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Bienvenue à la septième réunion du Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 18 janvier 2022, le Comité reprend son étude de la traçabilité des poissons et des produits de la mer.
La réunion d'aujourd'hui a lieu en mode hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021. Les délibérations sont diffusées sur le site Web de la Chambre des communes. Comme vous le savez, la webdiffusion montre toujours la personne qui parle plutôt que l'ensemble du Comité.
Je ne vais pas passer en revue les directives relatives à la COVID‑19, car nous les avons tous entendues à maintes reprises et nous devrions bien les connaître.
Des services d'interprétation sont à notre disposition pendant la réunion. Si vous n'entendez plus l'interprétation, veuillez m'en aviser immédiatement et nous veillerons à ce que le service soit rétabli avant de reprendre la réunion.
Vous pouvez utiliser la fonction « lever la main » au bas de l'écran si vous souhaitez intervenir ou signaler quelque chose au président. Vous devez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez par vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour allumer votre micro avant de parler. Votre micro doit être éteint lorsque vous ne parlez pas.
Je vous rappelle que les députés et les témoins doivent toujours s'adresser à la présidence.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos premiers témoins. Nous accueillons, à titre personnel, Robert Hanner, professeur à l'Université de Guelph. Nous entendrons la porte-parole de Oceana Canada, Sayara Thurston, responsable de campagne, et ensuite, celle de Ocean Wise, Claire Dawson, cadre supérieure, Initiative pêche et produits de la mer.
Nous allons maintenant passer à des déclarations préliminaires de cinq minutes ou moins. C'est M. Hanner qui va commencer.
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Bonjour. Je remercie le président de me donner l'occasion de m'adresser au Comité.
Je suis professeur au département de biologie intégrative de l'Université de Guelph.
J'aimerais commencer par dire que les pêches du Canada contribuent de façon importante au tissu écologique, socioéconomique et culturel de notre pays. Cependant, l'intégrité de notre chaîne d'approvisionnement nationale de produits de la mer est érodée par le manque d'organisation et de transparence sur le plan de la déclaration des données sur la pêche et de l'étiquetage du marché.
La liste des poissons de l'ACIA et la réglementation canadienne sur l'étiquetage des produits de la mer en général sont en grande partie incompatibles avec les principes juridiques de la politique canadienne visant à s'assurer que les noms des poissons reposent sur des fondements scientifiques fiables afin de maintenir des pratiques de marché équitables et de ne pas tromper les consommateurs.
Le Canada a récemment ratifié l'Accord relatif aux mesures du ressort de l'État du port pour lutter contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée. Il est donc approprié et opportun que notre pays procède à la modernisation de ses exigences en matière d'étiquetage et de déclaration des données sur les produits de la mer dans le cadre du virage vers la transparence.
Les organismes gouvernementaux devraient améliorer la déclaration des statistiques sur la production et le commerce des pêches en exigeant des classifications au niveau des espèces.
La législation canadienne en matière d'étiquetage devrait être harmonisée avec celle de l'Union européenne en ce qui concerne l'obligation d'indiquer les noms scientifiques sur les produits de la mer, ainsi que des critères supplémentaires concernant l'origine géographique, l'historique de la transformation et les méthodes de production et de récolte afin de faciliter les choix des consommateurs et d'assurer une traçabilité effective du bateau à la table. Cette loi devrait être appliquée.
Dans l'ensemble, l'amélioration de la granularité taxonomique et l'échange de renseignements exacts devraient fournir une base de résolution améliorée pour évaluer les modèles d'exploitation des espèces domestiques et adapter des plans de gestion et de conservation solides.
Merci.
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Merci beaucoup de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui pour parler de l'importante question de la traçabilité des produits de la mer.
Oceana Canada fait partie du plus important groupe de défense international voué exclusivement à la conservation des océans dans le monde. Nous travaillons avec tous les intervenants pour que les océans du Canada, autrefois dynamiques, redeviennent sains et prolifiques.
[Français]
J'aimerais surtout remercier Mme Desbiens d'avoir proposé cette étude pour examiner la mise en place d'un programme de traçabilité des produits de la mer. Je trouve très encourageant de voir le Comité entreprendre ce travail important sur un enjeu ayant des répercussions sur l'économie, sur la conservation, sur la sécurité alimentaire ainsi que sur les pêcheurs et les producteurs.
[Traduction]
La fraude ou l'étiquetage trompeur des produits de la mer consiste notamment à faire passer un produit moins cher et facilement accessible pour un produit plus coûteux, des produits d'élevage pour des produits sauvages ou des poissons pêchés illégalement pour des produits de la pêche légitime. Ces pratiques compromettent la salubrité des aliments, trompent les consommateurs et l'industrie canadienne de la pêche, affaiblissent la durabilité des populations de poissons et masquent la pêche illégale mondiale et les violations des droits de la personne.
La solution réside dans la traçabilité d'un bout à l'autre de la chaîne, ce qui exige que les renseignements clés soient couplés aux produits tout au long de la chaîne d'approvisionnement avec des dossiers électroniques, du point de capture au point de vente. Cette approche a été mise en œuvre par le plus important importateur de produits de la mer au monde, l'Union européenne, il y a 10 ans, et les erreurs d'étiquetage ont depuis diminué. Les États‑Unis ont également mis en œuvre la traçabilité de plusieurs espèces du navire jusqu'à la frontière.
Le gouvernement fédéral s'est engagé à mettre la traçabilité en place en 2019, mais malheureusement, peu de projets ont été réalisés depuis. Pour faire avancer ce dossier de façon concrète, Oceana Canada recommande de s'engager à respecter un échéancier ambitieux pour l'élaboration de la traçabilité d'un bout à l'autre de la chaîne. Pour faciliter les choses, nous recommandons la création d'un groupe de travail panministériel afin de permettre à tous les ministères concernés de travailler ensemble. Nous recommandons que le cadre de traçabilité soit obligatoire et fondé sur la réglementation, et qu'il exige une documentation sur les captures prouvant l'origine et la légalité de toutes les espèces, conformément aux normes de l'UE et aux recommandations de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture. Tout nouveau système canadien de traçabilité et de documentation sur les captures doit être interopérable avec les pratiques exemplaires mondiales afin d'éviter d'imposer un fardeau réglementaire à l'industrie ou de créer des échappatoires. Nous recommandons en outre d'améliorer les normes d'étiquetage des aliments en exigeant que le nom scientifique de l'espèce et sa véritable origine géographique soient inscrits sur les étiquettes de vente au détail, ce qui correspond également aux normes actuelles de l'UE.
Comme vous l'avez entendu dire la semaine dernière, ni l'un ni l'autre des deux principaux organismes responsables de ce dossier, l'ACIA et le MPO, n'estiment que leur compétence est claire. C'est compréhensible. Aucun organisme n'est entièrement responsable de la lutte contre la fraude liée aux produits de la mer. La surveillance des pêches, la salubrité des aliments, la légalité des produits, les mécanismes commerciaux, les organismes frontaliers, les normes du travail et les exigences en matière de durabilité sont réglementés par différents ministères et organismes en vertu d'un méli-mélo de dispositions législatives et réglementaires. C'est une question complexe, mais cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas nous y attaquer. Si le Canada veut rester à la hauteur de ses partenaires commerciaux, soutenir ses pêches et protéger les consommateurs dans un monde moderne, nous devons trouver une solution.
Pour ce faire, nous n'avons pas à réinventer la roue. Nous pouvons et devons apprendre des autres pays, surtout parce que l'interopérabilité sera cruciale pour l'avenir des chaînes d'approvisionnement mondiales des produits de la mer. Lorsque les États‑Unis ont élaboré le programme de surveillance des importations des produits de la mer, plus d'une douzaine d'organismes fédéraux se sont réunis en un groupe de travail pour coordonner les compétences qui se chevauchent, combler les lacunes et renforcer les capacités pour que la traçabilité devienne possible. J'exhorte le Comité à recommander une approche semblable.
Nous savons que la fraude liée aux produits de la mer pose un problème au Canada. Oceana Canada a constamment constaté des erreurs d'étiquetage chez nous, mais nous ne sommes pas les seuls. Une analyse de dizaines d'études mondiales réalisée par le journal The Guardian, l'an dernier, a révélé que sur les 9 000 échantillons analysés, près de 44 % étaient mal étiquetés.
Les produits de la mer mal étiquetés et pêchés illégalement ont de nombreuses répercussions sur notre société. La fraude liée aux produits de la mer nuit à la santé publique et à la salubrité des aliments. Les consommateurs peuvent être exposés à leur insu à des allergènes, des parasites, des toxines et des contaminants environnementaux. Les chaînes d'approvisionnement opaques permettent l'entrée sur le marché d'espèces menacées ou en voie de disparition. La pêche illicite, non déclarée et non réglementée dévaste la santé des océans et les communautés de pêcheurs dans le monde entier. En 2019 seulement, les États‑Unis ont importé des produits de la mer illégaux d'une valeur estimée à 2,4 milliards de dollars. C'est inquiétant pour nous parce que presque 80 % des produits de la mer que nous consommons au Canada sont importés, en grande partie par les États‑Unis. En l'absence d'une traçabilité solide, nous laissons nos chaînes d'approvisionnement ouvertes aux produits de la mer qui ont été capturés illégalement, qui sont mal étiquetés, qui proviennent d'une pêche non durable ou du travail forcé. Le Canada a les moyens et l'obligation de veiller à ce que les produits de la mer pêchés et vendus ici soient sûrs, capturés légalement, obtenus de façon responsable et étiquetés honnêtement.
Merci beaucoup de votre attention. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Je m'appelle Claire Dawson et je travaille, en tant que cadre supérieure, à l'Initiative pêche et produits de la mer, de Ocean Wise. Je comparais aujourd'hui à partir des territoires traditionnels des Premières nations Musqueam et Tsleil-Waututh and Squamish, à Vancouver, pour parler de la traçabilité du poisson et des produits de la mer au Canada.
Je me réjouis d'avoir l'occasion de m'adresser aux membres du Comité au sujet de ce sujet urgent.
En tant que programme de durabilité des produits de la mer le plus reconnu au Canada, Ocean Wise s'engage à travailler avec les entreprises de la chaîne d'approvisionnement des produits de la mer pour veiller à ce que les consommateurs canadiens aient accès à de l'information sur ces produits. L'information fournie par les programmes de traçabilité est essentielle pour trois raisons principales. La première est que cela donne aux Canadiens la possibilité de faire des choix éclairés au sujet de leurs aliments. La deuxième raison est que cela sert à réduire les risques économiques et environnementaux que posent la fraude liée aux produits de la mer et les captures illégales, non déclarées et non réglementées. La troisième raison est que cela appuie les efforts des familles de pêcheurs de partout au Canada, qui travaillent fort pour mettre des produits de la mer responsables, durables et canadiens dans les assiettes du pays et du monde entier.
Pour ce qui est de mon premier point, à savoir que les Canadiens ont besoin d'information pour faire des choix éclairés, s'il n'y a pas de traçabilité, il y a une ambiguïté. La plupart des consommateurs canadiens veulent pouvoir faire des choix qui reflètent leurs valeurs environnementales à l'égard des produits de la mer, mais pour cela, ils ont besoin de notre aide. Une étude récente commandée par Oceana indique que 86 % des Canadiens appuient un programme global de traçabilité de nos produits de la mer. Cependant, à l'heure actuelle, la plupart des entreprises qui achètent et vendent des produits de la mer n'ont pas, ou ne peuvent pas obtenir de données de traçabilité complètes, à part les renseignements de base qui peuvent être requis pour assurer la sécurité, par exemple pour procéder à un rappel de produit.
Étant donné que des milliers d'espèces sont disponibles sur le marché canadien, il est irréaliste de s'attendre à ce que les consommateurs, les entreprises, les chefs cuisiniers et d'autres puissent déterminer la véritable source des produits qu'ils consomment, si ces renseignements n'accompagnent pas obligatoirement le produit. Cela signifie que les consommateurs n'ont pas actuellement l'information dont ils ont besoin pour faire un choix éclairé au sujet des produits de la mer, et que les entreprises qui ont des pratiques plus durables ou socialement responsables n'obtiennent pas les avantages ou la reconnaissance qu'elles méritent. Il est également coûteux d'être un pionnier dans le domaine de la traçabilité. À l'heure actuelle, c'est presque un désavantage pour le premier à agir, car cela a d'énormes répercussions sur ses résultats financiers.
Pour ce qui est de mon deuxième point, à savoir que la traçabilité peut aider à réduire les risques environnementaux et économiques associés aux produits de la mer, ces produits suivent la voie très complexe de la mer à la table, et changent souvent de mains, jusqu'à cinq ou six fois, avant d'atteindre le point de vente final. L'opacité de la chaîne d'approvisionnement est l'une des principales raisons pour lesquelles les produits de la mer sont sujets à la fraude et à l'étiquetage trompeur. Sans savoir où et comment un produit de la mer donné a été pêché, il est impossible de déterminer son empreinte environnementale.
Si l'on ne connaît pas le nom scientifique de l'espèce, en plus de son nom usuel, les entreprises peuvent faire des substitutions, en faisant parfois passer pour des espèces de grande valeur des [difficultés techniques] ou sauvages, comme nous l'avons entendu. Cela peut coûter cher aux consommateurs, qui finissent par payer pour un produit qu'ils n'obtiennent pas. Les entreprises peuvent aussi facilement faire passer des produits capturés illégalement dans des chaînes d'approvisionnement légitimes en raison de cette opacité. En plus de coûter cher à l'environnement et aux entreprises, ces pratiques peuvent également réduire la sécurité alimentaire intérieure.
Pour ce qui est de mon troisième point, à savoir qu'il est coûteux pour les entreprises de faire ce qu'il faut, le manque actuel de traçabilité nous coûte cher à tous. Selon les études actuelles, les pêcheurs canadiens légitimes perdent jusqu'à 379 millions de dollars par année en revenus potentiels, et le manque de transparence coûte au gouvernement du Canada jusqu'à 94 millions de dollars par année en recettes fiscales perdues.
De plus, notre accès aux marchés internationaux lucratifs pourrait être en jeu. Comme nous l'avons entendu, l'Union européenne a des exigences strictes pour la traçabilité des produits de la mer. Étant donné qu'il s'agit d'un marché important pour les produits pêchés au Canada, l'investissement du gouvernement fédéral dans un programme de traçabilité contribuerait à faire en sorte que les produits de la mer capturés de façon responsable et bien gérés au Canada soient concurrentiels sur le marché mondial.
Les familles canadiennes de pêcheurs travaillent fort pour respecter nos politiques intérieures rigoureuses, fournir des emplois dans leurs collectivités locales et nourrir les familles canadiennes. En appuyant un programme de traçabilité pour leurs produits, nous soutenons la pêche en tant que moyen de subsistance important dans notre pays et nous nous assurons de gérer les vastes ressources aquatiques dont nous avons la chance de disposer depuis des générations.
Il est clair qu'investir maintenant dans un programme pancanadien de traçabilité rapportera des dividendes plus tard.
Le Canada a le littoral le plus long du monde, et la pêche fait partie intégrante non seulement de notre sécurité alimentaire, mais aussi de notre identité nationale et de notre mode de vie.
Avec un tel soutien en faveur d'une meilleure traçabilité des produits de la mer canadiens, le moment est idéal pour que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership dans ce domaine en investissant dans ce secteur. Cet investissement permettrait au Canada d'être un chef de file dans la production durable et responsable de produits de la mer pour laquelle nous sommes reconnus, et de demeurer concurrentiel à l'échelle mondiale.
Merci de votre attention. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Nous indiquons clairement dans tous nos rapports que nous sélectionnons des produits qui présentent un risque plus élevé de fraude, soit parce qu'ils sont plus désirables, soit parce qu'ils sont plus difficiles à trouver, soit parce que nous savons qu'ils font davantage l'objet de fraude. Nous le disons clairement dans toutes nos études et nous expliquons la méthodologie que nous utilisons pour sélectionner ces espèces.
Si nous examinons un problème, nous regardons là où nous savons qu'il se pose. Aucune fraude n'est acceptable dans les chaînes d'approvisionnement canadiennes, alors nous voulons voir si les espèces à risque élevé sont protégées contre la fraude au Canada. Nous avons constaté que ce n'est pas le cas.
Lorsque nous disons que 47 % des échantillons que nous avons analysés étaient frauduleux, c'est tout ce que nous disons. Cela se rapporte aux échantillons en question. Ce n'est pas 40 % des produits de la mer sur le marché canadien. Ce n'est pas ce que nous laissons entendre. Nos chiffres concordent avec ceux d'autres organismes du Canada — y compris l'ACIA, il y a quelques années, dans le cadre d'une étude antérieure — et d'ailleurs dans le monde.
Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, une analyse de 44 études menées l'an dernier par The Guardian a révélé qu'environ 40 % des échantillons analysés étaient également mal étiquetés.
La semaine dernière, j'ai soulevé auprès des témoins la question de certains étiquetages que j'ai pu voir au supermarché. Vous l'avez peut-être vu. Certains emballages affirmaient que le produit était du saumon de l'Atlantique biologique ou de l'aiglefin fabriqué au Canada à partir d'ingrédients canadiens et importés, ce que j'ai trouvé un peu déroutant. Bien sûr, les couronnes de crevettes très populaires que nous achetons sont simplement étiquetées « Produit du Vietnam », ce qui ne me dit absolument rien sur l'endroit où elles ont été pêchées ni comment elles ont été pêchées ou transformées.
La justification donnée était que tous ces renseignements sont fournis sur une base facultative, ce qui, de toute évidence, n'aide pas beaucoup les consommateurs à savoir de quoi il s'agit. Je me demande si les trois témoins pourraient nous en parler et nous dire ce qu'ils recherchent en matière d'étiquetage pour aider les consommateurs à savoir si ce qu'ils achètent correspond vraiment à ce qui se trouve dans la boîte ou dans l'emballage.
Mme Thurston peut commencer, puis Mme Dawson et M. Hanner.
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C'est un défi auquel nous sommes confrontés quotidiennement, à Ocean Wise, lorsque nous essayons de déterminer, avec les entreprises avec lesquelles nous travaillons, la performance environnementale de la production des produits de la mer.
Un très bon exemple de ce défi pourrait être l'étiquette que le consommateur voit sur un morceau de saumon rouge qui a été fumé et qui porte la mention « Produit du Canada ». Cela peut prêter à confusion pour le consommateur, par exemple, si la pêche au saumon rouge était fermée cette année‑là parce que son rendement était faible, ou pour une raison de ce genre.
Ce saumon rouge provient probablement de la Russie ou de l'Alaska, mais il est fumé ici au Canada, alors on peut dire qu'il s'agit d'un filet de saumon rouge canadien. C'est tout ce que le consommateur voit au point de vente.
C'est problématique, parce que cela ne dit pas aux consommateurs tout ce qu'ils devraient savoir au sujet de l'état des stocks de saumon au Canada, si la pêche est ouverte ou s'ils peuvent consommer en toute confiance ce produit canadien. Cela ne leur dit rien non plus sur la performance environnementale, parce qu'ils ne savent même pas où le poisson a été pêché.
Nos étiquettes doivent absolument indiquer le lieu de production et la méthode de production. Autrement dit, pour la mention « sauvage », où ce poisson a‑t‑il été pêché? Quel type d'équipement a été utilisé? Ou, si c'est la mention « élevé », comment le poisson a‑t‑il été élevé et quelle est l'espèce précise qui a été élevée? Sinon, on n'a aucune idée de l'impact environnemental de cette méthode de production.
Vous avez donné un bon exemple, celui du saumon de l'Atlantique biologique. Certains diront que tous les poissons sauvages sont biologiques, mais il est probable qu'en réalité, ce poisson a été élevé selon une norme biologique. Encore une fois, si c'est tout ce que cela dit, le consommateur n'a aucune information sur laquelle fonder ses décisions.
Il est absolument nécessaire que les consommateurs aient accès aux données sur l'espèce, la méthode, le nom scientifique et autres détails, à tout le moins pour qu'ils puissent prendre des décisions qui correspondent à leurs valeurs lorsqu'ils achètent des produits de la mer.
Comme nous l'ont dit les deux autres témoins, l'Union européenne a légiféré pour exiger des données plus détaillées. Ici, au Canada, nous avons comme seule exigence d'étiquetage la mention d'un nom commercial vague qui peut désigner de nombreuses espèces différentes. Dans l'Union européenne, le nom de l'espèce est également requis pour atteindre le niveau de granularité qui permet de gérer les stocks individuels. Il faut préciser l'origine géographique et la méthode de capture. Ici, au Canada, je trouve vraiment décourageant de voir, alors que notre industrie se conforme déjà aux règlements de l'Union européenne pour pouvoir exporter nos produits de la mer vers ce marché, que nous, les Canadiens, ne jouissons pas du même niveau de transparence. Nous consommons du poisson de basse qualité provenant des marchés internationaux qui est vendu au Canada sans ce niveau de transparence, alors que notre propre industrie s'y conforme déjà si elle exporte vers l'Union européenne.
Je suis vraiment déçu de voir ce genre d'écart entre ce qui a été présenté précédemment par la Direction générale des politiques de l'ACIA et ses propres scientifiques, parce que nous avons publié un document avec eux au sujet de leurs inspecteurs qui prélèvent des produits de la mer à leur arrivée au port de débarquement à Toronto, en gros et au détail. Nous avons constaté qu'environ 20 % des échantillons prélevés et testés à l'importation étaient mal étiquetés; près de 30 % des échantillons prélevés en gros et au détail étaient mal étiquetés, et près de 40 % des échantillons prélevés au détail étaient mal étiquetés.
Ce que nous constatons, c'est que ce problème s'aggrave à chaque étape de la chaîne d'approvisionnement, parce qu'il n'y a essentiellement pas de réglementation ici au Canada, à part le fait de déclarer un nom commercial vague, qui ne correspond peut-être à aucune espèce sauvage.
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Merci, monsieur le président.
Je suis très contente d'accueillir ces témoins parmi nous aujourd'hui. C'est vraiment très intéressant. Je les remercie d'être ici.
Mme Thurston a dit quelque chose qui a retenu mon attention. Elle disait souhaiter la création d'un groupe de travail, composé de plusieurs organismes de divers niveaux d'intervention, qui se pencherait sur cette question. Par exemple, des représentants de ministères ainsi que des scientifiques pourraient former un tel groupe de travail pour mettre en place un système, en se référant bien sûr à ceux qui ont les meilleurs résultats en la matière, c'est-à-dire les pays de l'Union européenne. Il faut faire en sorte qu'un plan prenne forme.
Madame Thurston, qui aimeriez-vous voir dans ce groupe de travail?
Quel serait un échéancier réaliste pour établir un plan de traçabilité, voire pour nommer un vérificateur général de la traçabilité?
C'est un peu mon idée, ce matin.
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Je vous remercie beaucoup de la question.
Vous avez tout à fait raison, il doit vraiment y avoir une équipe de travail, étant donné que plusieurs intervenants et ministères sont touchés par ce dossier, comme nous l'avons constaté la semaine dernière.
C'est justement ce qui a été fait aux États‑Unis, lorsqu'on a voulu agir relativement à ce problème: en 2014, le président Obama a mis sur pied un groupe de travail. Plusieurs départements devaient alors travailler ensemble, parce que c'était un peu le bordel sur le plan des champs de compétence. Je pense qu'au moins une douzaine de départements étaient impliqués, notamment ceux du Commerce, de la Justice et de la Sécurité intérieure, de même que le bureau du président. Il fallait les faire travailler ensemble afin de créer quelque chose qui serait capable de gérer toutes les complexités liées aux chaînes d'approvisionnement des produits de la mer.
Je pense que nous devons absolument faire la même chose ici, au Canada. Autrement, nous n'avancerons pas dans ce dossier.
Pour ce qui est d'un échéancier, les États‑Unis ont formé cette équipe de travail en 2014 et la loi a été créée en 2016, je pense. On parle donc de deux ans.
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Ce qui pose le plus grand risque, à mon avis, c'est de ne pas faire quelque chose. On observe dans le reste du monde une tendance à la hausse vers la transparence et la traçabilité. Dans ce contexte, soit nous faisons quelque chose par nous-mêmes et nous prenons le contrôle, soit nous continuons de nous conformer à d'autres systèmes.
Nous avons déjà parlé de l'Union européenne. Nos pêcheurs ici, au Canada, travaillent largement en conformité avec un autre système, parce que c'est obligatoire. On voit aussi des détaillants mettre en place leur propre système de traçabilité, parce que les consommateurs continuent à le demander. Si plusieurs systèmes continuent d'être créés, cela deviendra très difficile pour les pêcheurs de se conformer à tous ces systèmes, surtout s'ils ne fonctionnent pas ensemble.
Pour le Canada, la meilleure chose à faire serait de créer un système qui fonctionne pour nous, mais qui fonctionne aussi avec les marchés du monde. Cela permettrait de réduire le travail des pêcheurs. De plus, cela permettrait au Canada de garder son image dans le monde en tant que pays qui protège ses océans et ses pêcheurs.
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Je crois que oui. En raison de ce niveau de granularité et du genre de tests que nous pouvons faire sur l’authenticité et la région de la capture, nous sommes en mesure de vérifier les allégations. C’est une étape importante.
Comme je l’ai mentionné, notre industrie de l’exportation se conforme en grande partie aux normes régissant les allégations. Lorsque notre industrie nationale des produits de la mer doit faire face au dumping sur nos marchés de produits de la mer mal étiquetés, je pense que cela crée vraiment une concurrence déloyale.
Nous avons publié de nombreuses études montrant que près de la moitié de tous les points de vente au détail que nous avons testés vendaient des produits de la mer mal étiquetés d'une façon ou d'une autre, et que près de la moitié des différents types de produits de la mer qui ont été testés montraient des signes d’étiquetage erroné. C’est un problème très répandu. Si nous n’arrivons même pas à lui donner le bon nom, il n’est pas certain que nous devrions présumer de la salubrité de l'aliment en question.
Le mauvais étiquetage des produits de la mer a aussi un certain nombre d’effets sur la santé humaine. Si je ne peux même pas faire confiance à un fournisseur pour me vendre le bon poisson, pourquoi dois‑je croire que sa chaîne du froid est demeurée intacte?
Pour régler les problèmes d’origine géographique et de capture nous avons la technologie requise; il nous suffit d’avoir la volonté de l'utiliser.
Pour faire suite à ce que vous venez de dire, monsieur Hanner — cette question s’adresse également à vous —, je crois comprendre que lorsque les produits de la mer sont étiquetés comme « sauvages », les tests qui sont effectués sont différents de ceux qui sont réalisés, par exemple, pour les produits d'élevage. Je me demande si vous pourriez nous parler de certaines des répercussions possibles sur la santé que pourrait avoir un étiquetage erroné.
À titre de précision, nous avons des poissons sauvages qui sont étiquetés comme « sauvages », mais qui ne le sont peut-être pas vraiment, alors nous ne faisons pas les tests qui nous renseigneraient sur les produits chimiques ou les toxines qu'ils contiennent. Ils sont alors vendus comme tels, mais les gens ingèrent ces toxines. Je me demande si vous pourriez nous parler un peu des problèmes qui découlent de ce mauvais étiquetage et de l'absence éventuelle de tests résultant des étiquetages trompeurs.
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Merci, monsieur le président.
La traçabilité est effectivement un sujet très intéressant pour moi. J’ai travaillé dans le domaine de l’agriculture et j’ai siégé au comité de l’agriculture. La traçabilité est déjà un système vaste et très efficace au Canada pour le commerce des animaux. Cependant, je vois une énorme lacune dans la traçabilité des produits de la mer, comme vous l’avez mentionné.
J’ai des préoccupations au sujet de la pêche illégale, non déclarée et non réglementée. J’ai une proposition d’étude que je compte soumettre prochainement au FOPO. Lorsque j’entends parler — je suis un député de la Colombie-Britannique — de poissons qui sont littéralement échangés sur le marché noir contre de l’argent comptant ou de la cocaïne, je cherche des façons d’endiguer le problème et d’empêcher que cela se produise. Cela menace également certains stocks menacés assez importants.
J’aimerais simplement vous demander, puisque vous avez dit, je crois, que nous n'avons pas à réinventer la roue — je pense que c’était vous, madame Thurston —, de nous décrire plus en détail à quoi ressemble le système européen. Cela rejoint ce que M. Morrissey a déjà dit.
Il semble que nos pêcheurs respectent déjà ces règlements, alors à quoi cela ressemblerait‑il si c'était mis en place au Canada? Comment pourrions-nous mettre cela en oeuvre au Canada?
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C’est une excellente question.
De façon générale, nous constatons que le crime organisé infiltre de plus en plus notre approvisionnement alimentaire. Traditionnellement, il faisait le commerce d’armes et de stupéfiants, mais il y a des peines sévères et beaucoup d’enquêtes pour découvrir ce genre de fraude, de sorte que de plus en plus, les organisations criminelles se tournent vers notre approvisionnement alimentaire où il n’y a pas de sanctions pénales, et les amendes sont souvent beaucoup moins élevées que les profits réalisés.
Grâce à ce genre de traçabilité et d’application de la loi, nous pourrions, nous l’espérons, cesser de voir des choses comme des nageoires de requin marteau halicorne en danger critique d'extinction dans les restaurants et les épiceries traditionnels chinois. Nous espérons que cela aidera à protéger certaines espèces en péril qui sont introduites frauduleusement sur nos marchés. Cela contribuerait également à réduire la concurrence déloyale sur le marché pour nos propres fournisseurs nationaux, mais cela nécessiterait une volonté d’appliquer certaines lois.
Il est intéressant de noter qu’au Royaume-Uni, après le scandale de la viande de cheval, on est passé de la simple imposition d’amendes civiles contre les fraudeurs à des poursuites criminelles. Il semble que cela ait eu une incidence sur la réduction de la fraude délibérée, étant donné qu’il y a de véritables sanctions en jeu aujourd’hui, ce qui, franchement, nous fait défaut ici.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
Je vais commencer par Mme Thurston.
Avant de parler des vérifications que vous avez faites et dont vous avez discuté avec mon collègue M. Morrissey, je vais aborder un autre sujet.
Je sais que nous parlons des pêches canadiennes, mais j'aimerais me concentrer sur l'Atlantique, où se trouve ma circonscription. Que voyez-vous en matière de traçabilité? À votre avis, est-elle bien faite ou présente-t-elle encore beaucoup de lacunes?
Plus particulièrement, j'aimerais m'attarder aux deux espèces qui sont probablement les plus importantes pour ma région, c'est-à-dire le crabe et le homard. Voyez-vous des lacunes à cet égard? Sommes-nous plutôt sur la bonne voie en matière de traçabilité des produits, de la mer jusqu'à l'assiette, en passant par tous les intermédiaires?
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Comme vous le savez, il est parfois difficile d'apporter des changements dans l'industrie, car on s'habitue à travailler d'une certaine façon pendant des années. Par contre, si des changements étaient apportés, nous en ressortirions certainement gagnants.
Merci, madame Thurston.
Mes prochaines questions s'adresseront à Mme Dawson et à M. Hanner.
[Traduction]
Je pense que vous avez tous les deux, ou peut-être l’un d’entre vous, dit qu’il y avait des problèmes avec l’ACIA en ce qui concerne la traçabilité.
Est‑ce que le seul problème est celui de la provenance du produit et de toutes les règles qui l’entourent?
Je vais vous donner un exemple. Pour le homard et le crabe, les pêcheurs ont besoin d’appâts. Parfois, nous importons du hareng, par exemple, ou du maquereau, d’autres pays. Certains de ces pays, par exemple au sein de l’Union européenne, semblent être très sûrs, comme vous l’avez tous dit. Je pense qu’ils ont de bonnes règles, mais il est très difficile d’importer du hareng ou du maquereau comme appât.
Selon vous, quel est le problème? L’Union européenne a un processus de traçabilité très rigoureux, et lorsqu’il s’agit d’obtenir cet appât, que nous gardons plus ou moins en stock partout où l’industrie et les pêcheurs en ont besoin, y a‑t‑il un problème que nous ne connaissons pas? Pourquoi est‑ce si difficile?
:
Je peux répondre en premier.
Outre ce que disait Mme Thurston à propos de réunir tous les intervenants clés des différents ministères qui ont le pouvoir de rédiger les règlements nécessaires à ce changement, il sera vraiment important d'entendre les intéressés eux-mêmes. Il faut que les producteurs à divers niveaux — les Premières Nations, les petits pêcheurs de partout au Canada, ainsi que les exploitants de la grande pêche industrielle — nous disent quelles pourraient être les répercussions sur eux et sur leurs entreprises, compte tenu de la grande diversité d'hommes et de femmes, d'entreprises familiales et de grandes entreprises qui fournissent, qui importent et qui vendent des produits de la mer au Canada.
Il faudrait aussi, je pense, que les détaillants de l'industrie alimentaire décrivent quelle serait l'incidence de ces règles sur leurs affaires, pour qu'on ait toute la gamme des répercussions possibles à considérer au moment de la mise en œuvre. De façon générale, je pense que tout le monde est d'accord, mais nous devons nous assurer que les règles fonctionnent pour les gens qui devront les appliquer concrètement, alors il est essentiel qu'ils aient un siège à la table de discussions.
À entendre toute cette information qui nous est présentée, il est clair que c'est complexe et qu'il y a beaucoup d'éléments à intégrer dans l'équation pour savoir comment aller de l'avant. Nous entendons aussi des solutions tangibles et des exemples de réussite dans l'Union européenne, par exemple. Si nous adoptions un grand nombre de leurs méthodes, il n'y aurait pas autant de Canadiens floués dans notre industrie des produits de la mer.
Il a été question d'étiquetage efficace, entre autres, mais aussi de surveillance et d'application des règles comme conditions essentielles pour que nous puissions aller de l'avant.
Je me demande, monsieur Hanner, si vous pourriez nous parler un peu des tests PCR, nous dire comment ils nous permettraient de tester les produits de la mer sur place et quels renseignements nous en tirerions pour contrôler et appliquer efficacement l'étiquetage des produits de la mer.
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Merci. C'est une très bonne question.
En ce qui concerne la traçabilité, il y a une tendance en faveur de solutions comme les chaînes de blocs. Cependant, à moins de faire des tests le long de la chaîne d'approvisionnement, on ne fait que suivre le cheminement des emballages sans savoir ce qu'ils contiennent. Nous avons créé des outils. Par exemple, dans une entreprise qui traite de grandes quantités d'un même produit, on peut avoir un instrument portatif avec un test PCR au point de détection et demander: « Est‑ce que ma morue est bien de la morue? » Si ce n'est pas le cas, alors il faut l'envoyer en laboratoire et procéder à un séquençage complet pour savoir de quoi il s'agit.
Pour ce qui est du contrôle de la qualité, si vous prenez possession, disons, d'un conteneur de deux tonnes et d'un produit déclaré comme étant du vivaneau rouge, alors il est possible de confirmer sur place qu'il s'agit bien de vivaneau rouge, en temps réel, avec les tests PCR d'aujourd'hui. C'est comme pour les tests de dépistage rapide de la COVID‑19.
Nous entamons maintenant notre deuxième heure de témoignages et de questions.
Nos témoins pour cette partie de la réunion sont Christina Burridge, de la BC Seafood Alliance, Paul Lansbergen, du Conseil canadien des pêches, un habitué de notre comité, et Sonia Strobel, de la Skipper Otto Community Supported Fishery.
Nous allons d'abord entendre leurs déclarations préliminaires, en commençant par Mme Burridge, qui dispose d'un maximum de cinq minutes.
Allez‑y, s'il vous plaît.
Madame Desbiens, avez-vous levé la main?
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Merci, monsieur le président.
La BC Seafood Alliance est une organisation qui chapeaute 30 associations du secteur des pêches représentant environ 90 % de la valeur des produits de la mer sauvages de la côte canadienne du Pacifique. Nos membres sont des associations de pêcheurs commerciaux, de titulaires de permis et de propriétaires-exploitants de bateaux dans toutes les grandes pêcheries de la Colombie-Britannique, des bateaux allant de moins de 30 pieds à plus de 150 pieds. Nous représentons aussi la plupart des grands transformateurs de produits de la mer, qui traitent au moins 70 % de la production de saumon, de hareng et de poisson de fond, ainsi que certains produits spécialisés, ce qui fait de nous l'organisation de pêche commerciale la plus représentative de la côte Ouest.
Je vais mettre en contexte la traçabilité des produits de la mer du point de vue des pêcheurs et des transformateurs. Nous sommes d'avis que pour cette partie de la chaîne d'approvisionnement, le système en place est déjà solide. Prenons l'exemple du poisson de fond. Les deux tiers environ des prises commerciales de la côte Ouest sont gérées en vertu du Programme d'intégration de la pêche commerciale du poisson de fond, qui assure la gestion de 66 espèces différentes, de sept pêcheries différentes et de trois types d'engins de pêche.
Chaque bateau doit rendre compte de chacune de ses prises, qu'elle soit conservée ou remise à l'eau, suivant un programme qui exige une surveillance électronique à 100 % ou la présence d'observateurs en mer et une validation à quai à 100 % avant que la prise ne se rende à l'usine de transformation. Les autres pêches ont des systèmes à peu près semblables et se dotent aussi de systèmes additionnels de traçabilité au niveau du consommateur pour déceler les produits illégaux provenant de la pêche récréative ou pratiquée à des fins alimentaires, sociales et rituelles. Vous vous rappelez peut-être que le débat sur la mise en contenants des crevettes a commencé avec la création d'un tel système de traçabilité.
Presque tous les transformateurs de produits de la mer de la Colombie-Britannique, ainsi que certains bateaux de pêche, sont enregistrés auprès de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, l'ACIA, en vertu des règlements sur la salubrité des aliments destinés aux Canadiens et à l'exportation, qui exigent d'indiquer le code de lot, la date de prise, le nom usuel, l'origine de la récolte, etc. Ces renseignements sont transmis aux clients à titre d'exigences minimales pour assurer un rappel rapide et efficace des produits, au besoin.
Sur la côte Ouest, nous exportons environ 85 % de notre production, et nos clients exportateurs ont des systèmes différents et des exigences différentes à respecter en matière de traçabilité. En outre, la plupart des usines de transformation s'assurent d'avoir en règle la certification de la chaîne de possession du Marine Stewardship Council, ou MSC. On vérifie entièrement chaque année le système de traçabilité de l'usine pour s'assurer qu'il peut séparer les produits certifiés MSC des produits non certifiés.
Nos membres, tant les pêcheurs que les transformateurs, adhèrent à des pratiques exemplaires et ils se classent très bien à l'échelle mondiale grâce à la fiabilité des systèmes. Nous croyons certainement que les consommateurs, qu'ils soient canadiens ou étrangers, ont le droit de savoir à coup sûr qu'ils obtiennent ce pour quoi ils ont payé — des produits de la mer canadiens clairement étiquetés, sains et salubres qui sont récoltés de façon durable.
Nous savons que la réputation du Canada est impeccable dans nos marchés d'exportation. Un de nos membres, par exemple, fournit un certificat d'authenticité que les détaillants japonais utilisent comme outil de marketing.
Nous encourageons le Comité à se concentrer sur les défauts du système au lieu de tout balayer et d'arriver avec un nouveau système qui coûtera cher et ne répondra jamais aux besoins de nos clients, canadiens ou étrangers. Ces défauts, sur la côte Ouest, sont les produits récoltés illégalement qui entrent dans le marché de la vente au détail et des services alimentaires à petite échelle; l'étiquetage trompeur, surtout dans ce même marché; et enfin les importations.
Je vous rappelle que, dans son rapport de 2021, l'ACIA n'a trouvé pratiquement aucune preuve d'étiquetage erroné, avec un taux de conformité de 92 %, qui grimpe à 96 % chez les transformateurs canadiens.
Les produits de la mer ne sont pas bon marché, mais ils sont bons pour la santé, alors n'augmentons pas le coût. Visons les défauts du système et non le système lui-même.
Merci beaucoup à tous.
Je vous remercie de m'accueillir ici pour discuter de l'important sujet de la traçabilité et de l'étiquetage des produits de la mer au Canada.
Je m'appelle Sonia Strobel. Je suis cofondatrice et cheffe de la direction de Skipper Otto Community Supported Fishery, une entreprise établie à Vancouver en Colombie-Britannique, sur le territoire des Musqueam, des Squamish et des Tsleil-Watuth.
Nous sommes en affaires depuis 13 ans et nous vendons à l'avance toutes les prises de nos 40 familles canadiennes de pêcheurs directement à plus de 7 500 familles membres au pays. Comme vous l'avez entendu toute la journée aujourd'hui, le Canada a un problème de traçabilité des produits de la mer, surtout dans les secteurs de la vente au détail et de la restauration. L'étiquetage trompeur au Canada est lourd de conséquences pour les familles de pêcheurs, les consommateurs et les petites entreprises comme la mienne. J'aimerais en parler un peu aujourd'hui.
Comme vous le savez, il y a une demande croissante et importante d'aliments locaux traçables au Canada. La pandémie et les récentes crises de la chaîne d'approvisionnement ont mis la traçabilité et l'approvisionnement local à l'avant-plan des préoccupations. Les consommateurs canadiens veulent savoir si, en achetant des produits de la mer, ils soutiennent des familles canadiennes de pêcheurs ou au contraire s'ils soutiennent des activités illégales et même la pratique de l'esclavage. Or, à cause de nos règles d'étiquetage, les produits de la mer récoltés chez nous sont indiscernables sur le marché de ceux qui proviennent de l'étranger.
Comme vous en avez discuté avec le groupe précédent, des poissons étrangers passent souvent pour des poissons canadiens parce que nos étiquettes n'ont qu'à indiquer le pays de la plus récente « transformation ». Une pièce de poisson pêché en Asie du Sud-Est emballée dans une barquette de polystyrène peut porter la mention « Produit du Canada » parce qu'elle a été découpée ici. L'inverse est aussi vrai. J'ai vu du saumon rouge dans mon épicerie locale qui avait probablement été pêché en Colombie-Britannique ou en Alaska, mais qui était étiqueté « Produit de Chine » parce qu'il avait été découpé là‑bas.
Quand on y songe, j'en sais plus sur la provenance de mon téléphone cellulaire que sur celle du poisson que je m'apprête à servir à ma famille. Je sais où il a été conçu et où il a été fabriqué. Je peux même trouver la mine d'où on a extrait le zinc pour le fabriquer, n'est‑ce pas?
Comme l'a dit M. Zimmer dans le groupe précédent, nous sommes très bons pour suivre à la trace et pour étiqueter nos viandes, alors je ne vois pas pourquoi nous ne serions pas aussi consciencieux avec nos produits de la mer.
Les marchés intérieurs des produits de la mer comptent parmi les plus solides pour les familles de pêcheurs, mais nos produits ne peuvent pas soutenir la concurrence sur les tablettes des épiceries parce qu'ils se trouvent à côté d'imitations bon marché, qui sont peut-être bon marché parce qu'ils sont le fruit du travail forcé ou parce qu'on a détruit des écosystèmes fragiles en cours de route. Les consommateurs canadiens qui veulent acheter des produits locaux durables et les familles de pêcheurs qui veulent les vendre aux consommateurs locaux devraient pouvoir le faire. Le gouvernement doit protéger les petites entreprises et les consommateurs en améliorant les lois sur la traçabilité et l'étiquetage.
Il est difficile de savoir d'où viennent les produits de la mer, mais il est aussi difficile de savoir de quelles espèces il s'agit. M. Hanner, dans le groupe de témoins précédent, a parlé de la confusion de nos règles de désignation des poissons. Par exemple, le nom usuel red snapper en anglais peut s'appliquer indifféremment à 47 espèces de poissons. Le terme « sébaste » pourrait désigner jusqu'à 100 espèces différentes, dont certaines sont abondantes et viables, tandis que d'autres sont en voie de disparition. Quand une étiquette dit « morue », de quoi s'agit‑il? Morue de l'Atlantique? Morue du Pacifique? Morue charbonnière? Morue-lingue? Soit dit en passant, la morue-lingue n'est même pas une morue.
Le fait est que si vous voulez faire plus d'argent avec une pièce de poisson, vous n'avez qu'à utiliser un de ces noms vagues et à facturer le montant avec lequel vous pouvez vous en tirer. Le consommateur devrait disposer de l'information nécessaire pour décider de son plein gré ce qu'il veut encourager et ce qu'il veut mettre dans son corps. Il y a tellement d'information intéressante qui existe sur les raisons de santé et de durabilité qui incitent à choisir des poissons différents. Le consommateur devrait avoir accès à l'information qui peut l'aider à faire ces choix.
Chez Skipper Otto, nos étiquettes vont au‑delà des exigences. Je peux vous en montrer quelques-unes. Celle‑ci, par exemple, indique le nom usuel complet, le nom scientifique, lequel de nos 40 pêcheurs a effectué la prise, sur quel bateau, quand, où et comment. Nous sommes très fiers de pouvoir faire cela, grâce à nos relations directes avec les pêcheurs.
Je ne dis pas que tout cela doit figurer dans la loi demain, mais notre entreprise grandit depuis plus d'une décennie en raison de la forte demande des consommateurs pour ce genre de traçabilité. Le moment est tout indiqué pour rehausser la norme minimale applicable à toutes les étiquettes de produits de la mer, afin d'éviter de pénaliser des entreprises comme la nôtre qui sont en concurrence avec des imitations de poissons bon marché. À tout le moins, il doit y avoir une certaine uniformisation des conventions sur les noms usuels et le pays d'origine si nous voulons donner aux Canadiens la chance d'acheter des produits conformes à leurs valeurs.
La dernière chose que je veux mentionner, c'est que tout cela pointe vers un problème d'application des règles, qui a aussi été abordé par le dernier groupe de témoins. On ne peut pas prétendre que tous ces produits mal étiquetés sont une erreur de bonne foi. Comme on l'a entendu précédemment, 69 % des échantillons mal étiquetés d'Oceana étaient des saumons d'élevage présentés comme des saumons sauvages. De toute évidence, ce n'était pas un accident. Les produits de la mer mal étiquetés sont presque toujours des poissons moins chers déguisés en poissons plus chers.
Vous pouvez faire toutes les lois que vous voulez sur le contenu des étiquettes, mais rien ne changera si ces lois ne sont pas appliquées. En raison du laxisme à l'égard des règles, lorsqu'une fraude est décelée dans le marché des produits de la mer, les gens haussent les épaules et jettent le blâme sur quelqu'un de plus haut dans la chaîne, ils paient les amendes et continuent comme si de rien n'était. C'est le prix à payer pour faire des affaires. Mais chaque personne dans la chaîne d'approvisionnement devrait être fortement incitée à se porter garante de ce qu'elle vend.
Les tests d'ADN, comme on l'a dit dans le dernier groupe de témoins, coûtent de moins en moins cher et sont de plus en plus faciles. Il n'y a donc aucune excuse pour vendre du poisson mal étiqueté, si ce n'est que vous aimez que ce soit moins cher et que vous êtes prêt à fermer les yeux pour faire un profit.
Ce défaut d'application de la loi nuit aux petites entreprises comme la mienne, qui essaient de bien faire en appuyant les pêcheurs locaux et les pratiques de pêche durables.
Il y a tellement plus à dire à ce sujet. Je me ferai un plaisir de répondre de mon mieux à vos questions. Je vous remercie de m'accueillir ici aujourd'hui.
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Merci, monsieur le président, et bonjour. Merci de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui.
Comme bon nombre d'entre vous le savent déjà, le Conseil canadien des pêches est une association nationale qui représente les transformateurs de poissons sauvages de tout le pays. En fait, ce sont tous aussi des pêcheurs. Nous faisons la promotion d'une ressource saine et d'une industrie prospère qui jouent un rôle vital dans l'économie canadienne.
J'aimerais commencer par vous faire part de certains faits importants qu'on néglige souvent ou auxquels on n'accorde pas leur juste importance. Le Canada a un solide bilan en matière de durabilité. Le MPO signale que 94 % de nos stocks de poissons commerciaux sont exploités de façon durable. En plus d'appliquer une réglementation rigoureuse, l'industrie fait certifier sa gestion durable des pêches par des tiers indépendants dans des proportions maintes fois supérieures à la moyenne mondiale de 14 %.
Sur le plan économique, c'est le secteur le plus important de l'économie bleue du Canada, avec 90 000 emplois et un PIB annuel de 9 milliards de dollars. C'est ce qui fait vivre nos collectivités côtières.
Nous prenons au sérieux les questions d'authenticité des produits [difficultés techniques] consultations sur la traçabilité avec différents ministères et d'autres intervenants. J'ai remis à la greffière les mémoires que nous avons présentés à ces consultations, et qui seront distribués dès qu'ils auront été traduits.
Aujourd'hui, j'ai cinq messages clés à vous livrer.
Premièrement, notre secteur des pêches est un meneur mondial en salubrité des aliments. En collaboration avec l'ACIA [difficultés techniques] les organismes de réglementation, le secteur des produits de la mer a été le premier au Canada à élaborer et à mettre en œuvre ce qu'on appelle maintenant le plan de contrôle préventif, un des premiers au monde à adopter les principes de l'analyse des risques et de l'inspection aux points de contrôle critiques. C'est ainsi que les transformateurs canadiens de poissons et de fruits de mer appliquent des mesures strictes de contrôle de la qualité, qui comprennent des systèmes internes de retraçage en cas de problème de salubrité alimentaire. Les Canadiens, comme nos clients du monde entier, peuvent avoir confiance lorsqu'ils consomment nos poissons et nos fruits de mer parce qu'ils savent qu'ils sont passés par un des systèmes de contrôle de salubrité les plus avancés au monde.
Deuxièmement, la fausse déclaration est un problème restreint. Comme vous l'avez entendu la semaine dernière de la part de l'ACIA, 92 % des produits de la mer sont étiquetés correctement. Comme je viens de le mentionner, les transformateurs nationaux ont des systèmes rigoureux en place. Les grands détaillants, restaurants et distributeurs ont des [difficultés techniques] le degré et la fréquence des rapports et des vérifications des fournisseurs.
Troisièmement, on sait depuis longtemps que les Canadiens ne consomment pas les quantités recommandées de poisson et de fruits de mer, soit deux portions par semaine. Nous nous employons de plus en plus à promouvoir la consommation des produits de la mer et à étudier le marché intérieur, et nous lancerons bientôt une campagne nationale de marketing, dès l'approbation du financement. Nous avons aussi un guide du consommateur qui en est aux derniers stades de production. Franchement, nous voulons que les Canadiens consomment plus de poisson et de fruits de mer et davantage de produits canadiens. Toute mesure relative à la traçabilité doit aussi tenir compte de l'ensemble des bienfaits que procurent ces produits: une alimentation et un mode de vie sains. Il serait malheureux que des conséquences imprévues viennent réduire la consommation des produits de la mer au lieu de bonifier les avantages d'une consommation accrue.
Quatrièmement, d'après nos propres études de marché, l'impression d'un coût élevé est un des principaux obstacles à la consommation accrue de poisson et de fruits de mer chez les Canadiens, bien avant les considérations de qualité et de durabilité. Ce résultat de recherche se rapproche de ceux plus généraux obtenus au Centre canadien pour l'intégrité des aliments, qui constate que les Canadiens se soucient particulièrement du coût des aliments, surtout en temps de pandémie.
Cinquièmement, nous avons exhorté le gouvernement à envisager le compromis entre les coûts éventuels pour l'industrie et le consommateur et le faible taux de non-conformité dont l'ACIA fait état dans sa propre enquête. De plus, nous encourageons le gouvernement fédéral à travailler avec les différents maillons de la chaîne d'approvisionnement et à cerner les points faibles dans cette chaîne afin de réduire les fardeaux qui pourraient peser sur l'industrie et le consommateur, tout en s'efforçant de remplir les engagements en matière de traçabilité.
Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.
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Je pense que c'est assez bien régi par les quotas de prises accessoires.
Cela se produit beaucoup dans le cas du « sébaste » dont je parlais tantôt. Certains sébastes sont abondants et très viables, d'autres pas. En fait, certains sont menacés.
On essaie de gérer cela par des quotas. Le pêcheur ne tient pas tellement à pêcher dans une zone où il risque de prendre plus de sébaste bocace que, disons, de sébaste à dos épineux, parce que dès qu'il atteint son quota maximal autorisé de sébaste bocace, il doit arrêter complètement de pêcher. Je pense que les incitatifs sont bien harmonisés dans le système de gestion des quotas.
Ce qui laisse à désirer par contre, c'est qu'on désigne toutes les espèces de sébaste par le nom de « sébaste » tout court... On pourrait renforcer les incitatifs, faire baisser le prix de certains de ces poissons, en les étiquetant avec précision. Le consommateur qui se soucie de l'abondance ou de la viabilité du sébaste aimerait savoir si celui qu'on lui présente est en voie de disparition. Je pense que cela ferait baisser encore plus le prix des espèces en danger et grimper celui des espèces plus viables.
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Je pense que c'est un peu des deux, n'est‑ce pas? Nous avons constaté une croissance énorme de la demande pour notre produit. Skipper Otto a connu une croissance de 50 % l'an dernier, et de 100 % l'année précédente. La demande pour ce genre de produit est très forte, et elle augmente.
Je pense que vous avez raison de dire qu'un certain pourcentage de la population manque d'information — les gens ne savent pas ou cela ne correspond pas à leurs valeurs — et que ces personnes feront toujours leurs achats sur des critères financiers. De plus en plus, à mesure que les gens apprennent et qu'ils ont accès à de bons renseignements, ils font des choix différents. Je pense que l'énorme succès de films comme Seaspiracy au cours de l'année dernière, par lequel le public a été choqué d'apprendre que des injustices étaient commises dans les chaînes d'approvisionnement des produits de la mer, montre que lorsque les gens apprennent ce genre de choses, ils veulent faire des choix. Ils peuvent devenir apathiques lorsqu'ils vont à l'épicerie ou au restaurant: « Écoutez, je ne peux pas obtenir d'information. Je ne sais pas quoi faire. » Pour beaucoup de gens, le fait de ne pas manger de produits de la mer n'est pas une solution sage ni saine. Je pense que ce que les consommateurs recherchent, et ce qu'ils exigent, c'est plus d'information.
Alors oui, nous avons un problème d'éducation. Je pense que nous sommes amplement capables de répondre à cette demande d'éducation et de la satisfaire.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence. Leurs propos sont très intéressants.
J'en profite aussi pour saluer les interprètes, qui font toujours un travail impeccable.
J'aimerais poser une question à Mme Strobel.
Pendant la discussion avec le groupe de témoins précédent, nous avons dit qu'il serait intéressant de créer un groupe de travail afin d'étudier tous les facteurs et toutes les tangentes. Tous les groupes concernés feraient partie de ce groupe de travail afin d'élaborer un vrai plan de match en matière de traçabilité. J'ai même avancé que ce serait intéressant d'avoir un vérificateur général de la traçabilité.
Vous, qui prônez l'achat local et l'identification des produits locaux, que pensez-vous de cette suggestion?
Je pense que l'un des faits qui sont passés inaperçus, comme Christina et moi l'avons expliqué, c'est que l'échelon de la transformation fournit une grande partie de cette information, par l'entremise de la chaîne d'approvisionnement, aux grossistes, aux services alimentaires, aux restaurants et au détail. Alors que les organisations et les partenaires le long de la chaîne... [difficultés techniques]... le problème tient en partie au fait que l'ensemble de ces informations ne sont pas transférées directement au consommateur final. Il est clair que certains consommateurs, comme Mme Strobel l'a clairement indiqué, veulent acheter plus de produits locaux, et ils veulent davantage d'informations. Comme l'a dit M. Hardie, beaucoup de consommateurs achètent en fonction de leur portefeuille plutôt que... [difficultés techniques]. Je pense que cela dépend vraiment de ce que veulent les consommateurs et des écarts qui existent entre l'offre et la demande.
Je pense qu'une bonne partie de l'information existe; elle n'est tout simplement pas transmise au consommateur. J'encourage le gouvernement à poursuivre le dialogue avec tous les intervenants de la chaîne d'approvisionnement.
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Je pense que l'un des avantages les plus importants pour les pêcheurs, c'est de pré-vendre leurs prises avant le début de la saison. Cela élimine les incertitudes liées au fait de savoir quel sera le meilleur marché pour leurs prises. Sans le modèle Skipper Otto, les familles de pêcheurs sont confrontées à énormément d'incertitudes au début ou au milieu de la saison. Elles assument le fardeau de la dette pour lancer leurs activités, puis elles se retrouvent à la merci des marchés mondiaux, des fluctuations de devises et de l'offre dans d'autres parties du monde. Il y a tellement d'incertitudes. Ce sont surtout les pêcheurs qui les subissent.
Dans le modèle Skipper Otto, lorsque les adhérents achètent à l'avance, ils acceptent de « manger avec l'écosystème », selon la formule que nous employons. Ils acceptent de manger ce qui sera abondant, durable et pêché cette année. Par exemple, si la récolte de saumon rouge est faible cette année, je sais qu'il y aura du saumon coho, comme j'en ai ici, et nos adhérents feront ce choix. Cela élimine l'incertitude, au début de la saison, quant à savoir si un pêcheur pourra gagner sa vie grâce à la pêche.
Nous sommes en mesure de transférer cet argent directement aux pêcheurs. Bien souvent, ils reçoivent plus d'argent que ce qu'ils obtiendraient ailleurs. Mais au‑delà d'une valeur monétaire plus élevée, d'un prix plus élevé par livre, c'est aussi cette certitude, cette sécurité, qu'obtiennent les pêcheurs par ce lien direct.
Je pense qu'il est important d'avoir des chaînes d'approvisionnement allégées qui permettent de faire connaître la provenance des produits de la mer, mais aussi de faire en sorte que les pêcheurs obtiennent une valeur monétaire plus élevée.
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D'après mon expérience, je dirais que les mesures dissuasives ne sont certainement pas assez sévères.
J'ai entendu des vendeurs de produits de la mer et des agents de conservation et de protection dire que les mesures dissuasives ne sont pas assez sévères. J'ai entendu des gens des deux côtés le dire.
Des agents de conservation et de protection sont venus dans nos entrepôts frigorifiques pour inspecter nos produits de la mer. Ils nous ont dit que c'était un soulagement pour eux d'examiner nos produits et de voir des morceaux de poisson avec la peau, qui sont faciles à identifier, et à quel point il est difficile pour eux de déterminer si ce qu'ils examinent correspond à ce qui est indiqué sur l'étiquette. Le secteur a en quelque sorte l'impression que les avantages qu'il y a à fermer les yeux là‑dessus l'emportent de loin sur le coût de la traçabilité des produits de la mer.
Je pense qu'il s'agit d'une occasion très claire pour le gouvernement d'améliorer l'application de la loi, parce qu'en ce qui concerne le coût des produits de la mer, on perpétue une sorte de mensonge selon lequel ils peuvent être vraiment bon marché. Les produits de la mer sont vraiment bon marché lorsqu'on exploite des gens ou des écosystèmes. Si nous assurions la traçabilité, il n'y aurait pas cette disparité sur l'étal des vendeurs: « Comment se fait‑il que ce poisson soit beaucoup moins cher que celui‑ci? »
Je pense que le mauvais service rendu par le gouvernement lorsqu'il ne fait pas appliquer rigoureusement la loi touche de façon disproportionnée les emplois de la classe moyenne, les petites entreprises et les citoyens canadiens.