:
Je déclare la séance ouverte.
Bonjour à tous. Bienvenue à la 116e réunion du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique de la Chambre des communes.
Conformément à l'article 108(3)h) du Règlement, le Comité reprend son étude des impacts de la désinformation et de la mésinformation sur le travail des parlementaires.
Je rappelle à tout le monde l'existence des incidents acoustiques. Quand vous n'utilisez pas votre oreillette, veuillez la placer sur l'autocollant qui se trouve sur le bureau. Veuillez éviter de heurter les microphones et de causer des incidents acoustiques parce que ceux‑ci peuvent blesser les interprètes.
Je vais maintenant donner la parole à nos témoins d'aujourd'hui.
Je souhaite d'abord la bienvenue à M. Ahmed Al‑Rawi, directeur du Disinformation Project de l'Université Simon Fraser, qui comparaît à titre personnel.
Nous accueillons également M. Richard Frank, professeur à l'École de criminologie de l'Université Simon Fraser.
Nous accueillons aussi M. Peter Loewen, directeur de l'École Munk des affaires internationales et des politiques publiques.
Je vous souhaite à tous les trois la bienvenue au Comité dans le cadre de cette étude importante.
Nous commencerons par M. Al‑Rawi.
Monsieur, vous disposez de cinq minutes pour vous adresser au Comité. La parole est à vous.
Chers députés et membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à m'adresser au Comité et à parler de l'incidence de la désinformation sur le travail des parlementaires. Dans mon discours, je m'appuierai sur mes recherches universitaires antérieures sur le sujet.
J'estime qu'il existe différents problèmes internes et externes.
Tout d'abord, en ce qui concerne les problèmes internes, il ne fait aucun doute que les politiciens canadiens doivent être informés de façon continue et factuelle de nombreux événements et problèmes nationaux et internationaux. Le fait de croire en de fausses informations et de les propager peut entraver sérieusement la compréhension de ces événements. Une telle situation pourrait finir par influencer négativement la démocratie.
Dans ce genre de cas, il est important de développer des compétences et des méthodes de vérification adéquates qui reposent en grande partie sur le consensus scientifique et l'intelligence collective sur diverses questions. C'est une question fluide, car un tel consensus pourrait changer avec le temps, selon les nouvelles données empiriques. Les parlementaires doivent se sentir plus à l'aise de composer avec l'incertitude.
Bien sûr, il faut s'efforcer de faire preuve de rigueur pour trouver des faits concrets en examinant différentes sources crédibles et non conventionnelles, en évaluant divers angles et en ne lisant pas que des reportages. Cette vérification doit être faite même si l'information provient d'alliés du Canada, comme le Groupe des cinq.
L'invasion de l'Irak par les États‑Unis en 2003 n'est qu'un exemple de la façon dont la désinformation au sujet du lien présumé entre l'Irak et Al‑Qaïda ou du fait que ce pays possédait des armes de destruction massive a eu des conséquences désastreuses, non seulement pour ses infrastructures, mais aussi pour des millions de gens.
Plus important encore, la désinformation est devenue aujourd'hui une question hautement politisée et militarisée. L'éducation aux médias n'est pas la solution magique pour contrer la désinformation, et ce, parce que certains acteurs politiques qui connaissent très bien les médias ont tout avantage à propager de fausses informations pour servir leurs propres intérêts politiques.
En outre, il existe des problèmes externes en ce qui concerne la désinformation qui vise les parlementaires. Par exemple, dans le cadre de mes recherches sur les acteurs étrangers qui ciblent le Canada sur les médias sociaux, j'ai trouvé de nombreuses preuves de campagnes de désinformation menées par plusieurs États étrangers qui visaient expressément des politiciens canadiens.
Par exemple, pour ce qui est de cibler les parlementaires, les acteurs saoudiens ont été un peu plus actifs et négatifs, suivis des acteurs russes, iraniens et chinois. En ce qui concerne la quantité globale de fausses informations ciblant les Canadiens en général, ce sont les acteurs russes qui cherchaient davantage à faire de la désinformation, suivis de l'Iran, de la Chine et de l'Arabie saoudite.
Sur le plan idéologique, des acteurs affiliés à la Russie ont attaqué sans relâche et le Parti libéral en se concentrant surtout sur les députés musulmans. Ces acteurs se sont principalement ralliés à l'extrême droite au Canada en s'en prenant aux minorités, en particulier aux musulmans et, dans une moindre mesure, aux membres de la communauté LGBT.
Quant aux acteurs iraniens, ils ont concentré leurs attaques sur le Parti conservateur, ainsi que sur les députés canadiens d'origine iranienne qui critiquent le régime.
Les trolls saoudiens et chinois ont également attaqué , principalement en raison de la présence et des activités de certains défenseurs des droits de la personne au Canada qui critiquent ces régimes.
D'autres acteurs qui propagent de fausses informations et qui ciblent souvent les Canadiens en général comprennent des groupes extrémistes et de riches élites, dont certains emploient des groupes et des organismes servant de façade pour semer la confusion sur la façon dont nous percevons la réalité.
Par exemple, l'industrie pétrolière et gazière et l'industrie du vapotage au Canada prennent activement part à ce genre d'activités.
Les gens ayant une position polarisée peuvent aussi participer à ce genre d'activités d'information. Dans le cadre de mes recherches, j'ai souvent constaté que ces gens ciblent les identités intersectionnelles de politiciens canadiens racisés, surtout ceux issus des minorités.
Pour atténuer le problème de la désinformation, je suggère de lancer une initiative non partisane de vérification des faits à la Chambre des communes composée de divers experts. L'initiative doit se concentrer exclusivement sur la vérification des faits qui présentent des affirmations différentes, plutôt que sur la vérification des opinions.
Merci beaucoup.
:
Je vous remercie de me donner l'occasion de participer à cette étude. Nous avons fait beaucoup de recherches à ce sujet. J'estime qu'il s'agit d'une menace extrêmement grave.
Au fil des ans, l'information a été utilisée comme une arme pour cibler l'adversaire, quel qu'il soit, mais on avait l'habitude de parler de propagande. Je considère la désinformation comme de la propagande numérique qui est propagée numériquement jusqu'à nous par message texte, blogues, Twitter, Facebook, etc. Or, contrairement à la propagande, qui faisait l'objet d'une contre-propagande, je pense que, à l'heure actuelle, nous n'avons essentiellement aucun moyen de défense ou moyen équivalent pour contrer la désinformation.
Jusqu'à tout récemment, la désinformation était perçue comme de simples publications assez inoffensives sur les médias sociaux. En général, tout utilisateur qui lit ce genre de publications n'est pas conscient de l'effort coordonné derrière la fausse information ou l'intention qui la sous-tend. Ce genre d'informations est donc très difficile à cerner. Du moins, dans le cas de la propagande, on voyait les dépliants tomber du ciel et on entendait les messages diffusés au moyen de mégaphones. On pouvait reconnaître qu'il s'agissait de propagande ou on avait une idée de la source et de l'intention du message, alors que, dans le cas de l'information en ligne, la source et l'intention sont bien souvent cachées et camouflées.
La désinformation a des conséquences bien réelles. Il a été démontré que la Russie s'est ingérée dans la campagne électorale de M. Trump. Le Brexit aurait aussi fait l'objet d'une ingérence étrangère. Il s'agit de changements énormes et draconiens.
Je vais parler un peu de la Russie. La Russie a exploité des usines à trolls pour créer des milliers de comptes de médias sociaux qui semblaient être ceux d'utilisateurs ordinaires. Ces comptes appuyaient des groupes politiques radicaux pour des raisons politiques précises. Les trolls ont inventé des articles et des histoires et publié des inepties. Très souvent, ils ont même publié la vérité, mais légèrement déformée, pour cibler des groupes vulnérables, qui se sont ensuite énervés. Ces faux utilisateurs peuvent avoir beaucoup d'abonnés. Ils semblent bien établis et réels.
Cette initiative a été mise en œuvre de façon organisée dans le cadre d'une campagne dirigée par l'État. Par exemple, l'Internet Research Agency comptait des centaines d'employés. Ils faisaient des quarts de travail de 12 heures: de 9 heures à 21 heures et de 21 heures à 9 heures. Ces quarts de travail chevauchaient les jours fériés et les heures de travail aux États‑Unis, alors les utilisateurs avaient l'air réels. Avec un budget d'environ 600 000 dollars canadiens par mois, ce qui peut sembler beaucoup, ces gens ont réussi à avoir une incidence réelle à l'étranger. Comparativement à une intervention militaire, 600 000 $ par mois, c'est négligeable.
Les fausses informations ou tout autre contenu de ce genre sont conçus pour se propager. Selon une étude de 2016, ce type de contenu se propage six fois plus vite que les vraies nouvelles. Un vieux proverbe dit qu'un mensonge peut faire le tour de la Terre le temps que la vérité mette ses chaussures. C'est tout à fait vrai dans ce cas‑ci aussi.
Selon une autre étude réalisée en 2019, plus de 70 pays avaient mené de telles campagnes de désinformation. Facebook était la plateforme la plus utilisée pour ces campagnes. Le Canada n'est pas à l'abri des campagnes de ce genre: il a déjà été la cible d'ingérence électorale. Un député de la Colombie‑Britannique a perdu une élection précisément à cause de la désinformation. Nous sommes attaqués. La désinformation vise à promouvoir la supériorité de pays étrangers, à miner la confiance dans nos démocraties, etc.
Six ans se sont écoulés depuis que nous avons commencé à travailler sur la détection de la désinformation, plus précisément en envisageant d'entraîner des modèles informatiques pour détecter ce type de contenu. Nous avons réalisé quatre ou cinq projets dans ce domaine, qui ont été financés par le gouvernement du Canada. Le but ultime est de détecter ce genre de campagnes de désinformation au moyen de l'intelligence artificielle. Nos modèles montrent que nous pouvons détecter ce type de contenu avec une précision d'environ 90 %, alors nous savons que c'est faisable.
En janvier 2022, les bailleurs de fonds de notre projet, soit les Forces armées canadiennes à ce moment‑là, nous ont demandé d'étudier l'activité en ligne des Russes pour voir quelle était leur position à l'égard de l'Ukraine.
Nous avons soumis nos conclusions le 13 février, 11 jours avant le début de la guerre: elles indiquaient essentiellement que la Russie se dépeignait comme la victime et qu'elle prenait des mesures pour se défendre, et que l'OTAN, l'Union européenne, les États‑Unis et d'autres pays occidentaux agressaient la Russie. Onze jours plus tard, la Russie attaquait l'Ukraine.
Ce plan pour attaquer — pas le plan précis, mais l'intention d'attaquer — a été découvert en ligne avant l'attaque.
:
Je remercie le Comité de m'avoir invité à comparaître et je remercie chacun d'entre vous du travail irremplaçable que vous faites en tant que députés.
C'est un réel plaisir ainsi qu'un honneur d'être parmi vous aujourd'hui pour parler du rôle de la mésinformation et de la désinformation dans votre travail de député.
Je sais que vous entendrez un grand nombre de témoins, alors j'espère pouvoir faire quelques observations utiles qui s'ajouteront à ce qui a déjà été dit et à ce qui sera dit plus tard.
Je dirai simplement que je m'attaque à cette question avec deux ensembles de connaissances pertinents.
Premièrement, je suis un professeur. Depuis plusieurs élections canadiennes, j'effectue des sondages à grande échelle pour que l'on puisse réaliser des études universitaires sur le fonctionnement de notre démocratie. En collaboration avec des partenaires de l'Université McGill, mon laboratoire de l'Université de Toronto a été un chef de file dans la collecte de données sur l'écosystème médiatique ou l'écosystème de l'information au Canada, c'est‑à‑dire la combinaison de ce qui est dit et de ce qui est cru, ainsi que de ce qui existe dans les médias et dans l'esprit des Canadiens. En outre, nous avons mené récemment une étude mondiale sur les attitudes à l'égard de l'intelligence artificielle, qui est pertinente pour la gestion de la mésinformation et la gouvernance des plateformes.
Deuxièmement, en plus de mes travaux universitaires, j'ai travaillé comme témoin expert pour le gouvernement du Canada dans le cadre de ses tentatives infructueuses de défendre des modifications à la Loi électorale du Canada qui visaient à interdire la diffusion de faussetés sur les notices biographiques des candidats. Vous vous souviendrez peut-être que cette affaire a été entendue en 2020.
Je tiens à tirer parti de ces deux ensembles de connaissances pour souligner cinq petits points sur le lien entre la mésinformation et la désinformation et votre travail de député.
Le premier point est que la mésinformation et la désinformation ont toujours fait partie de nos élections. Depuis que nous tenons des élections, des gens et des groupes répandent des faussetés sur les candidats, sur les partis et sur ce que ces derniers croient et feront une fois élus.
Deuxièmement, nous en savons très peu sur les effets réels de la mésinformation et de la désinformation, alors il devient très difficile de faire des affirmations fondées et empiriques à ce sujet, mais, même si la mésinformation et la désinformation ont peu de conséquences possibles, elles ont tout de même une importance sur le plan normatif pour la qualité de nos élections.
Troisièmement — et c'est là où je voulais en venir —, nous devons séparer l'incidence de la désinformation sur les électeurs de son incidence sur l'intégrité de nos élections. Les élections visent en grande partie à permettre aux électeurs de justifier leurs décisions. Si les électeurs votent en se fondant sur de fausses informations, c'est nuisible, même s'ils avaient voté de la même façon sans ces dernières.
Par exemple, si un électeur arrive à la conclusion qu'il votera pour le gouvernement pour des raisons qui ne sont pas vraies, cette décision est sans doute moins démocratique que s'il vote pour le gouvernement pour des raisons qui sont vraies, et il en va de même s'il vote pour n'importe quel autre parti.
De même, si des députés croient qu'ils ont gagné en raison de la mésinformation et de la désinformation ou s'ils croient que d'autres députés ont gagné pour les mêmes raisons, en particulier celles pratiquées par des gouvernements étrangers, cette situation peut non seulement miner sérieusement la confiance dans notre démocratie, mais aussi la confiance entre les députés. Même si je n'ai jamais fait partie d'un caucus, je présume que ce genre de situation peut nuire au fonctionnement des caucus.
Quatrièmement, le Canada est peut-être particulièrement mal placé pour lutter contre la propagation de fausses informations en ligne. Il est assez évident que, en raison de notre régime juridique, il est très difficile d'interdire la propagation de faussetés pendant les campagnes électorales, à moins de prouver une démonstration explicite d'intention et de savoir que l'information est fausse. De plus, la confiance du public n'est pas suffisamment élevée pour réglementer les plateformes. Comparativement aux autres citoyens du monde, les Canadiens ne considèrent pas les entreprises technologiques comme des partenaires pour régler ces problèmes, et, parallèlement, ils doutent aussi que le gouvernement puisse réglementer ces dernières.
Cinquièmement — et je sais que je touche une corde sensible —, les députés et les bureaux des candidats peuvent être des sources de mésinformation et de désinformation. Il est donc important qu'il y ait des normes et des pratiques qui rendent une telle chose inacceptable. Les candidats aux élections sont incités à propager de fausses informations au sujet de leurs adversaires et du processus électoral. Il faut faire une introspection et se demander ce que l'on peut faire pour mettre également fin à cette pratique.
S'il y a deux points à retenir de mon discours, c'est qu'il faut d'abord comprendre beaucoup plus en profondeur l'étendue et les effets de la mésinformation et de la désinformation, et qu'il incombe aux Canadiens, et surtout aux acteurs politiques, de prendre la préservation de l'intégrité de nos élections au sérieux.
Merci beaucoup.
:
À mon avis, monsieur Barrett, il est très difficile de répondre à cette question. Je vous remercie de l'avoir posée.
Je vais y répondre en soulevant deux points.
Supposons que le Parti communiste chinois a propagé de fausses informations sur la position des partis ou des électeurs de manière à causer du tort. En fait, il dit peut-être la vérité au sujet des positions, mais il a amplifié ces idées, puis il les a propagées. Cette tactique a peut-être eu pour effet de changer le point de vue d'électeurs sino-canadiens. C'est très difficile à dire de façon empirique.
Monsieur Barrett, même si ce n'était pas le cas, l'effet potentiellement égal est que nous avons passé tout ce temps à nous demander si l'intégrité de nos élections a été compromise. C'est ce que les régimes non démocratiques veulent que nous fassions: ils veulent que nous nous demandions si l'intégrité de nos élections a été compromise. La seule chose à faire est donc de prendre cette possibilité très au sérieux.
:
J'ai quelques petites questions à ce sujet.
Le 11 avril dernier, le a déclaré « que les élections étaient libres et équitables [mais qu']il ne s'agissait pas simplement d'une élection », car dans « chaque élection de circonscription [...] l'intégrité de l'élection a été respectée et [...] elle a été libre et équitable ».
Pourtant, les conclusions de la juge Hogue indiquent le contraire. Elle a conclu qu'il y a des soupçons bien fondés au sujet de l'ingérence de la République populaire de Chine dans, par exemple, Don Valley-Nord, et que « cela aurait pu avoir un impact sur la personne qui a été élue au Parlement. Il s'agit d'un élément important ».
La juge Hogue a également conclu que, dans Steveston—Richmond-Est, « des indications claires de l'implication de la RPC existent et il est raisonnable de croire que ces faux propos ont eu des répercussions sur les résultats dans cette circonscription».
Une juge indépendante a publié un rapport préliminaire et s'est prononcée sur cette question, mais le chef du gouvernement, le , ne tient pas le même discours. Que peut‑on conclure quand une personne, en l'occurrence le premier ministre, propose une interprétation trop généreuse dans son propre intérêt? Une telle chose pourrait être perçue comme de la désinformation.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
Je tiens à parler un peu de la façon dont la désinformation en ligne se transforme en expériences concrètes pour les politiciens, en particulier du rôle que les politiciens jouent à cet égard.
J'ai décidé de ne pas me présenter aux prochaines élections en grande partie à cause du climat qui s'est installé au Canada. Lorsque nous avons étudié le projet de loi au Comité, je me souviens que des fonctionnaires non partisans ont reçu des menaces et que le président a dû avertir à maintes reprises les députés du Parti conservateur du ton qu'ils utilisaient avec les témoins.
En mars dernier, j'ai indiqué au Comité que, quand M. Barrett et les conservateurs utilisaient des mots comme « dissimulation » et « corruption », ma boîte de réception se remplissait de messages horribles, et que l'on disait de moi que je dramatisais. Pourtant, la semaine dernière, quand M. Chiu était ici pour parler de son expérience sur les médias sociaux, je pense que M. Kurek l'a qualifié de héros.
Voilà qui illustre la perception évidente que les politiciens ont peut-être des femmes en politique, mais je ne compte plus le nombre de fois où l'on a dit que je dramatisais. Le nouveau terme du lobby des armes à feu est « intimidateur pleurnichard », qui semble s'être propagé comme une traînée de poudre.
Je me demande quelle est, selon vous, la responsabilité qui incombe aux politiciens pour qu'ils n'attisent pas les flammes qui mènent à des menaces et à de la violence concrète contre des politiciens. J'aimerais vous entendre tous les trois à ce sujet.
Monsieur Loewen, vous pouvez commencer.
:
J'aimerais dire deux choses très brièvement, madame Damoff.
Tout d'abord, personnellement — si je peux m'exprimer ainsi —, j'ai été triste d'apprendre que vous n'alliez pas vous représenter aux prochaines élections. Par contre, les motifs que vous avez donnés sont bien réels, valables et sérieux.
Je pense que nous sommes à une époque où les médias sociaux favorisent une désinhibition qui amène les gens à exprimer des opinions injustes et erronées sur les politiciens. La Chambre des communes n'est pas remplie de personnes corrompues, qui cherchent à s'enrichir et à trahir le pays; et pourtant, certaines personnes en sont convaincues.
La montée du cynisme et le manque de confiance envers le gouvernement sont des problèmes très sérieux, qui vont nuire à tous les partis, peu importe celui qui est au pouvoir.
Quant à savoir comment régler ce problème, c'est une autre histoire, et j'aimerais connaître l'avis d'autres personnes là‑dessus.
:
Merci, monsieur le président.
Je suis vraiment désolé, madame la députée, pour votre décision, et je comprends que c'est un problème auquel nous sommes confrontés au Canada. Dans les recherches que j'ai menées avec mon équipe sur les interactions entre le public canadien et les politiciens canadiens, nous avons vu beaucoup d'exemples de ce genre. Tout ce qui se passe au Parlement se retrouve directement sur les médias sociaux et d'autres sites.
Malheureusement, certains politiciens utilisent ce que nous appelons le « divertissement éducatif ». Ils essaient d'éduquer le public en le divertissant. Par conséquent, de nombreux mèmes qui mettent en scène un grand nombre de politiciens circulent. Ces mèmes ont souvent pour but de dénigrer les politiciens ou de se moquer d'eux. Or, cela crée plus de divisions, malheureusement.
Je pense qu'il y a lieu d'avoir un discours plus civilisé, en particulier pour vous et vos collègues, lorsque vous représentez l'ensemble du Canada et le Parlement. Telle est la réalité.
Merci.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
Monsieur Frank, vous avez dit que la désinformation, c'est un peu de la propagande numérique, ce sur quoi nous sommes tout à fait d'accord.
Depuis l'époque de M. Bernays, il s'est passé bien des choses.
Vous avez également mentionné qu'on ne connaissait pas le but de la propagande.
Quand j'observe la situation, il me semble que le but de la propagande est de créer le chaos.
Êtes-vous d'accord sur cela?
L'autre menace importante, c'est qu'on ne sait pas ce qui est dit. Étant donné la façon dont on communique aujourd'hui, que ce soit au moyen d'applications ou d'autres choses, nous avons moins de possibilités de savoir ce qui se dit. Dans le même ordre d'idées, il y a moins de mécanismes de reddition de comptes, compte tenu de la diminution de l'activité journalistique. Il y a beaucoup moins de journalistes locaux qu'avant qui rapportent ce que disent les candidats.
Nous sommes moins en mesure qu'auparavant d'avoir un portrait d'ensemble de ce qui se dit pendant les élections et de savoir s'il y a beaucoup de faussetés qui sont véhiculées. Même si les politiciens ne sont pas moins malhonnêtes et même s'il y a autant de désinformation qui circule, nous avons plus de difficulté à la déceler.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais utiliser la majeure partie de mon temps de parole pour tenter de cerner les meilleures recommandations possible de la part des témoins. Je vais poser quelques questions aux témoins.
Je vous demanderais d'essayer de répondre de manière concise afin que les autres témoins puissent s'exprimer également. Si je vous pose des questions en rafale, je ne veux pas paraître impoli, mais je veux simplement faire bon usage de mon temps.
Je vais commencer par vous, monsieur Al‑Rawi. Vous avez proposé d'établir une commission ou un organisme non partisan de vérification des faits qui pourrait être en mesure de distinguer les faits des opinions lorsqu'il s'agit de mésinformation et de désinformation de la part des députés. Est‑ce exact?
:
Je vais reformuler ma question.
Nous, les députés, allons passer en revue tous les témoignages à la fin de cette étude. Il ne s'agit pas simplement de dire ce qui ne va pas — nous avons passé beaucoup de temps à en discuter, et nous ne faisons probablement qu'effleurer la surface du problème —, il faut élaborer des recommandations.
Compte tenu des pouvoirs et du mandat du Comité, selon vous, quelles recommandations devrions-nous formuler dans notre rapport final afin de contribuer à atténuer — et non régler; je ne parle pas ici d'une solution miracle — les difficultés que vous avez évoquées?
Je vais aussi poser la même question aux deux autres témoins.
Voilà qui met fin à notre première série de questions de six minutes.
Nous allons passer à des interventions de cinq minutes.
J'ai M. Brock et M. Bains d'abord, puis M. Villemure et M. Green pendant deux minutes et demie.
Monsieur Brock, vous avez cinq minutes.
Allez‑y, je vous en prie.
J'allais proposer quelques points positifs sur ce que nous devrions faire. Encore une fois, je vous remercie du temps que vous m'accordez.
Ma première suggestion serait d'établir la confiance dans les sources journalistiques, ou d'aider à établir la confiance d'une façon ou d'une autre. Je pense qu'elle s'étiole. Beaucoup de gens s'informent sur les réseaux sociaux. Nous devons les ramener à des sources fiables. Une fois que nous aurons fait cela, je pense que les gens pourront lutter de façon plus assurée contre la désinformation, mais cela nécessite un financement adéquat. En même temps, le gouvernement ne peut pas être perçu comme l'arbitre de la vérité, alors il faut être prudent.
J'ai conçu des cours de mon côté pour des campagnes de sensibilisation. Nous devons simplement faire en sorte que les gens remettent davantage en question ce qu'ils voient pour s'assurer que c'est réel.
Le gouvernement a promis beaucoup d'argent pour la recherche. C'est excellent. Nous en avons besoin. Je pense que nous devons inclure l'intelligence artificielle dans la discussion.
:
Je vous remercie pour cette réponse.
Je vais continuer avec vous, monsieur Frank, parce que mon collègue, M. Barrett, a demandé à M. Loewen de commenter sa perception du rapport initial de la juge Hogue sur l'ingérence étrangère.
Je pense que vous conviendrez tous les trois que la campagne de mésinformation et de désinformation, qui se déroule depuis plusieurs années maintenant dans ce pays, au moins tout au long des élections de 2019 et de 2021 et actuellement, a considérablement miné la confiance des Canadiens dans nos institutions démocratiques. Nous devons tous travailler là‑dessus en tant que parlementaires.
Je vais citer quelques paragraphes du rapport de la juge Hogue et j'aimerais savoir ce que vous en pensez, monsieur Frank.
Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé plus particulièrement du candidat Kenny Chiu et des répercussions de la campagne de désinformation et de mésinformation, non seulement de la part de la Chine communiste, mais aussi du candidat libéral qui a fini par remporter l'élection, et de sa participation au processus. Je crois que vous avez également mentionné le fait que vous êtes au courant du témoignage de Kenny Chiu devant le Comité. Est‑ce exact?
:
Je dirais qu'il y a des méthodes pour le faire, et les universitaires ont passé beaucoup de temps à réfléchir à la façon de mesurer les effets de l'information. J'aimerais pouvoir vous dire qu'il est facile de dire de façon définitive si un message a fonctionné ou non, mais en réalité, pour revenir à ce que disait la juge Hogue dans son rapport, il est difficile de savoir précisément quel effet un message a eu parce que nous ne menons pas d'expériences contrôlées à grande échelle.
Toutes ces campagnes et ces cas de mésinformation se produisent dans le contexte de campagnes tonitruantes, alors d'une certaine façon, je pense qu'il ne faut pas penser aux effets, mais plutôt à la mesure où vous pouvez immuniser votre système, parce que si vous êtes préoccupés par l'ingérence étrangère, c'est toujours une mauvaise chose si Pékin pense qu'elle a eu une incidence, même si ce n'est pas le cas, et c'est une mauvaise chose si les députés pensent que des acteurs étrangers ont eu une incidence.
Pour ce qui est de l'effet que cela a eu sur M. Chiu, il est difficile de savoir précisément ce qui s'est passé, mais il y a des raisons de croire que quelque chose de néfaste s'est produit. Cette raison est suffisante pour essayer de nous prémunir le plus possible contre l'ingérence étrangère. Il ne faut pas croire que, en l'absence d'effet, il n'y a pas de problème.
Avec les 30 secondes qu'il me reste, je vous dirais que pour le bien du Comité, nous vous demandons, en tant qu'experts en la matière, de nous aider à examiner ces questions. Vous aurez probablement une semaine, après cette séance, pour réfléchir à ce qui vient d'être dit et au témoignage que vous avez fourni.
Je peux vous dire que nous avons des codes de conduite. Je vous dirai que si un ministre se présentait devant le Comité et mentait, nous aurions la capacité de lui faire rendre des comptes à cet égard afin de protéger les renseignements dont nous disposons pour prendre des décisions éclairées.
Je vais vous le dire de façon très claire et très franche. J'ai besoin que vous examiniez cette question avec sérieux, et je vous demande d'envisager de soumettre au Comité par écrit des recommandations indiquant explicitement ce que vous feriez dans cette situation. Autrement, nous ne faisons que cerner ce que nous savons déjà être vrai.
Merci.
Nous allons considérer cela comme une demande officielle de M. Green à nos témoins pour qu'ils soumettent des solutions. J'aime bien qu'on fixe des délais. Si vous sentez le besoin de répondre à la demande de M. Green, si vous souhaitez y répondre, je vous demanderais de soumettre vos recommandations par écrit à la greffière d'ici une semaine à compter d'aujourd'hui, à 17 heures, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, messieurs. Je vous en serais reconnaissant.
Nous allons maintenant passer à deux interventions de cinq minutes. J'ai une question pour M. Frank que je vais poser à la fin de ces interventions.
Monsieur Kurek, vous avez la parole pendant cinq minutes.
:
Merci beaucoup, monsieur le président. J'apprécie la conversation que nous avons pu avoir ici aujourd'hui et qui porte sur de grands enjeux. Je vais vous faire part de mes réflexions avant de passer à quelques questions précises.
Je trouve parfois dommage qu'il n'y ait plus de journal papier, parce qu'au moins, quand quelqu'un ouvrait un journal, il y trouvait des chroniques avec lesquelles il pouvait être d'accord et d'autres avec lesquelles il pouvait être en désaccord, de même que tout le spectre des possibilités entre les deux. Je pense que ce besoin de réflexion critique et d'évaluation se perd parfois dans le discours politique. Je fais cette observation en tant que personne qui se passionne non seulement pour la politique, mais aussi pour le processus politique et ce que cela signifie pour notre démocratie.
Monsieur Loewen, vous avez dit qu'il y avait des défis. Vous avez dit, je crois, que vous étiez « mal placé » pour répondre à certaines de ces questions. Très souvent, quand il s'agit de lutter contre la mésinformation, la désinformation, et de trouver un équilibre entre la nécessité de protéger la liberté d'expression, en particulier parce que je ne pense pas que quiconque au sein de ce comité voudrait limiter un discours politique libre et ouvert... Vous avez utilisé l'expression « mal placé ». Pouvez-vous nous en dire plus là‑dessus pour expliquer exactement ce que vous vouliez dire et comment nous pouvons trouver le juste équilibre pour nous assurer que nous ne limitons pas le discours politique tout en encourageant des débats honnêtes et réfléchis?
:
Je vous remercie de la question. J'apprécie cette occasion d'apporter des précisions.
Je dirais trois choses très rapidement.
La première, c'est que lorsque je regarde l'opinion des Canadiens par rapport à celle des gens d'autres pays, il y a tout simplement moins de marge de manœuvre politique chez les Canadiens en matière de réglementation ou de tentative de réglementation du cyberespace par le gouvernement. Les Canadiens font également moins confiance aux autres acteurs pour le réglementer, qu'il s'agisse des sociétés de technologie ou des groupes de la société civile qui participent à cette réglementation.
C'est un peu comme si nous étions encore un peu embrouillés, monsieur Kurek, parce que nous essayons d'établir — si nous prenons l'exemple de la réglementation des plateformes en ligne — comment nous allons nous y prendre. C'est le premier point.
Deuxièmement, il nous a fallu beaucoup de temps pour en arriver là où nous en sommes en ce qui concerne le financement des campagnes électorales; nous limitons assez sévèrement les dons, nous limitons les dépenses et nous essayons de limiter les débats et les élections en grande partie aux partis et aux candidats. Je pense que la plupart des députés seraient d'accord pour dire que cela fonctionne, en ce sens que cela permet d'avoir une conversation ciblée pendant les élections, si vous voulez.
Nous avons un précédent juridique à cet égard, mais ce modèle ne fonctionnera pas dans un monde où une grande partie du discours peut être généré par des non-humains et à très faible coût. Les deux mécanismes que vous utilisez, par l'argent — qui peut s'exprimer et à quel point il peut le faire — ne s'appliquent pas au cyberespace. Je pense que c'est une position difficile.
Je pense, très franchement... C'est un commentaire politique, que j'hésite un peu à faire, mais pourquoi pas? Je me lance.
Je pense qu'il est difficile de traiter de ces questions quand le... Il ne s'agit pas de la légitimité d'une élection, car nos élections étaient légitimes, mais la question de savoir pourquoi les dernières ou les deux dernières élections se sont déroulées de la façon que l'on sait est elle-même contestée par l'objet de la question. Il devient difficile pour vous tous, en tant que parlementaires, de faire la part des choses.
:
Je vous remercie pour cette réponse.
J'ai une dernière question, si vous me le permettez, pour M. Loewen et M. Frank. J'espère qu'il reste du temps.
Nous avons vu deux exemples et, bien sûr, tout est politique ici. Il y a d'abord le rapport de la juge Hogue, dont nous avons beaucoup parlé.
Aussi, la a publié une vidéo qui a fini par être signalée sur Twitter comme ayant été modifiée. C'était essentiellement un montage de l'ancien chef conservateur Erin O'Toole et de quelques propos qu'il avait tenus au cours d'une conversation plus approfondie sur les soins de santé. Elle a été affichée comme si elle disait quelque chose qui ne correspondait certainement pas à l'intention et certainement pas à ce qui a été dit dans le contexte de la phrase complète.
Très rapidement, comment pouvons-nous atteindre cet équilibre? Souvent, quand quelqu'un n'est pas d'accord avec vous, il dit que c'est de la mésinformation, de la désinformation ou du discours haineux, et pourtant, quand il s'agit de son opinion, si vous vous y opposez, toute la conversation devient hyper distordue et on s'attaque au moindre détail de manière extrême.
Comment pouvons-nous nous assurer de ramener cela à la question suivante: « Comment composons-nous avec les faits? »
Pourriez-vous tous les deux répondre en 15 secondes?
:
Très rapidement, monsieur Kurek, je dirais que c'est un bon exemple du fonctionnement du système, d'une certaine façon.
Les politiciens déforment fréquemment les propos de leurs adversaires. Ils insistent sur des tournures de phrases. Dans ce cas, la s'est en quelque sorte fait prendre pour avoir publié une vidéo qui, à mon avis, a probablement collé injustement ces mots ensemble. Elle a dû prendre le temps de s'expliquer.
D'une certaine façon, je pense que c'est ainsi que vous voulez que le système fonctionne. Si vous ne représentez pas de façon véridique ce que votre adversaire a dit ou défend, vous vous faites prendre et vous devez alors expliquer pourquoi vous avez agi de la sorte.
:
Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous en suis reconnaissant.
Je remercie tous nos témoins et nos experts en la matière d'être ici.
Je n'ai probablement le temps de poser qu'une seule question.
Monsieur Frank, je veux simplement souligner que vous avez dit que la désinformation est conçue pour se propager, et très rapidement. Nous le constatons tous les jours.
Monsieur Al‑Rawi, j'adore l'idée de votre initiative non partisane. Je crois me souvenir qu'à l'époque — peut-être en 2017 — nous avions ce qu'on appelait le « détecteur de bobards ». Ce n'était certes pas scientifique, mais il donnait une excellente explication non partisane des propos des politiciens et il établissait si c'était en partie ou complètement des bobards. Je vous le dis, je m'ennuie du détecteur de bobards.
Vous aviez le mot du jour, monsieur Al‑Rawi: « infodivertissement ». Il y a toutes sortes de petites choses qui me viennent à l'esprit quand vous utilisez ce mot.
Ma question s'adresse à M. Loewen. Vous êtes un expert en matière de partisanerie. Je me demande si vous pourriez nous parler du climat de partisanerie qui règne actuellement au Canada.
Au Canada, elle semble se concentrer surtout sur les réseaux sociaux, mais on pourrait peut-être comparer cela à... J'étais à Washington, aux États-Unis, il y a quelques années, pendant les élections de mi‑mandat, et j'ai eu l'occasion de voir les publicités télévisées de mi‑mandat. Je vous dirai que j'espère et que je prie pour que nous n'en arrivions jamais là, mais je vois que nous nous dirigeons très rapidement vers cet exemple.
Pourriez-vous nous parler un peu de la partisanerie au Canada et peut-être la comparer à ce que nous voyons aux États-Unis?
Pourriez-vous être assez bref, afin que nous puissions partager notre temps avec Mme Khalid?
J'apprécie vraiment les témoignages que nous entendons aujourd'hui. Nous avons appris que la propagande de désinformation a toujours existé, et nous nous rendons compte que les médias sociaux donnent aux acteurs la possibilité de diffuser leurs messages à la vitesse de l'éclair, et qu'il devient de plus en plus difficile de récupérer ces messages, en quelque sorte.
Je vais vous expliquer quelles en ont été les conséquences pour moi.
En 2017, j'ai été victime d'une campagne de désinformation menée par les conservateurs pendant leur campagne à la direction du parti. Ils envoyaient des courriels de collecte de fonds demandant aux gens de leur donner 5 $ pour empêcher la députée Iqra Khalid d'introduire la charia au Canada. Cela s'est transformé en une vaste campagne sur les médias sociaux contre moi, au point où la police patrouillait devant chez moi parce que quelqu'un avait divulgué mon adresse et qu'on incitait les gens à venir me tuer. Des extrémistes de droite se sont présentés à mon bureau de circonscription, terrorisant le personnel, et j'ai reçu 90 000 courriels dans ma boîte de réception, etc.
Cela a duré très longtemps, et je dois encore aujourd'hui faire face à de nombreuses conséquences de cette campagne de financement qu'a menée la direction du Parti conservateur en 2017.
Je suis vraiment curieuse de savoir où se situe la responsabilité dans cette affaire. Est‑ce que ce sont les candidats conservateurs qui ont recueilli des fonds au détriment de ma sécurité personnelle en diffusant de la désinformation? Est‑ce que ce sont les plateformes de médias sociaux qui ont permis que cela se produise sans retirer le message, sans vérifier les faits, ou est‑ce que ce sont les médias, en général, qui ne jouent pas le rôle de chien de garde qu'ils avaient peut-être l'habitude de jouer dans le passé?
Commençons par le professeur Loewen, puis nous poursuivrons avec M. Al‑Rawi.
Messieurs, je vous remercie d'être venus aujourd'hui.
Avant de vous laisser partir, j'ai une question à vous poser. Je vais vous la poser à tous les trois, mais je vais d'abord m'adresser à M. Frank. Elle concerne le commentaire que vous avez fait plus tôt dans votre témoignage sur la perte de sources d'information fiables et crédibles.
Il fut un temps, monsieur Frank — et vous le savez tous — où c'était vers les présentateurs ou les journalistes que l'on pouvait se tourner pour trouver des sources fiables. Aujourd'hui, avec les médias sociaux, il est difficile de trouver ces sources fiables.
C'est encore plus difficile maintenant, parce qu'il y a une confrontation en ce moment — je suis sûr que vous êtes tous au courant — entre Facebook et le gouvernement en ce qui concerne le projet de loi . Pour de nombreux Canadiens, Facebook est une source d'information, mais l'entreprise a décidé de ne pas autoriser le partage sur sa plateforme de liens provenant de quotidiens comme The Globe and Mail, entre autres. J'aimerais que chacun d'entre vous m'explique comment cette situation permet à la désinformation ou à la mésinformation — j'appelle cela des mensonges — d'être propagée sur les médias sociaux sans que l'on ait accès à ces sources crédibles, outre au moyen de l'accès payant, pour toutes les informations qui sont manifestement vérifiées et validées par les services juridiques. Si ces informations ne sont pas accessibles sur Facebook, quelle en est l'incidence sur la capacité des gens à obtenir les bonnes informations?
Commençons par vous, monsieur Frank, après quoi je vais donner la parole à M. Loewen et à M. Al‑Rawi.
:
Oui, monsieur Brassard. Notre groupe de recherche a rédigé un petit document, que j'enverrai au Comité, sur ce qui s'est passé après l'interdiction des liens sur Facebook.
La seule conséquence est que les gens ont toujours l'impression de s'informer sur Facebook lorsqu'on les interroge à ce sujet. Ils n'accèdent pas aux actualités, mais ils s'informent sur la politique à partir de Facebook. Certains reportages s'y glissent, mais les gens s'informent vraiment sur la politique à partir de Facebook, de sorte qu'ils s'informent, logiquement, d'une manière plus libre en ce qui concerne le contenu.
Permettez-moi aussi de dire, monsieur Brassard, que la perte la plus grande et la plus importante dans le domaine du journalisme dans notre pays a été celle des journaux locaux. Je pense que tous ceux d'entre vous qui sont des députés de longue date savent que ce qui était rapporté sur vous dans votre journal local comptait vraiment, car les gens de la circonscription pouvaient ainsi être au courant de ce que vous faisiez. Dans le Toronto Star, personne ne parle de ce que vous faites dans votre circonscription. La perte du journalisme local est ce qui, à long terme, sera dévastateur pour notre démocratie.
:
Je vous remercie de la question, monsieur Brassard.
Je pense que si nous examinons les enquêtes et les études précédentes, nous constatons un déclin très net de la confiance dans les médias grand public. Il y a de nombreuses raisons à cela, y compris les lacunes dans certains reportages sur les événements dans le monde.
Bien sûr, les médias sociaux sont apparus il y a une dizaine d'années et ont incité les gens à consommer davantage de nouvelles sur leurs plateformes, et les gens s'y sont habitués. La décision de Facebook d'interdire les organes de presse sur sa plateforme constitue un défi majeur pour nous aujourd'hui, car les gens se sont habitués aux nouvelles provenant de Facebook, mais ils sont soudain exposés à d'autres sources. C'est le principal défi auquel nous sommes confrontés aujourd'hui.
J'aimerais juste mentionner une chose: être exposé, cela ne signifie pas qu'il y a des répercussions ou des effets, et cela ne signifie pas que si je suis exposé à la mésinformation, j'en serai directement affecté. Il est vraiment important de faire cette distinction. Nous ne sommes pas comme des éponges; nous ne sommes pas immédiatement influencés par tout ce que nous observons. Nous avons des antécédents différents, des idéologies différentes et, bien sûr, des pensées différentes; c'est pourquoi il est vraiment utile d'adopter une position plus nuancée lorsque nous parlons de ce sujet.
Enfin, je ne pense pas que TikTok soit le problème. Je pense que nous avons d'autres problèmes majeurs auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui en ce qui concerne l'écosystème de l'information.
Merci.
Au nom des membres du Comité et des Canadiens, je tiens à vous remercier de votre témoignage devant le Comité sur cette étude très importante. Merci d'avoir pris le temps de venir nous faire profiter de vos connaissances et de vos informations.
Sur ce, je vais libérer les témoins.
Nous allons passer aux travaux du Comité. Il y a quelques points dont je dois parler, et je m'en excuse.
D'abord, certains des témoins qui devaient être ici aujourd'hui ont dû annuler leur visite. C'est la raison pour laquelle nous n'avons eu qu'une heure avec les témoins aujourd'hui. Des invitations visant à fixer une nouvelle comparution des autres témoins ont été envoyées pour le 21 mai. Nous y travaillons. À moins que les députés ne souhaitent prolonger cette étude sur la désinformation et la mésinformation, nous pouvons le faire, mais je sais que la dernière heure de notre étude est prévue pour jeudi après-midi. Nous avons une liste de témoins, et l'avis de convocation sera envoyé après cette réunion.
Madame Damoff, vous avez levé la main. Allez‑y, mais il y a aussi d'autres points dont je dois discuter.
:
Puis‑je vous demander d'attendre une seconde?
Le calendrier des réunions de notre comité est très serré en ce moment. Permettez-moi de vous expliquer pourquoi.
Comme je l'ai mentionné la semaine dernière, nous avons reçu une lettre de la GRC concernant SNC-Lavalin. Les renseignements fournis par M. Wernick ont été reçus. Il revenait au Comité de déterminer si nous allions tenir une réunion supplémentaire en fonction des renseignements reçus de la GRC ou de M. Wernick, et peut-être de demander plus de renseignements au Bureau du Conseil privé si ceux qui étaient fournis par M. Wernick n'étaient pas satisfaisants.
Nous avons décidé dans la motion que nous allions traiter cette question dans les 14 jours suivant la réception des renseignements, et nous nous trouvons actuellement dans cette période. Nous n'avons pas besoin d'y réfléchir ni de décider maintenant, car je sais que l'information n'a été transmise que récemment aux membres du Comité, mais je veux que vous réfléchissiez à la suite que nous donnerons à cette affaire, le cas échéant. Nous devons avoir cette discussion à un moment donné dans cette période de 14 jours.
Par ailleurs, en raison du projet de visite à la GRC le 23, nous n'aurons pas de réunion. Cela nous enlève une réunion.
Ce sont là quelques-uns des problèmes que nous rencontrons pour ce qui est du calendrier.
Nous devons également nous occuper de l'étude sur l'utilisation des outils technologiques et des données. Les analystes ont indiqué que vous recevrez l'ébauche de rapport dans une semaine à partir de vendredi. Nous devrons donc nous garder du temps pour cela. Le rapport, tel qu'il est rédigé à l'heure actuelle, compte environ 50 pages et contient approximativement 14 recommandations. Cela peut prendre un certain temps.
J'ai demandé à la greffière de voir s'il serait possible pour nous de tenir des réunions supplémentaires. Nous devrons peut-être le faire afin de pouvoir conclure nos travaux avant la fin de la session.
Je voudrais que vous gardiez cela à l'esprit, car après jeudi, nous commencerons notre étude sur le laboratoire de Winnipeg et la motion de M. Villemure qui a été adoptée par le Comité. Je veux que vous gardiez cela à l'esprit, madame Damoff.
Nous allons devoir trouver du temps pour d'autres réunions. Nous pouvons certainement attendre jusqu'à l'automne si nécessaire, ou nous pouvons le faire maintenant. La décision revient au Comité.
Monsieur Barrett, allez‑y, je vous prie.
:
Je vous remercie d'avoir parlé du contexte actuel. J'espérais que les membres du Comité voudraient en discuter.
Comme je vous l'ai dit, je présenterai une motion si nous voulons officiellement procéder de cette façon. Je pensais qu'il s'agirait plutôt d'une conversation informelle, mais je vais présenter la motion suivante: je propose que nous prolongions de trois réunions l'étude actuelle sur la mésinformation et la désinformation.
Je dois dire, monsieur le président, que j'apprécie que vous nous ayez donné un aperçu de nos travaux à venir, mais cela dit, je crois que le comité Canada-Chine vient de terminer une étude sur le laboratoire de Winnipeg, alors je doute que ce soit une grande priorité pour nous avant la fin de juin. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas ajouter ces réunions supplémentaires à notre calendrier pour poursuivre notre étude sur la mésinformation et la désinformation avant de passer à autre chose.
Je vais proposer officiellement cette motion, monsieur le président.
:
Attendez une seconde, monsieur Barrett.
J'ai consulté la greffière, monsieur Barrett, et voici ce qui s'est passé. Nous discutions, dans le cadre des travaux du Comité, de l'étude sur la mésinformation et la désinformation. Vous avez présenté votre motion, et je l'ai approuvée.
Ensuite, M. Green a invoqué le Règlement. J'ai accepté son rappel au Règlement, car nous discutions toujours de la question que Mme Damoff avait soulevée.
Malheureusement, la décision que j'ai prise concernait le rappel au Règlement valable de M. Green; la motion que nous allons maintenant examiner est donc celle de Mme Damoff sur la prolongation de l'étude, et je reviendrai à vous pour l'autre motion.
Malheureusement, c'est ce qui s'est passé, monsieur Barrett.
:
Mais c'est ce que nous sommes en train de faire.
M. Matthew Green: Non, pas du tout. Le mien était un rappel au Règlement légitime.
M. Michael Barrett: Monsieur le président, je vais devoir contester votre décision. Vous n'utilisez aucun article du Règlement pour écarter la motion qui a été dûment présentée et jugée recevable. Ce n'est pas un précédent acceptable à établir lorsqu'un député a obtenu la parole. Il n'y avait pas d'autres intervenants avant moi. On m'a donné la parole. J'ai présenté une motion pour laquelle un avis avait été donné. Or, parce que quelqu'un présente peut-être une motion par la suite, on me dit que je ne peux pas proposer cette motion, qu'elle est écartée et qu'on va discuter de celle de quelqu'un d'autre.
Alors, oui, je conteste votre décision.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Comme je l'ai dit avec les meilleures intentions, je n'ai pas de cheval dans la course, mais je pense que nous devons, en tant que membres du Comité, achever certaines de nos études. Je suis tout à fait conscient des délais qui nous séparent de la fin de la session. Je n'ai pas envie d'explorer toutes les pistes qui s'offrent au Comité. Je ne pense pas non plus qu'il y ait une telle urgence pour cette étude en particulier et qu'elle doive être achevée dans un ordre séquentiel dès maintenant. Selon moi, il s'agit d'une étude qui nécessite une analyse plus approfondie et plus longue.
Je vous dirai — et ce n'est pas au détriment des témoins qui étaient présents — que nous devons parvenir à un point où les experts en la matière seront prêts à nous fournir des recommandations. Nous devons commencer à trouver les personnes qui adopteront des positions politiques pour fournir des recommandations, que ce soit en utilisant des comparateurs mondiaux ou des recherches universitaires, ou en faisant appel à l'expertise de l'industrie, car je pense qu'en tant que comité, en vue des élections, nous devons faire les choses correctement.
Je suis même prêt — et j'en fais part à mes homologues conservateurs pour qu'ils comprennent où je veux en venir — à dire que cette étude doit être prolongée. Je ne suis pas nécessairement d'accord pour dire qu'il faut le faire la semaine prochaine. Je ne suis pas d'accord pour dire que ce doit être prioritaire, mais je pense que nous devons obtenir de meilleurs résultats, de meilleures recommandations et une plus grande clarté.
Monsieur le président, je n'aime pas beaucoup l'idée de courir après un nouveau titre chaque semaine et de faire la même chose dans trois ou quatre comités. Je dis, en partie seulement pour plaisanter, que le fait d'avoir les mêmes personnes aux mêmes séances de comités pour dire la même chose n'est pas une bonne utilisation de notre temps. Les ressources des contribuables font partie de notre mandat au sein de ce comité.
Cela dit, pour chacun des votes, mon vote dépendra des questions dont le comité sera saisi, et je sais que, quelle que soit la décision que je prendrai, certaines personnes diront que je suis complice ici ou là, ou que je vais finir par participer à l'activité de financement de quelqu'un. Cela m'est égal. Je sais simplement que ce que nous tentons de faire au sein de ce comité est la bonne chose, pour le bien et le bien-être des gens.
Je dirai que, oui, je suis favorable à une prolongation de l'étude. Je dirais également que je ne verrais pas d'objection à ce que ce soit en septembre. Si cela signifiait que nous pourrions aller chercher les meilleurs experts mondiaux en la matière pour qu'ils viennent nous éduquer, informer le grand public et formuler de solides recommandations que nous pourrions intégrer à un rapport complet, c'est ce que je ferais. Loin de moi l'idée d'écarter d'autres questions qui pourraient être traitées par le Comité d'ici l'été.
C'est dans ce contexte que je prendrai toutes mes décisions, au fur et à mesure, vote par vote.
:
Je suis du même avis que mon honorable collègue. Je crois que nous devons aller de l'avant, mais je ne crois pas qu'il y ait urgence.
J'ai une proposition à faire. Étant donné la disponibilité limitée des témoins, nous pourrions réserver deux ou trois heures et choisir le meilleur moment afin que nous puissions recevoir les experts en question. Nous ne pouvons pas recevoir un nombre illimité de témoins, mais nous devons travailler très fort pour recevoir les meilleurs témoins possible, compte tenu de l'importance du sujet.
La semaine dernière, le témoignage de M. Joel Finkelstein était prenant. Ayant moi-même proposé l'étude, je savais que la situation était grave, mais je me suis rendu compte qu'elle l'était encore plus. Alors, il est certainement très intéressant de recevoir ce genre de témoin.
Nous ne pouvons pas commencer 12 projets à la fois, mais nous devons nous donner un délai pour recevoir des témoins de qualité et peut-être aussi nous donner une limite de temps.
Si nous conjuguons tout cela, je crois que nous pouvons faire un bon travail dans l'intérêt public.
Je ne vois pas d'inconvénient à ce que M. Green et M. Villemure proposent, en ce sens qu'il n'est pas nécessaire que les études soient consécutives.
Je pourrais même avancer que nos analystes, dans leur temps libre — et je sais qu'ils n'en ont pas —, pourraient faire quelques recherches pour voir s'il y a des témoins. Je sais que nous en avons proposé un certain nombre. J'ai oublié le nombre exact. Je n'y vois aucun inconvénient, même si cela doit être reporté à l'automne, si c'est ce qu'il faut faire.
Pour être honnête, je pense que, ce que nous voulons dire, c'est qu'il s'agit d'une étude qui a suscité plus d'intérêt que nous ne l'avions prévu au départ, et qu'il convient donc de lui accorder le temps et l'attention nécessaires. Compte tenu de l'importance accordée à ce qui se passe dans la société en particulier, et aux répercussions de cette situation sur nos vies et sur notre travail de politiciens, je pense que cette question mérite d'être étudiée comme il se doit.
:
Vous remarquerez que, dans mes interventions récentes, je suis toujours allé droit au but. Quelles sont vos recommandations?
Je me demande si, dans les communications et les invitations envoyées aux gens qui viennent témoigner devant le Comité, nous ne pourrions pas anticiper les choses et leur demander de présenter à l'avance leurs déclarations préliminaires et leurs éventuelles recommandations. Il serait tellement plus utile pour moi et, j'en suis sûr, pour d'autres — et je vois des gens hocher la tête — que les témoignages incluent des recommandations, que nous pourrions ensuite examiner, contester, remettre en question, soutenir ou explorer. Je pense que ce serait mieux pour les analystes.
Je me demande simplement, par votre intermédiaire, monsieur le président, si vous pouvez répondre à cette question. Existe‑t‑il un mécanisme par lequel vous pourriez leur demander cela dans les invitations que vous envoyez?
Je ne vois pas d'autre débat.
Nous en sommes à la motion de Mme Damoff visant à prolonger... J'ai entendu les membres du Comité parler du calendrier.
Madame la greffière, qu'est‑ce que nous disions ce matin?
Il nous reste jusqu'à sept ou huit réunions à organiser pour tout régler. Comme je l'ai indiqué au Comité, j'ai demandé une divergence pour tenter d'obtenir des créneaux de réunion, afin que nous puissions achever notre travail avant les vacances d'été.
La proposition de Mme Damoff est d'ajouter trois réunions supplémentaires; nous fixerons le calendrier de ces réunions par la suite. La seule chose que je demanderai, c'est que les membres du Comité proposent également des témoins supplémentaires.
Y a‑t‑il consensus là‑dessus?
Des députés: D'accord.
Le président: D'accord, parfait. Merci. C'est noté.
Monsieur Barrett, vous avez la parole.
:
Monsieur le président, j'ai donné un avis de motion en bonne et due forme et j'aimerais maintenant proposer une motion.
Ainsi, je propose:
Que, conformément à l'article 108(3)h) du Règlement et à la lumière des éléments d'information mis au jour récemment dans les médias, le Comité entreprenne immédiatement une étude sur les allégations de fraude et de violation des lois en matière d'éthique et de lobbying visant le ministre Randy Boissonnault; que le Comité demande au ministre Randy Boissonnault de comparaître pendant trois heures et invite Kirsten Poon et Stephen Anderson de Global Health Imports ainsi que le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique à témoigner à titre personnel en plus de tous les autres témoins pertinents; que le Comité fasse rapport de ses conclusions à la Chambre.
Monsieur le président, cette motion est extrêmement importante. Nous avons entendu le ministre témoigner devant le comité permanent des ressources humaines hier. Il a d'abord dit qu'il n'avait pas été payé, puis qu'il avait été payé. Nous savons que le ministre a beaucoup de mal à maintenir sa version des faits. Évidemment, cela soulève des questions relatives à la Loi sur le lobbying. Cela concerne la Loi sur les conflits d'intérêts. Cela concerne le Code régissant les conflits d'intérêts des députés.
Lorsqu'il s'agit d'un ministre de la Couronne, il est extrêmement important que les Canadiens sachent qu'il a organisé ses affaires privées de manière à ne pas favoriser ses propres intérêts. Nous constatons que, dans le cas du ministre Boissonnault, il y a beaucoup de doutes sur le fait qu'il ait agi correctement. En enregistrant auprès du commissaire à l'éthique un nom qui n'était pas le nom commercial de l'entreprise, il semble que l'on ait voulu créer un subterfuge. On dirait que l'on tente de cacher ce que l'on fait. Il est question d'une société qui a payé un ministre pendant qu'il était membre du Cabinet, alors que cette société faisait simultanément du lobbying auprès de son ministère et auprès du gouvernement, et que ses efforts, les efforts de sa société, ont permis d'obtenir plus de 100 millions de dollars pour son client; dans un cas, c'était un projet d'une valeur de 10 millions de dollars. Le ministre a même annoncé le projet alors qu'il recevait les paiements de l'entreprise qui avait fait le travail de lobbying.
Dans un autre cas, avec Global Health Imports, son autre intérêt commercial, il y a bien sûr les questions soulevées par Global News sur le fait que le ministre figurait sur la liste des administrateurs. Cette société a obtenu des contrats auprès de gouvernements municipaux et provinciaux, et les grands acteurs de ce secteur se sont demandé comment il se fait que cette société composée de deux personnes qui revend de l'équipement de protection individuelle ait pu décrocher des contrats qu'ils n'avaient pas pu obtenir.
Il semble que le fait de compter un ministre fédéral parmi les administrateurs d'une société donne de bons résultats. Dans le cas de cette entreprise, bien sûr, des allégations de fraude et de détournement de fonds ont été formulées à l'encontre du partenaire du ministre. Ces allégations sont incroyablement troublantes, et il nous incombe, conformément au mandat du comité, de nous pencher sur la question.
Les témoins sur cette liste pourraient être entendus au cours de quelques brèves réunions, et cela nous donnerait l'occasion de faire la lumière sur cette affaire pour les Canadiens, ce que le ministre ne semble pas avoir réussi à faire lors de sa dernière comparution devant un comité et dans ses déclarations aux agents du Parlement.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Oui, parlons de la motion. Cela fait maintenant une semaine que M. Barrett est à la pêche. Hier, les conservateurs ont perturbé les travaux du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées alors qu'il examinait le budget principal des dépenses, sans doute afin d'obtenir leurs fameux extraits à publier sur les médias sociaux et d'attaquer la réputation du ministre, mais ils se sont trompés sur les faits concernant cette histoire. Ils ont été corrigés à plusieurs reprises au cours de la réunion d'hier.
Ils ont commencé par affirmer que le ministre avait enfreint l'article 4 de la Loi sur les conflits d'intérêts. Comme le ministre l'a souligné, dans l'article de Global News lui-même, le commissariat à l'éthique a confirmé qu'il répondait à toutes les exigences du code. Les conservateurs ont affirmé que le ministre avait accordé des fonds à une entreprise de manière inappropriée, mais, comme il l'a souligné, ces subventions étaient destinées à l'Aéroport international d'Edmonton. Ces subventions ont été accordées par des ministères qui ne rendaient pas de comptes au ni au . Les conservateurs ont indiqué à tort que l'entreprise, Navis Group, avait reçu des contrats valant des millions de dollars alors qu'en réalité, ces fonds ont été affectés à l'Aéroport international d'Edmonton, qui est, soit dit en passant, le cinquième aéroport en importance du pays.
M. Barrett a déclaré à tort que le ministre était propriétaire d'une entreprise, alors que ce n'était pas le cas. On le lui a fait remarquer. Il s'est alors empressé de dire à tort que le ministre avait des intérêts dans cette entreprise. Encore une fois, monsieur le président, je pense que l'opposition, et M. Barrett en particulier, va à la pêche. Je ne peux que supposer que les conservateurs ont lu les articles et qu'ils savent que le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique a blanchi le ministre dans cette affaire.
Il me paraît un peu ironique et approprié que, dans le cadre de notre étude sur la mésinformation et la désinformation, nous ayons une conversation sur des questions qui relèvent clairement de la mésinformation et de la désinformation. Encore une fois, tout cela pour obtenir ces fameux extraits à publier sur les médias sociaux.
:
Merci, monsieur le président.
Nous recevons régulièrement, ici, le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, à qui nous faisons confiance. Je trouve que la motion telle que proposée désavoue un peu le travail du commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique qui n'est pas encore fait.
J'aimerais proposer un amendement à la suite de la motion de M. Barrett. L'amendement, tel que proposé, dit ceci: « Conformément à l'article 108(3)h) du Règlement et à la lumière des éléments d'information mis au jour récemment dans les médias, le Comité [...] ». C'est ce qui est déjà là. Je propose d'enlever tout le reste et de le remplacer par ceci: « convoque le ministre Randy Boissonnault pour une rencontre d'une heure, ainsi que le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, M. Konrad von Finckenstein, pour une heure également ».
Je crois que cette rencontre pourra satisfaire aux questions de M. Barrett, qu'elle ne fera pas obstruction aux travaux du Comité et ne mettra pas le pour rien sur un plan de désinformation. D'une certaine façon, le commissaire va pouvoir nous informer s'il a entrepris une enquête ou s'il le fera. Je ne veux pas que le Comité, en se substituant au commissaire, mine l'autorité de ce dernier. Néanmoins, il est important que nous obtenions des réponses satisfaisantes à la question posée.
J'ai eu l'occasion d'interagir avec le commissaire suffisamment pour savoir quelles seront ses réponses. Je ne pense pas que nous obtiendrons grand-chose si une enquête est en cours. Ce que je proposerais — sans vouloir embrouiller les choses —, c'est que l'esprit de la motion initiale se reflète dans la liste des témoins.
Je vais ouvrir la discussion avant de proposer un sous-amendement. Je pense qu'il serait utile que Kirsten Poon et Stephen Anderson soient présents.
Monsieur le président, je vous poserai simplement la question suivante: quelle est la probabilité que nous disposions des ressources nécessaires pour une réunion de trois heures? Je ne crois pas que ces personnes devraient témoigner avec le commissaire. Je pense que le commissaire devrait comparaître seul pour de nombreuses raisons. Je pense que ces personnes devraient être incluses — je ne veux pas qu'elles soient exclues. Si nous entendons un politicien professionnel et un ministre, , pendant une heure, puis un bureaucrate professionnel et commissaire, M. von Finckenstein, pendant une heure, je ne suis pas certain que nous obtenions grand-chose.
Je me demande quelles sont les ressources disponibles et s'il est possible d'ajouter une troisième heure à cette étude. Je me contenterai de dire ceci: si nous avons le choix entre le commissaire et les nouveaux témoins, je choisirais les nouveaux témoins si nous n'avons que deux heures. Si nous en avons trois, je serai alors en faveur d'inviter le commissaire. Je vous assure que je sais déjà ce qu'il dira.
:
Je propose un sous-amendement qui exclut le commissaire au profit des autres témoins. Je pense que cela nous laisserait la possibilité d'inviter le commissaire à une date ultérieure si nous avons des questions pour lui en fin de compte. Nous l'avons reçu à de nombreuses reprises sur différents sujets et ses réponses sont toujours les mêmes.
Je propose un sous-amendement. Je propose de reporter le témoignage du commissaire et d'entendre, à la première occasion, le ministre et les deux témoins.
Maintenant, ce que je dirai au Comité — et j'ouvre la discussion — c'est que, même si certains pourraient penser qu'il est préférable d'entendre le ministre d'abord et les autres témoins ensuite, je pense qu'il serait préférable d'entendre les autres témoins d'abord. Cela dit, je laisse au comité le soin d'en décider. C'est le sous-amendement que je proposerais: reporter le témoignage du commissaire et inclure les témoins tels qu'ils sont mentionnés dans la motion initiale.
:
Merci, monsieur le président.
Je crains que ce comité ne fasse le travail que le commissaire à l'éthique est censé faire.
Je comprends les propos de M. Green quand il dit savoir ce que dira le commissaire à l'éthique, car il refuse de répondre à des questions sur une enquête en cours. Il peut seulement expliquer le contexte de la loi elle-même. De plus, je crains que M. Barrett ne présume de la culpabilité du ministre alors que, selon les informations, et même selon les médias, le ministre a respecté les exigences du code.
Je trouve cela préoccupant que nous nous mettions à la place du commissaire à l'éthique et que nous prétendions que nous sommes mieux placés que lui pour mener cette enquête. Je ne dis pas que nous devons nous abstenir d'aborder cette affaire dans nos réunions, mais je ne crois pas qu'il soit utile de faire venir ces témoins supplémentaires.
Je m'inquiète également de la présomption de culpabilité dans cette affaire, en dehors d'une enquête réalisée par le commissaire à l'éthique. Le Comité pourrait envisager de renvoyer la question au commissaire à l'éthique et de lui demander de procéder à une enquête.
Je m'en tiendrai là, monsieur le président.
:
Je dirais simplement que, d'après mon expérience avec le commissaire — et j'essayais de trouver une citation dans le hansard, car je suis certain que cela s'y trouve —, il soutient très clairement que ce n'est pas son travail de proposer des solutions législatives et qu'il n'agit que dans le cadre de la législation existante.
Je vous dirais que les trois quarts du travail que nous faisons ici sont liés aux zones grises, et je pense que notre comité a la possibilité d'éviter d'exploiter la situation de M. Boissonnault. À première vue, j'accepte ce qui a été rapporté.
Toutefois, je ne pense pas que le fait d'être conforme à la loi signifie forcément que l'on fait preuve d'éthique, et je pense que c'est là le mandat du Comité: étudier et examiner les possibilités d'améliorer nos lois afin de combler les lacunes, d'apporter plus de clarté et de veiller à ce que le cynisme et l'érosion de nos institutions ne se poursuivent pas, dans ce monde très néfaste de lobbyistes, d'entreprises puissantes et de passation de marchés publics. Voilà mon intention.
Mon intention, c'est que nous entendions des témoignages qui nous donneront, espérons‑le, des indications qui nous permettront de formuler des recommandations pour faire état de la législation actuelle, expliquer le cas étudié et proposer des solutions pour éviter que la situation ne se reproduise. Je ne présume d'aucune culpabilité, car je crois sur parole ce qui a été communiqué, mais je crois tout de même que ce n'était pas approprié, et ce sont deux choses très différentes.
Merci.
:
Donnez-moi une seconde. Désolée.
L'amendement de M. Villemure serait... D'accord, c'est différent de l'autre version que j'ai reçue.
L'amendement de M. Villemure consisterait à conserver le début du texte, qui se lit comme suit: « Que, conformément à l’article 108(3)h) du Règlement et à la lumière des éléments d’information mis au jour récemment dans les médias [...] ». Ensuite, il supprimerait tout ce qui suit et le remplacerait par « en premier lieu, le Comité convoque le ministre Randy Boissonnault pour une rencontre d'une heure et, ensuite, le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, Konrad von Finckenstein, pour une heure également. »
:
Je vais vous faire part de mes réflexions à ce sujet, monsieur le président, si vous le permettez.
Je trouve cette situation un peu étrange. Je ne sais pas si le commissaire à l'éthique procède actuellement à un examen ou à une enquête sur cette question précise. Je sais que le ministre a comparu devant d'autres comités pour parler exactement de la même question, alors je ne comprends vraiment pas quel est l'objectif de notre comité à cet égard.
Si nous essayons d'explorer, comme l'a dit M. Green, les zones grises de la Loi sur le lobbying et du Code régissant les conflits d'intérêts, etc., en quoi ces deux témoins nous aideraient-ils à définir les zones grises?
M. Green a également mentionné que, comme nous le savons tous, le commissaire à l'éthique pourrait ne pas en avoir long à dire si on lui demande de répondre à des questions directes. Voilà pourquoi je me pose des questions...
Par ailleurs, monsieur le président, nous parlons sans cesse des nombreux sujets inscrits à notre liste et des nombreuses études en suspens. Pour bien travailler, il serait utile de trier efficacement les dossiers en ordre d'importance. En outre, j'aimerais que nous produisions un rapport ou que nous exercions une influence positive sur les pratiques de lobbying à l'endroit et de la part des parlementaires ainsi que sur la conduite de ces derniers conformément au code. Je ne vois vraiment pas en quoi cette question fait avancer les objectifs du Comité en soi.
Je m'en tiendrai là, monsieur le président.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je regardais M. Villemure en face. Ce que j'ai compris lorsque la greffière a lu l'amendement ne correspond pas exactement à ce que vous avez dit. Pouvez-vous me dire si ce que vous avez entendu la greffière relire était bien ce que votre amendement prévoyait? D'après nos échanges, vous avez l'impression que ce n'est pas le cas, mais peut-être que cela ne vous dérange pas.
Je lui demande, par votre entremise, monsieur le président, si j'ai raison, car je ne pense pas que ce soit exactement ce qu'il a dit.
:
Je pense avoir été clair sur ce que proposait M. Villemure.
Nous reprenons le débat sur l'amendement. Je ne vois pas d'autre intervention. Y a‑t‑il consensus pour adopter l'amendement? Non. D'accord.
Madame la greffière, nous allons procéder à un vote par appel nominal sur l'amendement.
(L'amendement est adopté par 6 voix contre 4.)
Le président: L'amendement est adopté.
Nous reprenons le débat sur la motion principale.
Madame Khalid, vous avez la parole.
:
Merci, monsieur le président.
Je suis bien contente que le ministre et le commissaire à l'éthique se joignent à nous pendant une même réunion, mais je me demande — et je suis certaine que j'aurai aussi des conversations avec mes collègues à ce sujet — quel est l'objectif de cette démarche. Cherche‑t‑on un moyen de prendre le ministre en défaut? Avons-nous des objectifs, par exemple de déceler des lacunes dans certains aspects particuliers de la Loi sur le lobbying ou du Code régissant les conflits d'intérêts? Essayons-nous de déterminer s'il y a eu des infractions?
Je suis certaine que les auteurs de la motion pourront nous aider à comprendre, et je demanderais à M. Villemure, par votre intermédiaire, monsieur le président, de nous aider à comprendre cela aussi, et je lui en serais très reconnaissante.
:
Merci, monsieur le président.
Je vais répondre à ma collègue avec plaisir.
Jamais, depuis que je siège à ce comité, je n'ai cherché à prendre qui que ce soit en défaut. Je favorise la prédominance de l'intérêt public.
Il y a une question, et je ne présume pas de la culpabilité de quiconque. Toutefois, je crois que les personnes qui sont au cœur de la question sont M. Boissonnault et le commissaire à l'éthique.
Je sais que, si une enquête est lancée, ce dernier nous le dira. Cependant, je crois que si nous ne voulons pas que notre étude ait pour objectif que de prendre quelqu'un la main dans le sac, nous devons réduire la liste de nos invités à l'essentiel afin de ne pas présumer de la culpabilité de quiconque. C'est pourquoi j'ai présenté ainsi mon amendement.
:
Merci, monsieur le président.
J'ai écouté une partie du témoignage du hier. Je sais qu'il viendra ici pour nous présenter les faits de l'affaire, ce qui fait cruellement défaut dans les extraits publiés sur les médias sociaux. Je tiens seulement à réitérer que le commissaire à l'éthique devrait être en mesure de faire son travail à ce sujet, le cas échéant. Je m'inquiète que nous nous perdions constamment dans des tentatives de prendre les autres en défaut qui visent à faire dérailler les études, comme celle que nous faisons actuellement sur la désinformation et la mésinformation.
Je sais que mon collègue bloquiste est quelqu'un d'honorable et je comprends où il veut en venir avec l'amendement, mais je m'inquiète que nous nous perdions toujours dans des questions de lobbying... J'ai le plus grand respect pour mon collègue néo-démocrate, mais pourquoi ne pas simplement faire une étude sur la loi elle-même au lieu de suivre différents reportages dans les médias et tenter d'établir des liens avec des situations particulières? Je pense qu'il s'inquiète sincèrement des zones grises dans la loi. C'est donc ce sur quoi nous devrions nous concentrer, et non pas sur des cas particuliers.