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Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à venir vous parler de ce sujet d'une importance cruciale.
Au cours de la dernière décennie, on a constaté une forte augmentation des atteintes à la sécurité des données, tant sur le plan de l'ampleur que de la complexité et de la gravité. Comme elles détiennent des renseignements personnels sensibles, les institutions gouvernementales sont des cibles de choix.
Pour assurer la protection des renseignements personnels, les organisations fédérales, y compris mon organisation, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, doivent continuellement s'adapter à un contexte de menaces en constante évolution.
[Traduction]
Dès février 2024, nous avons présenté un rapport spécial au Parlement contenant nos conclusions sur une enquête sur un incident de bourrage d'identifiants survenu en 2020 qui a eu une incidence sur l'Agence du revenu du Canada, l'ARC, ainsi que sur Développement social Canada, EDSC.
Au cours des dernières étapes de cette enquête, nous avons appris qu'il y avait eu d'autres incidents de fraudes relatifs à la PCU que l'ARC n'avait pas signalés au Commissariat à la protection de la vie privée, le CPVP. Ces incidents remontent à 2020, et ont affecté jusqu'à 15 000 individus. Nous avons décrit la nature de ces incidents dans notre rapport spécial, et nous allons effectuer un suivi auprès de l'ARC.
Les recommandations du CPVP dans le cadre de cette enquête comprenaient l'amélioration des cadres de communication et de prise de décisions afin de faciliter une réponse rapide aux attaques et l'élaboration de processus complets d'intervention en cas d'incident afin de prévenir, de détecter, de contenir et d'atténuer les atteintes futures. L'ARC et EDSC ont convenu de mettre en œuvre ces recommandations.
Le 9 mai 2024, le CPVP a pris connaissance d'un rapport d'atteinte de la vie privée de l'ARC, couvrant rétroactivement les incidents de mai 2020 à novembre 2023, qui englobaient 31 393 incidents distincts. L'équipe d'intervention en cas d'atteinte à la vie privée du CPVP a régulièrement rencontré l'ARC depuis pour en savoir plus sur la réponse de l'ARC à la situation et pour être tenue au courant des mesures que l'ARC prend pour réagir aux atteintes, pour aviser et pour atténuer les risques envers la population canadienne.
[Français]
Les discussions ont porté sur le rapport d'atteinte, mais aussi sur le rapport de conclusions d'enquête de février 2024, puisqu'ils sont tous les deux liés. En effet, l'Agence du revenu du Canada a confirmé que, sur les 31 393 incidents signalés, environ 15 000 concernaient des cas de fraudes liées à la PCU mentionnés dans notre rapport spécial au Parlement.
Dans le cadre de ces discussions, le 25 octobre 2024, l'Agence du revenu du Canada a avisé le Commissariat qu'elle avait évalué rétrospectivement environ 3 200 autres atteintes importantes survenues en 2023 et 2024.
[Traduction]
Cet automne, l'ARC a demandé et, en fin de compte, obtenu une exception auprès du Conseil du Trésor, afin de pouvoir signaler au Secrétariat du Conseil du Trésor et à mon bureau les cas individuels d'utilisation non autorisée de renseignements sur les contribuables par une tierce partie sur une base trimestrielle, plutôt que dans un délai de sept jours, pour des raisons opérationnelles.
J'ai indiqué au Secrétariat du Conseil du Trésor que, même si j'appuyais cette exception, j'avais recommandé qu'elle soit d'une durée limitée de douze mois; que l'ARC soit tenue d'aviser rapidement les personnes touchées et de leur fournir des renseignements, du soutien et des conseils; et que les rapports d'atteinte à la vie privée comprennent des détails supplémentaires, y compris la manière dont les individus touchés ont été avisés et le moment où elles l'ont été, ainsi que les mesures supplémentaires prises par l'ARC pour améliorer les mesures de protection des renseignements personnels.
Le 29 octobre 2024, à la suite de la réception d'une plainte, j'ai lancé une enquête officielle. Cette enquête permettra de déterminer si l'ARC a respecté ses obligations en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, et si elle a utilisé des mesures de protection adéquates.
Les atteintes à la vie privée à l'ARC, révélées dans l'enquête précédente sur le bourrage de justificatifs d'identité, font ressortir le risque pour les renseignements personnels, et l'importance qu'il faut accorder au traitement et à l'atténuation de toutes les atteintes, notamment les cyberincidents.
Mon bureau communique régulièrement avec les institutions fédérales en leur fournissant des conseils et en les aidant à évaluer les répercussions sur la vie privée des nouveaux programmes et technologies, en faisant le suivi de la réponse aux incidents d'atteinte à la vie privée. Chaque activité de mobilisation et de conformité joue un rôle important dans le soutien et l'avancement de la protection de la vie privée dans l'ensemble du gouvernement du Canada, ce qui est de plus en plus complexe et incontournable à l'ère numérique.
[Français]
Le Commissariat fournit des conseils et des orientations aux organisations pour les aider à composer avec les risques en cas d'atteinte, à atténuer ces risques ainsi qu'à prévenir, à contenir et à signaler les atteintes. Ils sensibilisent aussi les organisations à l'importance d'informer les personnes touchées.
Dans l'ensemble, les atteintes à la sécurité des données sont l'une des principales menaces qui pèsent sur les renseignements personnels. Durant l'exercice 2023‑2024, qui s'est terminé le 31 mars 2024, le Commissariat a reçu plus de 350 rapports de cyberincidents dont la vaste majorité, soit plus de 90 %, provenait d'organisations du secteur privé.
[Traduction]
Cette année, j'ai lancé des enquêtes sur d'autres atteintes importantes à la vie privée. Il s'agit notamment de l'atteinte à la sécurité des données de la société Ticketmaster qui a touché plus d'un demi-million de Canadiens, ainsi que d'une enquête internationale menée en collaboration avec l'un de mes principaux homologues, le commissaire à l’information du Royaume-Uni, sur l'atteinte à la sécurité des données de 23andMe, qui concernait des banques de données génétiques.
Nous savons que ce type d'incidents peuvent se produire même lorsque des organisations ont mis en place des mesures de protection. C'est pourquoi une intervention efficace en cas d'atteinte est également essentielle pour atténuer les répercussions sur les Canadiens et préserver la confiance dans leurs institutions.
Compte tenu de l'importance de ces risques et des répercussions potentielles qu'ils peuvent avoir sur les personnes, les exigences en matière de déclaration des atteintes en temps opportun doivent devenir une obligation légale en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels plutôt qu'une exigence de la politique du Secrétariat du Conseil du Trésor, comme c'est le cas actuellement.
En 2023, le CPVP a réussi à obtenir des fonds supplémentaires temporaires dans le cadre du budget de 2023 pour faire face aux violations. Bien que notre demande portait sur un financement temporaire pour une période de deux ans, je crois qu'un financement permanent est nécessaire, car les cyberincidents constituent une préoccupation majeure tant pour les entreprises que pour les particuliers.
Dans un monde numérique où les risques sont plus élevés que jamais, il est essentiel d'investir dans la protection de la vie privée. La protection de la vie privée doit être intégrée dans l'ensemble des programmes et des services gouvernementaux.
[Français]
Nous devons aussi poursuivre nos efforts pour moderniser les lois canadiennes en matière de protection des renseignements personnels, autant celle qui régit le secteur privé que la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui a été adoptée avant l'arrivée d'Internet.
Je salue par ailleurs le travail constant et précieux de ce comité à cet égard, notamment son rapport sur l'utilisation, par le gouvernement fédéral, d'outils technologiques permettant d'extraire des données sur des appareils mobiles et des ordinateurs, ainsi que son rapport, publié aujourd'hui même, sur l'encadrement des plateformes de médias sociaux afin d'assurer la protection de la vie privée et la sécurité en ligne.
Nous devons aussi veiller à ce que le Commissariat dispose de ressources suffisantes, étant donné l'environnement de données de plus en plus complexe.
Ces questions resteront une priorité pour nous, et j'ai hâte de lire le rapport du Comité sur l'étude en cours et bien d'autres.
Je vous remercie de votre attention. Je serai heureux de répondre à vos questions.
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Il y a un certain nombre de mesures que nous aimerions leur voir prendre.
J'ai parlé du signalement des atteintes. Nous devons considérer ces signalements comme une obligation légale en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Il faut que mon commissariat ait le pouvoir de rendre des ordonnances. C'est un pouvoir dont je ne jouis pas pour l'instant, et cela entraîne d'éventuels retards. Si un ministère approuve les recommandations, le système fonctionne, mais si ce n'est pas le cas, nous devons aller devant les tribunaux, ce qui occasionne des retards et des coûts.
Je souhaite que les évaluations des facteurs relatifs à la vie privée soient rendues obligatoires, au lieu de faire simplement partie de la politique du Conseil du Trésor, car ces évaluations font également partie de la solution à ce problème. Ce sont des évaluations précoces des risques liés aux nouveaux programmes et aux nouveaux outils. Elles sont donc importantes.
Nous voulons que la nécessité et la proportionnalité soient des exigences de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Ce n'est pas le cas en ce moment, mais ce sont des exigences pour le secteur privé. Les normes de protection pour le secteur public et le secteur privé devraient être semblables.
De même, il doit y avoir une collaboration entre les différents commissariats. L'un des défis actuels de la loi canadienne sur la protection des renseignements personnels, c'est que je ne peux pas mener une enquête conjointe avec mon collègue, le commissaire de la concurrence du Canada, alors que je peux le faire avec la FTC des États-Unis. C'est là une lacune du système. Nous avons besoin d'une plus grande collaboration, y compris pour lutter contre les atteintes à la vie privée.