Passer au contenu

HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 141 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 4 avril 2019

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    Bonjour. Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 27 février 2019 et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 28 février 2019, le Comité reprend son étude sur la précarité de l'emploi au Canada. Je vais vous présenter les excellents témoins que nous entendrons aujourd'hui.
    Premièrement, du Réseau canadien pour le revenu garanti, nous accueillons Sheila Regehr, présidente.
    Par vidéoconférence de Vancouver, nous avons Parisa Mahboubi, analyste principal de la politique au bureau de Toronto de l'Institut C.D. Howe.
    De la Chambre de commerce du Canada, nous avons Leah Nord, directrice, Politiques des compétences et immigration.
    Du Congrès du travail du Canada, nous recevons Chris Roberts, directeur national, Politiques sociales et économiques.
    Par vidéoconférence également, nous entendrons Colin Busby, directeur de recherche à l'Institut de recherche en politiques publiques, qui est à Montréal.
    Bienvenue à vous tous.
    Nous allons passer aux déclarations liminaires.
    Pour commencer, nous allons écouter Sheila Regehr, du Réseau canadien pour le revenu garanti. Vous avez les sept prochaines minutes.
    Je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de comparaître devant le Comité. Nous vous transmettrons un mémoire très prochainement. Aujourd'hui, étant donné que mon temps est limité, j'aimerais vous parler de quatre points essentiels. Je vais faire un peu d'histoire, puis je veux parler essentiellement de l'effet des emplois précaires sur les gens.
    La première chose que je veux dire, c'est que je suis tout de suite allée consulter le dictionnaire. D'après ce que j'ai lu, la précarité englobe l'incertitude, le manque de sécurité et de contrôle, et les dangers possibles. Je pense que les dangers possibles sont l'élément qui est vraiment important, et pour les gens, ce sont des choses comme la perte de revenus et les problèmes de santé, mais d'un point de vue plus général, cela inclut également des choses comme l'éclatement des bulles de crédit ou l'agitation sociale. Ce sont de véritables menaces.
    La deuxième chose que je veux dire, c'est que le Comité parle d'emploi. Je suis très pointilleuse sur l'utilisation des termes « emploi » et « travail ». Tout travail est précaire dans une certaine mesure. On ne peut pas séparer les nouvelles formes de travail rémunéré des circonstances générales qui ont une incidence sur la sécurité, par exemple, la maternité, l'invalidité, les conditions météorologiques ou la malchance. Cependant, pour le précariat grandissant, les distinctions s'estompent de plus en plus en ce qui concerne les relations employeur-employés et l'activité économique rémunérée et non rémunérée, que ce soit lié ou non au marché.
    La troisième chose, c'est par conséquent que les définitions et les indicateurs de la précarité doivent tenir compte de mes deux premiers points pour garantir l'efficacité des solutions stratégiques, par exemple les indicateurs du temps consacré à du travail rémunéré et non rémunéré ainsi que l'éducation et la formation, et l'incidence des politiques de sécurité du revenu comme les prestations pour enfants et les crédits d'impôt, et non pas tenir seulement compte des indicateurs relatifs à l'emploi.
    La quatrième chose, c'est qu'en raison de la précarité croissante de l'emploi, il est urgent d'offrir à d'autres personnes les formes de revenu de base qui ne sont pas liées à l'emploi et que certains Canadiens reçoivent déjà — je présume que c'est la raison pour laquelle j'ai été invitée.
    Je vais faire une brève incursion du côté du contexte historique. Nous savons tous que le changement technologique est un facteur clé de la précarité du travail — pensez à Uber, rendu possible par les téléphones intelligents —, mais cela fait partie d'un enjeu plus vaste. J'ai une citation à propos de ce vaste enjeu, décrit comme étant « le déséquilibre grave et qui s'en va croissant entre notre capacité de créer la richesse grâce à notre formidable pouvoir de production et l'incapacité de millions de familles de consommer cette abondance, faute d'avoir le pouvoir d'achat nécessaire ». Cette phrase a été prononcée en 1955 par un dirigeant syndical qui s'adressait à un comité comme celui-ci. Très peu de choses ont changé, mais ce qu'il faut retenir aujourd'hui de cette époque, c'est que les gouvernements ont réagi fermement au cours des années suivantes en adoptant des politiques publiques visant à répondre aux préoccupations de cette nature qu'ils voyaient émerger, notamment l'assurance-emploi et les prêts étudiants, qui viennent encore en aide à la population aujourd'hui.
    Le problème aujourd'hui, c'est que le changement s'accélère et que nos progrès se sont arrêtés, érodés, et qu'il y a même une régression dans certains cas. Les progrès n'ont tout simplement pas suivi les nouvelles réalités. J'ai quelques exemples. Il est plus difficile d'obtenir de l'assurance-emploi alors qu'il est plus difficile de trouver des emplois stables. De nombreuses personnes font du travail ou des tâches rémunérés, sans avantages ni protections. Bien des gens gèrent leur manque d'argent en s'endettant. L'aide sociale demeure dérisoire et punitive alors que nous continuons d'accorder des allégements fiscaux aux riches.
    Mon dernier point est un exemple important, car il trace la voie de l'avenir, d'après moi. Une des choses vraiment positives que nous avons faites au Canada est le revenu garanti qui existe depuis des années pour les aînés et les enfants, et qui a efficacement contribué à améliorer la sécurité des personnes et à stimuler l'économie. Cependant, des personnes sont exclues. Ces personnes sont vulnérables à la précarité et à la pauvreté. Nous avons entre autres l'Allocation canadienne pour les travailleurs, qui est utile, mais dont les montants et l'étendue ne suffisent pas.
    J'aimerais maintenant parler des effets sur les gens. Je veux le faire en me penchant sur la façon dont les gens qui vivent de façon précaire réagissent quand la situation change et qu'ils ont plus de sécurité.
    Les exemples que je vais vous donner sont tirés d'un rapport intitulé Signposts to Success, dans lequel le Réseau canadien pour le revenu garanti a présenté les réponses à un sondage sur le projet pilote de l'Ontario portant sur le revenu de base. Cela nous a donné une base de données que personne d'autre n'a. Nous avons mené notre sondage et obtenu 400 réponses. J'aimerais mettre en évidence trois grands éléments qui vous montrent le type d'effet qu'une sécurité accrue produit sur les personnes.
    La santé mentale était l'élément le plus important. Selon le sondage initial réalisé par le gouvernement auprès de tous les participants à leur inscription, près de 81 % ont déclaré souffrir d'une détresse psychologique modérée ou sévère. Ce sont 80 % des personnes inscrites à ce programme: des personnes qui travaillent pour gagner leur vie et qui en arrachent, et des personnes qui vivent de l'aide sociale.
    Quand nous avons sondé ces personnes plusieurs mois après le début du versement du revenu de base, 88 % des bénéficiaires ont dit ressentir moins de stress et d'anxiété et se sentir plus confiants. Nous avons des tonnes d'exemples, mais il y avait entre autres la réduction et même l'élimination des médicaments. Ils arrivaient à mieux contrôler leur état par leur alimentation, l'exercice et les contacts sociaux. Ils ont pu alors faire des choses comme retourner aux études, trouver un emploi ou décrocher un meilleur emploi. Les résultats étaient semblables concernant la santé et la sécurité alimentaire en général. L'une des choses qui importent, c'est qu'ils ont mentionné, encore une fois, des choses comme la réduction des médicaments, mais qu'ils ont aussi indiqué être plus alertes et plus capables de s'adonner à des activités qui leur étaient impossibles avant.
    Le dernier aspect que je veux mettre en évidence est le travail. C'est l'élément dont tout le monde parle, quand il est question de revenu garanti et que nous craignons que ce soit une désincitation au travail. C'est un peu un mythe. Dans notre étude, nous avons constaté que c'est tout le contraire. Selon les résultats du sondage initial, la plupart des personnes qui étaient employées estimaient occuper des emplois qui ne menaient à rien et n'offraient pas de possibilités d'avancement. Notre sondage démontre que les personnes bénéficiant de la sécurité du revenu garanti sont retournées aux études, ont amélioré leurs compétences, ont décroché de meilleurs emplois et ont été en mesure de faire le plein d'essence ou d'acheter des billets d'autobus. Chacun s'est amélioré d'une manière ou d'une autre.
    Je pense bien que pour moi, au bout du compte, la sécurité que procure un revenu de base a pour effet de réduire la précarité. Cela améliore les vies et donne à chacun l'accès à des options que les programmes liés uniquement à l'emploi ne peuvent pas offrir. Le gouvernement fédéral a déclaré qu'il a l'intention d'aller dans le sens d'un programme de revenu de base, et nous appuyons pleinement cette orientation comme solution au travail précaire et à de nombreux autres phénomènes.
    Merci.
(1110)
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant écouter, par vidéoconférence, Parisa Mahboubi, analyste principal de la politique au bureau de Toronto de l'Institut C.D. Howe.
    Merci beaucoup. Je suis ravie d'avoir l'occasion de m'adresser à vous au sujet de la précarité de l'emploi au Canada.
    Les résultats des particuliers sur le marché du travail du point de vue de la qualité des emplois et de la rémunération sont des déterminants clés du niveau de vie. La préférence va traditionnellement aux emplois à temps plein qui sont jugés stables et qui donnent accès à des avantages sociaux. À l'opposé, les emplois précaires sont souvent mal rémunérés, relativement peu sûrs, instables et incertains.
    Plusieurs types d'emplois non traditionnels peuvent avoir les caractéristiques associées à la précarité, notamment les postes temporaires, comme le travail pour une période déterminée ou à contrat, le travail occasionnel ou saisonnier, le travail à temps partiel, le travail à temps plein dans de multiples emplois et le travail indépendant non constitué.
    Même si les postes permanents à temps plein demeurent la norme au Canada, et que la proportion des emplois précaires par rapport au total des emplois est demeurée relativement stable depuis 1997, à 34 % environ, il se produit en ce moment sur le marché du travail des changements alarmants qui exigent une attention spéciale.
    Premièrement, si la stabilité et la proportion des emplois précaires demeurent stables, cela signifie quand même que le nombre absolu de travailleurs en situation précaire augmente: la hausse a effectivement été de 1,5 million de 1997 à 2018.
    Deuxièmement, les emplois à temps plein, mais temporaires, ont augmenté de 63 % depuis 1997, ce qui dépasse nettement l'augmentation de 36 % du nombre total d'emplois.
    Bien que les emplois pour une période déterminée et les emplois contractuels à plein temps ou à temps partiel aient toujours formé la plus grande partie des emplois temporaires, il y a eu un virage plus prononcé vers le travail contractuel au fil du temps. Précisons que le nombre de Canadiens occupant ces types d'emplois a presque doublé, ce qui fait que la proportion des emplois temporaires qui sont contractuels est passée de 46 % en 1997 à 53 % en 2018.
    Le groupe des industries de services est celui qui connaît la plus forte croissance au Canada. La ventilation des emplois temporaires au sein de ces industries montre non seulement que la plus grande part des employés temporaires travaillent dans le secteur des industries de services, mais aussi que ce secteur a connu la plus forte croissance du nombre d'emplois temporaires disponibles. Par conséquent, la proportion des employés temporaires au sein des industries de services a grimpé de 76 % en 1997 à 83 % en 2018.
    La tendance vers une augmentation du nombre d'emplois à temps partiel, particulièrement dans les industries de services, est une autre dimension de l'augmentation des emplois précaires. Le travail à temps partiel a aussi augmenté de 32 % depuis 1997, bien que la part qu'il occupe n'ait presque pas changé, et il représente 45 % de tous les emplois précaires et 15 % du nombre total d'emplois en 2018.
    La bonne nouvelle, c'est que le nombre de travailleurs à temps partiel involontaires s'est mis à diminuer. Le pourcentage de travailleurs à temps partiel qui préféreraient travailler à temps plein était de 22 % en 2018, ce qui représente une diminution par rapport aux 28 % de 2010.
    En effet, bien que les tendances relatives à la précarité de l'emploi soient principalement attribuables à la mondialisation, aux progrès technologiques, à la transition vers les services et à la souplesse qui est nécessaire en affaires, les Canadiens sont de plus en plus nombreux à souhaiter des modalités de travail flexibles. Plus particulièrement, les changements démographiques comme le vieillissement, l'augmentation de la participation des femmes au marché du travail et l'importance accordée aux études supérieures jouent un rôle important à cet égard.
    Par exemple, les aînés canadiens qui vivent généralement plus longtemps et en meilleure santé contribuent dans une grande mesure à la croissance des emplois à temps partiel et du travail temporaire. Pour certaines personnes, le travail temporaire a également servi de tremplin vers un emploi permanent à temps plein.
(1115)
    Cependant, la faible rémunération et l'incertitude quant à l'emploi ont des effets négatifs sur le désir de dépenser et de former une famille, d'acheter une maison et de faire des économies en vue de la retraite. Les leçons qui ont été tirées des approches adoptées dans certains pays européens concernant les emplois précaires et révélées dans une étude de l'Institut C.D. Howe réalisée en 2016 par Colin Busby et Ramya Muthukumaran montrent que le Canada devrait cesser de porter son attention, en matière de travail, sur des mesures législatives rigides qui ont pour effet d'empêcher la création d'emplois pour plutôt envisager des politiques qui offrent un soutien approprié aux travailleurs dont les emplois sont précaires.
    Les options stratégiques qui permettent de mieux répondre à l'insécurité du revenu et de l'emploi liée aux emplois précaires améliorent l'admissibilité à l'assurance-emploi grâce à l'adoption de critères plus équilibrés en cette matière, tant à l'échelle régionale que pour les travailleurs qui occupent des emplois non traditionnels; cela garantit aussi que les travailleurs qui ont des emplois précaires utilisent la nouvelle Allocation canadienne pour la formation.
    Les politiques susmentionnées peuvent offrir aux décideurs des façons de limiter les difficultés auxquelles les travailleurs qui occupent des emplois précaires font face et de garantir des résultats dynamiques sur le marché du travail.
    Je vous remercie de votre attention. Je serai ravie de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant écouter Leah Nord, directrice, Politiques des compétences et immigration, à la Chambre de commerce du Canada. Vous avez sept minutes.
    Merci. C'est pour moi un plaisir d'être ici aujourd'hui.
    La Chambre de commerce du Canada est le porte-parole des entreprises canadiennes. Notre réseau compte, partout au pays, plus de 450 chambres de commerce qui représentent 200 000 entreprises. Nous avons plus de 100 entreprises membres et autant d'associations membres.
    La numérisation, l'automatisation, l'industrie 4.0 et l'intelligence artificielle sont toutes des préoccupations de premier ordre pour les particuliers, les organisations, les entreprises et les gouvernements à l'échelle du pays, et la Chambre de commerce du Canada ne fait pas exception. Par exemple, pendant la dernière année, nous avons entre autres publié un rapport intitulé Compétences pour un futur automatisé, qui se penche sur les effets de l'automatisation sur la main-d'œuvre, les compétences et la formation qu'il faudra aux gens pour travailler dans un univers numérique, et les façons de faciliter cette formation.
    Notre assemblée générale annuelle qui s'est tenue à Thunder Bay, notre dîner de dirigeants qui a eu lieu à Saint John's et le sommet économique de l'Ontario ont tous mis l'accent sur les difficultés concernant les compétences et sur la main-d'œuvre de l'avenir. De plus, ce mois-ci et le mois dernier, c'est-à-dire en mars et avril 2019, nous avons organisé une série de tables rondes sur l'intelligence artificielle. Le 16 avril, à Montréal, notre séance sur l'intelligence artificielle et la main-d'œuvre va non seulement explorer le talent spécialisé qu'il faut au pays, mais aussi examiner les façons de faciliter l'intégration de la main-d'œuvre en général, les utilisateurs de l'intelligence artificielle et les compétences requises à cette fin. L'enjeu de l'avenir du travail est ce qui nous réunit ici aujourd'hui et ce qui nous motive à définir le travail précaire et à en cerner les effets sur la société canadienne.
    Il y a une nouvelle réalité dans le paysage actuel de la main-d'œuvre canadienne; elle s'est amorcée au tournant du siècle et s'est accélérée depuis. Cela saute aux yeux et c'est très simple: elle est révolue l'époque où les Canadiens, après avoir fréquenté l'école secondaire et peut-être une institution postsecondaire, trouvaient un emploi au sein d'une entreprise et y restaient pendant toute leur vie, jusqu'à la retraite, à 65 ans, avec un salaire et des avantages sociaux.
    Nous ne savons pas exactement ce que tout cela signifie. De plus en plus, selon ce que nous apprennent les données et la recherche, les employés à temps plein ou les employés de la fonction publique peuvent avoir l'impression d'être dans une situation précaire ou vivre de l'insécurité. En même temps, les travailleurs contractuels ou à temps partiels ne sont pas nécessairement vulnérables. Il est possible, en fait, qu'ils aient personnellement fait le choix éclairé d'adopter cette nouvelle économie à la demande.
    De plus, par exemple, selon les résultats d'une enquête de la BMO sur la gestion de la richesse qui a été publiée en janvier 2018, la raison la plus souvent donnée par les travailleurs autonomes pour expliquer leur statut était le choix personnel, dans une proportion de 60 %, ou le désir de relever un nouveau défi ou de réaliser un changement, dans une proportion de 49 %. La BMO a aussi fait valoir que les personnes qui participent à l'économie à la demande vont du col bleu traditionnel au professionnel des TI, en passant par l'ingénieur, le comptable et le professionnel des RH.
    Compte tenu de la façon dont l'avenir du travail évolue dans la nouvelle économie, beaucoup de choses demeurent nébuleuses. J'aimerais parler de trois choses que la Chambre de commerce du Canada estime claires.
    Pour commencer, tout n'est pas triste et désolant. Il y a des possibilités, du potentiel et des occasions. En décembre 2018, j'ai mené une série d'entrevues avec des influenceurs et des leaders d'opinion du réseau de la Chambre de commerce.
    Je vais vous citer certaines des conclusions. La discussion sur l'intelligence artificielle dans le marché du travail est bienvenue et importante, mais nous devons reconnaître que la technologie n'en est encore qu'à ses débuts et qu'elle est très peu connue. La perturbation est inévitable, et on reconnaît que les spéculations relatives à des pertes d'emplois massives persistent dans les médias et sur le marché; cependant, parmi les personnes interrogées, le sentiment qui dominait était que le marché du travail évoluerait et s'adapterait, même si on s'attendait à des effets sur les emplois.
    Deuxièmement, dans ce contexte en évolution, nous devons nous méfier des données et de leurs incidences. Vous avez entendu des témoignages, déjà, qui se reflètent dans la littérature et la recherche, concernant la perspective qualitative qui est nécessaire pour que les chiffres aient un sens véritable et juste. Vous avez aussi entendu qu'il est vraiment problématique de déterminer la façon de le faire. D'ici à ce que nous puissions cerner les difficultés liées à l'économie à la demande, en particulier dans le secteur privé sous réglementation fédérale, nous ne devrions pas nous précipiter sur des solutions axées sur des programmes.
    Troisièmement, ce que nous devons faire, c'est de préparer les Canadiens, tous les Canadiens, dans toutes les régions du pays — de tous les âges, sexes, domaines et antécédents — afin qu'ils réussissent.
    Comment y arriver ? La Chambre de commerce du Canada a des recommandations à présenter au gouvernement fédéral dans deux grandes catégories.
(1120)
    Tout d'abord, en se concentrant sur l'avenir du travail, le gouvernement devrait mettre l'accent sur les compétences. Comme les membres de votre comité l'ont entendu à plusieurs reprises au cours de la dernière année, la Chambre de commerce du Canada, ses membres et son réseau d'un bout à l'autre du pays ont adopté une série de résolutions et de recommandations stratégiques visant à élaborer un programme de compétences pour la main-d'oeuvre du XXIe siècle. Essentiellement, il s'agit d'élaborer un cadre national global de compétences, rapidement suivi d'une analyse des lacunes et de la prévision des besoins futurs. Il faudra également promouvoir et élaborer une ou plusieurs évaluations axées sur les compétences. Le gouvernement du Canada peut faire preuve de leadership dans ce domaine en mettant en oeuvre de telles évaluations au sein de la fonction publique fédérale. Notre troisième recommandation est de faciliter l'éducation et la formation correspondantes et nécessaires et de favoriser un changement de culture vers l'apprentissage continu.
    Ces résolutions et recommandations sont faciles à formuler, mais elles sont énormément plus difficiles à mettre en oeuvre. Cependant, elles sont essentielles à la réussite. Le gouvernement du Canada devrait mettre l'accent sur des initiatives de ce type, en partenariat avec tous les paliers de gouvernement, le secteur des affaires, le secteur de l'éducation et tous les intervenants concernés par les compétences.
    En tenant compte de mes commentaires précédents sur la mise en oeuvre de programmes sans enjeux précis, la Chambre de commerce du Canada aimerait formuler des recommandations liées aux programmes du gouvernement du Canada dans trois domaines, soit l'avenir du travail, la main-d'oeuvre canadienne et les notions liées au travail précaire.
    La première recommandation concerne le programme d'assurance-emploi. La Chambre de commerce du Canada réclame depuis longtemps un examen du programme d'assurance-emploi du Canada, surtout en ce qui concerne les ratios de cotisation et les programmes financés par l'assurance-emploi. Je le répète aujourd'hui, et j'ajoute qu'un examen approfondi du programme permettrait de déterminer la meilleure façon d'appuyer la main-d'oeuvre canadienne au cours du présent siècle et de l'aider à faire face aux fluctuations du marché du travail. La Chambre de commerce du Canada appuie l'idée d'examiner comment le programme d'assurance-emploi et d'autres programmes de soutien du revenu peuvent être combinés efficacement à la formation professionnelle et aux services d'emploi.
    Cet examen tiendrait aussi compte de l'Allocation canadienne pour la formation qui a été proposée dans le budget de 2019. On n'a pas encore déterminé clairement les répercussions que pourraient subir les petites, moyennes et grandes entreprises qui devront offrir ces quatre semaines de soutien. La réduction des cotisations d'assurance-emploi pour les petites entreprises peut aider à compenser les coûts, mais la structure du programme n'a pas encore été précisée, et on se demande également quels cours et programmes seront admissibles et s'ils correspondront aux besoins des entreprises. Il est donc essentiel de consulter les employeurs à cet égard.
    Mon temps est presque écoulé.
    Nous avons également formulé des commentaires sur la transférabilité des prestations. On a beaucoup parlé des prestations qui seront transférables et de la façon dont cela pourrait fonctionner. Nous avons mis sur pied un groupe de travail dont les membres répondront au groupe d'experts qui a été créé sur les enjeux liés à la main-d'oeuvre. Des recommandations sont à venir. Nous vous encourageons à faire preuve d'une grande prudence, car il y a des problèmes de coûts et de faisabilité au niveau de l'administration.
    Nous avons également formulé des commentaires sur la notion d'un régime national d'assurance-médicaments et nous appuyons un concept qui comble les lacunes. Je peux remettre un mémoire de position aux personnes intéressées.
    En terminant, j'aimerais remercier les membres du comité de m'avoir donné l'occasion de comparaître aujourd'hui et d'insister sur l'importance d'inclure le secteur des affaires dans ces discussions. La Chambre de commerce et ses membres sont des partenaires disposés à collaborer et à participer à des consultations.
    Merci.
(1125)
    Merci beaucoup.
    Nous entendrons maintenant M. Chris Roberts, directeur national des Services des politiques sociales et économiques du Congrès du travail du Canada.
    Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant votre comité pour parler de ce sujet important.
    Le Congrès du travail du Canada se prononce sur des enjeux nationaux au nom de trois millions de travailleurs canadiens syndiqués. Il regroupe plus de 50 syndicats nationaux et internationaux, 12 fédérations du travail provinciales et territoriales et plus de 100 conseils du travail d'un bout à l'autre du pays.
    La question du travail précaire revêt une importance vitale pour les syndicats et les travailleurs canadiens. Nous aimerions féliciter le député de Sault Ste. Marie d'avoir proposé cette motion et d'avoir joué un rôle dans le lancement de cette importante étude.
    Mardi dernier, les membres du Comité ont entendu le témoignage éloquent d'Allyson Schmidt, qui a parlé non seulement du stress et des difficultés que cause la précarité d'emploi sur le plan personnel, mais aussi de l'inefficacité économique et de l'énorme gaspillage qui découlent de l'incapacité d'une personne qui possède de tels talents et un tel potentiel de trouver un emploi stable et satisfaisant qui utilise pleinement ses compétences.
    Ce type de problème lié au marché du travail est présent partout au Canada. En effet, la précarité d'emploi touche beaucoup plus de travailleurs et est beaucoup plus répandue que de nombreuses personnes le comprennent ou veulent bien l'admettre. Les salaires peu élevés, l'instabilité des emplois et des revenus, l'accès limité aux protections offertes par les normes du travail et d'autres manifestations de l'insécurité liée au marché du travail touchent des millions de travailleurs dans notre pays.
    Le projet de recherche Poverty and Employment Precarity in Southern Ontario — qu'on appelle PEPSO —, une initiative de Centraide et de la McMaster University, a conclu qu'en 2011, 20 % des travailleurs de la région du Grand Toronto occupaient un emploi précaire. De plus, la situation d'emploi de 20 % des autres travailleurs présentait au moins certaines des caractéristiques liées à l'emploi précaire.
    L'Examen portant sur l'évolution des milieux de travail en Ontario, mené en 2017, a conclu que les travailleurs vulnérables qui occupaient un emploi précaire représentaient près du tiers des travailleurs ontariens en 2014. À eux seuls, les emplois atypiques représentaient plus du quart de la main-d'oeuvre de la province. Dans cette catégorie d'emploi, on retrouve notamment les employés temporaires, par exemple les employés à durée déterminée et les employés contractuels, saisonniers et occasionnels, les travailleurs autonomes non constitués en société sans aide rémunérée, les employés à temps partiel imposé et les titulaires de plusieurs emplois dont l'emploi principal paie moins que le salaire médian.
    Toutefois, à notre avis, l'emploi précaire ne devrait pas être réduit aux emplois atypiques ou temporaires. Même si les emplois atypiques et les emplois précaires se chevauchent dans une grande mesure, tous les emplois temporaires ou atypiques ne peuvent être considérés comme étant des emplois précaires. En effet, certains travailleurs occupant un emploi atypique sont des professionnels hautement spécialisés avec un emploi contractuel qui offre un salaire très élevé, et ils ne sont donc pas en situation précaire.
    D'un autre côté, certains travailleurs ont un emploi typique qui présente des caractéristiques liées à la précarité. On devrait donc comprendre que la précarité d'emploi ne touche pas seulement les emplois incertains ou temporaires, mais également les emplois à temps plein peu rémunérés qui n'offrent pas de régime de retraite, d'avantages sociaux ou de protections adéquates liées aux normes du travail.
    C'est la raison pour laquelle l'Examen portant sur l'évolution des milieux de travail en Ontario a attiré l'attention sur la nécessité de se concentrer sur les travailleurs vulnérables occupant un emploi précaire à l'avenir. Il a souligné que la vulnérabilité et l'impuissance au travail et sur le marché du travail, ainsi que l'augmentation des risques sur le plan physique et financier, représentaient des caractéristiques importantes de la précarité d'emploi.
    Il est important de noter que cette approche attire l'attention sur les façons par lesquelles les risques et les coûts liés à l'emploi ont progressivement été transférés aux travailleurs individuels, sur la façon dont la contraction des régimes de retraite et la réduction de l'accès aux prestations ultérieures à la retraite ont transféré les risques liés à la retraite aux travailleurs individuels, et sur la façon dont l'accès de plus en plus réduit aux prestations d'assurance-emploi a affaibli les protections contre le chômage et a augmenté les coûts entraînés par la perte d'un emploi. Il attire aussi l'attention sur la façon dont la baisse des investissements effectués par les employeurs dans la formation et le perfectionnement en milieu de travail a fait augmenter les risques liés à la désuétude des compétences et au chômage attribuables à l'automatisation pour les travailleurs individuels, sur la façon dont les changements apportés à la rémunération des travailleurs ont augmenté les risques que courent ces derniers lorsqu'ils se blessent ou tombent malades au travail, etc.
    Voici donc les recommandations que nous formulons au Comité.
    À notre avis, le Comité devrait recommander au gouvernement du Canada de collaborer avec les universités, les syndicats, les employeurs et d'autres parties intéressées en vue d'élaborer une définition de la précarité d'emploi et d'améliorer la collecte de données qui serviront aux efforts visant à réduire la précarité d'emploi.
    En particulier, le gouvernement devrait produire de meilleurs renseignements sur le marché du travail en ce qui concerne l'incidence différentielle de la précarité d'emploi sur les femmes, les peuples autochtones, les travailleurs racialisés, les nouveaux arrivants au Canada, les jeunes, et les personnes handicapées.
(1130)
    Le gouvernement devrait élaborer des mesures de la précarité qui peuvent être suivies au fil du temps et qui permettent d'évaluer les efforts qu'il déploie pour réduire la précarité.
    À titre d'employeur, et par voie législative et réglementaire, le gouvernement fédéral peut prendre des mesures immédiates pour réduire la précarité d'emploi et favoriser les bons emplois dans le secteur public fédéral et le secteur privé.
    Il peut continuer à renforcer les normes du travail pour les travailleurs dans les industries sous réglementation fédérale.
    Il peut réduire la mesure dans laquelle la fonction publique a recours à la sous-traitance et aux agences de placement temporaire.
    Il peut s'attaquer à la vulnérabilité particulière des travailleurs migrants au Canada, surtout les travailleurs migrants des volets des emplois agricoles et des emplois à rémunération peu élevée du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Il peut aussi proposer de régulariser le statut des travailleurs sans papiers au Canada, qui vivent et travaillent dans des circonstances particulièrement précaires.
    Il peut notamment améliorer l'accès aux prestations d'assurance-emploi et augmenter le taux de remplacement.
    Il peut prendre des mesures pour éliminer les obstacles à la syndicalisation et améliorer l'accès des travailleurs à la négociation collective.
    Enfin, les responsables des politiques budgétaires et monétaires peuvent accorder une plus grande priorité aux efforts concrets en vue de réaliser le plein emploi au Canada.
    Merci beaucoup. J'ai hâte de répondre aux questions des membres du Comité.
    Merci beaucoup, monsieur Roberts.
    Nous entendrons maintenant Colin Busby, directeur de recherche à l'Institut de recherche en politiques publiques. M. Busby comparaît par vidéoconférence de Montréal.
(1135)
    J'aimerais remercier le président et les membres du Comité de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui pour discuter d'un enjeu important, à savoir comment nous pouvons mieux définir et mesurer la précarité d'emploi, afin de contribuer à l'élaboration et à l'évaluation de politiques qui permettront de régler ce problème.
    J'aimerais consacrer la première moitié de mon exposé à la présentation d'options qui permettraient de formuler une définition plus normalisée de la précarité d'emploi. Ensuite, pendant la deuxième moitié, je parlerai des raisons pour lesquelles il est important de définir la précarité d'emploi, car une telle définition engendre, et d'une certaine façon prédétermine, des interventions stratégiques.
    L'incertitude économique préoccupe de nombreux Canadiens. On comprend de plus en plus que les avantages découlant de la croissance économique des dernières années ne sont pas distribués équitablement entre tous les travailleurs. Par conséquent, un grand nombre d'entre eux se sentent exclus des avantages liés au progrès économique. Manifestement, les pressions exercées par le progrès économique — le développement technologique et sa facilitation par la mondialisation — ont eu des répercussions importantes sur le marché du travail et sur les insécurités au travail.
    Pourtant, il ne faut pas oublier que nous avons établi les fondements de notre filet de sécurité sociale et de nos lois en matière de normes du travail à une époque très différente de la nôtre. En effet, la plupart des lois, des règlements et des institutions liés au travail, même s'ils ont été légèrement modifiés au fil des années, ont été mis en oeuvre dans les années 1970 et 1980, à une époque où il existait de nombreuses grandes entreprises — surtout dans le secteur de la fabrication — et où ces entreprises étaient la source principale d'emplois à temps plein et à l'année. De plus, la plupart des travailleurs étaient des hommes.
    Les grands employeurs de cette époque étaient souvent protégés par des tarifs et faisaient face à une concurrence limitée. De plus, la couverture syndicale était beaucoup plus étendue. Toutefois, de nos jours, la concurrence est plus importante, le nombre de petits employeurs est plus élevé, il y a plus de services et, évidemment, un plus grand nombre de femmes font partie de la population active.
    Lorsqu'on ajoute l'anxiété des travailleurs au sujet des nouvelles technologies et de la possibilité qu'elles les remplacent au travail, il n'est pas difficile de comprendre pourquoi un si grand nombre de Canadiens ressentent un malaise économique.
    Même si la documentation universitaire et stratégique n'offre pas une définition cohérente de la précarité d'emploi, on retrouve des thèmes communs. Sur le plan conceptuel, la notion de « précarité d'emploi » vise à exprimer l'incertitude et la vulnérabilité des travailleurs face à leur emploi. Cette définition générale englobe l'incertitude relative à l'emploi, par exemple la possibilité d'un congédiement futur, la prédictibilité ou l'absence de prédictibilité, par exemple en ce qui concerne l'horaire de travail, et les salaires peu élevés ou l'accès réduit aux avantages sociaux et aux prestations.
    Statistique Canada assure le suivi de ce qu'on appelle les emplois atypiques, par exemple les emplois temporaires à temps partiel, dont le témoin précédent a déjà parlé. Les travailleurs en situation précaire sont souvent liés aux résultats de ces données en raison de leur disponibilité.
    Toutefois, étant donné que certains travailleurs occupant un emploi atypique peuvent être bien rémunérés, parfois en raison de la précarité de leur emploi, on a commencé à se concentrer davantage sur les travailleurs à salaire peu élevé lorsqu'il s'agit de la précarité d'emploi, peu importe le type d'emploi qu'ils occupent. Des témoins précédents l'ont mentionné et je tiens à le répéter, car après tout, certains emplois à temps plein et à l'année sont plutôt précaires. Il se peut que les travailleurs aient peu d'occasions d'avancement professionnel et de protections syndicales, et ils ne profitent peut-être pas d'un régime d’assurance-maladie complémentaire qui leur donnerait un meilleur accès aux médicaments sur ordonnance, d'un régime de santé buccodentaire ou d'autres prestations d’assurance-maladie complémentaires.
    Dans le cadre de nos efforts pour trouver une façon plus précise et harmonisée de mesurer la précarité d'emploi, comme vient de le mentionner le témoin précédent, j'ajouterais qu'il faut déterminer si des groupes précis de travailleurs sont potentiellement plus touchés par la précarité d'emploi au fil du temps. Il peut s'agir des femmes, des groupes racialisés, des nouveaux immigrants, des travailleurs dans le domaine des services aux jeunes, des personnes handicapées, etc.
    Je me ferais aussi l'écho du point qu'a fait valoir Parisa, c'est-à-dire que le fait de connaître le nombre total de travailleurs en situation précaire d'une année à l'autre ne fournit qu'une partie des renseignements que nous devons connaître à titre de responsables des politiques. Nous devons savoir si les périodes de précarité d'emploi se prolongent ou non, s'il s'agit d'un phénomène plutôt temporaire ou non, et si ces périodes débouchent sur des possibilités d'emploi plus permanent, à temps plein et bien rémunéré.
    Encore une fois, on a souvent fait valoir ce point, mais je le répète, car il est important. Dans le cadre de l'Examen portant sur l'évolution des milieux de travail en Ontario qui a été mené en 2017, on a eu recours à deux définitions de précarité d'emploi qui étaient surtout axées sur les salaires peu élevés comme variable sous-jacente. C'est une décision méthodologique que j'appuie fortement et, comme Chris l'a déjà mentionné, par l'entremise de l'une ou l'autre de ces définitions, on a conclu qu'on pouvait placer le tiers des travailleurs ontariens dans la catégorie des travailleurs en situation précaire.
    Nous devons toutefois faire attention à la façon dont nous définissons la précarité, car cela a une incidence sur l'élaboration des politiques. Lorsqu'il s'agit d'améliorer le soutien aux travailleurs et leur sécurité, qu'essayons-nous de leur offrir: la sécurité d'emploi, la sécurité du revenu ou une combinaison des deux? Si notre définition de la précarité concerne surtout la sécurité d'emploi, nous pourrions nous concentrer davantage sur les enjeux liés à la législation du travail comme l'embauche et le congédiement, ainsi que sur les règles régissant les indemnités de départ. Mais si la sécurité du revenu est notre objectif principal, nous pourrions nous concentrer davantage sur le filet de sécurité sociale en l'absence de sécurité d'emploi. Cependant, il est plus probable que nous tentions d'atteindre l'équilibre entre ces deux notions.
(1140)
    
    Voici, très rapidement, un exemple de notre définition du travail précaire. La définition peut influer sur notre analyse des interventions au moyen de politiques. Récemment, Statistique Canada a publié une recherche intitulée Évaluation de la qualité des emplois au Canada: une approche multidimensionnelle, qui examine six éléments de la précarité de l'emploi, que j'énumère très rapidement: le revenu et les avantages sociaux, les possibilités d'avancement comme les occasions d'avancement professionnel, l'intensité du travail, l'autonomie dans le travail et dans le lieu de travail, les occasions de formation et ainsi de suite.
    Les résultats de cette étude ont éclairé les enjeux plus complexes de la précarité. Ils montrent de grandes différences dans la précarité au travail entre les secteurs, mais, également, à l'intérieur de secteurs bien précis. Les données révèlent aussi d'importantes conséquences relativement au sexe, le travail des femmes étant plus souvent précaire, ainsi que la précarité accrue des emplois des jeunes et de ceux qui travaillent à temps partiel.
    Pour réfléchir rapidement, à partir d'un résultat de cette étude, à l'influence possible de ces constatations sur les interventions de la politique, prenons celui selon lequel les grandes entreprises, beaucoup plus que les petites, ont tendance à offrir des emplois de qualité bien payés. Qu'est-ce que ça signifie pour nous? Que notre régime fiscal devrait cesser de favoriser les petites entreprises? Ou, à l'opposé, que nous devrions ne plus nous soucier de la concentration croissante du marché entre les entreprises et des lois antitrusts, si ça se traduit par plus d'emplois stables et bien payés pour certains?
    Je n'ai pas la réponse à ces questions et je ne veux pas faire de suppositions, mais je tiens à souligner l'imbrication du problème du travail précaire avec le climat de concurrence dans lequel évoluent les entreprises canadiennes. Je pense que c'était l'objectif de la motion du député selon laquelle une définition commune du travail précaire « permettra d'opter pour la préservation, de mettre en place des stratégies de soutien et de saisir les opportunités d'innovation, tant dans le secteur public que dans le privé ». On devine, sous-jacentes partout, une tension entre la vulnérabilité et l'incertitude qu'affrontent les travailleurs et nos options pour les résorber. Il y a aussi le climat des affaires favorables à la concurrence que nous encourageons et qui exige d'accorder aux entreprises la souplesse nécessaire pour prendre des décisions opérationnelles, embaucher du personnel et acquérir des immobilisations.
    Ce qui, dans notre quête de solutions à la précarité de l'emploi et au maintien d'une économie innovante, revient à ceci: même si les efforts visant à mieux définir et à mieux suivre le travail précaire sont une tâche fédérale inestimable que, sans doute, Statistique Canada devrait entreprendre, l'ignorance de la tension et des pressions inévitables qu'affrontent les travailleurs et les entreprises et l'ignorance de la nécessité de trouver des solutions de compromis à ces problèmes signifient que nous risquerons d'éprouver des difficultés à élaborer des interventions par la politique.
    Sur ce point, et je termine bientôt, le besoin de solutions de gouvernance qui rassemble des groupes tripartites — entreprises, syndicats et organismes gouvernementaux — devrait être un élément essentiel de notre façon de faire progresser la politique.
    Je tiens à conclure en affirmant que je favorise une définition normalisée du travail précaire, qui accorde le plus d'importance à l'incertitude des revenus. Je crois en effet que c'est à la base de la plupart des problèmes de sécurité économique, sans égard à la nature du travail et parce que ça permettrait aussi d'appuyer la gamme la plus étendue d'éventuelles réactions sur le plan de la politique.
    Sur ce point, nous devrions nous efforcer de préconiser, contre l'emploi précaire, le bon dosage, qui soit aussi plus moderne, de lois sur le travail, de programmes de sécurité des revenus et de programmes qui encouragent le travail et la transition entre les emplois.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Busby.
    Commençons maintenant les questions.
    La députée Falk ouvre la danse.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Regehr, vous avez dit que l'assurance-emploi est plus difficile à obtenir. Pouvez-vous dire pourquoi?
    C'est à cause de toutes les modifications dans les règlements. Chris en connaît mieux les détails que moi, mais, en parlant des femmes, j'ai examiné la dimension du problème qui se rattache au genre. Le régime d'assurance-emploi révèle des éléments paradoxaux, par exemple l'augmentation des prestations de maternité et des prestations parentales, un plus pour ceux qui y sont admissibles, mais, d'après une étude antérieure, beaucoup de femmes qui en ont le plus besoin seront les moins susceptibles de les obtenir parce qu'elles vivent dans la précarité.
    Alors, seulement pour accumuler le nombre minimal d'heures de travail...
    ... accumuler le nombre minimal d'heures, remplir les périodes requises... Très souvent, un deuxième ou un autre enfant, c'est difficile, en raison des interruptions de travail attribuables au premier enfant qu'on élève, et comme c'est fondé sur le revenu, les pressions financières limitent vraiment les options permettant de se retirer temporairement d'un travail rémunéré pour élever son enfant.
(1145)
    Très bien. Merci.
    Madame Nord, votre organisation, la Chambre de commerce du Canada, appuie l'entreprise et en est le porte-parole. Que pensez-vous de l'appui fédéral aux initiatives de formation qui permettraient l'accès à un meilleur emploi, par rapport à la responsabilité de l'employeur ou de l'entreprise?
    Nous appuyons la nécessité de modifier le système d'éducation et de formation ou du moins de l'adapter. Ça fait partie de la notion d'éducation permanente, et chacun y a un rôle.
    Ça dépend de l'éventuelle structuration, et il faut tenir compte de certains éléments. Il faut que l'entreprise ou le secteur proposant la formation y trouve aussi des avantages si nous la structurons de cette manière. Il y a aussi une responsabilité individuelle, dans le plan de carrière. L'équilibre est donc délicat et absolu.
    Par exemple, nous nous demandons, au sujet du projet actuel de prestations pour la formation, à quels cours on sera admissible quand on obtient un congé de quatre semaines pour en suivre. Quels cours, de nos jours, du moins après des études secondaires, donneront quatre semaines de quoi...? Ça pourrait répondre à un besoin individuel, mais comment l'entreprise y trouve-t-elle son compte? Est-ce que ça existe, actuellement, en vertu d'un certain nombre d'ententes et de mécanismes? Nous ne voulons pas non plus voir disparaître dans la confusion des services de perfectionnement professionnel fournis par les entreprises.
    Vous avez parlé d'éducation permanente. Étant de la génération dite des millénariaux, on m'a déjà mise au courant, pendant ma scolarité, c'est-à-dire la nécessité de toujours apprendre, d'essayer du nouveau, de relever de nouveaux défis.
    Comment opérer le changement de culture ou d'éducation entre les générations? On ne travaille pas seulement à 30 ans. Il y a aussi des septuagénaires et des octogénaires qui travaillent. Comment privilégier la nécessité de toujours apprendre et d'être adaptable?
    Par des cours de courte durée, un système d'insignes, l'obtention de microtitres de compétences, la reconnaissance de cours non traditionnels suivis après le niveau postsecondaire et le fait de ne pas attendre d'être chômeur pour retourner aux études et obtenir un véritable diplôme: c'est tout à fait un changement de culture.
    Il y a aussi les compétences qu'on enseigne. Je crois qu'Andrew a soulevé l'aspect entrepreneurial en abordant les compétences non techniques, les compétences de base et les qualités humaines comme la résilience, l'esprit d'équipe et l'adaptabilité. C'est essentiel. Ces qualités humaines ne pourront pas être remplacées par des robots, n'est-ce pas? Beaucoup de professions comportent un aspect très technique, dans toutes leurs dimensions, mais on peut sans doute dire que ce sont les sortes de qualités que nous devons favoriser.
    J'ignore si vous pouvez répondre, mais savez-vous comment va le monde des affaires dans ce domaine? Diriez-vous qu'il donne l'exemple en formant les employés, et ainsi de suite, et qu'il continue de les former pour les rendre plus adaptables? Ou bien ce n'est absolument pas ce qui se produit?
    Ça se produit, mais pas dans toutes les entreprises. C'est une question d'argent — qui peut se le permettre? — et de priorités. Aujourd'hui, à la faveur des changements technologiques... Le changement a toujours existé. Il y a toujours eu des révolutions. La rapidité des changements... C'est plus quantitatif que qualitatif, mais, d'après mon expérience, beaucoup d'entreprises offrent des congés seulement pour rester à la hauteur. Ça se passe surtout à l'interface des technologies qu'à celle des compétences non techniques, mais je ne suis pas en mesure d'exprimer un avis définitif à ce sujet.
    D'accord.
    Vous avez aussi parlé de pessimisme, que tout n'était pas noir dans le marché changeant de l'emploi. Que pouvons-nous faire de concret, nous, les décideurs fédéraux, pour dissiper ce pessimisme?
    Votre temps est écoulé, mais j'autorise une réponse courte.
    Il faut une série d'interventions. Investir dans l'innovation, et c'est un vaste domaine. Ça revient à ce que je disais tantôt: investir dans la formation aux compétences, la résilience et l'adaptation, et dans le changement de culture dans l'état d'esprit. Encore facile à dire et terriblement difficile à faire, mais c'est essentiel.
(1150)
    D'accord. Merci.
    Monsieur Sheehan, vous disposez de six minutes.
    Merci beaucoup pour ces témoignages extraordinaires, encore une fois.
    Votre groupe et le dernier groupe de témoins, par leur excellence, me font vraiment apprécier la chance de faire partie de notre comité, monsieur le président, et apprécier toutes les questions qui se posent ici. Au début de cette étude, c'est très stimulant.
    J'interroge d'abord M. Busby. Dans No Safe Harbour, on lit que certains groupes semblent plus que d'autres cantonnés dans des emplois précaires, notamment les femmes, à 60 %, ce qui est plus que les hommes. Quelle en est la cause, d'après vous? Parlez d'abord, s'il vous plaît, de ce groupe particulier.
    Je dirais, comme ça, de mémoire, que les femmes ont tendance à être relativement plus nombreuses dans les emplois à temps partiel, des emplois plutôt précaires, faute de la sécurité des revenus d'un emploi à temps plein. La planification des heures de travail y est aussi plus compliquée. De même, les taux d'admissibilité à l'assurance-emploi, soulevés tantôt, sont beaucoup plus bas pour les personnes travaillant à temps partiel. Les employées qui ne parviennent pas à accumuler suffisamment d'heures travaillées pour être admissibles ont tendance à travailler à temps partiel. Ce n'est qu'une explication partielle, et on préfère souvent un emploi à temps partiel à cause d'obligations paternelles ou maternelles.
    D'où ma prochaine question. En 2017, Jennifer Robson a publié un travail de recherche à l'Institut de recherche en politiques publiques sur les prestations parentales au Canada. Quel lien, le cas échéant, percevez-vous entre l'augmentation de la précarité de l'emploi et la nécessité de modifier ces prestations au Canada?
    Les travailleurs veulent de la flexibilité. Certains témoins antérieurs ont dit qu'ils préféraient des formes plus atypiques d'emploi, qui ont tendance à être plus précaires, parce qu'ils recherchent cette flexibilité. Ils la recherchent aussi dans l'accès aux prestations parentales et dans la durée pendant laquelle ils en recevront.
    L'étude que vous mentionnez tire souvent des exemples du programme québécois de prestations de maternité et de paternité, très différent de celui qui est en vigueur dans le reste du Canada, parce que la province a conçu son propre système de règles qui facilitent l'admissibilité et qui prévoient des prestations beaucoup plus généreuses que celles que prévoient les règles de l'assurance-emploi pour les pères et les mères d'ailleurs au Canada. Il y aurait beaucoup à dire à ce sujet, parce que l'admissibilité aux prestations d'assurance-emploi et aux prestations de maternité et de paternité exige, hors Québec, de nombreuses heures de travail rémunéré. Dans un emploi à temps partiel, on risque même de ne pas être admissible. Au Québec, il suffit d'une centaine d'heures travaillées dans la dernière année. C'est un régime très différent, que le gouvernement fédéral devrait examiner de plus près.
    Merci.
    Ma prochaine question, plutôt générale, je la pose à Chris Roberts, du Congrès du travail du Canada. Comment les membres de votre organisation aident-ils les travailleurs en situation de précarité et par quelles stratégies?
    Excellente question! Je pense que beaucoup de syndicats essaient d'organiser les travailleurs en situation d'emploi précaire — les travailleurs vulnérables, notamment. Il y a notamment les United Food and Commercial Workers, qui organisent les travailleurs migrants, les nouveaux arrivés au Canada, dans le secteur du conditionnement des viandes, en leur accordant la couverture conventionnelle et tous les avantages qui en découlent. D'autres syndicats essaient d'organiser les employés des services d'accès à des véhicules et de covoiturage. Je pense que tous innovent en imaginant de nouvelles formes d'organisation attrayantes pour les travailleurs particulièrement exposés à l'insécurité et à la précarité.
    Je pense aussi que, seulement en intervenant au niveau des politiques publiques, les syndicats essaient de faire aboutir le genre de propositions qui ont été soulevées ici, aujourd'hui, pour l'élargissement de l'universalité du filet de protection sociale et pour des programmes universels d'assurance-médicaments. Peu importe donc que votre emploi soit syndiqué ou que, à votre travail, vous ne bénéficiiez pas d'un régime négocié et privé d'assurance-médicaments; vous pouvez toujours avoir accès aux médicaments nécessaires et tout ça.
    Je pense que les syndicats, comme les autres parties prenantes, ont seulement fait de cette question une priorité plus urgente, ces dernières années, et qu'ils essaient de s'ajuster à l'insécurité qui touche aussi leurs membres.
(1155)
    Merci.
    Leah, de la Chambre de commerce du Canada, vous avez mentionné des choses très intéressantes. Vous avez validé la position d'Andrew sur plus de formation à l'entrepreneuriat, ce qui m'a fait apprécier cette question.
    Vous avez beaucoup de membres. Y a-t-il des secteurs particuliers chez vos membres, où la précarité est plus grande? Avez-vous des données à ce sujet?
    Qu'est-ce que la précarité? Les priorités et les exigences des syndicats portent sur tous les points possibles. Définissez la précarité. Les enjeux des syndicats dans tout le pays, dans tous les secteurs... Il y a de la précarité, si vous voulez adopter ce point de vue, dans les régions rurales, éloignées et dans les petits centres qui se dépeuplent et où le nombre de départs à la retraite augmente. Voyez les secteurs. La semaine dernière, je témoignais devant un comité qui discutait, même à Toronto et à Hamilton, de secteurs comme ceux de l'industrie de la construction. La précarité, du point de vue général des demandes des syndicats, est l'un des principaux enjeux de tous nos membres, uniformément.
    Merci.
    Madame Sansoucy, vous disposez de six minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie l'ensemble des témoins de leur contribution aux travaux de notre comité. J'aimerais souligner qu'ils ont tous noté la nécessité de réformer le régime d'assurance-emploi, notamment ses critères d'admissibilité, surtout pour les femmes qui sont sur le marché du travail et dont à peine un tiers ont actuellement accès au programme.
    Ma première question s'adresse à vous, monsieur Roberts. Vous avez souligné que la précarité liée à l'emploi n'épargne aucun secteur d'activité ni aucune tranche d'âge. Au Canada, on voit même de plus en plus de gens qui travaillent à temps plein, mais qui se retrouvent quand même en situation de pauvreté et qui sont de nouveaux clients des banques alimentaires.
    Comme beaucoup de Canadiens, nous pensons que l'harmonisation des salaires dans les secteurs de compétence fédérale est un premier pas pour endiguer la précarité d'emploi. Le président de votre organisation, M. Hassan Yussuff, a affirmé qu'il faudrait fixer le salaire horaire minimum à 15 $ afin qu'une personne qui travaille à temps plein ne se retrouve pas sous le seuil de la pauvreté. Pourriez-vous m'expliquer en quoi cette mesure aiderait à réduire la précarité d'emploi?

[Traduction]

    Si je vous ai bien comprise, quelles conséquences auraient particulièrement un salaire horaire minimum de 15 $, le retour à un salaire minimum fédéral? C'est un sujet d'étude par le groupe d'experts, bien sûr.
    Je pense qu'il y a de bonnes raisons de penser que beaucoup de travailleurs mal payés des secteurs industriels privés sous réglementation fédérale profiteraient d'un retour, à ce niveau, du salaire minimum fédéral. Je pense que ça aurait des répercussions importantes sur le relèvement des normes et des salaires planchers dans les économies régionales, où le salaire minimum décrété par la province lui est inférieur. Je pense que ça annoncerait aux autres gouvernements que le gouvernement fédéral est déterminé à relever les salaires planchers.
    Pour toutes ces raisons — et je pense aussi à d'autres raisons pour lesquelles le groupe d'experts étudiera les répercussions possibles sur l'emploi —, nous pouvons croire qu'il y aura très peu, sinon aucune répercussion négative sur l'emploi. Il n'y a que de bonnes raisons, pour les travailleurs des banques, des aéroports et d'autres endroits, de fixer ce salaire plancher à 15 $ l'heure.

[Français]

    On rappelé tantôt à quel point les jeunes occupent une part importante des emplois précaires. Vous avez aussi souligné dans un rapport en 2016 que ces jeunes représentaient plus du quart des sans-emploi. Quelles solutions permettraient d'éviter que les millénariaux soient les principales victimes de la précarité en matière d'emploi?
(1200)

[Traduction]

    Il est indéniable que les Y et les jeunes sont particulièrement vulnérables à ce genre d'exploitation et à l'insécurité extrême qu'on voit poindre en marge du marché du travail, en particulier. On a dit que les travailleurs voulaient de la souplesse. Je pense que c'est souvent vrai, mais il n'y a personne qui aspire à l'insécurité. Les gens veulent de la souplesse, de l'autonomie, des défis, mais pas l'insécurité et l'exploitation qui viennent avec. Il y a des études internationales intéressantes qui montrent, étonnement, dans le contexte de cette discussion, que les jeunes travailleurs veulent de la sécurité d'emploi.
    Je pense que les jeunes travailleurs aspirent véritablement aux mêmes possibilités, aux mêmes investissements et aux mêmes droits que ceux dont bénéficient les employés de notre génération, qui jouissent d'un emploi stable, sûr et bien rémunéré.
    Je pense que les jeunes travailleurs sont particulièrement vulnérables lorsqu'ils font leur entrée sur le marché du travail, mais en réalité, ils veulent à peu près la même chose que leurs prédécesseurs.

[Français]

     Je pensais que vous alliez me répondre que la syndicalisation était une solution. Merci beaucoup, monsieur Roberts.
    Ma prochaine question est pour vous, madame Regehr. Vous étiez aux premières loges lors des expériences entourant l'instauration d'un revenu minimum garanti au Manitoba et dans le cadre de projets pilotes en Ontario. Selon vous, serait-ce une solution à mettre de l'avant dans le cadre de notre étude sur la précarité en matière d'emploi? Nous savons que le gouvernement fédéral vient de mettre en place une stratégie de réduction de la pauvreté. Aurait-il fallu qu'un revenu minimum garanti soit l'une des solutions retenues pour contrer la pauvreté et la précarité?

[Traduction]

    Le temps imparti est écoulé, mais je vous permettrai de répondre très brièvement à la question, si vous le voulez bien.
    Oui, absolument. J'aimerais ajouter une chose à ce que disait le représentant de l'IRPP. Je pense qu'il faut vraiment mettre l'accent sur le revenu, et pas seulement de ceux qui vivent déjà sous le seuil de la pauvreté ou presque et de ceux qui occupent un emploi précaire aujourd'hui, parce que la précarité est une chose incertaine. Elle peut changer du jour au lendemain.
    La sécurité du revenu donne de la souplesse. Toutes nos études montrent que quand on a cette souplesse, on peut se recycler, se perfectionner, mais il ne faut pas oublier que les gens ont aussi une vie en dehors du travail. Ils doivent manger et avoir un toit au-dessus de la tête pendant qu'ils font tout cela. Autrement, cela ne sert à rien.
    La sécurité du revenu compte pour beaucoup.

[Français]

    Je vous remercie.

[Traduction]

    Nous entendrons maintenant M. Sangha pendant six minutes, s'il vous plaît.
    Je vous remercie beaucoup de votre présence ici aujourd'hui et de toute l'information précieuse que vous nous communiquez. Dans la région de Toronto, et particulièrement dans ma circonscription de Brampton Centre, je vois surtout de nouveaux immigrants arriver, et la plupart d'entre eux ne sont pas qualifiés pour l'emploi. Ils travaillent à temps partiel, à temps plein. Ils sont prêts à accepter n'importe quel emploi, ils en trouvent un et commencent à travailler. La plupart sont très vulnérables. Ils passent d'un emploi à un autre.
    Dans ce genre de situation, il est évident qu'ils souffrent des lacunes du système. Nous voulons faire quelque chose pour eux, mais nous n'arrivons pas à le faire comme il faut parce qu'il y a d'autres circonstances qui bloquent tout.
    Madame Nord, vous avez recommandé trois choses au gouvernement fédéral dans votre présentation, c'est-à-dire de mettre l'accent sur les compétences, la formation et l'éducation, puis sur leur qualité.
    Dans ce contexte, avez-vous des données sur vos membres qui vous permettent de savoir quels sont les secteurs qui embauchent des travailleurs à contrat ou des travailleurs très vulnérables?
(1205)
    En un mot, non, mais j'aimerais faire quelque chose pour la région de Brampton aussi. Vous parlez de revenu de base, mais cela m'amène à parler du coût de la vie aussi. Il n'y a pas que la précarité d'emploi. Il y a le revenu de base, le coût de la vie, le coût du logement...
    On parle d'évaluations fondées sur les compétences, et c'est exactement ce qui aiderait les immigrants et les nouveaux Canadiens. Il faudrait remplacer le système fondé sur les diplômes par une évaluation des compétences. J'ai entendu, mardi dernier, un témoignage sur les agences de placement temporaire, et un grand pourcentage des personnes qui y ont recours sont immigrantes. Ce n'est pas un problème de précarité d'emploi. C'est un problème de manque d'expérience de travail au Canada, par exemple.
    Il faut donc s'attaquer aux véritables sources du problème, le définir et trouver des solutions. Si le grand problème pour les immigrants et les migrants, c'est la précarité de leur statut juridique au Canada, parlons du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Comme vous le savez, je pourrais vous parler en long et en large de ce programme.
    La précarité d'emploi est une chose, mais est-ce un problème de revenu? Vers quoi se porte notre regard? Pensons aux avantages sociaux, par exemple. Même s'il y a un salaire minimum au Canada, à quels avantages les travailleurs ont-ils droit? Tout est lié, et j'essaie simplement de dire qu'il faut cibler des choses précises dans nos analyses et nous demander quels problèmes exactement nous essayons de résoudre.
    Le problème, toutefois, c'est la pénurie de main-d'oeuvre. Les PME en souffrent elles aussi. Elles cherchent du personnel. Mais si elles offrent une formation de 20 ou 30 jours à un employé, puis qu'il part travailler ailleurs, elles auront encore un poste à combler. Les entreprises sont en situation précaire. Elles n'arrivent pas à produire ce qu'elles devraient produire pour leurs clients.
    Que proposez-vous dans ce genre de situation?
    Je vais vous laisser répondre en premier, puis je pourrai y ajouter mon grain de sel.
    Je pense que vous mettez le doigt sur un problème de longue date au Canada, c'est-à-dire la tendance des employeurs de sous-investir dans la formation et le perfectionnement de leurs effectifs par peur de se les faire voler: ils ont peur du maraudage et qu'un quelconque profiteur qui n'investit pas dans la formation vienne cueillir les fruits des investissements de ses concurrents.
    Pour contrer ce problème, beaucoup de pays et le Québec imposent à tous les employeurs une taxe de formation. Bien souvent, les grands employeurs qui investissent beaucoup dans la formation de la main-d'oeuvre en sont exemptés, mais ceux qui n'investissent pas un certain pourcentage de leur masse salariale dans la formation doivent cotiser à un système général qui permet de financer toutes sortes de projets de formation et de perfectionnement des compétences.
    Ce serait une façon de faire augmenter les investissements dans la formation en général, au Canada, puisqu'ils diminuent depuis 25 ans. Ce serait une façon de veiller à ce que les travailleurs bénéficient davantage d'investissements dans la formation sur les compétences essentielles, les compétences numériques et dans d'autres domaines importants.
    Avez-vous des propositions à faire au gouvernement fédéral pour commencer?
(1210)
    Oui. Je pense que le gouvernement fédéral doit investir beaucoup plus dans l'alphabétisation et les compétences essentielles. C'est une lacune fondamentale pour les travailleurs vulnérables qui occupent des emplois précaires. Les travailleurs les moins bien rémunérés ne sont souvent pas ceux qui reçoivent de la formation en milieu de travail. Ce sont habituellement les travailleurs les mieux rémunérés, qui sont déjà les plus éduqués, qui reçoivent la part du lion de la formation. Les personnes qui en auraient le plus besoin sont celles qui sont le moins susceptibles de recevoir de la formation, et ce sont souvent des personnes qui auraient besoin qu'on investisse dans les compétences de base, soit dans l'alphabétisation, la numératie, les compétences numériques et d'autres choses du genre.
    Ce serait un premier pas. Je pense aussi qu'il faut revoir l'Allocation canadienne pour la formation, soit la nouvelle allocation annoncée dans le budget, si l'on veut que les travailleurs vulnérables à faible revenu y aient accès.
    Merci beaucoup.
    Nous entendrons maintenant M. Morrissey, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Regehr, vous avez affirmé qu'il était plus difficile qu'avant d'obtenir de l'assurance-emploi. N'êtes-vous pas prête à reconnaître deux changements importants que notre gouvernement a apportés au système pour s'attaquer aux problèmes de la précarité d'emploi et de la formation? Premièrement, nous avons éliminé les critères minimaux pour les nouveaux demandeurs et ceux qui redemandent des prestations après une certaine période. Le seuil précédent, de 900 heures et quelques, était punitif. Les données montrent que les femmes et les jeunes en souffraient plus que tout autre groupe. Deuxièmement, nous avons récemment autorisé des programmes de formation importants, dont les participants pourront recevoir des prestations d'assurance-emploi tout en suivant une formation à temps plein.
    Ne reconnaissez-vous pas que ces mesures viennent alléger un peu les problèmes de précarité?
    Tout à fait. Je pense qu'il y a beaucoup de bonnes choses dans le système qui fonctionnent de cette façon et qui doivent continuer de fonctionner de cette façon. Ma principale préoccupation, et celle de beaucoup de personnes de notre réseau, c'est qu'il faut une analyse approfondie de l'économie pour comprendre qui sont les personnes dans les situations les plus précaires qui n'auront pas accès à ce genre de prestations, à l'assurance-emploi et...
    Oui, mais votre affirmation générale selon laquelle il est de plus en plus difficile d'obtenir de l'assurance-emploi ne reflète pas bien la réalité, compte tenu de ces deux mesures.
    Oui, il y a des améliorations. J'ai commencé à travailler pour Emploi et Immigration il y a 30 ans. C'était mieux à l'époque.
    Nous reconnaissons tous que l'objet de cette étude n'est pas ceux qui choisissent l'emploi précaire, mais ceux qui n'ont d'autre choix que l'emploi précaire. Donc, convenez-vous qu'une augmentation de l'emploi précaire fait augmenter ou diminuer l'activité économique ou la croissance économique?
    Il y a divers effets à cela. Quand moins de personnes ont accès au marché de l'emploi au Canada...
    Ma question s'adressait à la directrice de la Chambre de commerce.
    Mme Sheila Regehr: Oh, je m'excuse.
    Me demandez-vous si la précarité d'emploi fait augmenter l'efficacité économique?
    Non, pas l'efficacité. Selon vos membres, a-t-elle une incidence sur l'activité économique, la fait-elle augmenter?
    Rien ne me prouve qu'il y a une corrélation entre les deux. Ce qui m'inquiète surtout là-dedans, et nos membres seraient d'accord... J'aime le parallèle... avec les facteurs qualitatifs derrière les chiffres. Ce sont des emplois non standard. Nous pouvons être d'accord avec certains.
    Mais à votre avis, l'emploi précaire fait-il augmenter ou diminuer l'activité économique?
    Il n'y a pas de lien entre les deux.
    Je dirais qu'il la fait diminuer.
    Madame Regehr, vous croyez qu'il ferait diminuer l'activité économique.
    Comme le montrent les allocations canadiennes, comme l'Allocation canadienne pour enfants, une plus grande sécurité fait augmenter la productivité, améliore l'accès à l'économie et stimule l'activité économique.
    Changeons l'angle d'approche, alors. S'il en coûte plus cher aux entreprises, cela aura un effet qui ne sera pas nécessairement positif sur l'économie.
    D'accord.
    J'ai une question à poser à la représentante de l'Institut C.D. Howe. Avez-vous des données vous indiquant quels secteurs dépendent le plus de travailleurs contractuels? Avez-vous des données à ce sujet, que vous pourriez transmettre au comité?
(1215)
    C'est Statistique Canada qui nous fournit des données sur le nombre de personnes qui occupent un emploi temporaire dans les différents secteurs. Comme je l'ai mentionné, cela semblait surtout prévalent dans le secteur des services, mais il y a des variations d'un type de service à l'autre. Je n'en ai pas la liste détaillée, mais c'est dans les secteurs de l'éducation, de la santé et de l'hébergement qu'il y a le plus fort...
    Excusez-moi. Avez-vous des données préparées par l'Institut C.D. Howe lui-même ou auxquelles il a accès à d'autres sources?
    Nous utilisons les données de Statistique Canada.
    Vous dépendez donc de Statistique Canada.
    Oui, mais nous faisons fréquemment des analyses de ces données.
    C'est essentiel. Si vous vous fondez sur ces données pour effectuer vos analyses, alors il est essentiel que les données de Statistique Canada ratissent large et reflètent bien la réalité. Elles ne peuvent venir que du questionnaire de recensement long, n'est-ce pas?
    Oui. Il y a toutefois une chose que nous pouvons extrapoler de ces données. Par exemple, il y a des secteurs qui emploient une proportion importante de travailleurs temporaires et qui offrent en moyenne des salaires bas alors que d'autres offriront plutôt moins d'heures de travail. Grâce à cela, nous pouvons, dans une certaine mesure, conclure qu'il y a plus de travailleurs qui occupent des emplois précaires, par exemple.
    J'ai une autre question. Vous avez mentionné dans votre exposé que...
    Je m'excuse, Monsieur Morrissey, mais vous n'avez plus vraiment de temps pour une autre question. Vous pouvez peut-être en poser une très vite, mais elle doit être très brève.
    D'accord.
    Vous avez mentionné une augmentation du travail temporaire et contractuel. Avez-vous des données qui expliquent pourquoi? Vous avez fait allusion à des données de 1997. Avez-vous des statistiques plus récentes?
    Je vous prie d'être très brève dans votre réponse.
    Les données les plus récentes dont nous disposons sont celles de 1997 et nous proviennent encore une fois de Statistique Canada. Si l'on compare les données à celles de cette année-là, il y a effectivement une augmentation. La plus grande augmentation du nombre d'emplois temporaires est survenue environ à ce moment-là. D'autres études ont été effectuées avant, mais les calculs se fondaient sur le nombre général d'emplois précaires. Avant 1997, il n'y en avait pas beaucoup, mais compte tenu de tous les changements qui se sont opérés dans l'économie, comme je l'ai mentionné, en raison de la mondialisation et de l'évolution des préférences des travailleurs, l'emploi temporaire a gagné en popularité avec le temps.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Barlow, s'il vous plaît.
    Je remercie nos témoins d'être ici aujourd'hui.
    Madame Mahboubi, vous avez cité quelques chiffres au début de votre exposé pour attester d'une hausse de l'emploi précaire. Cependant, lors d'une séance précédente, des représentants de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, la FCEI, et des CPA du Canada nous ont dit que le pourcentage des travailleurs occupant un emploi précaire n'avait pas vraiment changé depuis des décennies.
    Je me demande si l'Institut C.D. Howe a une définition de l'emploi précaire. Cela nous aiderait sûrement, dans cette étude, pour comprendre l'écart entre les chiffres que citent les différents groupes.
    En gros, comme je l'ai mentionné au début de ma déclaration, pour calculer ce pourcentage, qui est stable depuis 1997, j'ai examiné quatre types d'emplois: les postes temporaires, les postes à temps partiel, l'emploi à temps plein grâce à un cumul de postes et le travail autonome non constitué.
    Comme d'autres témoins l'ont mentionné aussi, cela ne signifie pas que tous les travailleurs qui occupent ce type d'emploi ont un emploi précaire, mais ce type d'emploi peut, dans une certaine mesure, présenter les caractéristiques de l'emploi précaire. Nos calculs se fondent sur ces chiffres.
    Merci.
    Je sais que c'est difficile. Vous avez parlé de ces quatre types d'emplois, mais si vous deviez donner un exemple au Comité pour décrire l'emploi précaire, auriez-vous une définition à nous donner pour nous aider? L'Institut C.D. Howe a-t-il une définition de l'emploi précaire ou ne fait-il que prendre ces différents facteurs en considération lorsqu'il essaie de l'étudier?
(1220)
    Il n'y a essentiellement aucun consensus sur la façon de définir le travail précaire, mais comme je l'ai mentionné au début de mon exposé, c'est habituellement ainsi qu'on qualifie les emplois peu rémunérés, qui n'offrent que peu ou pas d'avantages sociaux et qui sont instables. Mais comme Colin Busby l'a mentionné lui-même, il faut déterminer lequel de l'incertitude ou du faible revenu est le plus grave.
    Par exemple, ce ne sont pas tous les travailleurs occupant un emploi temporaire qui ont un faible revenu, mais peut-être que parce qu'ils travaillent sous contrat, leur emploi est incertain, ils ne savent pas s'ils occuperont le même emploi l'an prochain ou non, mais ils gagnent beaucoup en ce moment.
    Il y a plusieurs types d'emplois, et il est très important d'établir des distinctions entre les différents types d'emploi, mais le problème, c'est l'accès aux données. Il est essentiel d'avoir accès à des données, mais les chercheurs canadiens n'ont pratiquement pas accès aux données très précieuses nécessaires pour effectuer cette analyse.
    Merci, c'est très apprécié.
    Madame Nord, je vous remercie infiniment d'être de retour parmi nous. Vous semblez presque faire partie du Comité maintenant.
    Vous en avez parlé brièvement, et j'aimerais vous demander d'approfondir un peu. Certains propriétaires d'entreprises nous ont parlé du nouveau programme de formation professionnelle annoncé dans le dernier budget, qui ne verra essentiellement pas le jour avant que le gouvernement ait conclu un accord avec les provinces et les territoires, pour qu'ils modifient leurs dispositions sur les congés, donc c'est un programme qui pourrait ne jamais voir le jour, point final.
    Il imposerait aux entreprises d'accorder à l'employé quatre semaines de congé payé. Veuillez nous parler un peu de l'incidence de ce programme sur les propriétaires d'entreprise, particulièrement en l'absence d'indicateurs ou d'une reddition de comptes sur la nature de la formation et ses avantages pour l'entreprise.
    Oui, et encore une fois, je tiens à rappeler que les gens d'affaires sont pour la formation...
    Oh! Absolument.
    ... et le perfectionnement en général. Tout est dans les détails, et il n'y a pas de détails sur ce programme. Il représente donc des coûts accrus pour les entreprises, une protection supplémentaire pendant une période d'absence, mais nous ne savons pas pour quel genre de cours ni comment cela... Les coûts seraient aussi plus élevés parce que ce serait associé au programme de l'assurance-emploi. Quand ce congé serait-il pris? Comment serait-il géré? Quels seraient les paramètres? Qui prendrait les décisions? Nous avons pour l'instant plus de questions que de réponses.
    Oui, et je pense qu'il n'y a aucune question qui mette l'accent sur la formation elle-même. Il y a même un des témoins qui comparaissait devant nous aujourd'hui encore qui nous a dit qu'il fallait mettre l'accent sur l'entrepreunariat et la formation professionnelle dès le début du secondaire, et je pense que ce sont des choses que nous avons perdues de vue. Du milieu des affaires, il y a aussi la FCEI qui nous a dit que ses membres se sont engagés à investir 9 milliards de dollars en formation, sur laquelle personne ne devra vraiment rendre de comptes.
    Y aurait-il moyen de cibler davantage nos efforts pour prévenir l'emploi précaire? Pourrions-nous mieux cibler la formation professionnelle, concevoir de nouveaux programmes d'apprentis ou discuter du contenu des programmes avec les provinces pour que l'entrepreneuriat et la formation professionnelle fassent partie des programmes plus tôt dans l'éducation?
    Plus tôt, oui, absolument, et comme vous nous l'avez déjà entendu dire aussi, ce peut être pour apprendre un métier, acquérir des compétences générales, favoriser l'alphabétisation ou la numérisation.
    Je pense qu'on pourrait faire la même observation générale que M. Busby. Ce sont les discussions tripartites avec tous les intervenants, tous les acteurs, qui représentent un défi colossal, mais je pense qu'elles sont nécessaires.
    Les entreprises sont absolument prêtes à faire leur part. Elles reconnaissent l'importance de tout cela. Pour ce qui est du financement de l'apprentissage intégré au travail, il est vrai que l'étudiant, qui ne sera plus vraiment un étudiant comme avant, on peut dire, pourrait ne pas rester au sein de l'entreprise, mais si cela permet de régler un problème généralisé chez les entreprises, ce sera utile.
    Chacun a ses rôles et ses responsabilités. Mardi dernier, certains ont parlé d'entreprises qui participent individuellement à la formation professionnelle pour le bien économique commun. Je pense que les limites sont parfois minces, mais qu'il doit y avoir une discussion, tout à fait.
    Merci.
    Monsieur Long.
    Bon après-midi, chers collègues. Merci aux témoins de leurs exposés très instructifs.
    Monsieur Roberts, je représente la circonscription de Saint John—Rothesay, dans le sud du Nouveau-Brunswick, une circonscription qui présente un bon taux de syndicalisation. J'aimerais aborder deux ou trois aspects. Hassan Yussuff, le président du Congrès du travail du Canada, CTC, est venu à Saint John. L'an dernier, ainsi que les deux années précédentes, à l'occasion du jour de deuil, nous avons déposé des couronnes ensemble au monument dédié à Frank et Ella Hatheway, à Rockwood Park. C'est toujours un plaisir de le voir.
    Pourriez-vous parler brièvement de l'importance de la syndicalisation relativement aux droits des employés et à l'emploi précaire?
(1225)
    J'essaierai d'être bref.
    Je pense que c'est un outil irremplaçable et inestimable pour la protection des droits des travailleurs en milieu de travail. Je pense qu'il reste beaucoup à faire pour améliorer la conformité et l'application des normes du travail au pays, mais essentiellement, rien ne vaut vraiment les organisations de travailleurs pour veiller à l'application des normes du travail.
    Cela nous amène à la question de l'accès aux négociations collectives. On dit que les travailleurs non syndiqués ont une voix collective, mais en réalité, cela n'a rien à voir avec les négociations collectives. C'est lié au déséquilibre du pouvoir et à la vulnérabilité, dont nous avons parlé.
    Le gouvernement a maintenant ratifié les huit conventions fondamentales de l'OIT, y compris le droit d'association et le droit de créer des organismes indépendants à des fins de négociation collective. Nous sommes d'avis que le gouvernement du Canada a l'obligation de promouvoir l'accès à la négociation collective en tant que droit garanti par la Charte et de favoriser l'accès pour un nombre accru de travailleurs.
    Merci de la réponse.
    Mon autre question s'adresse aussi à vous, monsieur Roberts. Actuellement, l'application des normes du travail est surtout fondée sur un système de plaintes. Il faut donc que les travailleurs connaissent leurs droits — je le vois constamment à mon bureau — et qu'ils sachent aussi comment utiliser le système actuel pour porter plainte.
    Selon vous, y a-t-il moyen que le respect des normes du travail repose moins sur des mécanismes de plaintes?
    Absolument.
    Je pense que les lois canadiennes en matière de normes du travail et leur application ne sont pas assez dissuasives. Je pense qu'on est allé trop loin pour encourager les employeurs à respecter les droits et privilèges fondamentaux des travailleurs en milieu de travail. Je pense qu'il faut recommencer à les dissuader de recourir à des pratiques qui représentent un avantage indu par rapport aux employeurs qui respectent la loi et...
    Permettez-moi de passer aux secteurs sous réglementation fédérale.
    Quels sont les défis particuliers liés aux mécanismes de plaintes dans les secteurs de compétence fédérale? De nombreux travailleurs ne savent peut-être même pas... Encore une fois, je le vois constamment avec mes électeurs qui se présentent à mon bureau. Ils ignorent qu'ils travaillent dans un secteur sous réglementation fédérale.
    C'est une question très vaste.
    Je pense qu'il faut investir davantage dans l'effectif de l'inspectorat pour appuyer une application proactive fondée sur des mesures dissuasives étoffées qui seraient nécessaires pour favoriser une conformité accrue aux normes d'emplois. Je dirais qu'il faut une collaboration étroite avec les provinces dans le cas des employeurs qui relèvent des deux administrations.
    On le voit fréquemment dans les aéroports. Une entité sous réglementation fédérale joue le rôle de chef de file quant à l'application des normes du travail dans la chaîne de valeur, tandis que l'employeur est un sous-traitant sous réglementation provinciale. Il faut une coordination accrue entre les deux.
    La dernière question est pour vous, monsieur Roberts. En quoi l'adoption d'une définition claire de la précarité d'emploi contribue-t-elle aux activités d'application de la loi dans les secteurs sous réglementation fédérale?
    Je pense que cela soulignerait certainement l'importance et l'urgence de cet enjeu. Comme je l'ai indiqué, je pense que c'est un enjeu politique, économique et social beaucoup plus important que bien des gens sont portés à le croire. Je dirais que cela permettrait d'attirer l'attention là-dessus, comme le gouvernement a très bien réussi à le faire pour les inégalités entre les sexes et d'autres formes d'inégalités en intégrant ces enjeux dans les décisions fiscales et dans la planification et les rapports budgétaires. On commence à considérer l'inégalité comme un enjeu fondamental et je pense que la lutte contre la précarité pourrait aussi être un objectif clé. Avec des mesures adéquates, nous pourrions faire un suivi de l'amélioration de la sécurité d'emploi et de la lutte contre la précarité.
(1230)
    Madame Regehr, je vous remercie de votre présentation de ce matin.
    Vous avez déclaré qu'une sécurité accrue accroît la productivité. J'ai été propriétaire d'une petite entreprise. Je devais équilibrer les budgets, payer les salaires, comptabiliser les comptes débiteurs et les comptes créditeurs, etc. Pouvez-vous simplement parler des programmes et initiatives mis en oeuvre par le gouvernement pour accroître la sécurité des travailleurs?
    Très brièvement, s'il vous plaît.
    Je ne pense pas pouvoir dire grand-chose sur ce type de programmes, car je me concentre essentiellement sur la sécurité du revenu et les questions connexes. Nous avons surtout examiné les programmes qui visent la sécurité du revenu des Canadiens, de façon générale, et qui ne sont pas directement liés à la participation au marché du travail. Prenez par exemple les prestations pour les aînés. Plus tôt, quelqu'un a mentionné que certaines personnes travaillent passé l'âge de 80 ans. Cela s'applique. Les prestations aux aînés et l'Allocation canadienne pour enfants permettent aux gens de travailler, de demeurer sur le marché du travail, d'assurer la santé et le bien-être de leur famille en plus de leur donner la résilience dont nous avons parlé pour qu'ils puissent participer à l'économie. Cela renforce l'économie. Les gens ont ainsi la marge de manoeuvre et la sécurité dont Chris a parlé.
    Lorsque j'ai présenté les résultats de notre étude, j'aurais dû mentionner l'un des effets que nous avons observés et que nous trouvons plutôt remarquables: les gens ont la capacité de démarrer ou d'agrandir une petite entreprise.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Diotte, vous avez cinq minutes.
    Je ne sais pas où commencer. Il y a tant de possibilités.
    Madame Nord, on a indiqué aujourd'hui qu'un salaire de 15 $ l'heure pourrait être une solution à la précarité d'emploi. Je sais que cela a eu un effet dévastateur en Alberta. Beaucoup d'entreprises ont fermé, particulièrement dans le secteur des aliments et des boissons.
     Que pensez-vous d'une solution de ce genre?
    Essentiellement, je pense que cela revient à essayer de régler un problème pour lequel il n'y a pas de multiples solutions. Je pense que la Chambre de commerce... Je ne peux me prononcer sans équivoque au nom de tous, mais cela suscite sans doute un certain nombre de questions. Parlons-nous du salaire minimum?
    Désolé, je parlais d'un salaire minimum de 15 $ l'heure.
    Oui. Vous imaginez l'effet que cela pourrait avoir sur l'emploi. On parle d'emplois précaires. Le salaire horaire pourrait être plus élevé, mais qu'en est-il du total d'heures? Cela représente des coûts réels pour les entreprises. Je pense qu'il faut chercher des façons de régler les problèmes, évidemment, mais il faut aussi nous préoccuper des entreprises. Il y a une question de coûts, encore une fois, puis il y a la question des compétences. Il existe diverses administrations au pays. Il faut aussi tenir compte des écarts entre les régions urbaines et les régions rurales. Je pense que cela entraîne une hausse des coûts et qu'avant d'agir en ce sens, une analyse s'impose.
    Je sais qu'en Alberta, on a constaté que cela contribuait à l'accroissement de la précarité des emplois parce que soudainement, les restaurateurs ne pouvaient plus... Ils ont dû supprimer un poste pour payer le salaire minimum de 15 $. Ils ont mis à pied une ou deux personnes. Ils n'avaient pas le choix. Cela a eu l'effet inverse.
    Cela n'a pas l'avantage d'être... Encore une fois, c'est toujours fonction des données, de leur pertinence et de l'analyse qu'on en fait. Cela dit, cela suscite certainement diverses préoccupations.
    Madame Regehr, vous considérez que la meilleure solution est un revenu minimum garanti universel. Je comprends la logique; il s'agit de donner aux gens l'occasion de retourner à l'école, d'avoir une certaine liberté, etc. Ne croyez-vous pas qu'il vous faudra vendre cette idée aux Canadiens? À votre avis, que répondra la population lorsque vous l'informerez de votre intention de donner de l'argent à toutes les personnes marginalisées pour qu'elles n'aient pas à travailler? Comment vendrez-vous une idée comme celle-là?
(1235)
    C'est déjà fait. Nous avons l'Allocation canadienne pour enfants, qui représente un revenu de base pour les familles. Il a été démontré que cela n'a pas eu l'effet négatif sur le travail que les gens craignaient. Les résultats préliminaires du projet pilote mené en Ontario, même s'il a été écourté, démontrent que cette sécurité a permis aux gens de bien participer à l'économie en leur donnant la capacité de trouver un emploi, etc. Ce n'est pas une panacée; toutes les autres mesures dont nous avons parlé sont également essentielles, mais cette sécurité de base sur laquelle les gens peuvent compter leur donne la résilience nécessaire pour lutter contre la précarité et l'incertitude face à l'avenir. Voilà ce qui sera de plus en plus important pour la population.
    Madame Nord, je vous pose la même question. Quel est votre avis à ce sujet? Pensez-vous que les Canadiens accepteraient l'idée radicale d'un revenu de base universel? Pour moi, cela se rapproche du communisme.
    Je peux parler au nom de la Chambre de commerce. Là encore, il y a une multitude d'enjeux. Le groupe d'experts étudie la question et nous avons créé un groupe de travail qui présentera des recommandations et des observations clés plus précises. Il y aura également un sondage auprès de la population canadienne. Du point de vue des entreprises canadiennes, cela suscite manifestement un certain nombre de préoccupations.
    J'aimerais avoir l'avis de tout le monde à ce sujet.
    En fait, votre temps est écoulé, monsieur.
    Puis-je répondre très rapidement?
    Très brièvement, s'il vous plaît.
    Concernant l'affirmation selon laquelle le revenu de base est une idée communiste, j'aimerais simplement souligner que la notion moderne d'un impôt négatif sur le revenu est une idée qui a été lancée par Milton Friedman.
    Merci.
    Nous passons maintenant à Mme Sansoucy.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Ma question est pour vous, monsieur Busby. Vous avez mentionné dans un rapport de 2016 ainsi que dans votre présentation qu'une définition de la précarité doit être assez générale pour n'oublier aucune catégorie d'employés. Vous proposez aussi des politiques qui pourraient améliorer les conditions d'emploi de ces travailleurs, suggérant par-dessus tout une meilleure accessibilité au filet de sécurité sociale.
    Je sais que vous avez abordé ce point dans votre présentation, mais, selon vous, faudrait-il vraiment entamer une révision du droit canadien du travail pour lutter contre la précarité en matière d'emploi et tenir compte des nouvelles réalités du marché du travail?
    C'est une très bonne question.
    Dans un ancien rapport, j'ai souligné qu'il y avait de nombreux risques liés à la révision du droit du travail. C'est évident et j'avais peur que l'on commette des erreurs en voulant aller trop loin.
     Cependant, je veux vous rappeler le message que j'ai voulu transmettre dans le cadre de ma présentation d'aujourd'hui. Lorsqu'il est question de politiques publiques en matière d'emploi et des réactions qu'elles peuvent susciter, il faut tenir compte également de trois éléments.
    Il faut réfléchir au droit du travail. Ces lois ont été adoptées dans les années 1970, 1980 et 1990, à une époque où la main-d'oeuvre et le marché du travail étaient bien différents. Si l'on décide de modifier ces lois, il faut se demander s'il est préférable de s'attarder au texte législatif, au régime de sécurité sociale ou aux programmes qui incitent les gens à travailler.

[Traduction]

    Il faut aborder la sécurité sociale en fonction de trois facteurs: la loi; le système de sécurité sociale, comme l'aide aux revenus; la façon d'encourager le développement des compétences et l'emploi, en égalité. On ne peut se concentrer sur un levier ou sur un élément au détriment des autres. Il faut examiner comment ils s'intègrent et fonctionnent ensemble.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Plusieurs personnes ont parlé de définitions. Je m'adresse à M. Busby ou M. Roberts pour ma prochaine question.
    L'Organisation internationale du travail, dont font partie les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs du Canada, a une définition de la précarité. Le Canada devrait-il adopter une définition comparable pour faciliter les comparaisons internationales? Sinon, si la définition de l'OIT est perfectible, le Canada doit-il l'améliorer et profiter de l'influence qu'il a au sein de cette organisation pour faire adopter cette définition révisée par tous les autres membres de l'OIT?
(1240)

[Traduction]

    Le temps est écoulé, mais je permets une brève réponse.

[Français]

    Monsieur Busby, qu'en pensez-vous?
    Ces questions me sont-elles destinées?
    Pourriez-vous répondre brièvement, monsieur Busby et monsieur Roberts?
    Je vais laisser l'autre témoin répondre.

[Traduction]

    Très brièvement, je n'ai pas connaissance d'une définition de la précarité adoptée par l'OIT. Je sais que l'organisation a tendance à considérer cela sous l'angle du transfert de risques et des responsabilités des employeurs aux employés, dont j'ai parlé.
    Je pense qu'il est important d'avoir des éléments subjectifs et objectifs pour comprendre toutes les facettes de l'insécurité dans le marché du travail. Il n'existe pas de définition simple, universelle, internationale et toute faite que l'on peut simplement adopter.
    Il est tout à fait justifié d'étudier une solution adaptée au contexte canadien en gardant à l'esprit les mesures prises par d'autres pays pour contrer ce phénomène.
    Merci beaucoup.
    Nous avons terminé nos deux séries de questions.
    Il nous reste un peu de temps. Voulez-vous que chaque côté ait une question supplémentaire?
    Nous commençons par Adam. Veuillez vous limiter à quatre ou cinq minutes.
    La question est pour la Chambre de commerce du Canada. Très brièvement, les entreprises ont commencé à faire appel à des travailleurs temporaires ou contractuels pour contrôler les coûts de la main-d'oeuvre en fonction de la charge de travail et en fonction des surplus de travail ou des ralentissements. Est-ce exact?
    Tout à fait, ou pour la mise en oeuvre de projets très spécialisés.
    Elles peuvent ainsi maintenir leurs marges de profit plutôt que d'avoir des coûts de main-d'oeuvre artificiellement élevés par rapport à la charge de travail.
    Je veux dire...
    Si elles devaient maintenir des emplois à temps plein et payer des gens alors qu'il n'y a pas de travail...
    Je vois; de ce point de vue, oui.
    Vous convenez donc que les entreprises tirent avantage de la création d'emplois précaires. Voilà pourquoi elles agissent ainsi.
    Toutefois, qu'est-ce que le travail précaire? C'est une question de définition.
    À mon avis, les emplois à temps partiel ou les emplois contractuels ne sont pas nécessairement précaires. L'alternative pourrait être de n'embaucher personne, et à ce moment-là, nous ne serions guère plus avancés.
    En effet, et cela réduirait également la productivité et la rentabilité, n'est-ce pas?
    Mme Leah Nord: Oui.
    M. Adam Vaughan: Concernant la question qui a été posée au Congrès du travail du Canada, l'Ontario a décidé, hier, de réduire la rémunération des heures supplémentaires, c'est-à-dire de ne plus calculer les heures supplémentaires à la semaine, mais sur une base quotidienne. Donc, vous pourriez travailler 16 heures dans une journée, mais ne plus avoir droit à la rémunération des heures supplémentaires si vous n'avez pas travaillé 40 heures pendant la semaine.
    Cela aide-t-il ou nuit-il à la situation?
    Je pense que c'est désavantageux pour les employés.
    Nous avons vu le même type de manoeuvre lorsque Mike Harris a pris le pouvoir en Ontario. C'était une tentative d'assouplir les règles, ou de les modifier en prétextant les assouplir, mais de façon à réduire ces droits ou à les contourner complètement.
    En ce qui concerne les employeurs et l'embauche de travailleurs au besoin, je pense que cela pourrait représenter une fausse économie. Je conviens que les employeurs veulent embaucher les employés juste à temps pour la production, puis les remercier. Toutefois, je pense que l'une des conséquences est l'absence de stratégies d'affaires axées sur les investissements dans la machinerie, l'équipement et les innovations visant à accroître la productivité en milieu de travail, parce que les entreprises ne peuvent être concurrentielles si elles misent sur de faibles salaires et la précarisation des emplois.
    Il y a un avantage économique à empêcher le nivellement par le bas et à obliger les employeurs à miser sur des stratégies d'affaires qui ne reposent pas sur la surexploitation...
     Je veux explorer cela et l'idée d'assouplir les normes du travail alors que nous investissons davantage dans le travail précaire.
    L'une des choses que nous avons constatées lors de la crise du SRAS, syndrome respiratoire aigu sévère, à Toronto, c'est que le nombre élevé d'infirmières travaillant à temps partiel a facilité la propagation du SRAS. Autrement dit, pour éviter de leur offrir des avantages sociaux et de leur faire faire des heures supplémentaires, un grand nombre d'établissements ne leur donnent pas des heures de travail à temps plein. Par conséquent, la plupart des infirmières de la ville doivent occuper trois emplois pour avoir l'équivalent d'un salaire. C'est le déplacement des infirmières d'un établissement de soins de santé à l'autre qui a causé la propagation du SRAS, et c'est l'une des découvertes inattendues qui ont été faites après la crise du SRAS.
    Dans ce contexte, si l'on réduit la capacité de faire des heures supplémentaires même si un employé travaille 16 heures par jour, et que l'on crée plus d'incitatifs pour le travail à temps partiel en conséquence, il y a des répercussions inattendues sur la qualité des emplois — et la conséquence inattendue ici est la dégradation des salaires et des postes à temps plein. Nous créons de la précarité en assouplissant les lois sur le travail; il ne s'agit pas seulement de mesures d'affaires.
(1245)
    Je crois qu'il y a un autre aspect, et il s'agit des risques pour la santé et la sécurité dans le milieu de travail. Lorsqu'on voit une diminution de la qualité des emplois, une hausse de l'insécurité, et le type de fissure qui est décrit ailleurs, où il y a toute cette chaîne de sous-traitants, qui sont tous responsables de leurs propres équipes, mais que personne ne vérifie leur façon de s'intégrer au milieu de travail et leur façon d'interagir dans le milieu de travail, ces préoccupations en matière de santé et de sécurité disparaissent et on se retrouve avec des situations comme la catastrophe de la plateforme de forage de BP dans le golfe du Mexique qui s'est produite il y a quelques années, ce qui était lié à ce type de...
    S'il y a des incitatifs à la création d'emplois précaires, ne faudrait-il pas, par conséquent et par souci d'équité, qu'on demande à ces entreprises, de même qu'aux institutions publiques, qui tirent avantage des emplois précaires ou à temps partiel, d'investir également dans des mesures visant à les rendre vivables pour les gens? Autrement dit, si les entreprises ou le gouvernement tirent avantage de ce type d'emplois, ne serait-il pas judicieux de demander aux personnes qui tirent avantage de la précarité d'investir dans le soutien aux programmes qui rendent les emplois précaires supportables? N'est-ce pas raisonnable?
    Répondez très brièvement, s'il vous plaît.
    Oui, je pense que la précarité représente une subvention que les employés donnent aux employeurs. Lorsqu'ils abandonnent les fonds de pension, lorsqu'ils suppriment des programmes d'avantages sociaux, les employeurs sont alors subventionnés par leurs propres employés et par les contribuables, qui doivent payer pour les prestations de retraite et payer lorsque les employés sont malades. Je suis d'accord: on devrait en récupérer une partie auprès des employeurs.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Barlow, allez-y, s'il vous plaît.
    Je n'ai qu'une brève question. Je veux seulement parler de ce qu'a soulevé mon collègue, M. Vaughan. Je sais qu'il n'essaie pas de décrier toutes les entreprises qui font ces choses, car je sais qu'en Alberta, avec le ralentissement, dans ma circonscription, il y a des entreprises qui gardent tous leurs employés avec leurs marges de crédit et leurs cartes de crédit. Ce n'est donc pas que toutes ces entreprises... Je suis convaincu que certaines utilisent abusivement certaines politiques, mais je crois que la vaste majorité des propriétaires d'entreprise font tout ce qu'ils peuvent pour garder leurs employés à temps plein. Le recyclage des employés coûte tellement cher. À mon avis, il n'est pas du tout juste de dire que les propriétaires d'entreprise tirent avantage du travail précaire.
    Monsieur Busby, vous avez dit que les grandes entreprises offrent un meilleur soutien que certaines PME et que la précarité est imbriquée avec la concurrence. Pouvez-vous expliquer cela davantage ou nous dire ce que vous entendiez par là?
    Les règles que nous concevons pour les entreprises — qui, comme je l'ai dit, ont été favorisées en général par l'accélération constante de la mondialisation, la libéralisation des échanges et une concurrence accrue — les mettent dans une situation où les contrats et les modalités de travail qu'elles établissent pour les travailleurs s'inscrivent essentiellement dans l'environnement concurrentiel dans lequel elles doivent mener leurs activités. On ne peut donc vraiment pas les considérer comme étant égales puisque ce sont deux types de politique bien distincte. Si nous encourageons les entreprises à être plus concurrentielles — et les règles sont celles que nous mettons en place pour que leurs résultats financiers soient plus compétitifs à l'échelle internationale —, alors il faut comprendre pourquoi il y a des problèmes liés à la précarité et pourquoi il y a des problèmes liés aux modalités d'emploi, dont certaines personnes ont parlé ici aujourd'hui.
    Ce que je dis, c'est qu'au bout du compte, on ne peut séparer facilement les deux. Il y a des limites concernant la sécurité, de sorte que nous devons bien réfléchir à la façon dont nous élaborons nos cadres de politiques — qu'il s'agisse de législation du travail, d'assurance-emploi ou d'autres formes de soutien du revenu — et à la façon dont nous les concevons pour dire, d'accord, c'est l'environnement concurrentiel dans lequel les entreprises évoluent; il faut qu'elles mènent leurs activités ici; elles créent de la richesse. Nous devons faire preuve d'une très grande ouverture quant à notre façon de procéder.
(1250)
     Merci.
    D'autres réflexions? Il nous reste quelques minutes.
    Monsieur Sheehan.
    Je voulais seulement vous poser une question, rapidement. Le gouvernement fédéral emploie un certain nombre de personnes, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Je pense à l'aéroport Pearson, où 49 000 ou 50 000 personnes travaillent, qui contribue grandement au PIB de l'Ontario. Certaines de ces personnes ont un travail précaire, passent d'un contrat à l'autre, sans avoir d'avantages sociaux, de congés de maladie, de jours de vacances, etc.
    J'ignore combien de temps nous avons, mais j'aimerais que deux ou trois d'entre vous me disent quelles mesures le gouvernement fédéral pourrait prendre à l'égard de la précarité à l'échelle fédérale.
    Je crois que le gouvernement fédéral prend déjà de bonnes mesures pour améliorer les normes du travail contenues dans le Code canadien du travail. Je pense qu'il ne s'agit pas seulement de la partie III, soit les employés non syndiqués, mais aussi de la partie I. Un bon exemple, c'est le roulement de contrats dans les aéroports, où des fournisseurs peuvent se syndiquer et négocier des salaires décents pour se rendre compte que leur employeur ou l'aéroport lance un appel d'offres pour le contrat et qu'une entreprise qui offre de salaires plus bas peut obtenir le contrat, et tout recommence, mais les travailleurs acceptent des réductions de salaire.
    La partie I contient des dispositions qui étendent des protections de base aux travailleurs qui ont déjà des salaires et des avantages sociaux négociés, et plutôt que de rivaliser sur la base des salaires, on rivaliserait sur des aspects différents, comme la qualité des services fournis.
    Je crois que des mesures de ce type sont des mesures importantes que le gouvernement fédéral peut continuer à prendre.
    Je vous remercie.
    Je remercie toutes les personnes ici présentes et celles qui ont comparu par vidéoconférence de nous avoir aidés dans le cadre de cette étude.
    Avant de lever la séance, j'ai des remarques à faire sur nos travaux futurs.
    Le 9 avril, nous poursuivrons l'étude de M-194. Nous reprendrons la séance que nous avons perdue et nous rencontrerons des fonctionnaires.
    Monsieur Sheehan, je crois que vous témoignerez également ce jour-là.
    Ensuite, le 11 avril, nous aurons une présentation sur l'Édition 2017 de la Bourse de recherches de la flamme du centenaire et nous aurons quelques travaux du Comité à faire.
    Je vous remercie tous beaucoup. Je remercie les gens qui sont à ma gauche et ceux à ma droite, ainsi que ceux qui sont derrière moi, d'avoir rendu cette séance possible.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU