Je vous souhaite la bienvenue à la réunion numéro 60 du Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes. Cette réunion se déroule en format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le 23 juin 2022.
Avant de commencer, j’aimerais rappeler certaines consignes aux témoins et aux députés.
Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l’icône du microphone pour activer votre micro et veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas. En ce qui concerne l’interprétation pour les personnes qui sont sur Zoom, vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais ou le français. Les personnes qui se trouvent dans la salle peuvent utiliser l'écouteur et choisir le canal voulu. Je rappelle à toutes et à tous que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
Il est interdit de faire des captures d'écran ou de prendre votre écran en photo. Les délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes.
Enfin, je vous rappelle qu'il est obligatoire d'utiliser un casque approuvé par la Chambre pour participer à distance aux délibérations parlementaires. Si un participant virtuel ne porte pas un casque approprié, il est impossible de fournir les services d'interprétation et cette personne ne pourra donc pas participer au débat.
Conformément à la motion ordinaire du comité concernant les essais de connexion pour les témoins, j'informe le comité que tous les témoins ont effectué les essais requis avant la réunion.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 18 janvier 2022, le comité reprend l'étude des impacts écosystémiques et de la gestion des populations de pinnipèdes.
Je vais maintenant accueillir le premier groupe de témoins.
Nous avons, comparaissant à titre personnel, les pêcheurs Trevor Jones et Eldred Woodford. Représentant la Guysborough Country Inshore Fishermen's Association, nous avons la directrice exécutive, Ginny Boudreau.
J'espère avoir bien prononcé leurs noms. Venant de Terre-Neuve, je pourrais facilement les écorcher.
Je vous remercie d'avoir pris le temps de comparaître aujourd'hui devant le comité. Vous aurez chacun cinq minutes pour présenter vos observations préliminaires.
J'invite M. Jones à prendre la parole en premier.
Bonjour, monsieur le président, membres du Comité permanent des pêches et des océans, madame, monsieur.
Je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui à témoigner au sujet des pinnipèdes, de leur impact sur les stocks de poisson et des conséquences pour les pêcheurs et leurs collectivités.
Je suis pêcheur et chasseur de phoque professionnel depuis plus de 30 ans. Au cours de cette période, j'ai vu fermer la pêche commerciale au saumon, et seule reste la pêche récréative, mais cela n'a pas empêché le stock de continuer de décliner, avec pour résultat que de moins en moins de poissons reviennent chaque année dans nos rivières. J'ai vu un moratoire sur la pêche à la morue. Il a été mis en place en 1992. Trente ans plus tard, le stock est loin d'être revenu à ses niveaux historiques, d'après les données scientifiques. Pas plus tard que l'an dernier, le ministre des Pêches fédéral a imposé un moratoire sur la pêche au maquereau. À présent, la rumeur court d'une fermeture potentielle de la pêche au capelan et à d'autres espèces dont les pêcheurs dépendent pour leur subsistance.
La direction du ministère des Pêches et des Océans semble penser, dans son infinie sagesse, que fermer aux pêcheurs une pêche commerciale sauvera des stocks de poisson et aidera à les reconstituer, mais ce n'est pas le cas en vérité. L'histoire le prouve maintenant.
Au cours de ma vie, la seule espèce que j'ai vu augmenter après une réduction de la pêche — par la perte de marchés, en fait —, c'est celle des pinnipèdes parce qu'ils se trouvent pratiquement au sommet de la chaîne alimentaire. C'est nous, pêcheurs et gouvernement, qui devons pêcher les quantités voulues pour maintenir la santé de l'écosystème. Il est de notre devoir de bien gérer nos ressources parce que, autrement, les conséquences se ressentiront pendant des générations.
J'ai vu de mes yeux la quantité de poissons que détruisent les pinnipèdes. J'en ai pêché des milliers et j'ai souvent regardé dans leur estomac. J'y ai trouvé différentes espèces de poisson: du flétan du Groenland — ou turbot, comme nous l'appelons —, du capelan, de la morue du Nord, de la morue polaire, du hareng, du maquereau, de la crevette, de la lompe, de jeunes loups et, oui, même du crabe des neiges.
Je veux mettre en perspective l'ampleur de l'impact de cette espèce sur nos ressources. Cinq des 10 provinces du Canada et deux des trois territoires sont touchés par une surpopulation de pinnipèdes. Le Canada compte près de 39 millions d'habitants. Il y a entre 10 et 13 millions de pinnipèdes dans les eaux au large de nos côtes. Pouvez-vous imaginer le volume de nourriture nécessaire pour nourrir ces populations? J'ai retiré de l'estomac d'un vieux phoque du Groenland cinq turbots et deux morues, ce qui est certainement beaucoup plus que je ne pourrais manger en une journée, ou que quiconque pourrait manger, d'ailleurs.
Notre écosystème nourrit ces animaux, mais pas sans que cela y crée des dommages. Nous voyons de plus en plus de stocks de poisson appauvris et de pêches fermées. Tout cela se passe sous l'actuel gouvernement. Je dois poser la question: est-ce ainsi que nous voulons qu'on se souvienne de notre génération, avec des stocks de poisson appauvris, faute de mesures pour réguler la population de pinnipèdes? Si cette population de pinnipèdes se trouvait sur la terre ferme pour que tout le monde la voie, il est très probable nous nous attaquerions au problème et ferions le nécessaire pour réduire les populations. Comme elle est en mer et que seuls ceux d'entre nous qui y vont la voient, il est facile pour le gouvernement de l'ignorer.
Cette surpopulation de pinnipèdes a des conséquences désastreuses pour les pêcheurs et les collectivités, c'est le moins qu'on puisse dire. Il a fallu procéder à des regroupements dans notre secteur et des pêcheurs comme moi doivent continuer à y réinvestir pour le rendre viable. Pour tirer de notre travail un revenu suffisant pour nous-mêmes et pour les équipages qui pêchent avec nous, nous avons dû racheter d'autres entreprises de pêche. Le secteur de la pêche n'est plus que le tiers de ce qu'il était. Nous pensions avoir ainsi trois fois plus de poissons à pêcher, mais ce n'est pas le cas. D'année en année, il y a de moins en moins de poissons à pêcher, et pourtant, nous dépensons de plus en plus pour essayer de survivre.
En conclusion, je dirai que nous devons — les pêcheurs et le gouvernement — nous attaquer au plus grand problème que nos pêches aient jamais connu. Des pinnipèdes en surpopulation déciment nos stocks de poisson. Si l'industrie et nos représentants élus ne se rendent pas ensemble dans d'autres pays pour essayer d'ouvrir des marchés pour ce qui peut être une ressource très importante, l'avenir de notre industrie semble très sombre. Nous avons une raison valable de réduire la population de pinnipèdes. Cela protégera nos ressources halieutiques et ceux qui en vivent.
Je vous remercie.
Bonjour et merci de m'avoir invitée à comparaître devant le comité. Je suis très heureuse que vous vouliez parler de la gestion des pinnipèdes.
Le comité a reçu suffisamment de documents et de témoignages pour constater que les pinnipèdes sont plus nombreux que jamais. Qui pourrait prétendre qu'il n'y a aucun effet négatif sur un écosystème tellement déséquilibré?
Les conséquences de l'absence de gestion de la biomasse des pinnipèdes sont déjà évidentes sur un stock, celui du maquereau bleu, et au Canada, un moratoire a été décrété en 2022 sur sa pêche. Jusqu'ici, le modèle de plan de reconstitution s'appuie uniquement sur la cessation de la pêche.
En mars 2023, les données scientifiques du MPO montrent enfin que la prédation exercée par le phoque gris a des conséquences, et il figure au deuxième rang dans la pyramide des prédateurs, derrière le fou de Bassan, en raison de l'absence de données sur l'alimentation des phoques. Je suis d'avis que le fou de Bassan ne serait plus en haut de la pyramide si nous avions des données plus précises sur l'alimentation du phoque gris, tant géographiquement que dans le temps.
En ce qui concerne la gestion, le MPO devrait affecter de nouvelles ressources à des études sur l'alimentation des phoques. La directrice générale, Sciences des écosystèmes, n'a pas répondu par l'affirmative quand le comité lui a demandé si de nouveaux fonds seraient consacrés à la recherche scientifique sur les phoques. Nous avons d'excellentes données scientifiques sur la dynamique des populations. Pourquoi donc n'utilisons-nous pas ces 50 ans de données sur la biomasse dans un modèle d'évaluation du MPO examiné par des pairs pour définir un plan de pêche musclé axé sur la conservation afin de commencer à chasser une des ressources les plus abondantes, mais inexploitées, dans les eaux canadiennes?
En ce qui concerne la gestion, nous devons créer un plan de pêche axé sur la conservation qui prenne en compte la biomasse exploitable. J'ai entendu avancer de nombreuses raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas le faire. Apparemment, la loi américaine sur la protection des mammifères marins nous empêche de chasser le phoque.
La chasse au phoque, qui est légitime au Canada, est réglementée par le MPO depuis plus de 50 ans. Il est prouvé que c'est une chasse viable, durable et menée sans cruauté par des chasseurs professionnels certifiés, en plus du fait que le phoque entre dans les habitudes alimentaires de beaucoup de nos collectivités autochtones et côtières et y fait l'objet d'une chasse rituelle. Au lieu d'avoir honte, nous devrions célébrer cette chasse et la défendre face à la réglementation découlant de la loi américaine sur la protection des mammifères marins. Au Canada, les pinnipèdes ne sont pas une espèce préoccupante, menacée ou en péril. Pourquoi la loi américaine sur la protection des mammifères marins devrait-elle nous empêcher d'exploiter cette ressource abondante?
Beaucoup de pays, dont les États-Unis, capturent des mammifères marins d'espèces appartenant à une ou plusieurs des catégories menacées. Les pinnipèdes n'en font pas partie. Je considère la loi américaine sur la protection des mammifères marins comme un fardeau pour les pêches canadiennes qui se heurtent à une foule d'obstacles. Je me demande ce que nous ferions s'il s'agissait du boeuf, du porc ou même des bleuets.
En ce qui concerne la gestion, nous devons défendre cette chasse comme étant légitime par rapport à la loi américaine sur la protection des mammifères marins.
Une autre raison avancée est que nous n'avons pas de marchés. Pourquoi? Les gouvernements canadiens n'investissent pas dans des marchés nationaux ou internationaux, pas plus qu'ils n'informent les Canadiens des avantages diététiques pour leur santé et des avantages pour leur bien-être économique. Nous avons honte de promouvoir une viande très riche en fer, l'huile la plus riche en oméga 3 du monde, des peaux et des fourrures qui sont durables, chaudes et, oui, très à la mode. Cette ressource ajouterait de la croissance économique à la pêche, à la transformation et à la commercialisation dans nos collectivités et atténuerait les pertes économiques dues à la réduction récente de notre total admissible des captures ainsi qu'aux moratoires sur la pêche de certaines espèces.
Il existe des opinions sociales négatives parce que nous avons laissé les médias et des groupes environnementalistes extrémistes éduquer la conscience sociale des Canadiens en se fondant sur des inexactitudes dramatisées au sujet de l'exploitation des pinnipèdes.
En ce qui concerne la gestion, nous devons investir des ressources dans un grand plan d'information et de promotion sur l'exploitation et la commercialisation des pinnipèdes, et en être fiers.
Le MPO a déclaré au comité que l'exploitation des pinnipèdes relèverait de la nouvelle politique en matière de pêches. Or, cette politique nous ramènera de 10 à 15 ans en arrière. L'exploitation des pinnipèdes est développée depuis de nombreuses décennies par des chasseurs professionnels certifiés, dans des chasses communautaires, en vertu de droits culturels et dans le cadre d'une exploitation commerciale du phoque. Comment se fait-il qu'on nous dise tout à coup aujourd'hui qu'il s'agit d'une nouvelle chasse? Que va-t-il arriver à l'espèce prédatrice en 10 à 15 ans?
En ce qui concerne la gestion, le MPO devrait certifier des apprentis professionnels une fois qu'ils ont suivi leurs cours sur l'élevage sans cruauté d'animaux. Le MPO ne devrait pas être autorisé à qualifier l'exploitation des pinnipèdes de nouvelle chasse et à porter ainsi un coup dur à la chasse au phoque.
En ce qui concerne l'infrastructure, le gouvernement fédéral devrait consacrer de vraies ressources aux territoires et investir, avec les territoires et les provinces, dans la chasse et la transformation, ainsi que dans un plan de marketing national et international des pinnipèdes.
Il n'est plus possible de ne rien faire. Dans 10 à 15 ans, de quoi se nourriront ces pinnipèdes? Pas de maquereaux.
Je vous remercie infiniment de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer aujourd'hui. Je répondrai volontiers à vos questions.
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Je vous remercie, monsieur le président, membres du comité, de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui.
Je n'ai pas préparé d'exposé comme tel. Je vais improviser.
De manière générale, je redirais exactement ce que les deux précédents intervenants ont dit. M. Jones et moi avons le même âge. Nous avons commencé à pêcher à la fin des années 1980. Nous avons été témoins de changements radicaux dans notre pêche en général.
Je vous parle aujourd'hui de régler la question des pinnipèdes. Je ne suis pas seulement pêcheur commercial professionnel. Je suis aussi chasseur de phoques commercial professionnel. Je suis également président de l'Association canadienne des chasseurs de phoque. J'ai déjà eu l'occasion de témoigner devant des comités comme celui-ci.
Le moment est venu. Nous n'avons pas besoin d'autres études ou d'autres données scientifiques sur les phoques. Nous avons besoin de mesures qui visent les phoques.
Il y a eu dans les années 1980 une commission présidée par le juge Malouf qui a formulé des recommandations. Un comité sénatorial permanent a recommandé la chasse aux phoques. Il y a eu des recommandations et un tas de rapports qui ont fini sur une étagère. Le moment est venir d'agir.
Ici, à Terre-Neuve, dans nos collectivités rurales, c'est un désastre. Elles ne sont plus pleines de pêcheurs et de familles de pêcheurs. Ce sont surtout des touristes maintenant. Des gens du continent viennent acheter les propriétés parce que les gens du coin sont partis. C'est parce que la pêche est condamnée.
M. Jones et moi avons eu de la chance. Nous avons survécu au moratoire sur la pêche à la morue des années 1990 grâce au crabe. C'est un fait. Une ressource y a survécu. La destruction que nous voyons depuis une dizaine d'années dans toutes les autres espèces est causée par la prédation des phoques.
Il y a eu des années où j'étais vraiment opposé à l'abattage des phoques parce que j'étais inquiet et que je voulais agir de façon responsable en tant que chasseur de phoques pour maintenir la population qui était la deuxième source de revenu de mon entreprise, c'est-à-dire la population de phoques.
Je me rappelle, enfant, avoir entendu dire que les chasseurs de phoques de la collectivité partaient chasser. Ils chassaient et prélevaient des dizaines de milliers de phoques dans les années 1980 pour reconstituer les marchés et pour reconstituer une industrie que nous avons bien vue prospérer du milieu des années 1990 au début des années 2000 — jusqu'en 2005 ou 2006. Nous prélevions de 250 000 à 350 000 ou 400 000 animaux. Le marché demandait des produits. Nous avions des produits à vendre.
Que s'est-il passé? Les politiciens n'ont pas fait leur travail. Le gouvernement du Canada n'a pas fait son travail. Nos produits ont été interdits pays après pays. Nous n'avons pas besoin de travailler sur de nouveaux produits. Nous n'avons pas besoin de plus de recherche scientifique. Si l'envie vous prend de regarder toutes les données scientifiques sur toutes les pêches, vous verrez que l'industrie du phoque est celle qui a été le plus étudiée.
Je n'ai pas besoin de redire ce que M. Jones a dit plus tôt ou ce que Mme Boudreau disait. Je les soutiens totalement. Je suis ici. Je vous dis seulement que je suis pêcheur et chasseur de phoques. Je suis très inquiet pour l'avenir de notre industrie et de nos collectivités rurales côtières.
Je répondrai volontiers à vos questions.
Je vous remercie.
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Oui, les marchés sont tout à fait essentiels. Il faut avoir observé cette industrie et avoir grandi dedans pour voir ce qui s'est passé. Nous avions des marchés auxquels nous avions pleinement accès. Nous avions quatre entreprises de transformation à Terre-Neuve. Elles se chargeaient entièrement des 350 000 animaux que nous leur fournissions. Beaucoup de gens avaient un travail. Les produits ne restaient pas sur les étagères. Ils entraient dans le circuit.
Des interdictions ont été mises en place dans l'Union européenne et en Russie, et les portes des marchés chinois ne se sont pas ouvertes. Un des anciens ministres des Pêches s'est réjoui ici, à St. John's, à l'hôtel Delta, de l'ouverture du plus grand marché mondial, le marché chinois. Mais, finalement, rien ne s'est jamais matérialisé.
Il faut faire quelque chose en coulisse. Nous avons les mains liées en tant que participants, chasseurs ou transformateurs.
En ce qui concerne les interdictions et l'accès aux marchés, ce ne sont pas les marchés, monsieur Small, mais l'accès aux marchés qui est le problème. Nous avons des produits qui sont interdits. Les entreprises de transbordement ne veulent pas s'occuper des produits à cause de la controverse, parce que nous ne nous y sommes pas attaqués et nous n'avons pas informé le monde des faits.
Je vous remercie.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui.
Mes questions sont pour Mme Ginny Boudreau.
Madame Boudreau, je suis très heureux de vous voir.
Je tiens d'abord à remercier la Guysborough County Inshore Fishermen’s Association pour tout ce qu'elle fait — pour tout ce que vous faites tous.
Vous avez écrit, madame Boudreau, que toute nouvelle procédure de gestion du phoque gris doit être soutenue financièrement par l'industrie commerciale, les groupes de préservation écologique et le ministère des Pêches fédéral. À votre avis, quelle position adopteront des groupes de l'industrie comme le vôtre et les groupes de préservation écologique à l'avenir?
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Je vous remercie, madame Boudreau.
Je vais continuer avec vous. Dans mes interactions avec vous et l'association, vous et votre groupe avez toujours des idées à proposer et des recommandations solides à formuler. Je vais vous demander d'y réfléchir, mais je suis pas mal certain que vous avez une très bonne réponse.
Nous avons entendu dire pendant tout le sommet sur le phoque, et pour l'instant dans nos conversations sur cette étude, que l'accès aux marchés et l'utilisation de tout le phoque font partie des choses les plus importantes. Cependant, j'aimerais savoir quelles mesures nous pouvons prendre pour vraiment avancer dans ce sens, à court et à long terme, en ce qui concerne l'industrie elle-même, comment nous la vendons et comment nous accédons aux marchés. Je sais que votre organisation est en pointe pour ce qui est des meilleures solutions à cet égard.
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Merci pour cette question.
Pour toutes les espèces que nous récoltons, il doit y avoir un marché, sinon nous ne les récolterions pas. Si nous ne sommes pas payés pour notre travail et que nous prélevons une ressource dans l'environnement marin, il faut que le rendement soit supérieur aux efforts et aux coûts déployés. C'est ce qui dictera le degré de participation des pêcheurs.
Si le marché est inexistant, comment le développer? Ce n'est pas sorcier et nous ne devrions pas avoir à réinventer la roue pour cela. Comment développer des marchés pour toutes les espèces que nous exploitons? En fait, comment développer des marchés au Canada pour les bleuets, le boeuf ou le porc et prendre de front tous les défis qui en découlent?
Nous avons mis en place une politique. Nous montrons nos antécédents éprouvés. Nous montrons la chaîne de possession qui prouve que le produit alimentaire est sûr et qu'il a été récolté de manière durable. Il s'agit de promotion, de fierté et le gouvernement canadien défend l'industrie du phoque en affirmant que c'est une chasse durable et sans cruauté. La biomasse est incroyable. La ressource est là pour les Canadiens.
Je n'arrive pas à comprendre pourquoi nous ne parvenons pas à résoudre ce problème, car il y a des clients. Il y a des clients qui veulent utiliser toutes les parties du phoque. Nous avons même envisagé d'utiliser les abats et les déchets comme appâts pour remplacer d'autres espèces fourragères dont la biomasse est très faible à l'heure actuelle.
Il s'agit de mettre tout cela ensemble. Je pense que le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral ont pour rôle d'aider l'industrie à mettre en place des usines de transformation, des installations, et à les lancer sur les marchés. La Chine est un marché immense, tout comme le Royaume-Uni. Le monde entier est affamé de protéines, d'oméga-3 et de peaux. Je ne sais pas pourquoi nous sommes confrontés à ce problème. Nous n'avons pas de problème avec les autres produits que nous essayons de promouvoir et de commercialiser.
J'espère que cela répond à votre question.
Je remercie les témoins d'avoir accepté l'invitation du Comité à transmettre leur expertise.
Parlant d'expertise, je dois dire que je n'ai pas la même que ma collègue Caroline Desbiens, que je remplace aujourd'hui. Cela dit, je viens de la Gaspésie, une région où la pêche est extrêmement importante.
D'ailleurs, je crois que le Comité a entendu les témoignages d'associations que je connais bien, dont le Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie. Les témoins ont parlé de la suspension de certaines pêches, notamment la pêche au hareng et la pêche au maquereau. Pour eux, cela a eu des conséquences assez importantes.
Je suis certaine que tous ceux qui sont ici savent ce que la a répondu lorsqu'elle a été interpellée à ce sujet. Au lieu de proposer une solution aux pêcheurs ou de leur offrir une compensation financière, elle leur a suggéré de changer d'emploi. C'est évidemment un tout autre dossier.
En lisant sur le sujet, j'ai cru comprendre qu'il y a un lien entre la population de pinnipèdes et les ressources de poisson. M. Jones a parlé de la pêche au maquereau, à la morue, aux crevettes et au crabe. Si j'ai bien compris, les suspensions de certaines pêches sont liées à la surpopulation de pinnipèdes. Est-ce le cas? Si oui, pouvez-vous nous en dire plus à cet égard?
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Je vous remercie de votre question.
Le lien entre la décimation de tous nos stocks... Ce n'est pas parce que nous faisons une pêche excessive. Nous pêchons à un rythme plus faible que jamais pour la plupart des espèces. Le seul lien que l'on puisse établir concerne la population des pinnipèdes. Elle a explosé et nos stocks de poissons ont diminué. Je ne vois pas comment on peut contester cela.
Nous avons décidé qu'il fallait trouver autre chose à faire. Je suis un grand pêcheur de maquereaux et je l'ai été toute ma vie. J'estime que nous devrions pêcher le maquereau en ce moment même, et pourtant nous sommes en plein moratoire. Pour être honnête avec vous, je ne sais pas comment appliquer davantage notre réponse à la question.
Il suffit de voir l'énorme stock de phoques dans nos océans et dans nos baies en ce moment, avec tous les jeunes. La population va encore augmenter cette année et nous allons en capturer environ 35 000 ou 40 000. C'est ce qui semble être une récolte modeste, alors que nous devrions en récolter 400 000. Cela doit décimer nos stocks.
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Je vous remercie, monsieur Jones. Je crois que vous disiez à peu près la même chose que M. Woodford plus tôt, à savoir qu'il y a eu suffisamment d'études et de recherches depuis plusieurs années. Vous, vous êtes directement sur le terrain, ou plutôt sur l'eau. Vous voyez ce qui se passe et aimeriez que le gouvernement agisse.
Le Bloc québécois a tenu la Table des pêches sur la baleine noire, en décembre dernier. Des pêcheurs de différents milieux étaient là pour discuter avec nous. Cela a été très enrichissant, d'ailleurs. C'est là que j'ai appris que le ministère des Pêches et des Océans ne consulte pas nécessairement les pêcheurs par peur d'un conflit d'intérêts. Or ce n'est pas une question de conflit d'intérêts, c'est plutôt le fait que les pêcheurs et les chasseurs connaissent la réalité sur le terrain et peuvent aider les représentants ministériels à comprendre et à prendre les mesures nécessaires.
Trouvez-vous que c'est le cas en ce moment pour ce qui est des pinnipèdes? Croyez‑vous qu'il manque de consultations auprès des gens qui sont sur le terrain, donc vous, chasseurs, pêcheurs et associations?
Ma question s'adresse aux trois témoins, qui peuvent répondre à tour de rôle.
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Merci pour cette question. Elle me tient à coeur.
Je suis entièrement convaincue qu'il faut consulter les pêcheurs. Dans presque tous les cas, ils ont les réponses, si on demande leur avis et si on leur permet de contribuer. Le problème avec bon nombre de nos stocks, c'est qu'en raison de l'absence d'ensembles de données sur le régime alimentaire des phoques, il est très difficile d'accéder à ceux qui existent et d'amener les scientifiques et les gestionnaires du ministère des Pêches et des Océans à inclure la prédation sur le terrain, quelle que soit l'espèce dont nous parlons. Ce n'est qu'en 2023 que le maquereau a été inclus dans l'évaluation du prédateur. Quelle surprise! Les pêcheurs le disent au ministère depuis plus de 20 ans, non seulement en ce qui concerne le maquereau, mais aussi le cabillaud, le hareng et le flétan. Il en va de même pour toutes les espèces. Il est donc impératif que nous ayons notre mot à dire et que nous puissions contribuer à la définition des prédateurs dans l'industrie de la pêche.
Cela ne veut pas dire que l'effort de pêche n'a pas d'impact sur les stocks de poissons, mais lorsque nous avons une biomasse et que nous avons un modèle qui l'alimente et que nous sommes les seuls à l'alimenter, les résultats seront toujours erronés. À l'heure actuelle, nous ne disposons que de peu de temps pour élaborer un plan d'exploitation des pinnipèdes. Très bientôt, nous arriverons à un point où l'exploitation ne suffira plus, et nous l'avons peut-être déjà dépassé. Il nous faudra commencer à parler d'abattage. En tant que pêcheurs, nous ne voulons pas avoir cette conversation. Nous voulons parler de la manière dont nous pouvons les pêcher. C'est la solution des pêcheurs. Nous sommes à un moment où le temps fuit et nous arrivons au point où ces espèces de poissons ne peuvent plus absorber la prédation.
Je vous remercie de votre attention.
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C'est une question difficile. Je vais essayer de faire de mon mieux.
Au cours des dernières années, j'ai chassé des phoques plus âgés plutôt que des plus jeunes dans le but de les utiliser pleinement. Nous récoltons la viande, certains organes, la peau et la graisse. Nous avons même fait venir quelques daddlers avec des clous et d'autres objets pour qu'ils puissent les utiliser ou procéder à des expériences.
Il y a assez d'infrastructure en place en ce qui concerne les installations de transformation — pas seulement les usines de traitement du phoque, mais aussi d'autres usines qui fabriquent des produits à base de poisson. Nous aurions certainement besoin d'un investissement si nous voulions faire une utilisation complète des animaux à grande échelle. Cela ne fait aucun doute. Si vous devez en capturer 400 000, c'est un chiffre énorme pour une utilisation complète, en particulier pour les phoques plus âgés. Il faudrait sans aucun doute mettre en place une certaine infrastructure pour y parvenir.
La première étape serait les marchés. Je pense que l'infrastructure se mettra en place une fois que nous aurons les marchés en place où nous pourrons écouler les produits.
Je ne sais pas si cela vous aide ou vous suffit comme réponse.
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Peut-être une meilleure relation entre les pêcheurs et le gouvernement... Nous n'entendons pas parler de véritables conversations avec d'autres gouvernements sur cette question. Nos amis du sud ont une population énorme d'environ 300 millions d'habitants et un grand marché, mais ils l'interdisent depuis des décennies. Ces conversations doivent être menées avec de hauts fonctionnaires.
Nous devons leur faire comprendre à quel point cette surpopulation de pinnipèdes a un impact énorme sur nos ressources halieutiques, dont le monde a besoin et dont les populations en famine ont besoin. Nous en aurons besoin et nous continuerons à en avoir besoin. Mes collègues pêcheurs et moi-même en avons besoin pour vivre, et le reste de notre pays en a besoin pour avoir de bonnes protéines, et ainsi de suite.
Nous devons nous asseoir et avoir de véritables conversations, mais nous n'entendons rien de tout cela. Nous ne voyons aucun effort de la part de nos gouvernements dans ce sens. Si c'est le cas, on ne nous en parle pas.
Qu'on nous dise au moins quelle est la position du gouvernement à ce sujet.
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Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à Mme Boudreau et peut-être à M. Jones.
En toute justice, madame Boudreau, j'ai entendu la actuelle dire exactement ce que vous avez dit au sujet de la promotion de la valeur du phoque canadien en tant que produit et de la façon dont il est chassé sans cruauté. En fait, la plupart des ministres des 20 dernières années ont dit la même chose, qu'il s'agisse de l'ancien gouvernement ou du gouvernement actuel.
Ils ont également affirmé que la solution consistait à élargir les marchés. Ces marchés n'ont jamais vu le jour. En ce qui concerne le troupeau de phoques, tout le monde reconnaît que la chasse autorisée se situe actuellement entre 400 000 et 500 000 animaux. J'ai cru comprendre qu'un chiffre de 600 000 serait optimal pour rétablir l'équilibre du troupeau de phoques sur la côte est. Ce débat se poursuit depuis un certain temps sans qu'aucune solution ait été trouvée.
Pour avoir un marché, il faut un client. Qui est le client qui nous manque? Sans clients, je ne vois pas quelle serait la solution. Qui est le client que nous devrions identifier pour les produits issus d'une récolte durable?
Cette question s'adresse à Mme Boudreau, puis je serais curieux d'entendre les observations de M. Jones.
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Alors où est le problème? Comme vous l'avez dit, vous êtes une cliente, mais nous chassons 18 000 phoques ou à peu près. Nous avons besoin de plus de clients que vous et tous ceux que vous avez identifiés pour soutenir une chasse estimée à environ 600 000 animaux afin de stabiliser la population de phoques et de la ramener à un niveau gérable qui n'aurait pas d'impact sur d'autres pêcheries. C'est bien beau de dire cela, mais il faut une base de clients considérable.
C'est là que je vais me tourner vers M. Jones — et je crois que vous avez également fait des observations à ce sujet, madame Boudreau. Disposons-nous de l'infrastructure adéquate pour récolter ce nombre d'animaux en mer et les ramener à terre dans un état tel qu'un entrepreneur puisse les transformer en produits vendables? Je parle de la flotte de pêche. Je ne connais pas la situation à Terre-Neuve, mais il s'agit d'un animal très volumineux et de grande taille qui doit être acheminé vers un transformateur dans un état où il peut en faire quelque chose. Disposons-nous de l'infrastructure adéquate pour pêcher efficacement en mer?
Je pose la question parce que si nous ne résolvons pas ce problème, nous ne parviendrons pas à créer cette base de clients ou de marché. Il faut être capable de cibler et de ramener suffisamment d'animaux à terre de façon durable, à long terme, pour que le transformateur ait suffisamment confiance pour effectuer la transformation.
Voulez-vous commenter, madame Boudreau, puis monsieur Jones? Après ça, j'aurai dépassé le temps qui m'est alloué.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais poursuivre sur le même sujet avec vous, madame Boudreau.
Tout à l'heure, ma collègue du NPD vous questionnait sur un plan international de marketing. Qu'en est-il sur le plan local? Vous avez abordé un peu la commercialisation du produit, et vous ne parliez pas seulement de la viande. Vous parliez de l'huile, de la peau et de tous les produits dérivés. La semaine dernière, Mme Sandra Gauthier, d'Exploramer, nous disait qu'un peu plus de 200 restaurants au Québec et des épiciers en voulaient, mais qu'on ne réussissait pas nécessairement à approvisionner ces commerçants.
Quelle vision faudrait-il avoir à l'échelle locale avant de penser à commercialiser ces produits à l'échelle internationale?
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Le marché international était là. Les portes étaient fermées. Nous avions des produits. L'industrie du phoque de Terre-Neuve, et l'industrie canadienne du phoque en général, est une réussite. Nous avons construit cette industrie à partir de quelques milliers dans les années 1980 jusqu'à des années où nous avons chassé 350 000 à 360 000 phoques et où nous aurions pu en chasser davantage. La demande était là. Les clients étaient là. Les marchés étaient pris en compte.
Nous avions quatre entreprises de transformation sur l'île qui traitaient des phoques, se faisaient concurrence pour les obtenir et leur accordaient une grande valeur. Lorsque nous avons perdu notre accès au marché, ces entreprises ont généralement fermé leurs portes, l'une après l'autre, et aujourd'hui nous n'en avons plus qu'une seule. Comme quelqu'un l'a dit plus tôt, lorsqu'on nous demande ce dont nous avons besoin, nous répondons que nous avons besoin d'un accès aux marchés parce que les clients sont là. Les clients sont la population générale qui peut entrer dans un magasin, regarder un produit et prendre une décision personnelle quant à l'achat de ce produit. Cela n'a jamais été le problème. Le problème a toujours été l'accès.
À Terre-Neuve, la création d'une industrie du phoque après l'interdiction des blanchons dans les années 1980 a été une réussite extraordinaire. Les collectivités étaient ravies de l'argent généré, de l'argent supplémentaire et des travailleurs d'usine qui travaillaient tout le temps. L'industrie fournissait des produits au marché international. Ces produits n'étaient pas vendus au Canada. Ces dernières années, le gouvernement a beaucoup investi dans le marché canadien, mais pour une raison que j'ignore, il n'a pas réussi à s'implanter. La seule chose qui maintient notre industrie en vie aujourd'hui est un petit marché canadien. Notre principal marché est international; il l'a toujours été et le sera probablement toujours.
Le secteur a besoin d'aide pour accéder au marché. C'est de cela qu'il s'agit. Nous parlons du MPO, de ses études et de tous les rapports qui ont été produits. J'étais au forum sur le phoque en novembre lorsque la a déclaré qu'il s'agissait du premier forum officiel sur le phoque. Ce n'est pas vrai. J'étais au forum sur le phoque de 2002, beaucoup plus important, lorsque l'industrie a formulé des recommandations qui allaient devoir être prises en compte pour que nous n'en soyons pas là où nous sommes aujourd'hui, parce que l'industrie avait prédit tout cela.
Pour la gouverne de tous, nous, l'industrie canadienne du phoque, avons été la première industrie au Canada à adopter le cadre de l'approche prudente pour la population de phoques. À l'époque, en 2002, elle se situait aux alentours de 4,8 à 5,2 millions d'animaux. Nous disposions alors d'un total admissible des captures d'environ 320 000 animaux par an. Cela a permis de contrôler quelque peu la population, mais elle a tout de même augmenté.
Aujourd'hui, la population de phoques s’élève à des dizaines de millions d'animaux. Quelqu'un a dit tout à l'heure qu'il faudrait une chasse de 600 000 animaux pour la contrôler. Ce ne serait qu'un moyen de contrôle. Nous avons besoin d'un nombre beaucoup plus important pour protéger notre écosystème et nos stocks de poissons. Ce n'est qu'une question de temps.
Je me suis assis ici ce soir pour rendre service à quelqu'un qui est venu ici et qui a fait ce travail, parce que j'ai vu tellement de choses au cours des 30 dernières années que j'en ai plein les bras. Nous devons agir. L'action à mener aujourd'hui est l'abattage pour contrôler la population en fonction de l'écosystème.
Si vous aviez un aquarium avec des poissons en pleine croissance et que vous y mettiez un phoque, vous savez ce qu'il ferait. Si vous devez faire des études sur ce que mangent les phoques... Les phoques sont les mangeurs les plus opportunistes de l'océan. Ils mangent tout ce qui se trouve à proximité. Toutes les études antérieures, qui remontent à une trentaine d'années, ont peut-être été réalisées sur des phoques vivant dans les baies lorsqu'il n'y avait pas de capelan ou de morue et que les phoques vivaient des réserves de graisse qu'ils avaient dans leurs tissus adipeux...
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Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à nouveau à M. Jones.
Monsieur Jones, aidez-moi à comprendre. Pour préciser, je suis tout à fait favorable à une chasse au phoque durable et adaptée à la région. J'ai l'impression que nous avons reçu suffisamment d'information pour appuyer la proposition d'une telle chasse. Cependant, j'essaie de comprendre pourquoi on nous dit que des pressions s'exercent pour que cela se fasse sur-le-champ et que cela doit être fait dans les meilleurs délais.
J'entends aussi que nous n'avons pas l'infrastructure, que nous n'avons pas le marché et que nous avons besoin d'un marché international pour assurer le succès de l'opération. Si nous voulons vraiment mettre en place une chasse aux phoques durable, et non une récolte, ce qui n'est pas ce que nous souhaitons, comme on me le répète sans cesse, que devons-nous savoir en tant que comité?
À la fin de notre étude, j'espère avoir des recommandations solides à présenter au gouvernement sur les meilleures mesures à prendre en temps opportun et de manière claire. Toute information que vous pouvez fournir aujourd'hui nous aidera à formuler des recommandations claires et à soutenir une approche qui va dans la bonne direction.
Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?
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Nous reprenons nos travaux.
J'aimerais transmettre quelques consignes aux témoins.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas. En ce qui concerne l'interprétation, pour ceux qui utilisent l'application Zoom, vous pouvez choisir le canal au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais ou le français. Pour ceux qui sont dans la salle, vous pouvez utiliser l'écouteur et choisir le canal désiré. Je vous rappelle que toutes les observations devraient être adressées à la présidence.
Enfin, je vous rappelle que tous les participants aux travaux parlementaires doivent utiliser le casque d'écoute approuvé par la Chambre.
Je souhaite à présent la bienvenue à nos témoins.
George Rose, professeur d'halieutique, comparaît par vidéoconférence. Nous accueillons Ryan Cleary, le directeur exécutif de la SEA-NL, qui n'a plus besoin de présentation devant aucun de nos comités, j'en suis sûr, et Merv Wiseman, membre d'office du conseil d'administration.
Je vous remercie d'avoir pris le temps de vous joindre à nous. Vous disposez chacun de cinq minutes pour faire votre déclaration liminaire.
Nous allons commencer par M. Rose, pour au plus cinq minutes, s'il vous plaît.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour à tous.
J'aimerais tout d'abord faire quelques déclarations écologiques générales sur la situation de nos côtes Est et Ouest, puis peut-être aborder des points plus précis lorsque le temps le permettra pour répondre à vos questions.
Je pense qu'il est incontestable que les écosystèmes marins des côtes Est et Ouest sont déséquilibrés, ce qui est très différent des normes passées qui ont soutenu nos pêcheries sur les deux côtes pendant des centaines d'années. L'un des principaux symptômes de ce « déséquilibre » est une énorme augmentation relative dans certains cas, et pas si énorme dans d'autres cas, des pinnipèdes par rapport à ce qu'ils mangent, c'est-à-dire presque tout ce qui se trouve dans l'écosystème, mais surtout nos poissons importants sur le plan commercial.
Dans un écosystème [difficultés techniques], il y aura une pyramide de ce que nous appelons l'énergie trophique, ou considérons-la comme la biomasse. En termes simples, il devrait y avoir beaucoup plus de petites choses que de grandes, parce que les grandes choses mangent les plus petites en général. Vous devriez voir cette pyramide. C'est à cela que ressemblent les écosystèmes durables.
Par exemple, si vous prenez notre écosystème de la morue du Nord au large de Terre-Neuve-et-Labrador, vous constaterez que c'est exactement le contraire. La biomasse des phoques est supérieure à celle de la morue et du capelan réunis dans cet écosystème. C'est un cas extrême de déséquilibre.
Un autre point très important sur le plan écologique est que la plupart des espèces de pinnipèdes sont migratrices. Elles peuvent maintenir des populations très nombreuses, non pas en fonction des espèces commerciales dont nous parlons, mais d'autres éléments. Les incidences potentielles sur les espèces commerciales peuvent être considérées comme des dommages collatéraux du point de vue des pinnipèdes. Il n'est pas nécessaire que ces incidences se concentrent sur ces espèces pour avoir un effet aussi important.
C'est en quelque sorte le cas. Si nous prenons le cas des phoques du Groenland à Terre-Neuve, qui préoccupe les gens, certains cas parmi les mieux étudiés se trouvent dans le sud du golfe du Saint-Laurent, avec le phoque gris. Il s'agit manifestement d'un exemple de stock de morue qui, selon certains de nos meilleurs scientifiques, dont M. Swain et ses collègues de la région, pourrait même disparaître à cause de la prédation des pinnipèdes.
Sur la côte Ouest, ici, dans le Pacifique, nous ne sommes pas non plus à l'abri de ce problème. Il y a eu une nouvelle migration d'otaries de Californie dans les zones côtières de la Colombie-Britannique. Elles se déplacent vers le nord. Cela nous amène à parler de l'effet des changements climatiques, qui touchent à peu près tout.
Des études récentes menées par un de mes collègues, Carl Walters de l'UBC, ont montré de manière assez convaincante que la prédation par les pinnipèdes a gravement mis en péril les stocks de saumon du fleuve Fraser, et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous observons ici aussi sur la côte Ouest cette sorte de pyramide inversée de la biomasse dans nos écosystèmes. Selon l'objectif que vous poursuivez en gérant les écosystèmes... S'il s'agit de la pêche commerciale, il est difficile d'y voir un constat encourageant.
Pour en venir à certains aspects précis qui vous intéressent sans doute, l'écosystème de la morue du Nord au large de Terre-Neuve-et-Labrador est l'endroit où j'ai passé la plus grande partie de ma carrière. Je suis à la retraite depuis un certain nombre d'années, mais j'ai passé la majeure partie de ma carrière là-bas en tant que scientifique travaillant sur les stocks de poissons.
Le système y est extrême, comme je l'ai dit. Je ne suis pas d'accord avec l'affirmation du MPO. Si vous prenez son dépliant sur les phoques du Groenland, le Ministère déclare que la prédation de ces phoques n'est pas un facteur important dans l'absence de rétablissement de la morue et qu'il n'y a aucune preuve que les phoques du Groenland nuisent au capelan. Je connais les études sur lesquelles cette affirmation est basée, soit deux ou trois études réalisées par des collègues il y a plus de 10 ans. Cependant, je pense que les preuves de cette absence d'impact, surtout sur le capelan, sont assez faibles, et dans certains cas, il n'y a vraiment aucune preuve substantielle pour appuyer cette conclusion.
C'est l'un des points que je tiens à souligner du point de vue écologique. Les effets que peuvent avoir les pinnipèdes, ou tout autre prédateur ne sont pas forcément directs. Ils peuvent être indirects. Le meilleur exemple que je puisse donner est que les effets sur la morue, par exemple, peuvent en fait passer par le capelan. En influant le capelan, vous influerez sur la morue.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie le Comité permanent des pêches et des océans de m'avoir invité à témoigner dans le cadre de sa plus récente étude sur les pinnipèdes. Je précise qu'il s'agit de « sa plus récente étude », car, comme ce Comité le sait déjà, il y a eu des dizaines d'études et de rapports produits par le gouvernement fédéral depuis le début des années 1990 sur le problème des phoques de la côte Est.
Jusqu'à présent, la stratégie d'Ottawa en matière de phoques a consisté à étudier intensivement ce mammifère. Je peux affirmer avec certitude devant ce Comité que cette stratégie ne fonctionne tout simplement pas.
Ce n'est que l'année dernière que la ministre des Pêches et des Océans fédérale a reconnu, au nom du gouvernement du Canada, au vu et au su de tous les pays du monde, que les phoques se nourrissent de poissons. Cette déclaration constitue d'ailleurs la plus grande avancée pour la cause des phoques depuis des dizaines d'années. Ces mots doux provenant du centre du Canada étaient-ils destinés à apaiser les pêcheurs exploitant de petits bateaux de Terre-Neuve-et-Labrador? Il y a une vieille blague chez nous qui dit que les phoques ne mangent pas de Poulet frit Kentucky, mais cette blague a cessé d'être drôle il y a des années lorsque nous avons vu la pêche côtière commencer à disparaître sous nos yeux, sur toutes les côtes de Terre-Neuve-et-Labrador.
Alors que la population de phoques du Canada atlantique est passée à plus de 10 millions d'animaux, le nombre d'entreprises exploitant de petits bateaux dans ma seule province (le secteur représenté par SEA-NL) a chuté drastiquement, passant de plus de 20 000 en 1992 à un peu plus de 3 200 aujourd'hui. Ce n'est pas une coïncidence. La population de phoques est en hausse; la population de pêcheurs est en baisse.
J'ai participé à une réunion consultative sur la morue du Nord cette semaine à St. John's, et les mathématiciens du MPO (on ne peut plus les qualifier de scientifiques, car il n'y a PAS eu de véritable science depuis des années) ont déclaré avec une confiance absolue que les phoques n'avaient aucun impact sur la population de morue du Nord. Je rappelle au Comité que nous sommes à la 31e année de ce qui devait être un moratoire de deux ans sur la morue du Nord. Le moratoire était censé prendre fin en 1994, il y a 29 ans.
Les phoques mangent des millions de tonnes de poissons par an, y compris le capelan, dont se nourrit la morue du Nord. Pourtant, les gestionnaires et les mathématiciens du MPO, qui, pour être franc, ont très peu de crédibilité chez nous, peuvent affirmer avec une confiance absolue, la plus grande confiance que j'aie jamais observée de la part du MPO à propos d'une espèce, que les phoques n'ont aucune incidence sur les stocks de morue et n'ont pas vraiment d'incidence non plus sur d'autres espèces — ni sur le crabe des neiges, ni sur la crevette nordique, ni sur le capelan. L'espèce vedette du MPO pour la gestion réussie des pêches est le phoque, au détriment de la pêche commerciale d'espèces sauvages de poissons de fond, de poissons pélagiques et de mollusques et crustacés.
En 1991, il y a 32 ans, le rapport de Leslie Harris sur l'état des stocks de morue du Nord recommandait que « tous les efforts raisonnables soient déployés afin de comprendre la relation entre la morue, le capelan et le phoque, et d'incorporer les données appropriées dans les évaluations de la population de morue ». Cela n'a pas été fait. Le MPO ne maîtrise toujours pas les interactions entre la morue, le capelan et le phoque. Je peux vous montrer toutes sortes de vidéos d'estomacs de phoques débordant de capelan, de hareng et de crabe des neiges (les estomacs et les foies de morue ne sont pas aussi faciles à montrer).
L'impact des phoques du Groenland n'est pas pris en compte dans les évaluations de la gestion des pêcheries. C'est inexcusable. Le MPO ne fait pas son travail. Le Ministère a délibérément choisi d'ignorer les avis concernant l'intégration des phoques dans les évaluations de gestion parce que, pour le gouvernement du Canada, les phoques ont préséance sur les pêcheurs. Voilà la situation à laquelle nous sommes confrontés. C'est tout à fait indéniable. Si le mathématicien en chef de la morue du MPO peut dire effrontément au monde entier que les phoques n'ont pas d'impact, le MPO perd toute crédibilité. Je peux vous dire avec certitude que ces quelque 10 millions de phoques ont un impact dévastateur sur les 520 000 habitants de Terre-Neuve et du Labrador. Cela compte-t-il à vos yeux?
J'ai été député pendant quatre ans et demi ici à Ottawa, et la règle non écrite voulait que les députés ne parlent pas de deux sujets: leur régime de retraite et les phoques. Certains partis peuvent prendre publiquement position en faveur de la chasse aux phoques, mais en privé, leur position est qu'ils ne se prononcent pas. Telle est la réalité à Ottawa.
Les membres de SEA-NL ont adopté une motion lors de leur AGA de février pour exiger que le MPO élabore un plan d'action pour les phoques sur les côtes du Pacifique et de l'Atlantique, ainsi que dans les eaux de l'Arctique, dans un délai de six mois. C'est le conseil que donne SEA-NL à ce comité.
Un dernier point, un point important, concernant des groupes comme Oceana Canada qui ont l’oreille du gouvernement libéral en matière de gestion des pêches. Ce n'est que l'année dernière qu'Oceana Canada a demandé d'interdire la pêche commerciale au capelan. Au même moment, les mathématiciens du MPO déclaraient que l'impact de cette pêche de 15 000 tonnes de capelan sur les stocks de ce poisson n'était pas perceptible. Il n'est pas perceptible. C'est vrai qu'il n'est d'aucune façon comparable aux millions de tonnes consommées par des phoques.
Il est difficile de ne pas se méfier de groupes comme Oceana qui recommandent instamment le dénombrement de tous les poissons pêchés dans les eaux canadiennes sans avoir de politique sur la surpêche étrangère à l'extérieur de la limite des 200 000 milles. Des groupes comme Oceana Canada et Oceans North ont la réputation d'être des laquais du gouvernement du Canada.
Des groupes comme Oceana Canada ne disent rien publiquement sur les phoques. Ils n'ont pas de position officielle sur les phoques. Cependant, si vous consultez leurs publications sur les médias sociaux, vous lirez que les bébés phoques du Groenland sont « adorables », que les phoques communs sont « les plus mignons » et que les phoques gris aiment jouer à faire coucou. Qu'est-ce que cela révèle aux membres de ce Comité quant à leurs motivations?
Je vous remercie, monsieur le président.
Nous pouvons parler de l'effet de levier dont nous disposons pour contrôler la population de phoques, et vous pouvez parler de récolte, mais je pense qu'avant de procéder à cette récolte, nous devons donner une chance raisonnable au développement du marché.
Je travaille dans l'élevage d'animaux à fourrure. J'exploite le plus grand élevage de renards argentés au monde à North Harbour, à Terre-Neuve-et-Labrador. Je me suis engagé au niveau organisationnel. J'ai siégé au conseil d'administration de l'office de mise en marché de North American Fur Auctions à New York et à Toronto, etc. Depuis longtemps, depuis des années, des décennies, nous disposons d'un cadre de mise en marché et de promotion de la fourrure, pour le vison, le renard en particulier, issue d'élevages nationaux, etc.
Sur le marché international, j'ai observé les performances des différentes sociétés actives dans la mise en marché et la promotion de toutes ces fourrures, et je sais qu'elles étaient taboues dans les défilés de mode de Milan, Hong Kong, Francfort et New York. Il était tabou de parler des phoques et d'en faire entrer dans ce domaine particulier. Pourquoi cela s'est-il produit?
Je sais aussi qu'il a été presque tabou de parler de la fourrure dans les négociations commerciales, comme celles de l'Accord de libre-échange nord-américain, de l'AECG, et d'autres. Il y en a tellement d'autres, à l'OMC, à l'UE, et certaines autres ententes qui ont été conclues. Il semble qu'il soit absolument tabou de discuter de l'idée d'ouvrir la porte aux phoques et leur donner accès au marché. Tant que nous ne l'aurons pas fait, nous ne pourrons pas dire que nous avons fait du bon travail en matière de mise en marché du phoque.
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Merci, monsieur le président.
Il a été intéressant pour nous de constater qu'on nous a servi beaucoup de sermons. On nous a servi beaucoup de phrases percutantes, mais j'aimerais plutôt entendre des réponses étoffées sur les mesures à prendre, en premier lieu, pour encourager les pêcheurs à utiliser réellement la ressource qu'ils sont autorisés à prendre, mais qui n'a pas été prise depuis un certain temps, c'est-à-dire plusieurs centaines de milliers d'animaux. Je pense que vous pouvez récolter entre 400 000 et 500 000 animaux.
Nous entendons beaucoup d'affirmations générales, mais celles-ci n'ont pas donné de résultat, car ce problème se pose depuis une vingtaine d'années. Nous devons nous attaquer à la source du problème et déterminer ce que nous devons faire pour encourager les pêcheurs à récolter la population de phoques qu'ils sont autorisés à récolter, puis commencer à travailler à partir de là.
Quelles mesures le gouvernement devrait-il prendre pour inciter les pêcheurs à aller en mer et à récolter les phoques qu'ils sont autorisés à récolter?
Je vous cède la parole, monsieur Wiseman.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie également, messieurs Cleary, Wiseman et Rose. Nous sommes très heureux de votre présence parmi nous.
Je dois dire, monsieur Cleary, que j'ai beaucoup aimé votre allocution. Elle était très originale. Il est parfois dommage d'avoir à utiliser l'ironie pour marquer les esprits. En tout cas, cela a marqué le mien et je vous en félicite.
Je suis ici, à la Chambre des communes, depuis trois ans et demi et c'est vrai que je n'ai jamais parlé de ma pension. Cependant, c'est la première fois que je suis au Comité permanent des pêches et des océans et que je parle de chasse au phoque. Il y a donc un début à tout.
Ce que vous dites et ce qu'ont dit les autres témoins, aujourd'hui, a beaucoup de sens. Cela me dépasse complètement que Pêches et Océans Canada ne soit pas à l'écoute des pêcheurs et des chasseurs de phoques parce que je pense que nous sommes vraiment arrivés à un moment charnière, où il faut faire quelque chose. Vous le dites d'ailleurs depuis plusieurs années.
Ce qui semble unanime aujourd'hui, c'est l'appel à un contrôle de la population des pinnipèdes. Supposons que, demain matin, le gouvernement fédéral commence à s'intéresser à la chasse aux phoques. Selon vous quelles devraient être les priorités de Pêches et Océans Canada?
Devrait-il délivrer plus de permis de pêche commerciale, fournir plus d'investissement pour des usines de transformation, par exemple, favoriser l'ouverture de marchés locaux ou internationaux, ou encore établir un plan de commercialisation?
Selon vous, quelles devraient être les premières mesures de Pêches et Océans Canada?
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Comme je l'ai dit en introduction, il faut tout d'abord établir un plan d'action, d'ici à six mois. C'est simple, il faut passer à l'action.
Je connais beaucoup de chasseurs qui tirent à vue. Si, quand ils sont sur un bateau, ils aperçoivent un phoque qui nuit à leurs activités, ils l'abattent. Je pense que c'est quelque chose que nous verrons de plus en plus si rien n'est fait. Il faut agir, maintenant.
Je ne sais pas vraiment quels moyens l'Australie a pris concernant les kangourous. Je sais seulement que des milliards de bêtes ont été abattues depuis une dizaine d'années. Je ne sais pas s'il existe un marché pour écouler de telles quantités de viande et de peau.
Ce que je sais, comme je l'ai dit, c'est qu'avec une population de 520 000 phoques, nos pêches et nos communautés rurales souffrent. Toutes les espèces commerciales déclinent à cause des phoques. Il faut faire quelque chose. Si le gouvernement du Canada ne fait rien, ce n'est pas moi qui vais lancer la pierre aux pêcheurs et aux pêcheuses de Terre-Neuve-et-Labrador s'ils prennent les devants. Nous en sommes arrivés là.
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Rapidement, je dirais que sur le terrain, il faut voir à l'essentiel. Et c'est la science qui peut nous indiquer ce qui est essentiel.
Une étape importante a été franchie à St. John's en novembre dernier, pas seulement parce que la a enfin reconnu que les phoques mangent du poisson… Soit dit en passant, je serais très déçu si elle s'est sentie forcée de faire cette déclaration, mais elle l'a faite. Quelque chose cloche quelque part dans la bureaucratie, mais je ne pense pas que le problème se trouve à l'échelon de la ministre, sinon qu'elle doit en prendre la responsabilité.
Pendant des années, on a prétendu que les phoques ne perturbent pas l'écosystème. C'est ce que disait le scientifique en chef du MPO, et il était très contrarié si jamais quelqu'un prétendait le contraire. Le sommet a marqué un changement fondamental dans le domaine de la science, et c'est vers là que nous allons. En revanche, il n'a jamais été question durant le sommet d'une approche fondamentale, d'une stratégie de commercialisation. Nous pouvons tirer parti de nos accords internationaux pour accéder à certains marchés.
Comment se fait-il que nous ayons laissé l'Union européenne adopter des clauses de moralité qui visent des activités de pêche tout à fait légitimes? Nous les avons laissés faire, mais nous disposons de leviers pour renverser la vapeur dans nos négociations commerciales. C'est protégé par certaines clauses de l'OMC. Il n'y a jamais eu de contestation en bonne et due forme, lors des négociations entourant l'Accord de libre-échange nord-américain par exemple, pour essayer de faire quelque chose contre la loi américaine sur la protection des espèces, qui bloque l'accès de nos produits du phoque aux marchés.
Nous devons absolument nous attaquer à ces enjeux. De toute évidence, si nous faisons le travail scientifique nécessaire — on se croise les doigts —, nous allons être en mesure de réfuter certains des arguments absurdes et vides de sens que les défenseurs du bien-être des animaux continuent d'utiliser contre nous.
Cela dit, il faudrait vraiment que la science fondamentale en vienne à reconnaître que les pêcheurs en connaissent un bout sur les populations de phoques et leur alimentation. Je crois que c'est important.
La science est une mosaïque dans laquelle il faut inclure à la fois les données de la science pure et celles qui proviennent du savoir empirique des pêcheurs qui vont en mer tous les jours.
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Oui, absolument. Il faut que cette information serve. Pour l'instant, elle est mal utilisée. C'est clair que les pêcheurs ne sont pas la seule variable de l'équation, mais c'est une variable oubliée. Elle a tout bonnement été éliminée de l'équation. Et l'idée… Actuellement, la science nous demande de prouver qu'il n'y a pas d'impact sur les populations de poissons, mais il faut définir un cadre de référence approprié pour mieux orienter la démarche scientifique.
J'ignore ce que ce sera. Nous allons dans la bonne direction mais, pour l'instant, personne ne sait comment ce sera formulé et quels termes seront employés. C'est un élément important.
Aujourd'hui, nous avons entendu des personnes qui ont passé leur vie sur l'eau et qui comprennent les impacts nous dire à quel point ils sont découragés et méfiants. Il faut un lien de confiance entre les gens qui vont en mer, les pêcheurs, et le gouvernement, le MPO, les scientifiques. Le climat de méfiance actuel, qui est nourri par les déclarations ridicules et absurdes de scientifiques instruits qui prétendent que 10 millions de phoques n'ont aucun impact sur les populations de poissons… Voyons donc! C'est une blague ou quoi? Même les bureaucrates d'Ottawa qui ne sont jamais allés sur la côte Est ou la côte Ouest savent que ce n'est pas possible.
Une bonne partie de ce que j'ai dit, et je vais encore improviser, concernait les effets sur le bien-être social et économique des familles de centaines, et même de milliers de pêcheurs de la région.
J'ai parlé de mon enfance au sein d'une famille de 14 personnes et de ce que la chasse signifiait pour nous dans les années 1960, 1970 et 1980. À cette époque, il y avait entre deux millions et demi et trois millions de phoques. C'était une chasse qui semblait durable à ce moment, même si nous avons convenu que des améliorations seraient possibles. J'en ai parlé assez longuement.
Ensuite, dans les années 1990, 2000 et après, il s'est passé quelque chose et le nombre de phoques vendus sur les marchés a baissé à 40 000 ou 50 000. Durant cette période, nous sommes passés d'un demi-million de phoques… Je pense que personne ne connaît la raison exacte de cette baisse. Une chose est sûre, comme je l'ai dit, nous avons permis aux défenseurs du bien-être animal d'entrer par la porte d'en arrière, pour des raisons tout à fait injustifiables.
L'absence de données scientifiques, ou leur insuffisance, dont j'ai aussi parlé, et les justifications de nos pratiques de chasse… À cause de l'insuffisance de données scientifiques, ces groupes ont eu beau jeu de détruire le marché. Je pense que toutes les routes mènent au marché. Nous devons démêler tout ça pour bien saisir cette dynamique particulière.
Les pressions exercées par les groupes de défense du bien-être animal et par d'autres ont abouti aux lois adoptées par l'Union européenne, qui empêchent beaucoup de populations et de pays d'accéder à nos produits. Aucun des accords commerciaux que nous avons signés, qu'ils soient bilatéraux, trilatéraux ou multilatéraux, ne contient de disposition sur le phoque. Le sujet était tabou et il était absolument impensable de l'inclure dans les négociations.
Nous avons raté le coche. Nous n'avons pas su tirer profit des possibilités d'accès au marché dans ces pays.
J'ai mentionné très rapidement l'idée d'un cadre de commercialisation. Il n'y a jamais eu de cadre de commercialisation. Je le mentionne parce que j'ai siégé à un conseil d'administration qui a fait le tour du monde pour trouver des marchés pour les produits de la fourrure de vison et de renard, entre autres.
L'industrie du vison a pris de l'expansion jusqu'à atteindre 125 millions… C'était un peu exagéré et il a fallu mettre les freins. Nous avons actuellement quelques défis qui sont liés entre autres à la guerre en Ukraine et à nos principaux acheteurs de fourrures à poil long. En Russie, l'industrie a disparu. En Chine, à cause de la COVID et d'autres facteurs, la situation est difficile, c'est clair. L'économie a beaucoup ralenti. Les problèmes géopolitiques sont cycliques, mais il nous manque encore un cadre essentiel pour nos activités de commercialisation et de promotion.
Nous avons participé à des défilés de mode pour mettre en vedette le vison et le renard au Grand Palais en Chine. Est-ce que ce serait envisageable pour les produits du phoque? Pourquoi n'y en avait-il pas dans ces défilés? Il n'y a jamais eu de collaboration avec des spécialistes en commercialisation pour trouver des marchés pour ces produits à l'échelle mondiale.
Le Danemark a créé la société Great Greenland, une entreprise immense et très prospère. Beaucoup d'argent a été investi dans la commercialisation du phoque du Groenland, une espèce que nous chassons ici aussi, par une maison de vente aux enchères de renommée internationale à Copenhague. Ils ont aussi mis en marché des produits dérivés du phoque et collaboré à la création d'articles en peau de phoque qui sont vendus dans un atelier de mode qu'ils ont créé et qui est un des plus importants au Danemark. Il n'y a jamais eu de pourparlers avec le gouvernement canadien concernant la promotion des produits du phoque et leur mise en marché dans ces différents lieux.
Tant que nous n'aurons pas de cadre de commercialisation internationale, la situation va rester difficile. Nous pouvons discuter de l'utilisation des produits ici au Canada, mais ce n'est pas…
Il faut sortir du Canada. Bien entendu, nous pouvons devenir un exemple pour ce qui est de l'utilisation locale de produits dérivés comme les nutraceutiques et les aliments fonctionnels, et dans d'autres domaines.
C'est un autre avantage, une autre stratégie que nous pouvons exploiter et que nous n'avions pas pour le vison et le renard. Nous pouvions seulement promouvoir la fourrure et les produits en fourrure. Nous ne pouvions pas parler de l'utilisation de la carcasse complète d'un vison ou d'un renard, seulement de la fourrure. Dans le cas du phoque, il y a la fourrure, mais nous pouvons maintenant promouvoir des produits comme la graisse, les produits à base de viande, les protéines et tous les aliments fonctionnels.
On me fait savoir que je n'ai plus de temps.
J'ai beaucoup aimé vos trois témoignages. Merci d'être ici.
J'aimerais poursuivre sur certains des thèmes abordés par M. Wiseman.
Je reviens à vous, monsieur Rose.
J'ai eu la chance de lire certains de vos écrits et d'en apprendre un peu plus au sujet de votre travail, notamment pour ce qui concerne la morue du Nord. Un des thèmes qui ressort de vos publications, corrigez-moi si je me trompe, est l'absence d'investissements dans l'évaluation rigoureuse des stocks depuis des années. Par conséquent, nous manquons de données fiables et les conclusions qui sont tirées sont bancales.
Si nous voulons continuer de documenter l'impact des phoques sur les populations de morue, et surtout si nous augmentons considérablement les prélèvements, dans quelle mesure sera-t-il important de renforcer notre capacité en matière de relevés des stocks de morue et d'autres espèces? Comment faire pour mieux tenir compte des observations des pêcheurs dans la collecte de données?
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C'est une question d'une grande importance.
Depuis des années, et surtout dans les régions de l'Atlantique, il y a des problèmes associés aux relevés et aux navires. Tout le monde est au courant. Je travaille dans ce domaine depuis plus de 30 ans. Les problèmes ne datent pas d'hier, mais ils semblent s'être aggravés depuis quelque temps. Le sort de certaines de nos espèces les plus importantes sur le plan commercial dépend directement des relevés, mais ces relevés ne sont pas effectués.
On a mis la faute sur les navires inutilisables. Nous avons maintenant de nouveaux navires qui n'ont pas été étalonnés par rapport aux anciens navires. Vous pouvez poser toutes les questions que vous voulez sur ce manque d'efficacité et bien d'autres choses, mais l'essentiel, comme il a été dit, c'est que nous n'avons pas de données. Nous n'avons pas les données nécessaires pour répondre à toutes ces questions concernant certaines des espèces importantes comme le capelan et, maintenant, la morue. En science, s'il n'y a pas de données, on crée des modèles, qui sont une abstraction. Malheureusement, un modèle peut permettre de prouver tout et son contraire, et c'est parfois ce qui explique les erreurs.
Si vous me le permettez, je vais répondre à une question précédente. Je me sens obligé de défendre les scientifiques. Je peux vous assurer que sur la question des interactions entre les pinnipèdes et les poissons, il n'y a pas de consensus universel parmi les scientifiques du domaine quant à l'absence d'impact. Ce n'est pas du tout le cas.
Il y a de très bons exemples parmi les scientifiques du MPO. Certains ont publié des rapports qui penchent très fortement du côté de l'existence de cet impact. Comme il a été dit, les données insuffisantes ne permettent pas de quantifier l'impact, mais leur conclusion est qu'il est à peu près certain qu'il existe. Prétendre le contraire n'a aucun sens du point de vue de l'écologie, et cela vaut autant pour la côte Est que pour la côte Ouest.
Bref, le plus important est d'avoir des données. Il n'y a aucun doute là-dessus. Malheureusement, j'ai l'impression que depuis quelques années, la situation est loin de s'être améliorée. Malgré tous nos espoirs, c'est pire que jamais.
Vous avez mentionné la côte Ouest, et j'aimerais y revenir. Vous vous y trouvez en ce moment. Un point en particulier…
La semaine dernière, Ken Pearce et Matt Stabler, de la Pacific Balance Pinniped Society, nous ont fait une suggestion intéressante… En fait, je crois que c'est Matt Stabler qui nous a dit qu'ils étaient prêts pour la chasse au phoque. Ils pourraient commencer par 5 000 prélèvements, évaluer les répercussions et déterminer s'il pourrait y en avoir davantage. En fait, l'idée est d'aller de l'avant et de déterminer ensuite une ligne de conduite à partir des résultats de l'évaluation scientifique.
Est-ce que c'est quelque chose qui pourrait fonctionner selon vous? Est-ce que c'est une démarche justifiable du point de vue scientifique pour accroître notre expertise? Je crois que je m'engage sur un sujet que nous ne sommes pas censés aborder…
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En fait… Cela fait partie de ce que nous appelions auparavant la « gestion expérimentale ». La gestion est loin d'être simple, personne ne dira le contraire. C'est très difficile de comprendre ce qui se passe.
Une des méthodes utilisées de nos jours est celle des projections modélisées, qui sont toujours pour le moins douteuses. Ce que vous venez de décrire est une autre approche, que nous appelons la « gestion expérimentale ». Nous ne connaissons pas le résultat, mais c'est l'idée.
Les expériences de ce genre présentent un grand intérêt du point de vue de la gestion. Du point de vue scientifique, il est extrêmement intéressant de disposer de données réelles qui proviennent d'une expérience contrôlée à laquelle participent des chasseurs. C'est quelque chose dont on a déjà parlé, et je suis tout à fait d'accord. Il faut mobiliser les chasseurs si nous voulons que la gestion soit efficace. C'est ce que permettrait ce genre d'expérience. Ce serait très utile.
Sans entrer dans le détail, je peux affirmer que fondamentalement et de manière générale, du point de vue de la science, je suis tout à fait favorable à ce genre d'initiatives.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Rose, dans votre allocution d'ouverture, vous avez dit que les changements climatiques seraient susceptibles de provoquer davantage de migration vers le nord, avec l'expansion des populations de pinnipèdes piscivores sur les deux côtes, soit l'otarie de Californie, sur la côte Ouest, et le phoque gris, sur la côte Est.
J'aimerais que vous nous parliez davantage de l'effet des changements climatiques sur les pinnipèdes. Habituellement, la chasse a lieu de novembre à décembre. Est-ce encore le cas? Comme on le sait, la saison idéale pour la chasse est maintenant de janvier à mars, en raison, peut-être, des changements climatiques.
Selon vous, devrait-on ajuster les dates en conséquence?
Pourriez-vous nous parler davantage des conséquences des changements climatiques?
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Les changements climatiques ont des répercussions sur la répartition des animaux marins, autant les poissons que les mammifères, à l'échelle de la planète. Les preuves à cet égard sont abondantes. Les répercussions sont immenses dans certains cas, et assez négligeables dans d'autres.
Permettez-moi d'abord d'expliquer en quelques mots sur ce qui se passe sur la côte Ouest. Dans le cas des pinnipèdes, les populations d'otaries de Californie ont explosé dans la mer des Salish, au sud de la Colombie-Britannique. À certains égards, on pourrait la qualifier d'espèce envahissante. Elle n'était pas présente ici auparavant, et elle consomme énormément de poissons, surtout du saumon. Par conséquent, la venue de cette espèce est en train de modifier les relations prédateurs-proies.
Sur la côte Est, le meilleur exemple du même phénomène, et sans doute l'exemple le plus extrême, est l'augmentation du nombre de phoques gris. J'ai fait beaucoup de recherches… J'ai l'impression d'avoir consacré la moitié de ma vie à la baie Placentia. J'y ai passé près d'une vingtaine d'années et, pendant tout ce temps, je n'ai jamais vu de phoque gris. Jamais. Je n'y suis pas allé récemment, mais je connais des gens là-bas — et les personnes qui connaissent bien la situation actuelle pourront le confirmer — qui me rapportent que des phoques gris sont présents au sud de Terre-Neuve, et qu'ils pourraient même être en train de coloniser cette région.
C'est une autre région touchée par les changements climatiques. Le comportement des phoques est influencé par les températures océaniques, mais aussi par la répartition des proies. Si ces deux conditions leur sont favorables à un endroit, ils vont y aller, surtout si leur population augmente. Ce dernier élément est très important. Comme toujours, si sa population augmente, l'espèce va essayer d'étendre son aire de répartition. Les animaux ne vont pas tous rester au même endroit si leur nombre augmente.
Ces deux choses se produisent actuellement. On en sait moins sur la situation sur la côte Nord-Est de Terre-Neuve-et-Labrador parce que ces phoques vivent sur la banquise. Ce sont des phoques du Groenland et des phoques à capuchon, et ils pourraient se déplacer au Nord. Je n'en suis pas certain.