exploitants de la côte Est à prendre de l'expansion. Ils se procurent alors des permis ou ils achètent des navires, ou ils mettent à niveau les leurs. Ce type de programme aiderait les propriétaires-exploitants de la côte Ouest à obtenir les permis dont on se serait défaits.
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Je vous souhaite de nouveau la bienvenue.
Nous allons maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins pour la deuxième heure.
Nous avons Jennifer Silver, professeure associée à l'Université de Guelph, qui comparaît à titre personnel.
Le représentant du Conseil canadien des pêches — bien entendu, et il n'en est pas à sa première comparution devant le Comité — est Paul Lansbergen, le président.
Le représentant du Nuu-chah-nulth Seafood Limited Partnership est Andrew Olson, qui est directeur général.
Vous avez exactement cinq minutes chacun pour faire vos déclarations liminaires.
Nous allons commencer par Mme Silver, s'il vous plaît.
Je suis très heureuse que vous m'ayez invitée à témoigner ici. Merci beaucoup.
Cet important sujet d'actualité renvoie à une question urgente: qui tire profit des ressources halieutiques de notre zone économique exclusive, qui sont culturellement importantes, nutritives et d'une grande valeur économique?
En 2019, j'ai parlé au Comité permanent des pêches et des océans de mes recherches sur la délivrance de permis sur la côte Ouest. Aujourd'hui, je vais aborder certains éléments pertinents de ces travaux qui attestent effectivement d'une concentration dans ce secteur. Je prendrai ensuite les deux dernières minutes de mon temps de parole pour résumer quelques arguments tirés de publications savantes qui démontrent pourquoi l'accès à la pêche et les avantages qui en découlent doivent être systématiquement pris en compte par les systèmes de gestion dirigés par l'État, tels que celui que nous avons au Canada.
En ce qui concerne la recherche sur la côte Ouest, il convient d'abord de noter — et cela fait maintenant l'objet d'un examen à ce stade‑ci, comme on vous l'a dit à la première partie de la réunion — que les entreprises de pêche peuvent enregistrer et détenir de nombreux permis et différents types de quotas. Les titulaires de permis peuvent ensuite participer à diverses pêches ou générer des revenus en louant une partie ou la totalité de leurs permis et de leurs quotas à d'autres. Les permis et les quotas de la côte Ouest peuvent être très coûteux.
L'étude a recensé tous les permis de la côte Ouest enregistrés en 2019 — donc en une seule année — ainsi que leurs titulaires et le nombre de permis détenus par chacun. Les données relatives aux détenteurs de permis et à la nature des permis proviennent d'une feuille de calcul accessible au public. Ma recherche porte uniquement sur de l'information accessible au public. Bien que cette feuille puisse être téléchargée gratuitement, la tâche s'est rapidement compliquée, car la feuille comporte des centaines de milliers de lignes et de nombreuses colonnes. Pour dénombrer les détenteurs de permis en fonction des types de permis, nous avons mis au point un code informatique qui extrait automatiquement les données et les met en correspondance.
Pour ce qui est de l'année 2019, nous avons compté 6 563 permis enregistrés par 2 377 titulaires uniques. Il y avait effectivement une poignée de portefeuilles — à vrai dire, 38 — qui détenaient 20 permis ou plus, et six qui en détenaient 50 ou plus. Ensemble, les 38 portefeuilles — les particuliers, les entreprises et ainsi de suite — contrôlaient 26 % de tous les permis de la côte Ouest en 2019. Il y avait 1 357 portefeuilles qui détenaient un seul permis et 499 qui en détenaient seulement deux. Globalement, ces portefeuilles contrôlaient 36 % de tous les permis.
Comme vous l'avez maintenant entendu un certain nombre de fois, contrairement à la politique de la région atlantique, qui encadre et soutient une flotte côtière de propriétaires exploitants, il n'existe aucune distinction de ce type dans la région du Pacifique et il n'y a aucune limite à ce qu'une entité détentrice peut détenir, qu'il s'agisse d'un pêcheur, d'un transformateur ou d'un investisseur spéculatif. En outre, la détention de permis, les accords de location et d'autres types d'accords économiques ne sont pas pris en compte dans le contexte de l'évaluation de la pêche ou au regard d'un quelconque objectif socioéconomique. En ce sens, il est juste de dire que l'accès et la répartition des bénéfices de la pêche dans le Pacifique sont laissés aux forces du marché.
Je voudrais, pendant la dernière ou les deux dernières minutes de mon temps de parole, parler de la recherche en matière de sciences halieutiques et de politique marine au Canada et dans d'autres pays ayant un historique et des systèmes de gestion des pêches similaires. Ces points sont pertinents au‑delà de la région du Pacifique, notamment en ce qui concerne les investissements étrangers et spéculatifs.
Premièrement, la propriété et le financement étrangers façonnent la pêche industrielle et les chaînes de valeur des produits de la mer. Une métaétude mondiale publiée en 2016 a mis en évidence la portée internationale d'une petite poignée d'entreprises transnationales privées et leur importance disproportionnée. L'étude estime qu'un groupe de 13 entreprises transnationales détenait de 11 à 13 % de l'ensemble des prises marines et de 19 à 40 % des prises des stocks les plus importants et les plus précieux. Elles possédaient et géraient toutes de nombreuses filiales. Environ six d'entre elles en possédaient au moins 100. Les auteurs de cette étude ont souligné que ces entreprises sont grandes et puissantes, que leurs activités commerciales englobent généralement de nombreux nœuds dans les chaînes de valeur des produits de la mer, et qu'elles procèdent fréquemment à des « fusions stratégiques avec les principaux détenteurs de marchés ou de quotas en effectuant des acquisitions directes ».
Deuxièmement, et pour conclure, je tiens à transmettre un message optimiste qui émane des sciences halieutiques: il est tout à fait possible de reconstituer les stocks de poisson de manière à ce que, année après année, les rendements se stabilisent, voire augmentent. L'approche de l'analyse comparative fondée sur des données scientifiques joue un rôle essentiel, et les modifications apportées en 2019 à la Loi sur les pêches contribuent à intégrer la reconstitution, le suivi et l'analyse comparative dans le cadre du plan de gestion intégrée des pêches du ministère des Pêches et des Océans.
Comme votre comité le sait très bien, la reconstitution des stocks de poissons nécessite un suivi, une gestion et un travail de restauration intensifs. Les collectivités côtières autochtones et non autochtones de l'ensemble du Canada se sont mobilisées et continuent de le faire pour diriger, soutenir et mettre en œuvre ces travaux, surtout ceux qui visent à soutenir la santé et la fonction des écosystèmes.
Le gouvernement fédéral joue également un rôle de premier plan grâce au financement, à la recherche scientifique et à la prise en charge des coûts de gestion. En bref, notre pays investit et continuera d'investir dans la reconstitution des pêches. C'est la bonne voie à suivre. La science nous dit que cet investissement peut être payant pour les écosystèmes, les gens et le porte-monnaie. Mais le porte-monnaie de qui?
Cette question de politique se pose toujours. C'est pourquoi l'accès aux pêches et les bénéfices qui en découlent doivent relever directement de la gestion des pêches et des politiques en la matière, et non pas être laissés aux forces du marché.
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Bonjour. Merci, mesdames et messieurs, de m'avoir invité à m'adresser à vous aujourd'hui.
Comme beaucoup d'entre vous le savent, le Conseil canadien des pêches est l'association nationale qui représente les transformateurs d'espèces sauvages du Canada. Tous nos membres sont aussi des pêcheurs.
L'ensemble des membres du Conseil sont des entreprises privées. La plupart sont des entreprises familiales, certaines depuis plusieurs générations. D'autres sont détenues et exploitées par des communautés autochtones, et nombre d'entre elles ont pour mission de réinvestir dans leurs communautés. Quelques membres sont des entreprises ou des coopératives de transformation appartenant à des groupes de pêcheurs côtiers indépendants.
Toutes nos entreprises ont à cœur leur personnel, leurs partenaires et leurs communautés. Elles gèrent nos ressources de façon responsable. Ensemble, nous veillons au bien des ressources et à la prospérité de l'industrie.
Je devrais souligner que même nos plus grandes entreprises sont petites par comparaison avec nos concurrents mondiaux.
En règle générale, nous devrions applaudir les entrepreneurs canadiens qui travaillent fort pour démarrer leur entreprise et qui réussissent à devenir propriétaires d'une première usine de transformation du poisson, puis d'une deuxième, puis d'une troisième, et ainsi de suite.
Nous devrions aussi applaudir ceux qui réussissent à exploiter plus d'un navire. La prospérité et la possibilité de contribuer à sa communauté devraient être considérées comme des réussites dignes d'être célébrées et non comme des résultats négatifs.
Le Canada, une petite économie ouverte, a toujours eu de la difficulté à mettre en place des politiques industrielles favorisant la croissance de ses entreprises et de ses entrepreneurs. C'est un défi de taille, et les forces du marché ont tendance à évoluer beaucoup plus rapidement que les politiques gouvernementales.
Il convient de souligner que dans le secteur des pêches, la chaîne d'approvisionnement est beaucoup plus intégrée que les politiques gouvernementales nous portent à le croire. À de nombreux égards, la prospérité des transformateurs dépend de la prospérité des pêcheurs et vice-versa.
Monsieur le président, comme les membres du Comité le savent, le MPO a réalisé un sondage sur la propriété effective. Au début de la semaine, le ministère a publié les résultats préliminaires pour le Canada atlantique. Environ 98 % des permis sont détenus par des Canadiens. Je m'attends à des résultats semblables du côté de la Colombie-Britannique. Je suis impatient que tous les résultats soient rendus publics afin d'ajouter des données à la discussion.
J'aimerais maintenant parler des investissements étrangers, notamment pour les différencier de la propriété étrangère.
Vous êtes nombreux à savoir que le secteur des produits de la mer comporte son lot de défis et qu'il est difficile à comprendre pour ceux qui n'en font pas partie, y compris les institutions financières. Pour cette raison, les établissements de crédit ont tendance à le sous-évaluer, ce qui pousse certaines entreprises à solliciter des fonds auprès d'autres établissements que les banques à charte, parfois à des taux plus élevés.
Pour les entreprises qui veulent faire des investissements importants, les institutions financières étrangères qui comprennent le secteur sont une option attrayante. Les banques islandaises disposées à consentir des prêts aux entreprises canadiennes en sont un exemple. À mes yeux, ce n'est pas nécessairement négatif.
Nous ne sommes certainement pas le seul secteur au Canada qui doit se tourner vers d'autres pays pour trouver du capital financier. Nous devons continuer à investir, à soutenir la concurrence et à répondre aux attentes des clients.
Votre étude porte également sur la concentration des entreprises. Le critère utilisé par le Bureau de la concurrence est le ratio de concentration des quatre plus grandes entreprises: si la part du marché pertinent détenue par les quatre plus grandes entreprises est inférieure à 65 %, le Bureau ne s'inquiète généralement pas. Même au‑delà de ce seuil, d'autres facteurs sont pris en considération avant qu'un jugement ne soit rendu par rapport à la puissance commerciale.
Outre le pourcentage maximal, l'autre élément clé du ratio est la définition du terme « marché pertinent ». Les fruits de mer sont les produits alimentaires les plus échangés au monde. Quant à moi, le marché pertinent n'est ni une ville, ni une région, ni une province, ni même tout le Canada. Ce serait peut-être même dur de défendre la position que l'Amérique du Nord est un marché pertinent pour la majorité des pêches canadiennes. Chaque année, nous exportons dans plus de 130 pays, et nos importations pour le marché intérieur proviennent de quelque 150 pays.
Sauf tout le respect que je vous dois, et sans vouloir minimiser l'importance de votre étude, je dois admettre que mes préoccupations se rapportent à d'autres enjeux. Je m'intéresse aux mesures que prend le MPO pour combler les lacunes dans les connaissances scientifiques au sujet des pêches et à leur incidence sur les décisions relatives à la gestion des pêches et sur les politiques stratégiques en général. Je veille à ce que notre secteur soit consulté de manière sérieuse sur les questions liées à la conservation marine. Je me concentre sur les façons de faire en sorte que la réconciliation avec les Autochtones soit fondée sur la renonciation volontaire des permis commerciaux. Voilà les enjeux principaux qui ont un effet sur la prospérité et l'avenir de notre secteur et des membres du Conseil.
Je vous remercie pour votre attention. Je répondrai à vos questions avec plaisir.
Je suis Andy Olson, directeur général de Nuu-chah-nulth Seafood. Nous sommes une entreprise de pêche commerciale détenue entièrement par cinq Premières Nations de la côte Ouest de l'île de Vancouver. Nous faisons partie de l'IPCIP. Notre entreprise est aussi propriétaire de la St. Jean's Cannery, à Nanaimo.
Je vais parler d'abord de la propriété étrangère et du contrôle par les entreprises dans la région du Pacifique.
La propriété et le contrôle des ressources halieutiques du Canada par des entreprises étrangères suscitent de réelles inquiétudes. Ils ont des répercussions sur le coût de la réconciliation. En outre, le risque pour le Canada et ses citoyens est considérable: il va de la perte de possibilités et d'avantages pour les communautés autochtones, rurales et côtières aux répercussions sur le coût de la réintégration et du rachat des permis et de l'accès aux quotas.
À mes yeux, les prochaines étapes sont évidentes: il faut protéger les ressources halieutiques du Canada en les considérant comme des atouts stratégiques. Ce travail est déjà amorcé pour les ressources minérales rares du Canada; on doit l'entreprendre immédiatement pour les pêches. Un tel processus d'examen gouvernemental exhaustif permettra de commencer à réparer les dommages causés par le statu quo des 150 dernières années.
Les communautés autochtones, rurales et côtières sont l'épine dorsale du littoral canadien, et si elles ne tirent pas profit des ressources locales et si elles n'ont pas la possibilité de travailler dans leur région, elles ne peuvent pas survivre. Sans ces communautés côtières et rurales, qui surveillera les vastes zones frontalières et qui se préoccupera des questions litigieuses en matière de sécurité alimentaire? Si nous poursuivons dans cette voie, le Canada rachètera ses propres produits de la mer à des personnes qui les contrôlent depuis des bureaux ou des pays à l'étranger.
Par ailleurs, le coût de la réconciliation ne va pas cesser d'augmenter si les ressources comme les permis et les quotas sont vendus sur un marché non réglementé qui permet la propriété étrangère, la concentration des entreprises et la spéculation par les investisseurs. L'accès illimité aux permis et aux quotas en vue de leur vente à des propriétaires étrangers n'était pas autorisé dans le passé, et jusqu'à il y a une vingtaine d'années, la majorité des administrateurs d'une entreprise détenant des permis de pêche devaient être des citoyens canadiens. Cette restriction a été entièrement supprimée.
Les investissements étrangers sont une chose, mais le contrôle des ressources canadiennes par des organisations étrangères inconnues en est une autre, et c'est très préoccupant. Tout ce que le récent sondage sur la propriété des permis et des quotas a montré, c'est que le Canada ne sait pas qui possède et contrôle les permis dans la région du Pacifique.
La concentration des entreprises, la propriété étrangère et la spéculation par les investisseurs ne s'arrêtent pas aux permis et aux quotas, mais s'étendent désormais à la production primaire et à la transformation. Cela comprend le contrôle de la glace, du déchargement aux quais, de l'entreposage frigorifique, de la transformation et des réseaux de distribution. Les pêcheurs devraient être des partenaires et partager les profits, plutôt que d'assumer la majeure partie des risques et de recevoir une partie nettement inférieure des bénéfices.
À l'heure actuelle, en raison du contrôle des permis, de l'équipement à terre et, dans certains cas, des navires de pêche, les pêcheurs se retrouvent au milieu, avec une plus petite part des revenus. Les quelques entreprises restantes sont presque toutes détenues en partie ou en totalité par de grandes sociétés ou des investisseurs étrangers. Elles travaillent avec les détenteurs de permis et de quotas et les investisseurs, ce qui augmente leurs coûts. À cause des taux de location élevés, les pêcheurs gagnent plus difficilement leur vie.
Dans certaines pêches en plongée, si vous ne travaillez pas avec des acheteurs particuliers, il peut être difficile, voire impossible, de faire transporter vos produits vers le marché par l'une des rares entreprises de camionnage qui transportent des fruits de mer vivants. L'été dernier, j'ai entendu dire que les pêcheurs qui ne travaillaient pas avec les quelques entreprises qui achètent de grandes quantités de saumon se voyaient refuser l'accès à la glace et au carburant.
Lorsque les entreprises rendent les pêcheurs dépendants d'elles par des pratiques agressives et parfois déloyales, ces derniers ont plus de difficulté à survivre. Quand de grandes entreprises en possession d'un grand nombre de permis et de quotas ne travaillent pas avec les communautés autochtones, locales, rurales et côtières, mais envoient plutôt les ressources dans des régions métropolitaines ou même dans d'autres pays pour qu'elles y soient traitées, le Canada n'en tire aucun bénéfice, si ce n'est celui des quelques actionnaires qui peuvent se permettre d'investir.
Le Canada doit intégrer les pêches à un programme d'atouts stratégiques et les protéger pour les Canadiens de demain. Les communautés côtières et rurales, qu'elles soient autochtones ou non, ont besoin que ce travail commence immédiatement pour ne pas perdre ce qui reste et pour commencer à reconstruire ce qui a disparu. Des programmes tels que la Stratégie de l'économie bleue, l'IPCIP, l'IPCIN, l'IPCIA et la Supergrappe de l'économie océanique devraient favoriser la croissance de l'ensemble de l'économie canadienne et soutenir les entreprises et les populations locales, autochtones et côtières.
Les programmes comme l'IPCIA, l'IPCIN et l'IPCIP tentent d'aider les peuples autochtones à pratiquer la pêche commerciale, mais ils doivent faire concurrence aux intérêts étrangers et à la spéculation, tout en dépensant l'argent des contribuables canadiens. Des fonds sont prévus dans les budgets, mais les prix continuent d'augmenter plus rapidement que le financement, et les groupes autochtones doivent trouver des façons de combler l'écart.
Ne serait‑il pas catastrophique pour le Canada de constater, dans un avenir pas si lointain, qu'une grande partie de ses ressources alimentaires et halieutiques appartient à un autre pays ou à une société sous contrôle étranger? Je ne pense pas que nous voulions nous retrouver dans une telle situation.
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Il faudra déployer des efforts multiples.
Vous devez vous dire qu'un permis représente la possibilité de pêcher. Voilà ce qu'un permis de pêche devrait être. C'est comme un permis de conduire. Une personne qui obtient un permis de conduire peut conduire sa voiture parce qu'elle a passé l'examen et payé les frais.
Dans la région du Pacifique, les permis sont devenus un bien matériel, tout comme les biens immobiliers. Voilà pourquoi la situation est la même que dans le domaine de la spéculation immobilière: les investisseurs ont recours à des fonds étrangers rattachés ou non à de vraies affaires. Certains investisseurs et spéculateurs étrangers font du blanchiment d'argent.
Le problème est complexe, mais il faut s'y attaquer au plus vite. Autrement, la situation ne fera qu'empirer.
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Merci, monsieur le président.
Je suis heureux de vous voir tous les trois pour la dernière partie de notre réunion. Vos témoignages nous sont très utiles.
Nous avons parlé des propriétaires exploitants avec vous et avec le groupe de témoins précédent, et de leur importance sur la côte Est. En fait, c'est inscrit dans la loi. Il s'agit d'un important pas en avant pour la prospérité des communautés, et il faudra l'améliorer de façon constante.
J'aimerais revenir à une chose que j'ai entendue. Je crois que c'est vous, monsieur Olson, qui en avez parlé. Madame Silver, vous avez peut-être aussi abordé la question. Vous avez parlé de concentration étrangère. Je viens d'une île où, au cours de la première partie du XXe siècle, une seule société était propriétaire d'un très grand nombre de mines; on l'appelait « la société ». Elle était aussi propriétaire de magasins. Les travailleurs vivaient dans les « maisons de la société ». La concentration de la richesse, la consolidation et le manque de choix, surtout pour les travailleurs de l'industrie minière, ne datent pas de si longtemps.
Cela m'a fait penser à la Colombie‑Britannique. Je ne veux pas dire que la situation est exactement la même, mais votre travail, madame Silver, m'a fait réfléchir à certains sujets. Vous avez parlé de vos travaux de recherche. J'aimerais savoir si vous avez établi des modèles en ce qui a trait aux propriétaires exploitants de la Colombie‑Britannique. S'ils étaient plus présents dans la province, est‑ce que l'argent émanant de la chaîne d'approvisionnement resterait dans les communautés et irait dans les poches des pêcheurs et des entrepreneurs locaux?
Avez-vous des données que vous pourriez nous transmettre ou dont nous pourrions discuter au sujet de ce modèle? Je ne peux vous dire si ce serait 30, 50 ou 75 %, mais je crois qu'une bonne partie des revenus reviendrait aux communautés locales. On parle toujours des stratégies économiques rurales et côtières. À mon avis, pour que ces stratégies fonctionnent, l'argent doit rester dans les communautés.
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Oui, j'en suis certaine.
Je crois que vous parlez d'une sorte d'effet multiplicateur... En gros, je n'ai pas de chiffres précis à vous donner, mais j'aborderais la question de la façon suivante: l'histoire des côtes et des pêches de la Colombie‑Britannique nous dit que les communautés qui se trouvent le long de la côte étaient florissantes à une époque et comptaient de nombreux navires actifs sur les quais, de même que de petites et moyennes usines de transformation qui étaient ouvertes plusieurs mois par année. Il fallait des gens pour réparer les filets et entretenir le moteur des navires. Cela démontre qu'à une époque, lorsque la structure de la pêche différait de celle d'aujourd'hui, il y avait des entreprises prospères dans le domaine, au‑delà des entreprises de pêche elles-mêmes. Tout cela gardait les communautés actives et occupées.
Bon nombre de ces communautés, notamment Prince Rupert et Ucluelet, ne sont plus les mêmes aujourd'hui. Voilà ce que je dirais, pour vous donner une idée des renseignements que Mme Sutcliffe vous transmettra et pour répondre à votre question.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Lansbergen, tout à l'heure, vous avez dit que vous étiez davantage préoccupé par la protection de la ressource et par des problèmes liés à certaines ressources.
Selon les témoignages que nous entendons, on tend vers une exploitation verticale, la concurrence étant garante d'un prix juste. Or on sent que cette concurrence s'effrite aux mains de quelques entreprises qui ont recours à cette stratégie.
Lorsque vient le temps de s'occuper de la ressource, ne croyez-vous pas que tout cela devient encore plus problématique, parce qu'on a moins de pouvoir sur les gens qui exploitent les pêches?
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C'est une question intéressante.
Les pêches sont une ressource publique qui doit être gérée pour le bien des Canadiens. En me préparant pour la réunion d'aujourd'hui, j'ai cherché à savoir comment un pays comme la Nouvelle‑Zélande percevait la question. Ses ressources halieutiques ont une très grande valeur. Le pays compte un bureau d'investissement à l'étranger, en plus d'un ministère des Pêches, qui surveille les intérêts étrangers qui veulent acheter des quotas ou devenir en partie propriétaires d'entités de pêche et de transformation.
Permettez-moi de citer un document d'information produit par le département d'État des États‑Unis:
La loi sur la surveillance des investissements et la Loi sur les pêches de la Nouvelle‑Zélande exigent le consentement des ministères pertinents afin qu'une personne de l'étranger puisse détenir des intérêts dans un quota de pêche ou un intérêt de 25 % ou plus dans une entreprise qui détient ou contrôle un quota de pêche.
Je ne crois pas que personne soit d'avis qu'il faut empêcher toute forme d'investissement étranger ou tout élément de propriété étrangère dans les pêches. En tant que chercheuse, je crois que le processus n'est pas aussi transparent qu'il devrait l'être, ce qui ne nous permet pas de pouvoir répondre aux questions du Comité ou de présenter des données probantes, par exemple.
Nous savons que d'autres pays qui ont des ressources halieutiques de grande valeur les traitent à titre de ressources stratégiques, parce qu'elles sont précieuses. Il y a aussi les questions relatives à la souveraineté alimentaire dont il faut tenir compte.
Je crois que nous pouvons tirer des leçons des lois et approches des autres pays qui considèrent les pêches à titre de ressource publique plutôt qu'à titre de ressource stratégique.
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Merci, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue à nos témoins: Mme Silver, M. Lansbergen et M. Olson. Ma première question s'adresse à M. Olson.
Monsieur Olson, j'aimerais tout d'abord vous remercier pour tout le travail que vous faites par l'entremise de Nuu-chah-nulth Seafood et de St. Jean's Cannery. Je suis heureuse de vous voir à Ottawa tandis que je suis à Nanaimo à l'heure actuelle.
Nous avons entendu les représentants de Coastal First Nations. Dans une lettre à l'intention du ministère des Pêches et des Océans, l'alliance a expliqué comment la concentration d'entreprises et d'investisseurs et le nombre croissant de titulaires étrangers de permis et de quotas entraînaient une augmentation des prix, et comment ils menaçaient les pêcheries sur la côte Ouest, ce qui minait directement l'important processus de réconciliation avec les peuples autochtones et leur accès aux pêches.
Pourriez-vous nous donner votre avis sur le sujet?
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Je vous remercie pour votre question.
Je suis en faveur d'une telle politique, pour plusieurs raisons. Premièrement, en tant que chercheuse et personne invitée à comparaître devant des gens comme vous à l'occasion, j'aimerais pouvoir présenter des données — autres que celles émanant des délibérations parlementaires et du ministère des Pêches et des Océans — qui expliquent de manière précise, et au‑delà d'une seule année, les modèles de recherche associés à la propriété et à la façon dont les permis et les quotas sont utilisés. Il y a le volet recherche et la possibilité d'avoir accès aux données probantes.
Dans le cadre de la gestion des pêches et de son travail, le ministère veut prendre des décisions sur toutes sortes de questions en se fondant sur des données probantes. Il prend des décisions au sujet du nombre total de prises permises par année en fonction de données biologiques et écologiques, et évalue année après année les pêches et la santé des stocks en fonction de ces données.
Il serait très utile d'avoir aussi des données permettant d'évaluer les questions sociales, économiques et culturelles. Nous pourrions donc réaliser une étude systémique des volets socioéconomiques et culturels associés à la pêche.
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Dans les communautés pour lesquelles je travaille, de nombreux jeunes souhaitent prendre part aux activités de pêche et travailler pour les entreprises communautaires. Le prix des navires représente toutefois un enjeu.
Les gens doivent aussi apprendre et réapprendre certaines compétences, comme on le fait sur la côte Est, lorsqu'ils reprennent les activités et participent à la pêche commerciale. On le fait à plus petite échelle, localement.
Les Autochtones se tournent maintenant davantage vers la pêche communautaire de plusieurs espèces, à plus petite échelle et avec de plus petits navires. Nous prenons part à cette transition. Par exemple, la communauté de Port Alberni compte des centaines de pêcheurs âgés de 15 à 90 ans. Ce sont des propriétaires exploitants. La nation a accès aux permis et les membres de la communauté profitent pleinement de cet avantage. La nation ne touche pas de revenus des pêches.
Je vais vous donner un exemple pour répondre à la question précédente de M. Kelloway: dans cette communauté, les pêcheurs peuvent pêcher pour 800 000 $ de saumon quinnat en une nuit au mois d'août, lorsque la pêche ouvre. Ces 800 000 $ représenteront près de 8 millions de dollars de revenus pour la communauté, parce que ces gens y dépenseront l'argent gagné. Ils dépensent tout leur argent dans la communauté, et pas ailleurs. Ils ne vivent pas à Vancouver; ils vivent à Port Alberni, une communauté de 25 000 personnes. L'injection de 8 millions de dollars dans l'économie locale en une seule nuit peut changer toute la donne.
Les maires et les habitants de ces communautés reconnaissent la valeur de ces pêcheurs. Nous devons miser sur ces possibilités à petite échelle. C'est ce que nous voulons. Nous nous battons pour ces pêcheurs qui ont la possibilité de garder cet argent et de faire croître l'économie de leur communauté.