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Je déclare cette séance ouverte.
Bienvenue à la réunion numéro 71 du Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes. Cette réunion se déroule en format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022.
Avant que nous commencions, j'aimerais rappeler à tous de formuler leurs observations par l'entremise de la présidence.
Conformément à la motion pour affaires courantes du Comité concernant les tests de connexion pour les témoins, j'informe les membres du Comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis préalablement à la réunion.
Avant de commencer à entendre les témoignages, nous avons un point à régler rapidement au Comité, et j'aimerais le faire maintenant plutôt que plus tard.
Deux budgets d'étude ont été distribués aux membres plus tôt aujourd'hui. Le Comité est‑il d'accord pour adopter le budget proposé de 2 000 $ pour la séance d'information du MPO sur le rapport 21 de la 42e législature?
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M. Morrissey en a fait la proposition. Quelqu'un s'y oppose‑t‑il?
D'accord, nous considérons que ce point est adopté et nous passons maintenant à nos témoins.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 20 janvier 2022, le Comité reprend l'étude des investissements étrangers et de la concentration des entreprises en matière de permis et de quotas de pêche.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre premier groupe de témoins. Nous accueillons Duncan Cameron, directeur de la British Columbia Crab Fishermen's Association.
Représentant le Bureau de la concurrence, nous recevons Brad Callaghan, sous-commissaire délégué, Direction de la politique, de la planification et de la promotion, Anthony Durocher, sous-commissaire, Direction générale de la promotion de la concurrence, et Pierre-Yves Guay, sous-commissaire délégué, Direction des cartels.
Nous allons maintenant céder la parole à notre premier témoin pour au plus cinq minutes.
Allez‑y, monsieur Cameron, je vous prie.
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Bonjour, mesdames et messieurs les députés et monsieur le président.
Je suis Duncan Cameron. Je suis un pêcheur de la quatrième génération et je suis devant vous aujourd'hui en tant que représentant de la B.C. Crab Fishermen's Association. Notre conseil d'administration est composé de représentants élus des différentes zones de gestion de notre côte. Nos zones sont numérotées de la même manière que les districts de pêche au homard le sont sur la côte Est. Toutefois, tous les trois ans, nous pouvons choisir des zones différentes. Tous nos administrateurs sont des pêcheurs de crabe actifs.
La pêche du crabe dormeur est la pêche la plus précieuse de la Colombie-Britannique et dispose d'outils de surveillance parmi les plus avancées au monde. Cette pêche a été la première en Amérique du Nord à introduire la surveillance vidéo conjointement avec des casiers scannés par identification par radiofréquence, un algorithme de vitesse GPS et des conditions solides pour le permis afin d'atteindre les objectifs de conservation.
Malheureusement, nous sommes confrontés actuellement à un problème urgent qui menace les fondements de notre industrie. La capacité des transformateurs, des intérêts étrangers et des grandes sociétés à acquérir des permis de pêche sape directement la conservation de nos espèces, les efforts de réconciliation et la valeur au débarquement de nos prises. Depuis 2018, nous plaidons pour que le MPO limite la propriété des permis uniquement aux initiatives de pêche des Premières Nations et aux pêcheurs individuels, mais malheureusement, nos demandes sont restées sans réponse.
Notre demande de changement de politique crucial a été et est motivée par les processus de réconciliation en cours et les directives des tribunaux visant à accorder aux Premières Nations l'accès à la pêche. L'accord-cadre pour la réconciliation signé entre les Premières Nations côtières et le gouvernement du Canada, ainsi que l'affaire Ahousaht affirmant les droits de pêche, ont indiqué l'utilisation du mécanisme de vente de gré à gré.
Lorsque la Première Nation Ahousaht a obtenu ses droits sur le crabe grâce à sa décision d'appel, le gouvernement canadien a reçu l'ordre de racheter aux pêcheurs actifs l'équivalent de l'accès octroyé à Ahousaht. Cependant, comme les entreprises de transformation ont pu rivaliser pour l'achat des permis, seuls quelques permis ont été rétablis et, au lieu de cela, un grand nombre d'entre eux ont été rachetés par des entreprises de transformation. Le ministère n'a rien fait pour rendre les permis disponibles et n'a pas pris de mesures, nous laissant en subir les conséquences.
Cette inaction a eu des conséquences négatives à bien des égards. L'accès a été réattribué sans mesures d'atténuation appropriées pour les pêcheurs existants, ce qui a donné lieu à des tensions entre les pêcheurs autochtones et non autochtones. Les ventes illégales ont prospéré, en particulier pendant les saisons de pêche au crabe dans des zones d'importance biologique, et l'accès des Premières Nations en dehors du territoire d'Ahousaht a été dilué car les pêcheurs se sont déplacés vers d'autres zones lors de la resélection triennale.
Il est essentiel de reconnaître que les transformateurs peuvent sécuriser les produits de la mer par d'autres moyens, tels que le développement de nouveaux marchés, l'offre de services et de prix compétitifs ou l'établissement de partenariats avec les Premières Nations pour l'accès. Toutes ces voies mènent à des résultats positifs pour la pêche et les communautés côtières. Les installations de transformation nécessaires à la pêche au crabe sont beaucoup plus simples et moins coûteuses que celles utilisées pour les poissons à nageoires et d'autres espèces. C'est la raison pour laquelle nous avons beaucoup plus d'installations de transformation pour le crabe que pour d'autres espèces.
De même, les investisseurs peuvent injecter des fonds dans l'industrie des produits de la mer en investissant dans les infrastructures ou dans d'autres secteurs de l'industrie maritime, à la recherche d'un rendement sur l'investissement de notre économie océanique. Cependant, les pêcheurs dépendent des permis de pêche pour accéder à leurs moyens de subsistance et les exercer.
Le MPO et d'autres organismes de la région du Pacifique ont fait croire que la politique d'octroi des permis était influencée par les différents objectifs de conservation de la Colombie-Britannique, ce qui est tout à fait faux. Rien n'est plus faux. La détention de permis de pêche dans la majorité des pêcheries n'a rien à voir avec la conservation et n'est pas un outil de gestion de l'effort de conservation. Nous gérons la conservation au moyen de fermetures spatiales, de restrictions de levées de casiers, de limites quant au nombre de casiers et à la taille des casiers, de restrictions sur les appâts et sur la taille du crabe, de prélèvements biologiques et de nombreux autres outils. Nous n'utilisons pas la propriété ou la transférabilité des permis pour atteindre les objectifs de conservation.
Un autre argument que l'on soulève souvent contre ce changement est que les problèmes d'accès, tels que les zones marines protégées, sont beaucoup plus préoccupants pour les pêcheurs que la propriété des permis. Bien que les zones maritimes protégées soient une préoccupation sérieuse et que nous la partagions, deux choses peuvent être vraies à la fois: nous devons avoir accès aux zones de pêche et nous devons voir les avantages économiques de la pêche.
Une partie plus fallacieuse de cet argument consiste à faire fi du fait que la propriété des permis est directement liée aux décisions en matière d'accès. Dans l'exemple des zones marines protégées, ZPM, nous pouvons voir que lorsque les Premières Nations possèdent l'accès et que les communautés environnantes bénéficient de la pêche, les zones protégées proposées comptent beaucoup moins de zones interdites à notre pêche au crabe. La logique est simple: lorsqu'un membre d'une communauté perçoit les avantages d'une pêche durable, il est moins enclin à nous imposer des restrictions.
Pour conclure, nous faisons les recommandations suivantes:
Premièrement, il faut restreindre immédiatement la vente de permis aux pêcheurs et aux Premières Nations. Deuxièmement, il faut consacrer davantage de ressources à cet enjeu dans la région du Pacifique afin de concrétiser les avantages socioéconomiques de la pêche, et en particulier des ressources humaines. Troisièmement, il faut renforcer la surveillance réglementaire des sociétés de courtage en bateaux de pêche commerciale et en permis, car en dehors de la pêche commerciale au crabe, il n'y a pratiquement qu'une seule société de courtage.
Je vous remercie du temps que vous m'avez consacré.
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Monsieur le président, membres du Comité, bonjour.
Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui.
Je suis Brad Callaghan, sous-commissaire délégué de la Direction de la politique, de la planification et de la promotion, au Bureau de la concurrence. Je suis accompagné aujourd'hui de mes collègues Pierre‑Yves Guay, sous-commissaire délégué de la Direction des cartels, et Anthony Durocher, sous-commissaire de la Direction générale de la promotion de la concurrence.
Le Bureau est un organisme indépendant d'application de la loi qui protège la concurrence et en fait la promotion au bénéfice des consommateurs et des entreprises du Canada. Nous sommes responsables de l'administration et de la mise en application de la Loi sur la concurrence du Canada, une loi d'application générale qui s'applique à tous les secteurs de l'économie. Nous enquêtons sur les abus de position dominante, les fusions anticoncurrentielles, la fixation des prix et les pratiques commerciales trompeuses. Le Bureau fait également la promotion de règles et de règlements gouvernementaux favorables à la concurrence.
L'application de la Loi fondée sur des données probantes est au cœur de ce que nous faisons, au Bureau, ce qui exige que nos actions soient fondées sur des données probantes crédibles qui peuvent résister à un examen judiciaire.
Il est important de reconnaître que nous sommes un organisme d'application de la loi, et non des arbitres. La Loi sur la concurrence exige que nous respections plusieurs seuils et normes, comme prouver qu'il y a eu un préjudice important à la concurrence. Peu importe notre volonté de présenter une cause, nous sommes guidés par les décisions du Tribunal de la concurrence et celles des tribunaux.
[Traduction]
J'aimerais faire deux brèves observations au sujet de l'objet de l'étude du Comité sur les investissements étrangers et la concentration des entreprises en matière de permis et de quotas de pêche afin d'aider à situer le Bureau de la concurrence à ce sujet.
Premièrement, en ce qui concerne les investissements étrangers, il est important de comprendre que notre analyse est axée sur la protection et la promotion de l'intensité de la concurrence dans son ensemble. La nationalité des entreprises qui apportent cette concurrence ne fait pas partie de notre cadre. Ces considérations relèveraient généralement d'autres mandats, dont l'examen de la Division de l'examen d'Innovation, Sciences et Développement économique, ISDE, en vertu de la Loi sur Investissement Canada.
En ce qui concerne la concentration des entreprises, le Bureau n'évalue pas régulièrement les niveaux globaux de concentration ou l'état de la concurrence dans certains marchés. Dans le cadre de son travail d'application de la loi, le Bureau examine au cas par cas les comportements ou les allégations. Par exemple, nous examinerions si une fusion précise entre deux entreprises aurait pour effet d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence dans un marché donné.
Avant de répondre à vos questions, je tiens à souligner que la loi exige du Bureau qu'il mène des enquêtes en privé et garde confidentiels les renseignements dont il dispose. Cette obligation peut nous empêcher de discuter de certaines enquêtes passées ou actuelles.
Je tiens à remercier le Comité de nous donner l'occasion de comparaître aujourd'hui. Nous avons hâte de répondre à vos questions.
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Je dirais que la demande est si forte que vous n'auriez presque pas à vous en préoccuper.
Ce gouvernement a donné des centaines de millions de dollars à CFN en particulier. Il y a beaucoup de capitaux qui rendraient ce processus assez transparent. J'imagine que les prix vont baisser un peu, éventuellement, mais je ne pense pas qu'il y aura un grand écart.
Je pense que Paul Kariya a été assez direct lorsqu'il a témoigné ici. On leur a donné beaucoup d'argent pour acheter des permis, et s'ils n'ont pas la capacité et l'offre pour acheter des permis, l'accès sera exproprié directement vers eux, et c'est donc une préoccupation beaucoup plus importante en ce qui concerne les évaluations des permis que de restreindre qui pourrait les acheter.
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Je vous remercie, monsieur Cameron.
Monsieur Callaghan, l'intégration verticale est devenue une réalité et une nécessité économique, je suppose, dans l'industrie de la côte. Vous avez dépensé beaucoup d'argent pour une installation de traitement et vous voulez évidemment le matériel qui y entre.
À cela s'ajoute le fait que de nombreux pêcheurs obtiennent des quotas ou des permis par l'entremise d'un transformateur et qu'ils sont ensuite liés à ce transformateur pour lui vendre leurs produits. Le prix est fixé avant le début de la saison, et le pêcheur est payé en fonction du marché ou de ce que le transformateur est prêt à lui payer après coup.
Ce scénario ne préoccupe‑t‑il pas le Bureau de la concurrence?
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Je vous remercie de la question.
J'aimerais d'abord préciser que la nationalité d'une compagnie n'a vraiment pas d'incidence sur notre travail. Ce qui est important pour nous, c'est vraiment la concurrence.
Quand une transaction ou une fusion est proposée, la première chose à vérifier d'habitude, c'est si les seuils financiers sont dépassés. J'ai abordé ce sujet plus tôt. Si les seuils financiers sont dépassés, les compagnies doivent donner un préavis au Bureau de la concurrence. D'une part, cela nous permet d'obtenir l'information nécessaire pour faire une révision afin de nous assurer qu'il n'y a pas de problèmes de concurrence. D'autre part, cela nous donne un peu de temps pour réviser les faits avant que les parties puissent clore la transaction.
Cela étant dit, le Bureau peut réviser des transactions même si elles ne dépassent pas les seuils financiers, et ce, pour s'assurer qu'il n'y a pas de problèmes de concurrence. Nous avons une équipe qui se charge d'obtenir des renseignements dans le marché de façon à ce que nous soyons au courant des fusions pouvant être problématiques. Par ailleurs, il arrive souvent que des tierces parties, que ce soit des consommateurs ou des fournisseurs, nous soumettent des plaintes pour nous aviser d'une transaction qui leur semble problématique. Dans de tels cas, nous révisons les faits et déterminons si nous voulons entamer une révision de la transaction.
La révision de la transaction implique des entrevues et de la révision de documents. Il arrive parfois que nous engagions des experts, au besoin. Une fois ce processus terminé, pour pouvoir agir, il nous faut déterminer s'il y a un obstacle à la concurrence ou une diminution marquée de celle-ci. C'est ce qui constitue le seuil.
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Un peu. En fait, c'est vraiment un seuil juridique. C'est inclus dans notre loi.
Il est relativement rare que, dans le cadre de nos révisions, nous déterminions qu'il y a des problèmes en matière de concurrence, mais, quand c'est le cas, cela peut être très sérieux et avoir d'importantes répercussions sur une industrie. Nous pouvons alors soumettre notre dossier au Tribunal de la concurrence, soit pour bloquer la transaction, soit pour demander un dessaisissement d'actifs en vue de corriger le problème de concurrence.
Nous pouvons aussi entamer des négociations avec les compagnies et en venir à une entente à l'amiable, que nous appelons un consentement. Nous déposons alors cette entente devant le Tribunal de la concurrence. Il s'agit vraiment d'une entente à l'amiable, mais les...
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Je dirais que nous sommes vraiment les champions de la concurrence au Canada. L'un de nos rôles, comme M. Callaghan l'a mentionné, est de donner des avis proconcurrentiels à tous les ordres de gouvernement.
Notre rôle est surtout de promouvoir la conformité avec les lois sur la concurrence. Nous faisons beaucoup d'activités avec des petites, moyennes et plus grosses entreprises pour nous assurer qu'elles comprennent quels sont les enjeux en matière de conformité et quel est notre rôle, et ce, afin qu'elles soient en mesure de nous transmettre des plaintes si elles pensent voir de l'activité anticoncurrentielle dans un marché ou des cartels potentiels.
Nous avons donc un rôle d'éducateur. En ce sens, pour nous, une bonne pratique consiste à nous assurer que toutes les entreprises sont en conformité avec la loi et savent déceler des comportements ou des agissements possiblement anticoncurrentiels pour que, le cas échéant, nous puissions faire enquête et...
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Merci, monsieur le président. Je suis heureux de vous voir en bonne forme à Conception Bay South.
Je remercie les témoins de s'être libérés pour participer à cette très importante étude.
Ma question s'adresse à M. Guay.
De nombreux témoins ont indiqué, en particulier par rapport à la Colombie-Britannique ou à Terre-Neuve, que les acheteurs et transformateurs de fruits de mer fonctionnent comme des cartels ou agissent en collusion pour l'achat des produits des pêcheurs, lorsqu'ils cherchent à obtenir ces produits.
Comment définiriez-vous les termes « cartel » ou « collusion » dans ce genre de contexte entre acheteurs?
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M. Durocher a mentionné le processus de déclaration obligatoire relatif aux fusions. Le Bureau a évidemment une capacité générale de collecte de renseignements. Ces renseignements peuvent provenir de nos autres activités. Nous avons d'ailleurs accru notre fonction de renseignement pour veiller à être au fait des questions de concurrence sur les marchés.
Les plaintes sont évidemment un aspect important que nous pourrions examiner. Nous avons des moyens précis de détecter certaines pratiques mentionnées plus tôt, comme celles des cartels, parfois parmi les plus difficiles à détecter. Je vais laisser mon collègue, M. Guay, ajouter ce qu'il voudra, mais nous avons à cet égard un programme d'immunité sur lequel nous misons pour essayer d'encourager les membres de cartels à se manifester, étant donné que ce sont des choses très difficiles à détecter.
Nous misons sur la combinaison de tous ces éléments pour cerner les pratiques anticoncurrentielles.
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Notre mandat est très clair et simple: protéger et promouvoir la concurrence dans l'économie du Canada, dans tous les secteurs.
En ce qui concerne les ressources du Bureau de la concurrence, en 2021, le gouvernement les a grandement augmentées. Après 10 ans sans aucune augmentation, cela a été bien reçu.
Pour ce qui est de notre capacité à agir et à intervenir en cas de problèmes sur le plan de la concurrence, je précise qu'une révision de la Loi sur la concurrence du Canada est en cours, en vue de la moderniser. De manière générale, c'est un exercice assez important. S'il y a lieu que le Bureau de la concurrence intervienne dans un marché, il faut que la Loi lui donne les outils nécessaires pour faire enquête et pour agir rapidement afin de régler des problèmes liés à la concurrence, que ce soit en lien avec des fusions, des cas d'abus de position dominante ou de possibles cartels. Le présent exercice visant à moderniser la Loi sur la concurrence est très important pour s'assurer que le Bureau peut intervenir pour protéger et promouvoir la concurrence.
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Nous allons maintenant entamer la deuxième heure de notre réunion.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue au deuxième groupe de témoins.
Du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, nous accueillons tout d'abord Karl Van Kessel, directeur adjoint pour la politique commerciale sur l'investissement, Shendra Melia, directrice générale pour le commerce des services, la propriété intellectuelle et l'investissement et Callie Stewart, directrice exécutive pour la politique commerciale sur l'investissement. Nous accueillons également James Burnes, qui est le directeur principal pour la politique du ministère de l'Industrie.
J'aimerais vous remercier de comparaître devant nous aujourd'hui.
Vous disposerez de cinq minutes pour vos remarques liminaires.
J'ai cru comprendre que Mme Melia livrera les remarques liminaires de son ministère. Je ne sais pas si le représentant du ministère de l'Industrie comptait en livrer, mais si vous pouviez vous en tenir à environ six minutes, ce serait génial. Merci.
Allez‑y, je vous prie.
Mes collègues et moi-même sommes heureux de comparaître devant ce comité dans le cadre de votre étude sur la propriété étrangère et la concentration des entreprises en matière de permis et de quotas de pêche, afin de vous donner un aperçu des engagements du Canada en vertu des traités internationaux d’investissement et de vous aider dans vos travaux en cours.
L’Organisation mondiale du commerce n’établit que très peu de règles relatives à l’investissement. C’est pourquoi la majeure partie de mon allocution portera sur les traités internationaux d’investissement, c’est‑à‑dire les accords de promotion et de protection des investissements étrangers et les chapitres sur l’investissement dans les accords de libre-échange, qui couvrent essentiellement les mêmes domaines.
Tout d’abord, il est important de souligner que les engagements en matière d’investissement sont fondamentalement différents des engagements en matière d’accès au marché des biens, avec lesquels la plupart des gens sont probablement plus familiarisés.
L’objectif d’un traité d’investissement est de créer des conditions équitables pour les investissements et les investisseurs des deux parties au traité. Les parties à un traité d’investissement s’engagent donc à ne pas prendre certains types de mesures à l’encontre des investissements et des investisseurs de l’autre partie, quel que soit le secteur habituellement. Il est important de souligner que ces accords n’offrent pas de traitement préférentiel à ces investisseurs ou quelque niveau d’accès au marché canadien dans certains secteurs.
Les engagements de base que comporte un traité d’investissement sont les suivants: les parties ne peuvent pas discriminer les investisseurs de l’autre partie en raison de leur nationalité, que ce soit par rapport aux investisseurs canadiens ou aux investisseurs d’un pays tiers, exproprier ou nationaliser les investissements sans indemnisation équitable, traiter l’investisseur de l’autre partie d’une façon qui tombe en dessous d’un certain seuil déterminé dans le droit international coutumier appelé la « norme minimale de traitement des étrangers », imposer des exigences de nationalité aux cadres supérieurs d’une entreprise, ou encore imposer des exigences de rendement qui faussent les décisions des entreprises.
Enfin, les parties ne peuvent pas limiter le transfert transfrontalier de fonds liés à l’investissement.
Cela dit, chacun de ces engagements est circonscrit par une combinaison d'exceptions et de réserves soigneusement rédigées dans des domaines généralement sensibles pour le Canada ou le partenaire avec lequel la partie négocie.
Il est important de souligner que les parties aux traités d’investissement conservent leur droit de réglementer à l’échelle nationale pour atteindre des objectifs politiques légitimes, tels que la protection de l’environnement.
J’aimerais également préciser que, bien que les traités d’investissement du Canada soient globalement cohérents entre eux, chaque accord individuel peut comporter des différences qu’il serait presque impossible de résumer complètement ici aujourd’hui.
Lorsque nous négocions ces traités, nous examinons les mandats du cabinet et consultons les ministères et les agences concernés, les provinces et les territoires, ainsi que les parties prenantes, bien entendu.
Pour en revenir à la pêche en particulier, j'ai mentionné que les traités d’investissement ne garantissent pas un niveau précis d’accès au marché canadien.
Il y a plus de 20 ans, le Canada a également commencé à inclure dans ses traités d’investissement une exception en vertu de laquelle il conserve explicitement la possibilité d’établir une discrimination en fonction de la nationalité en ce qui concerne l’octroi de permis de pêche et d’autres activités liées à la pêche. En fait, cela signifie que le Canada peut accorder un traitement spécial aux investisseurs canadiens dans le secteur de la pêche qu’il n’accorde pas aux investisseurs de ses partenaires de traité.
Cette exception n’autorise toutefois pas la violation d’autres engagements conventionnels, tels que les garanties données aux investisseurs étrangers que leur investissement ne sera pas exproprié sans indemnisation équitable.
Enfin, tous les traités d’investissement, à l’exception de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique, comprennent un mécanisme de règlement des différends communément appelé règlement des différends entre investisseurs et États. Ce mécanisme permet aux investisseurs d’une partie d’intenter directement une action contre l’autre partie afin de faire respecter ces engagements devant un tribunal international. Toutefois, ce mécanisme ne peut pas obliger une partie à modifier sa législation nationale. Il ne peut qu’ordonner le versement de dommages-intérêts pécuniaires si un tribunal estime que ces dommages ont été entraînés par les violations présumées des obligations découlant du traité.
À cet égard, je tiens à souligner qu’aucun différend n’a jamais été porté contre le Canada en ce qui concerne les mesures relatives à l’industrie de la pêche.
En conclusion, les traités internationaux d’investissement du Canada n’offrent pas de traitement préférentiel aux investisseurs étrangers ou quelque niveau d’accès au marché canadien dans certains secteurs. Dans la plupart des cas, ces traités offrent explicitement au Canada la possibilité d’exercer une discrimination fondée sur la nationalité en ce qui concerne l’octroi de permis de pêche et d’autres activités liées à la pêche.
Je vous remercie de votre attention.
Je serai heureuse de céder le reste de mon temps à mon collègue.
:
Merveilleux. Je serai très bref. Merci beaucoup.
Bonjour à tous. Je m'appelle James Burns, et je suis le directeur responsable de la Loi sur Investissement Canada à ISDE. Nous appliquons cette loi au nom du gouvernement.
Je suis heureux d'être parmi vous pour vous appuyer dans le cadre de cette étude importante sur la propriété étrangère et la concentration des entreprises en matière de permis et de quotas de pêche.
[Français]
Aujourd'hui, je vais parler brièvement de la Loi sur Investissement Canada dans son ensemble, puis je répondrai aux questions des députés. Je comprends que tout le monde ne connaisse pas nécessairement à fond le fonctionnement de la Loi, alors je me permets d'en donner un aperçu.
La Loi joue un rôle important dans notre économie. Elle vise à faire du Canada une destination attrayante pour les investissements étrangers, grâce à notre régime réglementaire stable et transparent. Ce faisant, la Loi soutient la croissance économique, l'innovation et les emplois bien rémunérés, tout en protégeant la sécurité nationale du Canada.
[Traduction]
À un niveau élevé, la LIC prévoit l'examen des acquisitions importantes du contrôle d'entreprises canadiennes par des acteurs étrangers afin d'évaluer leur bénéfice net global pour le Canada. Elle prévoit également l'examen de tous les investissements étrangers pour des raisons de sécurité nationale.
Les examens sur les bénéfices nets sont axés sur l'impact économique des acquisitions du contrôle des entreprises canadiennes les plus importantes par des acteurs étrangers. On mène un tel examen si on dépasse un certain seuil financier. Cette année, ce seuil va de 512 millions de dollars pour les entreprises publiques à 1,9 milliard de dollars pour les investisseurs du secteur privé provenant de pays avec lesquels le Canada a conclu un accord de libre-échange.
Le Canada dispose d'une économie ouverte. Nous sommes une nation marchande. Notre pays est attrayant pour les investisseurs étrangers. De tels investissements sont essentiels à notre prospérité économique. Cela dit, nous avons ces seuils en place pour veiller à offrir une certitude réglementaire aux investisseurs et à faciliter l'investissement.
Dans un autre ordre d'idées, la LIC permet d'examiner les investissements étrangers susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale du Canada. Je tiens d'ailleurs à souligner que tout investissement étranger est assujetti à un examen pour des raisons de sécurité nationale, peu importe sa valeur ou son origine, y compris les investissements en installations nouvelles et les placements minoritaires. Le processus d'examen en matière de sécurité nationale se fait en consultation avec les agences nationales de renseignement et de sécurité. Les dispositions de cet examen s'appliquent à tous les secteurs, y compris le secteur de la pêche.
[Français]
Le gouvernement du Canada n'a pas hésité à prendre des mesures pour bloquer les transactions qui ne sont pas dans l'intérêt du Canada. Nous n'avons jamais compromis et ne compromettrons jamais la sécurité nationale du Canada.
[Traduction]
Notre rapport annuel fournit des statistiques utiles à propos de nos examens sur les bénéfices nets ainsi que des conseils sur l'utilisation de nos pouvoirs d'examen de la sécurité nationale. Je tiens à souligner qu'il y a eu plus de 30 ordonnances de blocage ou de dessaisissement et des retraits d'investisseurs au cours des cinq dernières années.
Nous nous sommes efforcés de faire preuve d'une plus grande transparence et d'offrir de meilleurs conseils aux investisseurs étrangers souhaitant investir dans des entreprises canadiennes. Par exemple, nos lignes directrices en matière de sécurité nationale contiennent une liste de facteurs dont nous tenons compte lors de nos examens de sécurité nationale. Nous tenons notamment compte des effets d'une transaction sur le transfert de technologies, de minéraux et de données personnelles sensibles.
En conclusion, je tiens à souligner que le gouvernement a déposé le projet de loi en décembre 2022 afin de moderniser les dispositions en matière de sécurité nationale de la Loi sur Investissement Canada. Le comité permanent de la science et de l'industrie est en train de l'étudier. Ces amendements ont pour objectif de veiller à ce que le Canada puisse répondre aux menaces évolutives pouvant survenir d'investissements étrangers tout en renforçant la transparence et l'efficacité du processus d'examen en matière de sécurité nationale.
Je vous remercie de votre temps, et je serai heureux de répondre à vos questions.
:
Merci pour la question, monsieur le président.
Je prends une minute pour expliquer davantage le type de dispositions dont je parlais.
D'abord, la plus évidente est cette qui prévoit explicitement, dans nombre de nos accords d'investissement, l'exclusion de l'octroi des permis de pêche et des activités liées à la pêche des engagements de non-discrimination. Ce sont des engagements relatifs au traitement national et au traitement de la nation la plus favorisée.
Les principaux accords de libre-échange du Canada, comme celui avec les États-Unis et le Mexique, le Partenariat transpacifique global et progressiste et l'Accord économique et commercial global, contiennent cette exclusion; les accords sur la promotion et la protection des investissements étrangers modernes aussi.
En termes pratiques, cela signifie que le Canada a l'entière souplesse stratégique d'accorder un traitement préférentiel aux investisseurs canadiens quant à l'octroi de permis pour les activités de la pêche, sans qu'il doive accorder le même traitement aux investisseurs d'autres pays.
Ensuite, nos accords d'investissement permettent au Canada d'accorder un traitement préférentiel aux investisseurs provenant d'un pays plutôt qu'un autre, lorsque nous avons négocié ce traitement préférentiel dans le cadre d'un traité international.
J'ai d'abord mentionné ce qu'on appelle le « traitement national ». Le second est ce qu'on appelle communément le « traitement de la nation la plus favorisée ». Ces protections ont été élaborées et négociées dans le contexte de nos accords commerciaux, en consultation avec Pêches et Océans Canada. Comme je l'ai mentionné dans mon allocution, quand nous négocions des accords commerciaux, nous consultons toujours les ministères et organismes pertinents, ainsi que les provinces, les territoires et les parties prenantes.
J'espère avoir répondu à votre question, monsieur Small.
:
Le traité d'investissement international principal qui gouverne nos échanges avec la Chine est celui que nous avons négocié, que l'on désigne comme un « accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers », ou APIE.
Généralement, cet accord contient plus ou moins les mêmes engagements que l'on trouve dans la plupart des traités d'investissement international du Canada. Parmi les différences notables, on remarque le fait qu'il ne garantit pas un traitement égal aux investisseurs canadiens et aux investisseurs chinois avant qu'un investissement soit effectué. Nous appelons cela le traitement antérieur à l'établissement, qui s'applique avant que l'entreprise s'établisse au Canada.
En ce qui concerne le traitement des pêches, l'APIE entre le Canada et la Chine est conforme à la plupart de nos pratiques et dispositions modernes. Comme je l'ai affirmé dans mes remarques liminaires, l'accord comprend deux exceptions importantes, que nous appelons des « réserves », qui concernent directement les pêches. Comme je l'ai déjà dit, la première crée une exemption explicite pour l'octroi de permis et les activités de pêche.
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Les entreprises canadiennes sont frustrées, parce que ces entreprises chinoises affichent des pertes ici, au Canada. Elles ne paient pas d'impôt comme les entreprises canadiennes. Nous sommes donc perdants à plusieurs égards. Elles ont aussi un avantage concurrentiel sur leur propre marché, ce qui désavantage les producteurs canadiens et qui, en fin de compte, a une incidence négative sur le prix d'achat offert aux pêcheurs.
Qui surveille cette pratique précise?
Plus le temps passe, plus les entreprises soutenues par les Chinois ont une présence énorme et disposent de fonds pour acheter les entreprises de transformation des produits de la mer canadiennes sur la côte Est. Elles peuvent s'immiscer indirectement dans la détention de permis par l'entremise de leur transformateur, si elles le financent. C'est un problème majeur.
En fait, je vous donne l'exemple du terminal d'expédition de produits vivants de Halifax, entièrement détenu par des intérêts chinois. Le terminal sert uniquement les intérêts chinois et exclut les entreprises canadiennes.
Je répète ma question: qui surveille la situation?
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Merci, monsieur le président.
Je vais poursuivre sur la lancée de mon collègue d'en face.
Nous avons reçu ici des gens qui voulaient témoigner de façon anonyme. Nous avons reçu des gens en détresse profonde parce que, après avoir été pris dans une situation inimaginable, ils étaient contraints de liquider les avoirs de leur entreprise familiale, cédée de génération en génération.
Autour de cette table, nous cherchons la solution à un problème qui devient imminent et qui met en jeu la souveraineté alimentaire du Québec et du Canada. Ce n'est pas une cachette: le golfe du Saint‑Laurent regorge de trésors de la mer. La population de la planète envie cette ressource, alors c'est normal de voir des intérêts étrangers très virulents s'acharner sur notre beau potentiel. C'est correct d'avoir de l'argent qui vient de l'extérieur, dans la mesure où ces gens répondent à une certaine obligation fiscale, comme le soulignait tantôt mon collègue M. Morrissey.
Que répond-on aux gens du Québec qui sont inquiets et qui perdent leur entreprise? Leur dit-on d'aller faire une plainte au Bureau de la concurrence, mais que, pour ce faire, certains seuils doivent être atteints, autrement leur cas est moins susceptible de suivre le processus devant les tribunaux? Leur dit-on de se tourner vers le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, puisqu'il est question d'investissements étrangers? Je voudrais savoir ce qu'on dit à ces gens.
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D'accord, mais les experts du ministère des Pêches et des Océans ne sont pas nombreux et sont peu loquaces.
Comme je l'ai évoqué dans mon intervention tout à l'heure, les trésors se trouvant dans les eaux qui nous appartiennent doivent être protégés. Or, le ministère des Pêches et des Océans semble se trouver dans une zone grise. Je ne sais trop quel autre mot utiliser. Je ne sais pas si M. Morrissey peut m'aider à trouver les bons mots. Bref, c'est une zone grise.
En fait, personne ne semble être capable de contrôler les marchés étrangers qui utilisent des moyens très particuliers et qui pourraient certainement faire l'objet d'une étude plus approfondie, peut-être en collaboration avec plusieurs ministères et organismes, comme le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, le ministère des Pêches et des Océans, le Bureau de la concurrence et le ministère des Finances. Je ne sais trop qui ferait partie de cet équipage, mais on pourrait vraiment se pencher sur cette question.
Qu'en pensez-vous? Une telle collaboration permettrait-elle de cerner le problème et de mettre en place des outils pour éviter les risques de perdre notre souveraineté alimentaire à moyen terme?
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À titre de négociateurs commerciaux, il est certain que nous sommes toujours disposés à collaborer avec nos collègues de l'ensemble du gouvernement, y compris ceux du ministère des Pêches et des Océans.
J'ajouterais un élément que j'ai déjà souligné dans mon allocution. Quand le Canada négocie des traités d'investissement, il protège son droit de réglementer pour atteindre des objectifs légitimes de politique publique. Le régime réglementaire, en d'autres termes, peut évoluer et changer au fil du temps. De plus, aucune disposition de ces accords n'exempte les investisseurs étrangers de se conformer aux lois et règlements du Canada. Autrement dit, les investisseurs étrangers sont assujettis aux mêmes lois que les investisseurs nationaux.
Je l'ai dit dans mes remarques liminaires et dans certaines réponses que j'ai déjà fournies, mes collègues du ministère des Pêches et des Océans, à titre de chefs de la réglementation nationale, et nous, les négociateurs, travaillons de concert pour contribuer à l'élaboration d'une partie du cadre que nous incluons à nos accords commerciaux internationaux. Nous sommes toujours ravis de poursuivre cette collaboration et d'examiner les nouveaux enjeux à mesure qu'ils surgissent, y compris ceux que vous avez mentionnés.
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J'aimerais ajouter quelque chose.
La Loi sur Investissement Canada comporte deux éléments: nous examinons les acquisitions de contrôle étrangères d'importance et nous examinons les investissements étrangers pour cerner les préjudices à la sécurité nationale. Étant donné l'application précise de la Loi, elle doit être perçue comme l'un des nombreux outils servant à s'attaquer aux problèmes liés à la propriété étrangère dans le secteur des pêches.
Pour nous attaquer au problème dans toute sa portée, je suis favorable à l'idée d'explorer d'autres outils, y compris des mesures législatives et stratégiques provinciales, qui pourraient servir à aborder la question des permis et la politique en matière de concurrence, afin de nous occuper de la concurrence déloyale qui...
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Merci beaucoup. Je m'en souviendrai. Un grand merci.
En ce qui concerne les mesures de protection dont nous disposons relativement aux investissements étrangers, je me demande comment elles s'appliqueraient si l'on tentait de réduire progressivement un investissement. Notre préoccupation actuelle réside dans le fait que certains investissements au Canada viennent d'entités qui ont distordu le marché — j'y viendrai dans une minute —, mais nous avons la perception que trop de permis et de quotas sont entre les mains d'investisseurs étrangers.
Si nous devions prendre des mesures, comme cela a été le cas dans le Canada atlantique il y a quelques années, pour donner à ces investisseurs un certain temps pour se retirer du marché, cela contreviendrait‑il à certains de nos traités et de nos accords de protection?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de prendre le temps d'être ici aujourd'hui et de nous parler de ce sujet très important.
J'ai quelques questions à poser. Je veux revenir à ce que mon collègue disait un peu plus tôt sur la sécurité alimentaire du Canada et les enjeux qui en découlent en ce qui concerne la propriété étrangère et, de plus en plus, les activités de sociétés étrangères dans les eaux canadiennes.
À la suite des événements des dernières années, nous constatons une anxiété croissante et l'importance absolument cruciale de sécuriser nos chaînes d'approvisionnement alimentaire. Quelles mesures et quels mécanismes recommanderiez-vous au gouvernement pour assurer la protection de l'approvisionnement alimentaire du Canada étant donné l'incertitude géopolitique dans le monde? Je me demande si vous avez des recommandations précises à présenter au Comité sous forme de mesures pratiques qui peuvent être prises dès maintenant pour aider à atténuer les préoccupations de nombreux Canadiens au sujet de leur sécurité alimentaire et de l'avenir de l'industrie de la pêche sur toutes nos côtes.
Je vais commencer par vous, madame Melia, et nous verrons ensuite.
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Je ne suis pas certain que vous allez aimer ma réponse non plus.
Je suis responsable d'aider à appliquer la Loi sur Investissement Canada, qui régit l'examen des investissements étrangers entrants, comme les investissements qui ont déjà eu lieu ou qui sont en deçà d'un seuil financier donné et qui ne déclenchent pas d'examen de l'avantage net. Ce sont là les conditions préalables.
Je peux dire que, pour tout investissement, si un investisseur étranger fait une acquisition importante de contrôle, le a, en vertu de ses pouvoirs, la capacité de tenir compte d'un éventail de facteurs économiques qui touchent notre sécurité alimentaire ainsi que la nature de l'activité économique liée à un investissement particulier. Ces facteurs comprennent l'effet d'un investissement sur la concurrence au sein d'une industrie; la compatibilité d'un investissement ou d'un investisseur avec nos politiques nationales en matière industrielle, économique et culturelle; et la contribution de l'investissement à la compétitivité canadienne sur les marchés mondiaux.
Si le ministre n'est pas convaincu que cet investissement répondrait à notre critère de l'avantage net, il a certainement le pouvoir de le bloquer. La plupart du temps, dans le cadre des discussions avec les investisseurs et les différentes parties, le ministre acceptera des engagements contraignants qui contribueront à assurer un certain niveau de production au Canada, à garder l'équipe de gestion canadienne ou à conserver le siège social au Canada. Ce sont là quelques-uns des engagements typiques qui sont acceptés par le ministre dans certains cas.
Je ne réponds probablement pas à votre question plus générale sur les recommandations que nous formulerions pour appuyer la sécurité alimentaire, mais il est certain que la protection d'un marché au Canada est l'un des éléments qui nous aident à être en mesure de favoriser la sécurité alimentaire.
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Oui. Merci, monsieur Burns. L'enjeu du marché joue certainement un rôle et est lié à la sécurité alimentaire.
De toute évidence, je fais état, peut-être du point de vue d'un non-initié, des préoccupations que nous entendons sur le terrain pour garantir un avenir à la pêche canadienne qui serait la propriété de Canadiens et qui donnerait des emplois aux Canadiens dans la mesure du possible; qui fournirait de merveilleuses protéines salubres, saines et nutritives aux marchés mondiaux; et qui profiterait à nos propres collectivités et au monde entier. Je pense que c'est une question que nous nous posons.
Madame Melia, dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit: « Les parties aux traités d’investissement conservent leur droit de réglementer à l’échelle nationale pour atteindre des objectifs politiques légitimes, tels que la protection de la santé, de la sécurité et de l’environnement. » Où ces objectifs stratégiques légitimes sont-ils définis? Ces objectifs stratégiques sont-ils définis dans les accords sur le commerce et l'investissement du Canada?
Je ne sais pas combien de temps il nous reste, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Burns, tantôt, vous avez dit que les transactions qui ne sont pas dans l'intérêt du Canada sont certainement revues ou examinées. À ce sujet, mon collègue M. Bragdon vient tout juste de poser certaines questions que j'avais en tête.
Dans ma circonscription, on compte 15 usines de transformation de poisson. Certaines d'entre elles valent plusieurs millions de dollars. Prenons la situation où un groupe d'investisseurs étrangers, peu importe le pays d'origine, approcherait certains de ces propriétaires et offrirait un montant de 25 millions de dollars pour acheter une usine en particulier. Si je comprends bien ce que vous avez dit, le ministre aurait un droit de regard, si on peut dire, ou serait mis au courant de cette transaction et pourrait voir si tout est fait conformément à la loi. Est-ce que je me trompe ou est-ce que c'est bien ce que vous venez tout juste de répondre à mon collègue?
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Merci, monsieur le président.
Nous avons l'impression qu'on réagit toujours à retardement, et cela nous préoccupe. Évidemment, la pandémie nous est arrivée en pleine face et nous a fait prendre conscience que la souveraineté de nos avoirs était essentielle pour la suite des choses. Tout à coup, tout le monde s'en préoccupe davantage.
Pourtant, le Comité a déjà fait une étude, un peu dans la même optique, pour établir un équilibre. C'est correct d'avoir des investissements étrangers; tout le monde comprend cela. Par contre, il faut trouver un équilibre, pour s'assurer que le Canada et le Québec continuent toujours d'être les premiers servis par nos ressources naturelles. D'ailleurs, je pense que c'est la volonté de tous les pays du monde. Cela dit, la majorité des pays qui s'intéressent à notre potentiel marin et à nos produits de la mer sont ceux qui, autrement, n'ont pas accès à cette ressource ou qui la surconsomment. Ils ont des têtes chercheuses et font leur entrée partout où cette ressource est disponible.
Maintenant, les gens se rendent compte que nous sommes en train de nous départir de la propriété de nos produits de la mer et d'en déposséder les propriétaires, ces gens qui transmettent leur savoir de génération en génération. On ne se rend peut-être pas compte que, lorsqu'on dépossède de cette ressource les principaux acteurs de cette pêche, ceux qui sont les plus connaissants, qu'on les appauvrit constamment, qu'on dégarnit les villages et qu'on réduit le savoir-faire, tout le monde en ressort perdant.
Quelqu'un est-il capable de tirer la sonnette d'alarme et de faire comprendre aux gens que tout le monde ne peut pas se servir dans le buffet sans se préoccuper de ce que nous allons manger demain? Il faut en garder pour demain et pour après-demain. C'est cela, la vie; tout le monde sait cela.
Le ministère des Pêches et des Océans et le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement pourraient-ils collaborer afin de mettre en place un mécanisme pour s'assurer de sécuriser la base? C'est fondamental. Au Québec, nous avons plein de pêcheurs propriétaires qui sont des experts. Peut-on trouver une solution? Pensez-vous que le Comité peut, aujourd'hui, trouver l'ombre d'une solution?
Les témoins peuvent me répondre personnellement.
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Merci, monsieur le président. Je vais essayer de ne pas utiliser tout mon temps de parole pour poser ma question.
Je vous remercie de vos réponses.
Monsieur Burns, je réfléchissais un peu à certaines des réponses que vous avez données précédemment. Je ne sais pas si ma question sera personnelle ou non.
Essentiellement, je pensais à certains des défis que vous avez mentionnés par rapport à la réputation qui pourraient survenir si nous allons de l'avant avec cette orientation pour changer l'investissement étranger dans nos pêches, notamment. En même temps, nous assistons à une extraction de nos ressources naturelles publiques par des intérêts étrangers. N'oublions pas qu'il s'agit d'une ressource naturelle limitée.
Ne serait‑il pas à notre avantage de prendre le temps nécessaire pour restructurer nos politiques de délivrance de permis afin de nous assurer que les avantages reviennent à nos collectivités et aux pêcheurs locaux ici au Canada, plutôt que d'être exploités par d'autres pays?
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Il ne reste que six secondes, ce qui est bien peu.
Je tiens à remercier les témoins d'être venus aujourd'hui et d'avoir pris le temps de comparaître devant nous. Je pense que nous avons obtenu des renseignements utiles pendant la réunion. Merci beaucoup.
Je vais passer à un point concernant les travaux du Comité. Les témoins sont libres de partir s'ils le souhaitent.
La semaine prochaine, le 5 juin, nous sommes censés consacrer la première heure à recevoir une mise à jour du ministère des Pêches et des Océans sur la réponse du gouvernement au rapport de 2019 sur les permis de la Colombie-Britannique et la deuxième heure aux instructions de rédaction pour le rapport sur la propriété étrangère et la concentration. J'aimerais demander aux membres du Comité s'ils aimeraient reporter les instructions de rédaction pour le rapport sur la propriété étrangère et la concentration au lundi suivant, le 12 juin, puisque la deuxième heure de cette réunion est actuellement libre.
Est‑ce que tout le monde approuverait cette idée?
Des députés: D'accord.
Le vice-président (M. Mel Arnold): D'accord. C'est très bien. Nous avons consulté le bureau du président et la greffière, et ils nous ont dit que ce changement ne posait aucun problème. Nous reporterons donc les instructions de rédaction au 12 juin.
Y a‑t‑il d'autres points à aborder?
Merci. La séance est levée.