Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bienvenue à la 129e réunion du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique.
Conformément à l'article 108(3)h) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 13 février 2024, le Comité reprend son étude sur les effets de la désinformation et de la mésinformation sur le travail des parlementaires.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins qui sont parmi nous aujourd'hui pour la première heure de la réunion.
Nous recevons à titre personnel Mireille Lalancette, qui est professeure en communication politique à l'Université du Québec à Trois‑Rivières.
Nous recevons également à titre personnel Timothy Caulfield, qui est professeur à la Faculté de droit et à l'École de santé publique de l'Université de l'Alberta.
Madame Lalancette, vous disposez d'un maximum de cinq minutes pour faire votre déclaration d'ouverture. Vous pouvez commencer.
En fait, j'aimerais présenter un regard assez global sur la désinformation et les élections.
À mon avis, c'est un peu comme une tempête parfaite. Pourquoi est-ce une tempête parfaite? C'est en raison de cinq éléments, c'est-à-dire la baisse du rôle des médias, l'augmentation de...
Attendez un instant, madame Lalancette. Nous allons nous arrêter quelques secondes, parce que le son dans la salle n'est pas assez fort. Nous allons monter le son un peu, pour que les personnes présentes dans la salle puissent bien vous entendre.
C'est un peu mieux, maintenant.
Madame Lalancette, je remets le chronomètre à zéro et vous pouvez recommencer.
Pour moi, désinformation et élections vont de pair actuellement, en raison de ce que j'appelle une tempête parfaite liée au rôle des médias, à la montée des médias sociaux numériques, à la baisse des affiliations partisanes, à la montée des populismes et à l'augmentation de la fréquence des campagnes électorales.
De plus en plus de médias ont des difficultés financières. On s'informe de plus en plus sur Facebook, TikTok et Instagram. Il y a aussi une baisse de la confiance envers les médias traditionnels. De moins en moins de gens s'informent auprès des médias traditionnels; maintenant, ils s'informent de plus en plus par l'entremise des plateformes de médias sociaux numériques.
Cette tempête parfaite est aussi liée à la crise du financement des médias. De plus en plus de médias disparaissent et, ce faisant, créent un vide médiatique, qui est comblé par les médias sociaux numériques. Par contre, on peut se poser toute une série de questions sur la fiabilité des sources et sur la variété des contenus qu'on retrouve dans les médias sociaux numériques. Il n'y a pas non plus de code d'éthique ou de code journalistique qui encadre le contenu des médias sociaux ou des influenceurs. L'encadrement des plateformes reste difficile.
Tout cela s'inscrit aussi à l'intérieur de ce qu'on appelle la baisse des affiliations partisanes. De moins en moins de gens ont une carte de parti et s'identifient à un parti politique. Il y a donc une volatilité électorale couplée à ce qu'on appelle la montée des populismes. On a vu, lors du convoi des camionneurs, l'insatisfaction de nombreux groupes, une division du pays est-ouest, un retour des régionalismes. Le populisme est souvent protestataire ou identitaire. On va dénoncer les élites ou se concentrer sur certaines identités. On va opposer le peuple fondateur aux immigrants, par exemple.
Cette tempête est aussi marquée par des élections à date fixe qui ne le sont pas, en réalité, et par ce qu'on appelle la campagne permanente, dans mon domaine de recherche. On n'est plus en campagne seulement lorsqu'on déclenche des élections; on est en campagne tout le temps. Donc, la désinformation peut être concentrée sur les élections, mais peut aussi être tout le temps en fonction.
Où va cette désinformation? Elle va majoritairement dans les médias sociaux numériques, parce que les gens s'informent sur Internet et parce qu'il y a une facilité à utiliser les plateformes pour créer du contenu. Dans certains cas, on n'est pas en mesure de savoir d'où vient le contenu de ces plateformes. On voit de plus en plus apparaître des hypertrucages et des informations qui sont fausses. Ces fausses informations ne sont pas relayées uniquement par les gens qui font de l'ingérence étrangère, mais parfois aussi par les partis politiques eux-mêmes. On voit actuellement les politiciens eux-mêmes parler de fausses nouvelles et critiquer les médias. On calque ainsi les pratiques actuelles aux États‑Unis, notamment les pratiques républicaines.
Comment fait-on pour combattre la désinformation, dans ce contexte?
Dans ma perspective de chercheuse, je crois qu'il est important d'acquérir de bonnes connaissances à l'égard des médias et de montrer aux citoyens et aux citoyennes comment distinguer les fausses informations de celles qui pourraient être vraies.
Il est également important d'assurer la modération des plateformes. On en a vu un exemple, la semaine dernière, alors que la mairesse de Montréal a décidé de mettre fin à la possibilité pour les usagers de commenter ses publications sur la plateforme X, anciennement Twitter.
De plus, il est important pour les États de s'inspirer de ce qui se fait ailleurs, notamment en Europe, pour réglementer les pratiques et réglementer les plateformes de médias sociaux numériques. Il faut effectivement soulever les questions éthiques et les questions liées à l'information et à la désinformation, notamment lorsqu'il s'agit de politique électorale.
Bonjour depuis Edmonton et du territoire du Traité no 6.
Le sujet à l'étude me passionne au plus haut point. La diffusion de mésinformation est l'un des plus grands défis de notre époque. La recherche montre que les experts ne sont pas les seuls à le croire. Des gens du monde entier pensent la même chose.
Il n'est pas exagéré de dire que la mésinformation tue. Elle a d'énormes répercussions sur les démocraties du monde entier. C'est certainement un problème auquel nous devons tous nous attaquer.
La lutte contre la mésinformation elle-même prête à de grandes controverses, même lorsqu'il s'agit de la définir.
Je tiens à souligner au Comité que même s'il est question de faussetés manifestes — au sujet des élections, des vaccins, des changements climatiques ou des immigrants —, notre société peut exercer une influence décisive.
J'étudie la question depuis très longtemps, et comme vous l'avez entendu de la bouche de l'experte qui vient de s'exprimer, il n'y a jamais rien eu de semblable à ce que nous observons en ce moment. Je veux simplement mettre en lumière quelques défis liés aux points qu'elle a soulevés, quelques défis qui ont rendu particulièrement pénibles la situation présente et tout ce qui se passe aujourd'hui.
Premièrement, il y a les médias sociaux, hors de tout doute, mais aussi l'intelligence artificielle, qui va aggraver la propagation de la mésinformation. Elle va créer rapidement un contenu réel qu'il est très difficile de distinguer de la réalité. Des études ont montré que bien des gens croient pouvoir détecter l'IA et les hypertrucages, mais la recherche montre constamment qu'ils en sont incapables, même lorsqu'on les avertit de la menace de l'IA.
La deuxième chose que je trouve incroyablement difficile en ce moment, c'est la politisation de la mésinformation et le lien entre elle, l'identité politique et la polarisation. C'est une tendance qui prend de l'ampleur et qui cause un énorme préjudice. C'est non seulement horrible pour la démocratie, mais nous savons aussi qu'une fois que la mésinformation fait partie de l'identité politique d'une personne, il devient plus difficile de lui faire changer d'avis.
Le troisième défi, c'est le recours à la mésinformation par les acteurs étatiques. L'objectif de nombre d'entre eux et, soit dit en passant, de bien des semeurs de mésinformation, est de susciter la méfiance. La méfiance dont nous sommes témoins aujourd'hui à l'égard des institutions est en grande partie — pas entièrement, mais en grande partie — causée par la diffusion de mésinformation. Ceux qui la répandent essaient de susciter la méfiance et de créer le chaos dans le champ de l'information. Hélas, ils réussissent.
Comment réagir? Que pouvons-nous faire?
C'est un problème générationnel. Vous avez probablement entendu ces recommandations à maintes reprises, mais nous devons adopter une approche à plusieurs volets.
Qu'est-ce que cela signifie? Il faut faire acquérir une pensée critique, proposer une initiation aux médias et le faire dans... J'ai écrit un article dans lequel je proposais de commencer dès la maternelle. Nous devons inculquer ces compétences tout au long du cycle de vie, comme cela se fait dans de nombreux pays.
Nous devons faire une démystification préventive et après coup. Nous devons trouver la meilleure façon d'apposer des étiquettes et des avertissements sur des éléments comme l'intelligence artificielle. Oui, nous devons travailler avec les plateformes de médias sociaux et d'autres entreprises de technologie. Oui, il est possible de prendre des règlements.
Je voudrais insister sur un autre élément très pertinent pour le Comité: la propagation de mésinformation au sujet de la lutte contre la mésinformation. Comme je l'ai déjà dit, une grande partie de la méfiance que nous constatons dans la société a été suscitée par les fausses nouvelles et par la diffusion de la mésinformation. Soit dit en passant, la recherche le démontre constamment.
Nous devons aussi reconnaître que la lutte contre la mésinformation ne consiste pas seulement à limiter l'expression des gens. Au contraire, la plupart des outils que nous pouvons utiliser dans une démocratie libérale pour lutter contre la mésinformation peuvent servir sur le marché des idées. La démystification avant et après coup et l'éducation sont des moyens qui ont leur place dans l'esprit des démocraties libérales.
Oui, il peut être difficile d'imposer une réglementation. Je serai heureux de répondre à vos questions à ce propos.
Le sujet qui nous occupe est essentiel, et nous devons tous nous battre ensemble.
Merci beaucoup. Je serai heureux de répondre à vos questions et d'entendre vos observations.
Il en a été abondamment question dans les médias. Une manchette de CTV News dit que « les conservateurs rejettent les allégations de recours à des robots en ligne après le grand rassemblement de M. Poilievre ». Cet article est une affaire montée et les conservateurs nient l'accusation portée contre eux.
Passons rapidement au 16 août — non, disons plutôt le 28 août. Un article de la Presse canadienne a été repris dans différents médias. Je l'ai lu dans le National Post, où il était dit: « Aucune preuve que les conservateurs étaient derrière une campagne de robots sur les médias sociaux qui louangeait Poilievre, selon une étude ». Cette étude a été réalisée par le Réseau canadien de recherche sur les médias numériques, et elle concluait qu'il n'y avait « aucune preuve montrant qu'un parti politique ou une entité étrangère utilisait ce réseau de robots à des fins politiques ».
Après cette entrée en matière — avant de poser ma question —, monsieur Caulfield, êtes-vous au courant du reportage du National Post que je cite?
Nous parlons de mésinformation. Deux partis politiques, le Parti libéral et le NPD, se sont exprimés... et les médias ont diffusé cette information comme si elle était avérée, sans vérification préalable de ce qui était avancé. Cette publication avait été payée. Des allégations veulent que cette initiative ait été orchestrée par des acteurs d'États étrangers.
En ce moment, au Canada, une enquête sur l'ingérence étrangère dans notre démocratie est en cours. Nous avons de vrais acteurs étatiques qui répandent de la désinformation. Elle est propagée, bien sûr, dans le discours politique, mais aussi dans les médias.
Nous avons ici un exemple où, pour une fois, un groupe indépendant a rejeté les affirmations publiées sans que quoi que ce soit ait été prouvé. Les partis politiques, soit les libéraux et les néo-démocrates, ne se sont pas rétractés, ils n'ont pas avoué leur erreur, ils n'ont pas dit: « Nous y ajoutons foi parce que cela a encore une fois été utilisé à des fins partisanes. »
Permettez-moi de vous lire une citation de l'auteur du reportage: « Lancer des accusations sans preuve est en fait très destructeur et s'inscrit dans l'écosystème d'information hyperpartisan et polarisé qui est aujourd'hui le nôtre au Canada. »
L'étude révèle que la première campagne de robots qui a eu lieu a reçu très peu d'attention parce qu'elle provenait de comptes fictifs « faux-nez » que peu de gens suivent, mais elle a été amplifiée par des millions d'impressions d'acteurs politiques canadiens qui n'agissaient pas par altruisme.
Je vais commencer par vous, madame Lalancette. Est-ce que ce genre de mésinformation propagée, dans ce cas-ci, par les libéraux et les néo-démocrates, fait partie du problème? C'est certainement ce que l'auteur du reportage a laissé entendre.
La désinformation provient non seulement de robots ou de pays étrangers, mais aussi de la façon dont les acteurs politiques communiquent et veulent faire croire certaines choses. Ils disent qu'ils estiment qu'il s'agit d'ingérence étrangère et que le parti a acheté les robots pour attirer l'attention.
Oui, cela fait partie du problème. Cela vient de partout en ce moment à la Chambre. Le phénomène n'est pas associé à un parti. Il est répandu de tous côtés.
Je remercie les témoins de leur présence et de leurs très importants témoignages.
Pour faire suite à certains des propos de mon collègue, je ne pense pas qu'il s'agisse de savoir quel parti politique a fait ou n'a pas fait quelque chose avec malveillance. Lorsqu'il est question d'ingérence étrangère, il s'agit de savoir qui est vulnérable. Les robots dont M. Barrett a parlé sont un excellent exemple de la façon dont un parti politique au Canada risque d'être utilisé par des robots russes pour perturber la démocratie chez nous.
Je voudrais vous poser des questions, monsieur Caulfield.
Vous avez parlé précisément des outils que nous pouvons utiliser pour empêcher ce type d'ingérence dans nos systèmes démocratiques. Vous avez parlé d'enseignement, mais je veux aussi parler de responsabilité.
A propos des moyens de prévention autres que l'enseignement et la sensibilisation, comment pouvons-nous renforcer la responsabilisation des partis politiques pour éviter, par exemple, que le chef de l'opposition ne soit vulnérable à une prise de contrôle de sa campagne politique par des robots? Comment pouvons-nous, à partir de là, protéger le système démocratique canadien?
Commençons par une étude très récente réalisée aux États-Unis. Sauf erreur, elle a été publiée hier ou avant-hier. Il était demandé aux répondants de quel type de mésinformation ils s'inquiétaient le plus. La première réponse? La mésinformation provenant des hommes et femmes politiques. Selon moi, soit dit en passant, la réponse serait la même au Canada. La population ne veut pas entendre de mésinformation venant d'eux, même si elle sait qu'elle existe. Elle réclame des mesures pour qu'on y mette un terme.
L'autre chose qu'il est très important de souligner, c'est qu'un certain accord se dégage dans le spectre politique pour qu'on mette fin au recours à l'intelligence artificielle et aux robots, par exemple, dans le contexte des élections et du discours politique. Un sondage réalisé par EKOS Research a révélé un très fort appui, par exemple, en faveur de l'utilisation d'un certain type d'intervention réglementaire pour mettre fin à l'utilisation de l'IA dans le contexte d'une campagne politique.
Voilà qui nous montre que la population canadienne accorde une grande valeur à l'honnêteté dans le domaine politique, même si elle est réaliste à ce sujet. Elle n'est pas naïve. Elle accueille favorablement le recours éventuel à des mesures réglementaires dans ce domaine. Elle est moins à l'aise avec les interventions réglementaires — ou le clivage est plus marqué — lorsqu'il s'agit de réglementer la mésinformation, parce que cela semble porter atteinte à la liberté d'expression. Il y a là de véritables embûches juridiques. Par contre, lorsqu'il s'agit de protéger l'intégrité de la démocratie et des élections, il y a place pour une intervention réglementaire.
À propos de la réglementation, nous avons vu à quel point notre projet de loi sur les préjudices en ligne a fait l'objet de mésinformation. Quelle est la ligne de démarcation entre les préjudices en ligne et la répression de la liberté d'expression?
Vous avez dit tout à l'heure que les Canadiens veulent de l'honnêteté. J'ai récemment trouvé un compte sur X — je ne cesse de dire « compte Twitter » . Il s'agit de @PierreIsLying. Il souligne, chaque jour, le nombre de fois où le chef de l'opposition ment en public pendant la période des questions. On y précise le nombre de mensonges à la minute. Ce genre de choses.
À propos de responsabilité — de cette honnêteté et de ce moment pédagogique pour les Canadiens —, dans quelle mesure est-il important de vérifier les données ou les renseignements que les hommes et femmes politiques et le discours politique proposent aux Canadiens?
C'est très important. C'est ce que la population dit vouloir. Le problème, bien sûr, c'est que, la question étant devenue tellement politisée, tout comme la lutte contre la mésinformation, la population fait moins confiance à ceux qui vérifient les faits. Elle dit que leur travail est partisan.
Des recherches très intéressantes ont été faites afin de voir dans quelle mesure la réaction à la vérification des faits diffère lorsqu'une question est politisée. Comme je l'ai dit plus tôt dans mon exposé en début de séance, plusieurs études ont montré qu'une fois que l'identité politique est en cause, qu'il s'agisse de mésinformation au sujet des vaccins ou des immigrants, etc., la résistance à la vérification des faits est plus vive. Il faut approfondir les recherches sur ce sujet précis. En fait, nous faisons déjà des recherches sur les outils utilisables lorsque la mésinformation fait partie de l'identité politique.
L'autre problème, bien sûr, c'est qu'une fois qu'un peu de mésinformation entache un programme politique, cela devient un signal d'alerte au plan idéologique. Une fois qu'on en est là — nous l'avons vu par exemple dans la mésinformation sur les vaccins, sujet que nous étudions —, la résistance au changement devient très forte.
Des outils ont été proposés: dire en quoi consiste le consensus scientifique, définir le corpus de données probantes, préciser clairement ce qu'est l'ensemble de données probantes, mais il ne fait aucun doute que, à cause de la politisation, la tâche est devenue plus ardue.
Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui, particulièrement Mme Lalancette, de l'Université du Québec à Trois‑Rivières, qui se trouve dans la circonscription de Trois‑Rivières. J'aime toujours pouvoir inviter des gens qui viennent de ma circonscription.
Madame Lalancette, je vais commencer par vous.
La désinformation dont les parlementaires sont la cible est-elle, selon vous, l'œuvre d'acteurs étrangers ou plutôt d'acteurs nationaux?
Je dirais que la désinformation peut venir de part et d'autre.
Actuellement, je suis assez marquée par ce qui se passe sur le plan interne et par la façon dont on peut effectivement propager des fausses informations. Comme votre collègue le disait, les notions de responsabilité, de reddition de comptes et de vérité ne semblent plus importantes.
Il y aurait peut-être lieu de formuler des règles afin qu'on ne puisse pas changer le nom des partis ou les associer à des fausses informations à la Chambre, par exemple. Il faut que l'on puisse discuter des enjeux tels qu'ils sont, plutôt que de tenir des débats où on ramène tout à des personnalités ou on en fait des questions personnelles, car c'est là que les choses commencent à déraper.
C'est certain que toutes les questions liées à la vérité, aux fausses nouvelles et à la désinformation prennent actuellement une place importante dans l'éthique qu'auront les acteurs et les actrices politiques. Cela joue un rôle dans la manière dont les gens vont vouloir communiquer entre eux, de même qu'avec les électeurs et les électrices, bien entendu.
Vous avez parlé d'une tempête parfaite, au début de votre présentation. Pour ma part, je remarque que nous vivons dans une ère où la vérité n'a pas un grand cours. La vérité semblant hors de portée, on se satisfait du vraisemblable, et il me semble que c'est là un terreau fertile pour la désinformation.
Effectivement, à force de répéter qu'une chose peut être fausse, elle devient effectivement fausse aux yeux des gens. On le voit beaucoup dans le cas de Trump, qui nie avoir dit certaines choses, alors qu'on l'a filmé en train de les dire. Du fait que ces informations se propagent facilement par les médias sociaux numériques, mais aussi par les médias traditionnels, on en arrive à croire ce qui a été répété ad nauseam, au lieu de la vérité, bien entendu.
La désinformation, c'est le fait de transmettre volontairement une fausse information. Pour ce qui est de la mésinformation, dans certains cas, c'est lorsque quelqu'un transmet une information qui est fausse, mais qu'il le fait de façon involontaire, sans savoir qu'elle est fausse. La malinformation, c'est vraiment lorsqu'on transmet sciemment une information qui est fausse, dans le but de tromper la population et de créer du grabuge.
Effectivement, il y a plusieurs définitions. Je vous donne celles qui sont les plus utilisées, mais, dans certains cas, on va jouer sur les mots.
Vous avez peut-être vu le rapport qui a été écrit récemment, en lien avec un centre de l'Université McGill, dans lequel Mathieu Lavigne et ses collègues font de belles nuances à ce sujet. On y retrouve des références et des recommandations importantes en lien avec la mésinformation et la désinformation en contexte électoral.
Monsieur Caulfield, vous avez beaucoup parlé du fait que le public était la cible de désinformation de la part de politiciens. Il faut cependant reconnaître que les politiciens aussi sont victimes de désinformation.
Selon vous, quels sont les acteurs qui visent les politiciens en matière de désinformation?
Les politiques vivent dans le même écosystème d'information que nous tous, et l'un des meilleurs exemples de cela — je suis désolé de continuer à parler des États-Unis, et ma collègue a fait de même, mais il y a tellement de bons exemples qui viennent de là — est la mésinformation qui a circulé au sujet des immigrants qui mangeraient des chiens et des chats. L'histoire est venue de la ville, elle a commencé à circuler sur les médias sociaux, puis des hommes politiques, J.D. Vance et Donald Trump, s'en sont emparés.
Soit dit en passant, il a été signalé très récemment que plus de 80 % des Américains ont entendu parler de cette mésinformation, ce qui a un lien avec le phénomène de la vérité illusoire dont ma collègue a parlé. Si on entend une chose assez souvent, elle acquiert une certaine réalité, surtout si la mésinformation correspond aux idées préconçues de celui qui la reçoit, à ses tendances idéologiques. Le biais de confirmation intervient et on finit par ajouter foi à cette fausse information.
Des gens comme Stephen Lewandowsky et ses collègues ont fait des recherches très intéressantes sur la différence entre croyances et vérité. Une évolution de la notion de vérité est en cause. S'en tenir aux faits, c'est la vieille école, en ce sens qu'on se fie aux preuves. Se fier aux croyances, c'est simplement dire quelque chose avec assez de sérieux — si on affirme quelque chose avec assez de conviction et que cela cadre avec ses croyances idéologiques —, les autres adhéreront parce qu'ils croient à l'essentiel de ce qui est dit, même s'ils savent au fond d'eux-mêmes que ce n'est littéralement pas vrai.
C'est ce qui se produit de plus en plus, malheureusement, en politique, et c'est ce qui est arrivé dans cet horrible exemple aux États-Unis, l'idée que les immigrants mangent des chats et des chiens. Cela fait partie d'un programme politique, et la collectivité adopte cette histoire, même si elle repose sur des faussetés. En passant, ce comportement se retrouve dans tout le spectre idéologique.
Bienvenue aux témoins. C'est vraiment formidable de pouvoir reprendre le travail sur un sujet qui me semble très important.
Je m'adresse d'abord à M. Caulfield.
Dans votre article, selon la note d'information que nous avons ici, « Politique et mésinformation sur les vaccins: Un mélange horriblement mauvais », vous parlez un peu de l'idéologie politique. Dans cet article, vous dites qu'il y a un peu d'opportunisme politique partisan, mais que l'identité politique, dans le cas de la COVID, a été adoptée par la communauté de droite en ligne et est associée à l'hésitation à se faire vacciner.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Pourquoi pensez-vous que c'est le cas ici?
Comme je l'ai fait remarquer dans cet article, l'identité politique est devenue... Écoutez, l'hésitation à se faire vacciner est un phénomène très complexe. Divers facteurs jouent: l'accès, la peur des aiguilles, les injustices du passé. Il existe divers phénomènes culturellement et socialement complexes.
À l'heure actuelle, au niveau de la population, on pourrait soutenir que l'identité politique est devenue la variable la plus importante pour prédire l'hésitation à se faire vacciner, et aussi l'engagement à adopter une approche de mésinformation à l'égard de la vaccination. Il est vraiment important de souligner la place de l'histoire et du contexte.
Les choses n'ont pas toujours été comme cela. Au contraire, par le passé, beaucoup de mésinformation sur les vaccins émanait un peu de la gauche. C'était un peu dans la mentalité Nouvel Âge, n'est-ce pas? Il fallait consommer des aliments sains, pratiquer le yoga et se méfier de tout ce qui n'est pas naturel.
Maintenant, le mouvement se situe très à droite, et ce que j'avance repose sur une preuve imposante. Ce ne sont pas de simples spéculations. Il y a beaucoup de preuves empiriques.
Je vais vous donner un coup de pouce à ce sujet. Je rappelle un exemple que je trouve plus près de Hamilton. En fait, si vous étiez venu à Ottawa, vous auriez peut-être rencontré des gens qui entretiennent encore des théories du complot au sujet du vaccin. Bien sûr, il y a eu ce qu'on a appelé le Convoi de la liberté, et des liens politiques partisans sont apparus.
Je voudrais dire un mot de Paul Alexander, un scientifique canadien indépendant. À ceux qui ne le sauraient pas, je dirai que c'est un ancien fonctionnaire de l'administration Trump. Il a travaillé au département de la Santé et des Services sociaux des États-Unis pendant la pandémie de COVID-19. Son dada, c'était qu'il fallait infecter la population. Il cherchait activement — du moins, selon l'article de Wikipédia que j'ai sous les yeux — à museler les scientifiques fédéraux et les organismes de santé publique pour les empêcher de contredire le discours politique de l'administration Trump.
Ceux qui ont suivi l'épisode du convoi et de l'occupation à Ottawa savent, bien sûr, que Pierre Poilievre a marché aux côtés de M. Alexander, et cela faisait partie de la rhétorique émanant du convoi. Il est arrivé souvent que le chef de l'opposition officielle marche aux côtés de cette personne très en vue de l'administration Trump.
Expliquez-nous un peu qu'il ne s'agit pas nécessairement d'un phénomène propre aux États-Unis, mais qu'il semble y avoir une pollinisation croisée qui favorise la conspiration à cet égard.
Voyez comment les opposants justifient leur opinion sur la COVID. Ils invoquent la mésinformation, n'est-ce pas? Ils ne se disent pas préoccupés par des données contradictoires au sujet de ceux qui devraient recevoir un rappel. Non, ils parlent par exemple... Au Canada, un très fort pourcentage d'opposants disent par exemple que le vaccin contre la COVID a tué plus de monde qu'il n'en a sauvé. Soyons clairs: le vaccin a permis de sauver des millions de personnes partout dans le monde. Il réduit le risque de contracter la COVID longue. Il améliore l'issue des grossesses et réduit les risques cardiaques et cardiovasculaires. Il réduit les coûts hospitaliers. Il fait baisser les taux d'hospitalisation, etc. Mais les opposants croient le mythe de la mort subite et celui du turbo-cancer, qu'ils évoquent explicitement. C'est de la mésinformation qui émane de la droite alternative. Cela a un impact réel sur ce qui se passe dans notre pays, et je crains que, s'il y a une pandémie, cela ne risque d'avoir de graves conséquences.
Voici un exemple très concret et convaincant. C'est tiré d'un autre sondage effectué en Alberta peu après nos dernières élections provinciales. Parmi ceux qui ne sont pas vaccinés contre la COVID, plus de 91 % ont voté pour le Parti conservateur uni, et seulement de 3 à 5 % d'entre eux ont voté pour le NPD ou un autre parti. C'est incroyable.
Je considère la situation, et je vois comment Erin O'Toole a été éjecté de son poste de chef du Parti conservateur. J'ai un message de Pierre Poilievre sous les yeux: « Aujourd'hui, j'ai marché aux côtés de l'ancien combattant James Topp, qui a traversé le Canada à pied pour défendre la liberté de choix. » Encore ces conceptions libertariennes de la liberté
Puis, M. Poilievre a ajouté: « Annulez toutes les exigences obligatoires. Rétablissez nos libertés. Laissez les gens reprendre le contrôle de leur vie. » Il est dans une photo où se trouve ce cinglé de Paul Alexander, qui parlait de l'immunité collective, ce qui, bien sûr, a suscité une profonde confusion.
Pour conclure, comment peut-on diffuser de l'information sur la façon nous prémunir contre cette rhétorique politique?
Non. En fait, depuis 2013, je dirais, j'ai eu très peu de contacts avec la Fondation Trudeau. J'ai eu brièvement des liens au début de la pandémie. J'ai fait partie d'un comité d'intervention en cas de pandémie auquel participaient des universitaires des quatre coins du Canada. Je crois avoir siégé à ce comité pendant... Nous n'avons du avoir seulement quelques réunions, et je n'ai touché aucune rémunération...
Combien d'argent avez-vous reçu du gouvernement Trudeau en subventions de recherche au cours des deux dernières années pour étudier la mésinformation et la désinformation?
En 2020, j'ai reçu environ 300 000 $ des Instituts de recherche en santé du Canada pour étudier la mésinformation. Il s'agissait d'une subvention évaluée par les pairs, comme vous le savez. Elle a été accordée à l'université. J'ai partagé cette subvention avec deux autres établissements, l'Université de Calgary et l'Université de Regina. Les fonds ont servi à appuyer les stagiaires et la recherche.
J'ai également la chance d'être maintenant conseiller d'une entité appelée LaSciencedAbord. Nous avons également reçu des fonds du gouvernement. Là non plus, je ne reçois pas de fonds à titre personnel. Nous les utilisons pour...
Je vous remercie de ces réponses, mais pourquoi n'avez-vous pas divulgué ces faits dès le départ, c'est‑à‑dire vos liens avec la Fondation Trudeau, le fait que vous avez reçu d'importantes sommes pour la recherche portant précisément sur la mésinformation et la désinformation de la part de nul autre que le gouvernement Trudeau? Vous êtes venu témoigner devant le Comité et vous vous êtes présenté...
Ma motion de procédure porte sur la pertinence. Je doute que ces questions portent sur l'expertise que le professeur Caulfield apporte à la table sur ce sujet très important.
M. Timothy Caulfield: Je suis heureux d'y répondre.
Écoutez, les députés savent que j'accorde beaucoup de latitude et d'attitude en ce qui concerne les questions. Ce temps appartient au député. M. Cooper a le droit de poser toutes les questions qu'il souhaite, même si ces questions sont malaisantes, et même si certains membres ne les aiment pas.
Monsieur Caulfield, je vais laisser M. Cooper terminer, puis vous pourrez répondre, monsieur.
Vous avez la parole, monsieur Cooper. Il vous reste deux minutes.
J'ai la chance d'être universitaire à l'Université de l'Alberta. En ma qualité d'universitaire, j'ai la responsabilité d'essayer d'obtenir des bourses de recherche pour mener des recherches indépendantes. Comme tous les universitaires, je reçois des subventions de diverses sources. Ces subventions sont indépendantes. Je ne les reçois pas personnellement. C'est ainsi que la recherche est financée au Canada.
D'ailleurs, ma plus importante subvention de recherche…
… pour reprendre mon temps de parole, je pense qu'il est tout à fait pertinent de dire que vous avez été fellow de la Fondation Trudeau. Vous avez reçu plus de 200 000 dollars de la Fondation Trudeau. Vous avez siégé au sein d'un comité de la Fondation Trudeau il y a quatre ans à peine et vous avez été financé par le gouvernement Trudeau. Pourtant, vous vous présentez comme un expert objectif alors que vous avez écrit des articles sur Pierre Poilievre et les conservateurs et que vous avez soumis un mémoire qui désigne, ou désigne en grande partie, les conservateurs comme des diffuseurs de mésinformation et de désinformation. Je pense que le Comité mérite mieux.
J'ai la chance d'avoir reçu la plupart de mes subventions de recherche, les plus importantes de loin, sous le gouvernement Harper. Je suppose que j'aurais dû le révéler également.
Lorsque j'écris des articles sur la politique de la mésinformation, je m'efforce de préciser que la mésinformation se produit historiquement et dans le contexte du clivage idéologique. Je fais de mon mieux pour représenter exactement ce que dit la recherche. Je pense qu'il est très important de comprendre le rôle de la politique et de l'idéologie dans la propagation de la mésinformation à l'heure actuelle. Il n'est pas facile d'entendre ce genre de choses. J'essaie autant que possible de ne pas être partisan, mais il s'agit d'un sujet très important. Nous devons faire preuve d'ouverture d'esprit quant au rôle de la politique.
Je remercie nos témoins. Je vous remercie de la clarification concernant le financement des universités par les différents gouvernements et l'importance de maintenir la science et la recherche sur une base continue afin de rester à la pointe du progrès.
Je le dis avec tout le respect que je vous dois, car lorsque j'étais dans les pays baltes l'an dernier, je me suis rendu en Estonie et en Lettonie. Les discussions que j'ai eues avec eux, ainsi qu'avec les forces américaines et canadiennes qui travaillent pour l'OTAN dans ces pays, m'ont permis de constater le niveau élevé des cybermenaces et de la cybersécurité, l'importance de veiller à ce que nous maîtrisions la mésinformation de manière appropriée, et les effets ciblés, dans ce cas, du gouvernement russe et du gouvernement chinois qui jouent un rôle dans la société occidentale. J'ai été très encouragé par les réactions ou les mesures de défense qui ont été prises, mais j'ai également été extrêmement préoccupé par la mesure dans laquelle tout cela existe maintenant au Canada également.
Monsieur Caulfield, y a-t-il des leçons à tirer d'autres pays qui montrent la voie, en particulier compte tenu du degré élevé d'hostilités qui nous attend?
Je pense qu'il y a des leçons à tirer. Je n'en retiendrai qu'une qui me semble plus acceptable et plus neutre sur le plan politique, à savoir l'enseignement de la pensée critique et de l'éducation aux médias.
Cette stratégie peut être neutre sur le plan du contenu, car ce que nous ferions, c'est donner à nos citoyens les outils nécessaires pour discerner et éliminer le bruit eux-mêmes. Un très bon exemple est celui de la Finlande, où l'on enseigne la pensée critique très tôt, dès la maternelle. Il est difficile de bien étudier cette question, car il existe de nombreuses variables pertinentes, telles que la qualité du système éducatif, la situation socioéconomique, etc., mais certaines études ont montré que la stratégie adoptée par la Finlande l'a rendue particulièrement résistante à la diffusion de mésinformation.
L'une des raisons pour lesquelles la Finlande a adopté cette stratégie et est en avance sur nous, pour revenir à votre commentaire, est sa proximité avec la Russie et le rôle que la désinformation russe a joué dans la vie de ses habitants. Je pense que c'est une leçon très révélatrice, et que nous pouvons nous en inspirer ici au Canada.
Merci. J'ai tendance à m'inquiéter du degré de… du fait que le public est presque insensible et ne tient pas compte de ces activités de mésinformation et de mensonges propagés par les élus, rien de moins — ou des exagérations de la vérité, pour le dire ainsi — et qu'il les considère comme étant d'une certaine façon acceptables.
Madame Lalancette, pensez-vous que les élus encouragent la désinformation et, en particulier dans le préambule de leurs questions, qu'ils préjugent de la situation et créent une partie de la menace qui existe dans la désinformation?
On peut penser ici aux situations où les politiciens font des commentaires et ajoutent aux diverses questions un long préambule caractérisé par un parti pris, des attaques et des critiques portant notamment sur un individu ou sur sa personnalité, par exemple. Dans ce contexte, on n'est pas en train de discuter d'enjeux politiques, mais plutôt de se livrer à un combat de personnalités en énonçant des demi-vérités ou des vérités partielles. C'est le principe de la communication politique négative. L'information n'est jamais complètement fausse, mais elle est utilisée hors de son contexte.
Il y aurait peut-être lieu de réfléchir à une façon de nommer les choses, à un code de bonne conduite pouvant être adopté à l'Assemblée nationale du Québec, à la Chambre des communes ou ailleurs, qui inciterait les gens à s'attaquer non pas aux personnes, mais plutôt à leurs projets ou leurs idées et à la faisabilité de ceux-ci. On éviterait ainsi de répandre des demi-vérités et de communiquer de l'information négativement ou faussement.
Monsieur Caulfield, êtes-vous d'accord pour dire que les injures ou les allégations d'actes répréhensibles commis par certains fonctionnaires de la Chambre à l'endroit d'autres fonctionnaires diminuent le degré d'intégrité du discours politique et, pire encore, créent des menaces et des dangers dans le système?
Oui, je suis d'accord, et il y a des preuves à l'appui, comme l'a fait remarquer mon collègue. Il ne fait aucun doute que ce type de discours polarisé accentue les tensions.
D'ailleurs, cela complique la tâche à ceux d'entre nous qui essaient de faire de la recherche lorsque notre intégrité est mise en doute et que notre réputation est salie.
Encore une fois, il est prouvé que c'est l'une des stratégies utilisées par ceux qui diffusent de la mésinformation pour délégitimer les voix qui tentent de contrer cette mésinformation, et c'est malheureusement très efficace.
D'abord, il faut réglementer ce qui se passe à la Chambre des communes de façon à ce qu'on ne puisse pas y prononcer des faussetés.
Ensuite, pour ce qui est de la population, comme le disait mon collègue, il faut faire des campagnes de sensibilisation afin d'accroître les connaissances des gens à l'égard des médias.
Finalement, il faut réglementer les plateformes de médias sociaux numériques de sorte qu'elles aient des comptes à rendre sur ce qu'on y dit. Il y a aux États‑Unis la question de la liberté d'expression, mais celle-ci peut être définie autrement au Canada. Mon collègue, qui se spécialise en droit, pourra l'expliquer encore mieux que moi.
Quoi qu'il en soit, ce sont là mes trois recommandations, qui touchent respectivement les élus, les citoyens et les entreprises médiatiques.
Très brièvement, je suis d'accord pour dire que nous avons besoin d'un solide soutien national fort pour les cours de pensée critique et d'initiation aux médias qui sont accessibles à tous les Canadiens et dans tous nos systèmes scolaires.
Je pense que nous devons soutenir les entités indépendantes et dignes de confiance qui vérifient les faits, les démystifient et les prédémystifient de manière indépendante et positive.
Oui, je pense que nous devrions envisager, au niveau national, un objectif de réglementation. Je suis en fait un fervent défenseur de la liberté d'expression, et je pense donc que cela doit être fait avec beaucoup de prudence et de manière très ciblée; par exemple, en ce qui concerne les élections et les discours de haine. Cependant, je pense également qu'il s'agit d'un autre élément qui doit faire partie de la trousse d'outils.
Madame Lalancette, je reviens vers vous rapidement.
Comme vous le savez, il y a de moins en moins de cours de philosophie au Québec. Or, cet après-midi, vous êtes deux témoins à dire qu'il faut augmenter la pensée critique. Comment va-t-on faire cela?
Je pense que cela peut se faire de différentes manières. Cela peut se faire dans les écoles, mais également ailleurs, dans d'autres organismes. Par ailleurs, on pourrait accorder du financement à des émissions qui porteraient sur ces enjeux. À Radio‑Canada, par exemple, il y a déjà l'émission Les décrypteurs qui traite de désinformation. Travailler sur ces enjeux, en les rendant ludiques et intéressants pour l'ensemble de la population, pourrait être une façon pour les médias traditionnels de se redonner de la légitimité.
Je tiens à remercier M. Cooper d'avoir fourni un exemple typique d'un anti-intellectualisme croissant, qui cherche à attaquer l'expertise des spécialistes en la matière.
Je voudrais permettre à M. Caulfield de s'exprimer du point de vue de la santé publique.
Comment les parlementaires peuvent-ils mieux identifier et contrer la mésinformation du type de celle dont nous avons été témoins aujourd'hui, en particulier en période de crise, afin de protéger la confiance à l'égard des décisions politiques fondées sur la science?
Je pense que nous devons essayer de contrer respectueusement la mésinformation par des preuves.
Une littérature très intéressante se développe à ce sujet. De fascinantes recherches ont été menées aux États-Unis et en Europe sur la représentation du consensus scientifique sur un sujet donné. Cela permet également d'expliquer ce qu'est le consensus scientifique. La science, c'est difficile. C'est désordonné. C'est toujours contesté. C'est sain. Cependant, il y a souvent un ensemble de données probantes vers lesquelles les décideurs et les politiciens peuvent se tourner.
Je pense qu'une partie des compétences en matière de pensée critique que nous devons transmettre aux citoyens canadiens consiste à comprendre le processus scientifique, soit ce qu'est le processus scientifique, comment la science est pratiquée, comment la science est financée, et comment ce financement est obtenu et utilisé afin de préserver cette confiance.
Le processus de financement n'est pas parfait. En fait, mon prochain livre traite de tous les problèmes liés à la manière dont la science est pratiquée et de la crise de la production de connaissances sans laquelle nous sommes plongés. Il nous faut des données scientifiques fiables et des sources fiables de faits. Nous devons également mener des discussions collégiales sur la pertinence de ces faits pour nos politiques.
Dans le temps qu'il me reste, c'est-à-dire presque une minute, pourriez-vous nous donner des précisions sur la prédémystification? Vous avez commencé à en parler. Vous avez mentionné les convictions et la différence entre ce genre de discours et la prise de décision fondée sur des données probantes.
Qu'est-ce qu'une approche de prédémystification, et comment les parlementaires peuvent-ils mettre en œuvre cette stratégie pour lutter de manière proactive contre la mésinformation dans leurs communications avec les électeurs, en particulier en période électorale?
Il existe de nombreuses recherches fascinantes sur la prédémystification menées par des personnes comme Gordon Pennycook, Sander van der Linden et d'autres, qui montrent que si vous expliquez aux gens à quoi peut ressembler la mésinformation et quels types de stratégies peuvent être utilisés pour la diffuser, comme le fait de se fier à une anecdote au lieu d'un ensemble de preuves, ils seront prêts à la reconnaître. Si vous faites cela, ils seront moins enclins à répandre la mésinformation ou à l'intérioriser.
Nous espérons pouvoir trouver des moyens de le faire à grande échelle. Mais c'est aussi quelque chose que vous pouvez vous rappeler de faire, et que vous pouvez rappeler à vos amis et à votre famille de faire.
Je remercie nos témoins. Je vous remercie de votre présence sur cette question très importante.
J'ai passé en revue les témoignages sur cette question dans le passé. Monsieur Caulfield, je pense que vous conviendrez avec moi que le gouvernement a ce que nous appellerions une obligation positive d'agir en matière de désinformation et de mésinformation. Est-ce exact?
Certainement. Cette obligation positive va jusqu'à la personne qui travaille au bas de l'échelle à Élections Canada, et elle remonte jusqu'au sommet, au premier ministre.
Si le gouvernement n'agit pas alors qu'il a ce que j'appellerais un devoir moral, et je dirais même un devoir juridique d'agir, c'est ce que nous appelons en droit une omission. C'est un devoir d'agir et un défaut d'agir.
Nous avons un terrain d'entente, si j'ai bien compris.
Ce que je veux dire, c'est ceci: Nous nous trouvons dans une situation où l'un de nos anciens collègues, Kenny Chiu, n'est plus là, et où il existe des preuves évidentes de mésinformation. Nous savons également que 11 personnes ont été aidées, volontairement ou semi volontairement — ce ne sont pas mes mots, mais ceux d'un rapport — par des États hostiles. Je paraphrase ici.
Lorsque le premier ministre ou Élections Canada est au courant de la situation, il est évident que l'absence d'action de leur part propage la chose même sur laquelle nous devrions braquer les projecteurs, n'est-ce pas?
Cette question me tient tellement à cœur. Je suis d'accord pour dire que les fonctionnaires et les hommes politiques doivent respecter des normes extrêmement strictes en matière de désinformation, afin d'expliquer ce qui s'est passé ou lorsque des informations erronées n'ont peut-être pas été clarifiées pour le public d'une manière qui garantisse la confiance.
Je pense que nous sommes sur la même longueur d'onde. Je pense que c'est très important pour la confiance du public…
Ce que je veux dire, c'est que lorsque le gouvernement dispose d'informations, il doit agir. Lorsqu'il n'agit pas, non seulement il laisse tomber les personnes qui ont bâti leur vie en se présentant aux élections, mais il dénigre et dégrade la démocratie même que nous sommes censés défendre ici.
Je ne vais pas utiliser mon temps de parole de manière partisane pour essayer de creuser. Je ne considère aucun d'entre vous comme un témoin hostile ni comme un témoin dont on a besoin pour atteindre des objectifs politiques. En fait, j'ai une vraie question à poser. Je vais essayer de détourner la question de la politique canadienne vers la politique américaine afin de ne pas avoir l'impression d'agir de manière partisane.
Donald Trump est probablement l'un des plus grands menteurs au monde. Donald Trump, par exemple, a déclaré qu'il avait gagné les élections de 2020 et qu'elles étaient truquées.
Quand j'en viendrai à ma question, vous comprendrez où je veux en venir. Je veux comprendre d'où vient la mésinformation.
Ce commentaire général n'est certainement pas vrai, mais il peut, pour une raison quelconque dans sa tête, croire qu'il est vrai. Cependant, lorsqu'il affirme que les machines de Dominion Voting ont interverti les votes, lorsqu'il prétend qu'en Géorgie, un certain nombre de personnes qui ont voté étaient mortes, ce qu'il sait être faux, et lorsqu'il commence à prétendre que les gens dans les bureaux de vote prenaient des boîtes et en sortaient des bulletins alors qu'ils se distribuaient des bonbons, c'est là que l'on entre vraiment dans la désinformation, car il s'agit d'un mensonge direct.
Monsieur Caulfield, à partir de quel moment s'agit-il de désinformation?
Toutes ces choses sont pour moi de la désinformation, mais est-ce que c'est seulement quand on en arrive aux mensonges linéaires et directs que l'on se trouve à un point de désinformation contre lequel nous devons lutter — parce que, autrement, vous en retirez une idée plus vaste à laquelle ils pourraient croire — ou est-ce que l'idée plus large que l'élection était une fraude est aussi clairement un mensonge duquel nous devrions nous occuper?
Je comprends. Je pense qu'il est important de reconnaître que 60 % à 70 % des républicains croient au gros mensonge, ce qui est absolument stupéfiant. Cela aura un impact sur les élections.
Je pense qu'il est possible de traiter le gros mensonge à un niveau méta — dans ce cas, vous soulignez que le gros mensonge est faux — et d'exposer soigneusement toutes les choses que vous avez soulignées et pourquoi elles sont factuellement erronées. Cela nous ramène à l'idée que les convictions s'opposent aux faits. Je pense en fait que beaucoup de gens ne croient pas que sa victoire lui a été dérobée, mais ils croient à l'essentiel du message. Ils sont tout à fait disposés à accepter le mensonge général.
Il faut faire les deux. Il faut parler de l'erreur du métamensonge, puis décortiquer chaque mensonge spécifique.
D'ailleurs, une fois encore, cela se produit dans tout le spectre idéologique. Je peux vous donner des exemples de la gauche.
Merci, monsieur Caulfield et monsieur Housefather.
Nous avons entendu d'autres témoins. Nous étudions cette question depuis plusieurs réunions. J'ai posé cette question aux autres témoins et je vais demander à chacun d'entre vous d'y répondre.
Nous avons vu Facebook reculer sur l'application des liens sur son site Web. Souvent, les gens se fient à Facebook. Il s'agirait simplement d'un copier-coller d'un article, que ce soit dans le Globe and Mail, dans BarrieToday ou dans d'autres journaux. Cela a été perdu, alors cette source d'information crédible, cette information vérifiée par des faits, a également été perdue.
À votre avis, étant donné que Facebook a pris cette mesure à la suite d'un différend avec le gouvernement, pensez-vous que cela comble un vide de mésinformation, ou le potentiel d'un vide de mésinformation, qui pourrait être mis en ligne en l'absence de ces informations vérifiées par des organismes d'information crédibles?
J'ai d'ailleurs écrit un petit article sur ce sujet. Je pense que cela souligne à quel point il est difficile de réglementer cet espace.
Ma réponse courte est que je suis inquiet. Je crains qu'un vide ait été créé en supprimant des sources réputées et qu'il ait été comblé par des informations moins crédibles, et je pense qu'il s'agit là d'un véritable problème. Cependant, l'objectif plus large de cette politique, qui est de soutenir le journalisme, est très important.
On ne saurait trop insister sur la valeur du journalisme dans une démocratie libérale, et cette valeur est menacée, comme l'a souligné ma collègue dans ses déclarations liminaires. Nous avons vu comment cela s'est passé dans d'autres territoires de compétence, comme l'Australie. Je suis inquiet de la façon dont les choses se déroulent actuellement. J'aimerais avoir une meilleure réponse à vous donner, si ce n'est que c'est une question complexe.
Comme je l'expliquais dans mon allocution d'ouverture, cette situation est le résultat d'une tempête parfaite. Les médias sociaux ont obligé les médias traditionnels à aller dans ces plateformes pour réussir à survivre et ils ont utilisé leurs contenus gratuitement. Maintenant que le gouvernement tente de sauver les médias traditionnels en faisant payer les plateformes de médias sociaux numériques, on n'est plus en mesure de transmettre des informations crédibles en provenance de médias.
Cela crée effectivement un problème énorme. Comme les recherches le démontrent, c'était grâce aux plateformes de médias sociaux numériques comme Facebook que les gens lisaient The Globe and Mail, The Gazette, Le Devoir ou le National Post, par exemple. Maintenant que ces contenus ne s'y trouvent plus, les gens ne les lisent plus. Ils se fient plutôt aux influenceurs, qui n'ont pas de code d'éthique, de code médiatique ou de code de conduite comme les journalistes en ont.
IIl arrive souvent, monsieur le président, comme vous le savez, que ces conversations donnent l'occasion aux témoins de répondre par écrit à des questions qu'ils n'auraient peut-être pas pu poser dans le temps qui leur est imparti.
Par votre intermédiaire, j'aimerais encourager les témoins à nous soumettre par écrit, s'ils estiment que certains sujets, ou certains faits, chiffres, études ou recommandations, sont susceptibles de contribuer au bien et au bien-être du public, afin que nous puissions les prendre en considération au stade de la rédaction du rapport.
Monsieur Caulfield, madame Lalancette, s'il y a quoi que ce soit, en plus de ce que vous avez dit aujourd'hui — je sais qu'une heure passe très vite — que vous puissiez fournir au Comité pour l'aider dans ses délibérations et dans la présentation de ce rapport au gouvernement, je vous serais reconnaissant de nous le faire parvenir.
D'habitude, j'aime bien fixer une date limite, alors si vous pouviez nous le faire parvenir d'ici vendredi prochain à 17 h, cela aiderait le greffier et les analystes parlementaires à inclure ces informations dans le rapport que nous produirons, quel qu'il soit.
Bienvenue à tous pour cette deuxième heure. Je m'attends à ce que nous ayons deux tours complets, et je voudrais souhaiter la bienvenue à nos témoins pour la deuxième heure.
De DisinfoWatch, nous recevons M. Marcus Kolga, qui en est le directeur.
Bienvenue au Comité. Je sais que nous avons eu un petit problème la dernière fois, mais nous l'avons résolu et nous sommes ravis de vous avoir parmi nous aujourd'hui.
Pour Mila, l'Institut québécois d'intelligence artificielle, nous avons Yoshua Bengio, fondateur et directeur scientifique.
Monsieur Kolga, nous allons commencer avec vous. Vous pouvez vous adresser au Comité sans dépasser cinq minutes.
Nous nous attendons à utiliser l'heure entière. J'espère que cela vous convient. Je vois des pouces en l'air, ce qui est excellent.
Monsieur Kolga, vous avez la parole pour cinq minutes.
Je vous remercie, monsieur le président et les membres du Comité, de me donner le privilège de m'exprimer sur la menace que représente la désinformation, en particulier les opérations d'information et d'influence russes visant notre démocratie.
Au cours de la dernière décennie, nous avons assisté à une augmentation inquiétante des efforts déployés par le Kremlin pour saper nos institutions démocratiques, éroder notre cohésion sociale et promouvoir ses intérêts géopolitiques par l'intermédiaire de médias d'État, de mandataires et de collaborateurs au Canada. Si l'ingérence du gouvernement chinois a fait l'objet d'une attention particulière ces dernières années, nous n'avons pas encore abordé les campagnes d'information tout aussi dangereuses et sophistiquées menées par le Kremlin.
La menace qui pèse sur le Canada est réelle et ne peut pas être ignorée, comme l'ont montré les récentes mesures prises par le gouvernement américain pour perturber ces opérations. Le Département de la Justice des États-Unis a récemment inculpé deux employés de Russia Today, RT, une entité publique russe qui ne fonctionne pas seulement comme un organe de presse mais, comme l'ont noté le Département d'État américain et Affaires mondiales, comme une composante importante de l'appareil de renseignement de la Russie. Cet acte d'accusation, qui implique des Canadiens dans les opérations de RT et comme cibles, n'est rien de moins qu'une preuve irréfutable. Le Canada est une cible privilégiée de la guerre de l'information menée par la Russie.
Un affidavit du FBI, publié en même temps que l'acte d'accusation, détaille des documents du Kremlin et des comptes rendus de réunions avec l'un des principaux conseillers de Vladimir Poutine, soulignant la volonté du régime d'exploiter l'information. Les tactiques exposées comprennent l'élaboration et la diffusion de mensonges et de conspirations, la manipulation des algorithmes des médias sociaux et l'utilisation d'influenceurs russes et nord-américains pour les amplifier dans le but de déstabiliser les sociétés démocratiques, y compris le Canada.
Les objectifs sont clairs: déclencher des conflits internes, approfondir les divisions sociales, affaiblir les nations qui s'opposent à l'agression russe en Ukraine et éroder le soutien de l'opinion publique à l'Ukraine.
Les parlementaires canadiens ont également été la cible de ces opérations au cours de la dernière décennie. À la suite de la position ferme de notre gouvernement contre l'annexion illégale de la Crimée par la Russie en 2014 et de notre direction de la mission de présence avancée renforcée de l'OTAN en Lettonie, nous avons été témoins d'opérations d'information et d'influence russes ciblant des responsables et des politiques canadiens. Le gouvernement du premier ministre Harper a été la première cible, y compris lors des élections fédérales de 2015. La ministre des Affaires étrangères de l'époque, Chrystia Freeland, et d'autres parlementaires au franc-parler ont ensuite été pris pour cible.
Il est important de noter que le Kremlin ne favorise aucun parti politique canadien en particulier. Au contraire, comme le soulignent clairement les documents du Kremlin, il cherche à exploiter les divisions existantes et à créer des conflits pour saper notre démocratie et servir ses intérêts. Il s'agit notamment de diminuer le soutien à l'Ukraine et d'affaiblir les alliances internationales telles que l'OTAN qui s'opposent à l'agression de la Russie. Nous venons d'apprendre que RT a investi 10 millions de dollars dans une société fondée par deux Canadiens, dont l'objectif est de promouvoir les récits russes aux États-Unis et à l'intérieur de nos frontières.
Un récent sondage mené par DisinfoWatch en collaboration avec le Réseau canadien de recherche sur les médias numériques indique que la plupart des Canadiens ont en fait été exposés à la désinformation russe sur l'Ukraine et qu'ils y sont vulnérables. Des influenceurs canadiens jouent un rôle clé dans la promotion des récits du Kremlin au Canada et aux États-Unis, tout comme les universitaires et les activistes canadiens qui collaborent avec des groupes de réflexion contrôlés par le Kremlin, tels que le Valdai Club de Vladimir Poutine et le Russian International Affairs Council, qui figurent sur la liste des sanctions du Canada.
Pour perturber et décourager ces opérations bien documentées du Kremlin et pour protéger les Canadiens, le gouvernement canadien, les forces de l'ordre et la communauté du renseignement doivent reconnaître la gravité de la menace qu'elles font peser sur notre démocratie et notre société. Nous devons mener des enquêtes approfondies sur les collaborateurs et les mandataires russes opérant au Canada et leur demander des comptes en vertu de nos lois. Cela comprend toutes les lois sur les sanctions qui pourraient avoir été violées, y compris le registre pour la transparence en matière d'influence étrangère et le projet de loi C-70.
Compte tenu des liens de la Russie avec les services de renseignement étrangers, le Canada doit suivre l'exemple de l'Europe en interdisant tous les médias d'État russes sur les ondes publiques et sur Internet. Cette mesure devrait être étendue aux médias d'État chinois et iraniens ainsi qu'aux médias contrôlés par l'État. Nous devrions également introduire une nouvelle législation basée sur la loi européenne sur les services numériques, qui tiendrait les entreprises de médias sociaux responsables du contenu de leurs plateformes et des algorithmes qui l'amplifient.
En imposant des exigences en matière de transparence, de modération des contenus et de signalement, nous pouvons faire en sorte qu'il soit beaucoup plus difficile pour des acteurs hostiles d'utiliser ces plateformes pour diffuser de la désinformation au Canada.
Enfin, nous devons reconnaître et traiter la montée de la répression autoritaire étrangère transnationale visant les activistes, les journalistes, les communautés de la diaspora et, bien sûr, les parlementaires canadiens.
(1650)
Aux efforts persistants des régimes autoritaires étrangers pour miner notre démocratie et notre cohésion sociale, il faut opposer des mesures et des ressources tout aussi persistantes pour les confronter, les désorganiser, les dissuader et, au bout du compte, les empêcher d'y arriver.
Merci encore de ce privilège. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Je suis reconnaissant de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de transmettre au Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique mes réflexions au sujet de la désinformation et de la mésinformation basées sur l'intelligence artificielle.
Ces dernières années ont vu des avancées impressionnantes dans les capacités de l'intelligence artificielle générative, à commencer par la génération d'images, de discours et de vidéos. Plus récemment, ces avancées se sont étendues au traitement du langage naturel, ce qu'a pu constater le public lors de la sortie du modèle ChatGPT d'OpenAI.
[Traduction]
Depuis la fin de 2022, il y a près de deux ans, ce dernier élément nous a amenés dans une réalité technologique sans précédent. Il devient de plus en plus complexe pour le citoyen moyen, lorsqu’il interagit avec ces modèles, de savoir s’il échange avec un humain ou avec une machine. Soit dit en passant, ce phénomène est communément appelé en informatique « réussir le test de Turing ». Nous n'arrivons pas à distinguer l’intelligence artificielle d’une machine au moyen d'un échange textuel, et, par conséquent, la ligne entre les conversations humaines et les conversations artificielles devient de plus en plus floue à mesure que ces systèmes deviennent plus puissants et sophistiqués, avec chaque nouvelle version.
Tout cela est dirigé par une poignée d’entreprises — toutes étrangères — qui disposent des ressources financières et techniques nécessaires. On parle de plus de 100 millions de dollars pour la formation des plus récents modèles — un chiffre en croissance —, alors il s'agira bientôt de milliards de dollars.
En analysant des tendances de l’IA en matière de progrès et d’accélération, force est de constater que les capacités de l’IA ne semblent pas sur le point de se stabiliser ou de ralentir. Entre 2018 et aujourd’hui, chaque année, en moyenne, la « puissance de calcul d'entraînement » nécessaire pour former ces systèmes a quadruplé; l’efficacité avec laquelle ils exploitent les données a augmenté de 30 %: autrement dit, ils n’ont pas besoin d’autant de données pour obtenir la même efficacité des réponses. L’efficacité algorithmique a triplé, ce qui signifie que les systèmes sont en mesure de faire le même calcul plus rapidement. Les investissements dans l’intelligence artificielle ont également augmenté de façon exponentielle, de plus de 30 % par année. Au cours des dernières années, ils se sont élevés en moyenne à 100 milliards de dollars et ils sont en passe d'atteindre les mille milliards de dollars.
Une étude récente menée en Suisse est, je crois, très importante pour la discussion du Comité. Elle a démontré que GPT-4, la plus récente version accessible en ligne, a des capacités de persuasion supérieures à celles des humains à l'écrit. Autrement dit, l'IA peut convaincre une personne de changer d’avis mieux qu'un humain.
Ce qui est intéressant, et peut-être effrayant aussi, c’est que cet avantage de la machine sur les humains est particulièrement marqué lorsque l’IA a accès à la page Facebook de l’utilisateur: cela lui permet de personnaliser le dialogue. Il s'agit là de son état actuel. On peut s'attendre à ce que les modèles de générations futures soient encore plus performants, potentiellement surhumains dans leur capacité de persuasion, avec des moyens aptes à perturber nos démocraties. Ils pourraient être beaucoup plus forts que ce que nous avons vu avec l'hypertrucage et le contenu statique, car il s'agit de connexions interactives personnalisées entre l’IA et les gens.
J’ai bon espoir que la plupart des grandes organisations qui perfectionnent ces modèles font des efforts pour s’assurer qu’ils ne sont pas utilisés à des fins malveillantes, mais il n’y a actuellement aucune réglementation qui les y oblige, où que ce soit dans le monde — la Chine est un chef de file à cet égard, je suppose —, et les modèles, surtout lorsque leur code source est libre, comme ceux de Meta/Facebook, peuvent facilement être modifiés par des personnes ou des groupes malveillants.
Les modèles seraient alors plus persuasifs, aideraient plus de gens à fabriquer des bombes, à commettre toutes sortes d’actes répréhensibles et fourniraient des renseignements susceptibles d'aider les terroristes ou d’autres acteurs indésirables. En l’absence d’un cadre réglementaire et de mesures d’atténuation, le déploiement de telles capacités malveillantes aurait certainement de nombreuses conséquences néfastes pour notre démocratie.
Pour pallier ces faiblesses, le gouvernement doit prendre des mesures urgentes. Nous devons adopter le projet de loi C-27, précisément pour marquer le contenu généré par l’intelligence artificielle. Nous devons préserver l’authentification personnelle des utilisateurs des médias sociaux, afin de protéger leur vie privée, mais également pour les traduire en justice s’ils enfreignent les règles. Nous devons enregistrer les plateformes d’intelligence artificielle génératives afin que les gouvernements puissent suivre ce qu’elles font et faire respecter l'obligation de les étiqueter et de leur apposer un tatouage numérique.
(1655)
Nous devons informer les Canadiens du danger d'être exposé à la désinformation et à l'hypertrucage et les éduquer à ce sujet.
[Français]
Je vous remercie de cette occasion de vous faire part de mes perspectives. Il s'agit d'un exercice important. L'intelligence artificielle est susceptible de générer des avantages sociaux et économiques considérables, mais seulement si nous la gouvernons judicieusement au lieu de la subir en espérant que tout se passera bien. Je me pose souvent la question suivante: serons-nous à la hauteur de l'ampleur de ce défi?
Je remercie les témoins de leur présence. Nous vous sommes reconnaissants d’avoir pris le temps de venir, surtout lorsque nous traitons d’une question aussi importante.
Je vais consacrer mon temps de parole à M. Kolga. J’ai examiné votre témoignage.
Je ne sais pas si nos deux témoins étaient en ligne pour la dernière série de questions. Pouvez-vous me répondre par oui ou par non à l'aide des pouces? Non. D’accord. Je suis désolé.
Je vais aborder certains points dont j'ai parlé au cours du dernier tour.
Monsieur Kolga, je vais vous présenter quelques points qui me semblent assez simples. J’ai examiné votre témoignage précédent et celui d’un de nos anciens collègues, Kenny Chiu, sur l’ingérence étrangère. À mon avis, il s'agit de l'un des principaux problèmes en matière de désinformation.
De toute évidence, je suis d’avis — et j’espère que vous serez d’accord, monsieur Kolga — que le gouvernement a ce que nous appelons en droit l'obligation de prévenir l’ingérence électorale. Cette obligation doit être imposée depuis la base, à Élections Canada et dans tout autre organisme d’application de la loi, jusqu'au sommet, c'est-à-dire jusqu’au premier ministre.
Je n’essaie pas de vous piéger. À mes yeux, c'est tout à fait banal.
En réalité, la plupart d’entre nous avons travaillé très fort pour arriver où nous sommes. Rien n'est gagné d'avance. Par conséquent, lorsqu’il y a ingérence dans une élection et qu'on ignore si cette ingérence a eu une incidence sur l’élection — tant au niveau national qu'au niveau de la circonscription —, il s'agit d'une victoire pour les représentants de l'État hostile responsables ce cette ingérence. Est-ce exact?
De toute évidence, il y a eu ingérence étrangère dans les élections dans Steveston—Richmond-Est. Le gouvernement était au courant et n’a rien fait.
À quel moment le gouvernement devrait-il intervenir? Ne devrait-il pas prendre des mesures immédiates et informer les Canadiens en exposant ces stratagèmes, car c’est le meilleur remède — le meilleur antidote, si vous voulez — contre l’ingérence électorale et la désinformation qui l’accompagne?
Je signale qu’à DisinfoWatch, nous avons été mis au courant de ces activités environ deux ou trois semaines après le début de la période électorale, et nous avons mis quatre ou cinq jours pour analyser les données que nous avions reçues de diverses sources, y compris de la communauté chinoise du Canada. Nous avons émis une alerte électorale, que nous avons affichée sur notre site Web environ une semaine et demie avant le jour des élections. Je pense que notre statut d’organisation indépendante de la société civile nous permet de réagir plus agilement et plus prestement.
Cette alerte a-t-elle stoppé l’interférence? Non. À ce stade, elle avait déjà eu lieu. Je ne sais pas si nous avons réussi à avoir un certain impact. Cependant, lors des prochaines élections, le gouvernement et les organisations internes mises sur pied pour la surveillance des élections devraient signaler les cas d’ingérence beaucoup plus rapidement.
Certains cas très simples auraient pu être signalés rapidement, comme l’article du Global Times publié dans les médias d’État chinois, qui attaquait le Parti conservateur et son chef, M. O’Toole. Cela aurait pu être rapporté très rapidement.
Lors des prochaines élections, il faut améliorer les délais de signalement de ces incidents. Toute ingérence ou tentative d’ingérence dans nos élections devrait être signalée beaucoup plus rapidement que lors des dernières élections.
Effectivement. Jusqu'à présent, on a identifié 11 personnes ayant été aidées, plus ou moins sciemment, par des États hostiles. Leurs noms ne sont pas connus. Si la surveillance est le meilleur moyen de dissuasion — nous avons été lents à réagir en ce qui a trait à l’ingérence étrangère, je pense que nous pouvons nous entendre là-dessus —, ne sommes-nous pas en train de perpétuer exactement le même comportement que celui du gouvernement?
Cela va jusqu’au plus haut niveau, parce que la décision revient au premier ministre. Ne sommes-nous pas en train de perpétuer cela en n'agissant pas dans ce cas-ci, maintenant?
Je suis d’accord. On le constate à tous les niveaux. Depuis un certain temps, je préconise une plus grande transparence en matière de collaboration avec les gouvernements étrangers, surtout les gouvernements étrangers autoritaires. Je crois que le projet de loi C-70 contribuera grandement à régler ce problème. Je suis donc d’accord avec vous...
Je m’excuse de vous interrompre. J’aimerais terminer en citant Kenny Chiu.
Le président: Soyez bref, monsieur Caputo.
M. Frank Caputo: Voici ce qu’il a dit au sujet de l’ingérence étrangère le 30 avril 2024:
[...] ce que j’ai entendu au cours des audiences m’a un peu ébranlé parce qu’il semble que certains Canadiens aient une plus grande valeur et méritent plus que d'autres d’être protégés.
J’espère que tous les Canadiens, quel que soit leur parti d'allégeance, mériteront d’être protégés à l’avenir.
Monsieur Kolga et monsieur Bengio, nous avons peu de temps, six minutes, pour les questions. Souvent, les députés tentent de récupérer leur temps de parole ou vous interrompent avant que vous puissiez répondre. C’est le temps de parole des députés, il essaient simplement d'en tirer le meilleur parti. N'en faites pas une affaire personnelle.
C’est maintenant au tour de Mme Khalid, pour six minutes. Allez-y, madame Khalid.
Je remercie les témoins de leur présence aujourd’hui et de leurs déclarations préliminaires.
Il y a une chose très claire, à mon avis, quant à la désinformation et aux discours haineux, ainsi qu'à leur utilisation par des acteurs étatiques et non étatiques: la force de tout pays ou de tout État réside dans sa population. Cette guerre de désinformation qui vise à créer de l'agitation, à perturber et à miner la démocratie d’un État comme le Canada est troublante. Nombre de collectivités touchées demeurent très vulnérables.
Je vais commencer par vous, monsieur Kolga. Vous avez parlé d'influenceurs locaux utilisés pour augmenter la force de résonance de certains messages. Vous avez donné l’exemple de la Russie. Nous avons également vu des microrécits et des articles d’influenceurs indiens demander au gouvernement de l’Inde de verser de l’argent à un certain parti politique, ici au Canada, pour s’assurer de le voir remporter les prochaines élections. Nous avons aussi vu des robots russes essayer d’influencer un certain parti politique et sa perception ici, au Canada.
Comment réglementer cela? Comment tenir les gens responsables tout en respectant la sensibilité des collectivités locales, qui deviennent des victimes tant d'un côté que de l'autre de la situation?
Le projet de loi C-70 sera bientôt adopté. Au bout du compte, il s’agit de veiller à ce que la loi soit mise en oeuvre correctement pour veiller à l’application de la loi déjà en vigueur.
J’ai mentionné dans ma déclaration préliminaire que certains Canadiens travaillaient directement avec RT. La mise en accusation du ministère de la Justice des États-Unis dans cette affaire indiquait clairement que des Canadiens avaient reçu des paiements dans des comptes bancaires canadiens. La chronologie établie dans l'acte d’accusation indiquerait que ces paiements ont été effectués alors que RT était assujetti aux sanctions canadiennes. Les services ont été fournis à RT et le paiement a été effectué de RT à des comptes bancaires canadiens. À mon avis, cela indique une violation potentielle de notre législation en matière de sanctions.
Ma question est donc la suivante: que fait le gouvernement canadien? Y a-t-il une enquête sur les violations des sanctions? Allons-nous faire appliquer la loi déjà en vigueur? Si nous ne le faisons pas, cela enverra un message à tous les régimes étrangers qui se livrent à des opérations d’influence et d’information que c’est le Far West, qu'ils peuvent faire n’importe quoi au Canada.
Nous devons commencer dès à présent à faire respecter la loi en vigueur.
Je vais poursuivre sur le même sujet. Quelle est la responsabilité des partis politiques à cet égard? Pour vous donner un exemple, le Parti conservateur a récemment ciblé par des robots russes qui ont fait croire que de nombreuses personnes avaient assisté à un rassemblement et des choses du genre. Qui est responsable en pareil cas? Quelle est la responsabilité des conservateurs, dans cet exemple — et il y a des exemples semblables dans tous les partis — pour s'assurer qu'ils ne sont ni les victimes ni la cible, sciemment ou non, de ce genre d'ingérence?
Des recherches ont été menées sur le cas qui vient d'être mentionné et sur l'allégation au sujet de robots russes ayant donné leur appui au Parti conservateur après un rassemblement. En fait, cette allégation s'est révélée sans fondement. D'après des chercheurs de l'Université McGill, il s'agissait de programmes expérimentaux. Un étudiant a simplement sorti cette histoire pendant qu'il s'amusait avec des robots. Il n'y a donc pas lieu de faire des reproches ou de porter des allégations à l'endroit des conservateurs ni même des Russes à ce sujet. Cela ne s'est pas produit.
Bien entendu, tous les parlementaires ont l'obligation morale de rejeter toute forme de désinformation et de mésinformation et de s'engager à ne pas la propager. Il faut redoubler d'efforts pour éduquer les parlementaires. Je suis très favorable à l'idée d'offrir une formation annuelle à l'ensemble des parlementaires ainsi qu'à leur personnel sur la désinformation, la mésinformation et les activités d'influence afin qu'ils sachent à quoi cela ressemble et qu'ils puissent les détecter lorsqu'ils en sont témoins ou lorsqu'ils entendent ce genre de propos. C'est très important.
Je préconise depuis longtemps la création d'un comité parlementaire regroupant des représentants de chacun des principaux partis politiques. Une ou deux fois par semaine, ils seraient informés des fausses histoires émergentes afin que tout le monde soit sur la même longueur d'onde et pour éviter que quelqu'un, par erreur ou par inadvertance, amplifie certains de ces messages.
Ce sont là des mesures assez simples que nous pouvons prendre pour aider les parlementaires. Je suis persuadé que la plupart d'entre eux, voire la totalité, sont disposés à bien faire les choses et à s'acquitter de leur obligation morale en évitant d'amplifier ce genre de propos.
Vous avez parlé de l'utilisation de l'intelligence artificielle. Dans un article paru récemment, il était question d'une vidéo truquée de Justin Trudeau faisant la promotion d'un stratagème pour gagner de l'argent facilement. Une vidéo...
Ces outils sont très faciles à utiliser, même un enfant pourrait les utiliser sur son ordinateur portable. Il n'est pas nécessaire d'être un acteur étatique pour créer des hypertrucages. Certains aspects de l'utilisation de robots aux fins de persuasion sont plus complexes, mais au fur et à mesure que la technologie avancera, elle sera à la portée de personnes qui ne sont ni des acteurs étatiques ni des terroristes.
Monsieur Bengio, merci d'être parmi nous pour la deuxième fois. Nous avions eu une expérience malheureuse, la première fois. C'est toujours un plaisir de discuter avec vous.
Notre étude porte sur les effets de la désinformation sur les parlementaires. Pourriez-vous nous parler des risques que courent les parlementaires relativement à la désinformation, à la mésinformation et ainsi de suite?
Mon expertise réside dans l'intelligence artificielle, alors je vais me limiter à cet aspect.
Comme je le disais tantôt, on peut maintenant faire des hypertrucages au moyen de logiciels très faciles à utiliser. Dans le cas de personnalités publiques dont il est facile d'obtenir des images ou des échantillons de la voix, il devient facile de les imiter. On peut reproduire leur voix de façon très convaincante. Pour ce qui est de la vidéo, ce n'est pas toujours au point, mais cela devient de plus en plus efficace.
Ce qui m'inquiète aussi, c'est que ces systèmes nous mènent dans une direction où on pourra se faire passer pour quelqu'un de connu de manière interactive. C'est comme une personne qui commet des fraudes téléphoniques. Au moyen de l'intelligence artificielle, elle se fait passer pour quelqu'un d'autre, et l'interlocuteur à l'autre bout du fil croit vraiment qu'il est en train de parler à la personne en question. Vous pourriez donc recevoir un appel téléphonique d'un supposé chef politique et penser qu'il s'agit véritablement de lui.
Tout cela est en train de se développer. Alors, on doit absolument mettre en place des balises réglementaires pour minimiser les risques et pouvoir poursuivre les personnes qui, sous le couvert de l'anonymat, trichent sur Internet.
Un peu plus tôt, vous avez mentionné le projet de loi C‑27. Nous connaissons bien ce projet de loi.
En matière d'intelligence artificielle, quelles pratiques exemplaires d'autres pays pourraient être appliquées ici afin de protéger les parlementaires et les Canadiens?
Une des choses importantes à faire serait de mieux surveiller les systèmes pouvant être utilisés à des fins dangereuses. Comme je l'ai dit, ces systèmes coûtent des centaines de millions de dollars. Les entreprises qui les fabriquent devraient être obligées de faire des déclarations au gouvernement, de même que de lui montrer ce qu'elles font pour éviter que leurs systèmes soient utilisés à des fins dangereuses pour la démocratie, comme les situations qui nous préoccupent aujourd'hui. Par exemple, elles devraient montrer quels genres de tests elles font. Il faudrait aussi que la société civile puisse porter son regard sur tout cela. C'est un minimum.
Comme je l'ai mentionné, il y aurait aussi des choses à faire en ce qui concerne la manière dont les médias sociaux sont organisés. Il existe des technologies qui permettraient de conserver l'anonymat des utilisateurs, mais qui permettraient au gouvernement de les retrouver s'ils faisaient quelque chose d'illégal. Aujourd'hui, le gouvernement n'a pas cette possibilité. Or, les compagnies n'utiliseront pas volontairement ce genre de technologies, parce que cela crée de la friction lors de la création des comptes d'utilisateurs, et elles ne veulent pas se désavantager par rapport aux autres compagnies. Si les gouvernements décidaient de faire quelque chose comme cela, on créerait des conditions équitables pour toutes les compagnies et ce serait bon pour la société en général.
Toujours sur le plan de l'intelligence artificielle, y a-t-il des acteurs voyous ou des pays voyous qui sont plus susceptibles d'utiliser l'intelligence artificielle à de mauvaises fins?
Le pays le plus avancé en intelligence artificielle, après les États‑Unis, est la Chine. Elle a une masse critique très importante de chercheurs et de compagnies, sans parler des organismes militaires ou de sécurité nationale, notamment, qui peuvent faire toutes sortes de choses et qui ont beaucoup de moyens.
Or, ce n'est pas seulement ce genre d'acteur qui est inquiétant. Il y a aussi de plus petits acteurs qui peuvent utiliser des logiciels comme celui de Meta, qui s'appelle Llama et qui est disponible en ligne. Ils peuvent utiliser tous ces systèmes à la fine pointe sans que personne soit au courant. Ils peuvent même adapter ces systèmes pour qu'ils soient spécialisés dans la réalisation d'une tâche dangereuse pour la démocratie, voire pour l'humanité.
Autrement dit, la malveillance est accessible à plusieurs, et pas seulement à un État, étant donné que des systèmes comme celui de Meta sont accessibles.
Beaucoup de gens travaillent là-dessus. Il y a des systèmes qui essaient de faire de la vérification de faits, mais ils ne sont pas encore au point. Je pense qu'aujourd'hui, on doit dépendre des êtres humains pour ce faire.
C'est toutefois le genre de recherche qu'on devrait financer. Les États, ensemble, devraient investir pour développer l'intelligence artificielle de façon à ce qu'elle soit bénéfique à la démocratie plutôt que nuisible. Or, ce n'est pas nécessairement rentable, alors il devrait probablement revenir aux gouvernements de construire un système de défense contre les attaques en provenance d'acteurs malfaisants ayant recours à l'intelligence artificielle.
Compte tenu des progrès de l'intelligence artificielle, notamment en matière de détection du mensonge, qui est un aspect qui m'intéresse beaucoup, peut-on considérer que la vie privée devrait devenir un bien public qu'on devrait protéger?
C'est un choix qu'on peut faire. Je pense que ce choix a été fait en Europe. Ici, on va un peu dans cette direction. Je ne veux pas vraiment me positionner là-dessus. Il y a du pour et du contre, et ce n'est pas tout noir ou tout blanc.
Ce qui m'inquiète davantage, ce sont les utilisations dangereuses de ces systèmes. Ce qui m'inquiète, c'est qu'aujourd'hui on légifère en fonction des systèmes qui existent aujourd'hui. C'est une erreur, parce que les chercheurs dans les entreprises en intelligence artificielle travaillent sur des systèmes qui vont sortir dans un an, deux ans ou trois ans. Or, mettre au point des lois et des règlements prend du temps. Il faut donc qu'on soit proactif, qu'on réfléchisse et qu'on essaie de prévoir où en sera rendue l'intelligence artificielle dans un horizon de deux ans, trois ans ou cinq ans.
L'un des privilèges que nous avons en tant que députés, c'est que nous pouvons échanger avec des experts. Monsieur Bengio, il va sans dire que vous en êtes un.
J'ai quelques questions à vous poser dans la même veine que celles de mon bon ami M. Villemure, car nous semblons être la même longueur d'onde.
Compte tenu de l'accessibilité croissante des technologies capables de produire des hypertrucages dans des médias synthétiques, comme vous l'avez mentionné, quelles mesures réglementaires précises recommanderiez‑vous pour protéger les institutions démocratiques du Canada contre l'arsenalisation des médias par la propagation de mésinformation et de désinformation?
Il n'existe malheureusement pas de solution miracle, mais il est possible de prendre beaucoup de petites mesures.
Hélas, une bonne partie du pouvoir d'atténuation de ces risques réside entre les mains des Américains, notamment de leur gouvernement fédéral, ou de la Californie, en ce moment.
Le gouvernement canadien peut cependant prendre certaines mesures.
L'une des mesures les plus importantes, c'est d'obliger les entreprises qui construisent ces très puissants systèmes d'IA à faire des essais — le Royaume‑Uni et le U.S. AI Safety Institute, par exemple, prennent des mesures à cet égard — dans le but d'évaluer les capacités du système et de déterminer dans quelle mesure l'intelligence artificielle peut faire quelque chose qui pourrait nous mettre en danger. Ce pourrait être la création d'imitations très réalistes ou l'utilisation de manœuvres de persuasion, quelque chose qui n'a pas encore été beaucoup utilisé, mais je serais étonné que les Russes ne se livrent pas déjà à ces activités à l'aide de logiciels à code source libre.
Ce que nous devons savoir, essentiellement, c'est comment un acteur malveillant pourrait utiliser les systèmes à code source libre disponibles sur le marché ou téléchargeables pour faire quelque chose susceptible de nous mettre en danger. Nous devons ensuite évaluer la situation afin d'obliger les entreprises à atténuer ces risques ou de les empêcher de produire quelque chose qui risque de causer de fortes perturbations.
Vous avez dit, je pense, que comme cette piste de recherche n'est pas vraiment viable sur le plan commercial, les États devront investir dans ce domaine pour y conférer l'immunité. D'une certaine façon, je vois cela comme une forme de dépense au titre de la défense nationale.
Que pensez‑vous de l'idée d'une réglementation internationale? Par exemple, il pourrait y avoir des traités qui porteraient spécifiquement sur l'IA et qui exerceraient une forme de pression sur les pays ou, si jamais il existait des preuves que des acteurs étatiques étaient impliqués, permettraient de démontrer la culpabilité de ces derniers.
Je vais d'abord vous laisser répondre et je vous poserai ensuite une question complémentaire.
Il se trouve que je suis très engagé dans ce genre d'efforts au sein de la communauté internationale. Je préside un groupe international, plus ou moins calqué sur le GIEC, mais axé sur la sécurité de l'intelligence artificielle. Je participe également aux discussions à l'ONU et à l'OCDE sur l'harmonisation et la coordination de la réglementation et des traités en matière d'IA.
Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Il est également important que chaque pays y mette du sien.
Un projet de loi a été déposé ici au Canada et nous devons apporter notre contribution. L'esprit de ce projet de loi est comparable à celui du décret exécutif émis par les Américains ou à la loi sur l'intelligence artificielle adoptée par les Européens.
Nous devons également jouer un rôle de premier plan sur la scène internationale. En tant que puissance moyenne, le Canada représente une menace moins forte que les États‑Unis dont les intérêts commerciaux sont très importants. Je pense que nous pouvons nous entendre plus facilement avec les Européens, par exemple, et même avec les pays en voie de développement qui se préoccupent également de la façon dont les choses progressent.
Nous pouvons également jouer un rôle important et positif dans la lutte géopolitique qui se profile entre les États‑Unis et la Chine, ce qui complique la recherche de solutions internationales.
J'entends souvent dire que nous sommes en présence d'un « axe numérique du mal ». Nous parlons de la Chine, de la Russie et parfois de l'Inde.
N'est‑il pas exact de dire que tous les pays y participent d'une manière ou d'une autre? La question est souvent de savoir dans quelle mesure leur discours constitue une campagne d'influence et exerce une influence internationale, par rapport à l'ingérence internationale.
Pour revenir à l'idée de mettre en place des traités ou une loi internationale, vous avez parlé des États‑Unis et de l'Europe. Ces pays ne participent‑ils pas également à ce processus? Dans l'affirmative, les règlements qu'ils proposent tiennent‑ils compte uniquement de leurs intérêts à court terme et nationaux?
Je pense qu'il existe des lignes rouges en matière d'éthique. Nous avons des protections juridiques qui n'existent pas dans d'autres pays, il y a donc des différences. Vous avez raison de dire qu'à des degrés divers, tous les pays essaient d'utiliser la technologie à leur avantage.
Nous devons absolument faire preuve de plus de transparence quant à la façon dont ces outils sont utilisés, que ce soit par des entreprises ou par des acteurs étatiques. Nos gouvernements pourraient éventuellement être tentés d'utiliser l'intelligence artificielle pour influencer leurs propres citoyens. Nous devons également avoir des garde‑fous à cet égard et nous devons, bien entendu, nous protéger contre les acteurs étatiques qui ont clairement l'intention de déstabiliser nos démocraties.
Nous devons réfléchir au fait que, dans quelques années — une dizaine d'années, peut‑être, je ne sais pas —, nous allons construire des machines qui seront aussi intelligentes que les humains. Cela est tout à fait plausible, c'est du moins ce que pensent la plupart des chercheurs du domaine de l'intelligence artificielle. Comment ces outils seront‑ils utilisés? Il y a un risque que les personnes qui contrôleront ces machines abusent de leur pouvoir.
Monsieur Kolga, en novembre 2022, vous avez témoigné devant le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, dans le cadre de son étude sur l'ingérence électorale étrangère. À cette occasion, je vous ai posé quelques questions sur la campagne de désinformation menée par Beijing dans la circonscription de Steveston—Richmond-Est. Depuis, une foule de nouvelles informations ont émergé de l'enquête publique et d'autres tribunes, y compris de notre comité.
La semaine dernière, le Bureau de la commissaire aux élections fédérales a déposé un rapport dans le cadre de l'enquête publique sur l'ingérence étrangère dans les processus électoraux fédéraux et les institutions démocratiques. Le rapport a confirmé que la République populaire de Chine a ciblé l'ancien député de Steveston—Richmond‑Est, Kenny Chiu, dans le cadre d'une campagne de désinformation visant à dissuader des électeurs de voter pour lui, par des moyens assez sophistiqués, notamment en amplifiant les faux messages sur les plateformes de médias sociaux.
Dans son rapport initial déposé au printemps, la juge Hogue faisait remarquer qu'il est « raisonnable de croire que ces faux propos ont eu des répercussions sur les résultats dans cette circonscription ». Autrement dit, la désinformation était suffisamment importante pour avoir pu faire pencher la balance quant au résultat de l'élection dans cette circonscription, entraînant ainsi la défaite de M. Chiu.
Ne trouvez‑vous pas cela alarmant, tout comme moi? Il me semble que cela devrait servir de mise en garde quant à la gravité de la menace d'ingérence étrangère de la part d'États étrangers hostiles, notamment de la République populaire de Chine, pour notre démocratie et l'intégrité de nos élections.
Je suis convaincu que cette opération a eu une incidence sur le résultat.
Quant à savoir si cela a vraiment fait pencher la balance d'un côté ou de l'autre, nous ne le savons pas, mais il ne fait aucun doute que cela a eu un certain impact.
Comment prévenir cela à l'avenir? Je vais répéter ce que j'ai dit tout à l'heure. Nous avons essayé de sonner l'alarme au sujet de cette opération pendant qu'elle se déroulait ou peu après l'avoir observée. C'est ce que nous devons faire à l'avenir.
Je ne suis pas certain qu'il incombe au gouvernement de jouer ce rôle. Nous devrions certes donner ce pouvoir aux organisations de la société civile, à celles qui surveillent l'espace de l'information, qui le comprennent et qui savent où chercher. Nous devons confier ce pouvoir aux groupes et aux personnes qui font ce travail afin qu'ils puissent alerter les Canadiens et les médias canadiens quand des activités de ce genre ont lieu. Cela contribuera à renforcer notre résilience et notre démocratie.
Vous avez dit que ce n'est peut‑être pas le rôle du gouvernement de faire ça, mais il y avait des structures et des mécanismes en place au moment des élections de 2021.
Je fais remarquer qu'en mai 2021, l'Unité de gestion des enjeux a envoyé une note au ministre de la Sécurité publique pour lui signaler que la République populaire de Chine s'intéressait de très près à la circonscription de Kenny Chiu. La note s'est retrouvée dans le néant. Le ministre Blair prétend n'en avoir jamais pris connaissance, même si elle lui a bien été adressée à lui, à son chef de cabinet et au sous‑ministre de la Sécurité publique.
Dans la foulée de l'article du Global Times du 9 septembre 2021, le mécanisme de réponse rapide d'Affaires mondiales Canada a mis en évidence les fausses informations qui étaient propagées. L'affaire a été portée à l'attention du comité des élections mis sur pied par le gouvernement pour contrer l'ingérence étrangère et sensibiliser les gens aux activités d'ingérence.
Pendant tout ce temps, Kenny Chiu a été abandonné dans une mer de désinformation. Non seulement il s'y est noyé, mais il existe des preuves que le Parti libéral a amplifié les fausses informations véhiculées par le régime de Beijing. Non seulement la République populaire de Chine est‑elle intervenue dans la circonscription de Steveston—Richmond‑Est, mais l'un des principaux partis politiques, le Parti libéral, a en fait amplifié la désinformation, ce qui a peut‑être causé la défaite de Kenny Chiu
Êtes‑vous d'accord pour dire que le système a laissé tomber Kenny Chiu et les électeurs de Steveston—Richmond‑Est?
Je suis convaincu qu'il est possible d'améliorer ce système pour faire en sorte que, si jamais de telles manœuvres étaient détectées lors de prochaines élections, elles soient portées à l'attention des personnes qui en sont la cible.
Cela va au‑delà des élections; cela s'applique également à ce qui se passe entre les élections. Que ce soit des d'élus, des candidats ou des activistes ciblés par des manoeuvres de mésinformation, ces personnes doivent en être avisées. Il y a largement place à l'amélioration.
Merci également à nos témoins de se joindre à nous dans le cadre de cette étude très importante
J'attire votre attention sur le projet de loi C-70. Connaissez‑vous la motion 112 qui a également été présentée à la Chambre? Le sujet de nos échanges ici, c'est l'information.
D'importantes recommandations ont été formulées dans le cadre de cette étude. À la fin de sa question, M. Cooper a dit qu'il y avait eu mésinformation. Le Parti libéral n'a pas amplifié les allégations dont il parle. Il est clair qu'il a tiré des conclusions différentes plus tôt aujourd'hui au cours de cette étude.
Je vais toutefois m'en tenir aux points importants et revenir aux solutions et aux améliorations dont vous parlez pour savoir ce que nous pouvons faire mieux. Pour ce qui est de l'échange de renseignements, nous pouvons examiner la Loi sur la protection de l'information. En fait, un ancien directeur du Service canadien du renseignement de sécurité est venu témoigner dans le cadre de notre étude et nous a dit combien il était important de s'en servir comme d'un outil d'application de la loi. J'ai parlé de la motion 112 et de l'échange de renseignements avec des pays hostiles ainsi que de certains accords qui existent déjà et qui doivent être examinés. J'ai rédigé la motion 112 en collaboration avec le député Dhaliwal .
Pouvez‑vous nous expliquer l'importance de la Loi sur la protection de l'information, en vous appuyant sur vos connaissances à ce sujet? Quel impact peut avoir le fait qu'elle n'ait pas été mise à jour depuis plus de 20 ans?
Je pense que cette loi aura un impact énorme si elle est bien mise en oeuvre et, je le répète, si elle est appliquée. La mise à jour de la Loi sur la protection de l'information prévue dans le projet de loi C-70 contribuera grandement à la protection des communautés vulnérables, des activistes, des journalistes et, bien sûr, des parlementaires qui sont la cible de répression transnationale. Je pense que c'est positif.
Il y a aussi la mise à jour de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité qui permettra au SCRS de communiquer avec des organisations non gouvernementales, si cela est pertinent, ne serait‑ce que pour mettre en garde les personnes et les groupes ciblés par ce genre d'opérations et pour informer les organisations de la société civile que des opérations de ce genre ont été détectées. Nous serons ainsi mieux préparés à défendre la démocratie et la société canadiennes contre de telles activités. C'est là une amélioration importante.
Le projet de loi C-70 a mené à l'adoption du Registre canadien pour la transparence en matière d'influence étrangère, un outil qui sera aussi d'une importance cruciale. Nous devrons garder un oeil sur la manière dont la loi sera mise en oeuvre, mais elle sera un outil extrêmement important pour nous défendre contre ce genre d'opérations dans le futur. J'espère que la loi sera mise en oeuvre très rapidement et qu'elle sera appliquée.
Je vais maintenant vous poser une autre question sous un angle différent.
Selon vous, faudrait‑il procéder à une vérification plus rigoureuse des antécédents des personnes qui souhaitent se présenter aux élections et qui ont peut‑être déjà entretenu des liens avec des entités étrangères et des pays étrangers?
En 2020, par exemple, l'actuel député de Calgary Heritage a participé à la production d'un rapport controversé de l'ancien journaliste de la CBC, Terry Milewski, qui alléguait que le Pakistan avait créé, en secret, un mouvement séparatiste sikh. Ce rapport a ensuite été amplifié par les comptes rendus officiels du gouvernement indien. Plus tard, ce même député a piloté le partenariat entre l'Institut Macdonald-Laurier et la New Delhi Observer Research Foundation, un groupe de réflexion indien créé avec des fonds de grandes sociétés pétrolières indiennes, et il en est aujourd'hui membre.
Devons‑nous nous pencher sur les liens que des députés comme lui ont pu entretenir avec des gouvernements précédents qui se livrent maintenant à des hostilités et s'ingèrent dans les affaires nationales?
Certainement. Le processus d'examen des candidats des trois ordres de gouvernement devrait être beaucoup plus rigoureux. Je pense que personne ne s'opposerait à ce que ce processus fasse l'objet d'une transparence accrue. Je suis tout à fait favorable à cela.
Merci, monsieur le président. Je tenterai de faire bon usage de ces deux minutes et demie.
Monsieur Bengio, je me tourne de nouveau vers vous.
Pourriez-vous prendre un moment pour adopter un regard prospectif, nous décrire l'avenir de l'intelligence artificielle et, si c'est possible, nous donner quelques exemples?
Je vous remercie de me poser cette question, parce que je pense qu'on ne porte pas assez le regard vers l'avenir.
Il faut comprendre que l'intelligence humaine ne connaît pas de limites absolues. Il est presque certain qu'on va pouvoir construire des machines qui vont nous dépasser dans beaucoup de domaines. On ne peut pas savoir avec certitude si ce sera dans quelques années ou dans quelques décennies, mais il faut s'y préparer.
Ce qui me semble peut-être le plus inquiétant, c'est que cela veut dire que ceux qui vont contrôler ces systèmes auront un pouvoir immense, que ce soit des États, des entreprises ou d'autres. Je parle de cela parce qu'aujourd'hui on s'intéresse à la protection de la démocratie. Il va falloir mettre des balises pour s'assurer de ne pas avoir trop de pouvoirs concentrés à un seul endroit, que ce soit entre les mains d'une personne, d'un chef d'entreprise, de n'importe quelle autre organisation, ou même d'un gouvernement. Plus les possibilités de ces systèmes deviendront grandes, plus la question de la gouvernance deviendra importante.
C'est un peu comme si on créait des entités ou une nouvelle espèce dont l'intelligence surpasserait peut-être la nôtre. C'est quelque chose de très dangereux. Il faut qu'on exerce un contrôle là-dessus pour s'assurer que l'intelligence artificielle reste un outil, et non quelque chose qui pourrait entrer en concurrence avec les humains. On parle de quelque chose de beaucoup plus éloigné dans le temps, mais des gens dans des entreprises comme OpenAI et Anthropic pensent que ça pourrait arriver aussi rapidement que dans cinq ans. Il faut donc commencer à s'en préoccuper aujourd'hui.
Justement, nous avons ici aujourd'hui un rôle de législateur. Que pouvons-nous faire dès maintenant, outre le projet de loi C‑27, afin d'appréhender ces défis de l'avenir qui se précipitent vers nous?
Je pense qu'il faut donner des incitatifs aux entreprises pour mettre au point de meilleures protections. Le gouvernement doit financer de la recherche pour que les systèmes d'intelligence artificielle tendent vers la protection du public. Tout à l'heure, on parlait de vérification des faits, par exemple. Il faut concevoir des outils qui vont aider notre communauté du renseignement et de la sécurité nationale à se protéger contre les attaques qui pourraient venir d'autres pays ayant recours à l'intelligence artificielle. Avec l'aide de nos partenaires internationaux, il faut mettre au point des manières de développer l'intelligence artificielle afin qu'elle soit sécuritaire.
Or, toutes ces questions relèvent davantage des gouvernements que des entreprises qui fabriquent des gadgets. Celles-ci veulent maximiser leurs profits. Elles ne sont pas là pour le bien collectif. Elles se font concurrence pour nous vendre le plus de choses possible, ce qui est tout à fait normal dans notre système de marché. Toutefois, cela veut dire que la responsabilité revient aux gouvernements. Ce sont eux qui doivent s'en occuper.
Monsieur Bengio, j'ai entendu des gens qui connaissent bien l'intelligence artificielle minimiser certains des commentaires sur son potentiel.
Vous avez abordé certains points, et je veux parler de la singularité de cette technologie, ou de l'idée qu'un jour, sa croissance technologique deviendra incontrôlable et irréversible, ce qui risquerait d'entraîner des conséquences imprévisibles.
Quel est votre avis à cet égard? Est‑il exagéré d'évoquer cette possibilité, ou est‑ce nous devrions en tenir compte?
Permettez‑moi de vous dire ceci: personne n'a de boule de cristal.
Les chercheurs en intelligence artificielle, comme vous l'avez mentionné, ne s'entendent pas sur les différents scénarios. Il est donc logique de penser qu'il y a une diversité de scénarios. Certains sont fantastiques, d'autres sont terribles. Certaines personnes évoquent une extinction de l'humanité et de bien d'autres scénarios.
La responsabilité de la politique publique est d'investir, de veiller à ce que nous puissions mieux nous orienter à travers ce brouillard au fur et à mesure que nous progressons et d'éviter les scénarios catastrophiques de chamboulement de nos démocraties ou même de création de monstres qui pourraient se retourner contre les humains. La science informatique peut fournir des arguments expliquant comment tous ces cas de figure pourraient se produire.
Comme il ne me reste qu'une minute et demie environ, je vous invite à nous faire parvenir vos commentaires à ce sujet. Je vais donc vous poser une question précise, compte tenu de votre expertise en la matière.
Nous avons parlé des obligations internationales du Canada. J'aimerais maintenant parler de la réglementation nationale. Je crois que le gouvernement a un rôle à jouer. Il n'y a pas de solution de libre marché à cela, parce que de toute évidence, les marchés libres encourageront certains des pires comportements de base.
Avec l'intelligence artificielle, l'éthique et le principe de responsabilité, comment pouvons‑nous élaborer un cadre éthique pour les développeurs d'IA afin de garantir la reddition de comptes quand les technologies d'IA sont utilisées pour propager de la désinformation, particulièrement dans un contexte susceptible d'avoir une incidence sur les processus démocratiques?
Nous pouvons examiner ce qui a été récemment proposé en Californie, où la transparence et la reddition de comptes sont des moyens de veiller à ce que les entreprises utilisent ces systèmes à bon escient. C'est vraiment formidable, parce que le gouvernement n'a pas besoin de leur dicter ce qu'elles doivent faire. Grâce à la transparence, les entreprises dévoilent ce qu'elles font pour s'assurer que ces systèmes ne seront pas dangereux et que le public aura une bonne opinion d'elles. Maintenant, en ce qui concerne la responsabilité, ces entreprises doivent être honnêtes au sujet des préjudices potentiels que pourraient causer ces systèmes créés par elles‑mêmes ou par des tiers.
Je ne veux pas dire par là qu'une de ces entreprises cherchera directement à porter atteinte à des gens, mais si elle permet indirectement à un terroriste de faire quelque chose de mal ou de créer un monstre, comme je l'ai mentionné, ce qui pourrait avoir un coût énorme pour la société, cette entreprise doit comprendre qu'elle en sera financièrement responsable.
Permettez‑moi de donner aux témoins une idée de ce qui s'est produit la semaine dernière, le 22 septembre. La chaîne CTV News a diffusé un segment sur un vote de confiance qui allait avoir lieu à la Chambre. Dans ce segment, CTV a délibérément déformé les propos du chef de la loyale opposition de Sa Majesté . C'est extrêmement grave. Nous parlons de CTV News, une chaîne qui appartient à Bell, un géant des médias au pays.
Ce qui s'est passé est choquant. CTV News a agencé enemble différentes parties des propos du chef de l'opposition dans le but de donner une impression erronée. Tout d'abord, cela a faussé ses propos, en lui faisant dire quelque chose qu'il n'a jamais dit. L'intention était de faire croire aux téléspectateurs que la motion de l'opposition portait, non pas sur le déclenchement d'une élection sur la taxe carbone — ce qui était le cas —, mais sur l'opposition du parti au programme de soins dentaires des libéraux. La motion portait bel et bien sur la taxe carbone.
On ne parle pas d'une erreur, d'un malentendu durant le montage ni d'un problème technique. Ce n'est pas un problème de communication. Il s'agissait très clairement d'un effort de la part d'une entreprise médiatique, d'un organe de presse, pour manipuler les propos du chef de l'opposition juste avant la tenue d'un vote de confiance à la Chambre des communes, dans un parlement minoritaire. Il est question ici de désinformation, de la nécessité de faire confiance et de savoir à qui nous pouvons faire confiance.
Nous nous inquiétons de ce que nous voyons en ligne, mais nous parlons ici de CTV News. Nous connaissons tous CTV News. Cette entreprise a diffusé une déclaration qu'elle a créé en combinant plusieurs phrases pour faire dire au chef de l'opposition quelque chose qu'il n'a pas dit. Les conservateurs réclamaient des élections sur la taxe sur le carbone et la chaîne leur a fait dire autre chose. Comment les Canadiens pourront‑ils continuer à accorder leur confiance à des sources fiables s'ils ne peuvent pas avoir confiance qu'un important organe de presse se contentera de rapporter ce que le chef de l'opposition a réellement dit, au lieu de faire délibérément un montage pour lui faire dire quelque chose qu'il n'a jamais dit?
Je suis un expert en matière d'information étrangère et d'opérations d'influence, pas en ce qui concerne les politiques éditoriales de CTV, mais je reconnais qu'il est très important que les Canadiens puissent faire confiance à leurs sources médiatiques, surtout à l'heure actuelle, où la confiance dans les médias est en déclin.
Encore une fois, je suis un expert en matière d'influence étrangère et d'opérations d'information, pas en ce qui concerne ce genre de situations nationales.
J'ai l'impression que ces gens se sont inspirés directement du guide qu'utilisent des entités étrangères qui cherchent à semer la désinformation dans notre pays.
Je pense que notre pays souffre d'un réel problème. Nous nous tournons vers l'extérieur pour examiner les effets de l'ingérence, de la désinformation et de la mésinformation, et ceci est un exemple de désinformation. Il s'agit de quelque chose qui n'a manifestement pas eu lieu, qu'ils ont monté ensemble.
Nous parlons des deepfakes. Ils n'ont pas utilisé l'intelligence artificielle; ils ont utilisé une suite de montage pour créer un mensonge, et cela est choquant. En fait, nous parlons d'une technologie vraiment rudimentaire. Il s'agit d'une désinformation domestique à faible technologie.
Je pense que le fait que cette organisation soit fortement subventionnée par le gouvernement Trudeau et qu'elle ait ensuite miné le chef de l'opposition à la veille d'un vote de confiance nous dit quelque chose de très effrayant sur les intérêts puissants qui appuient Justin Trudeau et qui s'ingèrent dans nos institutions démocratiques.
Monsieur Fisher, nous allons commencer par vous, puis je crois comprendre que nous allons donner la parole à Mme Khalid pour qu'elle termine vos cinq minutes. Allez-y.
Je tiens à remercier nos deux distingués témoins non seulement pour leur présence et leurs témoignages aujourd'hui, mais aussi pour leur patience à l'égard de notre comité, car je sais qu'ils ont déjà comparu devant nous et que nous avons eu des votes et d'autres choses. Merci beaucoup d'être venus aujourd'hui.
Au sujet de l'intelligence artificielle, de l'ingérence étrangère, de la désinformation, de la mésinformation et des deepfakes, au cours de la dernière heure, les témoins ont parlé de la perte de confiance dans les médias et du manque d'esprit critique. Les gens ne savent tout simplement pas ce qu'il faut croire ni qui croire ni à qui faire confiance. J'ai eu une conversation avec une voisine qui m'a dit qu'elle ne regardait plus les nouvelles, que ce soit sur les réseaux sociaux ou à la télévision. C'est déchirant. Elle s'efforce consciemment de ne pas regarder les nouvelles parce qu'elle a été trompée par la désinformation, la mésinformation ou la malinformation dans les reportages.
Au cours de la dernière heure, nous avons demandé à nos témoins de nous fournir des recommandations. Comment faire pour que les gens de ma circonscription puissent à nouveau faire confiance aux nouvelles?
J'aimerais d'abord demander à M. Bengio, et je comprends, monsieur Kolga, que cela ne relève peut-être pas exactement de votre niveau d'expertise, et j'apprécierais également votre opinion.
Je vais répéter ce que j'ai dit plus tôt, ce que j'ai fait valoir devant le Sénat américain il y a un an, à savoir que nous devons mettre fin — avec nos partenaires internationaux, mais nous pouvons faire notre part ici — la pratique des comptes de médias sociaux anonymes qui permettent l'ingérence étrangère, qui permettent même à l'intelligence artificielle d'utiliser des milliers de comptes d'une manière qui rend difficile non seulement de les retracer et de les supprimer, mais aussi d'emprisonner les personnes qui contreviennent à nos lois.
La raison pour laquelle ils ne demandent pas ce que votre banque demande lorsque vous ouvrez un compte est qu'ils ne veulent pas vous compliquer la tâche pour créer un compte, parce qu'ils gagnent de l'argent en ayant plus de clients. Ils veulent faciliter les choses et sont en concurrence avec d'autres entreprises. Si nous avions des lois, il serait techniquement possible de protéger la vie privée de manière à ce que les autres utilisateurs ne sachent pas nécessairement qui vous êtes, mais le gouvernement, doté d'un mandat approprié, pourrait le faire.
Il y a un certain nombre de chercheurs dans le monde qui réfléchissent à la façon de faire cela. Il y a des solutions techniques, et nous devrions aller dans cette direction.
J'ajouterais seulement que nous devrions nous tourner vers l'Europe. Nous devrions examiner la Loi sur les services numériques. Elle est très efficace en Europe — je ne dirais pas « très efficace », mais elle est efficace. Il s'agit d'un pas dans la bonne direction. L'Europe fait des progrès quant à la responsabilisation des entreprises de médias sociaux, notamment en ce qui a trait au contenu publié sur leurs sites. Nous devons reproduire cela au Canada.
Nous devrions également nous tourner vers nos alliés européens, comme la Finlande, qui a fait un excellent travail pour veiller à ce que les générations futures aient les compétences en matière de médias numériques dont elles ont besoin pour favoriser ce genre de réflexion critique. Ils intègrent l'éducation aux médias numériques dans chaque cours et chaque année du programme scolaire. Il ne s'agit pas seulement d'un cours par année ou d'une classe par année, mais de l'ensemble de l'éducation d'un enfant, de la maternelle à l'école secondaire. Ils apprennent à maîtriser les médias numériques. C'est quelque chose que nous devrions faire aussi. Nous devons commencer à perturber ce genre d'activités, surtout en ce qui concerne l'influence étrangère et les opérations d'information. Nous devons trouver des moyens de perturber ces activités.
C'est ce que font nos alliés européens. Nous devons nous tourner à nouveau vers eux pour apprendre comment ils procèdent et reproduire ces efforts ici. Si nous ne perturbons pas ces opérations, si nous ne demandons pas des comptes à ceux qui collaborent avec ces régimes étrangers, nous ne prendrons pas de mesures dissuasives à leur égard.
Il vous reste 20 secondes, madame Khalid. J'ai regardé M. Fisher.
J'ai une question à poser, et j'espère que vous me le permettrez.
Tout d'abord, permettez-moi de dire, monsieur Kolga et monsieur Bengio, que malgré les problèmes techniques que nous avons eus par le passé, cela valait la peine d'attendre. Vous avez fourni des renseignements précieux au Comité.
Qu'on le veuille ou non, tôt ou tard, il y aura des élections au Canada. Les élections sont prévues dans près d'un an, voire plus tôt.
J'aimerais vous entendre tous les deux, d'abord au sujet de l'ingérence étrangère, puis, monsieur Bengio, au sujet de l'intelligence artificielle, des préoccupations que les partis politiques et les Canadiens devraient avoir, et peut-être des signes avant-coureurs à l'approche des prochaines élections.
Quelles sont certaines des choses que nous pourrions prévoir, pour ainsi dire?
Monsieur Kolga, je vais commencer par vous, puis nous conclurons avec vous, monsieur Bengio.
Encore une fois, une preuve tangible nous vient des États-Unis avec la mise en accusation du département de la Justice. Dix millions de dollars ont servi à créer une nouvelle plateforme, avec l'aide des Canadiens, pour essayer d'influencer le discours canadien et américain. C'est ce qui se passe. Il ne s'agit pas de quelque chose qui va se produire lors du déclenchement des élections. Cela est déjà en cours.
Je pense que l'un des problèmes que nous avons dans ce pays, c'est cette croyance que ces régimes autoritaires étrangers n'agissent que lorsqu'il y a des élections. Ce n'est pas le cas. La Chine et la Russie sont sophistiquées. Ils participent à ce genre d'opérations bien avant les élections. Ils agissent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
Le gouvernement russe, par exemple, consacre 3 milliards de dollars par an à ces opérations. Nous sommes loin du compte. Même en combinant tous les pays de l'OTAN et leurs ressources sur le plan des dépenses affectés à la lutte contre ces opérations, nous serions loin du compte. Nous voyons que cela se passe.
Je crois que nous devons prendre du recul et reconnaître qu'il ne s'agit pas seulement des périodes électorales, mais d'une opération à plein temps. Comment allons-nous nous défendre contre cela?
Du point de vue de l'intelligence artificielle, maintenant et à l'avenir, en période électorale, quelles sont certaines des choses dont nous devrions nous inquiéter à l'approche d'un cycle électoral, monsieur Bengio?
Nous devons nous préoccuper de la technologie qui existe déjà et qui peut servir à créer des deepfakes de toutes sortes et à imiter les gens, leurs voix, leurs apparences et leurs mouvements. Je pense que nous devons commencer à nous préparer en fonction d'outils qui pourraient être lancés dans six mois ou quelque chose du genre.
Encore une fois, l'intelligence artificielle n'est pas statique. Elle s'améliore à mesure que de nouveaux systèmes et de nouvelles entreprises mettent au point de nouvelles méthodes de formation qui la rendent plus compétente.
Je vais aborder un aspect un peu technique, à savoir qu'une fois qu'un de ces vastes systèmes qui ont coûté plus de 100 millions de dollars a été formé, il est relativement peu coûteux de le prendre — surtout s'il s'agit d'un système à source ouverte — et de faire un peu plus d'efforts pour le rendre vraiment performant dans une tâche particulière. C'est ce qu'on appelle la mise au point.
Vous pouvez imaginer, par exemple, que les Russes utilisent le LLaMA de Facebook. Ils pourraient l'utiliser sur les réseaux sociaux et interagir avec les gens pour voir s'il fonctionne bien, puis ils pourraient prendre ces données pour améliorer le système davantage pour convaincre les gens de changer leur opinion politique sur un sujet donné.
Comme je l'ai dit plus tôt, il y a déjà des études qui démontrent que le GPT-4, tel qu'il est, est déjà meilleur que les humains, mais seulement légèrement, surtout lorsqu'il a accès à votre page Facebook. Toutefois, la situation pourrait s'aggraver considérablement en l'absence de nouvelles percées scientifiques, simplement avec un peu d'ingénierie du genre qu'il pourrait facilement réaliser.
Cela signifie qu'ils peuvent maintenant lancer des robots qui pourraient parler à des millions de personnes en même temps et essayer de les faire changer d'avis. C'est un genre de technologie que nous n'avons pas vue, ou peut-être que cela se fait déjà et que nous ne sommes pas au courant. Cela pourrait changer la donne pour les élections de façon négative.
Merci, messieurs, de nous avoir fourni des renseignements si précieux, et merci du temps précieux que vous nous avez accordé aujourd'hui.
Merci, madame la greffière, d'avoir fait venir nos témoins.
Cela met fin à la réunion d'aujourd'hui. Je n'ai rien d'autre à ajouter. Je vous souhaite à tous une excellente fin de semaine et à la semaine prochaine.