Bonjour à tous. Bienvenue à la 101e réunion du Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes. Cette réunion se déroule sous forme hybride, conformément au Règlement.
Avant de commencer, j'ai quelques observations à l'intention des témoins et des membres du Comité. Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Ceux qui participent par vidéoconférence doivent cliquer sur l'icône du microphone pour activer leur micro, et se mettre en sourdine lorsqu'ils ne parlent pas. Pour l'interprétation, les participants sur Zoom ont le choix au bas de l'écran entre le parquet, l'anglais ou le français. Ceux qui sont dans la salle peuvent choisir l'oreillette et le canal désiré. Veuillez adresser toutes vos interventions à la présidence.
Avant de poursuivre, je veux simplement rappeler aux députés d'être très prudents lorsqu'ils manipulent leurs écouteurs, surtout lorsque leur microphone ou celui de leur voisin est allumé. Les écouteurs placés trop près du microphone sont l'une des causes les plus courantes de rétroaction acoustique, qui est extrêmement dommageable pour les interprètes et cause de graves blessures.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 15 février, le Comité reprend son étude sur les barèmes utilisés par le ministère des Pêches et des Océans pour fixer les quotas de pêches au sébaste.
Je dois dire une chose aux membres du Comité. La greffière m'a informé que l'avis de convocation envoyé indiquait que nous passerions aux travaux du Comité à 17 h 15. On m'avise que nous pouvons prolonger les témoignages jusqu'à 17 h 30, puis commencer les travaux du Comité à ce moment, et poursuivre jusqu'à 17 h 45, voire 18 heures.
Notre premier témoin aujourd'hui est M. Jean Lanteigne, de la Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels. Vous avez un maximum de cinq minutes pour votre déclaration préliminaire.
[Français]
Merci beaucoup d'avoir convoqué cette réunion de toute urgence. Merci à M. Serge Cormier d'avoir invité la Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels à témoigner devant vous aujourd'hui.
Je vais faire un court retour en arrière. Dès l'apparition des petits sébastes à l'été 2011, nous avons immédiatement sonné l'alarme auprès du ministère des Pêches et des Océans en lui indiquant que notre pêche et l'industrie de la crevette allaient connaître des problèmes importants si on n'agissait pas immédiatement. La seule mesure du ministère des Pêches et des Océans a été de sortir des tiroirs un protocole de fermeture pour les petits poissons. Ainsi, pour les années 2012 à 2015, nos pêcheurs crevettiers ont été forcés de concentrer leurs efforts de pêche dans des zones où il y avait peu ou pas de petits sébastes. Ce n'était aucunement important de protéger la crevette.
Comme vous pouvez le constater dans le tableau joint à ma présentation, dès le printemps 2016, l'équipe des sciences du ministère des Pêches et des Océans a formulé des commentaires relativement à l'effet négatif du sébaste sur les stocks de crevette du golfe du Saint‑Laurent. Même si nous avons insisté chaque année sur la nécessité de permettre la pêche au sébaste pour tenter un tant soit peu de diminuer la prédation de la crevette, nos demandes sont toujours demeurées sans réponse.
Dans un autre ordre d'idées, en 2019, il y a eu l'adoption du projet de loi , qui visait supposément à moderniser la Loi sur les pêches afin d'atteindre de nouveaux objectifs et ainsi assurer la pérennité de nos pêches. Permettez-moi de citer l'un des objectifs de cette loi modernisée: « Pour nos collectivités, elle maintiendra les avantages de la pêche entre les mains des pêcheurs indépendants et de leur région. »
Non seulement cela n'a été d'aucune utilité pour protéger nos stocks de crevette, mais il en va de même pour la récente attribution des contingents de sébaste, pour laquelle il est évident que le ministère des Pêches et des Océans n'a même pas tenu compte de sa propre loi.
J'attire votre attention sur la Politique d'émission des permis pour la pêche commerciale dans la région du Golfe, que j'ai jointe à mon document écrit. Examinons les articles 6 et 7.
L'article 6 stipule très clairement qu'il n'y a pas de droit de propriété pour quiconque détient un permis de pêche. Il est très clair que le ou la ministre a toute la latitude pour attribuer un permis de pêche sans tenir compte de l'historique. Il en va de même pour les allocations relatives à ces permis.
L'annonce faite le 26 janvier dernier par la ministre Lebouthillier, qui s'est appuyée sur un historique remontant à plus de 30 ans, ne tient pas la route. Je vous invite à lire l'article 7 de la politique d'émission des permis, qui énonce les neuf principes sur lesquels le gouvernement doit s'appuyer pour délivrer ces permis. Après lecture de ces neuf principes, il est encore plus difficile de comprendre pourquoi la ministre n'a pas tenu compte de tous ces éléments pour attribuer les contingents de sébaste qu'elle vient d'annoncer. On peut sans doute se rappeler la cause Anglehart c Canada et le jugement de la juge Gagné, qui a clairement statué sur la question de droits de propriété et de distribution d'allocations.
Parlons maintenant de la réalité de la situation.
Hier, nous avons eu la liste administrative détaillant l'attribution des contingents de crevette du golfe, basée sur le total autorisé de capture, ou TAC, de 3 060 tonnes, dont la ministre a fait l'annonce. Ici, l'allocation la plus élevée est de 48 tonnes. Dans la seconde partie de son annonce, la ministre a aussi indiqué qu'elle avait réservé aux crevettiers un contingent de sébaste de 10 %.
Voyons ce que ça peut donner comme résultat. Soyons un brin positifs et prenons l'hypothèse d'un TAC de sébaste de 100 000 tonnes. Sans entrer dans les détails, prenons le cas d'un pêcheur ayant la plus haute allocation de crevette. À un prix de 1,25 $ la livre pour la crevette et de 0,40 $ la livre pour le sébaste, ce pêcheur aurait un potentiel de revenu maximal de 220 000 $. Les frais fixes d'exploitation d'un crevettier ici sont en moyenne de 175 000 $. Il est donc impossible de fonctionner dans de telles conditions. La solution est de se tourner vers les usines de transformation, à qui la ministre a donné la très grande majorité des allocations de sébaste, afin d'obtenir du contingent en quantité suffisante pour en arriver un tant soit peu à joindre les deux bouts.
Or, pour les entreprises utilisant des bateaux de pêche de moins de 65 pieds, à notre avis, cela contrevient à la Politique du propriétaire-exploitant. Pour les entreprises utilisant des bateaux de plus de 65 pieds, c'est carrément le retour au siècle dernier, où les transformateurs américains et européens contrôlaient les flottilles, les usines et les marchés. La petite histoire nous indique que MM. LeBlanc, père et fils, ont tous deux travaillé très fort, quand ils étaient ministres des Pêches, pour mettre fin à cette pratique. Aujourd'hui, c'est un retour en arrière.
Comment peut-on, comme ministre, comme ministère, comme gouvernement, forcer les entreprises de pêche à enfreindre la loi ou, encore pire, à se soumettre au contrôle des compagnies qui vont décider qui pourra pêcher, quand, où et à quel prix on pourra le faire? Rapidement, ces pêcheurs auront pour seul choix de vendre leur entreprise de pêche à ces compagnies ou d'être entièrement sous leur contrôle. Ces compagnies vont immédiatement leur ouvrir grand les bras, parce qu'elles ont besoin des leurs efforts de pêche. Toutefois, ça équivaudrait pour les pêcheurs à se jeter dans la gueule du loup.
Selon nous, il y a ici matière à poursuite contre le ministère des Pêches et des Océans. Ça n'a aucun sens de créer des conditions comme celles actuelles, qui forcent nos entreprises de pêche à commettre des actes illégaux pour tenter de survivre, surtout quand c'est ce même ministère qui applique cette loi.
Au cours des dernières années, notre coalition, formée des crevettiers du Nouveau‑Brunswick, du Québec et de la côte ouest de Terre‑Neuve‑et‑Labrador, a demandé à tous les ministres qui se sont succédé, à savoir les ministres , Wilkinson, Jordan, Murray et Lebouthillier, d'avoir un accès prioritaire à la pêche au sébaste ainsi qu'un TAC minimal de 25 000 tonnes.
Nous avons aussi demandé d'être les seuls à pêcher cette ressource pour les deux premières années, afin de permettre aux producteurs de développer un marché pour ce sébaste, qui est en compétition avec celui de la Norvège et de l'Islande, notamment, en vue d'une entrée progressive. Le ministre LeBlanc a d'ailleurs pris, en 2018, des engagements publics à cet égard.
Nous avons aussi fait savoir à de très nombreuses reprises au personnel du ministère que nous avions besoin de 2 millions de livres par entreprise de pêche pour assurer une certaine rentabilité, les 25 000 tonnes étant un contingent de départ. Nos demandes, qui ont été répétées à de multiples reprises, sont restées sans réponse.
Je vous remercie de nous avoir écoutés. Nous sommes à bout de souffle.
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Je vous remercie tous de nous permettre de présenter notre point de vue sur cette question.
Je vais devoir parler dans ma langue.
[Français]
Pour l'allocation des quotas de sébaste, Pêches et Océans Canada a choisi de respecter le principe des parts historiques, alors que la pêche au sébaste peut être considérée et doit manifestement être considérée comme une nouvelle pêche, selon les critères de la politique sur les nouvelles pêches de ce même ministère.
L'allocation attribuée ne respecte pas non plus les principes et les critères du cadre décisionnel de principes et de critères visant l'attribution de nouveaux accès, une autre directive de Pêches et Océans Canada.
Légalement, Pêches et Océans Canada pouvait-il aller à l'encontre de sa propre politique? Je n'ai pas l'expertise légale pour en juger, mais la question se pose.
Parlons maintenant du secteur hauturier, qui a obtenu la plus grande part des quotas alloués.
Quand on parle de pêche hauturière, on parle de bateaux énormes qui consomment une quantité phénoménale de carburant, d'abord pour se propulser pour pêcher, mais aussi pour faire fonctionner leur usine flottante. En revanche, le poisson qui serait pêché par nos pêcheurs serait transformé dans des usines qui utilisent de l'hydroélectricité et de l'énergie éolienne.
De plus, comparativement aux activités de nos pêcheurs, les bateaux utilisés pour la pêche hauturière ont des effets potentiels beaucoup plus marqués sur les fonds marins et sur les autres espèces de poissons, comme le flétan du Groenland, la merluche blanche, la morue et peut-être, dans une certaine mesure, le flétan de l'Atlantique.
Ces bateaux-usines transforment et congèlent le poisson en utilisant uniquement des carburants fossiles. Or, s'il était pêché par nos pêcheurs, le poisson serait transformé dans des usines qui utilisent une énergie provenant de sources renouvelables à près de 100 % dans le cas de celles du Québec et à plus de 70 % dans le cas de celles du Nouveau‑Brunswick et de Terre‑Neuve‑et‑Labrador.
Dans un tel contexte, la décision de la va à l'encontre de la Stratégie ministérielle de développement durable 2023‑2027. Elle va aussi à l'encontre de la partie de la lettre de mandat de la ministre portant sur la réduction des gaz à effet de serre. On pourrait même, sans trop exagérer, dire que cette décision va à l'encontre de la Loi sur les pêches, qui précise qu'on doit protéger l'écosystème.
Nous sommes tous conscients que la biomasse de crevette dans le golfe du Saint‑Laurent n'est plus ce qu'elle était au cours des dernières décennies et que son état ne permet plus de soutenir l'industrie et les communautés.
L'éventualité de remplacer, dans une certaine mesure, la pêche à la crevette par la pêche au sébaste permettrait aux gens qui en vivent, à savoir les peuples des Premières Nations ainsi que les pêcheurs du Québec, de Terre‑Neuve‑et‑Labrador et du Nouveau‑Brunswick, d'espérer des jours meilleurs, une fois que cette nouvelle pêcherie aurait atteint sa vitesse de croisière et que les transformateurs auraient développé ou reconquis des marchés lucratifs pour ce nouveau poisson.
Or, l'annonce faite par la ministre le 26 janvier est venue confirmer ce à quoi tous s'attendaient en ce qui concerne la crevette. La ministre a pratiquement signifié l'arrêt de mort de la flottille de crevettiers du golfe du Saint‑Laurent en allouant la plus grande part des quotas de sébaste présents et futurs à des pêcheurs hauturiers. Pourtant, ces derniers peuvent continuer à prospérer sans ces quotas, sans compter le fait qu'ils apportent peu ou pas de retombées dans les communautés maritimes de l'Est du Canada. Je pense ici à des communautés comme Rivière‑du‑Nord, au Québec, St. Anthony et Port au Choix, à Terre‑Neuve‑et‑Labrador, ainsi qu'à des communautés du Nouveau‑Brunswick, pour lesquelles la pêche et la transformation de la crevette nordique sont le moteur économique principal. Toutes ces communautés auraient eu besoin de ce sébaste pour éviter de tomber dans l'inévitable marasme socioéconomique dans lequel la décision de la ministre vient de les plonger.
Merci.
Dans sa Politique sur les nouvelles pêches, Pêches et Océans Canada donne la définition suivante du terme « nouvelles pêches »: « Pêches portant sur de nouveaux stocks et/ou espèces qui ne sont pas utilisés ou sont sous-utilisés, et qui ne sont pas inclus actuellement dans un plan de gestion. »
Je ne suis pas un expert juridique, mais, de toute évidence, la pêche au sébaste répond à tous ces critères. Donc, Pêches et Océans Canada n'avait pas à respecter le principe des parts historiques. Il s'agit manifestement d'une nouvelle pêche.
C'est un choix que le gouvernement a fait, que Pêches et Océans Canada et la ont fait, pour des raisons qui, franchement, nous échappent totalement. Dans notre esprit, ça défie toute logique et pratiquement tous les critères et toutes les politiques que Pêches et Océans Canada s'est donnés.
C'est effectivement dans ce sens que nous parlions d'une nouvelle pêche. Il ne s'agit pas simplement de notre opinion; c'est effectivement une nouvelle pêche, alors ça devrait être traité comme une nouvelle pêche. À partir du moment où cette pêche va commencer, on devra revoir, repenser et redéfinir les façons de faire.
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Il est très facile de répondre à votre question.
Je vais vous exposer deux situations.
Dans la première, si vous voulez obtenir du financement, vous allez à votre institution financière et vous demandez 100 000 $ ou 200 000 $ pour exploiter votre entreprise de pêche. On vous demande donc si vous avez une allocation. Vous répondez que non, parce qu'il y a un quota compétitif. On vous refusera le financement et on vous dira de revenir plus tard. Ce type de quota ne se finance pas.
Dans la deuxième, votre bateau brise. Nous avons vécu cette situation, ici, au printemps dernier. Un pêcheur a mis son bateau à l'eau, il est sorti en mer et le moteur a sauté. S'il y a un quota compétitif, il ne peut pas attendre deux mois que son moteur soit réparé avant de retourner pêcher. Les autres pêcheurs auront pris le contingent, et la pêche sera terminée. Les quotas pour la pêche compétitive ne fonctionnent pas. Il faut absolument qu'ils aient, au minimum, des allocations individuelles. C'est ce qu'on appelle la pêche sous quotas individuels.
Il me reste peu de temps, mais j'aimerais vous dire ceci: je sais que ce qui s'est passé ne fait pas votre affaire. Je sais que ce n'est pas ce à quoi vous vous attendiez. Une allocation de 10 % est quand même là, et elle peut être bonifiée. Vous avez écouté mes propos, la dernière fois, lorsque j'ai posé des questions aux fonctionnaires relativement aux quotas additionnels qui pourraient être donnés aux crevettiers.
J'ai une demande à vous faire: nous avons besoin de vous à la table; nous avons besoin de vous aux réunions du Comité consultatif sur le sébaste; et nous avons besoin de vos chiffres et de vos idées.
Je pense que la est disposée à étudier toutes ces options. Il faut avoir des chiffres, il faut proposer une panoplie de mesures sur la façon dont nous pouvons aider les propriétaires.
Toutefois, monsieur Lanteigne et monsieur Element, il ne faut pas oublier les hommes de pont, les femmes de pont, les travailleurs d'usine et les usines qui vont dépendre de la pêche aux crevettes et au sébaste pour les années à venir.
Je compte sur vous pour nous fournir ces éléments dont le Comité et le gouvernement ont besoin pour faire leurs recommandations, et dont la ministre a besoin aussi pour prendre des décisions.
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Madame Desbiens, je vais faire un commentaire à ce sujet qui touche à la question que M. Cormier a posée tantôt.
Nous avons nous-mêmes suggéré au ministère de former une table de travail pour examiner toutes les questions que M. Cormier a soulevées tantôt; or nous attendons toujours une réponse. Nous le demandons depuis deux ans. Cette demande ne date pas de ce matin. C'est comme si nous parlions toujours à un mur. On nous écoute et on dit qu'on nous a entendus, mais il ne se passe rien.
Pour revenir plus précisément à votre question, nous ne faisons pas tellement confiance aux comités consultatifs parce que, justement, ce n'est pas un échange, une véritable table de travail, où chacun accepte d'apporter sa contribution. Chacun a une position. Les fonctionnaires du MPO sont là, mais ne s'expriment que très peu. C'est celui qui préside la réunion qui parle.
[Traduction]
C'est ça, c'est tout.
[Français]
Un rapport est ensuite produit, et nous ne le voyons même pas, ce qui fait que nous ne savons pas ce qui a été présenté à Ottawa. On nous dit que nos idées ont été présentées, que nos suggestions ont été faites, mais nous n'en avons aucune preuve.
Mardi de cette semaine, nous avons entendu les représentants du MPO que vous avez interrogés. Personnellement, je n'ai jamais entendu autant de mensonges à la minute. Je vais vous dire ce que je pense: je n'ai jamais vu une telle bande de menteurs. On se fait mentir en pleine face! Si vous vouliez me faire choquer, vous avez appuyé sur le bon bouton.
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Il y a certainement des problèmes liés au retour des gros bateaux dans le golfe. Par exemple, cela pourrait avoir une incidence sur la quantité de captures non intentionnelles d'espèces vulnérables ou présentant une importance commerciale. Ces bateaux ont aussi un effet bien plus important que le nôtre sur les fonds marins ou sur l'écosystème en général.
Oui, cela nous inquiète, non seulement parce que nous sommes des représentants de crevettiers, mais aussi parce que nous sommes des gens des régions maritimes. Il y a une raison pour laquelle ces bateaux ne sont pas venus dans le golfe depuis les années 1990. Je n'ai pas la prétention d'être impartial, mais il y a des gens impartiaux qui sont énormément préoccupés par le retour de ces bateaux.
Quand on fait un trait de chalut de 150 000 livres d'un coup sec, on peut accidentellement faire un tort irréparable à certaines ressources ou à certaines espèces, comme la merluche blanche ou la morue. Effectivement, on ne parle pas de ressources, mais d'espèces.
Alors, oui, nous nous inquiétons des répercussions potentielles de ces bateaux sur l'écosystème, qui sont sans commune mesure avec celles qu'on connaît présentement.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous les membres du Comité de me recevoir aujourd'hui.
Je suis professeur et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écologie halieutique à l'Institut des sciences de la mer de l'Université du Québec à Rimouski. Depuis 2018, mon équipe travaille en collaboration avec les chercheurs de Pêches et Océans Canada pour étudier l'écologie du retour du sébaste dans le golfe du Saint‑Laurent. Les recherches que nous faisons visent à comprendre les facteurs environnementaux qui contrôlent le recrutement du sébaste, son régime alimentaire, sa croissance, ses mouvements dans le golfe. Je considère donc que le dossier du sébaste m'est assez familier.
On m'a tout d'abord demandé de commenter les barèmes utilisés pour les allocations du quota de la pêche au sébaste en lien avec la situation critique des crevettiers. L'allocation de 10 % du quota de 25 000 tonnes aux pêcheurs de crevette a été jugée très décevante par ces derniers. Je comprends très bien leur réaction, car, une fois que cette allocation de 2 500 tonnes est divisée entre les 80 permis existants, cela ne représente que 70 000 livres par permis. C'est donc une quantité qui ne permettrait pas à un capitaine propriétaire de rentabiliser la pêche.
Plusieurs observateurs ont décrié le fait que, comme par le passé, le secteur hauturier a obtenu la part du lion de la pêcherie, avec 58,69 % du total admissible des captures. Toutefois, j'ai l'impression qu'il aurait été difficile pour la de ne pas tenir compte des parts historiques dans la pêche au sébaste pour établir les allocations. En effet, un critère constamment utilisé par le ministère pour établir les parts lors d'une reprise des pêches ou lors du passage d'une pêche compétitive vers un partage des parts entre les flottilles est le respect des parts historiques.
Je me penche depuis assez longtemps, maintenant, sur le flétan de l'Atlantique dans le golfe du Saint‑Laurent, qui est une espèce dont la pêche est passée de marginale, durant la période de 1970 à 2000, à très lucrative au cours des années 2010. Au moment de l'augmentation du stock, il a également été nécessaire de statuer sur une formule de partage du quota entre huit flottilles. Cette dernière a été établie en 2007, selon les parts historiques dans la pêche. En 2011, la firme Ernst & Young a été mandatée pour évaluer la formule de partage. La firme a basé son analyse sur la gestion de plusieurs stocks, et il a été conclu que la considération des parts historiques était une mesure appropriée. Il n'était donc pas surprenant de voir que les parts historiques seraient considérées dans la pêche au sébaste comme dans les autres.
Pour ce qui est de la situation critique que vivent les crevettiers, même avec une augmentation substantielle de leur part dans la pêche au sébaste, je suis d'avis que cette dernière ne pourrait pas simplement compenser la disparition de la crevette. Au cours de la période allant de 2000 à 2020, les crevettiers ont débarqué une moyenne annuelle d'environ 25 000 tonnes de crevettes. Toutefois, la valeur par unité de poids de la crevette est de loin supérieure à celle du sébaste. Si on regarde les statistiques du ministère, en 2021, les pêcheurs ont reçu 1,75 $ par livre de crevette contre seulement 0,50 $ par livre de sébaste. Un facteur de 3,5 implique qu'un retour aux belles années demanderait des débarquements annuels de 87 500 tonnes de sébaste. De tels débarquements ne sont probablement pas viables à court terme, faute de marchés pour écouler la ressource, ni à long terme, considérant la forte mortalité naturelle qui entraîne la décroissance du stock de sébaste.
Les changements rapides des eaux du golfe du Saint‑Laurent, qui comprennent notamment l'augmentation de la température et la baisse des taux d'oxygène, mèneront certainement à d'autres situations difficiles. Il faut s'attendre à de fortes diminutions, voire à l'effondrement, du stock de flétan du Groenland à court terme et de certains stocks de crabe des neiges à moyen terme à mesure que le système continuera de se réchauffer. La crise que vivent les crevettiers aujourd'hui risque ainsi de s'étendre rapidement à d'autres pêcheries, une situation qui pourrait faire encore plus mal à l'économie des communautés côtières de cinq provinces canadiennes.
Pour ces raisons, je recommande au Comité d'étendre le cadre de la présente étude au-delà des allocations de la pêche au sébaste pour déterminer une gamme de solutions qui permettront, premièrement, d'enrayer la crise que subissent les crevettiers à court terme, et, deuxièmement, d'augmenter la résilience du secteur des pêches à plus long terme en établissant une stratégie pour prévenir les prochaines crises qui se profilent à l'horizon dans le golfe du Saint‑Laurent.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
[Français]
Pour les besoins de l'exercice, je vais me référer à la documentation disponible au ministère des Pêches et des Océans.
Je commencerai par rappeler au Comité que, en 2019, des modifications ont été apportées à la Loi sur les pêches, afin de fournir un cadre pour la conservation et la protection du poisson et de son habitat. Cela se faisait de trois façons: en assurant la protection du poisson et de son habitat et en intégrant les outils requis pour y parvenir; en fournissant une certitude à l'industrie, aux intervenants et aux groupes autochtones; et en favorisant la durabilité à long terme des ressources aquatiques. J'y reviendrai un peu plus tard.
À la suite du relevé effectué en 2015, l'avis scientifique 2016/047 sur le sébaste stipulait que:
L’arrivée des fortes cohortes de sébastes aura vraisemblablement un impact important sur l’écosystème de la région, notamment par une augmentation de la prédation sur les petits invertébrés et poissons.
La même année, l'avis scientifique 2016/012 sur la crevette parlait d'une forte augmentation de la présence du sébaste comme prise accessoire dans la pêche à la crevette. Deux ans plus tard, l'avis scientifique 2018/032 sur le sébaste nous apprenait ceci:
L’augmentation massive de sébaste a des répercussions importantes sur l’écosystème. La prédation croissante contribue entre autres à la diminution de l’abondance de la crevette nordique de l’estuaire et du golfe du St-Laurent.
L'alarme retentissait et pouvait, dès lors, être entendue, même par les sourds.
Deux autres années d'inaction de la part du gouvernement se sont écoulées. Alors est arrivé l'avis scientifique 2020/019 stipulant ceci:
Dans le relevé de recherche en 2019, les sébastes représentaient 90 % de la biomasse totale capturée, par rapport à 15 % entre 1995 et 2012. Cette biomasse relative des sébastes est sans précédent et pourrait avoir des impacts écologiques importants sur d'autres espèces.
Pourtant, c'est toujours le silence radio du côté du gouvernement du Canada.
Comment faut-il le dire, alors? Comment sonner l'alarme quant aux répercussions du sébaste sur la crevette et les autres espèces?
Nos valeureux scientifiques reviennent à la charge avec l'avis scientifique 2023/036:
La consommation de crevettes nordiques a quintuplé entre 2017 et 2021, ce qui reflète la croissance à long terme des sébastes appartenant aux cohortes de 2011 à 2013.
Pendant ce temps, ces mêmes scientifiques évaluaient que la consommation de crevettes par le sébaste s'était élevée à 213 000 tonnes en 2021, soit 38 fois les captures enregistrées par les crevettiers en 2023 qui se sont élevées à 5 500 tonnes.
Depuis plus d'une décennie, l'industrie, de concert avec les scientifiques et les gestionnaires du ministère des Pêches et des Océans, a mis sur pied une approche de précaution qui devait permettre l'exploitation durable de la crevette nordique. Malgré cela, les crevettiers du Saint‑Laurent n'ont pratiquement plus rien à pêcher. Ironiquement, on apprenait le mois dernier que des stocks de sébaste de l'unité 1 étaient eux-mêmes à risque à moyen terme, avant même que la pêche commerciale ne soit lancée.
Comment le gouvernement du Canada, depuis 2016, s'est-il acquitté de ses responsabilités pour assurer la protection de la crevette et d'autres espèces, comme le turbot, qui est tout aussi touché?
Quels moyens ont été mis en place pour favoriser la durabilité de ces espèces?
Comment les annonces de quotas de sébaste du 26 janvier peuvent-elles prétendre fournir une certaine prévisibilité aux pêcheurs indépendants et aux communautés côtières du Saint‑Laurent?
Plusieurs intervenants de l'industrie sont prêts à collaborer au développement et à l'intégration d'une approche écosystémique qui permettra une gestion intégrée des pêches au Canada, sans partisanerie, au bénéfice des ressources halieutiques et des communautés côtières.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je tiens tout d'abord à remercier les membres du Comité de prendre le temps d'entendre mon avis en tant que représentant de la Fish, Food and Allied Workers Union,
Notre syndicat représente plus de 14 000 travailleurs dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador, dont la grande majorité est employée dans l'industrie de la pêche saisonnière.
Je suis ici aujourd'hui au nom de la flottille de chaluts à crevettes et à panneaux 4R du golfe du Saint-Laurent, basée sur la côte ouest et la péninsule septentrionale de notre province.
La majorité de cette flotte de propriétaires-exploitants vit à au moins trois ou quatre heures du prochain grand centre. Leur mode de vie est rural, culturellement important et basé sur la pêche côtière. Cette pêche à la crevette nordique a permis à la région d'avoir un niveau de vie modeste et durable au cours des deux dernières décennies, voire plus longtemps encore. Toutefois, les changements climatiques et l'évolution des températures de l'eau ont entraîné une modification de l'écosystème. La ressource en crevettes nordiques a considérablement diminué ces dernières années, tandis que les populations de sébastes se sont considérablement développées et que les sébastes sont devenus un prédateur majeur des crevettes.
Ces pêcheurs n'ont pas d'autres pêcheries dans lesquelles diversifier leurs activités et doivent déployer des efforts considérables pour se préparer à un retour du sébaste en tant que juste transition. Sans sébaste, cette flotte n'a pas d'avenir. Nombre d'entre eux sont menacés de faillite si on ne leur offre pas une voie viable pour l'avenir. Cette voie était disponible, mais elle a été gâchée par la décision de la ministre Lebouthillier du 26 janvier.
L'attribution à l'ensemble de la flotte côtière de moins de 25 % du sébaste de l'unité 1 est loin des 50 % nécessaires pour assurer la solvabilité financière et la durabilité économique de la région. Près de 60 % de la part ira à la flotte hauturière appartenant à des sociétés, un petit groupe de chalutiers congélateurs industriels qui ne débarqueront ni ne transformeront de produits au Canada, plutôt qu'à la trentaine de pêcheurs de notre province et à d'autres, comme vous l'avez entendu ici, au Québec, au Nouveau-Brunswick et dans toute l'unité 1, des propriétaires-exploitants indépendants qui soutiennent la durabilité des communautés côtières tributaires de la ressource.
La clé de répartition annoncée pour la nouvelle pêcherie commerciale de sébaste de l'unité 1 reflète celle de la pêcherie historique de sébaste des années 1970 et 1980 et n'est pas comparable à celle d'aujourd'hui. Aujourd'hui, le secteur hauturier est fondamentalement différent, les navires étant désormais conçus pour remplacer la transformation à terre par des équipements de congélation en usine pour traiter les produits de la mer en mer. Ce n'était pas le cas dans les années 1970 et 1980.
Il est important de souligner que les débarquements de la flotte hauturière ne sont pas soumis à des exigences minimales de transformation. Ils concentrent les profits sur d'autres sociétés et non sur les travailleurs, et la flotte extracôtière est déjà le plus grand détenteur de quotas de pêche au Canada.
En revanche, chaque navire de la flotte côtière est une petite entreprise sur l'eau qui fonctionne selon les exigences fédérales du propriétaire-exploitant ainsi que selon la législation provinciale qui exige que tous les débarquements subissent une transformation primaire dans une installation à terre dans la province. Une attribution majoritaire à la flotte hauturière ne prive pas seulement les pêcheurs côtiers d'opportunités, mais prive également des centaines d'ouvriers d'usine d'un travail utile et les communautés adjacentes de recettes fiscales cruciales, rompant ainsi presque totalement le lien de la communauté avec la ressource.
Notre syndicat estime que la ministre a clairement failli à ses responsabilités en vertu de la loi fédérale sur la pêche en ne donnant pas la priorité aux facteurs sociaux, économiques et culturels ainsi qu'à la préservation et à la promotion de l'indépendance des détenteurs de licences indépendants.
En 1977, l'honorable Roméo LeBlanc, un homme reconnu comme le plus grand ministre des Pêches de notre histoire, de notre organisation et de nos membres, alors ministre libéral des Pêches et des Océans, dans un discours expliquant sa décision d'interdire aux navires hauturiers de l'extérieur du golfe de pêcher à l'intérieur du golfe, a déclaré, et je cite :
Qui a la primeur de ces poissons? Je dois dire que j'ai un net penchant pour le pêcheur côtier. Non pas par romantisme, non pas à cause de sa photo sur les calendriers, mais parce qu'il ne peut pas aller loin pour pêcher, parce qu'il dépend de la pêche pour ses revenus, parce que sa communauté dépend à son tour de la protection des pêcheries.
Le MPO s'est ouvertement engagé à garantir une gestion durable de la pêche. Néanmoins, aucun travail de ce type n'a été entrepris par le secteur hauturier pour établir des méthodes d'exploitation viables qui n'aient pas d'impact sur d'autres pêcheries et habitats précieux dans le golfe.
Au cours de la dernière décennie, les organisations de pêcheurs côtiers du golfe du Saint-Laurent ont consacré des centaines, voire des milliers, d'heures de travail au développement d'une pêche durable du sébaste pour la flotte côtière. Notre syndicat a travaillé avec les pêcheurs grâce au financement du Fonds des pêches de l'Atlantique pour mettre au point des modifications et des pratiques durables en matière d'engins de pêche afin d'éliminer les prises accessoires de flétans de l'Atlantique, et de faire preuve d'une bonne gestion des océans.
Pour conclure, sans pêche alternative, toute réduction de l'accès à la crevette nordique a un effet direct et préjudiciable sur les communautés de la côte ouest et de la côte nord-ouest de notre province. La flottille de chaluts à panneaux à crevettes du golfe du Saint-Laurent 4R a la capacité, ainsi que nos collègues, que vous avez entendus ici, de remplir la totalité du quota de sébaste. C'est l'innovation liée à la pêche expérimentale qui rend tout cela possible.
Bref, nous pensons qu'un renversement de cette décision est justifié pour garantir que les stocks de poissons sont gérés au bénéfice des personnes qui vivent à proximité de la ressource, pour le mieux-être des communautés et des travailleurs canadiens.
Je vous remercie.
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Bien sûr. Merci pour votre question, monsieur Small.
J'ai indiqué que cette flotte constituait la base de la pêche dans la péninsule septentrionale depuis de nombreuses années et qu'elle assurait la majeure partie, voire une bonne partie, du processus de transformation.
Comme vous le savez probablement, mais je me contenterai de le souligner, les stocks de crevettes ont connu un déclin précipité. Pour citer notre président, M. Rendell Genge, qui a été l'un des premiers pêcheurs de crevettes dans le golfe à la fin des années 1960, même si nous avons constaté un déclin au cours des 18 derniers mois, personne n'aurait jamais pu imaginer que la chute aurait été aussi rapide.
Les gens ont emprunté aux institutions financières à partir de leurs épargnes. Certains d'entre eux ont fait des investissements il y a quelques années pour essayer de rester et de s'assurer un avenir lorsque le MPO a mis en œuvre l'idée de combiner les entreprises.
J'ai eu des conversations avec pratiquement chacune de ces personnes en tant que groupe ou sur une base personnelle. De nombreuses personnes ne passeront pas le cap de 2024 sans aide. D'autres n'y parviendront peut-être pas de toute façon. La situation est très sombre. Pour un groupe de pêcheurs fiers, car comme vous l'avez dit, il s'agit de gens qui ont soutenu leurs communautés et leur région pendant si longtemps, la situation actuelle est particulièrement difficile. Je veux vous le dire, ayant travaillé avec eux pendant 20 ans de ma carrière.
Écoutez, je ne dispose que de six minutes et je veux m'assurer que mon message est compris. Il faut que vous disiez ce dont vous avez besoin. Je comprends qu'un rachat de permis, comme vous l'avez dit, ne réglera pas nécessairement tous les problèmes. Nous voulons garder ces gens dans l'industrie, comme les hommes et les femmes de pont et les travailleurs d'usine, notamment. Il faut tenir compte de tout ce monde.
Monsieur Robert, vous avez mentionné que la ministre aurait eu de la difficulté à prendre une décision autre, parce qu'elle devait respecter les parts historiques. Je pense que vous savez très bien aussi que les ministres disposent d'une certaine latitude.
Je veux faire la part des choses et que vous sachiez, messieurs Bernatchez et Spingle, que ce n'est pas du tout une attaque contre les crevettiers. Je veux juste que nous dressions un portrait global de ce qui pourrait arriver dans l'avenir. Supposons que la pêche à la crevette ferme et que, dans 15 ans, elle revienne en grande force et on pêche des centaines de milliers de tonnes de crevettes, voire plus encore. Est-ce que le futur ministre des Pêches et des Océans pourrait dire qu'il respectera les parts historiques, mais qu'il donnera aussi 10 % des quotas de crevette aux crabiers ou aux homardiers qui sont en difficulté, comme on vient de le faire pour le sébaste avec les crevettiers?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie nos précieux témoins.
Monsieur Bernatchez, j'ai trouvé votre portrait de la situation depuis 2016 très intéressant. Ça fait longtemps qu'on voit venir les différents éléments qui composent cette crise que vivent les pêcheurs en ce moment, particulièrement au Québec, mais aussi dans les Maritimes, à certains égards. On constate à quel point la façon de faire du ministère des Pêches et des Océans ne fonctionne plus, qu'il s'agisse du système actuel de répartition des quotas ou de la façon dont le ministère tient compte des mesures ou des connaissances locales. On est confronté à cette réalité. À cet égard, les commentaires de M. Robert étaient très intéressants. Il disait qu'il fallait absolument s'appuyer sur la résilience, particulièrement chez les pêcheurs côtiers.
À la lumière de ce qu'ont dit certains scientifiques, je me demande si on n'a pas besoin de faire un travail de fond sur le système de répartition des quotas, les critères et les parts historiques, alors que nous sommes dans un contexte marqué par des changements importants, notamment dans le climat, dans la biomasse, et dans les prédateurs, dont certains se cannibalisent entre eux, apparemment, tellement ils sont nombreux.
Dans ce contexte, pour sauver les pêches, pour sauver le bateau, n'est-il pas nécessaire de se pencher sur une nouvelle façon de faire?
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Si on ne le fait pas, on va tous contribuer au déclin du secteur des pêches au Canada.
La culture générale dans ce secteur est la même qu'à l'époque, avant Jacques Cartier, où les Basques venaient au Canada pêcher autant qu'ils pouvaient afin de remplir leurs bateaux avant de retourner avec leur cargaison en Europe. Cette culture de quantité existe encore aujourd'hui: on veut ramener à quai des bateaux pleins pour remplir des usines, puis des conteneurs et expédier les produits de notre pêche un peu partout dans le monde. Nous n'avons pas appris du passé. Nous sommes en train de répéter les mêmes erreurs.
Présentement, la délivrance de permis auxquels on a accordé de la valeur est devenue le principal problème des entreprises de pêche. Ici, le long de la côte, certains permis se vendent à des prix ridiculement élevés. Ça n'a aucun bon sens d'avoir à payer de telles sommes pour exercer un métier. De plus, j'entends aujourd'hui des choses qui m'amènent à penser qu'on ne prend même pas la peine d'avoir une vision globale de la situation.
Tantôt, on parlait de récupération des engins fantômes et on disait que ce serait une bonne idée d'envoyer les crevettiers faire ce type de travail. Nous pourrions le faire, oui, mais il y a déjà des flottilles qui font ce travail dans le cadre de programmes existants. On est donc en train de dire qu'on va essayer de régler un problème en en créant un autre.
Prenons le temps de nous arrêter. Prenons le temps d'examiner la situation de façon globale et d'avoir une fois pour toutes une approche écosystémique dans le monde des pêches. Ça va permettre aux décideurs d'adhérer au concept de gestion intégrée. De même, écoutons une fois pour toutes la science et l'industrie, et sortons le politique des décisions qui sont prises dans le monde des pêches au Canada.
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Madame Desbiens, je suis un peu désemparé à ce sujet.
Nous étions contents lorsque notre ministre actuelle des Pêches et des Océans a été nommée. Elle est de chez nous et elle connaît bien le milieu des pêcheurs, puisqu'elle y a grandi. Je me plaisais alors à dire — et Jean Lanteigne pourrait le corroborer, tout comme Jason Spingle — qu'elle allait favoriser les communautés côtières dans ses annonces. Or, encore aujourd'hui, je ne peux pas croire que l'annonce qu'elle a faite le 26 janvier était la sienne. C'est à ce point.
Pour répondre à votre question, je crois qu'il y a des gens qui comprennent. Toutefois, quand vient le temps de prendre des décisions, quels sont les intérêts qui sont pris en compte? Est-ce que ce sont des intérêts économiques, sociaux? A-t-on à cœur de continuer à occuper le territoire de ces communautés qui sont dispersées dans l'est du pays? Est-ce qu'on se concentre sur les diverses couleurs de la carte électorale du Canada, rouge, bleu, jaune ou autre, en vue des prochaines élections? Où en est-on, au Canada, sur ce plan? Quel sérieux donne-t-on à l'incidence réelle qu'ont les pêcheries dans nos communautés?
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Oui, elles en ont tout à fait la capacité. Je me suis entretenu avec des transformateurs. Ces usines ont la capacité, moyennant un investissement raisonnable dans la machinerie, et les travailleurs ont l'expertise nécessaire pour transformer les mollusques et crustacés ou les poissons de fond.
Nous avons ces usines, comme celle de Port au Choix, qui est probablement la première usine de transformation de la crevette à Terre-Neuve‑et‑Labrador. Plus de 100 travailleurs y sont employés. Le sébaste pourrait se trouver là‑bas du mois d'août — c'est vraiment la période principale — jusqu'en janvier ou février. On parle de travail presque à temps plein pendant la plus grande partie de l'année, surtout en ce qui a trait au sébaste.
Je vous remercie beaucoup d'avoir posé la question. Je tiens également à dire qu'il y a eu une pêche expérimentale dans l'une de nos usines — nous ne représentons pas des membres dans toutes les usines — et nous avons reçu un appel il y a quelques jours d'un président de Beothic Fish Processors Limited, sur la côte Nord-Est. Son usine a acheté une partie des prises expérimentales de sébaste en décembre dernier. Cela a été réellement profitable pour certains travailleurs, compte tenu du report de la pêche au crabe et de tout ce qui s'est passé cette année.
Nous avons les usines, les bateaux et l'expertise. La grande difficulté, ce serait du côté de Port aux Basques, parce que nous n'avons pas à parcourir des centaines de milles ici. On parle de trois ou quatre heures de navigation. C'est le temps passé à bord de ces bateaux, qui se déplacent à une vitesse d'environ 10 nœuds. Nous sommes sur les lieux de pêche. Il sera extrêmement difficile de se tenir près de Port aux Basques par une journée claire et de voir des chalutiers-usines congélateurs.
Par ailleurs, je crains — et je ne serais pas du tout surpris, d'où la nécessité de remédier à la situation — que les gens qui vont pêcher en haute mer évitent d'utiliser l'un des chalutiers-usines congélateurs qui pêchent déjà dans le Canada atlantique. Ils chercheront à en faire construire un ou à en acheter un à l'étranger pour 150 millions de dollars et, en plus, ils demanderont probablement de l'argent au gouvernement pour le financer.
Si vous allez à Port au Choix, à Rivière‑au‑Renard ou à Caraquet, vous verrez les bateaux qui sont là et prêts à être utilisés, pour peu qu'on effectue quelques investissements mineurs ou un investissement raisonnable dans l'équipement — un nouveau filet, peut-être un nouveau sondeur ou, comme on l'a dit tout à l'heure, un petit ajustement sur le pont — pour apporter ce poisson de qualité à ces usines et abandonner progressivement la pêche à la crevette.
Comme dernière remarque, je dirais que ce n'est peut-être pas autant qu'une livre. J'en suis conscient. Je pense que M. Robert a soulevé un bon point. C'est pourquoi nous avons besoin d'un plan de transition comme celui qui était en place pour l'industrie automobile il y a quelques années. Lorsque j'écoutais la télévision, je me disais que GM et Ford — sans vouloir cibler l'une ou l'autre — seraient fichues si elles n'obtenaient pas l'investissement du gouvernement. Elles le méritaient et elles ont fini par s'en prévaloir, comme il se devait, après quoi elles sont revenues sur la bonne voie. Ce sont des choses qui arrivent dans les grandes industries.
À mon sens, c'est à cela que servent nos gouvernements, mais pourquoi réinventer la roue? Nous avons tout en place pour bien faire les choses, comme M. Bernatchez l'a expliqué très clairement. Au lieu de dire que vous ne voyez pas d'avenir pour ces collectivités... Si c'est ce que pensent les gens qui prennent ces décisions, qu'ils le disent. Sinon, travaillons ensemble et faisons une transition qui nous permettra de maintenir une bonne économie et d'assurer notre mode de vie.
Je vous remercie.
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Ces usines représentent souvent la seule source d'emplois dans ces collectivités, et n'importe qui dirait qu'elles contribuent à des centaines de milliers ou à des millions de dollars en revenus et en recettes fiscales grâce à leurs activités. Ce que vous verrez, c'est le déclin non seulement de la collectivité où se trouve l'usine, mais aussi des localités avoisinantes. Il y a une détérioration de toutes les infrastructures et du tourisme, et je suis d'accord pour dire que le tourisme est très important.
Nous sommes allés à la démonstration. Je suis déjà allé sur la rive sud de la Gaspésie, mais nous avons contourné la pointe nord. Mes collègues m'ont dit à quel point c'était beau, mais je dois dire que c'est aussi spectaculaire que certaines régions de Terre-Neuve, par exemple. Si des endroits comme Rivière‑au‑Renard, Port au Choix et bien d'autres disparaissent de la carte, aurez-vous une économie touristique florissante? Je dirais que non. Il y aura un déclin.
Tout cela forme un ensemble. Tout cela s'inscrit dans un mode de vie. Sans vouloir être trop philosophique, je pense que nos villes sont formidables, et j'adore les visiter, et je sais qu'il y aura une certaine transition, mais notre pays s'en porte mieux grâce à nos collectivités rurales. Dans certaines d'entre elles, l'activité principale est la pêche. Dans d'autres, c'est l'exploitation minière. Dans d'autres encore, c'est la foresterie. Le Canada est ainsi un bien meilleur pays, et nous ne pouvons pas nous permettre de perdre cela. Cette décision indique quelque chose de différent, ici, et je ne suis pas certain que des gens en soient conscients.
Je vous remercie.
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Si vous me permettez, monsieur le président, de parler de la motion que je propose, étant donné que l'importante étude que nous menons actuellement sur le sébaste a en fait interrompu notre étude d'urgence sur la civelle, je veux m'assurer que nous y reviendrons, et je vais donc proposer une motion qui réitère la motion que nous avons déjà adoptée en ce qui concerne les témoins à comparaître, à savoir la GRC, l'Agence des services frontaliers du Canada et l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Nous avons également demandé la présence de la dans cette motion, que nous avons tous adoptée à l'unanimité. J'ajouterais qu'un certain nombre de personnes nous ont écrit depuis, et qu'il y a des dénonciateurs en lien avec ces affaires qui aimeraient comparaître en public.
Sur ce, j'aimerais proposer la motion suivante:
« Que, compte tenu que le Comité a adopté une motion demandant une étude d'urgence pour examiner le plan du MPO visant à prévenir la violence dans la pêche à la civelle, le Comité accepte de : (a) renouveler son invitation à Erin O’Gorman, présidente de l’Agence des services frontaliers du Canada, chargée de prévenir l’exportation illégale de civelles à nos frontières; (b) renouvelle son invitation au commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, Mike Duheme, à titre d'organisation responsable des services de police contractuels en Nouvelle-Écosse; (c) renouvelle son invitation au ministre des Pêches et des Océans à participer à cette étude d'urgence pour examiner les plans ministériels visant à prévenir la violence répétée dans la pêche à la civelle et l'exportation illégale de civelles; »
... avec un peu de chance, la se présentera cette fois...
« (d) de donner la priorité à cette étude lors des prochaines réunions régulières, jusqu'à ce qu'elle soit achevée, »
... je pense que ce serait pour les deux prochaines réunions lorsque nous reviendrons en mars, et ces réunions incluraient également la comparution...
« (i) des dénonciateurs travaillant dans le secteur de la pêche illégale de la civelle et connaissant les opérations de ce secteur ainsi que les éléments du crime organisé, à huis clos ;"
... je pense que nous avons tous reçu des courriels de la greffière, distribués à ces témoins...
« (ii) des représentants de l'Agence canadienne d'inspection des aliments; »
... dont le témoignage du ministère lors de notre première réunion a montré qu'elle certifiait les exportations de civelles depuis l'aéroport de Toronto, alors que ces exportations étaient illégales...
« (e) et que le Comité reprenne les travaux inscrits à l'ordre du jour après l'achèvement de l'étude urgente sur la civelle que nous avons interrompue par l'étude sur le sébaste. »
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Ce n'est pas le sujet lui-même. Je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir permis de faire la part des choses. C'est juste qu'on a ajouté une formulation différente à ce point.
Je voudrais clarifier ce qui est demandé ici. Si j'ai bien compris, la motion d'urgence initiale à ce propos prévoyait deux réunions, ce que le Comité a accepté. J'avais cru comprendre que l'intention était d'organiser la réunion déjà convenue, avec une première moitié pour les forces de l'ordre et une seconde moitié pour les dénonciateurs.
Cela dit, si nous parvenons à faire venir la , et je tiens à souligner que ce serait formidable de la voir ici... Elle ne vient pas à nos réunions autant que je le souhaiterais. Bref, si nous parvenons à la faire venir pour parler de cette importante question, je serais sans doute en faveur de l'ajout d'une heure supplémentaire. Idéalement, étant donné que la ministre a déjà été invitée à venir pour le budget supplémentaire des dépenses, il serait formidable qu'elle puisse rester pour toute la réunion, au lieu de se limiter à l'heure prévue pour le budget supplémentaire des dépenses.
Je voudrais juste clarifier les choses, car l'auteur de la motion parle des « deux prochaines réunions ». S'agit‑il effectivement de deux réunions? Comment faut‑il voir cela? La formulation de la motion elle-même est très générale. Elle dit simplement qu'il faut « donner la priorité à cette étude lors des prochaines réunions régulières ». Je pense que nous devons cerner clairement ce à quoi nous consentons avec cette formulation.
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Bien sûr, ce sont de bons points.
L'idée tout à fait convenable — l'idée de la motion originale, que cette motion reprend — était que la viendrait avec des fonctionnaires, sauf qu'elle ne s'est pas présentée. Nous n'avons vu que des fonctionnaires. C'est comme cela que les choses se seraient passées dans un segment. Malheureusement, ce n'est pas ce qui est arrivé, puisque les seuls à comparaître étaient des fonctionnaires.
Normalement, nous aurions eu la et les fonctionnaires pendant une heure, puis les fonctionnaires seuls. C'est ce qui aurait dû se passer. Ensuite, selon le plan, la deuxième réunion aurait été celle où nous aurions reçu les forces de l'ordre sollicitées, mais ce n'est pas ce qui s'est passé.
L'idée est que lors des deux réunions de mars, la première heure soit consacrée à ce que j'appellerais les questions d'application de la loi avec, comme invités, l'Agence canadienne d'inspection des aliments, la Gendarmerie royale du Canada et l'Agence des services frontaliers du Canada. Je n'y ai pas inclus les représentants de la conservation et de la protection parce qu'ils étaient déjà présents avec les fonctionnaires du ministère. La deuxième heure de cette première réunion serait consacrée aux dénonciateurs. Puis, la deuxième réunion serait consacrée à la . Comme nous avons déjà fait trois ou quatre demandes à la ministre, nous pourrions consacrer une heure à la civelle, puis la deuxième heure au budget, une question dont nous devons de toute façon nous occuper, je pense, et mener à terme.
Voilà l'intention. Je l'ai rédigée de cette façon afin de donner une certaine marge de manœuvre à la greffière en ce qui a trait au façonnement du programme. Vous allez peut-être me demander des précisions, mais disons que cela explique l'intention de la motion.
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... et une heure avec la avec, pour sujet, le budget supplémentaire des dépenses.
Je comprends le compromis que vous essayez de proposer.
Je retourne à... Je ne sais pas si je suis autorisé à le dire, parce que c'est lui qui préside, mais je reviens à ce qu'a dit le député Arnold lors de la dernière réunion au sujet de la difficulté que nous avons eue à faire comparaître la pour discuter de certaines questions. Nous lui avons envoyé un certain nombre d'invitations, mais elle n'est jamais disponible.
Nous savons que si elle est disponible le 21 pour une heure, elle peut l'être pour deux. Nous pourrons alors traiter au moins deux des trois ou quatre sujets pour lesquels nous lui avons demandé de comparaître, avec les résultats qu'on connaît. Je pense que ce n'est pas beaucoup demander. Elle est depuis l'été et elle n'est venue ici qu'une fois, et ce n'était que pour une heure, ce qui, à mon avis, n'est pas suffisant pour assurer la responsabilité ministérielle devant le Parlement.
Je préférerais que les dénonciateurs comparaissent pendant une heure, que les responsables de l'application de la loi comparaissent pendant une heure, et que la ministre passe deux heures avec nous lors de la deuxième réunion, soit une heure sur la civelle et une heure sur le budget supplémentaire des dépenses.
C'est mon...