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FOPO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des pêches et des océans


NUMÉRO 070 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 29 mai 2023

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Bienvenue à la 70e réunion du Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, qui se déroule dans un format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022.
    Avant de poursuivre, j'aimerais rappeler à tout le monde que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
    Conformément à la motion de régie interne du Comité concernant les tests de connexion pour les témoins et pour les membres qui participent virtuellement, j'informe le Comité que tous les tests ont été effectués et que tout le monde est prêt à commencer.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 20 janvier 2022, le Comité reprend son étude sur l'investissement étranger et la concentration des entreprises en matière de permis et de quotas de pêche.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre premier groupe de témoins.
    De l'Institut de recherche en économie contemporaine, nous recevons Gabriel Bourgault‑Faucher, chercheur, qui témoigne par vidéoconférence. Représentant West Coast Wild Scallops, nous avons Melissa Collier, pêcheuse commerciale, qui témoigne par vidéoconférence. Représentant l'Institut de lutte contre la corruption de Vancouver, nous accueillons M. Peter German, président du comité consultatif.
    Merci d'avoir pris le temps de comparaître aujourd'hui. Vous disposerez chacun de cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire.
    Nous allons commencer par M. Bourgault‑Faucher.

[Français]

     Bonjour, monsieur le président et membres du Comité.
    En tant que chercheur à l'Institut de recherche en économie contemporaine, l'IREC, je m'intéresse depuis plus de trois ans au secteur des pêches et de l'aquaculture commerciales au Québec maritime, dans une perspective de développement régional.
    Les défis rencontrés par ce secteur d'activité sont multiples, et je vous remercie de m'avoir invité à comparaître ce matin en tant qu'expert pour me prononcer sur les questions des investissements étrangers et de la concentration des entreprises en matière de permis et de quotas de pêche.
    Au Québec, la présence de firmes et de fonds étrangers dans la transformation des produits aquatiques est bien réelle, mais elle demeure peu documentée. C'est un sujet que nous aimerions d'ailleurs étudier beaucoup plus en profondeur à l'IREC. C'est par contre une question qui relève de la compétence des provinces, et je ne pense pas que le ministère des Pêches et des Océans, ou MPO, doive intervenir dans ce segment de la filière.
    Cela dit, il faut saluer les efforts déployés ces dernières années par le MPO pour enchâsser les politiques sur le propriétaire-exploitant et sur la séparation de la flottille de pêche dans des règlements, même si, selon les témoignages reçus lors des dernières réunions, il semble y avoir encore beaucoup de travail à accomplir pour parvenir à faire appliquer pleinement ces règlements.
    En fait, c'est surtout sur la concentration des entreprises de pêche, un phénomène observable depuis quelques années au Québec, que j'aimerais me prononcer tout spécialement aujourd'hui.
     J'ai regardé les données officielles du MPO et, depuis une dizaine d'années, c'est-à-dire entre 2012 et 2021, il y a eu 465 permis de pêche de moins au Québec, ce qui représente une diminution de 8 %, tandis qu'il y a 34 pêcheurs de plus, ce qui représente une augmentation de 3 %. En d'autres mots, il y a aujourd'hui de plus en plus de pêcheurs qui se partagent moins de permis, ce qui signifie qu'on assiste à une concentration non négligeable des permis de pêche.
    En parallèle, la valeur des débarquements a fortement augmenté au cours des dernières années, principalement en raison de la hausse des prix des principaux crustacés sur les marchés mondiaux. Le résultat est que chaque pêcheur gagne aujourd'hui en moyenne près de deux fois et demie ce que gagnait un pêcheur il y a 10 ans. Je parle ici de dollars constants, ce qui signifie que l'inflation est prise en considération dans le calcul. Ces données sont très générales et masquent une réalité infiniment plus complexe.
    Récemment, j'ai eu la chance de réaliser un portrait des pêches pour les municipalités régionales de comté de la Gaspésie. Au cours de cette recherche, nous avons effectué une tournée de la Gaspésie pour récolter des données qualitatives, notamment en effectuant des entretiens auprès d'intervenants du secteur des pêches. Ces entretiens viennent compléter les données statistiques et permettent de mieux comprendre les dynamiques à l'œuvre en Gaspésie, et possiblement ailleurs au Québec maritime ou même au Canada atlantique.
    La concentration des permis de pêche, bien enclenchée depuis quelques années, engendre deux grands défis pour les communautés côtières, soit la redistribution des richesses et l'établissement de la relève. Pour le dire autrement, la concentration des permis de pêche et des quotas au cours des dernières années s'est manifestée par une concentration de la richesse et une augmentation des inégalités socioéconomiques entre les pêcheurs de différentes flottilles, surtout entre, d'un côté, les pêcheurs de crabe des neiges et de homard d'Amérique, et, de l'autre, le reste des pêcheurs.
    Cette concentration des permis de pêche et des quotas a aussi eu pour effet d'accentuer les barrières à l'établissement de la relève, dans la mesure où l'acquisition d'une première entreprise de pêche est plus difficile qu'auparavant, ce qui renforce à son tour les inégalités socioéconomiques.
    Pour conclure, je tiens à rappeler que le but des règlements et des politiques du MPO, en plus de protéger et de conserver les écosystèmes marins, est de favoriser la prospérité économique des pêcheurs et de leurs communautés. Il apparaît pourtant que le ministère ne parvient pas à remplir adéquatement ce rôle. Pour cette raison, il est nécessaire d'envisager d'autres mécanismes réglementaires pour prévenir, dans un premier temps, une trop grande concentration des permis de pêche, surtout pour les principales espèces, et, dans un second temps, pour faciliter l'accès de la relève à ces permis.
(1105)

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant passer à Mme Collier, pour cinq minutes.
    Bonjour à tous et merci beaucoup de m'accueillir ici aujourd'hui.
    Je m'appelle Melissa Collier et je suis une pêcheuse commerciale établie à Courtenay, en Colombie-Britannique. Je témoigne aujourd'hui pour représenter ma famille de pêcheurs et, plus précisément, mon mari, Joel Collier, qui est un pêcheur de quatrième génération. Mon mari pêche activement les crevettes en ce moment même, comme je le faisais jusqu'à il y a quelques jours.
    La saison de la crevette est la période de l'année la plus occupée pour ma famille, notamment parce que nous tirons la majorité de nos revenus annuels de cette pêche. Le fait que je prenne la parole ici aujourd'hui témoigne de l'importance que j'accorde à cette question. J'ai passé les derniers jours à essayer de me préparer à cette réunion, écoutant les séances précédentes autant que j'ai pu, tout en tenant compte des exigences de notre entreprise et, surtout, de mes enfants, qui s'ennuient de leur mère quand elle est absente. D'après ce que j'ai vu, vous avez entendu et continuerez d'entendre des personnes qui connaissent beaucoup mieux le sujet que moi, mais j'aimerais profiter de l'occasion pour vous raconter une partie de notre histoire et parler de ce que nous voyons et entendons sur l'eau.
    Mon mari et moi pêchons la crevette tachetée, le saumon par lignes traînantes et le pétoncle nageant sur notre bateau de 42 pieds, le Lisa Jess. Nous sommes des propriétaires-exploitants. Même si nous possédons notre permis et notre quota, comme l'a indiqué Mme Strobel lors d'une séance précédente, nous louons également des quotas ou des permis supplémentaires au besoin pour assurer la viabilité économique de certaines pêches.
    Le fait d'être propriétaires-exploitants nous permet de déterminer ce que nous pêchons, de décider à qui nous vendons et de négocier un prix équitable. Grâce à de nombreuses années d'efforts et à l'établissement de relations, la plupart de nos prises restent au Canada. Nous avons travaillé très fort pour maintenir notre pleine autonomie, même lorsque cela rendait notre parcours considérablement plus difficile. Il est difficile et, dans bien des cas, impossible pour notre petite entreprise familiale de faire concurrence à de plus grandes entreprises. Nos dépenses d'exploitation sont plus élevées. Le travail est énorme pour seulement deux personnes, et nous ne pouvons tout simplement pas égaler les prix.
    Nous pêchons parce que c'est très important pour nous, sachant que chaque personne ou entreprise de notre collectivité qui nous soutient obtient une valeur directe de nos fruits de mer, qu'il s'agisse de toutes les entreprises qui nous ont aidés à sortir en mer en premier lieu, des deux jeunes hommes que nous employons, ou de tous ceux qui nous aident à acheminer nos fruits de mer vers leur destination finale, qu'il s'agisse de la compagnie de transport locale, du poissonnier ou du chef.
    Nous sommes également très fiers de proposer des fruits de mer de la meilleure qualité possible. Nous adorons pouvoir en offrir à nos amis, à notre famille, à nos communautés et à nos concitoyens canadiens. Il s'agit de nourrir les gens avec des produits de la mer incroyables pêchés de façon durable dans les eaux pures de la Colombie-Britannique.
    Chaque année, il devient de plus en plus difficile d'être pêcheur, particulièrement depuis quatre ou cinq ans. On dirait qu'un grand changement s'est opéré dans l'industrie de la pêche, et des obstacles se dressent continuellement sur notre chemin comme jamais auparavant. Chaque année, nous devons travailler plus fort que l'année précédente pour réussir à nous en sortir. Compte tenu des tendances actuelles dans nos communautés côtières, la situation ne fera probablement qu'empirer.
    J'ai dressé une liste d'observations dans l'espoir qu'elles expliquent le problème, et je pourrai vous en dire plus à ce sujet pendant la période de questions, si cela vous intéresse.
    Il y a de moins en moins de propriétaires-exploitants dans l'industrie. Nous voyons moins de bateaux amarrés au quai. Des familles de pêcheurs multigénérationnelles sont incapables de léguer leur entreprise à leurs enfants. Nous avons vu la flotte vieillir, ce qui devrait permettre à de nouveaux pêcheurs de se lancer dans l'industrie et aux pêcheurs existants de faire croître leurs entreprises de pêche. Pourtant, en raison des prix gonflés à outrance, du fait qu'ils sont mariés ou de la surenchère des grandes entités et sociétés, il est presque impossible pour les pêcheurs indépendants d'acheter ces permis.
    Nous avons personnellement vu des bateaux et des permis utilisés comme biens matériels et investissements, être achetés par des personnes qui, elles-mêmes, n'ont pas l'intention de pêcher. Nous voyons des pêcheurs de notre âge quitter l'industrie à un rythme alarmant, dont beaucoup sont des pêcheurs multigénérationnels. Nous avons vu le prix des baux augmenter à un point tel que les propriétaires sont incités financièrement à louer plutôt que de pêcher. Nous constatons que la sécurité alimentaire de notre pays est menacée et que les pêcheurs locaux n'ont plus accès à nos ressources halieutiques. Nous avons assisté à des changements radicaux dans nos communautés côtières et à une réduction des services offerts aux pêcheurs.
    Si vous nous aviez demandé il y a cinq ans ce que nous pensions de l'avenir de l'industrie de la pêche, nous aurions été optimistes. La pêche est une vie très difficile, mais elle en vaut la peine, et nous y voyions un avenir. Notre avenir est maintenant incertain. Honnêtement, nous ne savons pas si nous pourrons rester dans cette industrie assez longtemps pour transmettre notre entreprise à nos enfants comme elle nous a été transmise. Si les pêcheurs comme nous, qui ont tellement investi dans l'industrie de la pêche, ont déjà tant de difficulté, comment les nouveaux arrivants sont-ils censés réussir? Qu'est‑ce qu'une industrie sans une relève pour reprendre le flambeau?
    L'industrie de la pêche est en difficulté pour de nombreuses raisons. Je ne dirai pas que toutes ces observations sont le résultat direct du système actuel de délivrance de permis, mais un système qui permet à n'importe qui de posséder des permis et des quotas exacerbe le problème. L'accès à la pêche et les revenus tirés de cette activité continuent d'être concentrés entre les mains de quelques acteurs, au lieu de profiter aux hommes et aux femmes qui font le travail, ainsi qu'aux communautés côtières dans lesquelles ils vivent et travaillent. Ceux d'entre nous qui sont propriétaires-exploitants ne peuvent pas suivre le rythme. Nous serons lentement évincés au fur et à mesure que la pêche deviendra moins viable sur le plan économique.
(1110)
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant entendre M. Peter German pour cinq minutes ou moins.
     Bonjour, honorables membres du Comité. Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.
    En guise d'introduction, je dirai que l'Institut anticorruption de Vancouver a été créé en 2021 à la suite de révélations sur le blanchiment d'argent et d'autres activités en Colombie-Britannique. Il fait partie intégrante du Centre international pour la réforme du droit pénal et est situé à l'Université de la Colombie-Britannique. Le conseil d'administration est composé de conseillers distingués, dont vous connaissez un bon nombre. L'Institut, qui est un organisme sans but lucratif, réalise des projets à l'échelle internationale. Nous faisons en outre de la recherche et de l'écriture, et organisons des conférences et des ateliers.
    Sur une note personnelle, je suis un ancien sous-commissaire de la GRC et du Service correctionnel du Canada. J'ai également rédigé deux rapports pour le procureur général de la Colombie-Britannique, qui en est maintenant le premier ministre, intitulés Dirty Money et Dirty Money—Part 2.
    Je ne prétends pas avoir une quelconque expérience en ce qui concerne la pêche ou les pêches. Mon expérience concerne le blanchiment d'argent, le crime organisé et la corruption.
    Le travail de votre comité est d'une importance cruciale pour les pêches du Canada, les communautés côtières et les pêcheurs individuels. En guise d'addenda au mandat que j'ai reçu du procureur général de la Colombie-Britannique en 2017, on m'a demandé d'examiner la question du blanchiment d'argent dans le contexte de l'achat et de la vente de permis et de quotas de pêche. Nous avons parlé à plusieurs personnes, examiné des documents et présenté nos conclusions dans le rapport Dirty Money—Part 2 au chapitre 5‑1.
    Il convient de souligner que le lien entre les pêches, le crime organisé et le blanchiment d'argent est un sujet étudié à l'échelle internationale, y compris par l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime. En l'absence de système de propriété transparent permettant au public de connaître l'identité des propriétaires qui sont les bénéficiaires finaux des permis et des quotas de pêche, on est vulnérable à l'implication d'acteurs étatiques, du crime organisé et de blanchisseurs d'argent.
    Dans le cadre de nos recherches, nous avons constaté que le degré élevé de concentration de la propriété des permis et des quotas de pêche sur la côte Ouest était alarmant. Le degré élevé de propriété par des entités étrangères et des non-citoyens était tout aussi alarmant. On nous a indiqué que les quatre principaux propriétaires visibles des quotas de chalutage au poisson de fond, au flétan et à la morue charbonnière étaient des entités ou des particuliers étrangers, qui détiennent ainsi 50 % des quotas de la Colombie-Britannique pour ces espèces.
    L'instauration d'un registre de la propriété effective en Colombie-Britannique pour la propriété foncière et l'engagement récent du gouvernement fédéral à créer un registre de la propriété effective pour les sociétés témoignent de l'importance de la transparence. La même mesure devrait s'appliquer dans le secteur des pêches. Nous ne pouvons pas simplement permettre que notre pêche soit vendue à des personnes inconnues qui utilisent des fonds de source inconnue.
    Cela m'amène à la question de l'argent. Le blanchiment d’argent est l’arrière-guichet du crime organisé et va de pair avec lui: combien, d’où et pourquoi sont des questions cruciales. Nous disons qu'un cycle de blanchiment d'argent compte trois étapes: le placement, la superposition et l'intégration. Le but est de brouiller la trace écrite. Presque tous les pays ont des lois contre le blanchiment d'argent, mais rares sont ceux qui les appliquent activement. Au Canada, notre bilan est mitigé, bien que le budget de 2023 et les initiatives en Colombie-Britannique offrent de l'espoir, tout comme la confiscation civile dans les provinces.
    Il est extrêmement important de déterminer la source des fonds ou de la richesse utilisés pour acheter des permis et des quotas. La source des fonds est-elle légitime ou les pêches sont-elles utilisées dans le cadre d'une tentative plus vaste d'investir le produit de la criminalité, de l'argent échappant au contrôle des capitaux à l'étranger ou le fruit de l'évasion fiscale? La vérification inadéquate de la source des fonds qui entrent dans nos casinos a mené à la débâcle des casinos en Colombie-Britannique. Avec des règles et des seuils beaucoup plus stricts, le problème a été considérablement réduit dans nos casinos. Cependant, l'argent sale doit être blanchi, et il se déplacera inévitablement là où il y a moins de résistance.
    Nous devons également être conscients du fait que les quotas de pêche et les ventes de bateaux ne sont pas déclarés au CANAFE, l'unité du renseignement financier du Canada. C'est regrettable, car cela élimine une importante source de renseignements pour les enquêteurs qui cherchent à s'assurer que les pêches ne sont pas utilisées par le crime organisé.
    Je terminerai en soulignant que les solutions nécessitent une législation solide et de la collaboration entre les organismes. Cependant, il ne sert à rien d'adopter des règlements s'ils ne sont pas appliqués ou si ceux qui sont chargés de les appliquer ne disposent pas des compétences et des ressources nécessaires.
    Honorables membres du Comité, votre tâche est particulièrement importante. Je vous remercie de votre travail et je serai heureux de répondre à vos questions.
(1115)
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant passer à notre premier tour de questions, en commençant par M. Arnold, qui dispose de six minutes.
    Je rappelle aux députés de préciser à qui s'adresse leur question afin de faciliter un peu les choses.
    Merci à tous les témoins d'aujourd'hui.
    Je vais commencer par M. German, si vous me le permettez. Je vous remercie de témoigner.
    Vous avez indiqué qu'il y a un manque de reddition de comptes et un rendement mitigé au Canada en ce qui concerne l'application de la loi. Quelles sont les lacunes sur les plans de l'application de la loi et de la détection? Pouvez-vous nous aider à connaître les lacunes?
    Merci.
    C'est une bonne question qui commande une réponse très longue. C'est vraiment un problème qui concerne tous les partis et que nous observons depuis des années, malgré les gouvernements... Le blanchiment d'argent ne fait pas partie des sujets qui tendent à se retrouver en tête de liste. Il fait surface de temps à autre, lorsque surgit un problème quelconque, mais il suscite de plus en plus d'attention, certainement en Colombie-Britannique à cause des casinos, mais aussi à l'échelle nationale. Nous n'avons pas beaucoup de systèmes semblables à ceux des autres pays.
    Par exemple — et je m'attarderai à une lacune en particulier —, nous n'avons pas ce qu'on appelle la déclaration universelle des opérations en espèces faisant en sorte que toutes les opérations douteuses dans toutes les industries sont déclarées. Les pêches en sont un exemple. Les ventes de bateaux, d'automobiles et de maisons de vente aux enchères ne sont pas déclarées au CANAFE. Le CANAFE, notre unité du renseignement financier au Canada, reçoit beaucoup de renseignements, mais pas de certains segments de l'économie dont il devrait en recevoir, dont celui de la pêche. C'est un exemple.
(1120)
    Merci.
    Pouvez-vous nous dire comment il serait possible de lier l'investissement étranger ou le blanchiment d'argent à l'achat de navires, de permis ou d'autres entités qui exerceraient du contrôle sur les pêcheurs qui ne possèdent peut-être pas de permis ou de quotas?
    En fait, tout se résume à la transparence, et à savoir à qui on a affaire et d'où vient l'argent. C'est vraiment ce que j'essayais de dire dans ma déclaration préliminaire. À cette fin, il faut faire preuve de diligence raisonnable. Ce n'est pas différent des vérifications qu'effectuent les institutions financières pour déterminer qui sont leurs clients. Nous devrions faire de même en ce qui concerne les acheteurs de permis et de quotas.
    Merci.
    Je vais maintenant m'adresser en ligne à Mme Collier.
    Je vous remercie de comparaître aujourd'hui. C'était formidable de visiter votre bateau avec votre mari et de voir votre exploitation il y a quelques semaines.
    Je pense que vous avez expliqué le grand mécontentement que vous observez chez les pêcheurs de votre région et ainsi de suite. Avez-vous constaté une évolution, que ce soit un changement positif ou une tendance plus préoccupante, en ce qui concerne la propriété des quotas et des permis sur la côte Ouest?
    Oui, je pense qu'en général, il y a beaucoup moins de propriétaires-exploitants sur la côte, et beaucoup plus de gens dépendent de la location pour avoir accès aux permis. Nous avons vu beaucoup de bateaux changer de mains, et nous ne savons pas exactement qui achète ces bateaux et ces permis. Je pense qu'une grande partie de la situation — comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire au sujet du vieillissement de la flotte — est attribuable au fait que beaucoup de pêcheurs prennent leur retraite et ne sont pas en mesure de passer le flambeau à un pêcheur actif, de sorte que ces bateaux et ces permis sont soit achetés par un investisseur quelconque, soit mis en commun par certains transformateurs afin que les pêcheurs puissent y avoir accès, mais de façon indirecte en louant des bateaux.
    Il y a environ quatre ans, ce même comité a terminé le rapport sur le partage des risques et des retombées sur la côte Ouest. Je pense que le fait que cette étude ait été réalisée et achevée il y a quatre ans est une indication que le problème dure depuis des lustres. Il existait manifestement avant que le Comité se mette à l'œuvre. Avez-vous vu des mesures découlant de ce rapport de 2019 qui ont amélioré la situation des pêcheurs dans votre région?
    Non. Tout ce que j'ai vu personnellement, c'est le sondage bénéfique qui a été lancé et qui, comme vous l'ont dit les intervenants précédents, semblait lacunaire. Mon mari et moi avons dû le remplir deux fois parce que nous avons à la fois des permis de bateau et des permis de groupe. En fait, nous l'avons rempli trois fois en raison de problèmes techniques.
    C'est la seule mesure que j'ai vue. Autrement, il semble que le MPO ait entrepris d'autres études ou peut-être d'autres recherches, mais rien de concret ne s'observe sur les lieux de pêche.
    Merci.
    Monsieur Bourgault-Faucher, vous avez mentionné que vous fournissez des données depuis plus de 10 ans. Depuis combien de temps est‑ce un problème apparent, et avez-vous constaté des changements positifs au cours des dernières années?

[Français]

     Je vais apporter une précision: les données que j'ai étudiées sont celles fournies en ligne par le ministère des Pêches et des Océans. Si j'ai retenu les données des dix dernières années, c'est parce que je ne voulais pas remonter trop loin en arrière. Il y a aussi des défis relatifs à la compilation de ces données, qui changent parfois à certains moments. Puisque je me suis uniquement penché sur les données relatives au Québec, je ne peux pas confirmer que le phénomène est similaire dans le reste du Canada, mais c'est fort probablement le cas. On ne peut pas remonter à plus de 10 ans en arrière, car les données ne sont pas forcément comparables.

[Traduction]

    Merci.
    Merci, monsieur Arnold.
    La parole est maintenant à M. Hardie pour six minutes maximum.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    J'aurais besoin de deux fois plus de temps, car j'ai tellement de questions à poser.
    Monsieur German, je vais d'abord m'adresser à vous.
    Le blanchiment d'argent est‑il presque exclusivement l'affaire d'acteurs étrangers?
    Non. La plupart des crimes donnent lieu à des produits de la criminalité, et c'est pourquoi les gens commettent des crimes. C'est un peu la raison pour laquelle le crime organisé commet des crimes; c'est pour faire de l'argent. Il y a du blanchiment d'argent au pays, et il y a du blanchiment d'argent à l'étranger. Cela dépend vraiment d'où viennent les groupes du crime organisé.
(1125)
    Y a‑t‑il un problème lié au fait que le CANAFE ne se penche pas vraiment sur les transactions avec les avocats et surtout les transactions entre les comptes en fiducie des avocats?
    C'est un problème depuis un bon bout de temps, et j'en ai parlé assez ouvertement. D'autres pays — en fait de nombreux pays de l'Union européenne — exigent que les avocats signalent les transactions douteuses. Au Canada, nous ne sommes pas allés dans cette direction. On compte sur les barreaux pour réglementer à cet égard.
    La récente Commission Cullen a en quelque sorte appuyé cette approche. Je ne suis pas nécessairement d'accord avec l'approche canadienne.
    Le ministère des Pêches et des Océans, le MPO, travaille actuellement sur la propriété effective, mais nous sommes d'avis, et je ne sais pas s'il en va de même pour vous, que la question qu'il a posée ne permettra pas d'obtenir l'information nécessaire. Il a simplement demandé si les gens ont un permis, plutôt que de demander qui est le titulaire du permis.
    Pensez-vous la même chose, monsieur?
    Tout d'abord, il y a longtemps que j'ai travaillé sur le secteur des pêches. Cela remonte à mon travail sur les rapports Dirty Money. C'est drôle à quel point le temps passe vite.
    Je peux vous dire toutefois qu'en ce qui concerne la transparence et la propriété effective, il faut connaître non pas le nom de l'entreprise, mais le propriétaire effectif de l'entreprise qui est titulaire du permis. Il ne suffit pas de connaître le nom de l'avocat qui a enregistré l'entreprise. Il faut savoir qui est la personne que nous appelons le propriétaire effectif.
    Vous avez mentionné que le budget de 2023 contient des mesures utiles. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Il y a un certain nombre de mesures dans le budget de 2023 concernant le blanchiment d'argent, le CANAFE et d'éventuelles lois. Encore une fois, il reste à voir l'incidence de ces mesures.
    Le blanchiment d'argent est un énorme problème. Il faut que les organismes d'application de la loi disposent des ressources nécessaires et qu'ils accordent la priorité à ce problème. De nombreux facteurs différents entrent en ligne de compte. Le budget contient un certain nombre d'initiatives. J'ai également mentionné qu'il y a un certain nombre d'initiatives en Colombie-Britannique.
    Au bout du compte, nous avons besoin, au Canada, d'un registre de la propriété effective, tant pour les terres que pour les sociétés. À l'heure actuelle, la Colombie-Britannique est la seule province à avoir un registre de la propriété effective des terres. Le gouvernement fédéral parle de créer un registre des sociétés et il s'est engagé à le faire. Pour ce qui est des pêches, par exemple, c'est l'un des secteurs où il serait vraiment utile d'avoir cette information concernant la propriété effective.
    Merci.
    On dit que l'enfer est pavé de bonnes intentions et que les lois ne sont pas très utiles si nous n'avons pas les ressources nécessaires pour les appliquer.
    Madame Collier, pouvez-vous nous confirmer que, lorsque vous et votre mari louez un quota, vous devez payer le prix demandé au moment où vous le louez, peu importe le prix final que vous obtenez au quai? Est‑ce exact?
    Tout dépend de l'entente de location et de la pêche en question. Pour certaines pêches, on paie un taux de location par livre, mais toutes les ententes relatives aux permis que nous avons conclues prévoyaient effectivement un taux fixe à payer pour avoir accès au permis, peu importe la quantité pêchée ou le prix obtenu au bout du compte.
    On parle beaucoup du fait que nous devrions passer à un processus de séparation des flottilles des propriétaires-exploitants sur la côte Ouest. Serait‑il suffisant de simplement cesser, dès maintenant, de vendre à des intérêts étrangers ou à des gens qui ne sont pas sur les bateaux? Est‑ce que ce serait une façon d'assurer une transition équitable?
    Personnellement, je pense que la séparation des flottilles est nécessaire également.
    D'accord, je comprends.
    C'est tout. J'ai posé toutes mes questions. Merci.
    Merci.
    La parole est maintenant à Mme Desbiens pour six minutes maximum.

[Français]

     Je sais énormément gré à tous les témoins de leur présence, toujours très pertinente.
    Monsieur Bourgault‑Faucher, vous nous avez parlé de la concentration de la propriété des permis et des quotas de pêche, surtout au Québec. Quels sont, selon vous, les facteurs principaux qui ont mené à une concentration aussi importante?
(1130)
    Je vous remercie de la question.
    Il y a deux principaux facteurs, qui émanent essentiellement de politiques mises en œuvre par le ministère des Pêches et des Océans. Le premier facteur est les plans de rationalisation qui, pour la plupart, ont été mis en vigueur entre la fin des années 1990 et les années 2010 dans différentes pêcheries. Cette rationalisation a consisté essentiellement à racheter des permis existants afin de les supprimer. Cela a permis dans certains cas d'augmenter les quotas associés à chaque permis et d'améliorer la rentabilité des entreprises de pêche. Par contre, cela a aussi eu comme effet indésirable de concentrer la propriété des permis de pêche.
    L'autre facteur est le fait d'être passé, dans plusieurs pêcheries, d'une pêche compétitive à des quotas individuels transférables. Avec ces derniers, on a rattaché aux permis de pêche une quantité déterminée de la ressource à prélever. Cela a fait fortement augmenter la valeur des permis et provoqué un mouvement de rachat de permis entre les pêcheurs, contribuant ainsi à la concentration de la propriété des permis que l'on observe aujourd'hui.
    Je tiens à préciser que les plans de rationalisation et le passage aux quotas individuels transférables ne sont pas forcément inadéquats. Par contre, ils ont engendré des conséquences indésirables en ce qui a trait à la concentration de la propriété des permis, laquelle entraîne à son tour des problèmes de redistribution des richesses et d'établissement de la relève.
    Je vous remercie. C'est très éclairant.
    Ce qui me préoccupe beaucoup, c'est le fait que ce système crée un genre de cercle vicieux. Pour certains pêcheurs, c'est plus payant. Or, comme on le sait, l'argent est le nerf de la guerre. Par contre, on sacrifie la relève, ainsi que l'accessibilité des communautés à leur potentiel de pêche. Pourriez-vous me dire comment cela se manifeste sur le terrain, ce que cela implique concrètement?
    En me basant ici sur les entretiens que nous avons tenus lorsque nous sommes allés à la rencontre des pêcheurs gaspésiens, notamment, il faut prendre en considération la conjoncture économique mondiale pour ce qui est de la concentration de la richesse. En effet, il y a eu au cours des 10 dernières années une hausse très impressionnante du prix des principaux crustacés sur les marchés mondiaux. On peut penser ici au homard d'Amérique et au crabe des neiges. Ce sont des facteurs associés à la conjoncture socioéconomique mondiale qui échappent au contrôle des pêcheurs. Il en est résulté que les revenus des pêcheurs de homard d'Amérique et de crabe des neiges ont fortement augmenté, alors même que la propriété des permis devenait plus concentrée. Les pêcheurs des autres flottilles n'ont pas eu la même chance quant aux prix des espèces qu'ils pêchent.
    Il est clairement ressorti des entretiens que nous avons réalisés que la concentration de la richesse était de plus en plus visible parmi les pêcheurs. Cela se voit sur les quais, alors que les disparités matérielles s'accroissent entre les pêcheurs des diverses flottilles en parallèle avec le renforcement de la capacité des uns à racheter les autres. Seuls les pêcheurs les plus fortunés sont donc désormais en mesure d'acheter des permis, ce qui a là encore pour effet de concentrer la propriété et d'accentuer les inégalités.
    En ce qui concerne les obstacles à l'établissement de la relève, c'est principalement la hausse de la valeur des permis qui pose problème. C'est dû, encore une fois, à la hausse des prix des principaux crustacés, à la concentration des permis, aux plans de rationalisation et aux quotas individuels transférables. La relève a donc de moins en moins accès à ces permis et ces derniers font à l'heure actuelle l'objet d'une surenchère. Pour la relève, accéder aux permis et, de façon plus générale, acquérir une première entreprise de pêche est devenu quasiment impossible, à moins d'être issu d'une famille de pêcheurs, et donc d'« hériter » d'un permis de pêche, ou d'être issu d'une famille fortunée. Cette situation a également comme effet de renforcer les inégalités.
     Cela dégarnit les communautés.
    Parlez-moi de votre solution. Je sais que vous avez parlé de permis communautaires. Donnez-moi donc une petite explication de ce que cela pourrait donner comme résultats.
    Je dirais qu'il y a plusieurs pistes de solution. Je pourrais revenir sur les permis communautaires, effectivement. Je tiens quand même à rappeler que les règlements relatifs au propriétaire exploitant et à la séparation des flottilles de pêche jouent un rôle important dans les provinces atlantiques pour préserver l'indépendance des pêcheurs et favoriser les retombées économiques dans les communautés.
    En revanche, compte tenu de ce que j'ai aussi entendu dire par les autres personnes qui ont comparu avant moi, il apparaît très clairement que l'application de ces règlements doit être renforcée, car cela ne fonctionne pas actuellement. Pour éviter une trop grande concentration des permis de pêche, il serait aussi approprié d'ajouter certains critères, par exemple en surveillant davantage les transactions et en bloquant celles qui sont jugées abusives. Il y a certainement d'autres mécanismes réglementaires qui sont étudiés pour garantir une meilleure répartition des permis et favoriser l'établissement de la relève, par exemple en lui donnant un accès préférentiel à certains permis.
    Je pense aussi que le ministère des Pêches et des Océans devrait sérieusement étudier la possibilité de délivrer des permis de pêche communautaires, non seulement aux communautés autochtones, mais également aux communautés allochtones. Cela pourrait faire l'objet d'un projet pilote dans différentes communautés, ce qui pourrait vraiment être intéressant. Nous reste-t-il suffisamment de temps pour parler de ces permis?
(1135)
    Ce n'est pas le cas. Nous y reviendrons, monsieur Bourgault‑Faucher.

[Traduction]

    Merci, madame Desbiens.
    Nous passons maintenant à Mme Barron pour six minutes maximum.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins, qui sont ici en personne et virtuellement aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à Mme Collier. C'est un plaisir de vous voir ici. J'ai eu le plaisir de vous rencontrer à une activité organisée il y a quelque temps par Fisheries for Communities.
    Dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné que, chaque année, il devient de plus en plus difficile d'être un pêcheur, en particulier au cours des quatre à cinq dernières années. Vous avez expliqué qu'il existe des obstacles comme vous n'en avez jamais vus auparavant. Je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus sur le point que vous avez soulevé au sujet de l'augmentation du prix de location à un point tel que cela incite les propriétaires à louer plutôt qu'à pêcher.
    Je pense que la pêche à la crevette tachetée en Colombie-Britannique en est un excellent exemple. Le prix de location d'un permis pour cette pêche s'est établi, au cours des dernières années, entre 40 000 $ et 60 000 $. Parallèlement, en 2022, les prises de crevettes tachetées de l'ensemble de la flottille de la côte ont diminué de moitié. Il n'est pas très logique que le prix de location demeure élevé, alors que le taux de prises est à la baisse.
    À l'heure actuelle, plutôt que d'aller pêcher moi-même, de prendre le risque d'aller pêcher et de ne pas capturer suffisamment de crevettes et aussi d'assumer tout le fardeau financier de sortir en mer — les coûts associés à mon bateau, à mon carburant, à la nourriture touchée par l'inflation, à l'augmentation généralisée des prix, à l'emballage, à la rémunération de mon équipage, etc. — si je pouvais simplement rester à la maison, louer mon permis et gagner autant d'argent, ce serait incroyable. Il est extrêmement tentant pour les propriétaires de faire cela, surtout pour certains des pêcheurs plus âgés qui sont en fin de carrière. Plutôt que de prendre ce risque, ils peuvent rester chez eux. Il est insensé d'avoir un système qui encourage cela.
    Je crois fermement que si les pêcheurs louaient des permis aux pêcheurs, le prix de location correspondrait davantage à ce qu'ils pourraient tirer de la pêche.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse encore à vous, madame Collier. Lors de l'activité organisée par Fisheries for Communities à laquelle nous avons assisté, je crois que c'est vous qui avez parlé — et corrigez-moi si j'ai tort — des répercussions, par exemple, à Prince Rupert. Vous avez parlé des répercussions de la perte du gagne-pain des pêcheurs locaux et des collectivités côtières. En particulier, Prince Rupert, qui était autrefois un centre de pêche qui offrait des commodités de base, comme les douches et les buanderies, aux pêcheurs commerciaux voit maintenant bon nombre de ces ressources diminuer. Est‑ce vous qui en avez parlé? Si oui, pourriez-vous nous en dire un plus à ce sujet?
    Oui, c'est moi qui en ai parlé. Je faisais référence à une fois où mon mari s'est rendu à Prince Rupert. C'était pendant la saison morte, en ce sens que ce n'était pas durant une période de pointe des montaisons de saumon ou quoi que ce soit d'autre. Toutefois, les pêcheurs pêchent maintenant toute l'année, alors il était allé là‑bas pour pêcher le flétan avec son cousin. Sur la côte, ils ont eu de la difficulté à trouver des services de base. Les usines locales étaient fermées, alors ils ne pouvaient pas avoir accès à leurs salles de bains et leurs buanderies. En outre, les installations du quai du gouvernement étaient également fermées pour diverses raisons énumérées sur des affiches, notamment le vandalisme, l'absence de possibilités de prise de saumons et le coût d'exploitation de ces installations. Des bateaux comme le nôtre, par exemple, n'ont pas de douches… Nous devons donc chercher ce genre de services. Des pêcheurs indiquaient en ligne d'autres endroits dans la collectivité où on pouvait essayer d'avoir accès à ces services, qui étaient habituellement fournis aux pêcheurs aux quais.
    Le problème s'étend également à certains magasins de fournitures marines. Le principal magasin d'électroniques maritimes n'existe plus, alors ils n'ont pas pu se procurer une antenne marine. Même le magasin d'équipement de pêche local vend maintenant surtout de l'équipement de pêche sportive. Il vend très peu d'équipement de pêche commerciale. Cela montre bien que, lorsque les ressources des pêcheurs et les revenus de la pêche s'en vont ailleurs, cela ne contribue clairement pas à amener des fonds et des ressources dans la collectivité, à un point tel que l'ensemble de la collectivité a changé et ne soutient plus les pêcheurs grâce à ses infrastructures comme elle le faisait auparavant.
    J'ai aussi un peu de contexte à vous donner. Mon mari a pêché dans ce port pendant de nombreuses années, et il connaissait le nom des propriétaires et pouvait les appeler pour que les pièces dont il avait besoin se trouvent au quai à son arrivée. Cela n'est tout simplement plus possible. Maintenant, vous devez faire expédier presque tout ce dont vous avez besoin, car vous ne pouvez pas vous le procurer localement.
(1140)
    Merci.
    Pour faire suite à cette question, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les répercussions que vous observez — en tant que pêcheuse locale, et votre mari étant également un pêcheur local — et sur l'incidence que vous envisagez sur la sécurité alimentaire locale?
    Oui, bien sûr. Je pense que la pandémie a mis en évidence à quel point nous dépendons d'autres pays pour notre sécurité alimentaire. Pourtant, certains des meilleurs fruits de mer proviennent de nos propres eaux. Comme Mme Strobel l'a mentionné lors d'une séance précédente, si je ne m'abuse, environ 90 % des produits sont exportés et 80 % sont importés. Pour ce qui est des fruits de mer importés, nous ne savons même pas de quoi il s'agit la moitié du temps.
    Nous pourrions simplement soutenir nos propres collectivités et nos propres systèmes alimentaires. Il est incroyable que nous ayons tous ces produits qui proviennent de chez nous et qui sont exportés ailleurs, et que nous dépendions d'autres pays pour certains aliments, alors que nous pourrions simplement nous nourrir et nourrir nos propres collectivités. Je pense que cela ressemble beaucoup à ce que nous avons vu dans l'industrie agricole, que nous devons appuyer en soutenant les petits producteurs locaux. Je pense que nous devons prendre des mesures supplémentaires pour soutenir nos industries alimentaires locales, y compris nos pêcheurs.
    Merci, madame Barron.
    Nous allons maintenant passer à M. Small pour cinq minutes maximum.
    Merci, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à M. Bourgault-Faucher.
    Le Québec a‑t‑il une commission des prêts pour aider les pêcheurs à financer leurs investissements dans l'industrie?

[Français]

     Il existe un programme du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec pour soutenir les pêcheurs dans l'achat de bateaux de pêche. Au-delà de ce programme provincial qui aide les pêcheurs dans l'acquisition d'équipement, il n'y a pas vraiment autre chose. Étant donné que c'est de compétence fédérale, les programmes viennent surtout du gouvernement du Canada pour ce qui est du soutien aux pêcheurs.

[Traduction]

    Monsieur le président, j'ai encore une question à poser à M. Bourgault-Faucher.
    Ce programme n'aide pas à financer l'achat de permis et de quotas. Est‑ce exact?

[Français]

    À ma connaissance, non.

[Traduction]

    D'accord.
    Si nous avions, disons, une commission fédérale des prêts aux pêcheurs qui serait en mesure de financer ces transferts de permis, pensez-vous que cela aiderait les pêcheurs à maintenir leur indépendance?

[Français]

    Je ne sais pas si une commission pour aider l'achat de permis est forcément ce qu'il faut. On peut par exemple songer à différents règlements ou mécanismes pour superviser les transactions ou pour maintenir le prix de ces permis artificiellement moins élevé que leur valeur marchande. Peut-être qu'une commission ou un soutien financier direct sous forme de prêts aux pêcheurs est envisageable aussi.

[Traduction]

    Merci.
    J'ai quelques questions à poser à Mme Collier.
    Dans le rapport de 2019 intitulé Les pêches sur la côte Ouest : partager les risques et les retombées, on recommandait la création d'une commission des prêts aux pêcheurs. À votre connaissance, y a‑t‑il eu des démarches en ce sens?
    À ma connaissance, non, il n'y en a pas eu.
    S'il y avait une telle commission des prêts, cela aiderait‑il les pêcheurs à conserver l'indépendance que vous recherchez?
    Je pense qu'il y a certainement un potentiel à cet égard.
    À l'heure actuelle, il n'y a que trois façons d'obtenir un prêt pour acheter un permis. Vous empruntez auprès de votre famille, vous empruntez auprès d'un nombre très restreint de banques qui acceptent de financer des entreprises de pêche ou vous empruntez auprès d'une usine de transformation, auquel cas vous êtes lié à cette usine de transformation ou cet acheteur de poisson.
(1145)
    Selon vous, madame Collier, l'absence d'une telle commission entraîne‑t‑elle une concentration des entreprises au chapitre de la propriété des permis de pêche?
    Je pense que c'est un élément qui y contribue, car cela fait en sorte que les nouveaux venus et les pêcheurs actuels ont plus de difficulté à obtenir les fonds nécessaires pour acheter des permis.
    J'ai également lu dans ce rapport — il remonte à 2019, et je l'ai sous les yeux — que l'argent investi dans les initiatives de réconciliation gonfle les prix des quotas. Êtes-vous d'accord avec cela?
    Je ne possède pas suffisamment de connaissances à cet égard pour dire si je suis en accord ou en désaccord avec cette observation.
    D'accord.
    Vu l'inflation des prix des quotas, en arrive‑t‑on au point où ils sont complètement hors de portée pour les nouvelles et les petites entreprises de pêche?
    Je dirais oui, tout à fait, dans certains cas.
    D'accord.
    Est‑ce que l'inflation des prix des quotas contribue également à la concentration des entreprises?
    Personnellement, je crois que oui. Je pense que le coût est devenu tellement difficile à assumer pour les exploitants indépendants que d'autres personnes viennent acheter ces permis.
    Et qui seraient ces autres personnes?
    Ce sont soit des investisseurs — nous avons vu des gens de centres urbains acheter des bateaux et des permis et demander ensuite à un exploitant local d'exploiter le bateau —, soit des acheteurs de poisson ou des groupes des Premières Nations.
    Merci.
    Merci, monsieur Small.
    La parole est maintenant à M. Hanley pour cinq minutes maximum.
    Je remercie tous les témoins pour leur présence aujourd'hui.
    Je vais d'abord m'adresser à M. Bourgault-Faucher.
    Monsieur, vous avez expliqué le lien entre la politique du MPO, en ce qui a trait à l'efficacité et aux quotas transférables, et cette hausse de la concentration. Compte tenu du fait que le climat réglementaire et les intérêts sont différents, voyez-vous un lien avec la mainmise des entreprises et avec la propriété étrangère?

[Français]

     Il n'y a pas forcément de lien avec la propriété étrangère dans la mesure où les règles sont les mêmes pour tous, que l'investisseur soit étranger ou canadien. Il y a en parallèle d'autres politiques comme celle protégeant le propriétaire-exploitant et la séparation des flottilles de pêche. Si ces règlements sont bien appliqués, les quotas individuels transférables ne posent pas forcément problème. Là où cela crée un certain problème, c'est que ces quotas deviennent transférables, ce qui leur attribue ainsi une valeur marchande.
    Les quotas individuels transférables sont une mesure qui a été adoptée dans différents États occidentaux. Cela entraîne une flambée de la valeur de ces permis qui, auparavant, étaient accordés à peu près à toute personne qui en faisait la demande. Les quotas individuels transférables sont venus augmenter fortement la valeur des permis et ont créé un mouvement où certains pêcheurs plus fortunés ont acquis les permis d'autres pêcheurs, dans une spirale de concentration qui s'est accentuée dans les dernières années.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur German, vous avez amené durant les audiences un tout autre sujet, celui du rôle du blanchiment d'argent et de son lien possible avec la propriété étrangère. En réponse à la question de M. Hardie, vous avez dit que le blanchiment d'argent peut être un phénomène national ou international. Êtes-vous en mesure de décrire ou de documenter une tendance en matière de propriété étrangère dans le secteur des pêches et un lien avec le blanchiment d'argent.
    Dans notre rapport nous avons cité un exemple qui faisait les manchettes à l'époque. Il s'agissait d'une personne qui avait acheté un grand nombre de quotas et qui était également un joueur qui misait toujours de grosses sommes dans nos casinos. Cela ne veut pas dire que cette personne était liée au crime organisé. Ce n'est pas une conclusion que nous pourrions tirer, mais je vous invite à consulter notre rapport, si cela vous intéresse. On peut y avoir accès gratuitement en ligne. Nous parlons de cet individu en particulier, du fait qu'il est propriétaire d'entreprises liées à la pêche et de son implication dans l'industrie des casinos.
    En réalité, c'est l'inconnue à laquelle on fait face lorsqu'on a affaire à de l'argent qui arrive de l'étranger. Ce n'est pas seulement dans le secteur des pêches; c'est aussi dans d'autres secteurs. Nous l'avons vu dans le secteur immobilier. D'où venait l'argent et quelle était sa source?
(1150)
    Merci.
    Il me reste 1 minute et 15 secondes. Je vais céder la parole à M. Hardie pour qu'il poursuive.
    Merci.
    Je vous en remercie, monsieur Hanley et monsieur le président.
    Monsieur German, j'ai une autre question pour vous.
    Nous avons discuté de confiscation civile. Est‑il juste de dire qu'elle devrait viser les permis, les quotas et les bateaux? C'est pratiquement ça, je suppose.
    Oui. La confiscation civile est une façon de reprendre l'argent que quelqu'un, en premier lieu, ne devrait pas posséder, mais sans que des accusations criminelles soient portées. Nous pouvons nous appuyer sur le Code criminel, dont des dispositions visent le blanchiment. Il faudrait les faire respecter. Malheureusement, nous constatons qu'il est inégalement appliqué. Résultat: les provinces se sont rabattues sur la confiscation civile. Si on peut prouver que les permis ont été obtenus par des moyens illicites, on peut y recourir.
    Madame Collier, je vous demande de bien vouloir vous imaginer à l'âge de 60 ans. Je sais: vous avez une éternité à franchir d'ici là. Vous avez vos permis, vos quotas. Que diriez-vous d'une transition vers le régime du propriétaire-exploitant qui verrait une dépréciation notable de ses actifs? Croyez-vous ça possible?
    Si j'avais 60 ans et si j'étais propriétaire-exploitante, j'envisagerais la cession de l'entreprise à mes enfants. À cause de l'écart de prix, je ne chercherais pas à la vendre. Je préférerais que mes enfants conservent ce mode de vie. Je ne songerais pas nécessairement à son éventuelle valeur de vente.
    Monsieur Hardie, votre temps est écoulé. Je vous en ai même accordé un peu plus. Je voulais vous interrompre avant que vous n'ayez commencé à parler.
    Madame Desbiens, vous disposez de deux minutes et demie.
    Allez‑y, s'il vous plaît.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Bourgault‑Faucher, revenons aux permis de pêche communautaires. Dans quelle proportion ces permis devraient-ils être délivrés pour que cela ait un réel effet dans les communautés? Ceux qui possèdent une concentration de permis y seraient-ils réfractaires? Comment le voyez-vous?
    Ces propriétaires de permis y seraient possiblement réfractaires.
    Je vais ajouter quelques précisions sur ce que j'entends par cela. En fait, je propose qu'on fasse un projet pilote. Ce serait exploratoire et on devrait étudier la question plus en profondeur. Je ne prétends pas être un expert sur cette question. De toute façon, c'est un projet qui ne s'est jamais vu en dehors des communautés autochtones. Par contre, ce qu'on sait des permis de pêche communautaires, c'est qu'ils mettent les ressources aquatiques entre les mains des communautés, qui ont alors pour responsabilité de gérer les activités de pêche et de prendre les décisions d'affaires dans l'intérêt général.
    Les permis de pêche ne peuvent pas être vendus ou être acquis par des individus. Ces permis de pêche sont la propriété de la communauté. Dans ce cas-ci, les pêcheurs seraient embauchés par contrat par la communauté. Les profits seraient partagés équitablement selon les modalités du contrat entre les deux parties, c'est-à-dire la communauté et les pêcheurs. La communauté déciderait ensuite où investir sa part des profits. Cela pourrait être dans le développement de ses activités de pêche ou dans un autre domaine, par exemple en santé, en éducation, dans des services publics ou des infrastructures de transport ou encore dans le logement.
    Donc, ce projet pilote...
(1155)
     Ce volet-là s'applique davantage aux communautés autochtones, mais les communautés allochtones ont déjà des soins de santé et des services.
    Oui, mais les profits peuvent aussi être investis dans les infrastructures de transport, dans le logement ou ailleurs dans la communauté, par exemple. On pourrait également bonifier les services de santé existants à l'échelle locale.
    Dans le cadre de ce projet pilote, il faudrait idéalement délivrer de nouveaux permis pour des espèces émergentes ou des espèces en déplacement, comme le homard au Québec, plutôt que de viser les permis existants. Cela permettrait d'éviter un trop grand bouleversement des flottilles existantes.
    Par ailleurs, la gestion de ces permis communautaires devrait être strictement encadrée par voie réglementaire pour éviter les dérives, que ce soit en matière d'attribution de contrats entre les pêcheurs ou de commercialisation des captures. Il est nécessaire de garantir une saine gestion pour que le dispositif fonctionne bien.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci, madame. Vous avez réussi à prendre presque une minute de plus, mine de rien.
    Madame Barron, vous disposez de deux minutes et demie..
    Merci, monsieur le président.
    J'interrogerai M. German, que je remercie d'être ici.
    J'ai quelques questions que je poserai rapidement. Un témoin a évoqué les similitudes entre le marché du logement, notamment en Colombie-Britannique, et ce que nous observons dans le secteur des pêches, en particulier la hausse des coûts sous l'effet de la spéculation et des investissements étrangers dans le marché du logement. Que pensez-vous de cette comparaison?
    Je considère que c'est une comparaison, très honnêtement.
    Nous avons assujetti à certaines exigences les achats de biens immobiliers par des étrangers en Colombie-Britannique puis à l'échelon fédéral. Pourquoi ne pas le faire dans les secteurs des pêches également — du moins pendant quelque temps — pour voir si c'est un problème grave?
    Merci.
    Vous avez également souligné l'importance de la transparence et l'importance de savoir qui sont les propriétaires et ainsi de suite, dans le domaine de la pêche.
    Je ne suis pas certaine si vous êtes au courant du sondage dont les résultats ont été évoqués à quelques reprises dans notre comité, mais il est allé aux titulaires de permis. Nous distinguons titulaires et propriétaires de permis. Je me demande si vous avez une opinion à son sujet et comment elle pourrait relativiser l'information que nous recevons et son efficacité.
    Je ne suis pas au courant du sondage.
    Je ne change pas de disque. Je soulignerai seulement que la meilleure solution du problème est de l'éclairer, et c'est le problème de la transparence, savoir qui est le véritable propriétaire du bien. C'est vraiment tout ce que je pourrais répondre.
    Pourriez-vous expliquer un peu plus ce qui arrive quand on ne connaît pas les propriétaires et peut-être certaines solutions? Je sais que vous vous répéterez, mais veuillez répéter ce qu'il faut faire.
    C'est exactement le problème que nous avons vécu avec les casinos de Colombie-Britannique. À force de remplir de la paperasse, c'est devenu routinier, personne ne voyait plus loin que le formulaire et ne voulait faire de vérifications. D'où, exactement, venait l'argent? De quels comptes bancaires? Était‑ce traçable? Qui était le véritable propriétaire? Quand nous avons commencé à le faire, les opérations douteuses, tout d'un coup, ont diminué.
    Ici, j'appliquerais le même remède. Voilà pourquoi, à l'époque, le procureur général a proposé l'examen d'autres secteurs de l'économie, parce que nous savons également que, après le nettoyage d'un premier secteur, les suspects vont dans un autre, particulièrement s'il s'agit d'investisseurs. Ce n'est pas nécessairement les principaux acteurs du crime organisé eux‑mêmes; ce peut être n'importe qui dans la chaîne.
    Ce n'est pas seulement l'argent du crime organisé. C'est également, comme je l'ai dit, des sorties de capitaux. Beaucoup de pays contrôlent leur devise. On ne peut en faire sortir d'argent. Les gens essaient de le faire par divers investissements. Il y a également l'argent des évasions fiscales.
    Merci, madame.
    Nous disposons d'un peu de temps, parce que nous essayons de contacter l'un des témoins de la prochaine heure. J'accorde donc la parole à M. Calkins, qui disposera de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Qu'il est agréable d'être de retour à ce comité.
    Monsieur German, je vous ai vu, il n'y a pas si longtemps, au comité des affaires de la Chambre. Ça m'étonne un peu de vous voir ici tenir le même langage sur l'ingérence étrangère, même si ce comité‑là l'examine du point de vue des élections.
    Vous avez parlé de vente de bateaux et du CANAFE. Pourriez-vous en dire un peu plus, exemples à l'appui, sur le blanchiment grâce à l'achat ou à la vente de bateaux? De gros bateaux de pêche, qui valent cher. Un tel coup serait un exploit. Comment est‑ce que ça se peut?
(1200)
    Oui, je témoignais devant le comité qui étudiait l'ingérence étrangère dans les élections. Je réponds aux avis que je reçois. J'ai d'ailleurs été agréablement surpris d'en recevoir un de votre comité.
    Le procureur général et moi nous qualifions notre façon de faire de perpétuel recommencement. Nous combattons le blanchiment dans un secteur, et le problème se déplace ailleurs. Voilà pourquoi un système universel, comme celui qui existe aux États-Unis, présente de l'intérêt: toutes les opérations réglées comptant au‑dessus d'une certaine somme doivent être signalées à l'organisme du renseignement financier. Nous n'avons rien de tel au Canada. Nous devons toujours recommencer, dans une situation où le crime organisé, si les choses se gâtent dans les produits de luxe, choisira les casinos ou la vente de cannabis. Il est remuant.
    En ce qui concerne les ventes de bateaux, certains se sont bien bidonnés quand nous avons parlé de blanchiment grâce aux voitures de luxe, mais, dans la deuxième partie de notre rapport sur l'argent sale, nous avons examiné le phénomène. Nous avons prouvé que le crime organisé blanchissait son argent par la vente de ces voitures. Pendant cette enquête nous avons constaté qu'un secteur très semblable de l'économie, d'où ne provenait aucun signalement, était celui des ventes de bateaux. Beaucoup d'argent est immobilisé dans l'achat de bateaux.
    Je ne peux parler précisément des bateaux de pêche par rapport aux embarcations de plaisance. Nous sommes simplement dans le noir. Nous ignorons à qui appartient l'argent servant à l'achat de bateaux, parce que ça ne peut pas faire l'objet d'un signalement. Voilà pourquoi j'ai également mentionné plus tôt les maisons de vente aux enchères et ainsi de suite.
    Je suppose que ce serait également vrai des avions et des autres marchandises chères, n'est‑ce pas?
    Oui. Les avions, pour autant que je me souvienne, ne sont pas à déclarer non plus.
    Madame Collier, vous avez parlé un peu de ce que vous voyez sur le terrain, dans votre collectivité. C'est un bel endroit de l'île de Vancouver. Quand vous entendez parler de l'achat d'un quota… J'y suis allé souvent et j'ai rencontré des gens des Premières Nations dont certains groupes ne pêchent pas elles-mêmes leur quota.
    Qu'avez-vous constaté, dernièrement? Ça fait quelques années que je n'y suis pas allé rencontrer les gens. Quand une Première Nation achète un quota, de nos jours, s'en sert-elle pour la pêche ou le loue-t-elle essentiellement à des personnes comme vous?
    Je connais peu ce domaine. Mes connaissances varient selon les bandes. Mais il est vrai que, souvent, les permis sont loués à des pêcheurs non autochtones..
    Quand vous voulez louer un quota, vous ignorez parfois qui en est le véritable propriétaire, n'est‑ce pas?
    C'est juste. Quand on loue un quota supplémentaire d'un transformateur ou d'un acheteur, comme nous le faisons continuellement, il importe vraiment de comprendre que ce quota transférable est essentiel à la rentabilité de certaines pêcheries. Par exemple, il n'est pas rentable de ne pêcher que les 150 saumons qu'on s'est vu attribuer. Les pêcheurs s'échangeront donc entre eux des quotas ou ils chercheront à en obtenir d'autres par l'entremise d'un transformateur. Mais, dans ce cas, ils ne savent pas nécessairement de qui.
    Monsieur German, avons-nous une idée du nombre de nos quotas qui appartiennent véritablement à des acteurs étatiques étrangers?
    Je n'en ai aucune connaissance actuelle, ma recherche sur la question étant récente, mais nous avons cité, dans notre rapport publié en 2019, des données des sources publiques.
    Merci, monsieur Calkins. Il vous reste deux secondes. À peine le temps de prononcer deux mots.
    M. Blaine Calkins: Merci.
    Le président: La parole appartient, pendant quelques minutes, à M. Morrissey.
    Je cède mon temps à M. Hardie.
    Très bien.
    Monsieur Hardie, nous vous écoutons.
    Merci monsieur le président.
    Je retourne à vous, madame Collier. J'ai vraiment aimé votre réponse à ma dernière question. Voilà pourquoi je vous demande cette fois‑ci d'émettre des hypothèses.
    Oublions la famille. Elle ne veut pas pêcher. Pouvez-vous vous mettre à la place d'une famille actuelle de pêcheurs actifs qui, essentiellement, veut céder ses permis, ses quotas ou, d'ailleurs, son bateau? Pouvez-vous décrire une transition équitable qui ferait aboutir l'autorisation de pêcher à de véritables pêcheurs?
(1205)
    Le gros problème, actuellement, dans cette question, est que les permis sont appariés. Si, comme la plupart des propriétaires-exploitants, vous détenez plusieurs permis pour accéder à diverses pêcheries pour gagner votre vie, ces permis sont appariés. Aucun nouvel entrant ne peut acheter un tel ensemble. C'est le premier élément d'appréciation, parce que chaque permis dépareillé pourrait être vendu à de nouveaux entrants pour accéder à ces pêcheries ou à des pêcheurs actifs.
    C'était en fait une recommandation du rapport de 2019.
    La question d'une réserve de permis et de quotas est venue sur le tapis. Que diriez-vous d'une réserve essentiellement exploitée par le gouvernement fédéral, lequel fixerait le prix et le louerait ou conclurait une sorte d'entente de partage des revenus? Est‑ce que ça tiendrait la route?
    Franchement, j'hésite. J'ai besoin d'y réfléchir et de beaucoup plus de renseignements sur le cadre de fonctionnement pour me prononcer sur l'éventuel accès… Mes seuls points de comparaison sont certaines des réserves de permis des Premières Nations, et, uniquement d'après ce qu'on entend dire par celles qui se trouvent dans la même situation, ça ne marche pas pour elles. J'hésiterai tant que je n'en comprendrai pas exactement le mécanisme.
    Manifestement, le meilleur système est celui qui semble à tous le meilleur, c'est-à-dire la politique du propriétaire-exploitant et celle de la séparation de la flottille, ce qui risque de nous éviter le problème de remettre les œufs dans leur coquille — une analogie très féconde —, mais vous devrez convenir, madame, que tous ne s'en sortiront pas nécessairement indemnes, vu la situation actuelle.
    Absolument pas. Je pense que ce sera une transition importante, raison pour laquelle on parle beaucoup d'une stratégie élaborée en Colombie-Britannique, d'après le fonctionnement du régime actuel.
    Le processus devra différer de celui de la côte Est, mais, sachant que la transition y a pris sept ans pour porter fruit, je suis d'avis qu'il serait utile de s'y prendre de la même manière, une lente transition pour aider toutes les parties.
    Merci, monsieur Hardie.
    Voilà qui met fin à la première heure de témoignages.
    Je tiens à remercier les témoins. S'ils souhaitent rester en ligne pour répondre à d'autres questions, si quelqu'un voulait leur en poser, ils sont absolument les bienvenus.
    Un témoin arrive en personne pour la deuxième partie de la réunion. Nous n'avons pas réussi à rejoindre l'autre, malgré nos tentatives depuis le début de la matinée. Nous devrons le recevoir un autre jour.
    Je suspends les travaux quelques moments, le temps de mettre les choses en ordre pour la prochaine partie.
    Merci.
(1205)

(1210)
    Reprenons.
    Je souhaite la bienvenue au témoin de la deuxième heure. Il s'agit de M. Richard Williams, directeur de recherche pour le Conseil canadien des pêcheurs professionnels.
    Monsieur Williams, vous disposez de cinq minutes pour votre déclaration liminaire.
    Je remercie le président. Je suis ravi d'avoir l'occasion de comparaître devant vous.
    Je suis le directeur de recherche du Conseil canadien des pêcheurs professionnels, un conseil sectoriel national des ressources humaines qui représente l'industrie de la pêche. Cependant, le point de vue que j'exprimerai aujourd'hui sera le mien.
    Je travaille au conseil depuis sa création au milieu des années 1990. Depuis, nous surveillons la situation économique, le marché du travail et les tendances relatives à l'offre de main-d'œuvre au sein de l'industrie. Je m'intéresse de près aux pêches de l’Atlantique et du Pacifique et à ce qui s'y passe. Je vous ai remis un document qui donne des chiffres pour comparer les perspectives socioéconomiques des industries sur les deux côtes. Je n'entrerai pas dans les détails; nous aurons peut-être le temps d'en discuter.
    Essentiellement, les revenus de la pêche en Colombie-Britannique ont augmenté depuis la Grande Récession. Nous utilisons les données des déclarants jusqu'en 2019, avant la pandémie. Après l'inflation, les revenus de la pêche en Colombie-Britannique se sont améliorés, mais à un taux représentant seulement le tiers de la croissance de la pêche sur la côte Est.
    Les pêcheurs en Colombie-Britannique occupent le deuxième rang parmi les plus âgés, après ceux de Terre-Neuve‑et‑Labrador, mais ils sont nettement plus vieux que ceux des Maritimes. Notre main-d'œuvre est vieillissante, et peu de jeunes arrivent dans l'industrie. Ce qui se passe... Lorsque nous examinons les enjeux liés à la valeur au débarquement, entre autres, une chose me frappe particulièrement dans les chiffres. Dans la région de l'Atlantique, le revenu total des pêcheurs — qui provient de l'emploi dans le secteur de la pêche et qui contribue aux économies locales de la région de l'Atlantique — représente 37 % de la valeur totale au débarquement. Cette part de la valeur totale du poisson au débarquement reste entre les mains des pêcheurs de leurs milieux. En Colombie-Britannique, cette proportion se chiffre à 29 %, ce qui est beaucoup moins. Si la même proportion de la valeur totale au débarquement revenait aux pêcheurs à titre de revenu d'emploi, le revenu moyen des pêcheurs en Colombie-Britannique serait haussé de 6 000 $. Ce n'est qu'une façon de mesurer la structure des pêches. Les différents systèmes de délivrance de permis et structures de l'industrie produisent des revenus et des réalités socioéconomiques très différents.
    M. Hardie a employé la fameuse analogie de l'omelette. Je dirais que ce n'est pas ce genre de situation ici. Nous avons plutôt un système de politique défaillant qui doit être corrigé. Je sais que des questions ont été soulevées lors des témoignages précédents pour savoir si c'est possible ou sur la façon deprocéder. Il n'y a pas de solution facile et peu coûteuse. Nous sommes engagés plutôt loin sur ce que je considère être la mauvaise voie, de sorte qu'il ne sera pas simple de revenir en arrière.
    Pour régler le problème, d'autres régions et pays ont opté pour deux modèles simples et directs. L'option visant à préserver l'indépendance de la flottille de pêche côtière dans l'Atlantique canadien, ou PIFPCAC, est le plus évident. Dans ce cas, la ministre des Pêches et des Océans octroie des permis chaque année. La ministre a le pouvoir de simplement dire que tous ces permis doivent être entre les mains de pêcheurs actifs sur une période donnée — sept ans dans le cas du PIFPCAC. Cette mesure crée un marché dans lequel les permis et les quotas changent de mains. Les gens qui ne travaillent pas comme pêcheurs devront trouver des acheteurs à des prix que ceux‑ci peuvent se permettre, et ainsi de suite.
    La deuxième option est une structure de propriété ou de permis complètement différente. Elle est en place dans le Maine, où l'industrie du homard est florissante. Nous la voyons aussi dans la pêche côtière à bord de petits bateaux qui connait beaucoup de succès dans des pays comme la France, en Europe, où les permis ne sont pas des marchandises échangeables. Les pêcheurs ne possèdent pas les permis. Ils peuvent les utiliser à long terme grâce, notamment, à des modalités de délivrance ou des ententes de location.
    En nous inspirant de la période prévue au PIFPCAC pour la Colombie-Britannique, nous pourrions mettre en place un processus où tous les permis redeviennent la propriété de la Couronne, puis sont ensuite mis à la disposition des pêcheurs suivant une modalité de location-achat ou de location à des tarifs abordables. Je peux vous expliquer en détail à quoi ce mécanisme pourrait ressembler sur le plan financier.
(1215)
    Il y a toutefois deux mises en garde concernant le recours à l'une ou l'autre de ces approches pour résoudre le problème. Ces options ne fonctionneront que si les pêcheurs peuvent acheter des permis et des quotas à une juste valeur marchande pour une entreprise de pêche. À l'heure actuelle, la plupart des permis et des quotas, certainement en Colombie-Britannique, ne se vendent pas à la juste valeur marchande du point de vue d'une entreprise de pêche qui doit les payer et les financer. Par conséquent...
    Je vous remercie, monsieur Williams. Puisque nous avons dépassé le temps imparti, alors nous allons maintenant passer aux questions. J'espère que vous pourrez dire en réponse aux questions ce que vous n'avez pas eu le temps d'aborder.
    Nous allons maintenant passer à M. Small, qui a tout au plus six minutes. Allez‑y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à vous remercier, monsieur Williams.
    Vous avez parlé du prix exorbitant des permis et des quotas. À quoi l'inflation est-elle attribuable? Il semble que la hausse des permis de pêche est un des problèmes qui expliquent ce qui se passe. En effet, les gens pensent qu'il y a une concentration d'entreprises. Pourquoi le prix de ces permis est‑il aussi élevé?
    J'observe la situation depuis plus de 40 ans. Je vois les choses un peu différemment que certains de mes confrères de l'industrie de la pêche et d'ailleurs. Je crois que le principal moteur de l'augmentation du prix des permis et des quotas est la valeur du poisson dans l'eau. La demande mondiale est en croissance, et l'ouverture des marchés de même que les accords de libre-échange que nous avons vus au cours des 20 ou 30 dernières années ont créé une toute nouvelle économie de la pêche, dans laquelle nous avons maintenant des programmes de conservation assez efficaces dans la plupart de nos grandes pêches commerciales.
    Par conséquent, l'offre de poisson sur le marché n'augmentera pas de façon spectaculaire puisque nous ne voulons pas menacer la durabilité des stocks. De façon générale, la quantité de produits est fixe. Il y a des hausses et des baisses pour différentes espèces, mais nous acheminons une quantité fixe de fruits de mer sur un marché où la demande est à la hausse. Il y a une hausse marquée du nombre de consommateurs et de leur volonté à payer pour ces denrées qui deviennent des produits alimentaires de grande qualité et un luxe, dans de nombreux environnements. Nous avons tous entendu parler de la croissance de la classe moyenne en Chine ainsi que de tous ces facteurs.
    L'essentiel, c'est que la valeur des poissons dans l'eau est à la hausse. Ce phénomène a suscité l'intérêt de spéculateurs, qui tentent de mettre la main sur un actif qui va continuer à prendre de la valeur. À long terme... Nous traversons une année difficile, et les gens peuvent dire que nous avons de gros ennuis. Mais si nous regardons le portrait sur une période de 20 ou 30 ans, détenir un quota ou un permis de pêche est vraiment un bon investissement. Tout petit investisseur voudrait le faire.
    La volonté de garder les permis et les quotas entre les mains des pêcheurs actifs est beaucoup plus contestée qu'il y a 20 ans, alors que les gens ne voyaient pas la pêche comme un secteur en croissance. C'est une période au cours de laquelle je pense que nous...
    Je vous remercie, monsieur Williams.
    Dans le rapport de 2019 intitulé Les pêches sur la côte Ouest: Partager les risques et les retombées, il est indiqué que les commissions de prêts amélioreraient l'accès à la pêche des nouveaux arrivants et des petits pêcheurs. Compte tenu de ce que vous venez de dire, pensez-vous que ce serait vraiment un facteur si nous avions de telles commissions de prêts? Pourraient-elles suivre le rythme de l'inflation qui frappe les prix des permis?
(1220)
    Ce que j'essayais de dire, c'est qu'il y a une croissance à la juste valeur marchande de l'entreprise, puis que la hausse est ensuite amplifiée ou gonflée en raison de l'intérêt spéculatif à l'égard de cet accès. Si nous éliminions ou réduisions de façon considérable le spéculateur — ou l'investisseur illégitime —, il serait alors logique pour un investisseur, comme une banque, une commission de prêts ou toute autre entité, de soutenir un pêcheur qualifié. En effet, celui‑ci aurait toutes les chances de gérer une entreprise prospère et d'acheter l'entreprise à sa juste valeur marchande puisque l'investissement serait soutenable à moyen ou à long terme. Il y a bel et bien un besoin.
    La deuxième mise en garde que j'allais mentionner était... D'une part, nous devons faire en sorte que les permis et les quotas s'échangent à leur juste valeur marchande. D'autre part, nous devons offrir un mécanisme de financement. Dans le Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse, les banques ont été tout à fait disposées à le faire ces dernières années puisque le permis peut servir de garantie pour le prêt. Les banques offrent ce service, et les choses semblent se passer raisonnablement bien. D'autres pourront en parler, mais je pense que dans une région comme la Colombie-Britannique, un mécanisme spécialisé... Dans un rapport que nous avons préparé récemment pour l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, ou APECA, nous lui avons recommandé d'examiner sérieusement la commission du prêt agricole d'Agriculture Canada, à savoir Financement agricole Canada. Un modèle semblable pourrait nous aider à opérer la transition.
    Pour ce qui est des commissions de prêts, combien de provinces ont actuellement ce genre d'entité au Canada dans l'industrie de la pêche?
    Personne n'a de commission des prêts expressément pour les pêcheurs. Le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse ont des commissions de prêts qui intègrent la pêche, l'aquaculture et l'exploitation forestière, je crois. À Terre-Neuve, les prêts sont inclus dans les programmes pour les petites entreprises — si ma mémoire est bonne —, et c'est aussi ce que fait l'Île‑du‑Prince-Édouard. Les provinces ont tendance à fusionner ces différents processus de prêts. Ces entités s'occupent encore d'une part relativement modeste du financement des entreprises de pêche. Au Nouveau-Brunswick, les coopératives de crédit jouent un rôle assez important à cet égard.
    Lorsque la pêche est fructueuse, les banques et les autres organismes de prêts sont disposés à investir. En Colombie-Britannique, où rien ne va plus dans le secteur de la pêche et où la plupart des entreprises ne sont pas très rentables, la situation est beaucoup plus problématique. C'est pourquoi il faudra selon moi une entité ou une institution spécialisée.
    Parlez-vous d'un organisme fédéral semblable à celui du secteur agricole?
    Dans notre rapport pour l'APECA, nous recommandons d'étudier la participation du gouvernement fédéral, parallèlement à la commission du prêt agricole, et en partenariat avec les provinces qui ont déjà leur...
    En passant, pour répondre à une question précédente, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick accordent des prêts pour les permis et les quotas, et pas seulement pour les biens matériels fixes.
    Je vous remercie, monsieur Small.
    Nous allons maintenant passer à M. Kelloway. Vous aurez la parole pour un maximum de six minutes, je vous prie.
    Merci, monsieur le président.
    Avant de poser mes questions, je tiens à saluer les gens de la Nouvelle-Écosse. Les circonscriptions du député Perkins et de la députée Lena Diab sont durement touchées par des incendies. Je tiens à féliciter tout particulièrement les pompiers volontaires, d'ailleurs des pêcheurs qui exercent un double emploi.
    Monsieur Williams, vous avez dit qu'il n'y a pas de solution facile ou peu coûteuse au problème. Vous avez mentionné l'initiative PIFPCAC et les principaux exemples de méthodes et de systèmes. Je me demande si vous pourriez prendre le temps d'expliquer à quoi le tout pourrait ressembler, selon vous. Vous avez parlé des commissions de prêts, comme d'autres l'avaient fait ici. Pouvons-nous avoir une idée approximative du montant et de la façon d'utiliser l'argent si le gouvernement fédéral collaborait avec les provinces pour resserrer la vis, clarifier la situation pour les pêcheurs et améliorer la souplesse et la capacité d'adaptation? Il pourrait ainsi régler le problème, tout en favorisant la prospérité des pêcheurs de l'Ouest et de l'Est.
(1225)
    À vrai dire, voulez-vous savoir où investir?
    C'est exact. Vous avez donné quelques exemples à suivre sur la côte Ouest. Ce que je veux dire, c'est que nous avons un problème multidimensionnel. Nous en avons parlé ici, et nous continuerons d'en discuter lors des prochaines réunions du Comité. Pour ce qui est de connaître les secteurs problématiques — vous en avez mentionné quelques-uns —, pouvez-vous les décortiquer un peu plus et décrire brièvement le type d'investissement...? Je sais qu'il n'y a pas de détails, mais quels investissements précis permettraient de resserrer la vis, en quelque sorte?
    Eh bien, je peux vous donner un exemple. Des questions ont été soulevées entourant l'idée d'un processus de transition ou d'une transition équitable. J'ai examiné la pêche au flétan en Colombie-Britannique. En ce moment, avec les tarifs gonflés par les investisseurs spéculatifs, il faut débourser 100 à 125 $ la livre pour acheter un quota de flétan. Ce serait moins cher sans pression spéculative.
    Il y a eu sept millions de livres de flétan débarqué en 2021, dont la valeur totale des quotas représente 700 à 870 millions de dollars. C'est ce qu'il en coûterait pour acheter et faire l'acquisition de tous ces quotas. Une recherche récente révèle qu'environ 85 % de ce quota appartient à des personnes qui ne pêchent pas et qui ne sont pas des pêcheurs actifs — des pêcheurs à la retraite, des entreprises ou des investisseurs spéculatifs. Essentiellement, il faudrait entre 600 et 700 millions de dollars pour acheter ce quota et le retirer des mains de ceux qui ne pêchent pas.
    Qui va payer la note? Si nous devions respecter le processus de PIFPCAC, les pêcheurs devraient en financer l'achat d'une façon ou d'une autre. C'est pourquoi j'ai tendance à me dire que le gouvernement aurait la capacité de faire cet achat. S'il crée ensuite des banques communautaires ou provinciales de délivrance de permis, ou un autre système similaire, les pêcheurs pourraient alors, selon mon analyse financière, avoir accès à un quota pour environ 30 % de la valeur au débarquement, plutôt que les 70 à 75 % qu'ils paient actuellement à ceux qui détiennent 85 % du quota.
    Je pense que c'est bel et bien un investissement légitime. C'est un investissement raisonnable pour le gouvernement. Je n'ai parlé que du flétan, qui est la pêche la plus lucrative en Colombie-Britannique, mais il y en a d'autres aussi.
    Je vous remercie de cet exemple.
    Vous savez, lorsque nous regardons ce qui se passe au pays, nous nous penchons sur la pêche, mais nous regardons aussi des choses comme la construction automobile dans le Sud de l'Ontario, le pétrole et le gaz dans les Prairies et les énergies renouvelables ailleurs. Nous faisons beaucoup d'investissements dans ces secteurs. Souvent, nous ne voyons pas la pêche du même œil, mais je dis toujours chez moi que chaque port pour petits bateaux du Canada atlantique est comme un centre de construction automobile pour cette collectivité. La richesse qu'il entraîne est incroyable.
    Monsieur le président, combien de temps me reste‑t‑il?
    Il vous reste une minute et 15 secondes.
    Monsieur Hardie, voulez-vous utiliser mon temps de parole, puisque vous semblez être populaire ici aujourd'hui?
    J'ai beaucoup de questions.
    Merci, monsieur Kelloway, et je remercie le président.
    Monsieur Williams, serions-nous en mesure d'éviter toutes les manigances avec un système qui réglementerait essentiellement la part des revenus qui sont tirés d'une pêche chez les joueurs?
    Je ne sais pas trop comment un tel mécanisme pourrait être mis en place. Je sais qu'il y a eu des propositions de partage équitable des coûts de location afin d'essayer de les ramener... Elles ne semblent pas avoir porté leurs fruits.
    Je vous laisse y réfléchir. Vous pourriez nous envoyer plus tard la façon dont ce mécanisme pourrait fonctionner.
    La concentration de transformateurs propriétaires, à qui beaucoup de pêcheurs louent les permis ou quotas, doit aussi être problématique. Devrait‑il y avoir des règlements qui réduisent cette concentration?
    À mes yeux, la solution la plus simple et éloquente est la séparation de la flottille. Retirez la propriété des permis et des quotas aux transformateurs et ne vous immiscez pas dans la proportion des pêches que peut détenir une entreprise en particulier, etc. Je le répète: dans la région de l'Atlantique, nous avons de grandes et de petites entreprises. Les petites s'en sortent assez bien, parce qu'elles ont leur part des pêches et leurs propres pêcheurs.
    En Colombie-Britannique, nous venons de conclure un projet de recherche dans le cadre duquel nous nous sommes entretenus avec de nombreux pêcheurs actifs et certains petits transformateurs. Nous avons découvert que le secteur est une vraie jungle. Les petits transformateurs se livrent une concurrence... La concurrence est très forte simplement pour que les pêcheurs et les transformateurs aient accès au poisson. Les petites entreprises sont en concurrence avec les plus grandes qui détiennent davantage de permis.
(1230)
    Merci, monsieur Williams. Nous avons dépassé le temps imparti.
    Nous passons à Mme Desbiens, pour six minutes ou moins.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Nous avons le droit de questionner de nouveau les témoins de la première heure, n'est-ce pas?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    D'accord.
    Monsieur Bourgault‑Faucher, en matière de délais, si on n'agit pas rapidement, quel impact le statu quo pourrait-il avoir sur la souveraineté alimentaire et les communautés côtières?
    Merci de votre question.
    Je suis content qu'on s'intéresse à la souveraineté alimentaire ou, comme on l'appelle plus récemment au Québec, à l'autonomie alimentaire. En fait, c'est une orientation que souhaite prendre le gouvernement du Québec en matière d'alimentation de manière très générale. L'autonomie alimentaire inclut la sécurité alimentaire.
     Je pense que Mme Collier, la pêcheuse de crevettes, a aussi souligné l'importance de considérer les ressources aquatiques du Québec et du Canada comme des aliments, et non simplement comme des marchandises. Cela pourrait avoir un effet, entre autres, pour limiter la voracité des spéculateurs, notamment à l'étranger, à l'égard de ces marchandises. Le fait de considérer les ressources aquatiques du Québec et du Canada comme des aliments pour nourrir les populations locales est une orientation phare qui devrait être prise par nos gouvernements.
     Cela nécessite un modèle de développement complètement différent de celui qu'on voit se déployer au Canada depuis des siècles et que nous qualifions, à l'Institut, de modèle « extractiviste ». Cela correspond à l'économie de matières premières dont parlait M. Harold Innis, qui est décédé aujourd'hui, mais qui était très actif au XXe siècle. C'est une théorie qui a fait école en matière d'économie canadienne. Ce modèle se déploie depuis des siècles au Canada, comme on l'a vu dans le cas de la morue et, aujourd'hui, dans le cas des crustacés, du moins au Canada atlantique. Il s'agit de l'exploitation massive d'une, deux ou trois espèces qui sont ensuite transformées minimalement avant d'être exportées.
    Aller vers la souveraineté ou l'autonomie alimentaire exige donc de revoir ce modèle de développement de fond en comble.
     Selon vous, quel serait un délai raisonnable pour y arriver et sauver la donne?
    Autant d'un point de vue socioéconomique, pour le développement des collectivités, que d'un point de vue écologique, vu le bouleversement des écosystèmes, continuer d'extraire massivement une ou deux espèces n'est ni soutenable ni durable. Il faut donc revoir le modèle de développement le plus rapidement possible. En fait, si on pouvait le faire dès demain, ce serait souhaitable. Si on pouvait arriver à l'autonomie alimentaire dans les 10 prochaines années, ce serait déjà une belle réussite.
    Monsieur Williams, vous avez fait allusion aux permis communautaires. Selon ce que vous savez et que vous nous avez dit, il faut se tourner davantage vers le rachat de l'ensemble des permis. Est-ce réalisable, selon vous? Est-ce que le milieu des pêches accepte ça?
    J'aimerais ensuite entendre votre opinion, monsieur Bourgault‑Faucher.

[Traduction]

    Non, ce n'est pas accepté. Sur la côte de l'Atlantique, on résisterait énormément à l'idée qu'un permis ne soit pas un actif. Je crois qu'en Colombie-Britannique, l'idée pourrait être envisagée à court terme, de manière transitoire ou stratégique pour un fond de pêche qui n'a pas une importance aussi grande que celui de l'Atlantique en ce moment. Dans un monde idéal, le secteur de la pêche de la région de l'Atlantique, à long terme, songerait lui aussi à cette transition.
    Vu la croissance constante de la valeur des permis, je m'inquiète beaucoup de savoir s'il sera possible pour les propriétaires exploitants d'entreprises de pêche de maintenir leurs activités sur la côte atlantique. Je parle des coûts, de la valeur de l'entreprise et la capacité pour des personnes qui ont grandi et eu un emploi dans le secteur d'acquérir une entreprise à elles. Aux États-Unis, le secteur des pêches a depuis longtemps dépassé le stade où un employé des pêches est en mesure de devenir un propriétaire d'entreprise, simplement en raison de la valeur des entreprises. J'aimerais que l'on tienne compte de...
(1235)

[Français]

    Pardonnez-moi de vous interrompre, monsieur Williams, mais je veux garder une petite minute pour M. Bourgault‑Faucher et l'entendre nous dire si, du côté du Québec, on pourrait faire cela graduellement ou transformer une partie des permis en permis communautaires.
    C'est ce que je propose: pour tester le modèle tout en évitant un bouleversement de l'ordre actuel, commencer à délivrer sous forme de permis communautaires les nouveaux permis qui devront vraisemblablement être délivrés dans les prochaines années.
    Cela viendrait ancrer les pêches dans les communautés, la gestion de ces ressources étant communautaire. Cela viendrait maximiser et maintenir les retombées dans les communautés. Cela pourrait être un levier important de développement des communautés, qui permettrait d'améliorer la redistribution des richesses puisque c'est la communauté qui, dorénavant, veillerait à cette redistribution et non plus les pêcheurs eux-mêmes. Cela viendrait favoriser aussi l'établissement de la relève, parce qu'elle n'aurait plus besoin d'acheter de permis, ce permis étant détenu par la communauté. Cela viendrait enlever cette barrière à l'acquisition d'une première entreprise de pêche, et permettre aux pêcheurs d'établir plus facilement leur entreprise de pêche.

[Traduction]

    Merci, madame Desbiens.
    Nous passons maintenant à Mme Barron, pour six minutes ou moins.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, monsieur Williams. Nous sommes ravis de vous recevoir.
    J'aimerais que vous précisiez certaines de vos idées. Vous avez donné l'exemple du flétan de la Colombie-Britannique. Vous avez souligné qu'environ 85 % des quotas sont détenus par des entités autres que les pêcheurs et abordé le prix de ces quotas pour être en mesure de les rembourser. Certains ont exprimé l'idée qu'il s'agit d'une ressource publique dont la valeur est déjà exagérée. Certains ont déjà fait d'énormes profits.
    Si l'on prend ces facteurs en compte, à votre avis, pourrait‑on examiner d'autres solutions de rechange qui n'incluent pas uniquement des montants exacts à rembourser?
    Je ne crois pas qu'il soit possible d'adopter une approche qui n'inclut pas une juste indemnisation. Les personnes qui ont bâti leur entreprise de pêche ont beaucoup investi et sont probablement très endettées, particulièrement en Colombie-Britannique. Je ne peux imaginer un processus de transition qui ne suivrait pas un modèle semblable à la politique de Préservation de l’indépendance de la flottille de pêche côtière dans l’Atlantique canadien, ou PIFPCAC, où l'on permet aux investisseurs d'obtenir du rendement et de maintenir leurs actifs pendant le processus. Si vous songez à une forme d'expropriation... Non, je ne peux imaginer un autre modèle qui serait acceptable pour le secteur et pour la communauté.
    Je m'arrête là.
    Merci pour vos commentaires à ce sujet. Il s'agit d'un enjeu qui revient assez régulièrement, alors j'étais curieuse de savoir ce que vous en pensiez.
    À votre avis, un plan de remboursement prenant en compte la totalité du montant, en dépit des profits, est donc assez abordable.
    Oui. Je souligne qu'un investissement de 600 millions ou 700 millions de dollars pour que l'État prenne le contrôle des quotas de flétan, à mon avis, ce n'est pas une dépense. Il s'agit d'une acquisition d'actifs qui générera ensuite des recettes permettant de rembourser le coût d'investissement initial. À mon avis, c'est une stratégie de transition vers une propriété communautaire permanente des permis et des quotas ou vers une approche de gestion assurée par le gouvernement, par exemple grâce à une société indépendante ou à une société d'État qui octroierait l'accès aux pêches à l'échelle de la communauté.
    Il ne s'agit pas uniquement d'une dépense. C'est un investissement de départ qui est remboursé au fil du temps.
    J'ai effectué une analyse semblable du secteur de la pêche au homard dans la région de l'Atlantique. Dans ce cas‑là, il faudrait investir 7 milliards de dollars pour acquérir les permis actuels à prix courants moyens. Il s'agit d'une tout autre échelle d'investissement.
(1240)
    Merci.
    J'ai ici un exemplaire de votre présentation. Je remarque, sur la dernière diapositive, que vous abordez en détail les conséquences involontaires d'une politique de permis défaillante, qui a des répercussions néfastes sur le plan socioéconomique. Pourriez-vous en dire davantage? Je crois qu'il s'agit d'un élément central de notre discussion.
    Oui. Au titre de la nouvelle Loi sur les pêches, la ministre est à présent responsable des répercussions socioéconomiques ou, du moins, elle a l'autorité de les prendre en considération.
    Dans le cas des pêches sur la côte Ouest, je le décris comme un modèle défaillant sur le plan des avantages socioéconomiques. Le déclin en matière d'emploi est constant et les salaires sont faibles et précaires dans le secteur. Les perspectives de carrière sont mauvaises, et nous avons un grave problème de succession intergénérationnelle et de disponibilité de main-d'œuvre pour l'avenir. Nos collectivités côtières et nos Premières Nations connaissent un déclin de population et de viabilité économique.
    À mon avis, le secteur des pêches est en croissance partout, à l'échelle mondiale. S'il ne l'est pas en Colombie-Britannique, ce n'est pas un problème inhérent au secteur ou à l'économie des pêches, mais un problème de politique publique. Selon moi, le type d'interventions qui ont cours actuellement pour développer des revenus de classe moyenne dans les communautés de pêcheurs de la région de l'Atlantique devrait constituer en soi un modèle de politique publique.
    Merci.
    Que pensez-vous des mesures — ou du manque de mesures — prises depuis la parution du rapport de 2019?
    Je m'exprimerai très franchement. C'est mon opinion.
    J'ai travaillé en étroite collaboration avec le ministère des Pêches et des Océans dans la région de l'Atlantique. Il y a toutes sortes de problèmes. Il y a des hauts et des bas. Parfois, les gens s'entendent bien. De manière générale, les bureaux régionaux du ministère dans la région de l'Atlantique soutiennent le modèle de politique publique qui sous-tend leurs activités et ils collaborent de manière constructive et respectueuse avec les organismes de pêcheurs.
    Ce n'est pas ce que je constate en Colombie-Britannique. À mon avis, dans la région du Pacifique, le ministère travaille dans l'intérêt des investisseurs. Je pense qu'il n'a pas agi selon les directives de votre comité et de votre rapport de 2019. Nous avons observé des retards et des efforts symboliques pour tenir compte de certaines des questions qui ont été soulevées dans votre rapport très éloquent. À mes yeux, le fait de ne pas avoir un bureau régional qui soutient l'orientation stratégique du gouvernement constitue un obstacle majeur à tout progrès sur la question.
    Que pensez-vous du sondage qui a été diffusé afin d'accroître la transparence?
    Je me rallie à l'observation selon laquelle la question ne génère pas la réponse qu'on a tenté d'obtenir quant au contrôle effectif des permis et des quotas en Colombie-Britannique.
    Comme je l'ai mentionné, nous venons de terminer une étude assez intensive à l'échelle des entreprises sur la propriété et le contrôle des permis et des quotas. C'est le chaos en Colombie-Britannique, qui a un système déréglementé où les gens qui tentent de rester dans le secteur et de continuer à pêcher prennent des arrangements de toutes sortes, malgré des revenus plus faibles. Toutes sortes d'influences externes et d'investisseurs sont en mesure d'entrer dans le secteur et d'avoir des effets délétères.
    Comparativement à la région de l'Atlantique, où tous les pêcheurs détenant un permis principal sont assurés d'une carrière, en Colombie-Britannique, tous les pêcheurs détenant un bateau et possiblement une portion de permis ne savent pas s'ils auront un emploi cette année.
    Merci, madame Barron.
    Nous passons maintenant à M. Arnold, pour cinq minutes ou moins.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis ravi que les autres témoins soient présents. J'aimerais m'adresser à Melissa Collier.
    Au cours de la présente étude, on nous a affirmé que dans le Canada atlantique, les pêcheurs n'ont souvent pas le choix du lieu de débarquement de leurs produits; ils sont donc liés à un transformateur précis. Connaissez-vous des cas sur la côte Ouest où des pêcheurs indépendants ont eu de la difficulté à obtenir des services ou à débarquer leur marchandise en raison de la concentration des fournisseurs de services ou des transformateurs?
    Non, je n'ai pas connaissance de cas de pêcheurs qui ont eu de la difficulté à débarquer leurs prises, mais ce sont mes propres observations.
(1245)
    D'accord, merci.
    Monsieur Williams, toute forme de gestion, de contrôle ou de restriction des permis et de propriété des quotas pourra‑t‑elle être efficace s'il n'y a aucun contrôle de la propriété des entreprises de transformation et de l'accès au marché ni aucune transparence en la matière?
    Mes excuses. Je n'ai pas...
    Si nous mettions en place des mesures de contrôle de la propriété des permis et des quotas, seraient-elles efficaces s'il n'y a aucune gestion ni transparence en ce qui concerne la concentration de la transformation et de l'accès au marché?
    Je dois répondre oui. Dans la région de l'Atlantique, on observe une concentration spectaculaire du secteur de la transformation. Ce phénomène, en soi, à mon avis, n'a pas entraîné une plus grande concentration ou des changements dans la structure de propriété du secteur des pêches, en raison, je le répète, d'une politique efficace en matière de séparation de la flottille.
    Selon vous, cette politique maintient-elle la liberté — si l'on veut la nommer ainsi — des pêcheurs indépendants? Ce n'est pas ce qu'on est venu nous raconter ici, au Comité.
    Oui, dans certaines situations, les grandes entreprises se montrent plus agressives pour trouver des manières d'influencer ou de contrôler l'utilisation des permis de pêche, le lieu de vente du poisson et à qui on le vend, etc. Ces relations existent, mais je ne crois pas que la concentration des entreprises de transformation dans les Maritimes — c'est un peu différent pour Terre-Neuve — change quoi que ce soit à la situation actuelle des entreprises de pêche.
    Monsieur German, dans votre rapport de 2019, vous avez mentionné que l'identité des personnes et la source des fonds devraient être vérifiées. Pourriez-vous expliquer comment fonctionnerait ce processus? Est‑il même possible? À quel point le système doit‑il être complexe pour permettre de vérifier l'identité des propriétaires ou acheteurs véritables?
    Il n'a pas à être démesurément complexe. Les entreprises exercent leur diligence raisonnable partout, constamment, quant à l'identité de leurs partenaires d'affaires. Il existe des cabinets qui exercent cette diligence raisonnable pour établir l'identité d'une entreprise et la source de sa richesse.
    Le processus n'a pas à être compliqué. Il est en revanche essentiel, particulièrement s'il est question d'un groupe d'investisseurs, comme l'a fait remarquer M. Williams.
    Merci.
    Je reviens à M. Williams.
    Vous avez mentionné, il y a quelques instants, la concentration à Terre-Neuve. Pourriez-vous expliquer ce à quoi vous faisiez allusion?
    Cela semble anecdotique, et certains des témoins que vous avez entendus ici ont affirmé que certaines entreprises sont très agressives pour s'immiscer dans le contrôle des permis et des quotas, particulièrement pour la pêche au crabe des neiges. Il semble, dans une large mesure, que ce soit ce qui se passe.
    Je répète que c'est anecdotique; je n'ai pas fait de recherche à ce sujet. Il semble que les choses se passent ainsi par l'entremise d'arrangements financiers grâce auxquels les pêcheurs sont capables de maintenir leurs activités. Par contre, je ne peux m'exprimer avec certitude sur la question.
    J'ai un seul commentaire, et je crois que M. Steinley sera d'accord avec moi. Si ce problème de propriété étrangère se produisait dans notre secteur agricole, je crois qu’on lèverait possiblement bien davantage de drapeaux rouges. La situation est inquiétante.
    Merci.
    Merci, monsieur Arnold.
    Nous passons maintenant à M. Cormier, pour cinq minutes ou moins.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Williams, je suis content que vous ayez dit tantôt que les permis de pêche au crabe en Atlantique, et surtout dans ma région, la péninsule acadienne, valent maintenant 10, 15 ou 20 millions de dollars. Les permis de pêche au homard valent un million de dollars et plus. Pour la jeune génération de pêcheurs, il devient très difficile d'acheter de tels permis.
    J'aimerais que vous me donniez une petite précision sur ce point. Vous avez dit que l'industrie du homard dans le Maine utilisait des contrats à long terme pour les permis et que ces derniers n'appartiennent pas aux pêcheurs. Comment cela fonctionne-t-il? Que fait-on du permis d'un pêcheur qui prend sa retraite, par exemple? Le permis retourne-t-il au gouvernement pour être attribué à quelqu'un d'autre?
(1250)

[Traduction]

    Les permis sont redistribués. Dans le système français, il y a une liste de pêcheurs qualifiés, par ancienneté, qui ont travaillé comme équipage, qui proviennent des pêches et qui ont grandi dans une communauté de pêcheurs. Quand un permis devient disponible, la personne qualifiée suivante dans une région ou un district peut y accéder.
    Elle doit payer des frais de permis, qui assurent le maintien du système d'administration des permis, mais n'a pas à acheter le permis. Puisque personne n'est obligé de le faire, ce n'est pas un obstacle à l'entrée dans le secteur.
    D'accord. Merci.
    Monsieur le président, je cède le reste de mon temps à M. Hardie.
    Merci, monsieur Cormier.
    Je fais un exercice de rédaction de recommandation à brûle-pourpoint. Nous savons que le ministère des Pêches et des Océans semble avoir raté son questionnaire. Il n'a pas posé la bonne question pour obtenir la réponse dont nous avions besoin. Que diriez-vous si l'on décrétait qu'à partir d'une certaine date, il n'y aura plus de vente à des intérêts étrangers et que toutes les ventes devront respecter le régime de propriété effective, qui devrait être en place en date d'aujourd'hui?
    C'est très simple. Qu'en dites-vous?
    Je crois que c'est exactement la demande qu'a faite à la ministre l'United Fishermen and Allied Workers Union de la Colombie-Britannique. La ministre a de l'autorité. Elle octroie des permis et exerce un contrôle important quand il s'agit de savoir à qui ils sont octroyés et, donc, sur ce qu'il faut savoir sur la personne à qui elle octroie un permis.
    Je ne suis pas avocat, mais je ne vois pas pourquoi ce serait un problème de faire exactement ce que vous proposez dès le 1er janvier 2024.
    D'accord.
    J'aimerais que vous reveniez un peu sur la politique PIFPCAC. S'il y a des changements importants quant au fonctionnement que l'on permet au système de libre marché — et que le marché n'est plus aussi libre après coup —, un grand nombre des titulaires actuels de quotas pourraient être gravement désavantagés. Est‑ce ainsi que les choses se sont passées dans le cadre du PIFPCAC? Les titulaires de permis ont-ils vu la valeur de leur bas de laine fondre simplement en raison des modifications au régime?
    Je n'ai jamais entendu parler d'une telle situation. Je ne suis au courant d'aucun incident qui aurait gravement compromis un intérêt économique. Je répète que ces sept ans devaient offrir assez de temps pour que les gens recouvrent la valeur de leur investissement et vendent leur permis sans perte financière. Je n'ai eu connaissance d'aucun problème de ce type.
    Combien de temps me reste‑t‑il, monsieur le président?
    Le président: Il vous reste 50 secondes.
    M. Ken Hardie: C'est excellent.
    Examinons la situation de nos jours. Si quelqu'un veut louer des quotas, il ira voir un transformateur, et ce dernier lui indiquera quelle quantité il peut transformer et à quel tarif, peu importe ce que le pêcheur peut ramener à quai. Cela fait penser à la chanson Sixteen Tons du vieux Tennessee Ernie Ford, qui dit qu'on se réveille tous les jours un peu plus vieux et un peu plus endetté. Vous et moi sommes assez vieux pour nous rappeler cette chanson. Quelques autres personnes ici le sont peut-être aussi.
    Comment briser le cycle? Nous avons parlé de la transition vers le statut de propriétaire-exploitant, mais cela reste assez difficile d'y arriver. On proposait dans le rapport de 2019 que tous les permis et tous les quotas disponibles à la location se retrouvent quelque part sur un tableau. Le processus serait alors plus concurrentiel et ferait intervenir tous les acheteurs et les vendeurs intéressés. Ce genre de système pourrait‑il fonctionner même si le financement se faisait par l'entremise d'un transformateur?
    Oui. Je n'ai pas entendu de dirigeants parmi les pêcheurs de notre région contester l'idée que les transformateurs soient autorisés à aider à financer les pêcheurs qui pêchent pour eux. Cela se fait depuis longtemps, pourvu que ce ne soit pas dans le contexte d'une participation majoritaire dans l'entreprise ou d'un accord de contrôle.
    Pour revenir à un élément précédent de votre question, vous avez vraiment ciblé la bonne approche dans votre rapport de 2019. La situation de la Colombie‑Britannique est si unique et si complexe — je dirais même chaotique — qu'après un examen complet de la politique régissant les permis et des consultations en profondeur, il faudra un plan propre à la province, conçu par les gens de la province. Aucun expert ne pourra venir vous dire exactement comment procéder. Vous devrez aller...
(1255)
    Devrions-nous demander au ministère des Pêches et des Océans d'intervenir...
    Je vous remercie, monsieur Hardie. Votre temps est écoulé. Vous ne pourrez pas prendre plus de temps.
    Nous passons maintenant à Mme Desbiens pour deux minutes et demie ou moins. Allez‑y, je vous prie.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Bourgault‑Faucher, en parlant des quotas individuels transférables, vous avez dit qu'ils n'étaient pas nécessairement inadéquats, mais qu'ils avaient fortement augmenté la valeur des permis et provoqué une certaine concentration de la propriété. Qu'est-ce que ces quotas individuels transférables ont de bon, alors?
    Ce qui est souvent avancé pour justifier cette approche, c'est l'intendance des ressources halieutiques par les pêcheurs. Cela rapproche les pêcheurs de la gestion de ces ressources et contribue à leur souci de veiller au maintien et à la reproductibilité des stocks. Cela crée une responsabilité pour le pêcheur parce que le quota individuel transférable vient associer un quota au permis de pêche. Avant, les quotas étaient généraux, la pêche était compétitive, et il y avait donc moins de sentiment de responsabilité individuelle à l'égard de ces ressources. C'est peut-être le bon côté des quotas individuels transférables.
    La partie plus négative, c'est que ces quotas font effectivement augmenter la valeur des permis, ce qui crée la surenchère des prix et la concentration des permis qu'on observe actuellement.
    Toutes choses étant égales par ailleurs, est-ce qu'on pourrait transformer les quotas individuels transférables en permis communautaires?
    Ce serait à envisager. Je crois que M. Williams l'a souligné. Les coûts pour racheter ces permis seraient importants. Il pourrait aussi y avoir de la résistance de la part des pêcheurs et des pêcheuses. C'est un pensez-y-bien avant d'aller massivement vers les permis de pêche communautaires.
     C'est pourquoi je propose plutôt de lancer un projet pilote pour délivrer de nouveaux permis et d'y aller par étapes pour voir si c'est un dispositif qui fonctionne bien. On peut déjà miser sur certaines expériences avec les communautés autochtones et s'en inspirer pour évaluer si ce serait envisageable pour d'autres communautés non autochtones.
    Merci.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à Mme Barron pour deux minutes et demie ou moins. Allez‑y, je vous prie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je réfléchis à un commentaire du député Hardie, qui reconnaissait que le ministère des Pêches et des Océans a raté son sondage. Dans le contexte, je me demande bien ce que la ministre proposera comme prochaines mesures.

[Français]

    Monsieur le président, il n'y a pas d'interprétation.

[Traduction]

    Pourriez-vous répéter cela, madame Barron? Nous allons repartir le chronomètre de zéro.

[Français]

    Tout marche bien maintenant, merci.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur le président. J'espère que je n'aurai pas moins de temps. Je veux m'en assurer.
    J'ai remis le chronomètre à zéro. Même si vous avez dépassé votre temps à quelques reprises aujourd'hui, je ne vous pénaliserai pas.
    C'est parfait.
    Je voulais simplement souligner qu'il a reconnu que le sondage a connu des ratés et qu'il faut que la ministre indique quelles mesures elle compte prendre maintenant, étant donné que tout le monde en convient.
    Je pose le même genre de question que M. Hardie. Je veux présenter des recommandations au gouvernement sur les prochaines mesures à prendre. Je veux donc entendre réaffirmer les informations qu'il faut absolument y inclure.
    Monsieur Williams, pouvez-vous nous dire quelle serait la principale mesure à inclure à ces recommandations au gouvernement, pour qu'il apporte le genre de changements que nous espérons?
    Il faut mettre en oeuvre vos recommandations de 2019 et mener un examen exhaustif de la politique régissant les permis pour élaborer en Colombie-Britannique une politique sur mesure de séparation des flottilles. On parle toujours de l'angle du propriétaire-exploitant, mais il est selon moi essentiel de parler de la séparation des flottilles. Il importe aussi que les groupes d'intérêt et les diverses parties prenantes participent pleinement au processus, comme les Premières Nations, entre autres.
(1300)
    Je vous remercie.
    Madame Collier, quelle serait selon vous la principale recommandation que nous devrions faire en matière de politique sur les permis et la propriété étrangère sur la côte Ouest?
    Je suis d'accord avec M. Williams. Je dirais qu'il convient surtout de séparer les flottilles, de mettre fin à la propriété étrangère et d'examiner la politique. Honnêtement, je ne pense pas que j'aurais pu le dire mieux que M. Williams.
    Je vous remercie.
    Enfin, monsieur Bourgault‑Faucher, avez-vous quelque chose à dire sur la recommandation principale que nous devrions faire à votre avis?

[Français]

     Ce serait certainement celle suggérant d'explorer la possibilité de délivrer de nouveaux permis de pêche communautaires aux communautés allochtones du Canada.

[Traduction]

    Me reste‑t‑il du temps?
    Il vous reste 20 secondes.
    D'accord. Eh bien, je vais vous redonner ces 20 secondes.
    Excellent. Je vous remercie, madame Barron.
    Sur ce, les exposés des témoins et la période de questions sont terminés. Je sais que M. Arnold a un point à soulever. Nous allons l'entendre avant de clore la séance.
    Monsieur Arnold, allez‑y.
    Je vous remercie, monsieur le président. Je pense que je pourrai être très bref.
    Nous avions demandé à faire comparaître des représentants d'Affaires mondiales Canada pour qu'ils répondent à nos questions durant la réunion aujourd'hui. La greffière nous a remis la réponse d'Affaires mondiales à notre deuxième demande, et il s'avère que le ministère n'a pas accepté notre invitation à témoigner. Je crois que nous devons entendre les gens d'Affaires mondiales et avoir l'occasion de leur poser des questions pour bien nous renseigner dans la préparation de notre rapport.
    Je présente donc une motion. Je propose:
Que le Comité fasse une troisième demande pour que des représentants d'Affaires mondiales Canada comparaissent dans le cadre de l'étude du Comité des investissements étrangers et de la concentration des entreprises en matière de permis et de quotas de pêche, afin qu'ils témoignent et répondent à des questions concernant les engagements relatifs aux investissements étrangers que le Canada a pris au titre des accords sur le commerce international et la protection des investissements étrangers du Canada.
    D'accord. Est‑ce que tout le monde est d'accord?
    Des députés: D'accord.
    Le président: D'accord. La question est réglée.
    Je tiens à remercier nos témoins d'aujourd'hui de nous avoir faire part de leur savoir, alors que nous avançons dans la production de notre rapport. La séance a été très instructive et intéressante à écouter. C'était intéressant de voir la différence entre les règles sur la côte Est et celles sur la côte Ouest.
    Je vous souhaite une bonne semaine à tous. Nous nous reverrons jeudi.
    La séance est levée.
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