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Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la neuvième réunion du Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 18 janvier 2022, le Comité reprend son étude de la traçabilité des poissons et des produits de la mer.
La réunion d'aujourd'hui a lieu en mode hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021.
Des services d'interprétation sont à notre disposition pendant la réunion. Si vous n'entendez plus l'interprétation, veuillez m'en aviser immédiatement, et nous veillerons à ce que le service soit rétabli avant de reprendre la réunion.
J'ai quelques questions d'ordre administratif à vous soumettre avant que nous n'entendions les témoins.
Les membres ont reçu deux budgets d'études par courriel: le premier pour cette étude‑ci et l'autre, pour notre étude sur les systèmes de contrôle et d'atténuation des inondations en Colombie-Britannique. Avez-vous des objections à l'adoption de ces budgets aujourd'hui, avant que nous n'allions plus loin?
Personne ne se manifeste, donc nous conclurons qu'ils sont adoptés par consentement unanime.
Comme vous le savez, à la fin mars, nous commencerons notre étude sur les déversements de conteneurs de cargaison maritimes. Pourrions-nous fixer la date limite pour soumettre les listes de témoins à la greffière au vendredi 4 mars, à 17 heures? Est‑ce que cela convient à tous? N'oubliez pas. Je vous remercie.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos premiers témoins.
Nous accueillons Mme Claire Canet, chargée de projet au Regroupement des pêcheurs professionnels du Sud de la Gaspésie, le RPPSG.
Nous entendrons ensuite Mme Alexandra Leclerc, cheffe de l'approvisionnement responsable chez Metro inc. Elle est accompagnée de Me Marie-Eve Goulet, avocate-conseil.
Les témoins qui comparaissent devant le Comité peuvent être accompagnés d'un avocat, mais doivent demander la permission du Comité pour que celui‑ci puisse assister à la réunion et entendre les témoignages. Prenez note que l'avocate-conseil ici présente sera limitée à un rôle consultatif, qu'elle ne pourra ni poser de questions ni répondre au nom du témoin.
Les membres du Comité sont-ils d'accord pour laisser Me Goulet assister à la réunion par Zoom?
Je n'entends pas de voix dissidentes. C'est entendu.
Nous entendrons maintenant les exposés.
Madame Canet, vous avez un maximum de cinq minutes, s'il vous plaît.
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Merci, monsieur le président.
[Français]
Je suis Claire Canet, cheffe de projets au Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie, ou RPPSG, depuis 2017. Le sigle est le même en français et en anglais.
Je m'occupe notamment des projets touchant à la traçabilité du homard gaspésien et des outils de nouvelles technologies, qui sont la pierre angulaire de tout système de traçabilité des produits de la mer, comme le journal de bord électronique JOBEL pour la déclaration des captures. Je travaille aussi depuis deux ans sur les questions de gouvernance des données électroniques dans le secteur des pêches.
Le RPPSG est actuellement le seul organisme de pêcheurs au Québec à avoir mis en place et maintenu, avec l'aide du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, ou MAPAQ, un système d'identification du homard. Depuis 2012, un médaillon d'identification d'origine du homard gaspésien indiquant quel pêcheur l'a capturé est posé sur une pince pour cent pour cent des individus pêchés dans notre région au printemps. Cette pêche est certifiée MSC, par le Marine Stewardship Council, grâce aux efforts du RPPSG.
Le médaillon est un moyen simple et efficace pour le consommateur de connaître l'origine de son homard, même en tenant compte d'un pourcentage de perte du médaillon lors de la mise en vivier par les transformateurs pour le dégorgement. Cependant, certaines chaînes de grande surface peu soucieuses de l'origine du produit vont vendre du homard soi-disant gaspésien, alors qu'aucun animal dans le vivier ne porte de médaillon ou que les élastiques des pinces ont été remplacés au niveau du distributeur. Je tiens à souligner que je ne parle absolument pas de Metro, ici, qui, au contraire, a été un excellent partenaire. Plusieurs poissonniers de grande surface nous ont affirmé au cours des années qu'ils pouvaient recevoir des caisses entières de homards vivants soi-disant gaspésiens sans qu'aucun porte de médaillon.
Il y a donc un défi quant au rôle et à l'engagement des distributeurs pour mettre en avant la traçabilité de nos produits de la mer. L'exemple le plus criant date de 2017, lorsque la chaîne Costco a vendu du homard des Îles‑de‑la‑Madeleine à grands coups de promotion, alors que la pêche n'était même pas ouverte.
D'autre part, si le homard est cuit par un transformateur, le médaillon est enlevé. Lors de la transformation, les lots de homards de plusieurs provenances, dont d'origine américaine, sont mélangés. Il n'y a donc aucune garantie pour le consommateur final d'être assuré que l'étiquetage apposé sur le homard transformé indique la bonne origine du produit, sauf si le transformateur a mis en place au sein de son usine une logistique basée sur l'origine des lots.
Les nouvelles technologies permettent cependant la mise en place de systèmes de traçabilité et une meilleure gestion des lots, que ce soit par le pêcheur, le transformateur ou le distributeur.
Par exemple, le journal de bord électronique JOBEL pour la déclaration des captures par le pêcheur, basé sur les normes techniques établies par le ministère des Pêches et des Océans, ou MPO, contient les données fondamentales pour tout système de traçabilité, notamment la date de débarquement, l'origine, la légalité de la pêche, le pêcheur et les quantités débarquées. Cependant, pour que ces données puissent être intégrées aux données de traçabilité d'une usine, il faut mettre en place des systèmes qui peuvent communiquer et échanger entre eux. Ce problème se pose pour l'ensemble des systèmes utilisés dans la chaîne de valeur. Il est donc nécessaire que tout système de traçabilité réponde à un cahier des charges technique spécifique et commun à l'ensemble des acteurs de la chaîne de valeur, et que nous avancions préalablement vers une harmonisation des systèmes.
La communication de certaines données du pêcheur aux autres acteurs de la chaîne de valeur soulève plusieurs problèmes de fond. Il s'agit de données qui touchent au cœur même de l'activité commerciale d'un pêcheur, qui est le seul autorisé à exploiter les ressources halieutiques publiques, et qui, comme toutes les données d'une entreprise privée, doivent être protégées et tenues confidentielles.
Le secteur de la capture des produits de la mer attise de plus en plus la convoitise des investisseurs et des entreprises, qui s'inscrivent dans une logique d'intégration verticale, pour qui le contrôle des intrants est essentiel. Le principe de l'indépendance des pêcheurs commerciaux est un principe fondamental inscrit dans la Loi sur les pêches et dans la réglementation. Il est donc nécessaire que la protection, la confidentialité et les modalités d'utilisation des données de pêche soient au cœur de tout système de traçabilité, et que les pêcheurs indépendants soient des acteurs centraux dans la conceptualisation et l'élaboration d'un tel système.
D'autre part, les ressources halieutiques sont des ressources publiques qui engendrent des revenus de plusieurs milliards de dollars pour les communautés côtières et les provinces. Des milliers d'entreprises canadiennes de toutes tailles dépendent de cette ressource, et les produits de la mer sont nécessaires pour assurer l'indépendance alimentaire du Canada.
Pour toutes les raisons énumérées, il me semble nécessaire que tout système de traçabilité des produits de la mer soit mis en place et gouverné par les instances publiques provinciales plutôt que par des entreprises privées, qui pourraient être tentées d'exploiter les métadonnées de l'ensemble de la chaîne de valeur à des fins commerciales privées.
Je vous remercie.
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Merci de m'avoir invitée à prendre la parole devant ce comité. C'est un plaisir d'être virtuellement ici.
[Français]
Bonjour à tous.
Je m'appelle Alexandra Leclerc et je suis cheffe de l'approvisionnement responsable chez Metro.
Metro est un détaillant canadien dont le chiffre d'affaires est de plus de 18 milliards de dollars et qui fait des affaires dans les domaines de l'alimentation et de la pharmacie, principalement au Québec et en Ontario. On connaît probablement certaines de nos bannières, dont Metro, Super C, Food Basics, Jean Coutu, Brunet, et j'en passe.
Chez Metro, la thématique de la traçabilité des poissons et des fruits de mer n'est pas nouvelle. Cela fait partie d'une approche globale en matière de responsabilité d'entreprise qui date de 2010, alors que la compagnie adoptait sa politique de pêche et d'aquaculture durables. Cette politique couvre l'ensemble de nos produits de la mer, qu'ils soient frais, surgelés, en conserve, transformés ou non.
La politique est basée sur cinq principes d'approvisionnement qui sont les suivants: des espèces en santé, des méthodes d'exploitation responsables, la traçabilité, le respect des travailleurs et le développement socioéconomique. En toute honnêteté, bien que les cinq principes soient importants, c'est vraiment la traçabilité qui est le pilier central de notre politique. En fait, c'est un prérequis pour nos fournisseurs.
Autrement dit, Metro exige systématiquement que tous ses fournisseurs présentent une traçabilité complète pour l'ensemble des produits qu'ils offrent, et ce, même avant que nous fassions une mise en liste ou une commande. Cette traçabilité sert à évaluer les produits. Nous faisons une revue de la littérature et des données scientifiques pour nous assurer que notre produit répond aux deux premiers principes, soit les espèces en santé et les méthodes d'exploitation responsables.
La traçabilité complète comprend cinq grands éléments.
Le premier élément est le nom scientifique de l'espèce, soit son nom latin. Il est unique pour chaque espèce. En utilisant ce nom, nous nous assurons de parler le même langage que nos fournisseurs. Dans certains cas, il s'agit d'un défi, puisque certains joueurs de l'industrie sont peu habitués ou plus ou moins à l'aise avec la nomenclature scientifique. Toutefois, l'utilisation des noms communs est selon nous insuffisante et elle représente un risque, puisque certains d'entre eux peuvent être très vagues ou généraux ou faire référence à plusieurs espèces différentes.
Le deuxième élément de la traçabilité complète est la provenance géographique, que nous définissons comme étant le lieu de capture, de pêche ou d'élevage. Cela représente aussi un défi, parce que c'est souvent confondu avec le pays d'origine du produit qui, lui, est défini selon la législation canadienne comme le lieu de la dernière transformation majeure. Ces deux éléments ne sont pas toujours identiques. En fait, ils le sont rarement. Quand il y a confusion entre les deux, cela rend la tâche des détaillants d'autant plus difficile, parce que, pour évaluer la durabilité d'un produit, il faut savoir d'où il vient, il faut connaître sa provenance géographique.
Le troisième élément d'une traçabilité complète est le type de capture. Il peut s'agir d'un produit sauvage ou d'un produit d'élevage.
Le quatrième élément est la méthode d'exploitation, c'est-à-dire l'engin de pêche ou le type d'aquaculture.
Le cinquième élément consiste à déterminer si le produit est certifié ou issu d'une initiative de durabilité quelconque.
Une fois le produit approuvé, les renseignements sur la traçabilité sont stockés dans l'une de nos bases de données, que nous mettons à jour régulièrement avec nos fournisseurs pour nous assurer que ce qu'ils nous ont dit préalablement est toujours vrai aujourd'hui. De plus, leur capacité à documenter leur chaîne d'approvisionnement jusqu'aux navires de pêche ou jusqu'aux sites d'élevage est testée de façon aléatoire. Nous avons aussi un programme de vérification par test d'ADN pour valider les espèces qui sont déclarées.
Pour toutes ces raisons, notre programme de traçabilité nous permet d'assurer une offre de produits responsables. Ce programme nous permet d'évaluer la durabilité des produits et d'adopter un étiquetage transparent et complet pour les produits offerts dans nos magasins, dans nos marques privées ou au comptoir.
Pour Metro, c'est une priorité d'offrir cette traçabilité complète, et même une fierté, parce que cela permet au consommateur de prendre ses décisions par lui-même en fonction de ses connaissances et de ses valeurs personnelles. Généralement, c'est perçu comme une preuve de transparence et un gage de confiance.
Je termine ainsi ma présentation. Je serai heureuse de donner plus de détails et de répondre à vos questions.
Je vous remercie beaucoup.
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Je vous remercie. Ce n'est pas souvent qu'un témoin ne prend pas tout le temps imparti, mais nous l'apprécions.
Nous allons maintenant passer aux questions.
Avant de commencer, je veux souhaiter la bienvenue à M. Garon, qui remplace Mme Desbiens pour une partie de la réunion d'aujourd'hui. Bienvenue au Comité.
Je donnerai la parole à M. Perkins, pour six minutes ou moins, s'il vous plaît.
Je rappelle aux membres du Comité de préciser à qui ils posent leur question. Cela facilite un peu les choses, cela évite que les témoins fixent la caméra sans savoir qui est censé répondre.
Monsieur Perkins, allez‑y, s'il vous plaît.
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En fait, nos emballages affichent la traçabilité pour plus de 90 ou 95 % de nos produits.
Il existe effectivement certaines situations où nous sommes incapables d'afficher la traçabilité sur certains produits pour des raisons techniques. Par exemple, sur la balance utilisée pour l'impression des emballages, nous utilisons un champ pour afficher les ingrédients que nous sommes légalement tenus d'indiquer sur l'emballage. Dans certains cas, la traçabilité est donc difficile à ajouter parce que nous manquons simplement d'espace.
Il existe aussi certaines situations où nous avons plusieurs fournisseurs différents pour un même produit. Si la provenance des fournisseurs diffère beaucoup, la traçabilité devient plus difficile à indiquer. Par exemple, si nous avons un produit qui vient du Canada et des États‑Unis, la traçabilité indiquée sur l'emballage pourrait être « Amérique du Nord ». Par contre, si un produit vient des États‑Unis et de la Chine, il est plus difficile de globaliser l'information.
La plupart du temps, la traçabilité est indiquée sur l'ensemble de nos produits de marque privée ou sur ceux offerts dans nos comptoirs, dont les barquettes recouvertes d'un film plastique.
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Merci. Je pense que votre façon de procéder est clairement supérieure à ce que j'ai vu sur certains emballages et à certains outils de traçabilité que j'ai vus chez vos concurrents. J'en ai examiné quelques-uns lors d'une réunion précédente du Comité.
J'ai scruté quelques emballages hier soir. Ce n'est pas un échantillon scientifique, mais dans l'un de vos magasins ici, à Ottawa, j'ai trouvé un produit High Liner qualifié de « saumon sauvage du Pacifique ». Selon la liste des ingrédients, il s'agirait de saumon arc-en-ciel fumé. On peut se demander si le saumon arc-en-ciel peut être considéré comme du saumon du Pacifique. En général, cela ne figure pas dans les ingrédients. Sur le devant de l'emballage, il est indiqué qu'il n'y a pas d'agents de conservation artificiels dans le produit, mais si le produit est fumé, il contient des agents de conservation.
Je ne veux pas m'en prendre à ce produit en particulier. Il y en avait quelques autres. Sur un emballage de saumon de l'Atlantique de True North, il n'était pas écrit qu'il s'agissait de saumon d'élevage, alors que ce doit en être, naturellement.
Je me demande simplement si vous pourriez nous expliquer comment cela s'intègre à votre approche... Vous exigez peut-être la traçabilité du début à la fin, et c'est très bien que vous fassiez des prélèvements d'ADN, mais pour le consommateur, lorsqu'il est écrit qu'il s'agit d'un produit de saumon de l'Atlantique fumé naturellement au Canada, pourquoi n'est‑il pas indiqué qu'il s'agit de saumon d'élevage? Dans d'autres cas, comment en arrivez-vous à déterminer que le saumon arc-en-ciel est un saumon du Pacifique?
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Je ferais la distinction pour les produits de marques nationales, qui appartiennent à un fournisseur spécialisé. On peut penser aux produits des marques High Liner, True North ou Clover Leaf, par exemple. Ces fournisseurs, que nous appelons dans notre jargon des fournisseurs de produits de « marques nationales », sont responsables de leurs propres étiquettes, c'est-à-dire que Metro leur recommande d'inclure une traçabilité complète, mais c'est une décision qu'ils prennent au sein de leurs propres compagnies.
Metro offre une traçabilité sur les produits sur lesquels la compagnie a un certain contrôle, donc ce qui est emballé en magasin ou les produits de sa marque privée, comme Irrésistibles ou Sélection, qui nous appartiennent.
Pour les exemples dont vous parlez, la présence ou l'absence de traçabilité d'un produit sauvage ou d'un produit d'élevage relève de la législation canadienne. Actuellement, la traçabilité complète est une information qui est donnée sur une base volontaire au Canada. Ce qui doit apparaître sur le produit, c'est le nom commun ainsi que le pays d'origine qui est le lieu de dernière transformation, tout simplement. Les compagnies ne sont pas légalement obligées de fournir les autres renseignements.
J'espère que cela répond à votre question.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Madame Canet, je vais revenir sur la question que mon collègue M. Perkins vous a posée.
Vous avez dit que Costco faisait la promotion de homards des Îles‑de‑la‑Madeleine, alors qu'en réalité, on ne savait pas d'où ils provenaient. À votre connaissance, y a-t-il des lois qui empêchent les grandes chaînes d'alimentation ou les supermarchés de faire cela?
Vous dites que des pêcheurs auraient porté plainte ou intenté une poursuite.
Que disent vos recherches à ce sujet jusqu'à présent?
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Comme cela a été souligné plus tôt, les lois ne permettent pas de garantir la véracité de l'étiquetage. Il est extrêmement compliqué de suivre ce qui se passe dans la chaîne de valeur. Chaque intervenant est souvent isolé. Dans un cas comme celui de Costco, il est donc extrêmement difficile pour le producteur ou le consommateur final de faire progresser une plainte.
Je vous donne un autre exemple. Chaque année, nous suivons les consommateurs de homards gaspésiens et nous recevons plusieurs dizaines d'appels. Un consommateur final qui avait réussi à identifier le homard gaspésien nous a contactés directement, parce qu'il avait eu un homard avarié à la poissonnerie d'un grand distributeur. Étant donné que c'est l'image de la qualité du homard gaspésien qui est en jeu, tout comme l'image du travail de nos pêcheurs, nous avons essayé de remonter la chaîne de valeur en sens inverse pour voir d'où le problème venait. Nous sommes donc allés au distributeur de cette grande chaîne d'alimentation et nous avons posé plusieurs questions. Nous leur avons demandé la date d'arrivage de ce lot, quelles étaient les conditions de stockage pour assurer la qualité du produit, à quel endroit ce homard avait été acheté et quel trajet il avait suivi. Nous n'avons jamais reçu de réponses.
Bien sûr, le consommateur n'a aucun recours, parce qu'il doit faire face à une énorme machine et qu'il ne reçoit pas de réponses à ses questions.
Je pense donc que le cadre n'est pas approprié.
Je vous remercie de nous avoir fourni un peu plus de détails sur cette question, que je trouvais pertinente.
Je vous félicite pour la traçabilité de vos produits, notamment le homard, même si je suis votre voisin de l’autre côté de la baie. Je pense au petit médaillon que les gens peuvent scanner pour savoir de quel bateau vient le homard. Parfois, on peut même voir une petite vidéo qui montre les pêcheurs en train de le pêcher. C’est tout à votre avantage de faire la promotion du homard de chez vous.
Je ne blâme ni Metro ni les autres grandes chaînes d'alimentation, mais vous avez dit que certaines d'entre elles retiraient cette étiquette du homard une fois qu'il était dans le vivier, au supermarché.
Pourquoi font-ils cela, à votre avis?
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Je vous remercie, madame Canet.
Madame Leclerc, d'après ce que vous avez dit tantôt, votre chaîne de supermarchés suit cinq principes pour faire en sorte que les produits se trouvant sur vos étagères soient pleinement satisfaisants pour les consommateurs.
Pouvez-vous nous donner des exemples de produits que vous avez retirés de vos supermarchés ou de fournisseurs avec qui vous avez cessé de faire affaire parce qu’ils n’avaient pas respecté certaines consignes?
Comme le disait tantôt M. Perkins, il est souvent écrit sur les emballages « crevettes de l’Atlantique », alors que celles-ci viennent en réalité d’ailleurs dans le monde, parfois de fermes d’élevage.
Y a-t-il des fournisseurs que vous avez complètement laissé tomber parce qu’ils ne respectaient pas les règles?
Quelles sont les règles qu’ils n’auraient pas respectées pour ce qui est de vos cinq principes?
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Oui, cela y répond certainement.
Il est important de rappeler le dynamisme des provinces. Il y a des appellations d'origine contrôlée, entre autres choses. En fait, il y a des systèmes qui sont développés dans les provinces.
Madame Leclerc, vous représentez une importante entreprise. Si j'ai bien compris, vous avez mis en place un système de traçabilité en 2010. Il s'agit d'une tâche gigantesque.
Quels sont les principaux obstacles auxquels vous vous êtes heurtés tout au long de la chaîne?
Pouvez-vous nous parler plus en détail des petits fournisseurs en ce qui a trait aux niches commerciales?
Quelles sont les difficultés auxquelles ils devront faire face s'ils veulent suivre vos pas au chapitre de la traçabilité?
Sur le plan de la réglementation, comment le gouvernement fédéral pourrait-il donner un coup de pouce à ces entreprises?
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Je vous remercie de la question.
Dans mon allocution d'ouverture, j'ai abordé deux des grands défis auxquels nous devons faire face. Le premier est celui des noms scientifiques comparativement à celui des noms communs. Pour plusieurs de nos fournisseurs, l'utilisation de l'appellation scientifique — le nom en latin — n'est pas une habitude. L'utilisation des noms communs peut porter à confusion, vu que certains peuvent renvoyer à une quarantaine d'espèces. De plus, la liste des poissons de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, ou ACIA, est difficile à mettre à jour. D'ailleurs, l'ACIA n'est pas toujours d'accord sur les listes des autres pays. Cela représente un défi quotidien pour nous.
Dans le même ordre d'idées, on peut parler de la provenance géographique comparativement au pays d'origine; il y a beaucoup de confusion entre les deux. Pour nous, cela représente une bataille tous les jours.
Vous avez aussi mentionné les petits fournisseurs, pour qui la traçabilité représente un investissement de temps et d'argent qui pourrait s'avérer plus important que prévu. Ils partent de plus loin. Documenter ces éléments peut être plus difficile pour eux.
D'un point de vue général, l'industrie tirerait profit de la mise en place d'un programme de sensibilisation concernant les noms scientifiques ou la provenance géographique comparativement au pays d'origine. Il faudrait plus de soutien à ce chapitre.
Un autre élément qui représente un défi quotidien, c'est le besoin de documenter systématiquement la chaîne d'approvisionnement jusqu'aux navires. Nous ne sommes pas en mesure de le faire avec les systèmes que nous avons actuellement. Nous testons nos fournisseurs de façon aléatoire. Pour un produit donné, nous leur demandons de remonter la chaîne d'approvisionnement jusqu'aux navires. Ils doivent nous dire quelles sont les étapes, du navire au port, du port au transformateur et du distributeur à notre propre entrepôt.
Pour nous, il s'agit d'un important travail de vérification. Pour le fournisseur, cela représente un important travail de documentation. Il faut le faire de façon systématique pour toutes les commandes, pour tous les produits et pour tous les lots. Or les systèmes que nous avons présentement ne nous permettent pas de le faire.
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Les journaux de bord électroniques ont été créés en réponse aux exigences du MPO suivant la déclaration des captures faite par le ministère. Nous avons participé à deux projets sur la traçabilité, dont un avec Metro, en fait, et je pense que nous étions ensemble dans ces groupes de travail, n'est‑ce pas?
L'un des aspects consistait clairement à relier les systèmes informatiques et les différents logiciels utilisés tout au long de la chaîne de valeur, pour la collecte de données et leur transmission d'un acteur de la chaîne de valeur à l'autre, grâce au système de base des journaux de bord électroniques. La traçabilité doit commencer dès le bateau, si nous voulons vraiment quelque chose de solide pour le consommateur final.
Ces données pourraient, pour des raisons de protection des données et de compatibilité des systèmes, être difficiles à intégrer dans un système unique de traçabilité. Il faut donc examiner les appareils qui peuvent être utilisés directement depuis le bateau.
Est‑ce qu'on met l'accent sur l'animal, individuellement, ou sur la boîte débarquée par le pêcheur? Cela nécessiterait également que les pêcheurs adaptent leurs façons de faire; la mise en place d'un système de traçabilité leur occasionnerait des coûts.
Est‑ce que cela répond à votre question?
Comme je l'ai mentionné précédemment, nos fournisseurs de produits de marques nationales sont responsables de leurs propres étiquettes. Nous ne pouvons pas leur imposer nos choix. Nous leur recommandons évidemment de suivre un programme aussi rigoureux que le nôtre. Nous évaluons aussi la durabilité de leurs produits, c'est-à-dire que si un produit de marque nationale ne répond pas à nos critères en matière d'espèces en santé ou de méthode d'exploitation responsable, il n'est pas mis en liste dans nos établissements.
Par contre, pour ce qui est de l'emballage et de l'étiquette du produit, les fournisseurs en sont responsables, et ils sont aussi responsables de l'application de leurs normes et du respect des exigences établies par des lois nationales ou provinciales. Ils doivent s'assurer de respecter ces exigences. Comme la traçabilité est indiquée sur une base volontaire, elle prend malheureusement souvent le bord, si je peux m'exprimer ainsi.
Pour nos propres produits, c'est nous qui faisons les vérifications pour nous assurer que les données transmises par nos fournisseurs sont véridiques. Nous nous assurons également que la traçabilité affichée sur nos produits représente la réalité des produits.
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Je vous remercie beaucoup.
Je laisserai nos deux témoins choisir qui va répondre à ma question. Peut-être que les deux pourront y répondre, s'il reste assez de temps.
Très sincèrement, les consommateurs sont chanceux d'avoir des entreprises et des organisations pionnières, comme les vôtres, qui ont beaucoup travaillé sur la traçabilité. Évidemment, à mon avis, c'est beaucoup plus qu'une question de marketing. C'est beaucoup plus complexe que de mettre un petit médaillon sur un homard. La traçabilité est liée à des questions telles que la confiance du consommateur dans le marché, la stimulation de l'activité économique dans les régions et la santé publique. Cela me fait penser que, malgré le rôle commercial et privé que vous avez décidé d'assumer, l'État fédéral a quand même un rôle important à jouer pour améliorer les systèmes de traçabilité.
S'il y avait une grande mesure à prendre ou une grande amélioration qui devait être apportée par le gouvernement fédéral en ce moment, qu'est-ce que ce serait et quelle forme cela prendrait-il?
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L'une des premières choses à faire dans l'immédiat serait de vraiment favoriser le marché intérieur et de développer des circuits courts afin de pouvoir obtenir un meilleur niveau de traçabilité. Moins il y a d'intervenants entre le pêcheur et le consommateur final, plus il est facile de retracer les différentes étapes parcourues par le poisson.
D'autre part, en favorisant le marché local, on peut aussi obtenir une amélioration quant à la provenance des produits. Je vais vous donner un exemple tout simple concernant le homard. En début de saison, le homard vient du Québec, notamment des Îles‑de‑la‑Madeleine et de la Gaspésie. Plus la saison avance, et pour des raisons que nous ne connaissons pas, les transformateurs vendent du homard transformé, donc cuit, et non plus du homard vivant. Nous n'avons aucune idée de la raison pour laquelle ils le font, mais, tout à coup, les consommateurs ne veulent plus de homard vivant. À ce moment-là, il y a des importations de homard en provenance des États‑Unis et tous les lots sont mélangés.
Si le fédéral et le provincial pouvaient favoriser des circuits courts qui permettraient la consommation du produit vivant ou du produit extrêmement frais, le moins transformé possible, cela faciliterait certainement la traçabilité des produits et la garantie au consommateur final.
Des systèmes existants peuvent être mis en place pour développer des circuits courts. Cela peut se faire également pour de petites quantités, parce que, l'un des défis, ce sont les volumes. Les pêches québécoises sont des pêches à gros volume. Pour distribuer les produits, il est toujours plus facile de les envoyer à un gros transformateur, qui va mélanger tous les lots. En mettant en place des systèmes de distribution pour de plus petits volumes, on peut développer des circuits courts et limiter le nombre d'intervenants.
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Avant de passer au prochain groupe de témoins, j'aimerais dire quelques mots.
Lorsque vous serez prêts à prendre la parole, cliquez sur l'icône du microphone pour l'activer. Lorsque vous ne parlez pas, éteignez votre micro. Nous vous prions de parler lentement et clairement.
Je souhaite maintenant la bienvenue au second groupe de témoins.
Nous accueillons M. Kurtis Hayne, directeur des programmes au Marine Stewardship Council.
Nous recevons également M. Bobby Jenkins, président de la Prince Edward Island Fishermen's Association; Mme Molly Aylward, directrice exécutive; et M. Ian MacPherson, conseiller principal qui a déjà comparu à plusieurs reprises et qui connaît bien ce comité.
Nous accueillons Mme Christina Callegari, coordonnatrice des produits de la mer durables chez SeaChoice.
D'accord, M. Jenkins n'est pas là. Mes notes indiquent le contraire, alors c'est une personne de moins.
Nous allons donner la parole à nos témoins pour leur déclaration liminaire, en commençant par M. Hayne. Vous avez cinq minutes ou moins.
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C'est parfait. Merci, monsieur le président.
Merci de me donner l'occasion d'apporter ma contribution à ce comité. Je m'appelle Kurtis Hayne et je suis directeur des programmes du Marine Stewardship Council au Canada. Je vous parle de Victoria, en Colombie-Britannique.
Le MSC est une organisation internationale sans but lucratif qui cherche à mettre fin à la surpêche dans le monde. Nous travaillons avec des scientifiques, des pêcheurs, des experts de l'industrie et d'autres organismes sans but lucratif. Nous visons à améliorer les méthodes de pêche dans les océans grâce aux techniques de pêche du MSC et à nos normes relatives à la chaîne de possession. Le programme du MSC encourage les pratiques de pêche durables à l'échelle internationale. Notre programme de certification des produits de la mer durables jouit de la plus grande reconnaissance au Canada et ailleurs dans le monde.
Les entreprises de la chaîne d’approvisionnement qui vendent nos produits de la mer doivent respecter les normes relatives à la chaîne de possession du MSC. Il s'agit d'une norme de traçabilité qui garantit que les poissons et les fruits de mer vendus portant l'étiquette bleue proviennent de pêches qui sont certifiées durables en vertu des normes du MSC.
Notre programme de chaîne de possession est un système de vérification rigoureux et indépendant qui suit les produits de la mer affichant l'étiquette bleue du MSC, depuis la pêche jusqu'au consommateur final. Toutes les entreprises qui participent à l'achat, à la transformation ou à la vente doivent être certifiées et doivent se soumettre à des audits annuels de traçabilité effectués par une tierce partie.
Les produits de la mer du MSC sont clairement étiquetés, ce qui permet aux consommateurs de faire un choix éclairé et [difficultés techniques] fraude. Les tests d'ADN révèlent que l'étiquetage erroné des produits de la mer du MSC se situe à moins de 1 %, ce qui est un taux beaucoup plus faible que les études dont a entendu parler le Comité pour d'autres produits de la mer et relativement aux estimations mondiales des taux d'étiquetage erronés.
Nous contrôlons régulièrement l'intégrité des produits affichant l'étiquette du MSC et nous réalisons des enquêtes pour remonter la chaîne d'approvisionnement. Nous soumettons les titulaires de certificat à des audits sans préavis, ce qui fait partie intégrante de notre programme.
La participation au programme est volontaire. Les entreprises et les pêcheurs certifiés par le MSC le font de leur plein gré et s'engagent à respecter nos normes. Il existe 327 certificats de chaîne de possession au Canada couvrant plus de 1 850 emplacements différents qui sont assujettis à des audits de traçabilité des produits de la mer certifiés par le MSC. Cela représente plus de 400 produits différents portant l'écoétiquette du MSC et qui ont été vendus aux consommateurs canadiens l'année dernière. Malgré cela, il existe toujours des lacunes au Canada dans la couverture des produits de la mer certifiés, surtout dans le secteur alimentaire.
Les recherches du MSC démontrent également que les Canadiens veulent savoir que leurs produits de la mer sont traçables. [Difficultés techniques] les consommateurs veulent savoir que le poisson qu'ils achètent peut être retracé jusqu'à une source connue et fiable. Nous sommes d'avis que des garanties de la chaîne d'approvisionnement et des systèmes de traçabilité devraient être une exigence pour attester de la durabilité de façon crédible. Nous soutenons les efforts d'avancement en matière de traçabilité, car ils sont essentiels pour pouvoir fournir des produits de la mer légaux, durables et bien étiquetés pour les consommateurs canadiens et pour permettre aux Canadiens de vendre sur les marchés internationaux.
Merci de nous avoir donné l'occasion de faire des observations. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
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Oui. Merci beaucoup, monsieur le président.
La Prince Edward Island Fishermen's Association, PEIFA, vous remercie de l'invitation et de la possibilité de s'adresser au Comité permanent des pêches et des océans pour vous parler de l'important sujet de la traçabilité du poisson et des produits de la mer.
L'Association représente plus de 1 275 capitaines qui composent la flottille côtière de notre île. Nos capitaines effectuent des investissements importants dans leurs opérations et sont très fiers d'être la première partie de la chaîne d'approvisionnement puisqu'ils livrent des produits de la mer de qualité supérieure aux marchés intérieurs et extérieurs.
Le secteur des pêches est fortement réglementé au Canada. La conservation de la ressource est essentielle pour veiller à ce que les générations futures puissent bénéficier de cette carrière et de ce style de vie.
Nous estimons que la traçabilité des produits de la mer est importante pour maintenir notre réputation internationale intacte; pour veiller à ce que les espèces de grande et de moindres valeurs ne soient pas surexploitées; pour préserver les certifications internationales en matière de durabilité; et pour accroître la confiance des consommateurs dans les produits de la mer qu'ils achètent au détail.
Notre écosystème océanique doit maintenir un équilibre délicat et préserver une pyramide de la chaîne alimentaire qui permet à toutes les espèces de survivre. Certaines des espèces abondantes, mais de valeur moindre, ne peuvent faire l'objet de surpêche au risque de perturber cet équilibre.
Au cours des six dernières années, l'Association a élaboré une application de registre électronique qui peut être utilisée par les pêcheurs de l'île dans le but de remplacer la méthode actuelle de journaux de bord papier où sont inscrites les données sur les prises. Une fois mis en place, les registres électroniques fourniront des données en temps réel sur les prises principales et accessoires. Nous croyons savoir que pour certaines espèces, les informations du système actuel ne sont pas toutes saisies et synthétisées jusqu'à six mois après la fermeture d'une saison de pêche donnée.
L'Association a consacré beaucoup de temps et de ressources à cette application afin que les pêcheurs puissent avoir accès à une unité qui saura non seulement répondre aux paramètres en matière de fonction du ministère des Pêches et des Océans, mais qui sera également conviviale et leur sera offerte à un coût raisonnable. Il est essentiel que les pêcheurs participent au processus pour qu'ils sachent où vont les données sur leurs prises, qui ont accès à ces données et l'endroit où elles sont stockées.
Madame Aylward.
Merci, monsieur MacPherson.
En plus d'assurer une collecte de données améliorée, il est essentiel que le MPO et le gouvernement du Canada reconnaissent la contribution des propriétaires-exploitants indépendants à la sécurité alimentaire. Les deux dernières années nous ont aussi montré que les chaînes d'approvisionnement peuvent être perturbées en un rien de temps. Nous devons nous assurer de maintenir l'approvisionnement en produits de la mer pour les Canadiens. Les propriétaires-exploitants sont les mieux placés pour veiller à ce que la ressource et les bénéfices qui en découlent demeurent dans les collectivités locales.
Nous avons également constaté depuis deux ans que la demande mondiale de fruits de mer est sans précédent. La forte demande peut être une arme à double tranchant, dans la mesure où, même si un meilleur prix a été payé aux pêcheurs et à d'autres dans la chaîne d'approvisionnement, la pression de surpêcher ou de pêcher illégalement peut se produire si des mesures de surveillance et d'application de la loi sont insuffisantes.
Une grande majorité de pêcheurs souhaitent deux choses importantes. Les pêcheurs souhaitent d'abord être payés un montant juste et financièrement viable pour leurs produits. Ensuite, ils veulent que la ressource soit gérée de manière responsable, de sorte que les pêcheurs d'aujourd'hui et de demain puissent préserver une industrie qu'ils connaissent et qui leur est chère.
Bien que les prises non déclarées ne semblent pas être un problème important sur l'Île‑du‑Prince-Édouard, nous sommes préoccupés par le fait que c'est un problème croissant pour lequel l'industrie, le gouvernement fédéral et les provinces doivent trouver des solutions efficaces. L'Association a toujours défendu l'application uniforme et généralisée des infractions relatives aux ressources en vertu de la Loi sur les pêches.
Les intervenants des divers secteurs de l'industrie s'emploient à apporter de la stabilité au secteur après de nombreuses années de rendements financiers insuffisants pour les pêcheurs et pour d'autres dans la chaîne d'approvisionnement. La viabilité n'est possible que lorsque nous protégeons nos ressources et que les pêcheurs déclarent toutes les prises de façon régulière et systématique.
Les perspectives d'avenir resteront positives si nos stocks sont protégés et si les données sont colligées et gérées de façon responsable et uniforme pour toutes les espèces et par tous les pêcheurs. Ainsi, nous pourrons assurer la prospérité de la pêche actuelle à court et à long terme.
Voilà qui met fin à mes déclarations préliminaires. Nous nous ferons un plaisir de répondre aux questions du Comité. Merci.
Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant le Comité.
[Traduction]
SeaChoice se réjouit vivement de voir le Comité mener une étude visant l'amélioration de l'étiquetage et de la traçabilité des produits de la mer. Il est crucial d'offrir une plus grande transparence aux consommateurs, d'assurer une offre de produits de la mer dans un souci de durabilité et de favoriser la viabilité à long terme de ce secteur.
SeaChoice est un partenariat canadien réunissant la Fondation David Suzuki, l'Ecology Action Centre et la Living Oceans Society. Nous travaillons ensemble depuis 2006 pour une exploitation des produits de la mer plus durable et plus transparente.
J'aimerais mettre l'accent aujourd'hui sur les trois facteurs clés justifiant une amélioration des normes canadiennes en matière d'étiquetage et de traçabilité des produits de la mer, et vous présenter nos principales recommandations en ce sens.
Premièrement, les Canadiens méritent d'en savoir plus au sujet de leurs produits de la mer, mais l'étiquetage utilisé au Canada ne leur permet pas de faire des choix éclairés pour faire des achats dans une optique de durabilité ou de soutien aux producteurs locaux. Le nom commun et le pays d'origine figurent parmi les très rares informations exigées pour l'étiquetage. Et, comme nous avons pu l'entendre, il arrive souvent que ces éléments d'information ne soient pas d'un grand secours pour le consommateur.
En 2019, SeaChoice a réalisé un examen exhaustif de la liste des poissons de l'ACIA. Cette liste sert de guide quant aux noms communs acceptés pour les produits de la mer vendus au Canada. Nous y avons trouvé de nombreux cas de noms communs génériques, comme « crevette » qui est utilisé pour 41 espèces différentes. À titre d'exemple, nous avons aussi découvert que l'on désignait sous l'appellation « vivaneau » une espèce de sébaste, un type de poisson totalement différent.
La mention du pays d'origine sur l'étiquette est exigée pour les produits importés, mais fait uniquement référence à l'endroit où le produit a subi sa dernière transformation, et non au pays où il a été pêché ou cultivé.
Nous savons également que les Canadiens souhaitent une plus grande transparence. Ainsi, 91 % des répondants à notre sondage de novembre 2021 ont qualifié d'assez à très importante l'obligation pour les entreprises de colliger les renseignements permettant la traçabilité des produits, comme le nom de l'espèce, les procédés utilisés pour la pêche ou l'élevage et l'endroit où cela a été fait.
Deuxièmement, la réglementation canadienne en matière de traçabilité ne permet pas actuellement la transmission de données exactes et importantes du point de récolte jusqu'au consommateur. Bien que le MPO exige que des renseignements comme l'espèce ou le type d'engin soient consignés dans les journaux de bord en fonction du genre de pêche, cette information n'est pas acheminée le long de la chaîne d'approvisionnement parce que notre réglementation fédérale touchant les produits alimentaires n'oblige pas les entreprises à le faire.
Le Canada devrait en outre adopter des exigences plus strictes en matière d'importation, car nous risquons actuellement d'importer des produits provenant d'activités de pêche illicites, non réglementées et non déclarées ou des produits de la mer dont l'étiquetage est trompeur. Cette lacune met particulièrement à risque des entreprises canadiennes, comme les gros détaillants, en permettant que des produits appartenant à des espèces pêchées illégalement ou en danger critique d'extinction passent inaperçus et soient vendus aux consommateurs.
Nous continuons par ailleurs à prendre du retard par rapport aux autres pays. Ainsi, les États-Unis envisageaient récemment un renforcement de leur programme de contrôle des importations pour inclure toutes les espèces de poissons et de crustacés, et ont également proposé d'étendre leurs exigences nationales en matière de traçabilité aux établissements comme les restaurants.
Enfin, un système normalisé de traçabilité et d'étiquetage réglementé par le gouvernement permettrait d'uniformiser les règles du jeu pour tous les intervenants de l'industrie. Les produits de la mer ne sont pas à l'abri de l'écoblanchiment, une problématique qui préoccupe la plupart des Canadiens. Ainsi, 83 % d'entre eux se sont dits assez ou très préoccupés par l'écoblanchiment. L'étiquetage détaillé des produits et leur traçabilité sont des outils importants pour s'assurer que les entreprises sont à la hauteur de leurs prétentions environnementales.
Une étude réalisée en 2009 par SeaChoice a révélé que les allégations apposées sur l'emballage par une entreprise pour indiquer par exemple un produit de « pêche écologique » ou de « source responsable » ne sont étayées par aucun fait probant dans 41 % des cas. Le système normalisé permettrait de faire en sorte que les entreprises qui n'investissent pas dans la traçabilité et un meilleur étiquetage ne puissent pas livrer une concurrence déloyale à celles qui le font.
Je vous rappelle donc les trois raisons pour lesquelles nous estimons que des améliorations s'imposent. Premièrement, notre étiquetage des produits de la mer n'est pas suffisamment détaillé. Deuxièmement, il faudrait mettre en place des systèmes pour permettre la traçabilité adéquate d'un produit et la compilation des renseignements nécessaires à cette fin. Troisièmement, une norme gouvernementale permettrait d'aplanir les règles du jeu pour l'ensemble de l'industrie.
Voici maintenant les recommandations que nous voulons soumettre aux membres du Comité.
Premièrement, nous recommandons l'élaboration d'exigences plus strictes en matière d'importation et la mise en place d'un système de traçabilité permettant le suivi de l'information pour tous les produits de la mer vendus au Canada.
Deuxièmement, nous recommandons l'adoption de normes d'étiquetage plus rigoureuses exigeant que l'on indique le nom scientifique, la source (sauvage ou d'élevage), le lieu de récolte et la méthode utilisée.
Troisièmement, nous recommandons que le gouvernement mette en œuvre les mesures nécessaires pour assurer la vérification des données et l'application des règles.
Quatrièmement, nous recommandons que le gouvernement mette sur pied un comité interministériel de telle sorte que tous les ministères concernés et l'ensemble des intéressés puissent conjuguer leurs efforts pour régler ces questions.
Je vous remercie pour le temps que vous m'avez consacré et je serai ravie de répondre à toutes vos questions.
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Merci, monsieur le président, et merci encore une fois à nos témoins pour les observations que vous nous avez présentées aux fins de cette importante étude.
Ma première question est pour Mme Callegari. J'ai trouvé fort intéressantes vos propositions au gouvernement concernant l'étiquetage des produits de la mer. Nous avons pu entendre des témoignages, citant notamment l'étude d'Oceana et d'autres recherches universitaires, qui semblent aller dans le même sens.
Vous soulignez que vos travaux ont permis de démontrer que les détaillants s'en tirent relativement bien lorsqu'il s'agit d'indiquer aux Canadiens que leurs produits de la mer ont été récoltés à l'état sauvage, font un peu moins bien lorsqu'ils doivent préciser sur l'étiquette que leurs produits viennent de l'élevage, et ont énormément de difficultés à indiquer comme il se doit sur l'étiquette le nom de l'espèce, le pays de récolte et la source du produit (sauvage ou d'élevage).
Je pense que c'est un peu ce que vous nous avez fait valoir aujourd'hui. Vous avez aussi mentionné que les États-Unis sont en train d'améliorer leurs façons de faire.
J'aimerais donc savoir ce que vous proposez plus précisément. Quels éléments, notamment parmi ceux qui sont facultatifs en vertu de la réglementation de l'ACIA, souhaiteriez-vous que l'on rende obligatoires dans l'étiquetage des produits de consommation?
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Merci, monsieur le président.
Je m'adresse à Mme Callegari concernant le rapport de son organisation sur les activités de pêche illicites, non réglementées et non déclarées.
Il y a un élément qui me préoccupe à ce sujet. J'ai parlé au nom des pêcheurs sportifs à maintes reprises, et j'ai notamment pêché avec eux sur les rives du Fraser. On leur demande sans cesse de limiter leurs activités, de capturer moins de poissons parce que les stocks sont menacés, mais on continue de permettre l'utilisation de filets maillants avec toutes ces prises accessoires dont personne ne veut.
La plupart des Canadiens ne saisissent pas bien les enjeux en cause et la façon dont cette pêche illicite peut contribuer aux activités du crime organisé.
Ma question porte sur la traçabilité. Quels en seraient les impacts sur les activités de pêche illicites, non réglementées et non déclarées à l'intérieur des frontières canadiennes?
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Je vous remercie beaucoup.
Je remercie nos trois invités, qui ont fait des présentations très intéressantes.
Je poserai la plupart de mes questions à Mme Callegari.
Madame Callegari, j'ai beaucoup aimé votre présentation. Selon moi, la pêche responsable et durable est importante non seulement pour la pérennité de notre industrie de la pêche, mais aussi pour la santé publique.
Je sais que vous avez beaucoup travaillé sur un rapport important au sujet de l'étiquetage et de la traçabilité.
Quelle serait la première étape, ou quel serait le premier jalon ou le premier grand pas à faire aujourd'hui vers un meilleur étiquetage?
Quel rôle le gouvernement fédéral devrait-il jouer à cet égard?
J'aimerais aussi rebondir sur la très intéressante question qu'a posée mon collègue d'en face M. Morrissey au sujet de la perte de valeur.
Il apparaît clair pour moi qu'un bon étiquetage et une bonne traçabilité bénéficieraient davantage aux meilleurs joueurs du marché, aux pêcheurs qui offrent des produits de qualité, et à tous les maillons de la chaîne d'approvisionnement qui offrent la meilleure qualité.
Nous connaissons tous les défauts du système actuel d'étiquetage. Ne concédons-nous pas, encore une fois, un avantage aux mauvais joueurs du marché?
J'adresserais ici ma question à tous les témoins.
Pouvez-vous me dire qui, du pêcheur au détaillant, bénéficie présentement d'un mauvais étiquetage?
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Je peux répondre à cette question. Je pense que cela nous ramène à certains des points soulevés précédemment. Les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tous les acteurs de la chaîne d'approvisionnement, et sans traçabilité obligatoire...
Mme Callegari a parlé de l'écoblanchiment qui se produit sur le marché. Notre programme a un coût. Il repose sur des audits réalisés par des tiers, non seulement pour nos pêcheries certifiées, mais aussi pour tous les propriétaires de ces produits de la mer jusqu'au moment de leur étiquetage. Cela représente un coût, un coût volontaire, pour les bons acteurs de la chaîne d'approvisionnement.
Lorsque les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tous et que des logos peuvent être apposés sur des produits qui revendiquent leur durabilité sans garantie à l'appui, voilà le problème. Il faut uniformiser les règles du jeu dans toute la chaîne d'approvisionnement et faire en sorte que ceux qui font ce qu'il faut, qui se tournent vers des certifications de tiers ou qui appliquent le principe de la traçabilité, soient récompensés pour leurs efforts.
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Je vous remercie de votre réponse, monsieur Hayne.
Si personne d'autre ne souhaite intervenir, je vais poursuivre.
Ma prochaine question s'adresse à nouveau à l'ensemble des témoins.
Selon ce que je comprends, on peut acheter aujourd'hui un produit canadien qui n'a pas été pêché au Canada. Je pense que cela est particulièrement vrai pour les produits transformés. On ne sait pas exactement quelles sont les étapes du processus de transformation qui ont été suivies. On n'est pas certain, exactement, de l'espèce se trouvant dans la boîte. On l'achète, mais on ne sait pas vraiment ce que l'on achète.
Comment le Canada se compare-t-il aux autres pays? Je pense au système européen, par exemple?
Faisons-nous bonne figure ou devrions-nous être un peu gênés d'avoir un système comme celui que nous utilisons actuellement?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence ainsi que de l'excellente information qu'ils nous apportent.
J'ai des questions en particulier pour Mme Callegari, et aussi peut-être pour M. Hayne.
En ce qui concerne SeaChoice, vous avez parlé un peu des rapports annuels qui sont publiés, de toute l'information formidable qu'ils fournissent sur l'état des programmes de traçabilité des produits de la mer au Canada, et ainsi de suite. Je me demande si vous pouvez fournir de l'information de base, un genre de condensé sur cette enquête, à savoir les taux de participation et la façon dont elle est menée. J'essaie simplement de comprendre le poids de cette enquête pour nos travaux, alors que nous écoutons ces réponses.
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Certainement. Dans ce rapport, que nous avons rédigé en 2019, notre objectif était d'examiner l'ensemble du Canada, de couvrir tous les grands détaillants et de voir si oui ou non, avec l'augmentation de la demande de produits de la mer durables de la part des consommateurs, nous pourrions effectivement constater que des entreprises fournissaient les renseignements sur la durabilité sur leurs produits et voir si c'était vérifiable ou non.
Nous avons constaté que les résultats étaient nettement meilleurs pour les produits portant une affirmation de durabilité, comme une certification du MSC, le Marine Stewardship Council, ou ce que nous appelons une attestation, comme le logo Ocean Wise ou le logo indiquant une pêche sans risque pour les dauphins sur l'emballage. Cela tient au fait que ces déclarations sont accompagnées d'une vérification et de renseignements fournis par une tierce partie. En revanche, pour ce que nous appelons les prétentions « autodéclarées », c'est‑à‑dire les mentions « provenant de sources responsables » ou « durables », nous avons eu beaucoup de mal à vérifier si ces produits étaient aussi durables qu'on le prétendait, car très peu d'entre eux comportaient l'information nécessaire à cette fin sur l'emballage.
Lorsque nous avons pris quelques mesures supplémentaires pour contacter les entreprises afin d'obtenir de l'information ou pour consulter leurs sites Web, nous avons constaté que 41 % d'entre elles n'étaient pas en mesure de fournir l'information permettant de confirmer la durabilité du produit. Nous avons donc conclu que nous n'avions pas suffisamment d'information pour faire la vérification.
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C'est moins de 1 %. Nous avons fait quelques tests. Nous répétons périodiquement les tests ADN des produits certifiés par le MSC comme mécanisme d'assurance dans le cadre de notre programme, pour nous assurer que notre chaîne de contrôle fonctionne.
Pour répondre à votre question précédente sur la façon dont elle est maintenue, nous tenons à la fois notre norme de durabilité... Je réalise que je n'ai pas répondu à la question avant. Il s'agit de veiller à ce que les pêcheries soient certifiées pour garantir leur durabilité. Nous examinons la santé du stock. Il s'agit de savoir si on atténue les effets sur l'environnement, comme les prises accessoires ou les dommages causés à l'habitat, et si la pêche est bien gérée.
Pour commencer, tout ce qui porte notre logo bleu doit provenir d'une pêcherie certifiée. Ensuite, tout propriétaire des produits de la mer doit se soumettre à des audits annuels de la chaîne de contrôle. Ces audits sont réalisés par des tiers. Nous avons établi une norme de traçabilité sur laquelle reposent les audits de toutes ces entreprises, lesquels audits sont réalisés chaque année. En règle générale, à moins d'une pandémie, un auditeur se rend dans l'entrepôt, examine tous les systèmes de traçabilité en place, peut fournir de l'information sur le « retraçage » dans le cadre du programme et veille à la bonne application de l'étiquetage de l'origine de la capture et de l'étiquetage des espèces. Il s'agit d'un programme très rigoureux qui est, en plus, continuellement mis à jour.
Tous ces acteurs de la chaîne d'approvisionnement, les 372 partenaires au Canada, sont soumis à des audits annuels de traçabilité des produits certifiés par le MSC.
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C'est une question difficile.
Notre programme vise à inciter les consommateurs et les détaillants à choisir des produits certifiés et à rechercher notre logo lorsqu'ils font leurs achats. Nous travaillons en quelque sorte de l'autre côté de la médaille. Nous voulons nous assurer que les gens choisissent des produits de la mer certifiés durables.
Ces dernières années, nous avons constaté une forte augmentation des ventes de produits de la mer certifiés au Canada, en Amérique du Nord et à l'échelle mondiale. Je pense que cela montre que les consommateurs sont de plus en plus préoccupés par la durabilité.
Nous faisons des tests auprès des consommateurs tous les deux ans. Nous constatons, d'année en année, une augmentation des préoccupations relatives à la durabilité des produits de la mer et à la santé de nos océans. Les consommateurs veulent un produit sûr et traçable et veulent que les producteurs leur fournissent davantage de renseignements sur la durabilité de leurs produits.
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Cela me fera un grand plaisir. Je ne vous priverai pas de ce plaisir, monsieur le président.
Madame Callegari, dans votre rapport et dans vos interventions, vous avez souvent proposé la mise en place d'un groupe d'experts du gouvernement fédéral, dont le mandat serait de surveiller la traçabilité et l'étiquetage.
Que pensez-vous de l'idée de nommer un commissaire à la traçabilité et à l'étiquetage, qui pourrait, dans une certaine mesure, chapeauter toutes les activités de suivi du gouvernement fédéral?
En supposant que vous êtes d'accord sur cette proposition, quel serait exactement son mandat?